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Moon France Musique

Jacob Desvarieux

Jacob Desvarieux, à la guitare, au centre. A gauche, à la basse, Georges Décimus. Fête de l’Humanité, 2019. Photo©️Franck.Unimon

                                  

                                                 Jacob Desvarieux

La fatigue attendra.

 

J’étais un « Moon France » adolescent occupé de Créole, lorsque j’ai entendu pour la première fois la voix de Jacob Desvarieux à la radio. Sa voix « blues et macho » comme en parlerait Jocelyne Béroard, des années plus tard.

 

Ce devait être à Morne Bourg, chez mes grands parents paternels. Ou à Carrère, chez ma grand-mère maternelle. A la campagne. Je dirais,  plutôt durant les congés bonifiés de 1983 en juillet et en août que durant ceux de 1980.

 

 

Pour le titre Oh, Madiana !

 

 

Il y avait aussi eu le titre Zombi. Aujourd’hui, c’est amusant de se dire que ce titre était sorti aux Antilles avant le Thriller de Michaël Jackson dont on nous parle «  en corps ».

 

Le Oh, Madiana ! de Desvarieux m’avait plu. Desvarieux avait alors une bonne bedaine et portait souvent une salopette. C’était environ deux ou trois ans avant que le zouk de Kassav’ ne me cloue et ne me récupère dans une boite de nuit, au quartier de la Défense où, avec mon entraîneur d’athlétisme et des copains de notre club de Nanterre, nous venions de voir en concert le groupe Apartheid Not.

 

Les premières notes de guitare de Desvarieux sur le Zouk-La-Sé-Sel-Médikaman-Nou-Ni suivies de sa voix grave « An Nou Ay ! » avaient eu le temps de s’insérer dans ma tête alors que nous nous en allions.

 

De la musique antillaise, j’en entendais depuis mon enfance. En France et aux Antilles. Georges Plonquitte, Simon Jurad, les Aiglons, les Vikings, Ibo Simon, Perfecta, les « squales » de la musique haïtienne, tous les « Combo » : Bossa, Tabou, Sugar et tous les autres, haïtiens ou non. Plusieurs tubes de ces groupes font partie de mon histoire que j’en connaisse les titres ou non. Mes compatriotes ont souvent cru que, parce-que j’étais né en Métropole, que les ondes des musiques de « là-bas », du « pays », mais aussi qu’une certaine mémoire, coulaient dans l’océan bien avant d’arriver jusqu’à la Métropole ( la France) où grandissaient les Moon France comme moi.

 

En Guadeloupe, le Oh, Madiana ! de Desvarieux m’avait étonné. Peut-être pour son côté funky qui le différenciait d’une fréquente production antillaise. 

 

Quelques années plus tard, alors que nous étions en train de quitter cette boite de nuit de la Défense où nous venions d’écouter le groupe Apartheid Not, un garçon qui entrait dans la salle pour danser s’était alors étonné :

 

« Mais, vous partez ?! ». Un de ses amis l’avait alors entraîné en lui disant :

« Laisse-les, ils ne connaissent rien à la musique ! ».  Nous avions dû retenir notre ami Jérome qui, courroucé, que l’on porte atteinte à sa vie privée musicale, avait très mal pris ce jugement. Car, nous étions à cet âge où, comme la plupart des jeunes, nous étions d’éminents spécialistes et critiques musicaux. Des musiques et des découvertes, nous en faisions régulièrement en allant les chercher. Nous écoutions par exemple du jazz, du free-jazz. Miles Davis, pour nous, était aussi fréquentable ( ou allait le devenir) que Stevie Wonder, Black Uhuru, Sun Ra, Bob Marley, Aswad, Eddy Grant, Burning Spear, Steel Pulse, Stanley Clarke ou Georges Duke. En plus de The Jacksons, Marcus Miller, T-Connection, Prince, Rick James…

 

« Ils ne connaissent rien à la musique ! ».

Durant pratiquement l’intégralité du concert d’Apartheid Not, nous avions été étonnés par l’incorrection permanente des spectateurs. Un spectateur ( un homme noir) avait même lancé lors d’un solo du batteur plutôt réussi un « No Good ! » avec un accent francisé. Lui et d’autres spectateurs n’attendaient qu’une chose :

Que la musique de cette boite de nuit commence. Et, ça avait débuté par ce titre de Kassav’ chanté par Jacob Desvarieux.

 

An-Nou-Ay ! ( « On y va ! »/ On décolle ! » ).

 

La bonne musique de Desvarieux et de Kassav’, je l’ai retrouvée ensuite bien des fois. En Guadeloupe, lors d’autres séjours.

 

En concert. A Basse-Terre. Mais aussi en métropole, à Nanterre, à l’ancien parc de la mairie. A La Défense Arena ( en 2018 ?) puis à la fête de l’Humanité en 2019.

 

 

L’année dernière, lors du premier confinement dû à la pandémie du Covid, sur les réseaux sociaux, j’avais reçu l’annonce que Desvarieux était malade. L’information avait été rapidement démentie par Desvarieux ou un(e ) de ses proches.

 

Le fait que ce genre d’annonce erronée puisse circuler m’avait contrarié. Puis, je m’étais rappelé que la perte d’un membre pouvait faire mourir un groupe. Et qu’un groupe comme Kassav’,  lui, avait tenu 40 ans ! Ce qui est exceptionnel. Peu de grands groupes durent autant avec un public aussi nombreux à leurs concerts. Les Rolling Stones. Un petit peu, Led Zeppelin. Quels autres grands groupes ? AC/DC ? Des groupes de Rock, le plus souvent.  

Desvarieux, Marthély, derrière, Naimro. J’ai oublié le nom du saxophoniste. Fête de l’Huma, 2019. Photo©️Franck.Unimon

 

Mais, cette fois, Jacob Desvarieux est bien mort. Ma mère me l’a confirmé tout à l’heure au téléphone, depuis la Guadeloupe.

 

Lors du concert de Kassav’ à la Défense Arena- où nous étions cent mille spectateurs nous avait annoncé Desvarieux- celui-ci avait fait un petit peu d’humour quant au fait que Kassav’ ne pourrait peut-être pas fêter ses cinquante ans de carrière. Des photos géantes de Patrick St-Eloi avaient aussi été affichées durant le concert.

 

Le propos du zouk et du titre Zouk-La-Sé-Sèl-Médikaman-Nou-Ni, c’est de pouvoir continuer à danser, à vivre et à rêver malgré les diverses scories de la vie. Grâce à la musique. Grâce au Zouk, ce genre musical éperonné, étalonné, par quelques personnalités dont Desvarieux au sein du groupe Kassav’ et qui a modifié le courant musical des Antilles  En travaillant. En osant. En se perfectionnant. En se professionnalisant encore davantage. En se diversifiant. Tout en se remémorant.

 

Ce sera ça que je préfèrerai, d’abord, retenir de Jacob Desvarieux.

 

Fête de l’Huma, 2019. Au centre, Jacob Desvarieux. Photo©️Franck.Unimon

 

Photos, vidéos, article  par Franck Unimon, Moon France, ce samedi 31 juillet 2021.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Crédibilité

Le Chiffre zéro en Santé Mentale

Le chiffre zéro en Santé Mentale

 

« Tout travail mesure salaire ». Mon salaire, aujourd’hui, sera de parvenir à vous faire rire ou sourire au moins une fois. N’hésitez pas, donc, après lecture, à me le faire savoir. Ps : les pleurs sont éliminatoires. 

 

 Chaque fois que ma bouche salive, elle fait son travail. Devant certaines vitrines, et en présence de certaines personnes, ma bouche salive. Je devrais donc, à chaque fois, toucher un salaire. Sauf que je ne perçois pas de rémunération pour cela. A la place, comme tout le monde, je dois payer.

 

Je ressens donc régulièrement un très fort sentiment d’injustice. Il  y en a qui, à ma place, ne paient pas. On les paie pour saliver. Je voudrais être comme ces personnes. Comme je ne peux pas, chaque fois que je salive, j’en veux à la Terre entière.

 

Le travail, pour lequel je touche un salaire légal et officiel, fait partie des métiers pénibles. Mais sa pénibilité, comme pour la fabrication de ma salive, est selon moi largement sous évaluée. Puisque je me sens victime d’une grande injustice. Et, il me faut trouver le moyen de la réparer.

 

C’est là où les chiffres vont nous sauver. Car nous sommes dans un monde de chiffres. Et les chiffres sont à la fois les pionniers et les très grands réparateurs de notre monde.

 

C’est en fonction de nos chiffres que nous devenons des personnes importantes. Etre un zéro est très mauvais pour notre fiche de paie  mais aussi pour la santé. Le chiffre Un, lui, fait de nous des personnes du plus haut niveau. Mais il faut faire très attention avec les chiffres. Il ne faut pas jouer avec eux. Parce que nous ne sommes rien devant eux et sans eux.

 

 

Pour la pénibilité au travail du personnel infirmier en psychiatrie et en Santé mentale, je ne sais pas si des recherches ont été faites dans les domaines suivants :

 

Durée d’Exposition à la psychose, aux angoisses, au morcèlement, aux menaces de mort,  aux insultes, aux menaces suicidaires, aux auto-agressions…

 

Les effets de ce genre d’exposition prolongée sur un être humain lambda.

 

Les préconisations pour préserver le personnel soignant exposé de façon répétée à ce genre de situations et d’expériences.

 

Le ratio entre la durée de vie d’un soignant en santé mentale, ses conditions de travail, et le déclenchement d’une maladie telle que cancer, trouble musculo-squelettique, apathie, boulimie, prise de poids, anorexie, dépression, nymphomanie, éjaculations précoces et rétroactives, alcoolisme, spiritisme, paranoïa, insomnie, aigreurs d’estomac, déclenchement des règles, adénome de la prostate, appétence pour des mauvaises séries télé, développement des caries dentaires, épistaxis sédentaire, culpabilité dégénérative, exhibitionnisme saisonnier, allergies aux fantômes, mythomanies itératives et autres pathologies classées confidentielles.  

 

En santé mentale, une grande partie du travail réalisé  est régulièrement invisible

 

Il passe sous les radars des signes, des symptômes et des examens exploratoires complémentaires :

 

Sang, pipi, caca, radios, prise de sang, nombre de globules blancs, IRM….

 

Mais aussi des chiffres et des résultats chiffrés.

 

Il y a toujours cette idée qu’en Santé mentale on ne fait « rien ».

 

Mais, aussi que ne rien faire, c’est ne pas travailler.

 

Alors que la présence, être attentif, préventif , à l’affut ou savoir se rendre disponible au bon moment , cela échappe au chiffre, à l’examen exploratoire, à la prise de sang, à la prise de rendez-vous. Et cela nécessite pourtant un effort, une intuition, une certaine tension et des compétences particulières d’un soignant. Même s’il ne fait rien. Même si cela ne se chiffre pas.

 

Ne rien faire, c’est aussi écouter. Et, ensuite, si c’est possible, si c’est nécessaire, essayer de parler, de se faire admettre et écouter dans la conscience bousculée de l’autre.

 

 

Beaucoup de gens ont besoin d’être écoutés. Tout le monde a besoin d’être écouté. Mais aussi d’être regardé. Pas seulement en Santé Mentale. Partout. Tout le temps. Du plus petit nombril au plus grand nombril. Jusqu’à la mort.

 

Et, ce travail là ne se chiffre pas. Chiffrer le nombre de fois où l’on prend vraiment le temps d’écouter une personne. Où l’on prend vraiment la peine de la regarder et de la considérer.

 

Même si elle sent mauvais. Même si elle délire. Même si son élocution est difficile à comprendre. Même si ses propos et ses comportements nous heurtent. Même si cette personne est régulièrement persuadée que nous sommes des abrutis.  Ce qui peut être vrai. Même si elle pense que nous sommes des tortionnaires. Ses tortionnaires.  Des domestiques. Mais, aussi, des incapables et des incompétents !

 

Ce genre de situation, plus ou moins répétée, ne se chiffre pas. Autrement, autant énumérer le nombre de fois où nous clignons des yeux. Où nous salivons. Où nous réfléchissons. C’est impossible.

Pourtant, nous vivons ce genre de situation. En Santé Mentale, nous le faisons. Autrement, la relation, la matière première, le fusible direct de notre travail, avec les patients ( ou les « clients » ) ne se fait pas. Ne se crée pas.

 

Parce qu’il faut la créer, cette relation. Elle ne nous est pas donnée. Il nous faut aller la chercher. Et, malgré ça, malgré nos essais, la relation ne se fait pas forcément. Car il est très difficile de se mettre toujours au diapason d’une relation avec une autre personne. Même si c’est notre métier. Même si c’est notre volonté. Dans la vraie vie, c’est pareil. Nous ne sommes pas toujours synchrones avec tout le monde.

 

 Parce-que, contrairement aux chiffres, nous avons tous des limites. Même dans la vraie vie. Surtout dans la vraie vie. C’est pareil en Santé Mentale.

 

 

Regarder l’autre, l’ écouter, être avec lui, cela engage personnellement les soignants en Santé Mentale. Ce n’est pas la blouse qui fait le soignant. Ni le protocole. Ni le code d’accès. Même si ça peut aider.

 Il n’y a pas de trucage possible. Il n’ y a pas de « truc ». De formules toutes faites. De Com’. De pschit-pschit. De sourire avec des dents ultra blanches pour que cela suffise à détartrer définitivement une angoisse, un déficit de l’attention, une impulsivité, le déni, une immaturité émotionnelle, une névrose obsessionnelle ou autre. Cela peut paraître vrai dans une publicité ou se réaliser dans un film grand spectacle en 3D et en 4 ou 5K en contre-plongée. Mais cela ne se passe pas comme ça en Santé Mentale. Autrement, beaucoup de soignants en Santé Mentale feraient carrière sur scène, à Hollywood  ou sur Netflix ou HBO et gagneraient beaucoup plus d’argent.

 

Tout le monde a envie et besoin d’être regardé et écouté. Même notre Président de la République et tous les autres avant et après lui. Même ses Ministres. Même les chefs d’entreprise. Il n’y a pas que les Divas et les Stars ou les célébrités qui ont envie d’être regardées et écoutées.

 

Tout le monde, lorsqu’il prend la parole ou fait un discours, aime être écouté et être regardé et se sentir particulièrement brillant. Et important. Le nombre de fois où cela arrive ne se chiffre pas. Cela ne se chiffre plus.

 

 

Si nos sommités politiques et nos grands décideurs et décideuses, chefs d’entreprises, chefs de service, managers et autres, se retrouvaient seules dans l’espace,  sur une île ou dans une cité déserte à s’adresser de plain-pied face à une caméra ou un robot. Sans savoir s’il est écouté. S’il est regardé. Obéi. Sa vie serait très stressante. Peu gratifiante. Même en étant archi bien payé, bien coiffé, bien habillé. Même en voyant graviter en permanence autour de son sourire fait de belles dents extra blanches, un drône, un satellite, une caméra ou un robot attentif à ses faits et gestes. 

 

Cette personne déprimerait et serait alors très contente qu’un( e )  soignant ( e ) en Santé mentale – qui ne fait rien– soit juste là, pour quelques temps, pour l’entendre ruminer. Pour l’entendre. Car le/la soignant  ( e) de Santé Mentale propose son entendement.

