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Marche jusqu’au viaduc

 

                                           Marche jusqu’au viaduc

Elles ont probablement pris le bus 361. On peut le trouver à la gare d’Argenteuil d’où il part. C’est à une dizaine de minutes, en marchant bien, depuis le lycée Cognac-Jay.

 

Si elles sont parties du lycée, elles ont peut-être même pris le bus depuis le centre-ville d’Argenteuil, avenue Gabriel Péri, pour aller jusqu’à la gare. Et puis, attendre et prendre le bus 361 ensuite jusqu’à l’arrêt Belvédère. Là où Argenteuil se rapproche de la ville d’Epinay sur Seine.

L’arrêt  » Belvédère » du bus 361 où Alisha est peut-être descendue avec sa camarade, le 8 mars.

 

 

En partant depuis la gare d’Argenteuil jusqu’à l’arrêt Belvédère, près du viaduc qui passe sous l’autoroute A15,  en bus, cela doit prendre une dizaine de minutes.

 

Ce trajet peut même se faire à pied. C’est ce que je viens de faire, ce matin, après avoir emmené ma fille à l’école. Même si le bus 361 a un arrêt près de chez nous.

 

Intérieur-Extérieur

 

Il y a quelques nuits, au travail, j’ai eu un moment de déprime, en sourdine, venu sans prévenir. C’est passé. Personne n’a rien vu. Ni au travail. Ni chez moi. Je suis comme beaucoup de monde : j’ai un extérieur. Et un intérieur. Entre les deux, je filtre. Je fais le tri entre ce que je choisis de montrer et d’exprimer selon le moment, selon l’interlocuteur que j’ai en face de moi, selon la situation, et, bien-sûr, selon la gravité que j’attribue à ce que je ressens ou pense.

 

Une histoire de confiance

 

Bien-sûr, il y a aussi une histoire de confiance. Certaines personnes se racontent facilement voire à n’importe qui par la voire orale. Je dirais que je sélectionne assez strictement celles et ceux à qui je me confie.  Mais, aussi, que je n’aime pas inquiéter mon entourage d’une manière générale. Des coups durs et des contrariétés, on peut en vivre à peu près tous les jours.

 

Apprendre à encaisser et à esquiver

 

Pour vivre, Il faut donc, aussi, apprendre à encaisser et à esquiver. Mais, aussi, à  alerter des personnes ad hoc, ou qui l’on peut, lorsque cela devient vraiment nécessaire.

 

S’il est certaines menaces et certains dangers que l’on ignore ou que l’on néglige, il est, aussi, trop de fausses urgences ou trop de fois où l’on va brasser beaucoup de forces pour presque rien. On me dira : mieux vaut prévenir que guérir. Bien-sûr. Mais ça peut-être utile, aussi, pour d’autres qui peuvent véritablement en avoir besoin, d’apprendre soi-même la différence entre une vraie urgence et ce qui l’est moins.

 

Le même père

 

A mon travail, donc, il y a quelques jours, personne n’a su, je crois, que j’ai eu un petit passage à vide. A la maison, non plus, pour les mêmes raisons. Ce matin, je suis resté le même père qui engueule sa fille avant de l’emmener à l’école parce qu’elle traînait. Alors que j’avais tout préparé avec elle une bonne vingtaine de minutes plus tôt pour éviter ce genre de situation. Lors du trajet vers l’école, après quelques minutes de marche, ma fille a mis sa main dans la mienne. Bien-sûr, je l’ai prise. Il arrivera un jour où nous ne nous donnerons plus la main, elle et moi. D’ici là, j’espère être parvenu à lui apprendre ce qu’est une vraie urgence, mais aussi à se défendre et à avoir confiance en elle.

 

Si Alisha, ce 8 mars 2021….

 

 

Si Alisha Khalid, ce 8 mars 2021, avait effectué le trajet jusqu’au viaduc en marchant, j’ai envie de croire que sa mort aurait pu être esquivée. 

Ce trajet jusqu’au viaduc où elle a été tabassée puis d’où elle a été jetée dans la Seine, je viens de le faire à pied à l’aller comme au retour. Bien-sûr, là-bas, personne ne m’attendait pour me faire la peau ou me foutre le feu.

 

A l’aller, comme j’avais du mal à situer où ça se trouvait, j’ai dû demander mon chemin à plusieurs personnes.

 

 

14 ans

 

En Mai, cela fera 14 ans que j’habite dans cette ville. Pourtant, je ne m’étais jamais rendu à cet endroit.

 

Il y a 14 ans, Alisha venait à peine de naître. Ses deux meurtriers avaient un an tout au plus. Cela nous rappelle qu’il s’en passe du temps, avant de devenir meurtrier. Dans mon premier article ( Alisha, 14 ans, morte dans la Seine ce 8 mars 2021), j’ai écrit que « trois » personnes avaient tué Alisha. Deux garçons et une fille. J’ai dû mal comprendre ou peut-être que c’est une information qui a au début circulé. 

J’ai décidé de laisser cette erreur dans cet article.

 

Deux visages

 

Cette erreur de « récit » ne change rien : Alisha est morte après s’être faite piégée. On peut aussi se dire que le garçon qui l’a frappé avait, comme nous tous (femmes ou hommes), au moins deux visages. Celui, le plus connu, du garçon tranquille et « sans histoire » ( qu’est-ce que ça veut dire, « être sans histoire » ? Nous avons tous une histoire). Et,  ce 8 mars 2021, celui de l’agresseur qui a attendu sa victime qui lui a été apportée en sacrifice sur un plateau. 

 

On peut bien-sûr avoir deux visages, un visage public et un visage plus intime ou plus secret, sans être pour autant un meurtrier ou un criminel.

 

Mais il se trouve que pour Alisha, le deuxième visage de ce  jeune garçon et de sa complice, a été celui, le 8 mars 2021, de deux meurtriers.

 

 

Erreur de récit et nombre d’agresseurs

 

 

Cette erreur de récit concernant le nombre d’agresseurs d’Alisha ne change rien :

 

Lorsque des événements subits nous arrivent, nous recomposons et interprétons partiellement, difficilement, et souvent avec des erreurs, les informations que nous recevons.

Parce qu’émotionnellement et intellectuellement, nous sommes limités et qu’il nous faut un temps plus ou moins long pour nous ajuster à l’événement. Pour bien et mieux comprendre. Lorsque nous sommes capables de bien reconstituer le puzzle :

Le trauma et la perte d’un être proche – ou non- peuvent nous empêcher de « comprendre » et de reconstituer le puzzle des événements.

 

 

Contributions à la réussite du/d’un crime :

 

Le 8 mars,  le trajet en bus- s’il a eu lieu– a contribué à la réussite du crime. Pour la rapidité du trajet. Car il aurait fallu environ trente minutes, à pied, pour aller jusqu’au viaduc depuis la gare d’Argenteuil. Et un peu plus depuis le lycée. Tout dépend bien-sûr de là où elles sont parties et de là où elles se sont rencontrées pour aller « ensemble » jusqu’au viaduc. 

 

En trente minutes, il faut pouvoir tenir son rôle afin d’endormir la vigilance de la future victime. La complice du jeune agresseur et co-meurtrier avait peut-être la capacité à faire bonne figure. Mais, en trente minutes, on peut, un peu plus facilement à un moment ou à un autre, instinctivement sentir que quelque chose « cloche » dans l’attitude de la personne qui nous accompagne.

 

A ce moment-là, ce qui permet, ou non, la suite du scénario jusqu’à la mort, c’est peut-être l’optimisme,l’incrédulité ou la naïveté de la victime. Mais, sûrement, d’abord, le sentiment de confiance que la victime ressentait vis-à-vis de celle qui l’accompagnait. Ce sentiment de confiance a suffisamment pris le dessus sur les éventuels doutes que la victime ( Alisha, ici) a pu avoir à un moment donné, lors du trajet.

Car elle « connaissait » celle qui l’accompagnait. Et, à ce que j’ai appris, les lieux où elles se sont rendues toutes les deux étaient pour elle des lieux familiers qui entretiennent aussi la confiance.

 

Le sentiment de confiance :

 

 

Je pourrais être le père ou l’éducateur de ces trois jeunes, d’Alisha, et des deux meurtriers. Je suis un homme plutôt en bonne santé et que l’on décrit plutôt comme une personne que, spontanément, on ne va pas aller provoquer ou menacer dans la rue. Mais je suis aussi un trouillard. J’ai aussi été un ado. Et, je sais qu’ado, on aime bien avoir ses coins à soi, avec des personnes de notre âge, à l’écart des adultes où l’on fait notre vie : on y a notre intimité avec des gens de notre âge ou à peu près. 

 

Je suis incapable de dire, si, ado, j’aurais pu me rendre là où Alisha et l’autre jeune fille se sont rendues ensemble ce 8 mars. Par contre, en m’y rendant tout à l’heure pour la première fois là, je me suis dit qu’il fallait vraiment se sentir en confiance pour y aller. Même en plein jour.

 

Il faut passer à droite pour rejoindre les berges de Seine. C’est par là que j’ai vu descendre un cycliste alors que j’arrivais.

 

 

 

 

Même si, avant de m’engager dans cet endroit, j’ai vu passer un cycliste qui semblait un habitué de ce trajet.

 

Vers les berges de Seine en descendant.

 

 

Ce que l’on voit derrière soi, quand on se retourne, quand on descend vers les berges de Seine.

 

 

 

 

On peut sûrement passer de très bons moments et avoir de bons souvenirs ici. Mais ça fait aussi un peu « coupe-gorge », non ? Et lorsque ces photos ont été prises, nous étions en plein jour ce mardi matin entre 9h et 9h30.

 

En sortant du petit tunnel.

 

 

Je n’ai pas compris tout de suite, en apercevant ce graf’ sur le viaduc qu’il concernait Alisha.

 

Là, non plus, je n’avais pas encore déchiffré le prénom d’Alisha. On peut me trouver Te-bê, mais il faut bien comprendre que je découvrais l’endroit dans des circonstances émotionnelles particulières. Le lieu est loin d’être paradisiaque et a plus eu tendance à mobiliser ma vigilance que mes facultés pour le décryptage et la méditation.

 

Les bouquets de fleurs m’ont aidé à voir.

 

 En bas du viaduc, devant les fleurs posées en mémoire d’Alisha, j’ai ensuite croisé un jogger, qui, en s’approchant, avec ses baskets de la marque Hoka, et en apercevant ces fleurs, a d’abord secoué la tête en signe de désapprobation puis s’est détendu pour me répondre :

 

La direction prise par le cycliste vers St-Denis. Le jogger a pris la direction inverse. Vers moi. Le viaduc est alors pratiquement derrière moi.

 

De là d’où il venait, le long de la Seine, on pouvait aller loin. Jusqu’à la ville de Saint-Denis ! Et, selon lui, le chemin dans cette direction était meilleur pour faire des footing. Puis, il est reparti sans peine.

 

Meurtres glaçants :

Ce matin, avant d’emmener ma fille à l’école, j’ai essayé de trouver de nouvelles informations. Car j’avais vraiment du mal à « voir » où pouvait bien se trouver ce viaduc !

 

Tout ce que j’ai pu trouver comme article remontait à dimanche. Le 14 mars. Il y a deux jours. J’ai compris que pour les média, l’essentiel avait été fait. Couvrir l’événement jusqu’à la marche blanche. Figer les informations. Puis, passer à d’autres sujets. Comme d’autres fois. Comme images ou photos du Viaduc, je trouvais toujours les mêmes. Mais rien pour m’indiquer précisément où cela se trouvait.

 

Du meurtre, on l’a décrit comme « glaçant ». Même le journaliste Harry Roselmack a employé ce terme. C’était il y a quelques jours. Oui, ce meurtre est « glaçant ». Parce qu’il a fini dans la Seine, dans la noyade et dans le sang.

 

Mais on parle beaucoup moins de tous ces meurtres, sans traces de sang,  sans scène de crime, bien mieux prémédités, où l’on licencie des personnes par centaines et par milliers pour assurer à des actionnaires et à des privilégiés leur marge de profit annuelle.

 

 

Cela n’a rien à voir avec le meurtre d’Alisha, vraiment ?!

 

Il s’agit pourtant de meurtres d’autant plus « glaçants » qu’ils sont routiniers et invisibles. Parlez-en aux proches de celles et ceux qui se font licencier. Ou aux personnes licenciées. Expliquez-leur que tout va bien pour elles et eux. Qu’ils n’ont pas été piégés. Que, personne, n’a endormi leur vigilance. Que, eux, au moins, ils sont vivants. Et qu’ils peuvent rebondir.

Pendant qu’on nous montre, et c’est normal, ce meurtre d’Alisha, on passe sous silence, tous ces meurtres de notre vie quotidienne, que nous subissons et acceptons en bons citoyens éduqués, civilisés, apeurés et désarmés.

 

Photo prise « derrière » le graf. Depuis là, où, vraisemblablement, Alisha a été frappée puis jetée dans la Seine. J’ai dû rester là deux à trois minutes. Pas plus. C’est de là que j’ai aperçu le « foyer » du SDF, sur la droite. Mais je ne l’ai pas vu. Le sentiment dominant que j’ai alors ressenti a été la peur. La peur du vide.

 

 

Rebondir

 

 Je ne supporte pas ce terme prémâché et formolé. » Rebondir »….telle une balle de tennis à Roland-Garros.

 

Mais, Alisha, c’est certain, n’a pas pu rebondir le 8 mars. Une fois sur place, tout à l’heure, là où sa vie s’est terminée, je me suis d’abord senti subitement seul ( avant de passer « derrière » le graf et le béton).  On ne réagit pas tous avec la même lucidité ni avec la même combattivité lorsque l’on se sent subitement seul. Quel que soit l’endroit, le moment ou les personnes avec lesquelles on se trouve.

 

Sur le papier, en théorie, ou lorsque l’on se sait entouré de personnes de confiance solides et fortes, on peut peut-être se reposer sur elles ou s’inspirer de leur exemple. Mais, lorsque c’est tout le contraire. Et que l’on est véritablement, et soudainement seul, face à soi-même. Et que toutes les apparences, tous les maquillages et tous les mensonges- les nôtres et ceux de nos agresseurs- qui nous préservent et nous dissimulent disparaissent d’un seul coup, comment fait-on ?

 

Il fallait vraiment se sentir en confiance, être un(e)  habitué(e) de l’endroit ou avoir des intentions pacifiques pour ne pas se sentir menacé sous cette autoroute.

