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Arts de la rue, Paris 13 ème : Mardi 16 novembre 2021.

Paris, gare St Lazare, mardi 16 novembre 2021. Une femme écoute un chanteur lyrique ( au centre) au milieu des voyageurs alors que je me rends à la Porte Dorée.

             Arts de la rue, Paris 13 ème, Mardi 16 novembre 2021     

 

Je suis en retard sur mes morts : des articles Ă  Ă©crire, des films Ă  voir, des livres Ă  lire, des expĂ©riences Ă  vivre, des Maitres d’Arts martiaux Ă  connaĂ®tre, des mots Ă  nourrir. Mais lorsque l’amie C…m’a parlĂ© de cet endroit dans le 13ème arrondissement de Paris oĂą il y avait une exposition d’arts de rue ou Street Art Ă  laquelle elle voulait se rendre, j’ai rĂ©pondu « oui Â».

 

Cela fermait à 18h. Ce mardi 16 novembre 2021, nous nous sommes donnés rendez-vous au métro Porte Dorée à 16h30.

 

Nous sommes arrivés en retard chacun, notre tour. Moi, plus qu’elle. Elle arrivait du travail. J’arrivais de l’écriture.

Paris, Mardi 16 novembre 2021.

 

Ensuite, notre trajet aurait pu ĂŞtre plus court. Mais cela ne nous a pas contrariĂ© mĂŞme si la nuit commençait Ă  nous torcher. Nous avons prĂ©fĂ©rĂ© marcher par ce temps assez froid et humide Ă  cĂ´tĂ© de la ligne du tram et du bus. Des cyclistes pressĂ©s nous frĂ´laient rĂ©gulièrement malgrĂ© les pistes cyclables. C’était la première fois, moi qui suis un pratiquant du vĂ©lo « Taffe Â», que je connaissais une telle proximitĂ© imposĂ©e par des adeptes du vĂ©lo « musculaire Â».

 

Paris, Mardi 16 novembre 2021.

 

ArrivĂ©s sur les lieux, nos yeux ont dĂ» se faire Ă  la pĂ©nombre. A première vue, les meilleures conditions pour voir ces fresques avaient presque disparu. Sauf qu’approchĂ©es par  l’obscuritĂ© mais encore sensibles au regard,  ces fresques, ces dessins, ces tags et ces graffitis ont aboyĂ© des secrets. Nous n’avons pas pu tous les parcourir et les photographier. Nous avons prĂ©vu de revenir.  

 

 

Paris, Mardi 16 novembre 2021.

La première fresque sur laquelle nous sommes tombĂ©s avant d’arriver Ă  destination. Une oeuvre nous indiquant que nous nous rapprochions de l’endroit que nous recherchions. 

 

 

Après ĂŞtre passĂ©s sous un ou deux ponts, plus ou moins sombres, devant quelques tentes et leurs occupants, nous avons encore marchĂ© un peu.  Nous dĂ©passons un cafĂ© Ă©clairĂ© oĂą se trouvent des Ă©tudiants. Il n’y a pas beaucoup de monde lĂ  oĂą nous nous tenons. Cela fait drĂ´le pour un lieu d’arts rĂ©pertoriĂ©. Mais c’est très pratique pour le dĂ©couvrir et faire des photos. 

 

Au fond, à gauche, sur le mur, Angela Davis, vraisemblablement dans les années 70.

 

Un artiste est encore prĂ©sent. Lorsqu’il fera davantage nuit, celle qui est avec lui l’Ă©clairera. Nous ne sommes restĂ©s qu’une vingtaine, voire une trentaine de minutes. Car on nous a fait comprendre ( les gardiens des lieux apparemment, lesquels faisaient du « Rap » pendant que nous visitions) Ă  un moment donnĂ© que c’Ă©tait « fermé ». Qu’il nous restait Ă  voir d’autres fresques, plus grandes, que nous en aurions alors  pour « deux Ă  trois heures ». Mais un autre jour, entre 11h et 18h.  

En prime abord, la beautĂ© des fresques ne me saute pas aux yeux. Mais j’aperçois Angela Davis, telle qu’elle Ă©tait dans les annĂ©es 70. Un symbole militant pour les droits civiques des Noirs aux Etats-Unis. Celle qui avait Ă©tĂ© proche des Black Panthers. Qui croyait au communisme.  Qui avait connu une histoire d’Amour avec l’un des Frères de SoledadGeorges Jackson mort en prison. Celle qui avait Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©e l’ennemie publique numĂ©ro Un aux Etats-Unis et suspectĂ©e pour un meurtre qu’elle n’avait pas commis. Et qui avait dĂ» fuir avant de finir par ĂŞtre arrĂŞtĂ©e, toujours aux Etats-Unis. Une mobilisation internationale, y compris en France, avait contribuĂ© Ă  l’innocenter.

 Aujourd’hui, Angela Davis  est une lesbienne assumĂ©e dont le militantisme a perdurĂ©. Un documentaire lui a Ă©tĂ© consacrĂ© il y a quelques annĂ©es ( Free Angela Davis par Shola Lynch en 2012). Mais elle est beaucoup moins mĂ©diatisĂ©e que dans les annĂ©es 70. Cela m’Ă©tonne de tomber sur « elle », comme ça, en 2021. Certains symboles perdurent, oui. Mais je n’attendais pas celui d’Angela Davis qui m’avait particulièrement parlĂ©, adolescent, et dont j’Ă©tais allĂ© voir le documentaire ( rĂ©alisĂ© par Shola Lynch) qui lui avait Ă©tĂ© consacrĂ© . 

 

Cette image de Manu Dibango m’a beaucoup touchĂ©. Lui, qui est dĂ©cĂ©dĂ© il y a quelques mois du Covid. Avant Jacob Desvarieux ( Jacob Desvarieux).J’ai instantanĂ©ment entendu dans ma tĂŞte l’air de Soul Makossa devant cette fresque. Un air qui, lui, aussi, comme cette image d’Angela Davis, doit avoir maintenant un demi-siècle. Les dĂ©cès de Manu Dibango et de Jacob Desvarieux ne m’attristent pas grâce Ă  leur musique. A toute cette musique qu’ils ont créé et qu’ils ont laissĂ©. Qu’ils ont pu crĂ©er et pu laisser. Il est donnĂ© Ă   peu de personnes de pouvoir laisser ou de lĂ©guer un hĂ©ritage qui a davantage Ă  voir avec la vie. Et, pour moi, Manu Dibango fait partie de ces personnes mĂŞme si ce n’est pas l’artiste que j’Ă©coute le plus. Cette lumière qui arrive par dessus et qui laisse une partie de son « corps » dans l’ombre lui rend encore plus hommage. 

 

 

Sur le mur opposĂ© Ă  « Angela Davis » et  » Manu Dibango », il y a, entre autres, cette oeuvre, qui, Ă©clairĂ©e, telle quelle, avec ce regard, peut suggĂ©rer un autre ferment que celui de la douceur. 

 

 

La mĂŞme oeuvre lorsque je l’ai d’abord vue. A gauche, tout Ă  fait indĂ©pendamment, on peut reconnaĂ®tre la figure du musicien Frank Zappa. Un artiste aujourd’hui oubliĂ© mais qui a beaucoup fait pour la musique. 

 

Je triche avec la chronologie des dĂ©couvertes. Il est possible que j’aie « faite » celle-ci après certaines parmi celles qui vont suivre. 

 

L’acte de dessiner et de reproduire est un acte ancien chez l’ĂŞtre humain. Ces oeuvres, et toutes ces heures donnĂ©es et passĂ©es Ă  les constituer, par des personnes qui ont perpĂ©tuĂ© cet acte du dessin et de la reproduction jusque lĂ , dont certaines ont peut-ĂŞtre arrĂŞtĂ© de dessiner et de reproduire depuis, donnent aussi de l’espoir. Aux artistes et Ă  celles et ceux qui s’arrĂŞtent. Tandis qu’autour d’eux, partout et en permanence, la destruction et l’oubli surgissent. J’ai pensĂ© Ă  toutes ces personnes – et il y en a sĂ»rement beaucoup- qui passaient aux alentours, tous les jours, de cet endroit. Dans le tramway. Dans les bus. Dans les trains. Dans le mĂ©tro de la ligne 14. Dans les restaurants. Dans les magasins. Dans les universitĂ©s. MĂŞme dans les librairies et les cinĂ©mas.

Le dessin, c’est du sang. Celui de la vie qui s’Ă©tend et qui reste. On affirme le contraire lorsque l’on ne s’arrĂŞte pas- ou plus- pour regarder. 

 

              Ils vous attendent.

 

 

 

Il y avait le Magret de Canard. Il y a dĂ©sormais le Magritte de Covid. 

 

 

 

 

La nuit s’avance.

 

 

Je n’ai pas pensĂ© Ă  leur demander depuis quand ils Ă©taient lĂ . Nous avons fait de notre mieux pour ne pas les dĂ©ranger. Mais il en faut de l’envie pour continuer, comme ça, pour « rien », pour le plaisir. A moins d’ĂŞtre vraiment-encore- jeune, dĂ©sintĂ©ressĂ© et sĂ»rement aussi, un peu, dĂ©raisonnable. C’est peut-ĂŞtre aussi pour cela que ces fresques me parlent encore.  

 

En voyant la photo, C…m’a fait remarquer la forme de l’ombre. C’est vrai que l’on dirait qu’un animal aide l’artiste. Et qu’ils sont deux sur le mur. Avec l’Ă©claireuse qui permet de ne pas se perdre, ils sont maintenant trois. Avec l’oeuvre, ça fera quatre. En plein jour, cela ne se voit pas. 

 

 

 

 

 

 

En situation rĂ©elle, lorsque l’on capte un tel regard, il est dĂ©ja trop tard. Mais cette fois, le mur ne bougera pas.

 

 

On dit parfois qu’il faut savoir baisser ou fermer les yeux. On prĂ©fĂ©rait que celui-lĂ , Doc Fatalis, les lève. Mais, bien-sĂ»r, il ne le fera pas.

 

 

L’apprĂ©ciation de l’Art fait oublier que certains endroits, empruntĂ©s avec un autre Ă©tat d’esprit, pourraient passer pour dangereux ou malĂ©fiques. 

 

 

 

 

Oeuvre d’Isaac Bonan.

 

On nous a d’abord dit qu’il n’Ă©tait plus l’heure ! Que c’Ă©tait fermĂ© ! La voix nous est parvenue en provenance des rappeurs qui, jusque lĂ , nous avaient plutĂ´t ignorĂ©s. C… leur a demandĂ© ce qu’il y avait Ă  fermer…

 

 

Il nous a finalement Ă©tĂ© accordĂ© de regarder rapidement. Il Ă©tait 17h55. 

 

La physionomiste nous a laissĂ© entrer dans le noir. 

 

 

C… a Ă©clairĂ© pendant que je photographiais. 

 

 

Cet homme très dĂ©tendu m’a rĂ©pondu qu’il n’avait pas le temps pour une interview. 

 

 

DissimulĂ©s dans l’obscuritĂ© et parfaitement silencieux, ces assaillants auraient pu nous surprendre sans la lumière dĂ©ployĂ©e par C….

 

 

 

 

La Baby-sitter. J’ai du mal Ă  connaĂ®tre la raison pour laquelle, malgrĂ© les apparences, j’ai envie de croire que cette divinitĂ© ou cette crĂ©ature est plutĂ´t bienveillante et protectrice. C’est peut-ĂŞtre son regard qui m’inspire. 