 

Donc, cette personne déprimée, délirante ou suicidaire, voire dangereuse pour la société pourrait raconter au soignant en santé mentale présent ( femme ou homme) ce qui lui passe par la tête. Y compris, si c’est ce que pense cette personne, à quel point elle a des grands plans pour la planète. Des plans de la plus haute importance. Et à quel point, elle souffre, aussi, de ne pas être reconnue à sa juste valeur.

 

Mégalomane ou non, aimable, introverti, extraverti, désagréable, fuyant, abandonné, de manière chronique ou passagère, tous les profils de postes et de personnes , avec ou sans inhibition, se retrouvent nez à nez avec nous, soignants en Santé Mentale.

 

Même si nous ne faisons rien, nous les recevons comme nous pouvons.  Que les relations soient faciles ou difficiles avec elles et leurs proches et leurs familles.

 

Ce travail ne se chiffre pas. Nous ne pouvons pas être partout à la fois.

 

A la comptabilité. Dans des services administratifs. Au téléphone. Dans des réunions. Face à des caméras et des micros. En déplacement. Dans notre bureau. Devant un ordinateur.

 

Nous résistons au changement ? Nous sommes anachroniques ? Parce-que les gens ont moins besoin qu’auparavant d’être écoutés, regardés, compris,  acceptés , rattrapés, protégés, encouragés, soignés et conseillés ?

 

Il est vrai que nous sommes rarement des girouettes. C’est plus simple pour être des personnes rassurantes et de confiance.

 

Nous ne réalisons pas non plus de sondages. Parce-que nous manquons d’ambition et estimons que nos intentions et nos actions ont plus d’importance que notre prestige, notre image ou notre carrière. C’est vrai, nous avons tort. Dans le monde des chiffres, il faut être carriériste. 

 

 Nous ne changeons pas non plus régulièrement d’interlocuteur et de lieu, et de milieu,  toutes les deux ou trois heures. Ou tous les deux ou trois jours. Ces lieux et ces interlocuteurs étant séparés de plusieurs kilomètres et de plusieurs heures, les uns avec les autres.

 

Il n’existe pas d’interface, de journalistes, de ministres, de porte-parole, d’auteurs de nos discours, de sous-secrétaires, d’attachés de presse, de coiffeurs, de maquilleuses, de porte-plume, de chauffeurs, de médecin personnel, d’avocat, de vigile, de garde du corps, et de quantités d’autres intermédiaires et de professionnels plus ou moins anonymes, transitoires ou autres qui font tampon entre nous et les situations  diversement et directement rencontrées.

 

C’est sans doute aussi pour cela qu’en Santé Mentale, nous ne faisons rien.

 

Car  si nous faisions véritablement quelque chose, les chiffres le formuleraient. Car les chiffres disent tout. Les chiffres n’oublient jamais.

 

Nous devrions, tous les jours, et toutes les nuits, nous incliner devant toutes les divinités  magnifiques des chiffres et leur demander à toutes de nous pardonner et de nous éloigner de l’obscurité du chiffre zéro.

 

Franck Unimon, ce vendredi 30 juillet 2021.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Corona Circus

Connaître son corps

                                       Connaître son corps

 

On vit vieux, dans ma famille. « Vieux », c’est une moyenne d’âge comprise entre environ 80 et 90 ans.

 

C’est peut-être une croyance. Cela ne repose sur aucune connaissance spécifique que j’aurais en particulier. Je n’ai pas d’explication scientifique à ce sujet. Je ne l’ai pas vu sur internet. Mais ce sont des exemples, ou des modèles, que j’ai devant les yeux depuis mon enfance. Et ces exemples sont devenus partie intégrante de mes croyances. Ils m’ont convaincu que je vivrais, aussi, vieux. Cela fait partie de ces certitudes intimes, ou de ces secrets, que l’on a tous et dont on parle peu ou prou. Si j’en parle maintenant, c’est évidemment au vu du contexte. Du contexte et des circonstances que nous connaissons.

 

On accepte encore plus facilement une croyance lorsqu’elle nous convient.  Que cette croyance soit vraie ou fausse. Qu’elle soit religieuse ou non. Qu’elle soit vérifiable ou non.

 

Toutefois, pour l’âge réel de ma mort, que je l’accepte ou non, j’aurais la possibilité, et même l’exclusivité, dans le carré VIP ou j’entrerai sans payer, de vérifier si ma croyance familiale était fondée.

 

 

Dans ma famille, on ne se pend pas. Et on ne meurt pas non plus d’un cancer, ou alors, très vieux. C’est rare.

 

D’autres sont moins chanceux. Comme cet ancien collègue, un de mes modèles dans les premières années de ma carrière d’infirmier en psychiatrie, retrouvé dans sa maison, pendu, par son fils adolescent. Ou comme mon ami Scapin, décédé d’un cancer moins de cinq ans avant son départ à la retraite.

 

Je suis un (très) lent. C’est peut-être pour ça que je vivrai un peu vieux. Dans le quotidien, je parle « Toujours sur le même ton » avec une voix en sourdine, intestine, du genre fouine. Ou monocorde. Les gens n’aiment pas ça. Ce qu’ils veulent, c’est faire la fête sans arrières pensées et sans barrières. Avec moi, il y a souvent une impression menaçante et bizarre qui plane. D’ennui. Une mauvaise conscience qui accouche comme dans l’album Mezzanine de Massive Attack. Je n’en n’ai rien à faire de faire le « vieux » en parlant de cette œuvre aujourd’hui où le Rap et les musiques de consoles et de jeux vidéos sont devenus la norme et la forme. Car ma durée de vie sera peut-être bientôt équivalente à celle d’un hamster en cage. Deux ou trois ans.

Ps : Ci-dessous, je mets le lien vers cette vidéo du titre Angel (chanté par Horace Andy) du groupe Massive Attack en concert il y a 13 ans. Vidéo que je découvre et qui me plait beaucoup. Cependant, je recommande de voir la vidéo officielle du titre que je n’ai pas pu importer. Je la trouve encore « mieux ». Elle montre très bien, je crois, la chorégraphie de cette peur dont nous nous sommes de plus en plus munis dans notre quotidien depuis un an et demi. Je recommande aussi, mais pour l’extase cette fois, de voir en concert- également en 2008- le titre Teardrop ( toujours de Massive Attack ) chanté par Elizabeth Fraser. Le fait qu’Elizabeth Fraser soit écossaise a peut-être aussi joué pour moi un rôle dans mon attachement à son interprétation. L’Ecosse étant un pays où j’ai vécu, dans le passé, des moments importants.

 

Je ne suis pas celui dont on recherche la compagnie. Je ne suis pas encore mort et, pourtant, c’est comme si. C’est sans doute pour cette raison que j’étais allé aux enterrements de ces deux ex collègues et amis ( D… et Scapin). Par attachement, tristesse et aussi surprise. Car il est impossible, en rencontrant quelqu’un de pronostiquer d’emblée :

 

« Celle-ci ou celui-ci, elle ou il n’en n’a plus que pour tant d’années de vie courante ».

 

 

Après toutes ces années, je ne connais toujours pas mon corps. Il m’est donc difficile de connaître les ressorts de celui des autres. Par contre, il est possible de les aimanter. Car tous les corps ont des besoins, des désirs et des déclics. Au point que cela peut en devenir un capharnaüm à moins qu’il n’existe, quelque part, un ou plusieurs rouages, ou un chef d’orchestre, pour aiguiller ça. Ou des personnes dont c’est le métier.

 

Cette personne a souvent le visage ou l’attrait de ce qui nous inspire confiance. Celui d’un acteur. De la Maitre-Nageuse qui nous apprend à nager. Cela peut aussi être une œuvre ou un travail que l’on aimera et que l’on choisira de suivre ou de poursuivre.

 

Il y a plusieurs années, alors que j’interviewais une danseuse, chorégraphe et réalisatrice célèbre, j’avais osé lui dire :

 

« C’est vrai que le corps est une prison…. ». 

 

Avec un petit rire gêné, elle avait très vite repoussé ma proposition, pourtant asexuée :

 

« Non, non, le corps n’est pas une prison ! ». Elle m’avait donné l’exemple d’une personne handicapée motrice qui, grâce à la danse,  était « libre dans son corps ».

 

Je voyais ce qu’elle voulait me dire. Bien-sûr, elle avait raison. Incapable de la contredire,  je m’étais senti déplacé devant son autorité et son assurance de danseuse et de chorégraphe, très grande connaisseuse de la gravité et du corps. Comme si je n’avais jamais arrêté de n’être qu’un petit soldat. J’avais essayé de penser. Je venais d’être ramené aux ordres et à la raison par une plus qu’illustre Générale.

 

Néanmoins, il m’est resté un grain de cette impression. C’est en partie avec ce grain que je fabrique la poudre de ce texte.

 

Un de mes anciens collègues, psychanalyste lacanien, très peu sportif, m’avait lui, dit un jour :

 

« Le corps, c’est l’inconscient ! ».

 

Quand j’étais allé à l’enterrement de ce modèle et collègue retrouvé pendu chez lui par son fils, Scapin faisait partie des présents. Avec lui et un autre collègue, Spock, nous nous étions racontés des histoires drôles poudrées à l’humour noir. Un humour que j’ai appris à développer au contact de personnes comme eux, mes aînés de dix ans, et que je produisais très certainement en moi auparavant.

 

Mais je me rappelle aussi que Scapin m’avait surpris en disant subitement à propos de notre collègue  disparu ( et dont personne n’avait prévu le geste) :

 

« Je n’aurais pas aimé être dans sa tête (ou à sa place) dans les quinze minutes qui ont précédé le moment où il s’est pendu ! ».

 

Nous n’avons jamais su pourquoi. Et le Savoir n’aurait rien changé.  Je ne sais pas comment, par la suite, le fils de ce collègue a vécu dans son propre corps. Et s’il a réussi à s’y sentir libre.

 

Lorsqu’il a été atteint de son cancer, Scapin n’en n’a pas parlé tout de suite. Je me rappelle qu’avant qu’il ne me l’apprenne, il avait pris soin de venir voir ma fille, encore bébé, chez une amie commune dans la ville de US.

 

Comme à mon habitude, j’avais pris plaisir à l’embêter en le photographiant et en le filmant. « Arrête avec ça ! ». Après cette rencontre, m’avait ensuite appris Milotchka, sa  femme, Scapin avait arrêté de voir des gens. Lui, si curieux des gens,  barjos inclus, plusieurs mois avant sa mort, avait décidé de rentrer « dans sa tente ». Il me l’avait écrit par sms.  Il refusait toute sollicitation extérieure comme me le confirma plus tard Milotchka.

 

Lorsqu’il m’envoyait un sms, il le concluait toujours par un péremptoire « Surtout, ne réponds pas à ce message ! ». C’était à la fois touchant et très drôle. Je croyais pouvoir en rire un jour avec lui car, pour sur, je souhaitais qu’il vive davantage. Je n’ai pas pu en rire avec lui.

 

Scapin n’était pas très sportif. C’était encore moins un artiste martial. Sa plus grande performance sportive devait consister à revêtir son jogging et à mettre une paire de baskets. Après ça, il était épuisé.  Cependant, à un moment, il avait compris qu’il n’en n’avait plus pour très longtemps. Et, il a choisi sa façon. Sa femme m’a raconté un peu le jour où, à l’hôpital, en sa présence, il avait décidé de mourir.

 

Dans son livre UCHIDESHI ( Dans Les Pas Du Maître) , Sensei Jacques Payet, 8ème dan, Shihan, au sein de l’organisation Aikido Yoshinkan, nous parle plusieurs fois du Shugyo

 

Page 173 :

 

« Pendant tout ce temps, j’ai toujours gardé les mots de Kancho sensei à l’esprit.

« Acceptez et même provoquez une situation dans laquelle toutes les chances sont contre vous, où vous n’avez aucun contrôle, aucun échappatoire et aucun autre choix que de faire face à votre peur. Notre shugyo est de trouver un moyen de renverser une telle situation, en transformant la pire situation en notre meilleur allié (…) dans le cas du budo, on attend de chacun de nous que l’on fasse de notre mieux chaque jour, dans les pires ou les meilleures conditions, lorsqu’on est malade ou ivre, dans les bons ou les mauvais moments. Le processus est aussi important que les résultats, et il n’y a pas de but précis, si ce n’est une lutte de toute une vie avec soi-même ».

 

Un peu plus loin, page 177, Jacques Payet écrit :

 

« Apprends avec ton corps » nous disait-on- c’est vraiment la seule et unique façon d’apprendre le budo ».

 

En occident, on peut avoir une vision très idéalisée du Japon ou des Arts martiaux. Je l’ai eue, cette vision idéalisée. 

 

Le dogme est un puissant hypnotique. La conviction paranoïaque et délirante, aussi. On les secrète abondamment lorsque certains de nos récepteurs intimes se retrouvent au contact d’un territoire et d’une logique qui coïncide avec notre histoire sensible. On se sent comme chez soi dans cette seconde peau et cette nouvelle vie. Chez soi, pour éviter  les intrusions, on met des verrous. Et on ouvre uniquement aux personnes de confiance, qui pensent comme nous. Cette seconde peau et cette nouvelle vie se méritent. On a franchi certaines étapes pour y arriver. Pour « évoluer ».  Souvent, les autres, veulent nous retirer ça ou nous inciter à nous en séparer. Ce sont des antagonistes. Au mieux, des personnes avec lesquelles on reste poli et à distance. Que l’on affronte ou que l’on doit supporter si elles nous emprisonnent.

 

Bien-sûr, aujourd’hui, au vu du contexte de la pandémie du covid, en parlant de dogme, je pense au moins aux personnes les plus radicales parmi les anti-vaccins Covid et  les pro-vaccins Covid.

 

 

Hier, pourtant, j’ai pris rendez-vous pour me faire vacciner. Après avoir lu dans les journaux papier Charlie Hebdo, Le Canard Enchaîné et Le Parisien, le joli comité d’exclusion qui se concocte pour celles et ceux qui refusent de se faire vacciner. Ils seront privés du sésame du passe sanitaire. Charlie Hebdo ( ainsi que le Le Canard Enchainé) s’inquiète du fait  que ce passe sanitaire soit contraire à un certain nombre de libertés et aussi créateur de violentes inégalités entre les citoyens. Dès l’année dernière, avec le premier confinement, nous avions commencé à perdre des libertés.

 

Le « Charlie Hebdo » paru ce mercredi 28 juillet 2021.

 

L’hebdo s’inquiète aussi de la mainmise renforcée de l’informatique sur nos corps et sur nos vies. C’est malheureusement « logique » : Le Président Macron fait partie de cette file active de décideurs très technophiles et aussi adorateurs du chiffre et du logiciel devant l’humain. Pour ces spécialistes, la nuance de l’être humain est une tare préhistorique. Le présent et le futur, c’est des codes à la virgule près, des oups en cas d’erreur ou d’oubli de code. Et de s’adresser à des chiffres et à des logiciels.  Qu’ils soient virtuels ou matraqués par des humains.  

 

Si nous sommes des asservis volontaires d’internet et des GAFAM, et que ceux-ci permettent aussi des plaisirs et des libertés, je suis aussi marqué par le fait que la plus grande partie des informations qui cisaillent les avis entre les anti-vaccins et les pro-vaccins provient aussi d’internet. Et, il n y a pas de garde-fous.

 

Cependant, Charlie Hebdo, comme Le Canard Enchaîné, comme Le Parisien et d’autres journaux papier restent des adeptes des vaccins  contre le Covid qu’ils ne nomment pas. Parmi eux, les « vaccins » des laboratoires Pfizer et Moderna  à ARN messager  qui nécessitent chacun deux injections à plusieurs semaines d’intervalle (3 semaines d’intervalle entre la première et la seconde injection pour moi en aout avec le Pfizer). Le vaccin Pfizer semble le plus utilisé autour de moi désormais.