 

J’ai vu ce qui était sans doute le « domicile » du SDF qui se trouve près de là où Alisha a été passée à tabac. J’ai vu, je crois, les traces de sang que le SDF a désignées quand il a témoigné. J’avais vu la vidéo de son témoignage sur le net.

 

Je ne l’ai pas rencontré. Mais j’ai vu ses paires de chaussures, l’aménagement de son lieu de vie. J’ai même vu sa paire de gants de boxes accrochée. J’aurais voulu discuter un peu avec lui. Savoir comment on fait pour continuer de vivre après « ça ». Mais aussi, le connaître un peu. Connaître sa vie. Ce qui l’a amené jusqu’à venir vivre ici. Cependant, je n’insisterai pas car je n’ai pas envie de l’enquiquiner ou de faire le voyeur. Et, c’est pour ces raisons que je ne montre pas de photos de son « foyer » ou des traces de sang supposées d’Alisha sur le sol.

 

Biographie brève des deux jeunes meurtriers :

 

 

A ce que j’ai compris un peu de la biographie des deux jeunes meurtriers, ceux-ci ont en commun de ne pas avoir connu leur père. Ou de l’avoir perdu. Alisha était tout le contraire : c’était, à entendre une partie du discours de sa mère, une adolescente heureuse dans une famille plutôt unie, avec un père, et une bonne élève. Elle était aussi jolie.

 

« Le » meurtrier, lui, n’a pas connu son père et avait beaucoup d’absentéisme scolaire. Même si, une fois à l’école, il semblait plutôt content et dans le coup d’un point de vue scolaire d’après le témoignage de sa mère. Ses absences scolaires semblaient principalement dues au fait qu’il jouait beaucoup aux jeux vidéos. Mais bien d’autres jeunes qui préfèrent passer leur temps devant des jeux vidéos, au lieu d’aller à l’école, ne deviennent pas des meurtriers.

 

« L’autre » meurtrière, j’ai oublié, si elle était bonne élève. Mais elle était aussi sans père. C’est aussi une jolie fille, apparemment, et celle qui est devenue la petite amie du « meurtrier ». Après qu’Alisha ait eu une histoire amoureuse « d’une semaine » avec lui.

 

D’après ce que j’ai « lu » ou « entendu » en glanant sur le net, j’en déduis que le tandem qui a tué Alisha était fusionnel.

 

 

Devant l’obstacle : préméditation et acharnement

 

 

A un moment donné, Alisha, pour eux, a sans doute pris l’apparence de celle qui pouvait devenir un obstacle à leur fusion. Un obstacle, ça s’évite, ou ça se détruit. Ou ça se jette dans la Seine ou dans le vide.

 

On parle de « préméditation ». On apprendra plus tard peut-être jusqu’à quel point. Pour l’instant, je crois que ce qui a été prémédité, c’est surtout l’embuscade, le passage à tabac ou le règlement de comptes. Ensuite, je veux bien croire que, pour se « débarrasser » du problème, ou sous l’effet de la colère, et parce-que l’endroit s’y « prêtait, qu’Alisha a « fini » dans la Seine. Dans un autre endroit, dans un parc, par exemple, loin d’un fleuve, Alisha ne serait peut-être pas morte de noyade. Mais peut-être d’une autre forme d’acharnement.

 

 

Une colère et une tristesse aveugles qui viennent de loin :

 

J’explique cet acharnement des deux jeunes par une colère et une tristesse – aveugles- qui viennent de loin. De plusieurs années. D’avant leur rencontre avec Alisha au lycée Cognac-Jay. Une colère et une tristesse invisibles, indicibles, qu’ils portaient en eux depuis leur histoire personnelle.

 

Une colère qu’ils ont « mutualisée » en fusionnant et, dont, la personne et le corps d’Alisha, sont devenus la cible. Je raisonne bien-sûr en « psy Babou »  ou en « psy de supermarché ».  Je n’ai pas de certitudes sur la façon dont ça s’est passé. Je compose avec ce que j’ai attrapé comme informations à droite, à gauche. Mais je sais que lorsque les mots échouent, les coups peuvent tuer.

 

 

Etre puissants :

Je crois, que, lorsqu’ils ont frappé, les deux jeunes meurtriers, ont estimé qu’ils leur fallait frapper fort et être « puissants » pour se guérir ou se libérer d’une offense ou d’une menace qui avait les traits d’Alisha.

 

Ensuite, après le déferlement ou la bouffée d’adrénaline, est arrivée la redescente sur terre et la prise de conscience. Le : «  J’ai fait une bêtise ». Sauf que ce n’était plus une bêtise d’un enfant de cinq ans qui a cassé la jolie tasse de maman ou de papa sous l’effet de la colère. Une tasse que l’on peut réparer, racheter ou oublier.

 

Non. C’était une personne, cette fois, qui avait pris ou bu la tasse. Après avoir été tabassée. C’était plus grave. Une bêtise de « grand » : de quelqu’un qui a grandi, qui a désormais plutôt une apparence et une force d’adulte mais qui, dans le fond, doit encore apprendre à devenir adulte et à se maitriser. A savoir faire la part des choses entre son intérieur et son extérieur. On a toute une vie pour apprendre ça. Sans prendre pour autant la vie des autres. C’est un travail difficile. Plein de personnes ne réussissent pas à réaliser ce travail. Et, on ne touche pas de salaire pour l’effectuer.

 

Une heure et quinze minutes :

 

 

Sous ce viaduc, après avoir pris des photos et filmé, après avoir fait « le tour », d’un seul coup, je ne savais plus quoi faire de mes mains. C’était le moment pour moi de partir. Je n’avais plus rien à faire là.

 

Un peu plus tôt, en arrivant et en m’approchant des bouquets de fleurs, comme je l’ai écrit, je me suis senti seul. Et, j’ai entendu un peu un titre de John Lee Hooker où celui-ci confirme à quelqu’un qu’il est seul. Peut-être ce titre où il chante Oh, Come back, Baby, Let’s Talk it Over… One More Time.

 

On trouvera peut-être que j’en ai trop fait avec ce « fait divers » ( Alisha, 14 ans, morte dans la Seine ce 8 mars 2021Harcèlement et réseaux sociaux : la démocratisation et la sophistication des guillotines). Qu’il m’obsède par rapport à ma fille  ou que je suis excessif. Ou, limite timbré et paranoïaque. Mais, ce n’est pas grave. En tout et pour tout, cela m’a pris 1h15 pour faire l’aller et retour à pied jusqu’à cet endroit.

 

Je ne vois pas en quoi donner 1h15 de mon temps pour cette marche m’a privé de quoique ce soit. Je ne vois pas pourquoi passer 1H15 dans les rayons d’un supermarché ou pour regarder un énième dvd ou pour zoner sur internet à la place aurait eu plus de valeur.   

 

Je suis désolé si je donne l’impression d’être morbide :

 

Mais si l’agonie d’Alisha jusqu’à sa mort a sûrement été longue, son passage à tabac puis son rejet dans la Seine a sûrement pris beaucoup moins de temps qu’une heure et quinze minutes.

 

 

 

En m’éloignant du viaduc

En commençant à m’éloigner du viaduc, ce qui devait arriver est arrivé :

 

Je me suis mis à pleurer.

 

 

Mais je n’étais pas détruit. J’ai pensé au navigateur Jean Le Cam lors du dernier Vendée Globe. Lorsqu’il avait compris, vers la fin de la course que son navire, endommagé, aurait pu couler et, lui, mourir avec. Une fois arrivé sain et sauf, à terre, il avait expliqué sur le plateau télé que l’être humain était « bien fait ». Car, pleurer lui avait d’abord fait du bien. Ensuite, il s’était repris.

 

Je me suis rapidement arrêté de pleurer en m’éloignant du viaduc.

 

Alors que je marchais dans la rue d’Epinay pour rentrer, la colère que j’ai ressentie, il m’a semblé que rien ne pourrait l’arrêter. Lorsque je suis comme ça, personne, jamais, à ce jour, n’est venu m’enquiquiner.

 

Une fois, chez moi, j’ai jeté mon masque anti-Covid, j’ai changé de chaussures et je me suis mis à écrire.

 

Depuis, j’essaie aussi d’écouter  un album d’Agnès Obel en me disant que cela ne peut que me faire du bien. 

 

Franck Unimon, ce mardi 16 mars 2021.

 

 

 

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Harcèlement et réseaux sociaux : la démocratisation et la sophistication des guillotines

Avenue Gabriel Péri, à Argenteuil, ce dimanche 14 mars 2021. L’Avenue Gabriel Péri est un des moyens d’accès et de sortie de la ville d’Argenteuil en prenant le pont d’Argenteuil, au bout, qui surplombe la Seine. C’est aussi une avenue qui traverse le centre-ville et qui mène, au bout ( derrière nous) vers la mairie actuelle d’Argenteuil. A gauche, sur la photo, on peut lire  » Alisha. Non, au harcèlement ». Sur la droite de la photo, la fresque que l’on voit orne un des bâtiments du conservatoire départemental d’Argenteuil. Ordinairement, l’Avenue Gabriel Péri est évidemment très passante d’autant que le dimanche est un jour de marché, le marché d’Héloïse, « derrière » le conservatoire. Enfin, en face de nous, au loin, on peut apercevoir sur le pont d’Argenteuil, le barrage policier réalisé pour la circonstance de la marche blanche d’Alisha. Rappelons qu’Argenteuil compte plus de 100 000 habitants.

 

 

 

 

Harcèlement et réseaux sociaux : la démocratisation et la sophistication des guillotines

 

 

« Harcèlement » était l’un des chaînons manquants dans mon article ( Alisha, 14 ans, morte dans la Seine ce 8 mars 2021). C’est en décidant finalement de me rendre hier à la marche blanche (ce dimanche 14 mars 2021)  que je l’ai « découvert ». Arrivé un peu après 14h, je suis reparti vers 14h40 avant le discours de la mère d’Alisha que j’ai partiellement entendu tout à l’heure.

 

Dans la ville d’Argenteuil, dont l’entrée par le pont vers l’avenue Gabriel Péri et quelques rues près du lycée étaient bouclées, le mot «  harcèlement » était affiché sur quelques murs. Mais aussi sur quelques tee-shirts comportant une photo d’Alisha. On pouvait aussi lire, inspiré de la phrase reprise après les attentats « de » Charlie Hebdo, ce qui suit :

 

« Je suis Alisha ».

 

Devant le lycée Cognac-Jay, ce dimanche 14 mars 2021. L’avenue Gabriel-Péri, qui traverse le centre-ville et mène à la mairie, passe derrière le lycée.

 

 

Des personnes des deux sexes, masculin et féminin, portaient ce tee-shirt. Il faut le souligner et l’encadrer dans une ville, ou, comme ailleurs, certains apparats religieux entendent marquer les frontières, les corps – et les esprits- entre les hommes et les femmes.

 

Il y avait foule hier devant le lycée Cognac-Jay  pour Alisha et ses parents. La foule était masculine et féminine. Adolescente et adulte. Il y avait même des enfants et quelques voisins qui regardaient depuis leur fenêtre ou leur balcon l’attroupement en « bas de chez eux ».

 

 

Dans la rue, j’ai entendu le chiffre de « 2000 personnes » concernant la foule. Il y avait des journalistes, des caméramen et aussi plein de smartphones qui prenaient des photos ou filmaient. Je n’ai pas aperçu de drones. Mais, peut-être étaient-ils cachés ?

 

Devant le lycée Cognac-Jay, toujours à Argenteuil, ce dimanche 14 mars 2021.

 

 

C’est une des curiosités de notre époque et aussi de notre espèce humaine que d’avoir la capacité de filmer et de prendre des photos de notre espace, comme à peu près de tout ce que l’on veut quand on le veut avec précision. Sans pour autant toujours nous sentir obligés de faire attention à celles et ceux que l’on filme.

 

Si une image peut aider à faire rêver, à libérer et à éduquer, il arrive aussi qu’elle opprime. Tout dépend du projet et de l’intention de celle ou de celui qui s’en sert et du public et de l’époque auxquels elle ou il s’adresse.

 

Au cinéma, il y a déja eu des débats concernant la responsabilité morale de celle ou de celui qui filme. Comme de ce que l’on a le droit de montrer. Quand et à qui.

Dans le monde de la photographie, aussi, cette question existe. En littérature, aussi. Chaque fois que l’on témoigne ou que l’on va rendre public une histoire ou une image sur un sujet sensible ou considéré comme sensible.

 

Il y a celles et ceux qui estiment que l’on peut pratiquement tout dire et tout montrer. Ou que seule «  la fin justifie les moyens ». Tant qu’une image peut faire vendre et donner de la renommée à son autrice ou à son auteur. D’autres qui sont là pour secouer les esprits. Ou pour les enterrer.

 

On pourrait reparler des caricatures puisque je fais le parallèle avec le journal Charlie Hebdo dans cet article. Sauf qu’une caricature, malgré ses défauts, ne lapide pas, ne jette personne au dessus d’un pont ou sous un train. Elle ne fait sauter aucun immeuble ni aucun squelette. Une caricature ne poursuit pas une personne nuit et jour jusqu’à chez elle. Elle ne commet pas non plus d’attentat suicide.

 

 

Notre caricature

 

 

Chaque fois que nous les employons, les réseaux sociaux peuvent devenir une caricature de certains de nos travers.

 

Ils ont aussi du bon. Ils permettent de rester en contact, de rencontrer ou de retrouver des personnes qui comptent. Ils sont le pivot ou la lance de rampement de certaines carrières artistiques et professionnelles.

 

Mais les réseaux sociaux peuvent aussi être le lance-flammes qui, à l’image du chien de combat, peut causer énormément de torts si son propriétaire ou son usager le jette sur une proie ou une cible qui ne peut faire le poids. Et qu’il ne lâche pas.

 

Ils peuvent aussi devenir la béquille sans laquelle nous nous effondrons si nous leur donnons toute notre vie.  

 

Si l’on parle de « harcèlement », alors il faut parler de « l’emprise ». Car les deux vont ensemble. Sauf que des situations « d’emprise », nous en connaissons tous. Certaines sont volontaires, d’autres moins. Certaines plus nocives que d’autres. Etre sous l’emprise de l’alcool ou de la peur n’a pas les mêmes effets que d’être sous l’emprise de la lecture.

 

Près de l’avenue Gabriel Péri, ce dimanche 14 mars 2021.