 

 

 

J’avais entendu parler de l’isolement et de la grande prĂ©caritĂ© de beaucoup d’Ă©tudiants Ă  la suite de la pandĂ©mie du Covid. Mais j’ai dĂ©couvert, lĂ , l’existence de ce  » genre » d’Ă©picerie sociale et solidaire.

 

 

 

 

 

Nous avions terminĂ© notre « tour » pour cette fois. Finalement, nous Ă©tions un peu dans une grotte oĂą le temps s’Ă©tait arrĂŞtĂ©. Et, lĂ , nous retournions Ă  la « civilisation ».

 

C…m’a laissĂ© choisir. Après avoir hĂ©sitĂ©, nous avons optĂ© pour un repas Ă  emporter que nous avons mangĂ© dehors, assis prĂ©cisĂ©ment sur ces bancs que dĂ©passe la dame. Il n’y a pas d’ironie de ma part avec cette photo. Le cadre m’a plu et nous Ă©tions près d’une salle de cinĂ©ma. MĂŞme s’il s’agit d’un multiplexe. A l’intĂ©rieur, j’ai aussi appris que le festival de cinĂ©ma ChĂ©ries, chĂ©ris LGBTQ+ aurait lieu du 20 au 30 novembre. Cela fait des annĂ©es que je n’y suis pas allĂ©. Certains films seront projetĂ©s dans ce multiplexe. D’autres au MK2 Beaubourg et au MK2 Quai de Seine.  

 

Franck Unimon, jeudi 18 novembre 2021. 

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Au Palais de Justice

Extorsion en bande organisée : suspension de séance

Paris, photo prise le 16 novembre 2021.

                 Extorsion en bande organisĂ©e : Suspension de sĂ©ance

 

Dix minutes. C’est la durée de la suspension de séance décidée par le président.

 

Une musique d’ambiance pourrait ĂŞtre mise pour « relâcher Â» l’atmosphère. Mais nous sommes dans la cour d’assises d’un tribunal en plein Paris. Et non dans une discothèque. Un plaignant s’est exprimĂ© et a aussi Ă©tĂ© interrogĂ©. 87 500 euros ont Ă©tĂ© exigĂ©s de lui. Il a racontĂ© un « calvaire Â» qui a durĂ© six mois. Jusqu’à ce qu’il dĂ©cide de porter plainte. ( Lire Extorsion en bande organisĂ©e : Des hommes dans un garage et les avocats de la DĂ©fense ) 

 

Six accusés ont assisté à ces échanges. Trois dans le box, gardés par des gendarmes qui se sont relayés. Trois assis de profil devant la ligne des avocats de la défense.

 

Sitôt la durée de la suspension de séance prononcée, la salle Georges Vedel se vide.

Les personnes assises devant et derrière moi, mais aussi sur le cĂ´tĂ©, sortent. Il est un peu plus de 13h45. Lorsque je suis arrivĂ© vers 10h, l’audience avait dĂ©ja commencĂ©.  

 

J’ai faim. Mais dix minutes, c’est court. Je décide de rester. Je me sens très bien, assis. Si personne ne me demande de sortir, je reste assis. En sortant, l’avocat de la Défense aux cheveux gominés, le premier des avocats de la Défense à s’être adressé au plaignant, celui que j’avais ensuite vu passer son bras autour du cou de la femme à qui il avait parlé dans le creux de l’oreille, me sourit. Je dissèque ce sourire comme l’adresse du séducteur d’expérience plus que comme une marque de sympathique. C’est mon parti pris. Je sors une des compotes de mon sac et la bois.

 

Je n’attends rien de particulier. Cependant, dans la salle, pendant ces dix minutes où tout le monde est sorti, à quelques mètres devant moi, il se passe quelque chose.

Je me dis que j’ai bien fait de rester. Manger, aller aux toilettes, passer ou recevoir un coup de téléphone, fumer une cigarette, discuter, cela peut être nécessaire en dix minutes et important pour la suite. Mais, ici, aussi, ce que je vois maintenant est important.

Un des accusés dans le box, assez grand, peut-être le plus grand des trois, s’est retourné. Debout, il parle à un des gendarmes. On dirait une discussion. Du moins dirait-on que cet homme, parmi les accusés, parle à ce gendarme comme s’il était ailleurs que dans un tribunal. L’homme est assez volubile, détendu. Le gendarme qui l’écoute, aussi, bien qu’une certaine distance physique subsiste. Non loin de là, ses deux autres collègues gendarmes sont bien présents.

 

Je ne sais si le gendarme écoute le prévenu par intérêt. Ou s’il l’écoute par curiosité et par politesse. Le prévenu, lui, semble chercher à convaincre de sa bonne foi ce gendarme qui ne le juge pas.

 

La jeune avocate de la défense, celle que dans la vie courante j’aurais plutôt eu envie de protéger, revient avec à manger et deux petites bouteilles d’eau. Le genre de nourriture (sandwich avec du pain de mie ou autre) que l’on achète dans des distributeurs. Elle le tend aux prévenus dans le box.

Le prĂ©venu « parlant Â», remet aussitĂ´t au gendarme ce qu’il vient de recevoir afin que celui-ci l’inspecte. Un seul coup d’œil suffit au gendarme pour donner son accord.

 

Peu après, le mĂŞme prĂ©venu, parle Ă  l’avocate de la DĂ©fense qui a donnĂ© « chaud Â» au plaignant en l’acculant avec ses questions. Dès que la suspension de la sĂ©ance avait Ă©tĂ© prononcĂ©e par le juge, je l’avais vue sortir en souriant alors qu’elle discutait, en toute dĂ©contraction, avec un des avocats de la DĂ©fense. Peut-ĂŞtre celui des « colorations Â» ou celui qui avait Ă©voquĂ© un vice de procĂ©dure parce-que le plaignant lui avait donnĂ© l’impression de lire des notes.

 

Cette avocate «  qui donne chaud Â» est revenue avant plusieurs de ses collègues de la DĂ©fense mais aussi avant la fin des dix minutes.

 

Toujours le même prévenu, qui semble le meneur des trois, parle maintenant à cette avocate. Il pose sa main sur sa manche de l’avocate. La vitre du box des accusés mais aussi trente bons centimètres de hauteur les séparent tant il est plutôt grand. Et, elle, plutôt petite. Cependant, à nouveau, elle est souriante et très détendue. Même sans cette vitre entre eux, on comprend que seule, avec lui, elle n’aurait pas peur. Une relation de grande confiance, voire de complicité, est visible entre les deux.

 

Je n’ai pas du tout perçu ça entre le plaignant et son avocat. Il est vrai que je n’ai pas entendu l’avocat du plaignant beaucoup s’exprimer. Mais un autre avocat, apparemment du plaignant, présent, lui, dans la salle, ne m’a pas fait une impression aussi mémorable lorsqu’il a pris la parole.

 

En constatant ce contraste, le prĂ©venu apparaĂ®t ĂŞtre un gentil garçon ; ou l’avocate, une personne très rouĂ©e pour pouvoir ĂŞtre aussi Ă  l’aise avec un homme ( l’accusĂ©) qui, lorsqu’il est libre, est sĂ»rement beaucoup moins affable lors de certaines circonstances.

Je me fais des idées. Car je m’imagine que réclamer de l’argent, faire pression sur quelqu’un, lorsque l’on est ni banquier, ni percepteur des impôts, cela se fait autrement qu’au moyen d’un courrier que l’on envoie. Le destinataire de cette réclamation ou le débiteur désigné est, je crois, susceptible d’accuser corporellement réception de quelques coups. Ou d’apprendre concrètement à les envisager dans un avenir toujours trop immédiat.

 

Toute cette trame est absente de ce que je vois. Sans cette cour d’assises et ces gendarmes, je pourrais penser qu’il y a juste quelques personnes qui restent là à discuter comme partout ailleurs. On pourrait remplacer cet endroit par la terrasse d’un café ou d’un restaurant. Et ces gens que je regarde seraient alors des gens comme il y en a tant. Ordinairement. Quotidiennement.

Paris, gare St Lazare, mercredi 16 novembre 2021.

 

Franck Unimon, mercredi 17 novembre 2021.

 

 

 

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Au Palais de Justice

Extorsion en bande organisée : Des hommes dans un garage et les avocats de la Défense

Photo prise le lundi 8 novembre 2021, au Palais de justice de la CitĂ©. Paris. C’est dans une autre salle que s’est dĂ©roulĂ©e l’audience Ă  laquelle je fais rĂ©fĂ©rence.

Extorsion en bande organisĂ©e : Des hommes dans un garage et les avocats la DĂ©fense

( On peut lire avant cet article Extorsion : Trouver la salle d’audience )

Une dette Ă  payer

 

 

Ce lundi matin, l’audience a dĂ©jĂ  commencĂ©. Six accusĂ©s sont prĂ©sents. Trois sont dans le box. Derrière eux, autant de gendarmes. Devant eux, la ligne des avocats de la dĂ©fense. Cinq ou six avocats de la dĂ©fense sont assis Ă  une table. Deux ou trois ordinateurs portables sont en marche devant eux. A cĂ´tĂ© de chaque avocat, sa pile de dossiers et de documents. Trois femmes. Autant d’hommes ou presque. Devant les avocats de la dĂ©fense : trois autres accusĂ©s assis de profil, les uns derrière les autres. Ces prĂ©venus ont entre 30 et 40 ans de moyenne d’âge. Le plaignant est Ă©galement dans cette moyenne d’âge.

 

On le regarde et l’entend – le plaignant- en hauteur sur deux Ă©crans. Celui-ci est assis devant une table. A ses cĂ´tĂ©s, son avocat en robe noire.

 

Le plaignant répond aux questions du juge. Et raconte. Un jour, des hommes sont venus dans le garage auto qu’il dirige alors. Ils lui ont appris qu’il devait 87 500 euros à une de ses connaissances, K ( la lettre du prénom a été changée pour des raisons d’anonymat).

 

L’un des avocats de la dĂ©fense intervient et Ă©voque un vice de procĂ©dure : il fait remarquer que le plaignant semble lire des notes sur la feuille posĂ©e devant lui ! Le plaignant dĂ©ment. Son avocat prend la feuille et vient la rapprocher de la camĂ©ra. A part la date du jour, il n’ y a rien d’écrit sur la feuille. Le juge fait savoir que rien n’interdit au plaignant d’avoir des notes.

 

A la suite de ce « racket Â», le plaignant est amenĂ© Ă  se rendre dans diverses villes de la rĂ©gion parisienne ( oĂą le plaignant rĂ©side) Ă  la demande de ceux qui le pressent de payer. Celui-ci explique qu’il a aussi dĂ» effectuer des rĂ©parations Ă  « l’œil Â».

 

La première visite de ses agresseurs remonterait Ă  dĂ©cembre 20…. Le juge parle de « l’épisode relativement violent oĂą vous ĂŞtes frappĂ© Â». Le plaignant acquiesce. Après avoir donnĂ© une certaine somme d’argent, il s’est mis d’accord avec ceux qui lui forcent la main de rembourser 5000 euros par mois. « Des ponctions Â». Ainsi que pour accepter de faire des rĂ©parations gratuites pour eux, leurs amis. Il raconte qu’il a aussi Ă©tĂ© sollicitĂ© pour ouvrir une ligne de crĂ©dit. Afin que ceux qui le molestaient puissent avoir accès Ă  ses fournisseurs gratuitement et, ce, aux frais de son garage.

 

Le plaignant raconte qu’il est allé chercher ses économies en espèces chez ses parents pour un montant de 9000 euros. Qu’il a obtenu qu’un de ses amis lui prête 3000 euros alors que celui-ci avait besoin de cette somme pour partir à l’étranger. Des collègues ont pu lui prêter 35 000 euros. Et il a réussi par ailleurs à récupérer 20 000 euros.