 

Il y a aussi le vaccin Johnson & Johnson (1 seule injection) moins prisé car plus d’effets secondaires graves ont été constatés avec lui. Et le vaccin Astrazeneca (2 injections).

Le journal « Le Parisien » de ce mercredi 28 juillet 2021.

 

Savoir que la plupart des journaux papier encouragent à la vaccination et discuter avec plusieurs personnes vaccinées- que je connais et crois suffisamment critiques et sensées-  m’a aussi décidé malgré mes réserves sur ces vaccins que ma santé et moi allons apprendre à découvrir au fur et à mesure.

 

 

Connaître son corps, connaître son sort, on dirait que ça se ressemble. Mais c’est peut-être une croyance et une idée fausse. Dans ma famille, on vit vieux. J’essaierai de faire de mon mieux.

 

Franck Unimon, ce jeudi 29 juillet 2021.

 

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Gagner plus d’argent

 

Gagner plus d’argent

 

Quantités et cent façons

 

 

La façon dont je gagne de l’argent a plus d’importance que sa quantité. J’ai failli écrire :

 

« La façon dont je gagne de l’argent commence à avoir plus d’importance… ».

 

Puis, j’ai un petit peu réfléchi et je me suis corrigé. Depuis le début, la façon dont je le gagne, cet argent, ce miroir, cette excroissance particulière de soi, a eu plus d’importance que sa quantité. C’est un automatisme et un conditionnement si bien assimilés depuis des années que je l’avais oublié. Ça m’a inspiré spontanément beaucoup de mes choix lorsque, vers ma majorité, accédant au monde des adultes mais aussi à celui de mes « libres » choix, je me suis dirigé vers un métier plutôt que vers un autre. Vers une relation plutôt que vers une autre. Vers certaines destinations plutôt que vers d’autres. Vers certaines discriminations plutôt que vers d’autres. Vers certaines expériences plutôt que vers d’autres.

 

Il n’y a aucune noblesse dans mon attitude de départ.

 

La peur du chômage au moins, la peur du monde ainsi que le peu de valeur que je m’accordais, plus que l’adéquation avec mes aspirations profondes, m’ont fixé. Puis, présenté certaines décisions et objectifs comme « réalistes » pour une personne comme moi.

 

Réalisme que d’autres refusent et ont refusé.

 

Avec plusieurs années de retard, une trentaine, j’ai écouté et réécouté hier l’album Live At Reading du groupe Nirvana « de » feu Kurt Cobain. Le concert date de 1992. Un cd de plus emprunté à la médiathèque de ma ville il y a environ quinze jours avant qu’elle ne ferme pour quinze jours, pour la première fois, pendant l’été. Je verrai bien si, lors de sa réouverture, la nouvelle obligation de présenter un pass sanitaire sur un lieu public- pour causes de pandémie due au Covid- me privera désormais de l’accès à la médiathèque où j’ai mes habitudes. Et où j’emmène ma fille régulièrement depuis qu’elle a moins de un an. ( Dans la peau d’un non-vacciné)

 

Sans a priori, pourtant, on peut dire que mes rapports avec le réalisme diffèrent de ceux qu’ont entretenus Kurt Cobain et les autres musiciens du groupe avec lui.

 

A priori :

 

 

En 1992, je « connaissais » le groupe Nirvana par son titre Smells like Teen Spirit. Un titre que j’aimais bien alors que Nirvana, la musique grunge, ne faisait pas partie, a priori, de mes entités musicales.

 

A priori.

 

Car, pour paraphraser l’humoriste Dédo qui avait pu demander, avec son allure de hard-rocker ou de gothique « Est-ce que j’ai une gueule à écouter du Zouk ?! », en 1992, j’étais « dans » d’autres genres musicaux que le grunge. Et, pour en avoir fait et refait l’expérience, je ne crois pas que la majorité des adeptes de Nirvana de cette époque ou d’aujourd’hui, soient prêts à écouter du Zouk, du Dub, de la Salsa, du Maloya ou du Léwoz. Et, encore moins à en danser.

 

Les adeptes de Nirvana préfèrent entrer – et rester- dans d’autres atmosphères afin de chasser leurs fantômes ou de communier avec eux. Pourtant, dans beaucoup de ces univers de « gratteux », lorsque l’on regarde de plus près à la source des religions musicales de ces prêtresses et de ces prêtres du Rock – pour électrifier ou simplifier – on retrouve des croisements et des inspirations « étonnantes ».

 

Le Bluesman Leadbelly pour Kurt Cobain ? BB King pour Bono du groupe U2 qui, dix ans avant Nirvana, dans les années 80, avait sans doute eu le même éclat ?

 

Et, avant U2, AC/DC, dans les années 70, dont l’écoute de quelques titres en concert suffisent pour retrouver le goulot du Blues ?

 

En nommant AC/DC, U2 et Nirvana, je cite seulement trois groupes musicaux qui, avant l’avènement du Rap, et même après son avènement (nous sommes le mardi 27 juillet 2021) aujourd’hui encore, je le crois, vont parler à beaucoup de personnes.

 

Jeunes et moins jeunes. Adeptes de Rap ou d’autres genres musicaux.

 

Au départ, je n’avais pas du tout aimé le groupe U2 et son titre Sunday, Bloody Sunday par exemple. Mais j’avais aimé With or Without you avant d’autres titres. Comme avec la musique classique, lorsqu’un musicien ou un compositeur « compte », il y a toujours une œuvre ou un titre que l’on va aimer ou que l’on a aimé sans le savoir.

 

Si des jeunes d’aujourd’hui, comme je l’ai « été », font d’abord la grimace en entendant  parler de AC/DC, de U2 ou de Nirvana ou de leurs titres, c’est peut-être parce qu’ils ne sont pas encore suffisamment « mûrs » ou suffisamment « sûrs » de ce qu’ils ressentent pour s’apercevoir que ces groupes, comme bien d’autres groupes de différents genres musicaux, parlent d’eux.

 

Je n’étais pas suffisamment « mûr » pour m’apercevoir de l’importance du groupe NTM lorsque le groupe existait dans les années 90. Pourtant, je le « connaissais ». J’avais même acheté le Cd d’un de leurs albums :

 

J’appuie sur la gâchette.

 

Mais, si j’étais allé, seul, au Zénith au concert de Mc Solaar (concert qui m’avait déçu) comme à celui, à l’Olympia, du groupe I AM (un des meilleurs concerts auxquels je sois allé) j’avais manqué de courage pour aller à celui de NTM.

 

Ce n’était pas la musique de NTM qui m’avait effrayé.  Car certaines musiques font « peur ». 

 

C’est le public de NTM qui m’avait fait peur.

 

Je n’avais pas de bande, de potes ou d’amis à même de me protéger ou de me défendre si, en me rendant à un de leurs concerts, dans les années 90, on avait commencé à me chercher noise. Je voulais aller à un concert. Pas à un combat UFC contre plusieurs assaillants potentiels pour une histoire de casquette, de blouson ou d’apparence.

 

Je ne me posais pas ce genre de question pour ma sécurité ou ma survie en me rendant, souvent seul, aux autres concerts. Je me l’étais et me la suis posé seulement pour un concert de NTM dans les années 90.

 

 Et, c’est seulement après la dissolution du groupe, vers 2005, que je m’étais aperçu de l’importance du groupe dans ma vie. En réentendant certains titres. En voyant certains passages de leur concert.

 

Avant 2005, même si j’avais aimé plusieurs des tubes de NTM, je rejetais moralement l’image et certains des comportements du groupe (de Joey Starr en premier lieu) au travers de divers faits divers commentés et très médiatisés.

 

Le temps me semblait sûrement cimenté alors que des groupes comme NTM ou Nirvana savent le fracturer et promouvoir leur éclosion au travers des fissures là où je m’arrêtais devant le mur.

 

La Base de L’Oncle Tom ?

 

Pour l’élaboration d’une bonne pizza, il faut commencer par la base, c’est à dire la qualité de la pâte alimentaire que l’on utilise, les ingrédients, le tour de main, la température de la cuisson et ensuite le type de four que l’on emploie.

Etais-je de la bonne pa-pâte à Oncle Tom ?

 

Vingt ans plus tôt, au lycée Joliot-Curie de Nanterre, Pascal, un « grand », Rasta, l’antithèse de l’Oncle Tom, musicien, ami d’un ami qui faisait alors figure, pour moi, de grand frère de substitution, m’avait subitement interpellé :

 

« Qu’est-ce que tu fais ?! ».

 

C’était jour de classe et je venais d’entrer dans la cour du lycée. Pascal, ancien basketteur, plus âgé que moi d’un ou deux ans, plus grand que moi de vingt bons centimètres, était debout, appuyé contre un arbre chétif situé sur un petit promontoire. Tel un surveillant observant la façon dont les uns et les autres pénétraient en défilant dans le lycée. Une fonction complètement officieuse. Pascal devait être en terminale. J’étais en première. A côté de lui,  se trouvait un autre garçon à peu près de son âge.

 

Devant ce tribunal improvisé, j’avais été désarçonné. Cette interpellation ne faisait pas partie des matières prévues dans mon emploi du temps.  

 

Je m’étais senti obligé de répondre. Je « connaissais » Pascal. Je l’admirais et le craignais aussi. Son autorité. Son allure. Son assurance. Tout cela, évidemment, j’en étais dépourvu. Je me sentais son inférieur.

 

J’avais réussi à répondre : « Je vais à l’école… ».

Pascal avait alors répété, avec un air un peu sardonique : « Tu vas à l’école ?! ». A ses côtés, l’autre « grand » s’était marré tout doucement en se tournant vers Pascal. Pour ajouter : « Il va à l’école… ».

 

J’aurais pu répondre que c’était déjà plus que bien que je sois au lycée, et assez bon élève. Mes parents, d’origine modeste, avaient accédé à la classe moyenne, en quittant jeunes leur île natale et tropicale – plus tard, j’allais apprendre que leur île natale faisait rêver beaucoup de monde par ailleurs- pour la France.

 

Mon père, afin de m’assurer un avenir, avait eu le projet pendant des années de faire de moi un futur mécanicien de voitures. Moi qui ne savais même pas changer une roue de vélo et qui étais beaucoup plus un petit intello à lunettes qu’un manuel. Hier encore, même si je me suis un peu civilisé pour certaines œuvres manuelles, juste pour essayer devant ma fille une nouvelle petite pompe à vélo très esthétique -présentée comme très pratique par la vendeuse- je n’ai pas été très convaincu par mes compétences. Ainsi que par la pertinence de mon achat.

 

Mais pour mieux répondre à Pascal, il aurait déjà fallu que je comprenne à qu’avoir obtenu l’accord de mon père pour aller au lycée revenait presque au fait d’accéder à une grande école du genre l’ENA, Polytechnique ou Sciences Po. Cela, grâce à l’intervention de ma prof de Français de 3ème, Mme Askolovitch /Epstein.

 

Peut-être que certaines et certains de mes camarades connaissaient ces grandes écoles. Je pense à ceux qui m’étonnaient dès le début de l’année scolaire lorsqu’ils lâchaient un :

« J’ai regardé le programme de cette année ». Ou qui se montraient plus que critiques sur tel collège ou tel lycée dont le niveau avait « baissé ».

 

Evidemment, mes parents et les membres de ma famille, eux, n’avaient jamais été concernés par ces histoires de « programme de l’année », de « niveau qui avait baissé » ou par l’existence de ces grandes écoles.

 

Par contre, la mécanique automobile, niveau BEP, ma famille connaissait.

 

Nous étions au milieu des années 80. L’époque de François Mitterrand, Président socialiste. De U2. Ou de Kassav’pour celles et ceux qui savent. Quelques années après AC/DC. Avant Nirvana. NTM n’existait alors pas en tant que groupe de Rap.

 

Alors, Kool Shen, Joey Starr, ou MC Solaar et Akhénaton, qui ont à peu près le même âge que moi, auraient pu être des « connaissances » si nous avions habité dans la même cité ou dans les mêmes environs. Des personnes que j’aurais pu saluer ou dont j’aurais pu connaître le nom et certains « faits ». Comme cela a été le cas pour plusieurs jeunes de ma cité et des environs que je croisais ou dont les noms parfois circulaient.  Je me rappelle encore des noms de famille et des prénoms de certains.

Que ces jeunes aient « mal » tourné ou se soient « bien » intégrés dans la société et le monde des adultes. Des jeunes qui, comme les fondateurs de Nirvana ou de NTM, à un moment ou à un autre, ont été en colère et tristes comme beaucoup de jeunes mais qui ont voulu prendre du bon temps et ont suivi certaines règles autrement, d’abord les leurs,  lorsque le monde des adultes s’est rapproché d’eux et que leur tour d’y entrer est arrivé.

 

Hormis pour Hypokhagne, je ne peux pas affirmer que connaître alors l’existence de l’ENA, Polytechnique, Sciences Po ou d’autres grandes écoles, aurait beaucoup changé mes « choix » d’orientation à la fin du lycée. Mais nos décisions peuvent changer ou évoluer selon les perspectives et les exemples que l’on connaît près de soi ou autour de soi. Avec les expériences que l’on s’autorise.

 

Peut-être étais-je un Oncle Tom dès le lycée ? Moi qui avais déjà lu plusieurs livres de Richard Wright, sans doute de Chester Himes, qui écoutais du Bob Marley à la maison depuis mon enfance ; qui m’intéressais à la philosophie, et qui, avant mes dix ans, avais eu droit à des leçons répétées de mon père à propos de l’esclavage ?

Je m’intéressais aussi aux Black Panthers, à Malcolm X et à Martin Luther King, à L’ANC et à Nelson Mandela, alors encore en prison. Mais rien de cela ne transparaissait dans mon comportement de lycéen scolaire et  soumis. On peut être un Oncle Tom lettré.

 

Ce jour-là, j’avais réussi à répondre plutôt timidement à Pascal et à son partenaire :

 

« J’écris des poèmes… ».

 

Si son comparse, sans doute un annexe secondaire, s’était tu, Pascal, lui, de manière surprenante, avait donné du crédit à cette nouvelle donnée.

 

Il ne m’a pas dit : «  C’est très bien. Continue ! ». Ni : « Ce serait bien que tu me montres ». Mais j’ai perçu que ces quelques lignes que j’avais pris l’habitude de tracer sur des feuilles de papier m’avaient donné un petit peu plus de consistance à ses yeux. Même si je ne voyais pas en quoi ce que j’écrivais me distinguait tant que ça de toutes celles et tous ceux qui allaient « seulement » à l’école, j’avais compris que je faisais quand même quelque « chose » qui trouvait grâce à ses yeux. Je n’étais pas un Oncle Tom ou un benêt en voie de finalisation.

 

Je veux bien croire que Pascal ait rapidement oublié cette anecdote. Comme il a pu oublier qui je suis, alors que je m’en rappelle encore plus de trente années plus tard. Ce genre de situation m’arrive régulièrement. Plusieurs années plus tard, je reconnais et me rappelle de personnes qui m’ont totalement oublié. Ceci pour dire comme j’étais peu marquant comme individu.