 

 

Edward Snowden, dans son livre Mémoires vives ( 2019) rappelle cette époque où, adolescent, il a découvert un internet permettant de « converser » avec n’importe qui à l’autre bout du monde partageant le même centre d’intérêt. Cet internet-là,  a été une école alternative ou parallèle et l’est peut-être resté pour certaines et certains. Sauf qu’à cette époque, internet « se méritait » en quelque sorte explique Snowden :

 

Il fallait avoir de sérieuses compétences informatiques pour parvenir à se connecter sur le net. C’était peut-être cette époque, avant l’essor de la téléphonie mobile, où les téléphones fixes à fil à domicile étaient La règle. Et où, chaque fois que l’on tentait de joindre une internaute ou un internaute à son domicile, cela était impossible si celle-ci ou celui-ci était « connecté(e). Car la ligne téléphonique restait alors systématiquement occupée. Aujourd’hui, il est banal de pouvoir être joint sur son smartphone alors que l’on navigue sur le net.

 

Snowden relate aussi certains travers que lui-même a pu avoir, sous couvert de pseudo, adolescent, sur certains forums, où il avait pu se permettre certains propos déplacés. Et, parce qu’il n’a a priori tué personne à cette époque, il explique que l’anonymat des internautes peut aussi permettre de donner une chance à certaines et certains de changer et de se racheter une conduite au lieu d’être fichés pour des conneries qu’ils ont pu faire « plus jeunes ».

 

Il est probable qu’un certain nombre des internautes, qui, aujourd’hui (ou hier) enfants, pré-adolescents ou adolescents ou même adultes se permettent d’écrire et de tenir des propos qu’ils regretteront d’eux-mêmes par la suite. Ne serait-ce, par exemple, que sur Youtube même si ce n’est pas un réseau social en tant que tel. Mais où le fait de visionner une simple vidéo et d’en « parler » suffit pour- très rapidement- voir surgir ici ou là des propos « extraordinaires » d’agressivité et de jugements personnels et définitifs. La façon dont ça peut très vite « dégoupiller » entre deux internautes peut me faire rire. Mais ces dérapages fréquents donnent une idée de ce que la facilité d’accès à internet a amené comme « pollution » dans les échanges entre internautes.  Comme la démocratisation de l’escalade de l’Everest ou de l’Himalaya a pu, dans une moindre mesure, contribuer à polluer une région du monde qui, « auparavant », était pratiquement immaculée ou réservée à quelques uns qui étaient prêts à donner de leur personne pour atteindre un certain sommet.

 

C’est que depuis l’adolescence de Snowden ( E.Snowden est né en 1983), le net et le Web se sont « démocratisés ». Désormais, en quelques clics, n’importe qui, n’importe quand, peut activer une ou plusieurs guillotines à distance. Mais aussi les programmer en s’allouant la complicité spontanée d’autres personnes trop contentes de participer et de faire appliquer leur sens de la justice. Tout en verrouillant leur cible.

 

Devant le lycée Cognac-Jay, ce dimanche 14 mars 2021.

 

 

Alisha est morte de ça, je crois : de la démocratisation et de la sophistication des guillotines.

 

 

Franck Unimon, ce lundi 15 mars 2021.

 

 

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Alisha, 14 ans, morte dans la Seine ce 8 mars 2021

 

Alisha, 14 ans, morte dans la Seine ce 8 mars 2021

Aujourd’hui, dimanche 14 mars 2021, à 14 heures, une marche partira du Lycée professionnel Cognac-Jay, où elle était scolarisée. La jeune Alisha, 14 ans, a été tuée par trois de ses camarades ce 8 mars 2021. Journée de la Femme.

 

Depuis des années, une femme meurt tous les trois jours en France sous les coups de son conjoint ou de son ex-conjoint. Ce chiffre est rappelé dans le podcast où la journaliste Léa Salamé interroge la colonelle de gendarmerie, Karine Lejeune. Un podcast réalisé pour France Inter ce 2 janvier 2021. Deux mois avant la mort d’Alisha et d’autres.

 

A 14 ans, on pourrait dire qu’Alisha n’était pas encore une femme. Mais, pour ce que j’ai lu des événements, c’est bien au moins dans un contexte passionnel, même si l’acte a été prémédité, qu’elle est morte. Trois personnes l’ont tuée. Une jeune de son âge qui l’a emmenée sur les lieux de l’embuscade. Et deux garçons qui « l’attendaient ». Dont son ex-petit ami, si j’ai bien compris.

 

Cela s’est passé à Argenteuil, ville où j’habite. Et je situe bien où se trouve le lycée Cognac-Jay. Pour tout « arranger », un de mes proches, adulte, a connu l’auteur principal de l’homicide. Donc, tout cela me touche d’autant plus personnellement.

 

Je ne pourrai pas rejoindre la marche pour Alisha tout à l’heure. J’ai travaillé cette nuit. Je reprends le travail cette nuit. Et, à 14 heures, je me reposerai. Provisoirement. Contrairement à Alisha dont le repos est définitif.

 

Par contre, je peux écrire. Pour elle, pour les autres. Et toujours pour moi.

 

Je tiens à le préciser tout de suite :

 

Je ne suis pas féministe. Je le précise parce-que, aujourd’hui, à moins d’être un intégriste d’une certaine religion, je trouve que c’est très facile de se dire « féministe ». Comme c’est très facile, aussi, de se dire « pour le mariage gay ». C’est à la mode. C’est comme, pour un homme,  aujourd’hui, porter une boucle d’oreille ou avoir le crâne rasé. C’est très facile, en France. En plus, ça permet de donner de soi une belle image : celle d’une personne cool, tolérante et « évoluée », bien de son temps.

C’est très important tout ça, de donner de soi, une belle image. D’être « branché ». d’être « dans le coup ». D’être un adepte et un pratiquant de la Nouvelle norme. Après…la Nouvelle Vague….

 

Je ne réagis donc pas en tant que « féministe » dans cet article. Mais en tant que personne. Car je suis une personne. Comme Alisha en était et en reste une.

 

Dans les quelques commentaires que j’ai pu lire et entendre à la télé à propos des conditions de sa mort, l’adjectif « glaçant » a été utilisé. Oui, la description du déroulement de son homicide est glaçante. Je n’arrive pas encore à bien cerner d’où, exactement, Alisha, a été balancée dans le vide. Mais si j’y parviens, je me suis dit que je m’y rendrais. En attendant, ce qui est « glaçant », pour moi, c’est d’imaginer ce moment où ses meurtriers ont décidé de la soulever du sol, après l’avoir tabassée, pour la faire passer par dessus le pont. Il en faut de la détermination pour cela. Et, qu’est-ce que cela a dû être effroyable comme passage de la vie à la mort pour Alisha.

 

C’est une sorte de frisson et de colère que je ressens. Frisson et colère pour cette impuissance intraitable qu’elle a dû ressentir face à cette mort vers laquelle cette ultime rencontre l’a conduite. Elle qui, apparemment, avait éconduit l’un des auteurs de sa mort. J’ai tendance à croire que l’effet de groupe a – encore- joué. Seul, ce jeune garçon, même en colère, n’aurait sans doute pas osé aller aussi loin. Une nouvelle fois, la détermination, la supériorité numérique, en plus de la supériorité physique et de l’effet de surprise l’a emporté sur la raison. On peut être plusieurs à penser la même chose- et à la réaliser- et à être plus que cons ! Plusieurs années après sa mort, d’un cancer, Desproges continue d’avoir raison.

 

 

Vers la fin du podcast où Léa Salamé interroge la colonelle Karine Lejeune, fille et petite fille de gendarme, il est aussi évoqué le travail colossal réalisé par celle-ci pour combattre les violences faites aux femmes. On doit à la colonelle Karine Lejeune, ainsi qu’à une autre personne (une autre femme), le premier recensement des violences faites aux femmes en France. Recensement qui date de 2006. Résultat d’un travail conséquent obtenu en sollicitant les services de police et de gendarmerie de France.

 

A écouter les deux femmes, ce chiffre d’une femme tuée tous les trois jours reste stable depuis qu’il a été trouvé en 2006. Il y a 15 ans. Est-ce désespérant ? La colonelle Lejeune explique que, malgré tout, non. Car, depuis, des campagnes de prévention répétées rappellent et rendent public tel numéro d’urgence. Mais, aussi, que les services de police et de gendarmerie sont disponibles. Entre-temps, petit à petit le personnel masculin- féminin ?- des forces de police et de gendarmerie commence à être sensibilisé au sujet. Même si c’est toute la société qui doit l’être est-il rappelé dans le podcast.

 

En effet, le thème du podcast « Des femmes puissantes » reste un sujet animé par une femme- la journaliste Léa Salamé- là où il faudrait que l’on trouve plus souvent des hommes. Ceci reste une constante aussi lorsque l’on parle d’ouvrages littéraires ou autres écrits par des femmes où il est question d’abus ou de violences faites aux femmes par des hommes. Dans le magazine Télérama, par exemple, c’est une journaliste qui a parlé de l’ouvrage de Camille Kouchner qui relate un inceste dans sa famille. Inceste subi par son frère ou son cousin, donc un garçon. Sauf que c’est, elle, Camille Kouchner, une femme, qui raconte le vif de l’histoire. Comme si le sujet ne concernait ou ne pouvait concerner….que des femmes, journalistes, témoins ou victimes.

 

Cependant, un autre point continue de m’inquiéter concernant les violences d’une façon générale :

 

Vers la toute fin du podcast, Léa Salamé nous informe que depuis dix ans, les violences envers les forces de police et de gendarmerie ont augmenté de « 80% ». On remarquera au passage- même si cela ne change rien- que les termes « forces de police et de gendarmerie » sont des termes…féminins.

Léa Salamé interroge la colonelle Karine Lejeune sur ce chiffre de « 80% ». A-t’elle une explication à ce sujet ? ( on aimerait tous que notre salaire, par exemple, ces dix dernières années, ait connu une telle augmentation, non ?). 

 

Un peu plus tôt, la colonelle avait condamné toute bavure émanant d’un représentant de la Loi, policier ou gendarme. Et, elle avait critiqué le fait que, trop souvent, le grand public amalgame le comportement de quelques policiers et de quelques gendarmes trop violents avec tout le corps de la gendarmerie et de la police. Par conséquent, la Colonelle Karine Lejeune est contre ce terme de « violences » ou de « bavures»  policières qu’elle trouve trop réducteur.

 

On peut la soupçonner un petit peu de démagogie ou de langue de bois dans un pays, où, lors de la remise de son César de meilleur Espoir masculin il y a quelques jours, Jean-Pascal Zadi, réalisateur et acteur dans son dernier film Tout simplement Noir) cite les affaires Adama Traoré et Michel Zecler dans son discours de remerciement. Pourtant, je crois encore, aussi, comme la Colonelle, que tout n’est pas noir dans la police comme dans la gendarmerie de France.

 

Ce qui m’a plus dérangé, par contre, c’est cette réponse de la colonelle Karine Lejeune, à propos de son explication de cette augmentation des faits de violence ( « 80% ») des citoyens envers les forces de police et de gendarmerie ces dix dernières années.

 

Aujourd’hui, la Colonelle Karine Lejeune incarne une certaine modernité dans la société française. C’est une femme hautement gradée au sein de la gendarmerie nationale, majoritairement composée d’hommes. Et, elle raconte une anecdote avantageuse pour elle à propos d’un de ses anciens supérieurs, le « général incongru », concernant certains propos sexistes au cours de sa carrière.

 

  La Colonelle est aussi une femme « moderne »  dans sa propre vie personnelle : mariée et plusieurs fois mère de famille, c’est son mari qui a pris un congé parental  et mis en suspens sa carrière professionnelle. Mais elle peut aussi être un peu coquette lorsqu’elle est en service, loin de cette image de la gendarme « hommasse » a priori.

 

 Pourtant, cette femme « moderne » a alors deux réponses à mon sens totalement archaïques ou stéréotypées. Bien-sûr, personne n’est parfait, même moderne, mais quand même, ça dénote :

 

D’abord, comme d’autres avant elle, Madame la Colonelle déplore le fait qu’aujourd’hui, l’uniforme de la police et de la gendarmerie ne fait plus peur. Je tiens à préciser que je respecte l’uniforme de la police et de la gendarmerie ainsi que les personnes qui le portent.

 

Mais, ce que je trouve plus grave, dans les propos de Mme la Colonelle, c’est qu’elle ne s’explique pas ou ne comprend pas cette montée des faits de violence envers les représentants des forces de l’ordre en France ces dix dernières années.

 

Les causes de ces faits de violence sont bien-sûr multiples. Et je ne vais pas me prétendre spécialiste du sujet. Par contre, en témoignant de son ignorance à ce point, Mme la Colonelle rappelle tristement  ce fait :

 

Même en devenant pionnière dans un domaine, à mesure, en France, que l’on incorpore  une certaine élite, on s’éloigne de plus en plus d’un nombre grandissant de citoyens qui ,lui,  cumule les échecs et les exclusions de toutes sortes tandis qu’une minorité- qui vit dans un écosystème apparemment protégé dont la journaliste Léa Salamé fait aussi partie- s’accapare la  majorité des réussites, des privilèges comme des prestiges.

Cette minorité vit dans un vase clos. Et, plus les années passent, plus les ambitions de cette minorité tendent à rendre ce vase clos de plus en plus étanche. Même si certains ou plusieurs membres de cette minorité peuvent ensuite publiquement, gratuitement – ou sincèrement- trouver « glaçant » le récit du décès de la jeune Alisha. 

 

Cette cécité ou ce manque de conscience de Mme la Colonelle m’inquiète particulièrement du fait de son grade et de ses capacités en principe supérieures d’analyse, de jugement mais aussi de décision. Or, si elle n’est qu’un des rouages décisionnels et exécutifs en France, elle en est néanmoins l’un des plus puissants.

 

 

On pensera peut-être que tout cela n’a rien à voir avec la mort de la jeune Alisha. Que je mélange des sujets et des genres très différents. Ou que je fais passer la mort de celle-ci au second plan.

 

Je ne crois pas.

 

Je suis très touché par la mort de la jeune Alisha. Mon article n’est pas rédigé ici pour faire « genre », pour faire « joli » ou pour faire « style ». Par ailleurs, malgré le temps que j’ai passé à le rédiger, comme pour la plupart de mes articles, je sais qu’il sera, pour l’instant du moins, assez peu lu. Car, je fais aussi partie de la majorité des anonymes obéissants et dépourvus de charisme. Et, je fais assez peu d’efforts en matière de communication pour avoir plus de « retentissement » médiatique.

 

J’approuve cette « féminisation » de la gendarmerie et d’autres corps de métiers.

 

Par contre, je ne crois pas que la féminisation, à des postes clés de la société, ou dans le monde, va suffire à elle-même pour tout résoudre- mécaniquement- en termes de violences et d’espérance.