Il lui a Ă©tĂ© dit «  Si on vient, c’est pour K…. Â». Le juge constate :

 

« Vous avez lâchĂ© K très tard. Avec beaucoup de difficultĂ©s… Â».

Porter plainte

 

Le juge : « On s’interroge tous. Pourquoi vous avez attendu pour dĂ©poser plainte ? Â»

Le plaignant : « J’ai tenu jusqu’au moins de juin. Ça a sĂ»rement Ă©tĂ© une grosse erreur Â».

 

« Comment expliquez-vous que cette menace ne se soit jamais matĂ©rialisĂ©e ? Â».

Nous apprenons que le plaignant est surnommĂ© Madoff. Celui-ci raconte avoir Ă©tĂ© obligĂ© de se rendre dans un bar Ă  chicha. D’avoir reçu un coup de tuyau Ă  Chicha derrière la tĂŞte. De s’être fait frapper par plusieurs personnes. De s’être retrouvĂ© au sol, repliĂ© en boule. «  Ne serre pas la main Ă  ce fils de pute, il n’y a pas d’argent ! Â». Un homme l’a sommĂ© de trouver une solution dans les dix minutes, autrement, une pince Ă  chicha dans la main :

 

« Je te crève les yeux avec ! Â».

 

Le plaignant raconte que lorsque l’un de ses agresseurs l’appelait chez ses parents, il Ă©tait obligĂ© de rĂ©pondre dès la première sonnerie. «  Comment va ton père ? Â». Ensuite, son interlocuteur lui demandait de l’argent. «  J’comprends pas Â» commente le plaignant.

Il y a eu un incendie dans son garage. Il aurait Ă©tĂ© suspectĂ©. Il rĂ©pond :

« Suspect ? Non. Je suis tĂ©moin assistĂ© Â». Le plaignant explique qu’il y a eu un non-lieu. Un appel. « Je suis toujours tĂ©moin assistĂ© Â».

 

« Comment ces individus ont pu vous convaincre de les payer ? Â».

 

« C’est pas des enfants de chĹ“ur. Ça se voit directement. N’importe qui aurait rĂ©agi comme moi Â».

 

« Est-ce que vous avez vu un psychiatre ensuite ? Â».

 

Oui, il a vu une psychologue.

 

L’Avocat général

L’avocat gĂ©nĂ©ral prend la parole :

 

« D’abord, je voudrais dire que je vous trouve plutĂ´t courageux. Je le dis comme je le pense. Vous avez maintenu ce que vous avez dit. C’est important pour moi Â».

 

L’avocat gĂ©nĂ©ral prĂ©cise que lorsque l’on entend parler de la première fois oĂą ces hommes sont venus dans son garage, que l’on a l’impression que cela a durĂ© peu de temps :

 

« Est-ce que vous pouvez nous dire combien de temps ça a durĂ© ? Â».

 

« Ă§a a durĂ© longtemps. Deux Ă  trois heures Â». Le plaignant dit que le bornage des tĂ©lĂ©phones permet de le savoir.

 

L’avocat gĂ©nĂ©ral : « Qu’est-ce qui se passe pendant ces deux heures trente de temps ? Â».

 

Le plaignant : « DĂ©jĂ , on voit sa vie dĂ©filer. Après, j’ai appelĂ© tout mon rĂ©pertoire pour ramasser de l’argent…ça prend du temps. Il fallait que je laisse le haut parleur quand j’appelais….des gens que je n’avais pas eus au tĂ©lĂ©phone depuis un p’tit moment. Donc, il fallait d’abord prendre des nouvelles…. Â».

 

L’avocat gĂ©nĂ©ral : « Comment on arrive Ă  se souvenir ? Qu’est-ce qui est marquant ? Est-ce que vous pouvez le dire Ă  la cour d’assises ? Â».

 

Le plaignant : «  Monsieur, tout est marquant. Pendant six mois, c’est un calvaire. C’est un traumatisme. Plus j’en reparle et plus il y a des choses qui reviennent Â».

 

L’avocat gĂ©nĂ©ral : « Ma question est un peu provocatrice. Quel serait votre intĂ©rĂŞt d’avoir inventĂ© tous ces dĂ©tails ? De donner de tels dĂ©tails ? Sauf si vous avez une dĂ©ficience ou une maladie nosographiquement rĂ©pertoriĂ©e par la psychiatrie Â».

 

Le plaignant : «  Oui, je suis encore traumatisĂ©. Sinon, je serais avec vous en salle. J’ai mĂŞme peur de sortir. J’ai peur d’être suivi. Je suis redevenu salariĂ©. Je veux plus les voir. MĂŞme voir leur visage, j’ai pas envie. Ils m’ont bousillĂ© ma vie. Je veux ĂŞtre tranquille Â».

 

Un des jurés (vraisemblablement) se lève et l’interroge.

 

Le plaignant : « Je n’ai pas fait Sciences Po mais on voit que c’est des professionnels. Ce n’est pas leur premier coup (….).

 

L’avocat gĂ©nĂ©ral ? : « Je suis dĂ©solĂ©, j’ai fait Sciences Po…mais j’ai eu du mal Ă  calculer le prĂ©judice…. Â». « S’il n’y a pas de dettes, pourquoi ils viennent vers vous ? Vous avez expliquĂ© qu’ils Ă©taient bien renseignĂ©s sur vous. En juin 20… ( six mois après le dĂ©but des faits), vous avez dĂ©posĂ© plainte. Comment se fait-il qu’ils arrivent avec cette somme de 87 500 euros ? Â».

 

Le plaignant : « Mr B…savait mĂŞme que le garage n’était pas encore Ă  mon nom. Donc, ce sont des gens très professionnels. Très bien renseignĂ©s Â».

 

Du flouze et des flous

 

S’ensuivent des interrogations sur l’identitĂ© de Mr K qui se serait plaint que le plaignant ait une dette envers lui. Ce que le plaignant dĂ©ment. Selon lui, il aurait remboursĂ© Mr K de la somme qu’il lui devait (20 000 euros). Et il ne voit pas la raison pour laquelle Mr K serait mĂŞlĂ© Ă  cette histoire. Le plaignant affirme aussi ne pas connaĂ®tre le nom et l’identitĂ© de ce Mr K qu’il a pourtant rencontrĂ© Ă  plusieurs reprises. Le plaignant peut dire de Mr K, qu’il l’a toujours vu « sale Â». Pour le prĂ©senter comme quelqu’un de très travailleur.

 

L’avocat gĂ©nĂ©ral prend la parole pour affirmer :

« S’il y a quelqu’un qui doit donner l’identitĂ© de Mr K, c’est les accusĂ©s et pas vous ! Â».

 

Le plaignant souligne qu’il y avait un litige entre les deux recouvreurs de dettes qui faisaient pression sur lui. Comme s’il y avait une compĂ©tition entre eux. A qui obtiendrait le premier les remboursements qu’ils lui rĂ©clamaient. « Ils parlaient de dossiers Â». Le plaignant en dĂ©duit que ces deux hommes exerçaient du racket sur d’autres personnes.

 

Mes impressions :

Je suis en totale empathie avec le plaignant. Je suis aussi agrĂ©ablement surpris : pour une fois que le procureur est sympa. Je n’ai pas aimĂ© l’intervention de l’avocat de la dĂ©fense au dĂ©but avec cette histoire de feuilles et de notes. J’ai vu ça comme une tentative de dĂ©stabilisation du plaignant.

 

Mais je retrouve dĂ©ja ce fossĂ© entre, d’une part, les principaux acteurs de la cour qui s’expriment bien, qui ont fait de hautes Ă©tudes et qui appartiennent Ă  une classe sociale Ă©levĂ©e. Et le plaignant qui, malgrĂ© ses efforts et son entreprise ( il a l’air d’être bon en mĂ©canique) est un homme d’un milieu social « limitĂ© Â».

 

C’est ensuite au tour des avocats de la défense.

Les avocats de la Défense

Après quelques regards et quelques échanges, les avocats de la défense se décident rapidement entre eux afin de savoir lequel d’entre eux va prendre la parole le premier.

C’est finalement un avocat aux cheveux noirs gominés, qui porte des lunettes, d’une quarantaine d’années qui, pour commencer, s’adresse au plaignant, en s’avançant jusqu’à l’un des micros.

 

Le premier avocat de la dĂ©fense rĂ©capitule :

 

« Le 1er dĂ©cembre 20…, une incursion a lieu dans votre garage. Des gens vous disent qu’ils sont bien renseignĂ©s sur vous. Que vous disent-ils exactement ? Â».

 

Le plaignant :

 

« Ils me disent que mon frère va ouvrir un restaurant Ă  A…ce que j’ignorais. Ils connaissent l’adresse de mes parents. Ils savent aussi que je suis propriĂ©taire ( Ă  l’étranger) Â».

 

L’avocat de la dĂ©fense :

 

« C’est quoi, aujourd’hui, les raisons de vos craintes ? Il y a 15 gendarmes ! Â».

 

Le plaignant : « Ce sont des gens très professionnels. J’ai dĂ» changer d’adresse Â».

 

L’avocat de la dĂ©fense :

« Depuis votre plainte, il n’y a jamais eu de problèmes ? Â».

Le plaignant : «  Non Â».

 

L’avocat de la DĂ©fense : « C’est finalement vous qui pensez….c’est votre ressenti Â».

 

Mes impressions

Avec ses cheveux gominés, et sa façon de gommer les aspects de la violence de la situation, je vois cet avocat de la défense comme un roublard. En le voyant ensuite assis devant moi, son bras passé autour du cou de la femme à qui il parlera dans l’oreille avec aisance, il me fera d’autant plus l’effet de celui qui parade. Plus tard, lors de la suspension de séance, en quittant la salle, il m’adressera en passant un sourire que je prendrai davantage comme une attache de séduction que pour un réel geste de bienveillance et de sympathie.

 

La seconde avocate de la dĂ©fense :

La cinquantaine, les cheveux quelque peu Ă©bouriffĂ©s, elle se lève et s’approche du micro. Après le « Bonjour Monsieur Â» d’usage comme son confrère prĂ©cĂ©dent, elle commence.

 

« Vous nous avez dit que vous ĂŞtes un honnĂŞte travailleur….depuis 2013, pouvez-vous nous dire votre CV ? Â»

«  A combien estimez-vous votre revenu dĂ©clarĂ© en 2016 ? Â».

« Est-ce que vous avez un joli vĂ©hicule ? Une belle montre ? Â».

 

Le plaignant répond que sur les réseaux sociaux, il a pu se montrer en photo près de sa belle voiture.

 

L’avocate de la dĂ©fense pointe que sa sociĂ©tĂ© n’était pas Ă  son nom. « C’est un ami Â» explique le plaignant.

 

L’avocate de la défense demande s’il a un compte bancaire. Oui.

« Ce n’est pas ce que vous avez dĂ©clarĂ©, mais ce n’est pas grave Â». Le plaignant conteste. Pendant trois Ă  quatre bonnes minutes, l’avocate de la dĂ©fense cherche dans son dossier la dĂ©claration Ă  laquelle elle fait rĂ©fĂ©rence. Puis, elle annonce la cote du document Ă  la cour.

 

« Le diable se cache dans les dĂ©tails Â» poursuit l’avocate de la dĂ©fense. Celle-ci dit devant la cour que cet ami dont le nom se retrouve sur sa sociĂ©tĂ© «  est connu pour avoir renversĂ© une personne âgĂ©e Â».

 

« Pour quelqu’un qui menait grande vie, vous n’aviez pas de compte bancaire. Donc, vous aviez menti au juge d’instruction Â» avance l’avocate de la dĂ©fense.