 

Il y a à peine deux semaines, j’ai refait le même coup à quelqu’un. La dernière fois que je l’avais vu, c’était…en 1989. Il ne se souvenait absolument pas de moi. J’ai pu lui restituer le contexte avec tellement de détails qu’il a été obligé d’accepter que notre rencontre avait bien eu lieu.  Comme lui dire, qu’à cette époque, le tube de Laurent Voulzy qui passait était Le Soleil donne. Et qu’au cinéma, on parlait pas mal du film Faux-semblants  de David Cronenberg. Finalement, avant de se rendre définitivement, il a fini par me demander :

« Mais comment ça se fait que tu te souviens de moi ?! ».

Je lui ai alors répondu, très sûr de moi :

« Pourquoi je ne me souviendrais pas de toi ?! ».

 

En cherchant sur internet il y a quelques années, j’ai appris que Pascal était devenu éducateur spécialisé. Je n’ai pas l’impression qu’il ait continué de faire de la musique pour des raisons que je ne m’explique pas. Et, la dernière fois que je l’avais croisé, cela devait être à l’université. Il avait alors rasé ses locks et était devenu facteur à vélo.

 

Le hasard veut que l’homme que j’avais rencontré en 1989- et à qui j’ai fait la surprise de le reconnaître récemment- porte aujourd’hui des locks et est musicien. En 1989, je ne le savais pas musicien ( ou je l’ai oublié) et il avait une coupe de cheveux plutôt similaire à celle de Pascal, la dernière fois que j’avais croisé celui-ci et qu’il était devenu facteur.

 

Nirvana :

En écoutant et en réécoutant hier cet album live du groupe Nirvana, j’ai eu l’impression d’écouter et d’entendre ce qui me manquait dans ma jeunesse. Et ce qui fait, en principe, le panache de la jeunesse avec l’insouciance :

 

 Le fait de vivre sans s’arrêter et sans contrôle.

 

Le groupe Nirvana, et Kurt Cobain, me font penser à des personnes qui, dans un restaurant, casseraient tout. Que l’on applaudirait ensuite. Et à qui l’on glisserait discrètement à l’oreille :

« Vous avez fait ce que j’avais envie de faire depuis longtemps ». « Ou très souvent ».

 

Et, au moment de payer l’addition et les réparations, les spectateurs ou tout un tas de médias et de personnalités les plus diverses se dépêcheraient soit de répéter :

 

«  C’est de l’art ! Ce n’est pas à eux de payer ! Ils ont raison ! ». Rapidement, quelqu’un justifierait leur comportement et expliquerait en quoi, là, précisément, le fait d’avoir tout cassé dans ce restaurant, était un acte salvateur et nécessaire pour la société et le monde entier.

 

La différence entre Nirvana, ou tout groupe, artiste ou personnalité qui casse ainsi la baraque, symboliquement ou concrètement, et le citoyen lambda ou scolaire, c’est d’abord d’être les premiers à  « défrayer la chronique » là où la majorité le pense et le souhaite mais n’ose pas le faire.  

 

Ensuite, l’autre différence avec la majorité, c’est que ces artistes et ces personnalités sont prêtes à assumer les risques de leurs comportements. Sur leur vie et sur leur santé. Ou acceptent d’être regardés de travers par la majorité voire provoquent cette majorité, ou cet ordre social ou autre, qui les contraint ou cherche à les contraindre.

 

Leur attitude n’est pas gratuite. On parle alors de Sincérité de leur engagement. Lequel engagement servira ensuite d’exemple ou sera reconnu par une bonne partie de la majorité. C’est ce que l’on appelle la « commercialisation » ou la « récupération ». Ou la reconnaissance. Si ces artistes ou ces personnalités ont la chance, ou la malchance – Kurt Cobain comme d’autres artistes a très mal vécu l’énorme succès de Nirvana- d’arriver à la bonne époque. En présence des témoins qui rendront compte ; qui sauront bien expliquer l’œuvre ; et qui sauront aussi trouver les moyens qu’il faut pour défendre l’œuvre, les artistes ainsi que leur souvenir.

 

Le citoyen lambda ou scolaire, lui, s’il se met à tout casser dans un restaurant, terminera en garde à vue. Cela sera peut-être marqué dans son casier judiciaire. Sauf s’il est reconnu irresponsable au moment des faits car sous le coup de troubles psychiatriques.

 

Cet incident, si le citoyen lamba ou scolaire, a un emploi « normal » comme la majorité des citoyens, peut lui faire perdre son emploi. Et, il devra, seul, rembourser les réparations de ses dégâts dans le restaurant. S’il a de la chance, et s’il avait contracté une bonne assurance, celle-ci pourra peut-être l’aider financièrement. S’il a moins de chance, sa femme le quittera peut-être. Ou, elle le trompera avec le restaurateur qui aura besoin de consolation.

 

Les artistes ou les personnalités, elles, pourront voir, jusqu’à un certain degré, leur CV se bonifier avec ce genre de dégâts. Elles se feront peut-être inviter par le restaurateur où tout cela s’était passé. Afin de les remercier pour toute la bonne publicité que l’incident a apporté à l’établissement. Le citoyen lambda ou scolaire, lui, devant le même établissement, sera déclaré tricard. Au mieux, s’il s’y prend bien, il aura peut-être le droit de faire la manche ou d’obtenir l’autorisation de venir vendre des fleurs aux clients du restaurant.

 

 

 Je crois que l’on s’attache, non à un marchand de fleurs, mais à un groupe de musique, ou à un auteur en particulier, parce qu’il exprime nos manques. Nos peines. Parce qu’il « display »- il dévoile ou exprime- ce courage qui nous a manqué ou que l’on aurait voulu avoir en certaines circonstances et étapes de nos vies. Car qui, n’a pas eu envie, un jour ou l’autre, dans certaines situations, de tout casser et s’est retenu ?

 

Ce genre d’expériences et de miroir avec un groupe ou une personnalité, n’a pas d’époque,  d’âge ou de genre musical ou même de domaine de discipline spécifique.

C’est pour cela que le nom d’un groupe, ses origines, sa couleur de peau, son style de musique ou sa langue importent peu. Tout ce qui compte, c’est le moment, où, dans notre existence, la rencontre avec notre « double » ou notre « alter-ego » public est possible et se fait.

 

Il y a tant de rencontres et d’opportunités ratées, avec soi-même et avec les autres, que lorsque certaines de nos rencontres réussissent, nous faisons le plein- et à ras bord- de ces rencontres. Par la musique ou dans d’autres domaines.

 

Sauf que pour qu’un Nirvana, un AC/DC, un U2, un Bob Marley, un NTM, Un MC Solaar ou un I AM « réussisse », beaucoup d’autres échouent. Et, davantage encore, en deviennent spectateurs. Faute de pouvoir tout casser, prendre des drogues ou des positions ultimes, autant laisser d’autres le faire à notre place. Et, pour quelques unes et quelques uns d’entre eux, Nirvana ou d’autres, une certaine réussite arrive.

 

 Car la réussite, pour ces artistes et ces personnalités, n’est pas totale.

 

Finir comme Kurt Cobain ? Il y en a quelques unes et quelques uns que cela fait et fera rêver. Selon moi, une minorité, et à une certaine période de la vie comprise, allez, entre 13-14 ans et…. 30 ans. Car c’est la période des ( plus) grands engagements. Corps et âme. 

 

Mais, d’une part, même si l’on a aujourd’hui entre 13 et 30 ans, c’est trop tard pour prendre la place de Kurt Cobain. A moins de décider de devenir son sosie.

Ensuite lui, comme bien d’autres célébrités, n’avait pas prévu ce qui lui est tombé dessus comme succès. Il y a tant d’artistes inconnus aujourd’hui qui le seront encore demain ou après demain, ou dans plusieurs années, alors qu’ils sont actuellement en activité. Plus ou moins doués. Plus ou moins engagés. Plus ou moins dévoués. 

 

 Et puis, rêver et nous souvenir de nos rêves, souvent, nous suffit. Autrement, nous serions très nombreux à avoir des vies qui ressemblent à celles des membres de groupes de musique, des auteurs, et des personnalités, que nous admirons tant.

 

Voir et acheter

 

Je parlais d’argent au début de cet article. Au fait de gagner plus d’argent. Plusieurs fois par jour, depuis des années, nous voyons gratuitement ce que nous pourrions vivre. Nous le voyons de manière si familière, que même en nous appliquant à être raisonnables,  nous finissons par acheter.

 

Nous baignons dans ce monde. Voir et acheter. Voir et vivre. Voir et participer. Voir et vouloir en être.

 

En réécoutant cet album de Nirvana, hier, je me suis demandé comment j’avais pu être aussi sourd à l’époque. Puisqu’ à part le titre Smells Like Teen Spirit et le fait de me rappeler qu’Eric B- un collègue psychiatre dont les compétences et le personnage m’avaient marqué- avait parlé de ce groupe, je n’ai rien fait pour écouter davantage Nirvana. Donc, pour m’écouter moi-même d’une certaine façon.

 

Gagner plus d’argent est devenu une obsession avant le fait de vivre. Ce constat donne plutôt envie de tout casser. Ou de voler.

 

Chaque article que je fais sort peut-être de mon kit de survie contre cette obsession.

 

Aujourd’hui, cet article est sorti de mon kit parce qu’hier, j’ai écouté et réécouté la musique en concert du groupe Nirvana. Autrement, j’aurais peut-être parlé du film The Black Widow avec l’actrice Scarlett Johansson que j’ai vu au cinéma il y a bientôt deux semaines maintenant.

 

D’autres n’ont pas ce kit.

 

 

Franck Unimon, ce mardi 27 juillet 2021.

 

 

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Dans la peau d’un non-vacciné

Au jardin des plantes d’Amiens, juillet 2021.

Dans la peau d’un non-vacciné 

 

C’est les grandes vacances depuis  bientôt un mois. Cette période estivale qui sert souvent de grand sas à des millions de personnes en France et ailleurs. Pour partir et s’extraire autant que possible de ce qui nous nuit ou nous ennuie dans le quotidien.

 

Le quotidien, selon ses quantités et ses absurdités, peut devenir un poison apte à tuer à petit feu ou à faire pousser des infirmités. Il convient de savoir le diluer au bon moment. Et sans trop attendre. Des vacances choisies peuvent y contribuer. Pour celles et ceux qui peuvent s’en offrir, chez soi ou quelques kilomètres plus loin.

 

On ne voit pas celles et ceux qui ne partent pas ou jamais. A moins de les connaître personnellement ou par le biais du travail. Je n’en connais pas.

 

Je n’en connais pas encore.

 

Il est rare, exceptionnel plutôt, qu’au travail ou que parmi mes connaissances quelqu’un m’affirme fièrement : «  Hé bien, moi, je ne pars pas en vacances ! ». Assez régulièrement, autour de moi, quelqu’un part, à un moment donné, ne serait-ce que pour un week-end.

 

Peu importe où.

 

C’est souvent un étonnement poli qui résonne, lorsqu’en période de vacances, courte ou longue, on répond que, cette fois, nous allons rester sur place. Sauf si l’on a un projet particulier tel que refaire la cuisine ou se faire opérer.

 

Ne pas partir en vacances, en week-end, ou en sortie, c’est un peu une anomalie sociale, une honte rétrécie voire signifier que l’on vit dans la zone. A moins d’être partout chez soi. Ou de vivre dans un endroit où il y a tout ce qu’il nous faut. Etant donné que cet endroit n’existe pas, hormis au cimetière, nous avons toujours, j’ai toujours, une bonne raison d’aller voir ailleurs. Seul ou accompagné.

 

Je ne compte pas les concerts où je suis allé seul. Et encore moins les séances de cinéma.  Certaines personnes ont besoin d’être accompagnées pour sortir de leur réserve. Moi, aussi. Mais pas pour écrire.

 

Il y a des personnes qui, cette année, ou cette année encore, ne partiront pas. Je les imagine un peu. J’en ai sûrement croisé de loin. Pourtant, ces personnes n’ont pas disparu. Les gilets jaunes n’ont pas disparu. Les chômeurs non plus. Ni les malades. Ni les SDF. Nie et nie…

 

Mais le temps des vacances, on va oublier ça. Les vacances, ça sert à ça. Les mauvaises nouvelles, morbides ou autres, on va les mettre de côté. D’ailleurs, je suis encore en vacances. La semaine dernière, nous sommes partis quelques jours à Amiens.

Dans la cathédrale d’Amiens, juillet 2021.

 

 

C’est moins exotique que le sud de la France, l’Outre-Mer ou la Bretagne, mais c’est très pratique. A 1h20 en voiture de la région parisienne, on y arrive par la A16 qui est une autoroute que j’ai chérie une nouvelle fois pour son absence d’embouteillage.

 

La ville d’Amiens ne paie pas de mine sur le papier comparativement à des vacances à Marseille, en Corse, au Pays Basque ou à la Réunion. Mais j’ai aimé la brièveté du détour pour y arriver et cette maison de ville avec cour intérieure privée que nous avons louée pour quatre jours.

 

Amiens est une ville qui détend. Sa cathédrale. Son centre-ville. Ses itinéraires le long de la Somme. Environ une heure de route nous permet d’aller voir la mer. Nous nous sommes immergés dans la plage du Crotoy où j’ai conversé un peu avec un chasseur alpin qui s’amusait à faire le crocodile dans l’eau pour amuser sa fille. Et ça se passait très bien.

Les Hortillonages d’Amiens, ce jeudi 22 juillet 2021.

 

 

Ce jeudi 22 juillet 2021, nous sommes arrivés une heure trente avant l’ouverture des hortillonnages pour les  promenades commentées de l’après-midi. Cela faisait trente ans que j’avais entendu parler des hortillonnages d’Amiens. Et, cela allait devenir concret.

 

L’impasse sanitaire

 

 

Jusqu’au moment où j’ai aperçu l’inscription : Le Pass Sanitaire est obligatoire. Ou une phrase assez proche.

 

Si nous étions venus deux jours plus tôt, le mardi, soit le lendemain de notre arrivée à Amiens, nous aurions échappé à cette inscription. Car c’est à partir du 21 juillet, si je ne me trompe, que les nouvelles dispositions gouvernementales concernant les mesures Covid ont commencé à être appliquées.

Centre-ville d’Amiens, juillet 2021.

 

 

Depuis un peu plus d’un an, le port du masque est obligatoire dans les lieux professionnels et publics. Et, depuis début juillet à peu près, nous pouvons nous passer du port du masque à l’extérieur. Mais depuis une dizaine de jours à peu près maintenant, le gouvernement nous a fait savoir, que à compter de ce 15 septembre, tout soignant contrôlé qui ne serait pas vacciné contre le Covid ( donc sans son pass sanitaire) serait « licencié » et ne percevrait plus son salaire. Et les adolescents ont été encouragés à se faire vacciner au plus vite contre le Covid.

 

Je suis plus soignant qu’adolescent ou peut-être aussi encore très adolescent car je ne suis pas vacciné. Pas encore vacciné. Ou toujours pas vacciné.

 

Si je ne connais pas encore de personnes qui sont privées de vacances et de travail, je connais des personnes qui se sont faites vacciner. Leur nombre croît. Parmi elles, au moins deux personnes, un médecin libéral désormais à la retraite et mon thérapeute m’avaient dit plusieurs semaines plus tôt :

 

« Je ne comprends pas que cela n’ait pas été rendu obligatoire pour les soignants ! ».

 

Et, je peux concevoir que certains adeptes de la vaccination anti-Covid, en apprenant ma «déconvenue » devant les hortillonnages d’Amiens, concluent :

 

« C’est normal ! » ou «  C’est bien fait pour sa gueule ! ».