 

Je tiens à rappeler ceci :

 

La norme, chez l’être humain, que l’on soit un homme ou une femme, c’est l’extrême.

 

Et, il faut beaucoup de travail, beaucoup de patience et de diplomatie, beaucoup d’optimisme,  beaucoup de conscience sur soi et aussi à propos de son environnement et des autres, pour ne pas se laisser guider ou fasciner par notre goût immédiat et spontané ou par notre appétence pour l’extrême.

 

La jeune Alisha est morte à cause de cette norme.

 

 

 

Franck Unimon, ce dimanche 14 mars 2021.

 

 

 

 

 

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Les Kage-Shihans : Les Maitres de l’ombre aux pratiques supérieures

Photo prise le 5 décembre 2020. Au bout, l’Opéra Garnier.

Les Kage-Shihans ou « Maîtres de l’ombre aux pratiques supérieures »

 

 

 

Tous ces Maitres……

 

 

En parcourant hier le numéro 4 de la revue Aikido Self & Dragon Special, je suis à nouveau tombé sur des Maitres d’Arts martiaux présentés dans des interviews. Ou nommés par les uns et les autres. Laurent Boucher, Daniel Blanchet, Ellis Amdur, Robert Paturel…

 

 

Ensuite, quand je l’ai pu, j’ai fait quelques recherches sur internet. J’ai lu quelques résumés ou des commentaires sur certains ouvrages. J’ai regardé un peu le site de Sensei Laurent Boucher qui a fondé son CDRAM (Centre de Développement et de Recherche sur les Arts Martiaux). Avant la lecture de son interview par Germain Chamot, fils de Sensei et Sensei lui-même, je crois, je ne connaissais pas Laurent Boucher. J’ignorais où se trouvait son CDRAM. Dans la Drôme.

 

Je vais me répéter : avec tous ces Maitres, je ne savais pas par lequel commencer. Même si j’ai débuté en rencontrant Sensei Jean-Pierre Vigneau Sensei Jean-Pierre Vignau : Un Monde à part à la fin de l’année dernière et qu’il est prévu que j’interviewe, dans quelques jours, Sensei Léo Tamaki ( L’Apparition). 

 

C’est en commençant à lire les liens sur son parcours que m’a adressé Léo Tamaki avant que je ne l’interviewe, que j’ai découvert, entre-autres, l’expression Kage-Shihan « Maitre de l’ombre aux pratiques supérieures ». Expression que Léo Tamaki, lui-même, a lue dans des écrits de Sensei Henry Plée. Maitre  d’Arts martiaux décédé en 2014, que je n’ai jamais rencontré mais dont je connaissais l’existence plusieurs années avant sa mort.

 

Kage-Shihan est une expression que j’aime beaucoup et je remercie déjà Léo Tamaki de me l’avoir indirectement transmise.

 

Il est bien d’autres Maitres d’Arts martiaux que je n’ai pas cités. Et, si je ne nomme que des hommes pour l’instant, j’espère bien, aussi, pouvoir citer des Senseï femmes dans cet univers où la gente masculine reste souvent surreprésentée que ce soit en Europe ou ailleurs. Peut-être, tout simplement parce qu’historiquement et sociologiquement, c’étaient plutôt les hommes qui partaient faire la guerre. Aujourd’hui encore, il  reste assez mal vu pour un homme de manquer de courage et de calme en certaines circonstances.

Photo prise ce vendredi 15 janvier 2021, près de la gare St Lazare.

 

Mais évitons tout malentendu : je tiens à croiser et à nommer des Sensei femmes non pour me mettre bien et me faire bien voir aujourd’hui où «  ça fait bien » d’être homme et de se dire féministe. Mais par strict intérêt personnel :

 

Par sa  pratique voire sa maitrise d’un Art Martial, une femme peut d’autant plus démontrer, même si je n’aime pas ces termes de « démontrer ou de faire ses preuves », comme celui-ci est « efficace » ou peut être « efficace ». Même si je n’aime pas ce terme « d’efficacité » non plus.

 

Enfin, à titre encore plus personnel, j’aspire aussi à rencontrer des Sensei femmes dans les Arts martiaux parce-que, idéalement, l’enfant que je suis resté aurait souhaité que sa mère, celle qui m’a enfanté et éduqué, ait cette faculté martiale. Ma mère a beaucoup de vertus et je lui dois la vie- et le peu que j’ai de raison- de bien des façons. Mais elle a, à mon avis, très peu d’aptitudes martiales. Sa constante anxiété de mère et de personne  explique peut-être sa piété ardente ainsi que toutes les piétés du monde tant modérées qu’extrêmes. Elle a su et pu trouver néanmoins une certaine protection en la personne de mon père. Sauf que celui-ci vit sous la tutelle d’une certaine violence mais aussi d’une autre force d’anxiété, toutes deux ventriloques, dont semble bannie l’amnistie et où perdurent déni et amnésie. 

Mon père a évidemment également ses vertus. Sans doute qu’une d’entre-elle est de m’avoir appris que toute vertu a un prix. Si j’écris aujourd’hui avec une relative aisance, originalité incluse, comme avec une certaine discipline, c’est sans nul doute en partie grâce à lui.  

J’ai été le fidèle enfant aîné des mes parents pendant des années. Cette folie et cette névrose familiale, héritée et transmise depuis plusieurs générations, a souvent servi de magnésie à mes mains alors que j’escaladais la vie. Et, je suis aujourd’hui père. Donc, j’ai plutôt intérêt à bien assurer mes prises dans ce que je transmets à ma fille.

 

 Idéalement, j’aimerais transmettre ça :

 

La Maitrise de soi, le discernement, la combattivité, des capacités d’adaptation à son environnement proche et lointain, l’optimisme, la persévérance, le relâchement….

 

Je crois que ce sont quelques  unes des aptitudes que la pratique d’un art martial ou de plusieurs arts martiaux permet de découvrir et de développer en soi.

 

 

Mais je ne parle ici, et pour l’instant, « que » des Maitres d’Arts martiaux. Il est aussi bien d’autres Maitres dans d’autres domaines qui sont selon moi à peu près équivalents quand il s’agit de bien vivre. En dehors d’une guerre,  d’une famine, d’une émeute ou d’un champ de bataille.

 

Pour moi, les humoristes sont aussi des Maitres. Ou en voie de l’être ou de le devenir. Je n’ai pas encore parlé du spectacle de l’humoriste Haroun  passé à Argenteuil il y a quelques mois. Avant notre confinement partiel actuel.

 

J’ai beaucoup aimé lire, aussi, récemment, l’interview d’Alex Lutz dans l’hebdomadaire Télérama. Un artiste dont tout ce que j’ai pu voir ou entrevoir, jusqu’à maintenant, m’a épaté ou beaucoup plu.

Je me sens aussi très proche de l’univers de l’humoriste Blanche Gardin. Même si je suis régulièrement inquiet pour  elle lorsque je la « vois » sur scène. Je lui trouve une sensibilité un peu trop proche de celle de la chanteuse décédée Amy Winehouse. Lorsque j’avais regardé le documentaire que lui a consacré le réalisateur  Asif Kapadia, en voyant Amy Winehouse, en concert, je m’étais dit que j’aurais été très embarrassé par son mal-être si j’avais été présent dans la salle. Je crois que j’aurais été incapable d’apprécier sa performance artistique. Mes ouïes et mon cerveau se seraient faits emporter par les cataractes de sa souffrance évidente pour ne pas dire protubérante. Blanche Gardin, qui a déjà vécu plus longtemps que Winehouse, oscille à mes yeux entre l’abysse intime et l’autodérision grand public. Mais, pour l’instant, elle me fait beaucoup plus rire qu’Amy Winehouse.

 

 

Il y a beaucoup d’autres Maitres et Maitresses en termes d’humour. Et, là aussi, je ne sais pas toujours par où commencer tant il y en a en France et ailleurs.

 

Cependant, il y a aussi les conteurs. Que l’on parle  du Malien Amadou Hampâté Bâ ou du Breton Per  Jakez Hélias. Je parle ici de conteurs et d’écrivains décédés mais il y en aussi des vivants.

Il y a par exemple les écrivains Alain Mabanckou, Dany Laferrière (auteur entre-autres, non pas de Comment faire l’amour avec un nègre sans se suicider mais bien de Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer ).  On peut lire ici mon avis sur un des livres de Laferrière ( Dany Laferrière-Tout bouge autour de moi )

Beaucoup d’autres écrivains ou auteurs sont aussi des Maitres.

 

Hier soir, j’ai lu quelques lignes du dernier ouvrage La Sardine et le Diamant ( de l’utilité de l’ordre et du désordre » de la scientifique Catherine Bréchignac. Je ne la connaissais pas. J’ai été époustouflé. Et, je me suis dit que son livre serait peut-être le prochain que j’achèterais.  Voici un extrait de son livre :

 

« (….) Fasciné par la beauté de l’ordre, l’homme le traque et découvre qu’il est pluriel : il est statique, dynamique, local ou s’étend à perte de vue (…..). Ce livre raconte l’attrait qu’exerce l’ordre sur l’homme, la recherche de la raison d’être de la répétition de l’organisation (….). L’ordre se dévoile dans la nature. Il est perçu à la faveur d’un vol d’oiseaux migrateurs (….). Il suffit alors d’une perturbation locale de direction, provoquée par un très petit nombre, pour entraîner l’ensemble dans un mouvement collectif aux morphologies changeantes (….). L’ordre peut aussi être dynamique. Ainsi, les planètes ne gravitent pas en désordre autour du soleil (….). L’être vivant, qui ne semble pourtant pas être le propre de l’ordre mais plutôt son contraire, est issu de l’ordonnancement des quatre bases moléculaires qui composent l’ADN de ses parents. L’expression tu es «  la chair de ma chair », « le sang de mon sang » n’est en fait que :

« tu es l’ordre de mon ordre ».

 

 

Pour moi, parmi les participants actuels de la course en solitaire en bateau du Vendée Globe, il y ‘a des Maitres de l’ombre. Y compris au sein de ceux qui ont dû abandonner.

 

 

En musique, c’est pareil, il y a plein de Maitres qui peuvent nous correspondre et nous atteindre. Qu’ils soient Morts ou vivants. Assez « âgés » ou jeunes. Peu importe leur genre musical ou leur origine ethnique ou culturelle. Spontanément, je pense à Miles Davis et à Jacques Pellen car je tiens ici à les citer. Mais tout le monde a son panthéon de chanteurs et de musiciens qui l’entretient et l’entraîne dans la vie.  

Photo prise ce vendredi 15 janvier 2021, après avoir effectué mes démarches administratives pour mon nouvel emploi.

 

Il y a plein de Maitres (femmes et hommes) partout et dans les univers les plus divers. Mais il s’agit de les trouver. Il s’agit de les « voir ». Il s’agit d’aller vers eux car ils ne sautent pas aux yeux. Il est plutôt rare que ce soit leurs œuvres ou leurs actions dont on voit le plus la pub ou la promotion dans les gares, dans les rues, sur les réseaux sociaux ou sur internet. C’est en cela que je vois aussi ces Maitres qui ne relèvent pas d’un Art martial comme des sortes de Kage-Shihan.

 

Pourtant, je crois que ce sont tous ces Kage-shihans (martiaux et non-martiaux) qui peuvent davantage nous rassurer et continuer de nous éduquer en notre époque anxiogène.

 

Même si chaque époque connait ses vibratos anxiogènes.

 

Ce qui est souvent le plus accessible, immédiatement,  à gros tirages et à gros débits, c’est rarement l’exemple ou la présence d’un Maitre (femme ou homme) qui apaise, encourage et nuance malgré des peurs et des menaces réelles et supposées.

 

Photo prise ce vendredi 15 janvier 2021.

 

Ce qui nous saute régulièrement au visage et à la tête, de façon massive, c’est la poudre aux yeux. Le shoot d’adrénaline. Une certaine facilité. Et on finit par se laisser prendre en main plus ou moins. Par se laisser guider puisque tout est organisé et que l’on est dans une certaine norme ainsi qu’une certaine forme de présent et d’avenir commun avec d’autres.  C’est mieux que rien. Et, puis, ça nous fait vibrer, bouger, et ressentir quelque chose. Ça nous change les idées, et c’est vrai.

 

C’est  pareil pour le chef-d’œuvre au cinéma. Il est souvent plus rare,  plus confidentiel et plus tardif que le « blockbuster » qui fait rapidement un « carton », dont tout le monde va parler, qui écrase d’autres films et les  empêche d’exister comme d’être découverts.

 

La peur et l’anxiété générales, lorsqu’elles s’imposent et remplissent tous les murs de nos pensées font le même effet que plusieurs blockbusters. Plus rien d’autre ne semble exister. Plus rien d’autre ne semble pouvoir exister. Plus rien d’autre ne semble devoir exister. Hé bien, si ! Il existe des Maitres de l’ombre, un peu partout autour de soi, comme en soi-même, qui permettent d’éviter de se faire annihiler ou mettre en boite ou en bière comme à l’intérieur d’une boite de conserve (ou d’un cercueil) par une peur et  une anxiété  permanentes et indélébiles. Et, il s’agit de savoir aussi les débusquer, ces Maitres de l’ombre. Il s’agit aussi de les solliciter. De rechercher, de préférer mais aussi d’exiger leurs enseignements et leur présence.

 

Au lieu de se contenter d’attendre que le bonheur – ou le suicide- nous soit livré.

 

Franck Unimon, ce vendredi 15 janvier 2021.

 

 

 

 

 

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Au Fair Play Sport ce samedi 26 décembre 2020

                          Au Fair Play Sport ce samedi 26 décembre 2020

Lorsque j’ai appris à ma sœur que j’allais emmener ma fille à Paris, dans le 20ème arrondissement, afin qu’elle fasse une initiation de karaté, elle a été étonnée.  J’habite à Argenteuil, en banlieue parisienne.  Il y a des clubs de karaté plus proches. Pourquoi faire autant de trajet ?!

 

Cela fait des années que je fais marrer ma sœur avec mes « excentricités ». Ou que je la déconcerte avec ma logique. Cela nous a aussi valu de sérieux accrochages. 

 

Elle n’est pas la seule personne que je  déconcerte. Cela m’a déjà desservi. Cela continue de me desservir.

 

J’ai néanmoins essayé d’expliquer à ma sœur la raison pour laquelle je tenais à ce que ma fille découvre le karaté avec Jean-Pierre Vignau. D’accord, on peut faire son apprentissage du Karaté ou de toute autre activité physique, sportive ou martiale, avec un professeur proche de chez soi. On peut aussi faire des rencontres décisives près de chez soi.