 

Le plaignant rĂ©pond avoir achetĂ© une Bentley 32 800 euros. Mais elle Ă©tait «  en très mauvais Ă©tat Â». Il ajoute : « Je suis toujours en procĂ©dure Â». Le vĂ©hicule , qui a Ă©tĂ© revendu, a Ă©tĂ© immobilisĂ©.

 

Le policier qui Ă©tait son conseil, Mr M, « a Ă©tĂ© condamnĂ© Â» informe l’avocate de la dĂ©fense. Celle-ci continue. D’après ses recherches, il est dĂ©crit comme

« Un très mauvais gestionnaire Â» ; «  Un puits sans fond Â» ; « avec une montre de merde Â». Elle demande au plaignant :

 

« Comment vous vous dĂ©finiriez ? Â».

 

Le plaignant : « Comme un très bon gestionnaire Â».

L’avocate de la dĂ©fense : « Ce n’est pas ce qui ressort de votre dossier, je vous le dis ! Â». «  Vous ne le savez peut-ĂŞtre pas ! Â».

 

L’avocate de la dĂ©fense : « Ces gens s’en prennent rarement Ă  des personnes qui n’ont pas d’argent. En gĂ©nĂ©ral, ils s’en prennent Ă  des patrons de boites de nuit. Alors que vous, vous n’avez rien ! Â».

 

Le plaignant : «  Vous avez l’air très bien renseignĂ©e, peu importe Â».

 

Mes impressions :

Je suis partagĂ©. Avec son style Ă©bouriffĂ© et apparemment bordĂ©lique, cette avocate de la dĂ©fense a d’abord l’air Ă  cĂ´tĂ© de ses pensĂ©es. Alors qu’elle s’entortille autour de son dossier tel du lierre, se resserre, puis  se montre particulièrement opiniâtre. D’un cĂ´tĂ©, son style « fripĂ© Â» un peu Ă  la Columbo  me plait. D’un autre cĂ´tĂ©, comme je suis encore en empathie avec le plaignant, je vois dans son attitude un certain manque de respect mais aussi beaucoup d’agressivitĂ© dĂ©placĂ©e envers celui que je continue de voir comme innocent. Et plus Ă  protĂ©ger qu’à attaquer.

 

C’est ensuite au tour d’un troisième avocat de la défense.

 

Le troisième avocat de la dĂ©fense :

Cheveux très courts. Il a à peine la quarantaine mais, néanmoins, un aplomb certain.

 

A nouveau, cela commence par un bonjour d’usage poli puis :

 

«  J’ai peu de questions. Avant, je faisais un peu de Droit des affaires….ces 20 000 euros ( que le plaignant affirme avoir rendu devant tĂ©moins Ă  Mr K), vous les avez dĂ©clarĂ©s au fisc ? Â».

 

Le plaignant reconnaît que non.

L’avocat de la DĂ©fense : « A partir de 750 euros, vous ĂŞtes obligĂ© de les dĂ©clarer Â».

Le plaignant :

«  Je ne savais pas Â».

 

L’avocat de la DĂ©fense : « Pourquoi vous ne les avez pas empruntĂ©s Ă  la banque ? Â».

Le plaignant explique qu’il avait dépassé les 33% de son taux d’endettement en créant et en ouvrant son garage.

L’avocat de la dĂ©fense :

« Celui qui prĂ©tend qu’il a payĂ© doit prouver qu’il a payĂ©. Il y a un Ă©crit ? On trouve des formulaires sur internet. C’est très bien fait sur google. Vous savez ce que c’est, une facture ? Â».

 

Le plaignant répond et affirme avoir remboursé sa dette.

 

L’avocat de la dĂ©fense : « Non. Ce n’est pas vrai. On n’a pas lu le mĂŞme dossier Â». « Tout va bien depuis que tout le monde est en prison ? Â». « Je n’ai pas envie de vous embĂŞter avec ça….(….) vous sortez un peu dans Paris ? (….) vous longez les murs….(….) Si je vous donne le Libertalia, vous connaissez ? Â».

 

Le plaignant connaĂ®t cet endroit. Il y est dĂ©jĂ  allĂ©. L’avocat de la dĂ©fense lui demande quand il y est allĂ© pour la dernière fois. Le plaignant peine Ă  se souvenir. 3 ans ? 5 ans ?

 

L’avocat de la Défense annonce qu’il a une preuve attestant qu’il s’y est rendu….

 

Le juge intervient alors Ă  l’encontre de l’avocat de la dĂ©fense :

 

« Vous n’êtes pas aux Etats-Unis ! Si vous abordez le sujet, vous devez verser la pièce au dossier ! C’est tout Ă  fait dĂ©loyal ! Â»

 

 

Mes impressions :

Je suis heurté par le manque d’empathie de l’avocat de la défense pour le plaignant. Tout est bon pour le bousculer. Y compris le fait de faire passer le plaignant pour un abruti.

 

4ème avocate de la Defense, 2ème conseil d’un des accusĂ©s :

 

Si mes souvenirs sont bons, il s’agit d’une jeune femme, d’à peine trente ans, dont l’allure, dans la vie réelle, la ferait passer pour une personne douce faisant partie des espèces que l’on aurait plutôt envie de protéger ou d’escorter.

 

Après un bonjour poli d’usage, elle prĂ©vient :

Elle est en total dĂ©saccord avec ses dĂ©clarations…. » comme vous allez très vite  vous en rendre compte « .

« Vous avez une propension Ă  aller au commissariat… Â». (….) « Dommage que vous ne l’ayez pas dit au juge d’instruction Â» (….) « Est-ce que c’est normal, pour une victime traumatisĂ©e, d’être entendue 11 fois par la SDPJ  ( Sous-direction de la Police Judiciaire )? Â».

Le plaignant : «  Je n’en sais rien Â».

L’avocate de la dĂ©fense : «  Alors, je vais vous l’apprendre, Monsieur…. Â».

 

L’avocate s’appuie un moment sur le bornage de la téléphonie mobile pour affirmer que, contrairement à ses dires, un des accusés était absent lors d’une des transactions de racket.

 

Le juge intervient de nouveau :

« Non, Maitre ! Vous ne pouvez pas dire ça ! La tĂ©lĂ©phonie n’est pas une preuve incontestable de l’absence de quelqu’un Â».

L’avocate de la DĂ©fense reprend :

« C’est assez impressionnant, le nombre de vos versions, Monsieur. Mais vous allez nous l’expliquer Â». (….) « Vous venez vous adapter, si vous me le permettez, aux questions que l’on vous posait…moi, je ne comprends plus…. Â» (….) « Il n’y a pas de bonne rĂ©ponse,monsieur ! Â». (….)

Mes impressions :

Cette impression que les avocats de la dĂ©fense, par tous les moyens qu’a leur inspiration, tentent d’imposer au plaignant la reconstitution du puzzle qu’ils se sont faites mais, aussi, qui les arrange. Je prise peu, cette mauvaise foi et aussi ces coups de griffe qu’ils adressent  au passage, l’air de rien, au plaignant, et qui imposent un certain mĂ©pris Ă  celui ou celle qui n’est pas de leur « race Â». Leur « race Â» Ă©tant leur bord et celles et ceux qui dĂ©fendent. On peut bien-sĂ»r voir leurs remarques et leurs astuces comme une mise en scène. Mais ce n’est pas eux qui jouent leur vie ou leur moral ou leur rĂ©putation. J’ai l’impression qu’ils disposent d’un certain droit de tuer peut-ĂŞtre aussi meurtrier ou plus meurtrier que celles et ceux qui commettent des meurtres de chair et de sang. Sauf que leur droit de tuer est rĂ©compensĂ© et saluĂ© par la sociĂ©tĂ©.

Je n’aime pas non plus le fait qu’ils jouent sur le temps et l’usure dont ils semblent disposer Ă  leur grĂ© pour faire plier ou supplicier celle ou celui qu’ils ciblent. Plusieurs fois, un avocat ou une avocate de la dĂ©fense a lancĂ© «  j’ai encore une avant dernière question. Non, finalement, trois… Â». Il y a une sorte de sadisme de leur part, je trouve, dans leur façon d’interroger. Une certaine manière de sĂ©questrer psychologiquement celle ou celui qu’ils confrontent en vue de le possĂ©der. On dit que le but d’un jugement est de se rapprocher de la vĂ©ritĂ©. Mais je me demande si tout cela est un prĂ©texte. L’autre but est peut-ĂŞtre aussi de tenter de disposer de la destinĂ©e d’autrui et de la faire se dĂ©placer  vers un trajet autre que celui de sa propre volontĂ©.

 

L’avocate-lierre ( pour la dĂ©fense) aux cheveux Ă©bouriffĂ©s reprend la main :

 

« J’ai cru ne pas comprendre….vous m’avez dit quoi ? pour votre activitĂ© plus ou moins occulte…. Â».

 

Le juge intervient de nouveau :

« Vous avez mal entendu, Maitre Â».

L’avocate-lierre (pour la dĂ©fense) :

« Je ne peux pas prendre de notes quand je suis Ă  la barre, Monsieur le PrĂ©sident Â».

 

La cinquième avocate de la DĂ©fense :

 

C’est une femme brune d’une trentaine d’années, plutôt ronde. Jusque là, elle s’est peu fait remarquer. Elle doit à peine mesurer 1m65. Spontanément, si je l’avais croisée dehors, je lui trouverais une certaine douceur. Peut-être le cliché dû aux rondeurs. Car de tous, ce sera celle qui cognera, le plus fort et le plus longtemps, le plaignant dans les angles.

 

Elle commence par un « Bonjour Â» comme d’habitude. Puis :

 

« Est-ce que vous suivez l’actualitĂ© ? Â». L’avocate de la DĂ©fense enchaĂ®ne ensuite sur un article rĂ©cent du journal Le Parisien sur le logiciel Orion que la gendarmerie envisage d’utiliser pour dĂ©tecter les mensonges en recoupant les propos employĂ©s dans les dĂ©clarations.

«  Si on avait passĂ© vos auditions au logiciel Orion, on ne s’en sortirait pas Â». (…..) . Avec un grand sourire, l’avocate parle de «  suivre le menteur jusqu’à sa porte Â».

« Comment vous expliquez la somme de 87 500 euros ? Â».

Le plaignant : «  Je vais rĂ©pondre pour la troisième fois Â».

L’avocate de la DĂ©fense : « MĂŞme une quatrième fois, s’il le faut ! Â». (….) « C’est quand vous avez Ă©tĂ© acculĂ© que vous avez daign酠» ( ….) « Vous avez rĂ©pondu plus ou moins jusque là…. Â» (….) « Comme vous dites, tout et son contraire, on ne sait plus ! Â». (….) «  Je sais, vous avez chaud ! Â».

 

Le plaignant : «  Je n’ai pas du tout chaud, Madame. Vous me donnez chaud ! Â».

Grand sourire- presque sympathique- de l’avocate de la DĂ©fense :

« Je vous ai un petit peu bousculĂ© Â» ( ….) « On a prouvĂ© que vous avez menti…. Â» (…) « Je suis dĂ©solĂ©e Â» (…..) « Chaque fois que l’on vous demande de prouver quelque chose, il n’y a pas de traces… Â» (….) « Je ne suis pas dans votre vie ! Â».

 

Il est expliquĂ© (par le plaignant ?) qu’il avait eu le projet de vendre un vĂ©hicule 83 000 euros. Ce vĂ©hicule a Ă©tĂ© rĂ©quisitionnĂ© par le policier qui aurait Ă©tĂ© en cheville avec les personnes qui l’ont rackettĂ©.