 

Cela a été une drôle de sensation que de me découvrir un peu l’équivalent d’un paria devant ces hortillonnages. Et, j’ai commencé à entrevoir qu’il en serait de même pour me rendre au cinéma désormais. Ou à la piscine.

 

 

Le conservatoire de notre ville, s’alignant sur les nouvelles décisions gouvernementales, même si la loi n’a pas encore été votée, m’a ainsi relancé pour savoir si je disposais bien d’un pass sanitaire afin d’accompagner ma fille à la sortie organisée le 21 aout. Soit, là aussi, une sortie culturelle pour ma fille et moi qui va nous être interdite.

 

Ma fille a moins de dix ans. Il y a moins d’un an, comme tous les enfants de son âge, elle ne portait pas de masque à l’extérieur ou à l’école. Il avait été estimé par notre gouvernement que le port du masque ne s’appliquait pas à cette catégorie d’âge. Et, c’est très sûr de moi que j’avais pu répondre à un passant qui s’étonnait qu’elle ne portait pas de masque :

 

« Elle a moins de dix ans ! ». Le sujet avait été réglé. Ma fille, comme les enfants de son âge, pouvait sortir sans masque sur le nez et la bouche. Et, moi, son père, qui portais un masque en permanence, cela m’allait.

 

Et puis, ça a changé. Depuis six mois à peu près, même les mômes de l’école primaire doivent porter un masque. Deux masques sont à prévoir pour la journée. Un pour le matin, un pour l’après-midi. Même moi, j’ai changé. Je suis devenu le gendarme de ma fille pour le port du masque. J’exige qu’elle porte son masque convenablement sur son nez et sur sa bouche. Ou pas du tout lorsque c’est possible. Le masque seulement sur la bouche pour ma fille, ça ne passe pas avec moi.  

 

Mais toutes ces bonnes intentions, le fait de vivre pratiquement sans masques entre mi-mars 2020 et début Mai 2020, comme l’acceptation pendant plusieurs mois de nos restrictions d’heures de sortie, et la limitation géographique de nos déplacements, pour cause de pandémie du Covid, n’ont pas suffi.

 

Centre-ville d’Amiens, juillet 2021.

 

Les vaccins anti-Covid sont arrivés à partir de février-mars de cette année 2021 (ou plus tôt ?) et ont été attribués, selon les quantités, et par ordre prioritaire à certaines tranches d’âge (les personnes les plus âgées d’abord). Avant  cet été 2021, il était possible pour l’ensemble de la population en âge de se faire vacciner de prendre rendez-vous pour le faire. Mais la France manque de volontaires pour se faire vacciner comparativement à d’autres pays cités en exemple. Même si de plus en plus de personnes se sont faites vacciner, il y a quinze jours, officiellement, nous étions encore en dessous de 60 % de vaccinés pour la population en âge d’être vaccinée.

 

 

Là où des frontières se ferment, des blessures s’ouvrent.

 

 

J’ai fait de mon mieux pour me préserver des mauvaises nouvelles liées aux courbes de croissance relatives à la pandémie du Covid en France ou ailleurs. Cependant, jusqu’à mon départ en vacances mi-juillet de l’année dernière (soit en juillet 2020), comme la majorité des gens en France, je me suis fait intoxiquer par tous ces cursus de mauvaises nouvelles liées au Covid que nous avons suivi de force.

Entre mi-mars 2020 et juillet 2020, comme beaucoup, j’avais vécu quatre mois de camisole anxiogène. J’estime pourtant avoir été moins à plaindre que d’autres :

 

Le fait de partir travailler –même si sans masque pour les premières semaines- de sortir de chez moi et d’être actif m’avait permis de ne pas subir la totalité du tabassage médiatique et/ou gouvernemental à propos des chiffres mortels du Covid. Nous devions nous attendre à clamser tels des cafards enserrés dans les vaporisations d’une bombe insecticide de la marque Covid. Finalement, j’ai échappé à mon extermination. Mais plus pour très longtemps, manifestement.

 

J’ai, pour l’instant, conservé mon emploi là ou d’autres l’ont perdu. J’ai eu droit à une prime, comme d’autres collègues soignants, pour mon « courage » ou mon « héroïsme ». Alors que d’autres collègues et d’autres personnels (éboueurs, caissières, caissiers….) exposés eux-aussi, n’ont pas, semble-t’il, touché de prime. Cette prime, je l’ai acceptée. Je ne suis pas riche.

 

Mais depuis quelques jours- depuis que le vaccin anti-Covid est devenu obligatoire avec la date butoir du 15 septembre 2021-  je suis obligé de retourner dans le purgatoire des informations que je peux trouver à propos des bienfaits et des effets des vaccins anti-Covid actuellement à disposition. Jusque là, je comptais sur le temps. J’attendais qu’un vaccin éprouvé et fiable pratiquement à cent pour cent, avec le moins d’effets secondaires graves possibles soit crée. Ou que le pandémie tombe. Mais, désormais,  j’ai officiellement suffisamment pris mon temps comme ça !  

Au jardin des plantes d’Amiens, juillet 2021.

 

 

Pour le bien du patient

 

« Pour le bien du patient » est une expression très utilisée dans le milieu soignant pour faire passer certaines mesures. Elle peut être remplacée par les termes « déontologie » ou « éthique ». Avec ces trois termes, on peut à peu près tout exiger des soignants. Autant pour se dévouer à leur travail dans d’assez saines conditions que  pour accepter toutes sortes de dégradations de leurs conditions de travail.

 

En décidant de sanctionner, à partir du 15 septembre 2021, (en licenciant et autres) tout soignant qui, en cas de contrôle, ne serait pas vacciné contre le Covid, le gouvernement semble avoir trouvé en quelques semaines la solution pour contrer la pénurie soignante. Une pénurie incurable depuis des décennies et qui s’est aggravée depuis la pandémie du Covid d’après ce que j’avais lu dans un numéro du journal Le Parisien il y a quelques jours.

 

D’un point de vue pratique, le gouvernement estime peut-être qu’en cas de licenciement massif de soignants non vaccinés à partir de mi-septembre que les conditions de travail vont s’améliorer dans les lieux de soins. Qu’il y a encore beaucoup trop de soignants en exercice. Ou que les soignants n’ont pas d’autre choix que faire ce qu’on leur demande…pour le bien du patient. Ou, alors, l’augmentation de salaire promise à certains soignants ( aides-soignants et infirmiers) pour cet automne est peut-être trop difficile à assumer. Il faut peut-être diminuer le plus possible la masse salariale. Ou conditionner l’attribution de cette augmentation salariale ( qui aurait dû avoir lieu depuis des années) à la détention du pass sanitaire avec une vaccination anti-covid à jour. 

 

 

Avant d’en arriver là, l’année dernière, lors du premier confinement, j’estimais avoir  eu de la chance. Et, j’avais un peu raison.

 

 

La « chance » de l’année dernière

 

 

En effet, dans ma ville, nous avons eu de la « chance » : notre enfant ayant un père et une mère soignante, une « école » proche de chez nous l’accueillait sur nos horaires de travail.

 

Mais ça, c’était l’année dernière entre Mars et juillet. Lorsque je croyais encore que nous avions vécu le plus difficile. Ou que le port du masque suffirait.

 

Mais ça ne suffit pas. Il faut désormais se faire vacciner.

Au jardin des plantes d’Amiens, juillet 2021.

 

 

Il y a quelques jours, des manifestants anti-vaccination obligatoire contre le Covid ont porté l’étoile jaune des juifs du temps des camps de concentration. Je ne vais pas jusque là.

 

J’ai aussi été étonné d’apprendre récemment que le frère d’un ami considère que la pandémie du Covid est une fumisterie et une émanation d’un complot sioniste. Je ne vais pas jusque là non plus. Et j’ai dit à cet ami – vacciné contre le Covid- que cette croyance avait permis l’existence des camps de concentration il y a plus d’un demi-siècle. Mon ami a acquiescé.

 

 

J’ai plus de mal dans le fait de donner ma pleine et mon immédiate confiance dans des vaccins dont certains effets secondaires, pour rares qu’ils soient, peuvent être graves (thromboses…). Ainsi qu’avec cette part de voyage dans l’inconnu pour des vaccins pour lesquels on manque de recul.

 

Cela en sachant que pour bien des décisions importantes, je prends du temps.

 

Je me dis aussi que si j’ai pu échapper au Covid jusqu’à maintenant sans vaccin, que cela peut continuer.

 

Avant de partir pour notre séjour à Amiens, j’ai effectué une sérologie Covid ainsi qu’un bilan complet. J’ai espéré être « porteur sain ». Je me suis dit que j’avais été cas contact- comme d’autres collègues- deux fois au mois de mars. Même si le résultat avait été négatif à chaque fois, j’avais peut-être développé une réaction immunitaire effective et indolore. Le résultat de ma sérologie Covid a été impitoyable. Aucune réaction immunitaire notable.

 

 

Sauf que ce que je comprends maintenant, c’est que l’obligation de la vaccination va endurcir une radicalisation déjà existante des personnes anti-vaccins. Et, sans doute aussi endurcir une radicalisation déjà existante chez les personnes pro-vaccins. Mais aussi des mesures politiques, économiques et policières. Et, ce que je n’avais pas prévu, c’était que cette radicalisation des anti-vaccins et des pro-vaccins va créer des séparations douloureuses et intimes au sein des familles, des amis et des couples.

 

En Mars 2021, lors de son premier discours «  Covid », le Président Macron avait sorti son « Nous sommes en guerre ». Son faux air de De Gaulle lui avait donné un côté guignol. Parce-que trop jeune pour cette parole. Parce-que trop préservé et trop gâté par la vie et par sa réussite. Pourtant, en repensant à ce « Nous sommes en guerre », je me dis que, pour la première fois de notre vie, pour nous qui n’avons pas vécu la Seconde Guerre Mondiale, l’Indochine ou la Guerre d’Algérie, cette vaccination maintenant obligatoire contre le Covid (même si elle n’a pas encore été votée) nous met- au moins symboliquement- dans la même situation que ces appelés qui devaient s’enrôler dans l’armée pour participer à un conflit militaire. A ceci près qu’il y a des années maintenant que le service militaire n’est plus obligatoire et que nous nous faisons aujourd’hui enrôler de manière moins frontale. Le plus souvent, avec notre consentement. Ou en nous laissant, aussi, l’impression de pouvoir choisir.

 

Or, les conditions de cette vaccination ne sont pas sécurisées à cent pour cent. Et nous savons maintenant qu’il y aura d’autres variants.  Et que cette pandémie va durer plus que trois ou quatre mois puisque cela va bientôt faire un an et demi maintenant.

 

Il y a aussi cette croyance, cette rumeur ou cette « information » selon laquelle les vaccins anti-Covid seraient si néfastes que toute personne se faisant vacciner contre le Covid serait amenée à décéder d’ici deux à trois ans.

 

 

Nous vivons dans une époque où nous acceptons facilement qu’une série télévisée puisse durer des années. Mais pas de nous retrouver dans la série. Or, avec la pandémie du Covid, ses variants et ses vaccins, nous sommes dans la seringue de la série.

Au point que je me suis demandé tout à l’heure, si, dans un monde sans la pandémie du Covid qui nous recouvre depuis un an et demi, un film comme Titane de Julia Ducournau aurait pu avoir la palme d’Or comme cela est arrivé cette année au festival de Cannes. ( Titane- un film de Julia Ducournau )

 

Dans Titane, Alexia fuit sa mémoire. Elle est entraînée dans sa fuite et doit improviser son histoire. A l’inverse, si le personnage de Jason Bourne est amnésique, au moins est-il surentraîné pour se défendre et pour tuer. Au point qu’il peut se fier à son corps lorsque celui-ci prend le relais de sa mémoire. Il n’a pas à penser.

Vis-à-vis du vaccin anti-covid, je n’ai ni entraînement et ni mémoire. J’ai donc du mal à réagir aussi vite qu’un Jason Bourne. Et, contrairement à Alexia qui est jugée pour voir tué, je peux être jugé – sans volonté et sans possibilité de fuir- car je pourrais tuer.

D’autres peuvent se passer d’entraînement et de mémoire et se font vacciner contre le covid. J’envie leur confiance envers la vaccination anti-Covid.

 

Franck Unimon, lundi 26 juillet 2021.

 

 

 

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Cinéma

Titane- un film de Julia Ducournau

 

Titane un film de Julia Ducournau

 

 

Prise d’adolescence

 

Titane, le deuxième long métrage de Julia Ducournau, a obtenu la palme d’Or lors de ce dernier festival de Cannes, la semaine dernière. Je l’ai appris par hasard le jour-même. Aussitôt, j’ai ressenti des sentiments contrastés.

 

J’étais allé voir le film deux à trois jours plus tôt. Et, en sortant de la salle, j’avais préféré parler d’un autre film plus ancien, regardé en dvd :

 

 Sex & Fury de Norifumi Suzuki réalisé pratiquement un demi-siècle plus tôt. ( Sex & Fury un film de Norifumi Suzuki

 

On peut donc dire qu’en « négligeant » Titane, en termes de stratégie et d’anticipation -lorsqu’il s’agit de faire son possible pour obtenir le maximum de vues avec un article- j’avais raté la marche de tout mon long.

 

Heureusement, pour moi, Black Widow, réalisé par Cate Shortland, vu quelques jours avant Titane n’a pas eu de prix à ce dernier festival de Cannes.

 

Alexia/Agathe Rousselle

 

Mais j’avais fait le choix de faire « patienter » Titane , avant de parler de lui, car il m’avait moyennement enthousiasmé. J’avais presque regretté d’être allé le voir.

 

En me levant pour quitter la salle à la fin du film, j’avais même eu l’impression qu’une partie des spectateurs présents- dont un certain nombre de femmes- était à peu près dans le même état émotionnel que moi.

 

Cette impression en dit bien-sûr plus sur moi que sur les autres : peut-être que la majorité des spectateurs présents ce jour-là avaient beaucoup et secrètement aimé Titane.

 

Donc, parlons de « moi » qui avais peut-être été le seul à regretter d’être venu voir  Titane au cinéma. Au lieu de Teddy, réalisé par Ludovic et Zoran Boukherma.  

 

 

J’avais vu à sa sortie le précédent long métrage de la réalisatrice : Grave. Je le préfère largement à Titane.

 

L’actrice Garance Marillier dans « Grave »

 

Avant d’aller voir Titane  en salle, coïncidence, j’avais lu dans Télérama l’interview de la réalisatrice. J’y avais appris que les parents de Ducourneau, dermatologue et gynécologue, l’avaient en quelque sorte exhortée à ce qu’elle les « laisse tranquilles » dans ses films. Tant les parents, dans les deux films de Ducournau, sont loin d’être transparents.

 

Dans cette interview, j’avais aussi appris que Ducournau avait eu une éducation de cinéphile en famille- avec sa mère et son père, donc- comme d’autres peuvent en avoir avec les consoles de jeux vidéos. Et qu’elle avait aimé regarder les films de David Cronenberg tels que Crash. Film que j’avais vu au grand jour à sa sortie au cinéma- et qu’il serait bien que je revoie aujourd’hui- tandis qu’elle, avait vu ce film et d’autres de Cronenberg, en cachette. On voit le résultat de certains plaisirs interdits.