 

Cependant, les Maitres sont assez rares. Et, Jean-Pierre Vignau en est un. On pourrait penser que je suis un énième père phagocyté par sa vanité et son ego démesuré, pressé de livrer son enfant à cette espèce de « divinité » qu’est un Maitre. Dans l’attente de voir se réincarner dans le corps de ma fille une vie meilleure que toutes celles que j’ai pu rater et espérer.

 

Mais j’ai, je crois, quelques arguments pour réfuter cette idée.

 

Entre Sensei Jean-Pierre Vignau, ancien enfant chétif, placé à l’assistance publique, puis adopté dans une ferme dans le Morvan et ma fille, née chétive car grande prématurée, il y a une relation. Ma fille pesait 880 grammes à la naissance. Bien-sûr, il y a moi entre les deux, bébé bien portant de plus de 4 kilos à la naissance. Et moi, d’une certaine manière, on peut dire que j’ai adopté l’un et l’autre. Car je ne confierais pas ma fille à n’importe qui.

 

Par ailleurs, on peut peser son poids à la naissance et plus tard et être chétif. L’ignorance rend chétif. La bêtise rend chétif. Le découragement rend chétif. La peur rend chétif. La connerie rend chétif. Le manque d’estime de soi-même rend chétif. Et, ça, ce sont des sentiments et des émotions que j’ai connus et que je connais. A ceci près que, contrairement à d’autres peut-être, je m’en souviens. Quelles que soient mes « réussites » ou mon assurance supposées ou éventuelles, j’essaie d’être « meilleur » que je ne le suis ou ne l’ai été. Mes moments d’autosatisfaction existent et sont nécessaires. Mais ils sont provisoires et nécessitent d’être régulièrement réapprovisionnés.

 

En tant que père, et avant même d’être père, j’ai toujours considéré le fait de nager, d’apprendre à lire et à écrire, d’apprendre à se défendre et à faire du vélo comme des apprentissages indispensables. Il est d’autres apprentissages que je vois comme indispensables. Comme savoir prendre la parole, par exemple. Ou savoir s’affirmer. Ce qui revient à savoir se défendre.

 

Alors, il y a un peu partout des enseignants, des formateurs, des éducateurs  comme des spécialistes dans différents domaines qui sont compétents. On peut,  aussi, simplement, s’en remettre au bon sens pratique. Aller près de chez soi. Puisque c’est là que l’on habite. Et partir du principe que «  ça va le faire ». Ou que ça va suffire. Un peu comme on s’en remet au petit bonheur la chance ou, pour dire ça plus prétentieusement, comme on laisse un certain déterminisme décider à notre place. Et, ça peut « marcher ».  D’autant qu’il peut être stérile de s’agiter dans tous les sens par peur du vide ou du néant.

 

Mais on peut aussi mal tomber. Et si l’on aperçoit, quelque part ou quelqu’un, un ailleurs accessible qui peut nous « élever », autant s’accorder cet ailleurs. Plutôt que de le négliger ou de le repousser comme on repousserait un plat ou une œuvre de premier choix juste parce-que l’on a déja un sandwich ou un bouquin avec soi.

 

 

Par ailleurs, je ne crois pas que les « champions » dans une discipline soient obligatoirement les meilleurs pédagogues.  Ou les plus disponibles. Les « champions » ont souvent des « objectifs » élitistes et sont plutôt pressés. Ils sont aussi plus concentrés sur eux-mêmes.  Cela se comprend : on ne peut pas être dévoué aux autres, et tourné vers eux,  et, en même temps, vouloir se consacrer à sa carrière, ses performances et ses records.

Ce n’est pas vers le « champion » Jean-Pierre Vignau que j’ai emmené ma fille.  Mais vers l’Homme que j’ai rencontré.

 

 

Un enfant peut entendre parler de telle personne qui, à tel endroit, pratique telle discipline. Mais ce qui est assez courant, aussi, c’est que dans sa découverte du Monde et de la vie, un enfant va se référer à son environnement immédiat. A ce qu’il voit, entend et comprend de son foyer parental, la famille, l’école, le centre de loisirs, là où il habite, son voisinage. « L’Au-delà » de cet environnement immédiat est souvent un No Man’s Land à moins d’en capter quelques images au travers de media ou de quelques paroles entendues parfois ou souvent à l’insu des adultes.

 

Généralement, « L’Au-delà » de  l’environnement immédiat de l’enfant est le « territoire » des adultes et des parents. Celui des loups et de toutes les créatures qui peuvent faire peur à un enfant.  Là où les « grands » disparaissent durant quelques heures, voire quelques jours ou quelques semaines, et dont ils rapportent dans leur « gueule » ensuite, en rentrant, des paroles, des souvenirs, des objets ou des expériences plus ou moins marquantes pour un enfant. Le Père Noël et ses cadeaux, même si ce sont devenus aujourd’hui des conditionnements commerciaux, ont peut être été conçus pour récompenser les enfants d’être restés bien sagement à la maison. Loin des dangers d’une certaine vie. Même s’il peut être plus risqué pour certains enfants de rester à la maison….

 

 

Si Internet, aujourd’hui, permet peut-être d’accélérer ou de rapprocher cette expérience de « l’Au-delà » du Monde et des adultes, ces derniers, conservent encore la primauté de la répétition de « l’exercice concret » de cette expérience. A moins d’avoir des parents abattus ou reclus à domicile, et des enfants qui prennent possession de l’extérieur de la maison ou qui fuguent, ce qui existe aussi.

 

 

En faisant le trajet jusqu’à Paris, dans le dojo de Jean-Pierre Vignau, je n’ai fait que mettre à portée de ma fille, un trajet, une intention, une intuition, une personne ainsi qu’un lieu, qu’à son âge, elle n’aurait pas pu découvrir par elle-même. Ou qu’elle n’aurait pas eu l’idée d’aller « voir » ou de faire. On sait assez, comment, ensuite, avant même de devenir adultes, nous adoptons assez rapidement une attitude qui consiste à nous « contenter » des mêmes endroits, des mêmes rencontres, des mêmes façons de cuisiner, de vivre et de penser. Par automatisme. Même lorsque cela nous empêche de rêver.

 

 

C’est donc à peu près pour ces raisons qu’il m’importait de me rendre au Fair Play Sport de Jean-Pierre Vignau avec elle. Même si l’on pourrait aussi se dire qu’emmener son enfant quelque part, et observer son comportement, est aussi un bon moyen pour regarder cet endroit, ou une personne, autrement. Afin de mieux voir s’ils nous correspondent.

Mais je n’avais pas cette intention là ce samedi alors que nous allions pour la première fois au Fair Play Sport, à la cité Champagne, métro Maraîchers, dans le 20 ème arrondissement de Paris.

 

 

Comme il m’arrive d’être en retard à mes rendez-vous et que ce projet  de découverte était le mien, j’espérais être à l’heure. Mais, aussi, que ma fille maintienne sa volonté de venir. Ces deux conditions ont été réunies. Le trajet s’est déroulé calmement dans ce Paris d’après Noël. Nous avons pris les transports en commun. Il y avait moins de passagers qu’aux heures de pointe, ce samedi après-midi. Le parcours a duré environ 45 minutes.

 

Il faisait assez froid dehors. Et presque aussi froid dans le dojo où nous sommes arrivés avec une bonne demie heure d’avance. Jean-Pierre et sa femme étaient déjà présents. Ainsi que quelques pratiquants ou  des habitués.

 

Devant notre avance, Jean-Pierre nous a dit : « C’est bien, comme ça vous allez pouvoir vous mettre dans l’ambiance ». Puis, il nous a indiqué le vestiaire. Ensuite, il nous a expliqué où mettre nos chaussures et nos affaires, dans les casiers à l’entrée du tatami.  Il m’a aussi autorisé à prendre des photos comme à filmer.

Nous avons donc découvert les deux ponts dont il m’avait parlé. Lesquels symbolisent la séparation entre le monde extérieur où l’on laisse sa vie coutumière. Et le monde du dojo. Nous avons aussi fait la connaissance de ces tableaux ou représentations de combattants, ainsi que de quelques photos de Maitres que je n’ai pas reconnus.

Dans la salle de musculation, sur la gauche, deux ou trois personnes s’entraînaient. Un homme nous regardait avec curiosité. Deux jeunes étaient déjà présents. Un autre homme m’a appris pratiquer avec Jean-Pierre depuis plus de trente ans. Il m’a parlé du précédent dojo de Jean-Pierre, rue Volga, plus grand, où il pouvait y avoir jusqu’à 60 enfants sur le tatami.

 

La « froideur » du lieu et sa relative austérité ne m’ont pas dérangé. D’une part, parce qu’en plein effort, on a d’autres préoccupations que s’attarder sur la couleur du crépi ou la température de la pièce. Mais aussi parce-que je crois depuis un certain temps que les personnes sont plus importantes que les murs à l’intérieur desquels on s’exerce. Même si, évidemment, je suis sensible à l’esthétique et au confort des lieux où je transite.

 

 

Quelques minutes avant le début du cours, Jean-Pierre s’est mis en kimono. Deux groupes ont été constitués. A gauche, les avancés, plus âgés, dont une femme. A droite, les enfants, dont une fille plus petite que la mienne d’une bonne dizaine de centimètres.

 

J’ai assisté aux dix premières minutes du cours. Depuis ma première rencontre avec Jean-Pierre, j’ai commencé à me rappeler un peu de mes un ou deux ans de karaté lorsque j’avais 12 ou 13 ans. Il y a quarante ans. Nous vivions alors dans une cité HLM à Nanterre qui existe toujours avec ses immeubles de 18 étages.

Je me suis dit que je retournerais peut-être dans ce gymnase, près de mon collège, où ces cours avaient eu lieu. Je me souviens encore du prénom de mon prof de karaté. Danko ou Danco. Je n’ai jamais su de quel pays il était originaire. Je me rappelle qu’il était assez petit et qu’après son départ, il avait été remplacé par un de ses élèves.

 

Alors que Jean-Pierre donnait ses consignes, il m’a semblé retrouver des « origines » de gestes.  Il m’a semblé que certains mots me parlaient. Il est vrai que la pratique du kata m’avait plu, enfant. Et que j’avais aimé les réviser chez moi dans ma chambre. C’est peut-être ça qui m’était resté et qui me revenait un petit peu.

 

Du côté de ma fille, ça se passait « moins » bien.  Tant que nous étions tous les deux côte à côté à arpenter le tatami, tout se passait bien. Puis, juste avant le début du cours, elle avait commencé à dire : «  Je suis timide… ». C’est devenu une espèce de rituel lorsqu’elle se trouve devant une certaine nouveauté. Mais je vois dans ce rituel l’équivalent d’un sortilège auquel elle s’est habituée, avec lequel elle se berce, qui a la puissante faculté de la priver de ses moyens avant même de tenter quoique ce soit. Et alors même qu’elle se trouve en terrain « ami ».

 

Je suis à chaque fois dérouté, et passablement agacé, par la survenue, répétitive et pourtant à chaque fois surprenante, de ce que je crois pouvoir appeler un « rituel ». L’observation et la réflexion ont du bon. Je l’admets. Mais l’autocensure quasi-systématique m’est difficile à supporter.

 

Jean-Pierre ne s’est pas alarmé. Il a dit gentiment à ma fille :

 

« Soit tu regardes, soit tu fais. C’est comme tu veux. Copie sur les autres ».

 

 

De son côté, un pratiquant expérimenté, ceinture noire, a dit à ma fille avec humour :

 

« C’est normal, si tu te trompes. Si tu réussis tout, c’est qu’il y a un problème ! ».

 

 

Après quelques minutes  (dix minutes) j’ai dit à ma fille, immobile, sur le tatamis :

 

« Profite-en ». Puis, je me suis éclipsé. Pour me mettre dans un angle mort de la salle, derrière le tatami, où ma fille ne pouvait pas me voir. Mais d’où, éventuellement, je pourrais la voir si elle se décidait à s’élancer.

 

 

Comme des panneaux indiquaient explicitement que l’usage du téléphone portable était interdit à l’intérieur de l’enceinte, je suis resté là, assis, à écouter. Près des vitrines où des kimonos et du matériel de protection était exposé et en vente. Le kimono de karaté coûtait 50 euros.

 

Par moments, j’entendais Jean-Pierre placer ses instructions en Japonais ainsi que ses exclamations. A un moment, je l’ai entendu dire, sur un ton complice :

« On a moins froid quand on bouge, hein ? ». Etait-ce ma fille ? J’ai essayé de voir. Rien.

 

 

Puis, le cours s’est terminé. Ma fille avait mangé sa compote sur le tatami. Un peu de compote tâchait son manteau qu’elle avait remis.

 

 

S’adressant à ma fille, pas du tout étonné, Jean-Pierre lui a dit :

 

« Moi, aussi, j’ai été un grand timide. Lorsque j’ai débuté le karaté, je suis d’abord resté deux semaines dehors à regarder. Je n’osais pas entrer. Un jour, il s’est mis à pleuvoir. Et, c’est le prof, qui m’avait vu, qui m’a dit d’entrer ». Ma fille n’a rien répondu.

 

 

Avant de partir, nous avons dit au revoir à Jean-Pierre ainsi qu’à Tina, sa femme. J’ai remercié Jean-Pierre.

 

Dehors, ma fille m’a répondu que cela lui avait plu. Mais j’étais contrarié. Je ne savais pas quoi ressentir et penser. Devant Jean-Pierre, je ne pouvais que m’incliner. C’était lui le Maitre. Il savait mieux que moi comment réagir devant une enfant comme ma fille qui n’avait, à mon sens, pratiquement pas bougé pendant l’intégralité du cours. Hormis pour donner quelques coups de poing et quelques coups de pied, si j’avais bien compris.

 

Mais, dehors, et en tant que père, j’étais partagé entre l’impatience, l’incompréhension, la colère, et l’inquiétude. Parce-que s’engager physiquement, pour moi, c’était apprendre à se défendre. Et, rester spectatrice ou spectateur, c’était apprendre à être victime. Voire, pire, peut-être : choisir d’être victime. Insupportable pour moi.

 

 

A côté de moi, ma fille était sereine. Nous marchions main dans la main sur le chemin du retour.

 

 

Je n’ai pas cherché lui tirer les vers du nez. A lui faire subir un interrogatoire tel que :

« Mais pourquoi ?! ».