 

AgacĂ© d’être «  un petit peu bousculĂ© Â», le plaignant lâche Ă  l’avocate de la DĂ©fense :

« Lisez le Parisien, vous avez raison, Madame ! Â».

 

L’avocate de la DĂ©fense :

« J’ai une question sur X…vous dites quoi sur X ? Il a quoi Ă  faire dans notre affaire ?! Â» (….) « Ă§a s’apparente Ă  des menaces. Vous faites la diffĂ©rence entre violences et menaces ? Â». (….) « Je veux juste comprendre votre psychologie, c’est ça qui m’intĂ©resse ! Â» (…..) « Vous ĂŞtes quelqu’un d’intelligent, c’est pas possible de me dire ça ! Â»

 

Lorsque cette avocate de la DĂ©fense a dĂ©butĂ©, il Ă©tait 12h55. Son intervention devait ĂŞtre assez courte. D’autant que le plaignant avait rĂ©pondu au juge qu’il devrait partir Ă  13h. Etant donnĂ© qu’on lui avait dit de prendre «  sa demi-journĂ©e Â». Il travaille Ă  14h et, pour ĂŞtre l’heure, il lui fallait impĂ©rativement partir Ă   13h. Or, il est 13h30 lorsque cette confrontation se termine. A plusieurs reprises, cernĂ©, dĂ©pitĂ©, dĂ©boutĂ©, le plaignant a soit tardĂ© Ă  rĂ©pondre, soit lâchĂ© : «  Si vous le dites ! Â». Un moment, se tournant vers son avocat, il a voulu refuser de rĂ©pondre tant il se sentait agressĂ© par l’avocate de la DĂ©fense. Son avocat l’a alors enjoint Ă  rĂ©pondre. Le plaignant s’est alors pliĂ© Ă  l’exercice devant une avocate de la DĂ©fense le pressant crescendo. «  C’est trop facile de ne pas rĂ©pondre ! Â».

 

Plus tĂ´t, concernant les coups ( avant ceux « portĂ©s Â» par l’avocate de la DĂ©fense) que le plaignant dit avoir reçus dans le bar Ă  chicha, l’ami chez qui il s’est refugiĂ© quelques jours ensuite en Belgique a affirmĂ© aux enquĂŞteurs ne pas avoir remarquĂ© de traces de coups sur lui. Le plaignant maintient sa version. Les coups ont Ă©tĂ© portĂ©s sur son thorax (« Je ne me dĂ©shabille pas devant mon ami Â») et derrière la tĂŞte. Ce qui, selon lui, ne se voit pas forcĂ©ment. Et, il n’est pas allĂ© voir un mĂ©decin car, autrement, avec le certificat mĂ©dical, il serait parti « porter plainte Â». « Bonne rĂ©ponse Â» avait alors dit l’avocate de la DĂ©fense. Mais cela, c’était dans les dĂ©buts de leur « Ă©change Â». A la fin de celui-ci, le plaignant  finit par lâcher :

«  HĂ© bien, le jour oĂą vous aurez vĂ©cu ce que j’ai vĂ©cu, vous comprendrez…. Â».

 

Mes impressions :

 

Encore une fois, l’agressivitĂ© frontale et les insinuations- en termes de jugement mais aussi de domination- de l’avocate de la DĂ©fense m’ont dĂ©rangĂ©. Cependant, dans les propos, cette avocate de la DĂ©fense, peut-ĂŞtre plus que les autres, fait corps Ă  corps avec le plaignant. Des expressions comme  « Je ne suis pas dans votre vie ! Â» ou «  je veux juste comprendre votre psychologie, c’est ça qui m’intĂ©resse ! » laissent penser que nous sommes plus dans une relation intime et passionnelle que dans une salle d’audience. Une relation intimepassionnelle et publique qu’elle impose au plaignant et qui ne peut que, en tant qu’homme hĂ©tĂ©rosexuel et mariĂ©,  l’embarrasser et lui faire perdre une partie de ses moyens comme de ses dĂ©fenses. Par moments, que ce soit avec cette avocate de la DĂ©fense et/ou une autre, je perçois dans certains propos des allusions Ă  la supposĂ©e impuissance virile du plaignant. Ce n’est jamais dit comme tel. Mais glissĂ© dans les expressions par petites touches. Et on appuie.

 

La dĂ©monstration de cette avocate de la dĂ©fense, Ă  la suite des interventions des autres avocats de la dĂ©fense, est si imposante qu’elle me marque plus que les Ă©ventuels mensonges du plaignant. A ce stade-lĂ , je ne me dis pas encore que le plaignant a tout faux. Je remarque surtout la prestation de cette avocate de la DĂ©fense. Et, mĂŞme si j’ai du mal avec toute cette agressivitĂ© et ces insinuations qu’elle dĂ©verse après ses consoeurs et confrères  je me dis qu’en cas de nĂ©cessitĂ©, j’aimerais bien avoir cette personne comme avocate. Mais surtout pas comme compagne : Maitre Keren Saffar.

Quant à L’avocat de la Défense aux cheveux gominés, il s’agit de Maitre Raphaël Chiche.

 

 

Il est donc 13h30. Le plaignant aurait dĂ» partir Ă  13h pour arriver Ă  l’heure Ă  son travail oĂą il est dĂ©sormais salariĂ©. Et, c’est lĂ  que s’avance un dernier avocat de la DĂ©fense. Il s’était dĂ©jĂ  un petit peu exprimĂ©. Cet avocat de la DĂ©fense a une bonne cinquantaine d’annĂ©es. Il a l’aura-et le verbe Ă©lĂ©gant- de l’avocat qui Ă©tincelle. Ses phrases sont des mouchoirs Ă  la ponctuation fine et dĂ©licate repassĂ©e de près. Mais  elles s’emparent de tout ce qu’elles approchent. Le plaignant proteste. Il est dĂ©jĂ  en retard pour son travail. Il est aussi trop tard pour Ă©chapper Ă  l’avocat de la DĂ©fense qui, dans la facilitĂ© et le sourire, l’entourloupe et lui fait comprendre qu’il va rester pour rĂ©pondre Ă  quelques questions. Il en a juste « pour cinq minutes Â» assure-t’il.

Les « cinq minutes Â» du Sixième avocat de la DĂ©fense :

 

Je croyais avoir bien entendu son nom lorsqu’il l’a prononcĂ©. J’avais entendu Maitre Viguier. Mais je n’en suis pas sĂ»r. Celui-ci commence par :

 

« Que faisait votre femme  dans le garage ? Â» (….) « Avez-vous fait des photos ? Â» (…) « J’ai une dernière question ou peut-ĂŞtre une avant dernière ? Â».

 

SoulagĂ© par le « tact Â» de cet avocat de la DĂ©fense, le plaignant dit «  Ă  vous, je vais vous rĂ©pondre Â».

Le plaignant rĂ©pond que sa femme s’occupait de la gestion (ou de le comptabilitĂ©) du garage.

L’avocat de la DĂ©fense qualifie les rĂ©ponses ou les affirmations du plaignant comme Ă©tant «  les plus alourdissantes en termes de coloration Â». L’avocat de la DĂ©fense ajoute :

 

« Je ne suis pas d’emblĂ©e convaincu par ce que vous venez de dire Â». Rappelant au plaignant que son courage avait Ă©tĂ© saluĂ© par l’avocat gĂ©nĂ©ral, l’avocat de la DĂ©fense conclut :

« Moi, j’ai surtout l’impression que vous n’avez peur de rien Â».

 

Mes impressions :

L’avocate précédente de la défense a opéré un très beau travail au corps du plaignant. Pour la première fois, celui-ci a eu du mal à répondre comme il le faisait jusqu’alors en étant concentré, sûr de lui , et fournissant force détails. Il ne reste plus beaucoup de temps avant que celui-ci s’en aille. D’autant qu’il a répondu qu’il n’avait pas de disponibilité dans l’immédiat pour être à nouveau interrogé. Donc, autant s’engouffrer pendant qu’il reste quelques minutes, dans le travail de brèche réalisé dans la défense du plaignant.

 

 

Ensuite, c’est au tour de l’avocat qui avait fait « un peu de Droit des affaires Â» de reprendre la parole. Celui qui s’est cru aux Etats-Unis d’après la remarque du juge.

 

Le plaignant proteste Ă  nouveau. Il est alors plus de 13h30. Il devait partir Ă  13h.

 

L’avocat de la DĂ©fense qui avait fait « un peu de Droit des affaires Â» justifie le fait de retenir et de retarder encore un peu plus le plaignant par un Â« Il me reste 30 secondes sur les 5 minutes Â» dit avec un discret sourire.

Cet avocat de la DĂ©fense reste sur son parcours au Libertalia. ( Un lieu dont je n’avais jamais entendu parler. Je m’attendais Ă  un endroit quelconque ou plutĂ´t Ă  Ă©viter. Mais en regardant sur le net, j’ai vu que c’était plutĂ´t assez select). Il poursuit :

« Mr Z (un des accusĂ©s)…a Ă©tĂ© physionomiste au Libertalia. Il vous a laissĂ© entrer gratuitement. Vous avez pu Ă©changer tranquillement. Vous avez Ă©tĂ© filmĂ©. Vous avez un beau verre Ă  la main Â».

Le plaignant ne semble pas plus dĂ©rangĂ© que cela par cette « rĂ©vĂ©lation » lorsqu’il prend congĂ© et quitte l’Ă©cran.

Ensuite, cet avocat de la DĂ©fense s’adresse Ă  la greffière. Le juge intervient :

« Faisons les choses simplement. Pourquoi vous vous adressez Ă  ma greffière ? Passez par moi Â».

 

L’avocat de la Défense s’exécute. Puis, le juge traduit à la greffière la demande de l’avocat de la Défense de joindre au dossier telle preuve relative à la vidéo montrant le plaignant devant le Libertalia.

 

Le plaignant s’en va à 13h35.

 

Le juge rĂ©pond Ă  l’avocate de la DĂ©fense-Lierre  aux cheveux Ă©bouriffĂ©s et qui semble Ă  cĂ´tĂ© de ses pensĂ©es:

« Non ! Ce n’est pas possible d’avoir une suspension d’audience par correction pour le tĂ©moin qui attend Â»

 

L’entrĂ©e du tĂ©moin :

Mr V a Ă©tĂ© associĂ© du plaignant. Le plaignant a plusieurs fois citĂ© cet homme comme Ă©tant prĂ©sent lorsqu’il a remboursĂ© Mr K.  Mais aussi comme pouvant tĂ©moigner de certains faits de violence qui se sont dĂ©roulĂ©s dans son garage (celui que dirigeait alors le plaignant).

 

Il est pratiquement 13h45 lorsque le témoin, Mr V, entre dans la salle d’audience.

 

Il est demandĂ© au tĂ©moin de dĂ©cliner/confirmer son identitĂ©. Ce qu’il fait. Le juge s’adresse Ă  lui :

« Cela fait deux heures et demie que vous attendez. Vous est-il possible d’attendre encore un petit peu avant de tĂ©moigner ? Â». Le tĂ©moin rĂ©pond que c’est possible. Le juge le remercie et prononce une suspension de sĂ©ance de dix minutes. Le tĂ©moin retourne dans la pièce oĂą il attendait.

 

Mes impressions :

Coupable ou innocent, je me dis que passer dans le tamis des questions et des remarques des avocats de la Défense, du procureur, des juges, et, avant eux, des officiers de police ou de nos propres avocats est une épreuve éreintante qui peut détruire. J’ai bien-sûr au moins pensé aux victimes des attentats du 13 novembre 2015 dont le procès a débuté début septembre jusqu’en avril ou mai 2022. Je comprends que certaines des victimes de ces attentats du 13 novembre 2015 aient préféré éviter de venir témoigner au tribunal. Dans mon prochain article, qui sera plus court, je parlerai du témoignage de Mr V après la reprise de l’audience.