  

 

Sur la planète Ducournau, les mélanges sont des habitués. Et  le cinéma « parisien », intello,  bourgeois et propre sur lui a été évacué. Cela fait partie des attraits de sa filmographie ainsi que son côté Pardonnez-moi de Maïwenn pour cette façon de fureter près de la porte de la chambre de ses parents. Et, cela, pour mieux les tourmenter pour défaut de défaillance éducative et affective mais aussi pour des raisons scénaristiques.

 

Dans Titane, les parents  sont moins aimables que dans Grave. Moins cannibales, aussi. C’est peut-être dû aux bienfaits de la thérapie. La thérapie est un organe alimentaire. 

Mais je n’ai pas aimé la façon de montrer le « trauma » initial qui fera ensuite de l’héroïne Alexia (l’actrice Agathe Rousselle) une psychopathe. Oui, je parle de psychopathie. Même si pour la mentionner, on en parle ensuite comme d’une « tueuse en série ». Dans la pyrotechnie des crimes d’Alexia devenue adulte, moi qui suis souvent invité à des barbecues avec des tueuses et des tueurs en série, je ne retrouve pas leurs alchimies attitrées.  

 

 

De toute façon, dès le début du film, la réalisatrice nous enferme dans son parti pris. Cela se passe dans une caisse (une voiture). Fi-fille asticote papa (Bertrand Bonello, que je n’ai pas reconnu) qui conduit. L’ambiance est lourde. Papa est peu aimant. On dirait le beau-père dont la présence de la petite équivaut à une peine de prison. Aucune parole entre les deux. La petite est en  recherche de fréquence et d’attention par des provocations. L’adulte recherche le solo et l’évasion par la radio.

 

On comprend que dans ce duel sourd, les deux préfèrent l’affrontement à la communion ou à la confession. Finalement, le père s’impose mais c’est au prix de l’accident coupable.

 

On entre alors dans le titane : ce métal en transition, léger et résistant, nous dit wikipédia. Mais ce que je sais sans l’aide de wikipédia, pour avoir assisté dans le passé au mariage d’un couple de tueurs en série dans le Val d’Oise, c’est que le titane sert aussi à la constitution des alliances.

 

Je me suis néanmoins demandé si Titane pouvait aussi signifier « Tite Anne » tant nous sommes dans le registre de l’enfance. Une enfance déboutée par les parents. En particulier par le père (Bertrand Bonello, donc) qui en prend plein la gueule dans le film. L’expression « plein la gueule » est éclairée plein phares. Car la tronche de l’acteur Bonello- qui assure bien la relève de l’acteur Laurent Lucas présent dans Grave est bien choisie pour ce rôle.

 

Si Titane m’a laissé un goût décrépi, je lui reconnais des aventures et des plaisirs. Telle cette scène où le père d’Alexia s’enfourne une assiette de pâtes à cheval entre le vomi et le repas insipide qui en disent long sur la touche grise du personnage qui est l’incarnation de l’anti-orgasme.

Ducournau est très habile avec le comique de situation. Je repense encore à cet échange de regards entre l’héroïne et son père lorsqu’elle lui dit «  au revoir . Aucune phrase. Ducournau sait se servir du silence et des intentions. De l’instinct, aussi. 

 

J’ai bien-sûr aimé revoir ce visage familier que j’ai réussi à identifier parce-que j’avais lu l’interview. Celui de l’actrice Garance Marillier, Justine, l’héroïne de Grave.

 

Justine/ Garance Marillier dans  » Titane »

 

 

J’ai aimé la capacité de Ducournau à entremêler scènes de meurtre, leur labeur et l’humour. Même si le premier meurtre, de défense plus ou moins légitime dérive très vite vers la jubilation. Dans l’action d’occire, il y a aussi beaucoup d’excitation à regarder Alexia agir. Et cette excitation est difficile à appréhender. A moins de se dire que, comme le titane, elle était en transition, et que le premier meurtre a été le déclic vers sa transformation. Ou sa « libération ».  

 

Alexia/ Agathe Rousselle en recherche d’un peu de chaleur humaine.

 

 

Auparavant, j’avais aimé l’attitude bornée de l’héroïne. Sorte de figure de Rosetta des frères Dardenne. Mais, cette fois, une Rosetta qui gagnerait sa vie en dansant, dans un corps longiligne, plutôt grand et sec, en effectuant des dérapages contrôlés sur la tôle immaculée de carrosseries de voitures dans des salons d’exposition.  Alexia n’est pas une jolie femme mais elle crée un désir chez les autres alors que son réservoir à désir est vide pour les autres. Dans Exotica (1994) d’Atom Egoyan, Zoé (l’actrice Arsinée Khanjian), danseuse dans un club de strip-tease, était reliée à Francis. Dans Titane, Alexia n’est reliée qu’à ses danses sur des voitures et cela suffit pour que des individus (hommes et femmes) souhaitent s’inviter dans son intimité.  

 

Puis, arrive Vincent (Vincent Lindon), beau camion musclé mais aussi muselé par ses injections régulières de stéroïdes. Lui et Alexia sont deux astéroïdes gravitant autour d’un déni prononcé. Ils sont  forts mais ont aussi besoin d’être sauvés de leurs fuites et de leurs culpabilités. Comme, peut-être, de certaines de leurs volontés.

 

Vincent/ Vincent Lindon

 

Vincent, en commandant de pompier à qui ses hommes doivent une obéissance totale mais qui ne rend jamais compte de rien à personne, manque plusieurs fois de crédibilité, ou, le film, de réalisme. Et, Ducournau, plusieurs fois, redresse le tir. Titane vise alors juste (la scène avec l’ex-femme de Vincent, jouée par Myriem Akheddiou).

 

L’obéissance totale, pourtant, Vincent comme Alexia en sont bien incapables, mais à quel prix !

 

Il a été dit de Titane qu’il était un film « viscéral ». Adjectif facile pour ce film si peu tactile qu’il vaut mieux perforer son prochain, se perforer soi-même ou s’arracher à lui, plutôt que de simplement se toucher et s’embrasser ( voir la relation entre Alexia et Justine ou, bien-sûr, entre Alexia et son père).

 

Je reproche aussi à ce film qui se veut un film d’émancipation- au moins dans la cinématographie française- de rester cramponné, pour la partie musicale, à des référents rock and roll, forcément anglo-saxons. Evidemment, le même film , avec du Dub ou de la valse, serait moins « dur ». Mais quitte à s’émanciper, autant tenter autre chose.

 

Enfin, comme dans Grave, j’ai aimé que dans Titane soit présente à l’écran une diversité de peaux et de couleurs que Ducournau présente à chaque fois comme évidente, alors que dans d’autres productions françaises, elle est encore très souvent absente ou balbutiante. Comme lors du tout premier bal. 

 

Franck Unimon, ce dimanche 25 juillet 2021.

 

 

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Corona Circus self-défense/ Arts Martiaux

Dojo 5

Intérieur du salon de thé Tencha à Angers.

 

                                                       Dojo 5

Le Dojo 5 se trouve près d’une piscine de 33 mètres de longueur. Celle-ci est en rénovation, rue de Pontoise.

 

Pour beaucoup, la rue de Pontoise se trouve à Paris. Pour moi, Pontoise est soit une ville soit une couleur où j’ai vécu et travaillé.

 

Ce samedi 17 juillet, j’arrive au dojo 5 afin d’assister au stage d’Aïkido dispensé par Sensei Léo Tamaki. J’ai appris la tenue de ce stage à Paris, ce 17 et ce 18 juillet un peu par hasard il y a deux ou trois jours. A la fin de son interview de Franck Ropers dans le magazine Yashima de ce mois de juillet 2021, on tombe sur plusieurs dates de ses stages cet été en France.  

 

J’ai croisé une fois Léo Tamaki dans la rue. C’était par hasard il y a quelques mois près des Galeries Lafayette. Lors des préparatifs des fêtes de Noël de l’année dernière.  Après être allé rencontrer Sensei Jean-Pierre Vignau à son domicile. Autrement, Léo Tamaki et moi avons principalement communiqué par mails. C’était en vue d’une interview pour mon blog. Cet été, ce serait plus simple avec la pandémie du Covid.

 

J’arrive sans prévenir au dojo 5. J’ai bien envoyé un mail à Léo Tamaki il y a quelques jours. Il ne m’a pas répondu. Il doit être très occupé. Je ne sais pas comment il va réagir. Afin de m’aider à appréhender au mieux cette inconnue, je suis assez fraîchement imprégné par ma lecture de l’ouvrage Uchideschi ( dans les pas du Maitre) de Jacques Payet, Sensei d’Aïkido 8ème Dan.

 

Lors de mon trajet en train pour Paris St Lazare, afin de me rendre à ce stage, je n’ai pas pu m’empêcher de rire lorsque Jacques Payet (page 79) raconte la mésaventure de Yamada, l’un de ses partenaires lors de sa formation particulièrement difficile d’UCHIDESHI  dans les années 80 :

 

« Mais nous n’osions pas nous effondrer au risque d’affronter la fureur des instructeurs. C’est ce qui est arrivé à Yamada. Il n’était pas très fort physiquement et il avait du mal à rester si bas sur ses jambes pendant une si longue période. L’instructeur lui a crié dessus une fois, puis deux fois, puis a commencé à lui donner des coups de pied. Lorsqu’ils ont réalisé qu’il n’en pouvait plus, ils l’ont séparé du groupe et l’ont mis devant un miroir pour qu’il puisse voir son propre visage et savoir à quel point c’était humiliant d’être un lâcheur. Au bout d’un moment, il a rejoint la classe, mais seulement après avoir été sévèrement réprimandé devant ses pairs ».

 

Mais impossible pour moi de savoir si je rirai autant lorsque je ferai face à Léo Tamaki dans le dojo 5. Surtout que j’ai quelques minutes de retard. A St Lazare, en me dirigeant vers la ligne 14, j’ai reconnu une amie dont je n’avais pas eu de nouvelles depuis environ deux ans. Nous avons été contents de nous revoir.

 

Après avoir fait le code d’accès, la lourde porte s’ouvre. Une cour intérieure et, au bout, le dojo avec la silhouette de Léo Tamaki parmi ses élèves. Aucune possibilité de laisser mon vélo pliant. J’ai bien fait de le laisser chez moi.

 

Le cours a débuté. Je me rapproche. Je suis à un ou deux mètres de l’entrée du dojo que Léo Tamaki vient vers moi en souriant. Il semble bien se souvenir de moi. Ne paraît pas plus surpris que ça.

Lorsque je lui demande si je peux assister au cours, il accepte aussitôt. Et m’invite à me mettre dans un coin sur le tatami.

 

Instinctivement, je m’installe en seiza. Prévenant, il m’informe que je peux me mettre à l’aise. Puis, il repart.

 

Il y a une vingtaine de stagiaires. Dont une majorité d’hommes. Deux ou trois pratiquants peut-être ont la cinquantaine. Autrement, la fourchette d’âge est entre 25-28 ans et 45 ans, je dirais. Il y a des pratiquants expérimentés. Et des débutants.

 

 Le stage a débuté ce matin mais je n’ai pas pu venir. Le travail s’effectue alors avec le bokken. Léo Tamaki passe régulièrement parmi les élèves. Corrige en montrant à nouveau. Fait parfois de l’humour. Laisse travailler quelques minutes. Puis interpelle le groupe et refait sa démonstration ou insiste sur telle particularité avant de demander :

« Recommencez s’il vous plait ».

 

Nous sommes très loin de l’ambiance japonaise décrite par Jacques Payet.

 

Léo Tamaki parle de « dissocier ». Et de « structure ». Ce sont des mots qui lui sont assez familiers, je crois. Un autre moment, il souligne : « Par défaut, considérez toujours que votre adversaire peut sortir une arme ». Il a à cœur de rendre la pratique aussi réaliste que possible, fait des parallèles avec d’autres pratiques martiales. Je regarde celles et ceux qui s’entraînent. Les déplacements. Je me dis que cela doit être difficile de rester concentré sur une si longue durée pour porter des atemis. Mais « j’aime » que la main remplace le sabre lors de certaines attaques.

 

Certaines techniques me semblent plutôt hors de ma portée. Je réfléchis à la solution à trouver face à un adversaire plus grand. Je me dis que cela doit être un bon apprentissage que de s’entrainer à voir un bokken s’abattre sur soi ou sur sa tête. Mais Léo Tamaki insiste :

« C’est lui que tu dois regarder. Pas le sabre ».

 

Lorsque j’ai pratiqué un peu le judo, je venais seulement pour « faire » et pour « jaillir ». Trop peu pour regarder. C’est une erreur que j’ai beaucoup répétée. Peut-être que quelques participants ont été intrigués par ma présence.

 

Les deux heures sont passées. A la fin du cours, j’attends que Léo Tamaki soit disponible pour lui parler un peu. Il me dit alors « Tu ». Même si je n’ai fait « que » regarder, je comprends qu’il m’a vu durant son cours. Et, il m’a vu sans détour. Mon ego et mes ruminations étaient au repos sur le tatami.

 

Je croyais que ce dojo était un dojo de circonstance pour le stage. Il m’a appris que le lieu où il enseignait auparavant a « fait faillite ». Une de ces nombreuses conséquences, pour l’instant invisibles,  dues à la pandémie du covid.

 

Il est convenu que je reviendrai fin aout pour l’interview. J’ai prévu de venir avec un caméraman et une photographe. Le premier m’a été recommandé par une amie, journaliste et productrice, spécialiste du cinéma africain. J’ai connu et joué avec la seconde lorsque j’avais repris des cours d’interprétation théâtrale au conservatoire d’Argenteuil.

 

En aout, si je peux, je participerai aussi à un cours ou deux d’Aïkido.

 

Je me sens bien en quittant le dojo 5.

 

 

Franck Unimon, ce lundi 19 juillet 2021.

 

 

 

 

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self-défense/ Arts Martiaux

L’aspiration à l’excellence de Franck Ropers

 

L’aspiration à l’excellence « de » Franck Ropers

 

 

Eclats

Il peut se passer des années, parfois plusieurs vies, avant que ne nous parviennent certains éclats.

Cet éclat peut être un souvenir, une blessure, une rencontre ou un objet que l’on avait rangé quelque part, délaissé, et puis que l’on « retrouve ».

 

Un objet, un souvenir, une blessure ou une rencontre où, pour nous, le temps s’est arrêté.

 

A ce jour, je n’ai jamais rencontré Sensei Franck Ropers. Mais j’ai rencontré au moins une ou deux personnes qui l’ont rencontré. La dernière de ces personnes n’est autre que Sensei Léo Tamaki que j’ai revu hier après-midi, lors du stage d’Aïkido qu’il donnait au 26 rue de Pontoise, en plein Paris, au Dojo 5. Stage auquel j’ai pu assister et auquel je me suis rendu afin de me faire une idée de l’endroit où, fin août, avec son autorisation, je reviendrai pour l’interviewer. Et, peut-être aussi pour participer à un ou deux de ses cours lors du stage qu’il redonnera fin août au même endroit.

 

 

J’ai oublié, quand, pour la première fois, j’ai entendu parler de Franck Ropers. Sans doute par des vidéos de lui sur Youtube il y a quatre ou cinq ans. Pourtant, Franck Ropers est actif dans le domaine des arts martiaux et de la Self-Défense depuis une bonne trentaine d’années. Il s’est passé des années avant que son éclat…ne me parvienne. Sans doute parce qu’avant d’être réceptif à ses « états de service », j’étais plus axé sur d’autres disciplines et sur d’autres centres d’intérêt.

 

Pour cette interview de Franck Ropers par Léo Tamaki, dans le Yashima de ce mois de juillet 2021, j’ai été plus réceptif.