 

J’ai essayé d’intégrer la leçon. Car, pour moi, la façon dont cela s’était passé ainsi que la manière dont Jean-Pierre avait réagi calmement était ma leçon de karaté. Ma leçon martiale. Mes inquiétudes de père devaient céder devant la patience, l’optimisme et la confiance. Je sais que l’on peut être lent au départ d’un apprentissage et, ensuite, lorsqu’intervient le déclic, connaître une évolution tout à fait correcte. Je suis comme ça. Ma fille peut être « pire » que moi.

 

 

Par ailleurs, je me suis rappelé qu’elle avait accepté de venir sans se faire prier. En outre, en la « laissant » sur le tatami, lorsque je me suis « éclipsé », j’ai été un moment touché par cette très grande confiance que peuvent placer les enfants…dans les adultes. Les enfants peuvent accepter tant de choses des adultes qu’en retour, ceux-ci se devraient ou se doivent de faire leur possible pour être à la hauteur d’une telle confiance mais aussi d’une telle innocence.

 

 

J’étais sûr, aussi, que cette expérience avait sans aucun doute été marquante pour ma fille. Cette grande salle. Ces représentations et ces tableaux. Ces enfants en kimono. Ces termes dans une langue inconnue. Les exclamations de Jean-Pierre. Ce qu’il lui avait dit. Il en resterait forcément quelque chose. A moi de m’assurer que ce serait du « bon ».

 

 

Alors que nous nous rapprochions de la gare St Lazare, j’ai pu trouver où acheter un chocolat chaud. J’ai tendu le gobelet à ma fille. Nous avons terminé le chocolat dans le train.

 

 

Deux ou trois jours plus tard, peut-être hier lorsque j’ai commencé à écrire cet article et que ma fille est venue regarder, elle m’a demandé :

 

« Tu aimes bien, Jean-Pierre Vignau ? ».

 

J’ai répondu :

 

« Oui, je l’aime bien. Autrement, je ne t’aurais pas emmenée le rencontrer ».

 

 Elle m’a écouté. Puis, elle s’est éloignée sans dire un mot.

 

 

Franck Unimon, ce mercredi 30 décembre 2020.

 

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Sensei Jean-Pierre Vignau : Un Monde à part

 

Sensei J-Pierre Vignau, ce lundi 21 décembre 2020 dans sa salle de musculation.

 

 

Sensei Jean-Pierre Vignau : Un monde à part

 

 

Il pleuvait ce lundi 21 décembre 2020 lorsque je suis retourné voir Sensei Jean-Pierre Vignau à son domicile. Depuis notre première rencontre fin novembre, j’avais lu ses deux livres Corps d’Acier ( 1974) et Construire sa légende   (2020)  distants de 26 ans. ( Corps d’Acier/ un livre de Maître Jean-Pierre Vignau ). 

 

 

J’avais aussi rappelé Jean-Pierre plusieurs fois. A chaque fois, il avait pris le temps de me répondre.

 

Cependant, la veille ou le matin de cette seconde rencontre, Jean-Pierre m’apprend qu’il a eu entre-temps des ennuis de santé. Un AVC.  Qu’il a été hospitalisé quelques jours. Mais que ça va mieux maintenant. Je m’en étonne :

 

« Et tu ne m’as rien dit ?! ».

Jean-Pierre : « C’est que je suis un peu cachottier…. ».

 

Ce 21 décembre,  sa femme Tina est en télétravail.  Aussi, Jean-Pierre me reçoit-il cette fois dans sa salle de musculation qu’il m’avait présentée la dernière fois.

 

Dès que je sors de ma voiture, je lui explique que la « dernière fois » j’avais enlevé mon masque chirurgical de prévention anti-covid. Mais qu’au vu de ses ennuis de santé récents, je préfère le garder. Lui, toujours à visage découvert, sa casquette sur la tête, me répond :

 

« Je m’en fous ! ».

 

Ma réaction est immédiate : « Mais, moi, je ne m’en fous pas ! ». Sourire de Jean-Pierre.

 

J’ai donc gardé mon masque. Ce qui donne à ma voix ce son un peu étouffé alors que je tiens mon caméscope lors de l’interview.

 

Celle-ci débute en parlant de celui qu’il cite comme son Maitre de Karaté : Sensei Kase.

 

Cette interview filmée aurait pu s’appeler  » 3553 mouvements de base« .  » Savoir ce qu’on est ». « Tu réussis ou tu te tues » . » Mettre les ego de côté ». « Ce n’est pas à moi d’exclure ou d’interdire ». « Le plus important, c’est de savoir tenir sa place ». « La compète, c’est un faux jugement ». « En six mois ou deux ans, tu n’as pas le temps de comprendre« .

 

Mais, finalement, j’ai trouvé que le titre  Un Monde à part correspondait très bien à Sensei Jean-Pierre Vignau et aussi qu’il incluait ces autres titres « délaissés ».

 

 

A la fin de l’interview,  alors que j’ai éteint mon caméscope, je parle à Jean-Pierre de ma rencontre fortuite de Sensei Léo Tamaki quelques jours plus tôt.  j’en parle dans mon article L’Apparition . Aussitôt, Jean-Pierre relève la tête et me dit :

 

« On croit que l’on décide dans la vie mais c’est le hasard qui choisit ».

 

Je lui parle de mon projet de solliciter Léo Tamaki pour une interview. Jean-Pierre cherche alors le numéro de téléphone de celui-ci et me le donne.

 

Je joins Léo Tamaki au téléphone le lendemain ou le surlendemain. Nous convenons, lui et moi de nous rencontrer début ou fin janvier 2021. Depuis, j’ai acheté le dernier numéro du magazine Yashima dans lequel il interviewe Richard Douïeb, plus haut représentant du Krav Maga en France. J’ai d’abord été un peu surpris de voir Richard Douïeb en couverture de Yashima, magazine qui traite «  des Arts Martiaux et de la Culture du Japon ».

 

 

Cependant, le Krav Maga est une discipline à laquelle je me suis aussi intéressé sans que je me décide à « l’essayer ». Il y a trois ans maintenant environ,  ou peut-être plus, je m’étais ainsi déplacé au club de Krav Maga dans le 9ème arrondissement de Paris où il arrive que Richard Douïeb intervienne. A « l’époque », pratiquer un sport de combat ne me suffisait plus. Je cherchais déjà un Maitre.

 

Aujourd’hui, ce samedi 26 décembre, j’irai voir Sensei Jean-Pierre Vignau dans son club, le Fair Play Sport, dans le 20ème arrondissement de Paris avec ma fille. Si les enfants peuvent depuis quelques jours reprendre une activité physique en club (en raison du contexte de la pandémie du Covid) , les adultes, eux, doivent encore patienter. C’est donc ma fille qui découvrira avant moi le Maitre sur le tatamis.

 

Franck Unimon, ce samedi 26 décembre 2020.

 

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L’Apparition

 

L’Apparition

 

 

J’étais très content de devoir aller dans une agence de l’opérateur Orange. Il fallait faire tester la livebox. Eventuellement en avoir une nouvelle qui marcherait mieux que celle que j’avais depuis des années.

 

Et me faire tester aussi, peut-être. J’étais parfois saisi de microcoupures. Alors, j’avais du mal à me connecter. Quand on me parlait, j’avais la parole vide. Cela devenait une idée fixe.

 

Au bout du fil, quelques jours plus tôt, Anissa, la technicienne que j’avais contactée, avait fait son possible. Elle avait fait des tests à distance. Pour conclure qu’il me fallait me rapprocher physiquement d’une agence de l’opérateur Orange. Celle de ma ville, et peut-être de ma vie, avait fermé deux ou trois ans plus tôt.

 

J’ai pris le train.

 

Cela m’a semblé plus pratique d’aller à l’agence d’Opéra. Près de l’Opéra Garnier. Internet et la téléphonie mobile côtoyaient la musique classique.  Nous habitons dans ces paradoxes en permanence. Et cela nous semble normal.

 

 

Très vite, en arrivant à Paris, je me suis retrouvé dans les décors de Noël. Il y avait du monde dans les rues et devant les magasins. Les achats de Noël. C’était une seconde raison d’être content. Cette obligation de faire la fête sur commande. De faire des achats.

 

Impossible de changer de cerveau. Aussi, tout ce que je voulais, c’était que l’on me change ma livebox. Mais le manager m’a très vite contrarié. Il m’a expliqué qu’il me fallait un bon. La technicienne ne m’en avait pas fourni. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était tester la livebox. Il m’a demandé de patienter. Cela pouvait prendre cinq ou dix minutes.

 

Nous étions dans un sous-sol sans fenêtres et surchauffé. Un éclairage veillait à simuler la lumière du jour mais elle échouait à faire oublier notre enfermement. Enfermement auquel les  employés semblaient indifférents. Quelques ordinateurs, quelques stands, l’esprit d’équipe et une fonction définie pour quelques heures suffisaient pour oublier.

Moi, je n’oubliais pas. J’avais dû me déplacer.

 

Je suis reparti avec ma livebox. Elle marchait très bien. Le manager m’a remis le bordereau du test. Par geste commercial ou par diplomatie, il m’a remis une clé 4 G wifi provisoire valable deux mois. Il m’en a expliqué le fonctionnement très simple :

 

«  On allume là où on éteint ».

 

La bonne nouvelle, c’est que j’avais peu attendu dans l’agence.

 

Dans une rue que je n’avais aucune raison de prendre dans ce sens vu qu’elle m’éloignait de la gare du retour, j’ai croisé un homme.  Le magasin Le Printemps était sur ma gauche de l’autre côté de la rue.

 

Plus petit que moi, l’homme avançait masqué comme nous tous en cette période Covid. Il portait un catogan. Ce que j’ai perçu de son visage m’était familier. Le temps que son identité se forge dans mes pensées, il m’avait presque passé. Je me suis retourné et l’ai regardé marcher. Ses jambes étaient très arquées. Alors qu’il s’éloignait, j’ai imaginé les moqueries, plus jeune, et une de ses phrases :

« J’ai eu une jeunesse un peu compliquée » qui laissait supposer qu’il avait dû beaucoup se bagarrer, enfant.

 

Son sac sur le dos, un repas de l’enseigne Prêt à manger à la main, le voilà qui s’arrête à cinquante mètres. Il a enlevé son masque et commence à boire à la paille ce qui est peut-être une soupe. Je me rapproche.

 

Mon masque sur le visage, je le salue et lui demande :

 

« Vous êtes Léo Tamaki ? ». Mais avant même qu’il ne me le confirme, je savais.

 

Je lui ai parlé de son blog, de Jean-Pierre Vignau ( Arts Martiaux : un article inspiré par Maitre Jean-Pierre Vignau). Il m’a écouté. Je me demandais s’il était encore dans son école vu que j’avais cru comprendre qu’il était souvent en voyage. Avec le sourire, il acquiesce concernant ses voyages fréquents. Puis, me précise qu’il est toujours présent dans son école qui se trouve «  à quinze minutes à pied d’ici ». Qu’il espère rouvrir en janvier.

 

Sa question arrive vite : «  Vous avez déjà pratiqué ? ». «  J’ai pratiqué un peu de judo ».

Lorsque je lui parle de mes horaires de travail de nuit, je retrouve le tranchant de sa pensée telle que je l’ai perçue dans une vidéo où il est face à Greg MMA. Mais aussi dans ses articles pour les magazines Yashima et Self& Dragon. C’est un homme qui réagit avant même que l’on ait eu le temps de saisir les conséquences de ce que l’on formule. On imagine facilement que c’est pareil en cas d’attaque.

 

L’échange est bref. Un moment, j’enlève mon masque afin qu’il voie mon visage lorsque je me présente. Je me dis souvent que cela doit être insolite de se faire aborder par un inconnu masqué. Mais cela ne semble pas le désarmer plus que ça. C’est une question de contexte et de tranquillité d’esprit peut-être. Nous sommes en plein jour, dans une grande avenue fréquentée. Et, je suis venu calmement. Il y a quelques années, assis dans un recoin de la rue de Lappe, en soirée, j’avais aperçu l’acteur Jalil Lespert qui passait avec ses deux enfants.  C’est un acteur dont j’aime beaucoup le jeu. Dont la carrière est étonnamment discrète. Je l’avais salué à distance. Mais, à sa façon de faire avancer ses enfants, j’avais compris que je l’avais surpris et un peu effrayé. Ça m’a étonné d’apprendre récemment que Jalil Lespert, le discret, vit désormais une idylle avec Laeticia Halliday, la « veuve » de Johnny. Celle qui pleurait son « homme » il y a encore deux ans. Mais on a le droit de vivre.

 

Léo Tamaki, c’est un autre monde que Johnny, Laeticia, Jalil Lespert et le cinéma. C’est le monde de l’Aïkido et des Arts martiaux. Les deux mondes peuvent se concilier : show « bises » et Arts Martiaux. Mais pour cela, dans le désordre, il  faut avoir quelque chose de particulier qui répond à une nécessité voire des affinités et, avant cela, des lieux de fréquentation communs.

 

Franck Unimon, ce vendredi 18 décembre 2020.

 

 

 

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Corps d’Acier/ un livre de Maître Jean-Pierre Vignau

 

 

Corps d’Acier(La Force conquise La violence maîtrisée)un livre de J-Pierre Vignau

 

Les Fêtes de ce Noël 2020 se rapprochent. Comme chaque année, nous achèterons des objets du bonheur que nous offrirons. Nous sommes souvent prêts à payer de notre personne pour celles et ceux que nous aimons. Et pas uniquement à Noël.

 

La pandémie du Covid que nous connaissons depuis plusieurs mois, avec ses masques, ses restrictions, ses conséquences sociétales, affectives, économiques, culturelles et ses « feuilletons » concernant la course aux vaccins, leur fabrication et leur distribution, donne encore plus de poids à ce que nous vivons de « bien » avec les autres.

 

Pourtant, le bonheur ne s’achète pas.

 

« Avant », la vie était plus dure. « Avant », les clavicules obnubilées par l’étape de ma survie ou de ma liberté immédiate, je n’aurais pas pu m’offrir le luxe de m’épancher sur mon clavier d’ordinateur.

 

Mais, aujourd’hui, un sourire comme une décoration de Noël peut aussi être le préliminaire d’un carnage futur.

 

Avant, comme aujourd’hui, cependant, le bonheur existe.

 

Parce-que le bonheur ne s’achève pas.