 

Franck Unimon, ce vendredi 12 novembre 2021.

 

 

 

 

 

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Au Palais de Justice

Extorsion : Trouver la salle d’audience

Paris, au Palais de Justice de l’Ă®le de la CitĂ©, ce lundi 8 novembre 2021. PrĂŞter Serment.

 Extorsion : Trouver la salle d’audience

( cet article suit l’article Au Palais de Justice).

Ce lundi 8 novembre 2021, il n y a pas de barrières pour bloquer la route qui mène au Palais de justice de l’Ă®le de la CitĂ©. Je suis Ă©tonnĂ©. Je me demande s’il y a des jugements. Alors que je viens pour assister au procès des attentats du 13 novembre 2015.

 

Dans la cour, un jeune gendarme m’indique aimablement où aller pour me rendre au procès.

 

On s’y perd un peu dans le Palais de justice. Il n’y a pas beaucoup de monde. Peut-être parce-que les audiences ont déjà commencé.

 

Dans les toilettes, je croise un jeune homme noir, élégant dans son costume bleu ou violet, qui me dit bonjour. Je me dis qu’il est nouveau dans le milieu. A la sortie, il ne peut pas m’indiquer où aller. Puis, j’aperçois le panneau qui indique le procès des attentats du 13 novembre 2015.

 

Je monte des marches. Prends un escalier vers la salle Victor Hugo. Je tombe sur deux gendarmes qui renseignent.  A travers la vitre d’une porte, j’aperçois des gens de la Cour, debout en train de parler.

L’un des deux gendarmes m’apprend que ce n’est pas ici. Il m’explique comment m’y rendre.

Il me rĂ©pond que ce procès, tout près d’eux, est « complet Â». Impossible d’y entrer. Je demande quand mĂŞme de quel procès il s’agit :

Celui du meurtre de Mireille Knoll.

C’est Ă  l’ « accueil directionnel Â» oĂą se trouvent deux hommes, que j’apprends vraiment, qu’aujourd’hui, le procès des attentats du 13 novembre 2015 n’a pas lieu. Sous le regard d’apprenti d’un jeune d’une vingtaine d’annĂ©es, c’est le plus ancien, la cinquantaine, qui me rĂ©pond et m’explique ça.  Il me dit que « demain Â» (ce mardi 9 novembre), mercredi et vendredi, le procès des attentats du 13 novembre 2015 aura lieu. Puis que la semaine prochaine, si j’ai bien retenu, le procès aura lieu du mardi, je crois, jusqu’au vendredi. Mais que je ne pourrai pas entrer dans la salle. Ce que je savais dĂ©jĂ . Je lui demande :

« Y’a t’il quand mĂŞme un procès oĂą je peux aller ? Â». Il me rĂ©pond « oui, oui Â» et m’indique oĂą aller derrière moi dans la salle Georges quelque chose dont j’ai du mal Ă  comprendre le nom. Mais j’ai bon espoir de trouver. Car j’ignore alors comme le Palais est grand.

Non loin de là, je vois un attroupement de personnes joyeuses. On applaudit. On sort son téléphone portable pour prendre des photos. Quelques oiseaux blancs filent sous le plafond. Depuis que je suis entré, je ne sais pas ce que j’ai le droit de photographier. Là, je me sens autorisé à le faire alors que je me rapproche de cette foule qui acclame celles et ceux qui viennent de prêter serment.

Lundi 8 novembre 2021, Paris, au Palais de la Justice de l’Ă®le de la CitĂ©. PrĂŞter Serment.

 

PrĂŞter serment :

 

Prêter serment est un très grand engagement. Je suis surpris du décalage entre cette joyeuse humeur et la lourde tâche du travail futur de ces personnes qui sortent de la salle avec leur robe noire, le sourire aux lèvres.

 

Puis, je reprends mon chemin. Un long couloir. Un sol clair. Immaculé. Je ne crois pas faire affront en prenant quelques photos.

Paris, Palais de la Justice de l’Ă®le de la CitĂ©, lundi 8 novembre 2021.

 

 

 

Je ne brise aucune instruction, aucun secret. Je ne prends en photo aucune personne reconnaissable ou a priori recherchée. Le fait d’avancer dans des longs couloirs plutôt vides me donne l’impression de me faufiler. Ces grands espaces, cette hauteur sous plafond, le lustre et l’Histoire de l’endroit imposent le respect.

Paris, Palais de la Justice de l’Ă®le de la CitĂ©, Lundi 8 novembre 2021.

 

 

Je tombe sur un homme Ă©garĂ©. Comme moi. Il vient Ă  ma rencontre et me sollicite afin que je le guide. Sa convocation Ă  la main, il ne sait oĂą aller. Il me montre le plan qu’on lui a remis Ă  l’entrĂ©e et me dit «  On est lĂ  Â». Mais je ne sais pas lire les plans. J’ai du mal avec l’espace reproduit sur des plans. Un employĂ© passe. Je le questionne. Il rĂ©flĂ©chit. La salle d’audience oĂą je veux aller ne lui dit rien. L’endroit oĂą doit se rendre cet homme, Ă  peine plus. Pourquoi, comment ? Nous descendons de larges escaliers près de nous. En bas de ces escaliers, en passant devant des toilettes, nous trouvons son lieu d’audience. Mais il ne sait pas ce qu’il doit faire. Il ne sait pas oĂą est son avocat. J’ouvre la porte. Une femme d’autoritĂ© m’intime aussitĂ´t de la refermer :

 

« On viendra vous chercher ! Â».

 

Sur la porte, parmi d’autres, j’ai lu le mot Mineurs et aussi Affaires sociales. Mais mon « homme Â» n’a pas une tĂŞte de mineur. Celui-ci m’apprend avoir rendez-vous Ă  10h. Il est 9h45. Je lui dis :

 

« Ă§a va ! Vous ĂŞtes mĂŞme en avance Â». Il ne sourit pas. Ne semble pas plus rassurĂ© que cela. Il me remercie nĂ©anmoins. Avant de le quitter, je lui souhaite bonne chance et lui demande de quel pays vient-il : Le Mali.

 

 

Peu après, je trouve la salle d’audience que je cherche : La salle d’audience Georges Vedel. Je ne sais pas ce qu’a fait cet homme. Je ne crois avoir jamais entendu parler de lui. Un gendarme sort. Je lui demande si je peux assister Ă  l’audience. Bien-sĂ»r ! Lui et son collègue, la vingtaine prolongĂ©e, m’accueillent avec dĂ©contraction et sympathie. Ils me demandent de vider mes poches de tout objet mĂ©tallique type clĂ© etc…avant de passer au dĂ©tecteur. Puis, je rĂ©cupère mes affaires une fois passĂ©es aux rayons X.

On m’informe que je n’aurai pas le droit de filmer ou de prendre des photos dans la salle.

 

Avant d’entrer, je demande de quoi parle le procès en question, dans cette cour d’assises.

Une histoire d’extorsion m’apprend-t’on. Pour 87 500 euros. Les gendarmes m’informent que je peux sortir de la salle d’audience quand je le souhaite.

 

Lorsque j’entre, un gendarme me montre l’endroit oĂą m’asseoir : sur les bancs, en bois, de gauche. Les bancs de droite sont rĂ©servĂ©s Ă  des tĂ©moins ou Ă  des proches si j’ai bien compris. Devant moi, sur le cĂ´tĂ©, une jeune femme tape sur son ordinateur portable. Elle semble retranscrire ce qu’elle observe. Ce qu’elle entend.

 

Je vois trois prévenus derrière un box. Derrière eux, deux ou trois gendarmes. Deux ou trois autres gendarmes sont dans la salle et se déplacent. Je verrai les gendarmes dans le box permuter avec d’autres gendarmes venus les relayer. Plus tard, derrière le juge, je verrai deux portes s’entrouvrir et deux ou trois autres gendarmes entrer. En moyenne, ces gendarmes ont la trentaine, des physiques de sportifs, et sont habillés et parés pour l’action. Rien à voir avec le gendarme de St Tropez avec Louis de Funès ou Benoit Poelvoorde qui pourrait se promener en bermuda, marcel, jambes maigres, ventre à raclettes et claquettes.

 

Pourquoi des gendarmes assurent-ils la sĂ©curitĂ© dans un palais de Justice ? Parce-que, m’a depuis appris un collègue, les gendarmes sont formĂ©s au maintien de l’ordre. Ils sont les Ă©quivalents des CRS voire sont des CRS. Le policier ou le gardien de la paix n’est pas formĂ© au maintien de l’ordre comme ils le sont. Le maintien de l’ordre ne se rĂ©sume pas Ă  sortir son arme et Ă  tirer. C’est aussi appliquer des stratĂ©gies de retrait, de dĂ©sencerclement ou d’encerclement.

 

Cependant, à la cour d’assises, l’atmosphère est plutôt sereine. Sereine et concentrée. Les avocats de la Défense, cinq ou six ou plus (dont trois ou quatre femmes), sont assis derrière leur table sur laquelle, pour certains, se trouve un ordinateur portable en étant de marche. A côté, un dossier constitué d’une pile de documents.

 

Sur un écran, je vois et entends le plaignant qui répond aux questions du juge. Le plaignant est assis devant une table. A ses côtés, en robe noire, son avocat ou l’un de ses avocats. Un stylo ou un crayon ainsi qu’une feuille sont devant le plaignant.

Un autre Ă©cran est situĂ© face Ă  la dĂ©fense. L’image est nette. Le son est bon. 

Dans la rangée où je suis assis, dans le public, nous sommes alors à peine cinq personnes. Dans la rangée de bancs de droite, pareil.

 

Je comprendrai plus tard que les trois hommes assis l’un derrière l’autre de profil devant les avocats de la Défense, face à la cour, font aussi partie des accusés. Derrière la cour, manifestement, répartis sur la largeur de la cour, les jurés. A droite de la cour, l’avocat général. Et une autre personne dont je ne connais pas la fonction.

 

Il est alors à peu près dix heures du matin. Je pense alors rester jusqu’à 13h. Jusqu’au moment de la pause déjeuner. Je sortirai finalement de là à 14h30 à peu près.

Paris, au Palais de Justice de la Cité, Lundi 8 Novembre 2021.

 

(Ă  suivre)

 

Franck Unimon, ce mardi 9 novembre 2021.

 

 

 

 

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Au Palais de Justice

Paris, ce lundi 8 novembre 2021, vers 10h.

                                              Au palais de Justice

 

Mardi 9 novembre 2021, 7h15

Cette nouvelle catégorie de mon blog balistiqueduquotidien est particulière. Je viens de me lever pour l’écrire. Ce n’est pas tôt. Je peux me lever encore bien plus tôt ou me coucher bien plus tard dans la nuit pour écrire. Lorsque c’est comme ça, l’action de boire et de manger attend ou attendra.

 

Enfant, naĂŻvement, j’ai voulu ĂŞtre avocat. J’avais moins de dix ans. Je me rappelle avoir dĂ©fendu la « cause Â» de quelqu’un. J’étais tellement touchĂ© par l’injustice Ă  laquelle j’assistais que je m’étais mis Ă  pleurer.

 

 Ma plaidoirie n’avait pas Ă©tĂ© prise en compte. Le copain ou le camarade que j’avais essayĂ© de sauver avait Ă©tĂ© condamnĂ©. Cependant, il avait eu la vie sauve.

 

Enfant, j’ai voulu faire plusieurs métiers. Policier, pompier et footballeur le plus souvent et, une fois, avocat.