 

Lorsque je pense au Penchak Silat– Dont Ropers est le plus haut gradé en France, je crois- je ne peux m’empêcher de penser au film The Raid du réalisateur Gareth Evans. En particulier à The Raid 2 (2014) qui a pour l’instant ma préférence.

 

Même si le premier The Raid, réalisé en 2011, avait marqué les esprits.

 

En écoutant Franck Ropers dans des vidéos, j’avais été très vite marqué par sa très bonne aptitude et sa très grande aisance pour s’exprimer face à une caméra. Par sa grande maitrise corporelle bien-sûr.  Ainsi que par sa très bonne pédagogie. Car on peut être un très bon pratiquant, quel que soit notre domaine professionnel, et être mal à l’aise face à une caméra comme sur scène ou face à un public. Et, à travers mes propos, ici, c’est autant l’élève, que le spectateur ou l’intervenant et le comédien, qui s’exprime.

 

Les propos de Franck Ropers sont pointus, concrets et faciles à comprendre. Convaincants.

 

Quel que soit l’interlocuteur en face de lui, journaliste ou représentant d’une discipline martiale dite « efficace » ou « réaliste » type MMA, Franck Ropers m’a toujours semblé légitime dans ses propos et bien au fait de ce qui se passe dans la « vraie » vie. Et, par « vraie vie », ici, je pense bien-sûr au combat de rue dans des conditions réelles.

 

Même si Franck Ropers « présente bien », il n’est pas un animateur de télévision qui, parce qu’il porte un costume, du maquillage et une oreillette devant plusieurs caméras à des heures de grande écoute et qu’il perçoit un très haut salaire, finit par se croire plus beau, plus intelligent et plus fort qu’il ne l’est véritablement.

 

Non. A ce que je vois, quotidiennement, Franck Ropers continue de rester dans la juste note de sa grille d’accords. Et cette grille tient dans son corps et dans ce qu’il a compris et comprend, avec lucidité, des sports de combat mais aussi du monde, ou des mondes, dans lesquels nous vivons. Et, si cela était faux,  et n’était qu’une mise en scène ?

 

Il suffit de disposer d’un tout petit peu d’expérience de sport de combat ou d’art martial pour comprendre que Franck Ropers dispose d’un niveau de pratique – et d’une détermination- qui ne repose pas sur une simple effervescence cosmétique, sur de l’illusion ou de la prestidigitation.

 

 

Conquis avant même le combat ou la rencontre ?

 

On pourrait se dire que je suis conquis avant même- je ne l’ai jamais rencontré- d’avoir rencontré Franck Ropers. Et que c’est de cette manière que l’on perd, d’avance, un combat.

 

D’abord, j’ai bien d’autres aspirations dans la vie que de devoir me bagarrer constamment avec tout le monde afin de prouver ou de me prouver quoique ce soit.

 

J’ai appris cette semaine- dans un livre que j’ai retrouvé chez moi- que « feu » Bruce Lee, lors du tournage du film Opération Dragon, avait donné une bonne partie de son temps- et de son influx- à répondre à des défis que lui lançaient des figurants.

 

Au point d’être en permanence sous tension. Entre le tournage du film, ces défis permanents et – pour ce que j’avais lu ailleurs- les menaces de certaines triades chinoises qui le voyaient désormais comme une poule aux œufs d’ors alors qu’il était devenu une vedette internationale.

 

Si bien que Bruce Lee trouvait du réconfort, entre-autres, dans des space cakes composés de Marijuana. La consommation répétée et conséquente de ces space cakes aurait provoqué sa mort prématurée. Plus récemment, Michaël Jackson et d’autres vedettes ou personnalités, ont bien été retrouvées mortes après l’abus courant de certaines substances stupéfiantes ou médicamenteuses.

 

Enfer ou aliénation :

 

Ensuite, devenir une star et une référence martiale et passer son temps à répondre à des défis, des ultimatums et des exigences, pour devoir prouver que l’on est bien toujours le « meilleur », dans « le coup » ou le plus « fort », cela ressemble pour moi à l’enfer ou, au minimum, à de l’aliénation.

 

Devenir aussi fort pour être prisonnier ?  Je n’envie pas du tout ce genre de vie et d’apothéose. Même si, un demi-siècle plus tard, Bruce Lee reste une référence pour beaucoup de monde, combattants, spectateurs ou admirateurs.

 

Il est d’autres combattants, et d’autres célébrités, aujourd’hui, qui sont également plus enfermés que libres grâce à leur « réussite ». Prenons Conor McGregor, vedette de MMA. Même si McGregor « aime » le spectacle, comme Mohamed Ali avant lui, peut-il ou a-t’il la possibilité d’être autrement que le McGregor qui « provoque » en plus d’être un très bon combattant ?

 

Celles et ceux qui courent sans relâche après le buzz prennent aussi le risque d’être rattrapés par cet effet qui consiste à être ensuite poursuivi sans relâche par le même genre de tourments sans fin : Etre bon ou le meilleur. Ou rien.

 

Pour ces quelques raisons, aussi, je ne chercherai pas à mettre en doute ou à « challenger » les compétences de Franck Ropers ou d’autres dans les Arts martiaux ou dans tout autre domaine. Je préfère plutôt essayer de m’en approcher et de m’en inspirer dans des proportions, je l’espère, préventives et thérapeutiques. Vers mon bien-être. Mais, pour cela, encore faut-il savoir ce qu’est le bien-être.

 

Franck Ropers et « le bien-être » :

Franck Ropers sait-il c’est qu’est le bien-être ? Il s’y emploie en tout cas. Et, pour moi, c’est une (très) bonne nouvelle qu’une personnalité comme lui (un million d’abonnés  sur yourtube) se préoccupe de son propre bien-être. Ce qu’un Bruce Lee avait sûrement perdu de vue avant sa mort.

 

Voici quelques extraits de son interview réalisée par Sensei Léo Tamaki pour le Yashima de ce mois de juillet.

 

« Nous créons nos propres limites. Nous avons tous un passé et, parfois, ce vécu mal compris ou interprété nous bloque dans nos aspirations ».

 

« (…) Il y a aussi le rapport à l’échec. Si on entreprend quoi que ce soit, l’échec est inévitable à un moment ou à un autre et il ne faut pas le redouter (….) ».

 

« Pour moi, l’essence des arts martiaux est le développement personnel et on y apprend à s’engager, savoir changer de direction, développer et entretenir son physique (……) j’ai suivi diverses formations et je suis notamment devenu sophrologue et hypnothérapeute. Comprendre son fonctionnement et comment le modifier de façon positive peut se faire seul, avec un psy, un coach ou un sensei. Les chemins ont leurs particularités mais l’objectif de bien-être et d’évolution est identique ». ( Extraits de l’interview L’aspiration à l’excellence de Franck Ropers par Léo Tamaki dans le Yashima de ce mois de juillet 2021. Interview d’une dizaine de pages).

 

Franck Unimon, ce dimanche 18 juillet 2021.

 

 

 

 

 

 

 

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Cinéma self-défense/ Arts Martiaux

Sex & Fury un film de Norifumi Suzuki

 

L’actrice Reiko IKI

Sex & Fury un film de Norifumi Suzuki

 

 

Direction l’ère Meiji :

 

Un an après Nous ne vieillirons pas ensemble du réalisateur français Maurice Pialat, le réalisateur japonais Norifumi Suzuki sortait Sex & Fury (1973). La même année, toujours en 1973,  Bruce Lee, d’origine chinoise, première superstar asiatique internationale, décédait lors du tournage du film Le jeu de la mort.  

 

Trois ans plus tard sortira L’Empire des sens de Nagisa Oshima, autre œuvre cinématographique japonaise.

 

 

Quel est le rapport entre Sex & Fury, qui fait partie de la catégorie Pinku Eiga et Yakusa Eiga, où l’histoire se passe à l’ère Meiji, ces autres œuvres et ces artistes ? Car Sex & Fury n’est pas un remake du Nous ne vieillirons pas ensemble de Pialat. Encore moins du film Le Jeu de la mort.  Et, on imagine peu Marlène Jobert et  Jean Yanne, les deux acteurs principaux de ce film de Pialat, ou même Bruce Lee- qui est absent de la filmographie de Pialat- évoluer dans  l’époque relatée dans Sex & Fury :

 

En 1868, au Japon, à l’ère Meiji.   

 

Les titres de ces films les rapprochent, bien-sûr.

L’actrice Reiko IKI dans le rôle d’Ocho.

 

Celles et ceux qui affronteront Ocho, interprétée par l’actrice Reiko Ike, dans Sex & Fury ne vieilliront pas avec elle même si sa vision dégaine leur désir.

 

Ad Libido :

 

Selon le niveau où se situe la libido et le sadisme du spectateur ou de la spectatrice – le film est réservé aux plus de 16 ans–  Sex & Fury peut être vu comme un de ces films « druides »  qui savent modifier la constitution et la perception des corps et faciliter les fluides ainsi que toute étude les concernant :

 

Même si les scènes de combats et certaines séquences de jeu sont assez enfantines, la photographie, elle, n’a pas pris une ride. Entre le visage et le corps de Ocho/ l’actrice Reiko Ite et celui de Christina/ l’actrice Christina Lindberg, on a de quoi fuir l’ennui.

 

Si Reiko Ite est la femme parfaite très au fait de la bassesse et de la violence des hommes, Christina Lindberg, sait très bien ajouter l’innocence à la froideur.

L’actrice Christina Lindberg dans le rôle de Christina.

 

Cependant, il existe d’autres plaisirs cinéphiliques dans la découverte de ce film.

 

Tarantino :

 

Sur la jaquette du dvd, il est spécifié que Tarantino s’est – aussi- inspiré de ce film pour réaliser ses deux Kill Bill (2003 et 2004).  Et, cela saute aux yeux tant pour les membres que pour les combats -au sabre- d’Ocho/ Reiko Ite que pour la présence de Christina/l’actrice Christina Lindberg. Laquelle interprétera- en 1974- le rôle de Frigga/Madeleine dans le film Thriller (ou Crime à froid) de Bo Arne Vibenius. Film qui a aussi influencé Tarantino pour le rôle de Elle Driver joué par l’actrice Darryl Hannah dans Kill Bill.

 

La plupart des hommes de Sex & Fury sont cupides, pervers et, bien-sûr, lubriques. Les hommes honnêtes et idéalistes sont isolés ou minoritaires. Trahis et assassinés. Suzuki nous dépeint donc un Japon corrompu à l’intérieur alors qu’il s’agit d’un Japon de la majestuosité et de l’honneur à l’extérieur :

 

Ce Japon a défait la Chine et la Russie militairement et se modernise à toute vitesse.

 

Trois portraits de femmes :

 

Ocho/ l’actrice Reiko IKI

 

Dans ce Japon où les femmes sont opprimées, trois portraits de femme dominent dans ce film féministe. Celui d’Ocho ( l’actrice Reiko Iki), intrépide, dure au mâle, orpheline qui a grandi dans la rue après avoir assisté à l’assassinat de son père. Et qui doit son salut au fait d’avoir été recueillie par une femme qui lui a appris à voler et sans doute à se prostituer.

 

Celui de Christina (l’actrice Christina Lindberg) « l’occidentale » britannique, la jeune femme talentueuse, devenue espionne pour son pays, alors plus grande puissance coloniale, par amour pour revoir…. un Japonais.

 

Le dernier portrait de femme « dominant » est celui de Yaeji/l’actrice Yoko Mihara, qui campe la femme d’un haut dignitaire japonais. Yaeji est toute respectable jusqu’à ce que l’on comprenne qu’elle perd toute conduite devant le sexe. Et que «  sa peau dévore les hommes ».

 

Protéger ou couper :

 

Ocho/l’actrice Reiko IKI

 

Ces trois femmes sont trois tentatives  de coexistence avec les hommes de ce Japon. Pour Ocho, le résultat de cette coexistence se décompose de la manière suivante :

 

Elle protège ou elle coupe.

 

Soit elle a un homme à venger (son père) ; soit elle est porteuse des dernières volontés d’un homme ; soit elle sauve un homme (« l’anarchiste » Shunosuke interprété par l’acteur Masataka Naruse)  poursuivi par la police ;  soit elle tue des hommes aussi brutaux que des animaux derrière leurs airs raffinés. Car certains de ces nouveaux aristocrates qui ont réussi sont d’anciens yakusas qui ont réalisé des crimes et sont prêts à tout pour parvenir à leurs fins. Tortures, viols, meurtres, trafic de drogue….

En tuant ces hommes, on pourrait dire qu’Ocho les libère car ils n’ont pas évolué. Ils sont enfermés dans des instincts et des comportements dont ils sont devenus inséparables. Elle, a évolué. Au point qu’elle tient le sabre, arme souvent masculine, mieux que les hommes. Dans Sex & Furyune femme telle qu’Ocho est le véritable honneur du Japon. Cet honneur vit dans la rue et est orphelin. 

Cependant, au contraire de Christina et de Yaeji, aucun désir et aucun amour ne retient Ocho à un homme en particulier. Et, il semble que cela contribue non seulement à en faire une femme libre mais aussi à lui sauver la vie en tant qu’individu. Ce qui, bien-sûr, était un sacré affront adressé au Japon des années 70 (et d’aujourd’hui ?) où le groupe prévaut sur l’individu. Et où la femme se doit d’être mariée à un homme et de baisser les yeux.

 

Ocho/ L’actrice Reino IKI

 

 

Ocho fait tout le contraire. C’est ce qui lui permet, plusieurs années plus tard, de faire toute la lumière sur le meurtre de son père. Et, nous, si nous arrivons à lever les yeux,  cela nous permet de regarder ce film autrement après les événements relatifs au harcèlement des femmes ou à des mouvements tels que #balancetonporc.

 

Franck Unimon, ce samedi 17 juillet 2021.

 

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Corona Circus

Vacciner plus pour soigner plus !

 

Vacciner plus pour soigner plus !

 

 

Ce que j’aime dans les enterrements, c’est que l’on y vit des moments de sincérité. C’est pareil avec l’humour.

 

Il y a deux ou trois jours, le Président de la République, Emmanuel Macron, le Ministre de la Santé, Olivier Véran,  puis la Ministre du Travail, Elizabeth Borne, nous ont fait savoir qu’à partir du 15 septembre tout soignant non vacciné contre le Covid, en cas de contrôle, s’exposerait à des sanctions:

 

Mise à pied, licenciement, suspension du salaire.

 

Ce n’est pas cela qui m’a fait sourire. Et, je n’ai pas vu de sincérité particulière non plus dans ces nouvelles dispositions dans l’intention de pousser les soignants à se faire vacciner à double dose d’ici le 15 septembre. J’ai plutôt vu un passage en force. Je m’attendais à ce que la vaccination anti-Covid devienne obligatoire pour les soignants ou, simplement, pour voyager hors de la France. Mais pas à ce qu’elle le devienne aussi « vite ». ( Des soignants héroïques et irresponsables)

 

Un succès sanitaire et politique. Pour l’instant.

 

Le 15 septembre, c’est dans deux mois. Depuis l’intervention télévisée du Président Macron, « tout le monde » veut se faire vacciner. Donc, son intervention serait un succès.

 

Sanitaire. Et politique. Pour l’instant.