 

La lecture après la rencontre :

 

 

Sauf qu’en tant qu’adultes, nous sommes souvent coupables. Soit de ne pas assez nous mouvoir. Soit d’être forts d’un Pouvoir que nous ne savons pas voir.  De mal nous protéger et de mal protéger notre entourage et notre environnement. Comme de tenir de fausses promesses. Et lorsque nous agissons et prenons certaines décisions, nous agissons souvent comme des enfants. Les fêtes de Noël et d’autres réjouissances officielles nous permettent de l’oublier. Sans doute préférons-nous croire que c’est seulement en ces circonstances que nous nous comportons comme des enfants…..

 

Le livre Corps d’Acier La Force Conquise La violence Maitrisée de jean-Pierre Vignau publié en 1984 m’a parlé parce-que le « petit » Vignau né en 1945 a parlé à l’enfant que je suis resté.

 

D’ailleurs, c’est souvent comme ça lorsque l’on rencontre quelqu’un. L’enfant qu’il est ou qu’il a été parle d’abord à nos rêves près de la frontière de notre squelette.

C’est instinctif. Viscéral. C’est seulement après, lorsque c’est possible, que, nous, les « civilisés », laissons à nos lèvres et à nos oreilles le temps de parler et d’écouter.

Et, assez généralement, alors, on finit par se reconnaître un peu dans l’autre.

 

 

J’ai lu ce livre après avoir rencontré et interviewé Maitre ( ou Sensei) Jean-Pierre Vignau comme je l’ai raconté. ( Arts Martiaux) A Toute épreuve : une interview de Maitre Jean-Pierre Vigneau ) Puis, juste après ce livre, j’ai lu son dernier ouvrage, paru en 2020, Construire sa légende Croire en soi, ne rien lâcher et aller jusqu’au bout, qu’il a accepté de me dédicacer.

 

 Chacun ses Maitres :

Certaines et certains trouveront leurs Maitresses et leurs Maitres dans l’exemple et le parcours de personnalités diverses. Aya Nakamura, Camille Chamoux, Booba, Kylian Mbappé, Donald Trump, Nicolas Sarkozy, Lilian Thuram, Zinedine Zidane, Benoit Moitessier, Olivier de Kersauson, Alain Mabanckou, Samuel Jackson, Miles Davis, Denzel Washington, Krzysztof Kieslowski, Damso, Blanche Gardin, Laure Calamy, Frantz Fanon, Robert Loyson, Jacob Desvarieux, Danyel Waro, Ann O’Aro, Cheick Tidiane Seck, Tony Allen, Amadou Hampaté Ba, Tony Leung Chiu Wai…

 

Certaines des quelques personnes que je viens de citer ne font pas partie de mes références mais elles le sont pour d’autres. Des artistes, des sportifs de haut niveau, des femmes et des hommes politiques….

 

On peut aussi trouver ses Maitresses ou ses Maitres chez des Maitres d’Arts Martiaux.

 

Si je suis séduit et sensible au parcours de bien des « personnalités » d’hier et d’aujourd’hui, comme à celui de Maitres d’Arts martiaux, j’ai, je crois, assez vite- et toujours- fait une distinction entre le titre et la personne.

 

Je choisirai toujours d’abord, si j’en ai la possibilité, la personne qui me parle personnellement. Correctement. Même si elle est sévère et exigeante. Dès l’instant où elle ou il me semblera juste.

 

Et, cela, avant son titre ou ses titres. Pour moi, une Maitresse ou un Maitre, c’est aussi celle ou celui qui a vécu. Qui a traversé des frontières. Qui a peut-être morflé. Qui s’est aussi trompé. Qui en est revenu. Qui s’en souvient. Qui peut faire corps. Et qui peut être disponible pour transmettre à d’autres ce qu’il a compris, vécu. Afin que celles-ci et ceux-ci vivent mieux, comprennent, s’autonomisent ou souffrent moins.

 

Dès les premières pages de Corps d’acier,  on apprend que Jean-Pierre Vignau, placé enfant à l’assistance publique, a été le dernier môme à trouver une famille d’accueil dans une ferme dans le Morvan.

 

Cette famille qui l’a alors accepté, ou intercepté, c’était un peu la famille de la dernière chance. Jean-Pierre Vignau était le plus chétif du lot. Or, les familles d’accueil étaient plutôt portées sur les enfants d’apparence robuste pour aider dans les diverses tâches de la maison.

 

Vignau raconte comment, conscient que c’était sa dernière chance, il accourt vers cette femme qu’il voit pour la première fois pour plaider sa cause et la convaincre.

Il se rétame alors devant elle et le directeur, embarrassé, de l’assistance publique. Pour se relever et se plaquer contre cette adulte inconnue et, quasiment, l’implorer de le prendre….

 

 

Une fois adopté par cette femme, les ennuis médicaux de Jean-Pierre Vignau s’amoncellent. Cirrhose du foie, problèmes pulmonaires, décalcification, colonne vertébrale en délicatesse…. On est donc très loin du portrait de l’enfant « parfait » ou doué.

 

La greffe prend entre Vignau et ses parents « nourriciers ». Mais pas avec l’école. Il sera analphabète jusqu’à ses 28 ans et apprendra à lire en prison.

 

Lors de ma rencontre avec lui fin novembre chez lui, un demi-siècle plus tard,  nous avons surtout parlé d’Arts martiaux ;  un peu de son expérience de videur (durant huit ans). Et de son accident lors d’une de ses cascades qui lui a valu la pose d’une prothèse de hanche alors qu’il était au sommet de sa forme physique.

Nous avons peu parlé de son enfance. Pourtant, il est évident que celle-ci, de par les blessures qu’elle lui a infligées, mais aussi grâce au bonheur connu près de ses parents nourriciers, l’a poussé dans les bras de bien des expériences, bonnes et mauvaises, qu’il raconte dans son Corps d’acier.

 

Je n’ai aucune idée de ce que cela peut faire de lire d’abord Construire sa légende, son dernier ouvrage. Mais en le lisant après Corps d’acier, j’ai vu dans Construire sa légende une forme de synthèse intellectualisée et actualisée de ce que l’on peut trouver, de façon « brute », dans Corps d’acier.

 

Construire sa légende a été co-écrit par Jean-Pierre Vignau et Jean-Pierre Leloup «  formateur en relations humaines en France et au Japon ».

Jean-Pierre Leloup « anime des conférences sur le développement personnel » nous apprend entre autres la quatrième de couverture. L’ouvrage est plus rapide à lire que Corps d’Acier et le complète. Corps d’Acier, lui, compte plus de pages ( 231 contre 159) a été publié par les éditions Robert Laffont  dans la collection Vécu.

 

Donc, avec Corps d’Acier, on a un récit direct d’un certain nombre d’expériences de vie de Jean-Pierre Vignau ( Assistance publique, ses parents nourriciers, sa mère, son beau-père, la découverte des Arts Martiaux, son passé d’apprenti charcutier, de serveur, de mercenaire en Afrique, son flirt avec le SAC de l’Extrême droite etc…). Dans un climat social qui peut rappeler la France de Mesrine – qu’il ne cite pas- ou du mercenaire Bob Denard qu’il ne cite pas davantage. Mais aussi à l’époque du Président Valéry Giscard D’estaing (Président de 1974 à 1981) décédé récemment voire du Président Georges Pompidou qui l’avait précédé.

 

Cette époque peut sembler étrangère et très lointaine à beaucoup. Et puis, on arrive à des passages où on se dit que, finalement, ce qui existait à cette époque peut encore se retrouver aujourd’hui. Exemples :

 

Page 89 (sur son expérience de mercenaire)

 

« L’Afrique, je n’ai pas grand chose à en dire (….). J’étais là pour me battre, pour oublier, si c’était possible. Pour me lancer à corps perdu dans des combats auxquels, politiquement, je ne comprenais rien mais dont la violence effacerait peut-être Claudine de ma mémoire ».

 

Page 90 :

«  La grande majorité des gars du camp cherchaient à anéantir leur peur par tous les moyens, surtout grâce à l’alcool. Parfois, c’était à se demander pourquoi ils étaient là. 80% d’entre eux faisaient croire aux autres qu’ils étaient là pour la paye. Les autres 20% étaient là, paraît-il, pour « casser du Nègre ». En réalité tous ces bonshommes qui étaient loin d’être des « supermen », étaient largués dans cette jungle pour des motivations semblables aux miennes. C’est-à-dire qu’une femme les avait laissés tomber, leur femme, leur mère, leur sœur etc…Et par dépit, ils s’étaient embarqués, comme moi, dans cette galère ».

 

Sur sa violence au travers de son expérience de videur :

Page 173 :

 

« Donc, tous les soirs, bagarre (… ) C’était le n’importe quoi intégral, dans cette ambiance bizarre de trois quatre heures du matin, dans cette jungle pas africaine du tout ».

 

«  Quelque chose ne tournait pas rond en moi, aussi (….). Je sentais que je commençais à prendre du plaisir à taper sur les emmerdeurs. La violence accumulée toutes ces années ».

 

« Ces soirées où je risquais ma vie pour que les noctambules puissent s’agiter tranquillement sur les pistes de danse ».

 

« J’étais devenu une sorte de machine parfaitement rodée et huilée, toujours en progrès. Une machine à démolir. Une machine à tuer. Même quand je dormais je ne rêvais que de bagarres, coups, courses dans les rues de mes rêves ».

 

Jusqu’au jour où un événement « l’éveille » particulièrement et l’amène à changer d’attitude.  (L’événement est relaté dans le livre). A partir de là, la pacification de soi qui est au cœur de la pratique des Arts Martiaux prend le dessus. Mais comme on le comprend en lisant Corps d’Acier, il a fallu que Jean-Pierre Vignau vive un certain nombre d’épreuves et d’expériences auxquelles il a survécu. Et, il lui a fallu beaucoup de travail effectué au travers des Arts Martiaux – qu’il débute à 13 ou 14 ans- tel qu’il en parle, page 190.

 

 

L’importance de persévérer dans le travail sur soi :

Page 190 :

 

«  La deuxième forme de recherche, celle à laquelle je consacre mon temps et ma vie, est une esthétique du mouvement. Ce qui amène à une forme de logique spirituelle. Pour obtenir un résultat, il faut travailler, travailler encore et toujours. On forme donc son corps, son endurance et la volonté de son esprit. Et, sans même la chercher, on obtient l’efficacité ».

 

Dans ce passage, Vignau explicite que la voie martiale est assez longue. C’est donc un mode de vie. La voie martiale est le contraire d’une mode, d’un spectacle, d’un raccourci vers le chaos comme une dictature, le banditisme ou le terrorisme par exemple.

 

Par manque de travail sur soi, nos existences peuvent facilement devenir stéréotypées et stériles même si nous avons l’impression de « faire quelque chose » ou d’être «  quelqu’un ». Vignau le dit à sa manière, page 192 :

 

« Ici, quand je m’entrainais, c’était uniquement pour moi et pas pour aller frapper les images parlantes qui viendraient «  foutre la merde » le soir dans les boites ».

Conclusion :

Pour conclure, dans Construire sa légende Croire en soi, ne rien lâcher et aller jusqu’au bout, page 42, il y a ce passage :

 

« La réaction aux situations stressantes sont de trois ordres : combat, fuite, blocage, respectivement 15%, 15%, 70 % chez l’individu lambda. Les policiers du RAID, par exemple, inversent ce rapport avec 70% pour la réaction de combat. Appliquons cela à Vignau à travers quelques unes de ses expériences ».

 

 

Dans Construire sa légende, il est aussi précisé plusieurs fois qu’il est inutile d’essayer de ressembler à Vignau. Ou à un policier du RAID, d’abord sélectionné pour des aptitudes mentales, psychologiques et physiques particulières. Puis formé et surentraîné à diverses méthodes de combat.  Avec et sans armes.

 

Chacune et chacun fait comme il peut. Cependant, certaines personnes, sans faire partie du RAID, savent très bien combattre. Mamoudou Gassama, le jeune Malien sans papiers, qui, le 26 Mai 2018,  avait sauvé le gamin accroché dans le vide à un balcon d’immeuble dans le 18ème, avait selon moi combattu. Sans pour autant faire partie du RAID. Et je ne sais même pas s’il était pratiquant d’Arts Martiaux.

Ce 26 Mai 2018, Mamoudou Gassama avait au moins combattu l’impuissance et l’inaction devant la chute prévisible de l’enfant suspendu dans le vide. Mais aussi  certains préjugés sur les migrants sans papiers.

 

Mais seule une minorité de personnes est capable de réagir spontanément comme l’avait fait Mamoudou Gassama en risquant sa vie ce jour-là. D’ailleurs, il avait été le seul, parmi les « badauds » présents, à pratiquer l’escalade jusqu’au gamin. 

 

On peut trouver des Maitres, des coaches, des thérapeutes ou autres personnes de confiance et bienveillantes qui peuvent nous permettre d’inverser un peu ces pourcentages lors de situations stressantes dans notre vie quotidienne. Pas nécessairement lors d’un combat ou d’une agression dans la rue.

 

On peut aussi diversifier nos expériences pratiques et sportives dans des disciplines qui, a priori, nous effraient ou nous semblent inaccessibles. Et se découvrir, avec de l’entraînement, certaines aptitudes que l’on ignorait.

 

Le combat, cela peut être, et c’est souvent, d’abord vis-à-vis de nous mêmes qu’il se déroule. Vis-à-vis de nos propres peurs que nous acceptons de combattre ou devant lesquelles nous fuyons ou nous bloquons. Si nous acceptons de combattre certaines de nos peurs, nous pouvons changer de vie pour le meilleur au lieu de subir.

 

Corps d’Acier La force conquise La violence maitrisée et Construire sa légende Croire sa légende Ne rien lâcher et aller jusqu’au bout parlent au moins de ça. Ou, alors, j’ai lu de travers et raté mon explication de texte.

 

 

 

Franck Unimon, ce vendredi 11 décembre 2020.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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La Fabrique du Monstre / Un livre de Philippe Pujol

 

 

 

 

 

Marseille a d’abord été un amour étranglé. Il m’a fallu du temps pour aimer cette ville. L’élan de l’accent, du soleil et de la mer, stoppé. Elle était blanche. J’étais noir.

 

J’aurais dû le savoir dès notre première rencontre à Paris, à la Gare du Nord. Elle partait en Irlande. Moi, en Ecosse. Elle écoutait U2 et des groupes comme Simply Red. J’écoutais Miles Davis, des groupes comme Black Uhuru mais aussi du Zouk.

 

Ses parents ne votaient peut-être pas pour le Front National mais sans doute louaient-ils certaines de ses idées.