 

Une seule fois, chez des amis de mes parents, je me souviens avoir ouvert une sorte de guide de droit qui se trouvait là. Je m’ennuyais sans doute parmi ces adultes et j’aimais lire. Je suis tombé sur un article qui concernait le droit familial. Et, vu que je me rappelais avoir porté le nom de jeune fille de ma mère jusqu’à mes six ans, j’avais appris que mes parents avaient ensuite dû aller faire une déclaration devant le juge afin de pouvoir m’attribuer le nom de mon père. J’avais alors interrogé mes parents chez ces amis. Je me souviens de ma mère qui avait alors confirmé que, oui, c’était vrai.

 

Enfant, on sait se satisfaire de rĂ©ponses et d’actions simples pour des sujets complexes. Dès l’instant oĂą l’on se sent aimĂ©- et en confiance- par celles et ceux qui nous entourent et nous rĂ©pondent. Plus tard, cela peut devenir plus difficile Ă  faire. Soit nous devenons plus critiques et plus exigeants. Soit, aussi, celles et ceux qui nous ont entourĂ© et aimĂ© plus jeunes disparaissent. Et celles et ceux qui les remplacent ou que nous choisissons ensuite, Ă  nos yeux, ne font pas l’affaire. Ou, sans  celles et ceux qui nous Ă©levĂ©s ou que nous avons connus plus jeunes, près de nous, nous avons du mal Ă  nous tenir « droits Â». D’autres fois, aussi, nos modèles de dĂ©part, nos parents, notre famille mais aussi notre entourage, bien qu’aimants et disponibles, nous ont donnĂ© des exemples de vie qui, au regard de certaines lois, ne sont pas durables.

 

Première expérience d’audience dans un tribunal

 

J’étais soit au collège ou au lycée la première fois qu’avec un de nos professeurs, avec ma classe, à Nanterre, nous sommes allés au tribunal. Dans ce très haut bâtiment de la Préfecture de Nanterre. Un bâtiment très familier situé à une vingtaine de minutes à pied à peu près de là où nous habitions, alors. Au delà du grand parc de Nanterre qu’ado, j’ai beaucoup plus connu pour mes séances d’entraînement d’athlétisme que pour aller m’y promener. J’étais déjà, aussi, passé quantité de fois devant ce bâtiment de la préfecture dans le bus 304 pour aller aux Pâquerettes chez une de mes tantes maternelles. Où j’aimais aller jouer avec un de mes cousins.

Mais j’avais aussi pris le 304 bien des fois pour aller rejoindre ma mère qui travaillait alors Ă  l’hĂ´pital de Nanterre, pas très loin des Pâquerettes, des Glycines, des Canibouts… il Ă©tait frĂ©quent de voir des SDF ( on disait « clochards ») alcoolisĂ©s et allongĂ©s en face de l’hĂ´pital. 

L’hôpital de Nanterre ou hôpital Max Fourastier, aujourd’hui, s’appelait La Maison de Nanterre et dépendait alors de la Préfecture de Paris. C’était plusieurs années avant la construction de la Maison d’arrêt de Nanterre.

 

Ce  jour oĂą nous Ă©tions au tribunal avec ma classe, je me souviens du jugement d’un grand adulte. Il avait une vingtaine d’annĂ©es. Il Ă©tait jugĂ© pour rĂ©cidive. A nouveau, il avait exhibĂ© ses parties intimes devant une petite fille. Il triturait nerveusement quelque chose qu’il avait dans ses mains. Il Ă©tait terrorisĂ©. A l’entendre, on comprenait que cet homme, adulte pourtant, avait un retard mental. Il parlait comme un petit garçon. Sauf qu’il avait un corps, la tĂŞte et la force d’un homme. Si j’avais croisĂ© cet homme dans la rue, moi, qui, comme beaucoup de garçons, a Ă©tĂ© Ă©duquĂ© dans l’admiration de la grandeur et de la force physique, j’aurais Ă©tĂ© intimidĂ© en cas de conflit. Alors, qu’aurait pu faire une petite fille si cet homme avait entrepris de la saisir et de lui faire connaĂ®tre pire ? Cette question, je ne me l’étais pas posĂ© ce jour-lĂ . Je l’ajoute aujourd’hui.

 

L’homme avait été sermonné comme un enfant. La Loi lui avait parlé. Et, il avait dû être condamné à du sursis. A cette époque, les bracelets électroniques n’existaient pas. Je ne crois pas que l’on ait parlé de suivi psychologique pour lui et cela n’aurait d’ailleurs servi à rien.

 

Après le jugement, nous avions dĂ©battu avec notre professeur. C’était peut-ĂŞtre en troisième, au collège public Evariste Galois. Avec notre prof principale, notre prof de Français, Mme Epstein, qui nous avait emmenĂ© voir E.T au cinĂ©ma Ă  la DĂ©fense. Ainsi qu’une pièce de théâtre au Théâtre des Amandiers : Combat de Nègres et de chiens par Bernard Marie Koltès

 

Cela collerait bien avec la personnalité de Mme Epstein de nous avoir fait vivre cette expérience. Elle, qui nous avait proposé, un jour, de faire venir le Dr Francis Curtet, spécialiste des addictions.

 

 Mais je ne suis pas sĂ»r que ce soit elle qui nous ait emmenĂ© au tribunal assister Ă  une audience. A ma première audience. Car je ne me souviens pas du visage de celle ou celui qui nous y avait accompagnĂ©.

 

Seconde expérience d’audience dans un Tribunal

 

J’ai connu ma seconde audience dans le public au Palais de Justice de l’île de la Cité. Près de St Michel, à Paris. J’avais vingt ans de plus. En grandissant, j’avais ensuite voulu devenir champion du monde d’athlétisme en sprint, kinésithérapeute dans le sport, journaliste, écrivain, poète, acteur. J’étais devenu infirmier diplômé d’Etat.

 

A la Fac de Nanterre, oĂą j’avais passĂ© trois ans après mon diplĂ´me d’infirmier – ce qui avait Ă©tonnĂ© quelques unes de mes camarades puisque j’avais dĂ©jĂ  un diplĂ´me et un travail !- j’avais très bien identifiĂ© le bâtiment oĂą se tenaient les cours de Droit. Je n’y suis jamais entrĂ©. Pour moi, les cours de Droit, cela rimait avec les partis politiques de droite et d’extrĂŞme droite. Mais aussi avec des personnes issues de classes sociales bien plus favorisĂ©es que la mienne. Sans oublier toutes ces plâtrĂ©es de lois et de textes aux tournures de phrases alambiquĂ©es qu’il fallait s’enfoncer dans la tĂŞte et ingurgiter.

Et, Ă  aucun moment, il ne m’était apparu que pendant mes trois annĂ©es d’études d’infirmier, j’avais aussi dĂ» m’enfoncer «  dans la tĂŞte et ingurgiter Â» des « plâtrĂ©es Â» de connaissances. Car, ces « connaissances Â» infirmières acquises avaient pour moi un effet et un pouvoir concret immĂ©diat afin de me permettre rapidement d’avoir un travail et de gagner ma vie. Alors que l’issue concrète d’études de Droit m’apparaissait sĂ»rement Ă  la fois trop Ă©trangère, trop floue et trop lointaine. Soit l’opposition classique et magistrale entre ce qui pousse certaines et certains Ă  « choisir Â» – et aussi Ă  s’y tenir- des Ă©tudes courtes plutĂ´t que des Ă©tudes longues.

 

Sans surprise, aujourd’hui, je ne pouvais pas me satisfaire de mes études d’infirmier en soins généraux. Après quelques années de diplôme, après le DEUG d’Anglais, après le service militaire, après avoir commencé à passer un brevet d’Etat d’éducateur sportif, j’avais d’abord choisi d’aller travailler en psychiatrie générale avec un public adulte à Pontoise.

 

Lors de cette seconde audience dans un tribunal, j’étais infirmier dans un nouveau service, en pédopsychiatrie, à Montesson. La pédopsychiatrie était une spécialité que je découvrais dans ce service depuis un ou deux ans lorsqu’un de nos collègues avait été très content de nous proposer de venir voir son grand frère plaider au tribunal, à Paris.

 

Son grand frère, né à Nanterre comme ce collègue et moi, avait réussi. Il était maintenant un avocat reconnu et pas n’importe où.

 

Ce grand frère avocat nous avait accueilli avec amabilité. Nous étions plusieurs soignants du service à être présents. Il nous avait même payé le repas dans le self ou le restaurant du tribunal.

 

J’ai oublié le motif du jugement. Je me rappelle d’une femme procureur, noire, plus caricature de procureur, et assez brouillonne. Et de l’éloquence du grand frère de ce collègue commençant par raconter, comment, plus jeune, il passait du temps à assister aux audiences au tribunal de Nanterre… jusqu’à ce que son père finisse par venir le chercher.

 

Avant de plaider, le grand frère de ce collègue nous avait dit que la procureur avait tellement mal travaillĂ© qu’elle lui avait « ouvert des boulevards Â». En effet, lorsqu’il avait commencĂ© Ă  plaider, par contraste, sa dĂ©monstration avait Ă©tĂ© magistrale. Sauf qu’il avait fini par ĂŞtre un peu trop long Ă  mon sens.

 

J’avais été néanmoins content de cette nouvelle expérience. Et j’avais bien vu, aussi, la grande fierté de ce collègue d’être le petit frère de cet homme qui avait réussi. Je m’étais aussi dit que je retournerais dans un tribunal pour assister à des audiences.

 

En Guadeloupe, sans doute après cet épisode, une fois, en passant devant un tribunal, alors que nous y étions en vacances mon jeune frère et moi, j’avais un moment envisagé d’y entrer. Après avoir aperçu un magistrat ou un avocat dans sa parure sur les marches blanches. Mais mon frère m’avait fait comprendre comme il trouvait mon idée, une fois de plus, incongrue. Je n’avais pas insisté et avais continué de conduire vers notre destination, peut-être vers Basse-Terre.

 

Les Attentats du 13 novembre 2015

 

Hier, c’est le procès des attentats du 13 novembre 2015 qui m’a ramené dans un tribunal. Une volonté que j’ai eue assez vite lorsque j’ai su que ce procès allait commencer…le 8 septembre 2021. Jusqu’à fin Mai 2022.

 

 Cependant, auparavant, je m’étais rendu Ă  une des audiences du procès ( Du 2 septembre au 10 novembre 2020) des attentats « de Â» Charlie Hebdo, de Montrouge et de l’hypercacher de Vincennes. Dans le nouveau Tribunal de Paris, situĂ© Ă  la Porte de Clichy, ce « plus grand centre judiciaire d’Europe Â» ouvert en 2018.

 

J’avais pris des notes lorsque j’étais allĂ© Ă  cette audience du procès des attentats « de Â» Charlie Hebdo, de Montrouge et de l’hypercacher. J’avais commencĂ© Ă  Ă©crire un article. Puis, j’ai laissĂ© s’endormir cette volontĂ©. Peut-ĂŞtre que le sujet Ă©tait-il trop consĂ©quent pour moi. Que j’avais trop traĂ®nĂ© pour venir assister Ă  ce procès. Et/ou que je me suis dit, en lisant les comptes rendus de Charlie Hebdo de ce procès, que je n’apporterais rien de diffĂ©rent ou de plus.