 

Mais si j’ai parlé d’enterrement au début de cet article, c’est parce-que le lendemain de l’allocution présidentielle d’Emmanuel Macron pour « nous » exhorter, nous les soignants, à nous faire vacciner, j’ai appris le décès du père de mon meilleur ami. Cela m’a ramené à Nanterre où j’ai grandi, près du collège où cet ami et moi nous étions rencontrés la première fois. Le collège Evariste Galois qui va bientôt disparaître en raison de l’impasse pédagogique où il s’est emmuré.

 

Je suis allé à l’enterrement le jour-même. Ainsi que dans une mosquée, pour la première fois de ma vie. Une part de chagrin m’inspire donc peut-être certaines de mes pensées dans cet article. Mais, comme je l’ai annoncé, j’aime, dans les enterrements «  les moments de sincérité » que l’on y vit. Et, je ne vais pas renoncer à ces moments de sincérité alors que j’écris.

 

Les réactions de quelques journaux après l’allocution télévisée du Président Macron, ce 12 juillet

 

Il m’est déjà arrivé de rire ou de sourire lors d’un enterrement. Et je souhaite qu’on le fasse lors du mien. On pourra même danser. Avec ou sans vaccination anti-Covid.

Mais ce qui m’a fait sourire ou rire aujourd’hui, c’est plusieurs dessins du dernier numéro du journal Charlie Hebdo que je lis régulièrement depuis « les attentats » de 2015.

 

 

 

Il y a quelques jours, je parlais de l’éditorial du journal La Croix dans mon article Des soignants héroïques et irresponsables. Aujourd’hui, je parlerai plutôt du dernier numéro de Charlie Hebdo : le numéro 1512 du 14 juillet 2021 que je n’ai pu acheter que ce matin( jeudi 15 juillet).

 

J’avais besoin de lire les réactions de différents journaux après l’intervention du Président Macron et des Ministres Véran et Borne. Car j’avais exposé mes réserves envers la vaccination anti-Covid. Même si je suis favorable à la vaccination. Mais pas n’importe comment.

 

En première page de Charlie Hebdo, parmi les titres, on peut lire : Les soignants boudent le vaccin (le verbe « boudent » est écrit en rouge). Il y a la caricature du Président Macron qui plante sa seringue dans la tête d’un travailleur d’un certain âge, plutôt fourbu, et qui dit, sur un fond rouge, avec un air assez diabolique ou sadique :

 

« Vacciner plus….pour travailler plus ! ».

 

Soit une allusion à la réforme des retraites dont le Président Macron compte reculer l’âge. Je viens à l’instant de m’inspirer de cette phrase pour le titre de cet article qui était totalement différent au départ.

 

Puis, en deuxième page de Charlie Hebdo, débute le bal à propos du sujet qui me concerne particulièrement en tant que soignant non vacciné contre le Covid à ce jour. Sujet qui touche aussi visiblement beaucoup plus de Français qu’il n’y a de soignants en France depuis l’intervention du Président Macron.  Puisque depuis, la prise de rendez-vous par Doctolib est débordée :

 

Pour une vaccination anti-Covid.

 

Les dessins de Charlie Hebdo agrémentés du titre ANTIVAX A L’Hôpital (Pourquoi le personnel soignant rechigne-t’il à se faire vacciner ?) m’ont fait sourire voire rire.

 

 

 

 

Pour moi, vivre, faire de l’humour et de l’autodérision vont de pair avec ma santé mentale.

 

L’article de Gérard Biard qui suit est intitulé Pour une vaccination inclusive. Seul le mot « inclusive » est inscrit en noir. Les mots qui le précèdent sont en plus gros caractères et de couleur rouge.

Et le but de Gérard Biard n’est pas de faire rire. Sauf un peu lorsqu’il avance que :

 

 « (….) depuis  un an et demi, les pontes de l’hôpital public sont davantage susceptibles de contaminer un journaliste télé ou une maquilleuse qu’un patient…. ».

 

Plus précis que l’éditorialiste Jérôme Chapuis du journal La Croix pour son article Une obligation morale, Gérard Biard, dans son article, énonce que les soignants récalcitrants au vaccin anti-Covid sont majoritairement des personnels infirmiers et aides-soignants ou autre personnels soignants. « 46% » d’entre eux, dit-il ne sont « toujours pas vaccinés ». Alors que d’après les chiffres de l’AP-HP « seuls 9% des médecins ne sont à ce jour pas du tout vaccinés, et 70 % ont reçu les deux doses ».

 

Soit beaucoup mieux que les personnels aides-soignants et infirmiers.  Est-ce dû à leur esprit matheux, scientifique,  ou à leur côté « premier de la classe » ? De toutes façons, les médecins ont toujours besoin de se démarquer par rapport à nous, les personnels aides-soignants et infirmiers.

 

 

Si Biard reconnaît que la «  raison » de la réticence de ces personnels soignants «  face à la vaccination anti-Covid n’est pas forcément inaudible (….) » il met cependant l’accent sur la priorité qui doit être accordée aux patients. Et, il conclut son article par ces deux phrases :

 

« On choisit de travailler à l’hôpital. On ne choisit pas d’y être soigné ».

 

La vaccination , un autre pass navigo

 

 

J’étais en désaccord avec les conclusions de Biard. Cependant, depuis l’intervention télévisée de Macron et celle de Véran et Borne, j’avais lu quelques articles supplémentaires sur le sujet de la vaccination. Dans des journaux de sensibilité assez différente :

 

Charlie Hebdo, donc, La Croix, mais aussi Le Canard Enchainé et L’Humanité. Si Charlie Hebdo et Le Canard Enchainé sont assez cousins, ils sont assez éloignés de La Croix et du journal L’Humanité. Sauf, peut-être, par le fait qu’ils sont, je crois, les quatre seuls journaux encore indépendants financièrement en France. Et ces quatre journaux font consensus en faveur de la vaccination anti-Covid. De même que le journal Les Echos.

J’ai aussi contacté une amie, connue durant mes études d’infirmier il y a plus de trente ans, qui, d’une part, perçoit la stratégie de Macron et de son gouvernement comme une stratégie dictatoriale derrière une effigie de démocratie mais qui, d’autre part, m’a répondu s’être faite vacciner contre le Covid, ainsi que son mari et leurs enfants ( 18 ans et plus). Afin de pouvoir voyager.

 

De mon côté, je vis près de Paris. Et je dépends économiquement de mon travail en plein Paris, soit dans une région de plus en plus quadrillée. Une région où il est désormais impératif d’avoir son pass navigo pour passer des portiques qui ont poussé partout ces dix dernières années et, où, aussi, les contrôles de titres de transport sont devenus réguliers. Nous sommes de plus en plus contrôlés pour tout. Contrôle technique pour la voiture. Niveau de pollution de la voiture. Nous nous devons d’avoir un téléphone portable. Mais aussi une connexion internet. Et d’avoir des mots de passe. Dans ce monde-là, pour vivre sans le « pass » qui ouvre les portes,  les comptes ou qui déverrouille le téléphone, la tablette numérique ou l’ordinateur, il faut soit être un génie de la fraude ou un Evariste Galois de l’informatique. Soit être étranger à ces normes. Ou être un exclu ou un « inadapté ». La personne « normale » ou névrosée, elle, préfèrera avoir son « pass » afin de s’éviter d’avoir à formuler tout un tas  de calculs en vue de se débarrasser de bien des contrôles et des portiques de son quotidien.

 

Je vois donc cette vaccination anti-Covid, pour le sujet citadin lambda que je suis, comme une épreuve de réalisme. Si je vivais en pleine campagne et dans une certaine autonomie  économique, j’opterais sans doute pour une prolongation de mon abstinence vaccinale.

 

Je tenais à ce passage dans mon article.

 

Par ailleurs, en repensant à l’article de Biard et à celui d’autres journalistes, je me suis aperçu que trois mots au moins manquent invariablement chaque fois qu’est mentionnée la « défiance » des soignants envers la vaccination anti-Covid. Chaque fois qu’il est suggéré que les soignants qui refusent la vaccination anti-Covid sont des irresponsables et des égoïstes.

 

L’épidémie des mots :

 

« Irresponsables », « égoïstes », « immatures », « idiots »,  «  capricieux » ce sont, pour, résumer les quatre ou cinq mots qui servent de piliers pour essayer de comprendre cette « défiance » ou cette « réticence » ou ce « refus » de certains soignants concernant la vaccination anti-Covid.

 

Et, le fait que trois autres mots, au moins, soient rarement rappelés atteste, selon moi, que le mal est vraiment profond et bien antérieur, une fois de plus à la pandémie du Covid. Et contre l’ « oubli » de ces mots, je me demande s’il y aura jamais un vaccin efficace. Car, ce n’est pas faute de connaître ces mots à propos des soignants :

 

 

Saturation. Epuisement. Surmoi.

 

On va commencer par le Surmoi des soignants. Je vais parler ici de celui des aides-soignants et des infirmiers. Tous les soignants ont un Surmoi. Mais concernant la vaccination anti-Covid, les « mauvais élèves » sont visiblement les personnels aides-soignants et infirmiers.

 

Le Surmoi des soignants :

Le « Surmoi » des soignants- ou leur sens du Devoir- est si prononcé qu’à mon avis, il s’accompagne régulièrement d’une certaine autodépréciation constante.

 

Ce qui est bien pratique.

 

Pour les gouvernements qui, depuis vingt à trente ans, doivent se sentir en toute sécurité lorsqu’ils entendent parler de manifestations de soignants qui espèrent des améliorations de leurs conditions de travail. Et, cela, aussi, pour «  le bien des patients ».

 

Ce « Surmoi » des soignants est aussi bien utile à bien des managers, responsables hiérarchiques ou directeurs d’hôpitaux afin de faire accepter certaines conditions de travail difficiles et durables. Mais, aussi, pour culpabiliser les soignants qui feraient « mieux » ou « bien » de penser avant tout «  au bien des patients » ou d’être « solidaires » de leurs autres collègues. Et, c’est comme ça depuis vingt ans, trente ans, plus, moins, selon les services, selon les établissements, selon les personnalités des uns et des autres, selon les circonstances.

 

Il n’y a rien de nouveau.

 

Et puis, arrive la pandémie du Covid.

 

Surmoi + Pandémie du Covid =

Parmi ces journalistes, dont Biard et Chapuis, j’en suis sûr, qui ont su décortiquer le mal-être des soignants depuis des années, il se trouve aujourd’hui des journalistes qui ont oublié ou qui oublient ce qu’endurent bien des soignants depuis des années. Et, cela, bien avant la pandémie du Covid. En termes de conditions de travail.

 

Or, lorsque la pandémie du Covid a été officialisée en France l’année dernière avec le premier confinement, ce qui a été exigé de ces soignants, c’est d’en faire encore plus que d’habitude. Et avec moins de moyens. Dont, moins de masques ou pas de masques. Moins de personnel à certains endroits. Et, pas de vaccin anti-Covid fiable à cent pour cent.

 

S’il est « admis » maintenant que la vaccination anti-covid est actuellement le meilleur moyen, même s’il est imparfait, pour peut-être se sortir de la pandémie du Covid, il est aussi « admis » que cette pandémie du Covid, en un an et demi, a aussi beaucoup éprouvé. Il y a les morts.  Et, il y a les vivants.

 

Dessin dans le « Charlie Hebdo » de ce 14 juillet 2021.

 

Beaucoup, parmi les vivants, ont été touchés économiquement. Et, autant ont été touchés physiquement et moralement. Parmi ces personnes éprouvées, on retrouve des soignants. Des soignants qui, depuis un an et demi, ont donné de leur personne encore plus que d’habitude, du fait de la pandémie, et qui constatent un an et demi plus tard que, malgré leurs efforts, la pandémie est toujours là. Mieux : aujourd’hui, on les voit comme des irresponsables lorsqu’ils se disent opposés à la vaccination anti-Covid. Car il est « admis » qu’il y a un manque de recul. Mais, aussi, qu’il peut y avoir des effets secondaires. Ou que, comme Biard le dit dans son article :

 

« Certes, il paraît que la vaccination n’empêche ni la contamination ni la contagion. Mais elle en diminue grandement le risque et les effets (….) ».

 

 

Face à ces réserves des personnels soignants, la réponse, ferme et, désormais, autoritaire et gouvernementale, donc, hospitalière, est toujours la même depuis vingt à trente ans :

 

« Pan-pan, cul-cul ! ».

 

Culpabilisation et infantilisation des soignants depuis des années mène aussi à cette saturation des soignants. Car, culpabiliser et infantiliser des soignants, c’est assez banal dans le milieu. Et, c’est ce que fait aussi Biard dans son article. Lorsqu’il conclut :

 

« On choisit de travailler à l’hôpital. On ne choisit pas d’y être soigné ». Sa phrase est pleine de bonne sens. Et, elle est inattaquable. On ne va pas reprocher à un patient d’avoir besoin de soins. Ou alors dans un sketch humoristique.

 

Sauf que Biard, comme d’autres, oublie un autre mot, finalement : les limites.

 

Les limites des soignants :

Avoir un surmoi, un sens du Devoir, une conscience professionnelle, ça incite bien des fois à se surpasser. A ne pas compter ses heures. A accepter de vivre- parfois jusqu’à la saturation et l’épuisement- des situations professionnelles et personnelles que le citoyen lambda sera bien content d’éviter. C’est ce qui s’est passé, encore plus que d’habitude, l’année dernière lorsque nous étions applaudis depuis des balcons. Avions-nous vraiment le choix d’aller mourir à l’hôpital en partant y travailler ? Ou avions-nous vraiment le choix de partir travailler à l’hôpital ?

Non.

 

Je ne crois pas que des soignants puissent s’offrir le luxe de « choisir ». C’est plutôt le contraire. Etre soignant, même si l’on « choisit » de le devenir, ou de l’être, cela devient assez vite un non-choix. Puisque très vite, le Surmoi, le sens du Devoir, du sacrifice, la conscience professionnelle, ou le fait d’être sollicité ou désigné, nous oblige en quelque sorte à être là.  Donc, parler de choix pour un soignant, c’est presque très vite une abstraction. Puisqu’être soignant, c’est faire abstraction de soi. Quel choix ?!

 

Constamment, régulièrement, les soignants doivent répondre ou ont à répondre à des injonctions diverses.

 

L’un des apprentissages les plus difficiles à faire pour le personnel soignant, lors de son exercice professionnel, lorsqu’il fait cet apprentissage, c’est celui de ses limites.

Un des dessins du Charlie Hebdo de ce 14 juillet 2021, page 2.

 

 

Si le personnel soignant s’en remettait uniquement à sa hiérarchie pour que celle-ci respecte ses limites ou les fasse respecter, il y aurait sans doute encore plus de personnel soignant en situation de burn-out ou en arrêt maladie. Tant le personnel soignant peut être incité, pour différentes raisons, à en faire plus. Donc, le choix, dans tout ça…..

 

 

Un profond malaise

 

 

Au lieu de percevoir les personnels soignants récalcitrants ou réticents à la vaccination anti-Covid, comme seulement des grands irresponsables, des grands égoïstes ou des grands idiots, il faudrait plutôt, je crois, se dire, que pour que des professionnels aussi dévoués s’arque-boutent de cette manière contre un vaccin, c’est qu’il existe un profond malaise. Envers ce vaccin. Dans la profession. Dans la société. Dans le monde. Et que c’est peut-être de là que vient toute cette résistance contre la vaccination anti-Covid.

 

Et si le malaise est aussi profond, ce passage en force du gouvernement pour la vaccination anti-Covid va déboucher sur des troubles  sociaux radicaux du type gilets jaune.

 

Franck Unimon, ce vendredi 16 juillet 2021.