La littérature, sujet de ses études universitaires en lettres classiques avec le Latin et le Grec, nous avait aussi rapprochés. Par « réalisme » économique et social,  quatre ans plus tôt, au lycée, j’avais renoncé à aller à la Fac. Et, peut-être qu’avec elle, je me rattrapais.

 

Je fus prêt à venir m’installer à Marseille. J’avais prévu de postuler à l’hôpital Edouard Toulouse ou dans n’importe quel autre établissement hospitalier. Elle m’en dissuada.

 

Après une première « séparation » et quelques années, comme tant d’autres qui vivent par espoir et par amour, je finis par être déshérité par cette histoire de rejet.

 

Notre première rencontre datait du 20 ème siècle. En 1990. Deux de mes amis, une femme et un homme, elle, parisienne blanche, lui, Arabe originaire d’Algérie qui, enfant, avait connu les bidonvilles de Nanterre, ne croyaient pas à cette histoire de couleur de peau.

 

Je n’ai jamais douté de cette histoire. Il a toujours été évident pour moi que tout sacrifice de sa part en faveur de notre relation me serait reproché plus tard.

 

Je rencontrais néanmoins ses parents. Et cela se passa bien. Je pris une chambre d’hôtel avec vue sur le Vieux-Port. Ce fut pour son mariage avec un autre. Un Marseillais comme elle avec lequel la rencontre avait coulé de source.

 

Quelques années plus tard, nous nous sommes brouillés officieusement. Peut-être définitivement. J’imagine que, pour elle, c’est du fait de ma connerie.

 

Depuis, je suis retourné à Marseille. Sans l’appeler.

 

J’ai appris avec cette histoire que l’Amour partagé et sincère ne suffit pas.

 

 

Philippe Pujol a quarante et un ans lorsqu’il écrit La Fabrique du Monstre, paru en 2016.

Ce livre a un sous-titre : «  10 ans d’immersion dans les quartiers nord de Marseille, parmi les plus inégalitaires de France ».

 

Pujol aime Marseille qu’il qualifie de «  plus jolie ville de France » à la fin de son livre. Mais lorsqu’il  parle de Marseille, l’Amour n’est pas son seul atout.

 

Pujol s’est fait connaître pour d’autres ouvrages. Il a obtenu le prix Albert Londres de l’année 2014 «  pour sa série d’articles Quartiers Shit publiés dans le quotidien régional La Marseillaise » nous apprend la quatrième de couverture.

 

C’est sans doute ce prix Albert Londres, un de ses ouvrages relatif à Marseille ou celui qu’il a consacré à son cousin fasciste qui m’a permis d’entendre parler de Philippe Pujol pour la première fois il y a deux ou trois ans.

 

Je croyais que Pujol, d’origine corse nous apprend-t’il, était né à Marseille. Il est né à Paris dans le 12èmearrondissement selon Wikipédia. Par contre, il a grandi et vit à Marseille depuis sa petite enfance. Au gré de certaines de ses connaissances qu’il nous présente, on devine qu’il a dû grandir dans un milieu social moyen ou au contact de personnes d’un milieu social moyen et modeste avec lesquelles il a su rester en relation. J’aurais peut-être pu devenir un petit peu comme lui si j’étais resté vivre dans ma cité HLM de Nanterre. Pas en faisant une école de journaliste. Mais en rencontrant d’abord comme je l’ai fait et comme je continue de le faire différentes sortes de personnes de par mon métier d’infirmier en psychiatrie et en pédopsychiatrie.

 

La ville de Marseille que Pujol raconte dans La Fabrique du Monstre est celle des tranchées. Peut-être, aussi, celle des trachées. On y respire moins bien qu’en terrasse ou au bord de la plage où l’on vit débranché de ce que Pujol raconte.

 

En cherchant un peu, on apprend vite que Pujol a tenu pendant des années la colonne fait divers d’un journal de Marseille. Et qu’il a appris à écrire de cette manière. De ses débuts de journaliste-reporter, Pujol peut dire lui-même qu’il faisait « pitié » question écriture.

Alors que je rédige cet article, je me dis qu’il y a un peu du David Simon (l’auteur de Sur Ecoute, Treme…..) chez Philippe Pujol. Pour cette façon qu’il a de coller ses branchies, ses six-trouilles et son cerveau dans certains milieux de Marseille tapis dans l’hostilité ou la clandestinité où il vaut mieux être accepté. Et pour pouvoir en parler ensuite dans ses livres.

 

Pujol a sans aucun d’autres modèles que Simon et il en cite quelques uns à la fin de son livre. Mais je ne crois pas qu’il me reprochera de le rapprocher- un peu- de David Simon.

 

Car son La Fabrique du Monstre est un travail de pelleteuse lorsqu’il parle de Marseille. Il retourne la ville pour nous l’expliquer. Tantôt en sociologue ou en historien, tantôt en expert comptable ou comme un auteur de polars. Qu’il parle des petits trafiquants de shit, des règlements de compte, d’autres trafics ; du monde politique marseillais depuis ces trente dernières années (Gaudin, Guérini…) ; des alliances politiques avec le Front National ; des immeubles insalubres, des difficultés de logement, de cafards à cinq centimes et de Mac Do ; des projets immobiliers discordants, du clientélisme ; de certains bandits qui investissent ou s’arrangent avec de grandes entreprises, de racket, d’un certain «bordel » concernant la conduction des projets ; de la mainmise du syndicat F0 sur certaines transactions… Pujol décrit presque Marseille comme s’il s’agissait d’une simple cité (une cité faite d’un certain nombre de villages). Et qu’il en connaissait presque chaque atour. Ainsi que les murmures et les rumeurs qui vont avec.

 

 

La ville qu’il « enseigne », je l’ai à peine effleurée. Et, l’on se dit que toute personne qui souhaiterait venir s’installer à Marseille pourrait être bien inspirée de lire son ouvrage. Selon son projet de vie, y aller seule, investir dans l’immobilier ou y faire grandir ses enfants, celle ou celui qui lira son livre aura de quoi éviter de s’illusionner sur le côté en prime abord décontracté de la ville. Même si Pujol souligne aussi qu’il y a des personnes qui réussissent à venir habiter à Marseille. Et à y rester.

 

 

En parcourant La Fabrique du Monstre, on apprend que Marseille, cela reste loin, pour le gouvernement parisien. D’où cette espèce de « carte blanche »  laissée aux différents acteurs économiques et politiques de la ville et de la région abonnés aux excès. Au détour d’une anecdote, on croise ainsi le mépris aujourd’hui lointain d’un Lionel Jospin, alors Ministre, qui, sollicité pour intervenir sur un dossier marseillais réplique en quelque sorte qu’il a d’autres mistrals à fouetter. Sa future défaite aux élections présidentielles peut-être….

 

Pujol précise que, malgré le soleil, la mer et diverses réalisations qui ont fait du bien à l’image de Marseille, celle-ci reste pour beaucoup une ville «  en voie de développement ». D’autres parlent d’une paupérisation de ses classes sociales moyennes et modestes. Ce qui l’amène à voir Marseille comme un condensé de la France où, de plus en plus, les pauvres vivent avec les pauvres, et les riches avec les plus riches. 

 

 

Néanmoins, Pujol souligne que deux ou trois grandes avancées pour Marseille viennent de l’Etat ou de l’Europe :

 

Le TGV qui a mis Marseille à trois heures de Paris. Le projet Euroméditerranée.

Marseille, ville européenne de la Culture 2013.

 

 

Pour conclure, Pujol salue la grande aptitude des Marseillais à continuer de se parler. J’ai été agréablement étonné d’apprendre qu’il existe à Marseille un militantisme  antifasciste actif qui a plus d’une fois pris le dessus sur certaines initiatives du Front National.

Plus tôt, il a affirmé que Marseille a plus une culture du grand banditisme que du terrorisme islamiste.  

Pour lui, Marseille n’est pas le monstre régulièrement présenté dans certains média. Mais la France telle qu’elle peut être dans d’autres régions. Sauf que sa misère et ses travers se voient davantage en plein soleil que coulés dans le béton et dans certaines banlieues plus ou moins éloignées.  

 

Franck Unimon, ce jeudi 3 décembre 2020.

 

 

 

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( Arts Martiaux) A Toute épreuve : une interview de Maitre Jean-Pierre Vigneau

Maitre Jean-Pierre Vignau chez lui, ce samedi 21 novembre 2020.

 

 » Tu as le feu vert ». Cette phrase de Jean-Pierre Vigneau, je m’en suis rappelé quelques heures plus tard, hier soir (ce mardi 24 novembre 2020). 

Dans l’article Arts Martiaux : un article inspiré par Maitre Jean-Pierre Vignau

j’évoquais cette interview filmée de Maitre Jean-Pierre Vignau. C’était ce samedi 21 novembre 2020. 

Hier ( mardi 24 novembre) j’ai tenté de joindre Jean-Pierre avant de publier mon article. Pour le prévenir. Mais aussi pour voir avec lui s’il préférait lire l’article auparavant. Répondeur. Finalement, j’ai publié l’article. Puis, quelques heures plus tard, je lui ai envoyé le lien de l’article par sms. Jean-Pierre m’a alors appelé.

 » J’ai raté l’appel tout à l’heure » m’a-t’il dit. Je lui ai alors expliqué où j’en étais et lui ai demandé comment il voulait que l’on s’y prenne. Et, là, la phrase de Jean-Pierre est arrivée simplement.

 

Le Feu vert.

 

Dans cette simple phrase, toute la confiance de Jean-Pierre. Nous nous sommes rencontrés une seule fois. Il n’a jamais rien lu de moi. Et, je devine qu’il ne lira peut-être pas l’article tout de suite s’il le fait. Il a mieux à faire ailleurs. Comme, par exemple, écouter dans quelques heures (ce mardi 24 novembre au soir) ce que va dire « Le Président » concernant le maintien ou l’assouplissement des mesures concernant le confinement à propos de la pandémie du Covid. 

 

 » Le président ?! ». Je pense alors au Président de la Fédération de Karaté ou des Arts Martiaux même si je ne sais pas de qui il s’agit.

Non ! Le Président Macron, me répond Jean-Pierre. Je me suis tellement « moulé » dans un certain mode de vie depuis la pandémie et les mesures de confinement. J’ai été si convaincu qu’il allait nous falloir faire montre de patience, que, depuis le tout premier discours – Mi-mars- du Président de la République, Emmanuel Macron, « notre » Président, je n’écoute plus ses discours. 

Ou, peut-être, que je n’ai toujours pas digéré cette ambiance de fin du monde de son premier discours Mi-Mars. Je n’ai jamais cru non plus à mon statut « de héros de la nation ». Je n’ai jamais compté sur la production expresse et miraculeuse du vaccin « magique ». Alors que je m’étais inquiété quant à la perte de certaines de nos libertés. Même si je me suis rapidement « fait » à cette nécessité des gestes barrières. Et à un petit peu de discernement quand c’est possible. 

Mon « indifférence » actuelle envers le Président Emmanuel Macron vient peut-être aussi du fait que, même s’il prend la parole et essaie de paraître comme celui qui reste le chef d’orchestre,  j’ai fini par considérer que la pandémie est depuis quelques mois devenue notre véritable présidente installée.

Une « Présidente » Covid autour de laquelle sont très vite venus graviter quelques parasites, dont « notre » Président, alors qu’elle ne devait être que passagère. A la suite de cela, j’ai en quelque sorte « flouté » l’image de « notre » Président actuel, persuadé de sa propre impuissance.

Mais j’ai sûrement tort de banaliser Emmanuel Macron et celles et ceux qui gouvernent avec lui et les autres. Mon manque de clairvoyance à leur sujet vient certainement du fait que je n’ai aucune compétence politique. Que je vis un peu au jour le jour et avec une  perspective assez limitée. Ce confinement et cette distanciation sociale ont des effets abortifs sur notre imaginaire.  Sauf pour certains qui continuent d’agir, d’entreprendre et de décider. L’épreuve du Vendée Globe est là pour nous le rappeler. Si certains concurrents en tête peinent, à certains moments, à récupérer le vent qui les fera avancer de nouveau, ils sont néanmoins toujours en mer, en avance sur d’autres. Et, lorsque le vent « rejaillit », ils sont, à nouveau, bien plus avancés que d’autres qui traînent derrière.

Lorsque la pandémie du covid régressera pour de bon, et que l’horizon se dégagera, on devrait voir apparaître, installées à des fonctions clé, pour notre époque et notre société, certaines personnes que l’on avait jusque là ignorées ou sous-estimées. Ces personnes auront su profiter du contexte du Covid pour entreprendre ou bien se placer.

De mon côté, c’est parce-que, depuis Mi-Mars,  j’ai toujours respecté les gestes barrières que je me suis autorisé à aller rencontrer Jean-Pierre chez lui ce samedi 21 novembre. Cela a été mon Vendée Globe. Pour cela, il m’a suffi de dépasser la distance kilométrique « autorisée » de un kilomètre autour de chez soi.  J’en avais besoin et j’étais inspiré. Parce-que je me suis dit qu’en temps ordinaire, il aurait été plus été difficile d’obtenir aussi rapidement une telle rencontre avec Jean-Pierre, à son domicile.

Dans ce « feu vert » qu’il m’a  donné, je mesure à la fois la responsabilité, pour moi, de faire au mieux. Mais je me demande aussi, si moi-même, il m’arrive de donner mon feu vert aussi facilement et aussi rapidement autour de moi. J’ai du mal à le croire. 

 

Mais ce feu vert, où cette autorisation, correspond aussi très bien à Jean-Pierre. Car, comme on pourra le voir et l’entendre dans ces images, il est particulièrement vert. J’ai donné comme titre à cette interview A Toute épreuve. Je crois qu’il sera facile de comprendre la ou les raisons de ce titre.

Ps : je rappelle qu’une fois chez Jean-Pierre et Tina, après avoir obtenu leur accord pour l’interview, j’ai posé mon caméscope de poche sur la table et l’ai laissé filmer tant qu’il pouvait (un peu plus d’une heure). L’interview n’était pas prévue. Elle était seulement véhiculée par ma tête dès que Jean-Pierre m’avait proposé de venir chez lui pour acheter son livre Construire sa Légende. Mais encore fallait-il, une fois sur place, que lui et Tina acceptent l’interview. 

Lors de l’interview, Tina reste hors champ. J’estime que cela préserve sa tranquillité. Et, que, d’autre part, ses interventions- hors champ, donc- ajoutent une plus value à l’interview. 

Franck Unimon, ce mercredi 25 novembre 2020. ( Pour regarder l’interview, cliquer sur le lien vimeo ci-dessous).

https://vimeo.com/482901714