 

NĂ©anmoins, le fait d’aller dans un tribunal m’avait Ă  nouveau « plu Â». Tant pour le dĂ©roulement de l’audience que, d’abord, pour tout le dĂ©corum et les protocoles d’accès au tribunal. Les personnes lambda comme moi se rappellent de l’existence des tribunaux et des procès lorsqu’il y a des « affaires Â» marquĂ©es mĂ©diatiquement. Ou lorsqu’elles doivent venir s’y justifier, ce qui est plutĂ´t exceptionnel pour la majoritĂ© des personnes lambda. Autrement, nous passons Ă  cĂ´tĂ© de ce qui se dĂ©roule quotidiennement dans des tribunaux qui sont des mondes Ă  la fois clos (on n’y entre pas comme dans un commerce qui nous accueille presque Ă  cartes de crĂ©dit et Ă  caddies ouverts) mais pourtant suffisamment accessibles pour celle ou celui qui souhaite prendre le temps de venir les dĂ©couvrir. Comme de s’y rendre rĂ©gulièrement. Afin d’assister Ă  des audiences. Ou d’y circuler lĂ  oĂą c’est autorisĂ©.

 

 

Une institution publique prestigieuse

Un tribunal, pour moi, c’est en principe une institution publique prestigieuse. Que ce soit par les murs ou par les personnes qui y exercent de hautes fonctions (magistrats, procureurs, avocats….). Pourtant, cette institution publique prestigieuse, comme d’autres institutions publiques prestigieuses, est souvent mĂ©connue de la majoritĂ© des gens lambda comme moi. MĂŞme si « nul n’est censĂ© ignorer la Loi Â».

 

 Combien de fois suis-je passĂ© devant un tribunal ou une autre institution publique prestigieuse  (l’assemblĂ©e nationale ou une Grande Bibliothèque) sans mĂŞme envisager, de temps en temps, d’y entrer afin d’apprendre ?

 

Je ne compte plus.

 

Nous vivons dans un monde et dans une société inégalitaire. Mais lorsque nous pouvons bénéficier de certains apprentissages et vivre certaines expériences qui sont à notre portée, nous préférons rester dans ce que nous connaissons et savons faire. Par confort, conformisme, et sûrement, aussi, pour rester avec les autres. Les autres que nous choisissons ou que nous avons choisi.

 

Hier, je suis allé assister à une audience parce-que j’ai accepté d’ y aller seul. Une fois de plus. Certaines décisions, bonnes ou mauvaises, se prennent et se vivent seul. Avant de pouvoir retourner ensuite, si c’est possible, avec les autres. Celles et ceux que l’on a choisi, qui nous ont accepté ou qui semblent le faire.

 

 

Aujourd’hui, je n’écrirai pas plus car ce serait un article trop long. Mais je crois que c’était important de préparer cette nouvelle rubrique ou catégorie de mon blog par ce préambule. Même si, ensuite, si cette rubrique ou cette catégorie dure, celles et ceux qui la découvriront en cours de route ignoreront tout de ce préambule.

Paris, ce lundi 8 novembre 2021, vers 15h, après être sorti du Palais de justice.

Franck Unimon, ce mardi 9 novembre 2021. 9h45

 

 

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Garde Ă  vue Ă  Argenteuil

Argenteuil, dimanche 7 novembre 2021.

Garde Ă  Vue Ă  Argenteuil

 

 Une garde Ă  vue dans un temple protestant. Cela s’est passĂ© hier après-midi, dimanche, Ă  Argenteuil.

Et, j’ai été consentant.

 

Le dimanche après-midi a longtemps pu être un enfermement chez soi. Mais on peut être enfermé de tellement de façons différentes. On sort à peine d’une cellule ou d’un ennui que l’on entre dans un autre ou dans une autre.

Argenteuil, dimanche 7 novembre 2021.

 

Hier après-midi, je suis allĂ© voir l’adaptation théâtrale du film Garde Ă  vue de Claude Miller. Parce-que je connais Daniel Muret, qui s’est occupĂ© de la mise en scène, ainsi qu’Evelyne Fort. Ils reprĂ©sentent tous deux la compagnie Willy Danse Théâtre, Ă  Argenteuil.  

 

J’avais fait leur connaissance après mon arrivée à Argenteuil, à la médiathèque, il y a plus de dix ans. Daniel y animait un atelier d’écriture auquel j’avais participé. Et Evelyne faisait partie des participants.

 

Il y a presque deux mois, j’avais croisé Daniel par hasard dans Argenteuil. Daniel est Argenteuillais depuis sans doute un demi siècle ou davantage. A Argenteuil, il y a encore des personnes qui y vivent depuis plusieurs générations.

Le jour de notre rencontre, Daniel m’avait dit qu’il en avait « assez Â» de toujours voir adaptĂ© des classiques et des auteurs dĂ©jĂ  reconnus. Son propos m’avait plu.

 

Je n’ai pas- encore- vu le film de Claude Miller avec Michel Serrault. Si je « connais Â» bien sĂ»r l’acteur Michel Serrault, je suis un peu jeune pour avoir vu ce film lorsqu’il Ă©tait sorti au cinĂ©ma en 1981. Et, c’est seulement en Ă©crivant cet article que je dĂ©couvre que Lino Ventura (dont j’aime modĂ©rĂ©ment le jeu mais que je sais considĂ©rĂ© comme un grand acteur Ă  la « Française Â» presqu’équivalent Ă  un Jean Gabin que je prĂ©fèrerais) et Romy Schneider (une actrice, pour moi, au delĂ  de beaucoup d’autres, un peu Ă  l’image d’un Patrick Dewaere) figurent aussi dans le film de Miller. Et, je crois que c’était mieux pour moi, hier, de ne pas avoir vu le film au prĂ©alable.

 

Hier après-midi, je suis allé voir cette adaptation théâtrale sans comparaison en tête. Mais aussi pour rompre un peu avec cette coutume selon laquelle la culture se trouve principalement à Paris. Mais aussi parce-que j’en avais assez de cette ville.

 

Par moments, j’en ai assez d’Argenteuil, cette ville paradoxale, bĂ©tonnĂ©e, dont sont parties plusieurs personnes que j’y avais rencontrĂ©es. Ou que j’aimais bien.  Une ville très Ă©tendue, « La troisième du Val d’Oise Â», faite d’une multitude de quartiers.

 

Argenteuil, pour moi, est une ville de deuils. C’est aussi une ville qui vit sans qu’on la regarde mais à laquelle beaucoup sont attachés. Au point que, parfois, je me demande, à voir leur enthousiasme, ce qu’ils lui trouvent.

Pourtant, cette ville, je la défends aussi tandis que d’autres lui décernent tous les torts et tous les travers. La saleté, les incivilités, la délinquance, les impôts locaux élevés, les écoles publiques dont le niveau a chuté à partir du collège.

Au travail, j’ai pour habitude de dire que, pour moi, les gens sont plus importants que les murs ou le dĂ©cor. Mais il y a des limites. Et, Ă  Argenteuil, par moments, je me demande oĂą est la diffĂ©rence entre les limbes et les limites. Et, tout ça, Ă  quelques kilomètres de Paris, la « ville lumière Â».

 

Argenteuil serait donc rĂ©voquĂ©e. Argenteuil compterait donc parmi les villes qui donnent difficilement le change. Et, je me suis rappelĂ© qu’une partenaire de théâtre au conservatoire- d’Argenteuil- m’avait appris qu’un acteur ( «  qui peut tout jouer Â») s’était abstenu de dire lors d’une de ses tournĂ©es qu’il jouerait aussi Ă  Argenteuil. C’était peut-ĂŞtre un oubli après tout. Pourquoi toujours imputer aux gens des mauvaises intentions de vote ? C’est bien un truc de perdant, ça, penser que si on nous oublie, c’est parce-que l’on nous snobe.

 

A Argenteuil, j’ai vu passer sur scène Kassav’, Kéry James, Arno, Marc Ribot, Magma, Danyel Waro, Denis Lavant, Disiz La Peste et j’en aurais vu et entendu bien d’autres si je m’étais rendu disponible. Alors, je pouvais me rendre disponible pour la pièce Garde à vue.

A Argenteuil, Au théâtre de l’Abri, ce dimanche 7 novembre 2021.

Hier après-midi, le public m’a semblĂ© principalement familial et amical. Et pourquoi pas ?

 

Argenteuil, au théâtre de l’Abri, dimanche 7 novembre 2021.

 

Si, quelques fois, la langue d’un ou deux comĂ©diens a fourchĂ©, pendant plus d’une heure, j’ai oubliĂ© oĂą j’étais. Les « gens Â», encore. Les gens sur scène mais aussi les dĂ©cors avaient fait le nĂ©cessaire. Ils m’ont fait entrer dans une parenthèse qui s’est dĂ©roulĂ©e Ă  l’époque oĂą ValĂ©ry Giscard D’Estaing Ă©tait PrĂ©sident de la RĂ©publique et encore vivant. Et  François Mitterrand et Jacques Chirac – qui allaient ĂŞtre les PrĂ©sidents suivants- aussi. Dans une ville de province qui aurait pu ĂŞtre un des quartiers de la ville d’Argenteuil oĂą Ă  peu près tout le monde se connaĂ®t. Sauf que la mer aurait remplacĂ© la Seine, et que le phare aurait pris la place de la salle des fĂŞtes Jean Vilar, de la Cave Dimière ou du centre culturel le Figuier Blanc.

 

A l’époque oĂą ValĂ©ry Giscard d’Estaing Ă©tait PrĂ©sident de la RĂ©publique (on voit sa photo de PrĂ©sident sur scène) Argenteuil Ă©tait ouvertement, encore, une ville communiste. Mais dans Garde Ă  vue, on comprend que l’on est dans une ville de droite :

Un notaire, sujet de la grande bourgeoisie, est le suspect numéro un dans le meurtre de deux jeunes filles qui ont aussi été violées. Et deux policiers s’acharnent à le voir coupable. Il est en fait plus suspect d’être riche que meurtrier et, jamais, sans doute, ces deux policiers n’ont eu la possibilité d’approcher aussi longtemps et d’aussi près un homme riche. Alors, ils comptent bien en profiter. Quitte à le dépecer s’il le faut. D’autant que celui-ci a des secrets et des mensonges, comme tout un chacun, ce qui décuple la détermination des deux représentants de police qui ne supportent pas ce riche qui leur résiste.

A Argenteuil, au Théâtre de l’Abri, ce dimanche 7 novembre 2021.

 

Les comédiens m’ont plu. Je me suis aussi un peu demandé ce que j’aurais donné dans l’un des rôles. J’ai particulièrement aimé ces sous-entendus dans les propos. Mais aussi l’entrée de la femme (jouée par Marie Grandin) du suspect, grande bourgeoise d’entre tous mais aussi grande jalouse, jusqu’à la pathologie. Garde à vue, pour moi, est autant une œuvre sur une certaine haine sociale que sur l’inadaptation conjugale et relationnelle. Dans un cas comme dans l’autre, les êtres ne peuvent pas s’ajuster ou s’insérer puisque des illusions leur servent de repères et de refuges.

Argenteuil, au théâtre de l’Abri, ce dimanche 7 novembre 2021. A droite, Daniel Muret.

 

Franck Unimon, lundi 8 novembre 2021.

 

 

 

 

 

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Une semaine qui commence bien

Gare d’Argenteuil, ce lundi 8 novembre 2021 au matin.

 

Une semaine qui commence bien

 

On l’oublie mais….il se passe toujours quelque chose. Je ne devais pas être dans ce train, ce matin. Cela s’est décidé tôt. Avant d’emmener la petite à l’école. Les vacances de la Toussaint étaient terminées.

 

Hier après-midi, j’étais allé voir l’adaptation au théâtre par Daniel Muret du film Garde à vue de Claude Miller. J’en reparlerai. Cette adaptation m’a peut-être influencé.

 

Même si j’avais déjà la volonté d’aller là où je suis allé bien avant ça.

 

Alors que je m’approchais de la gare d’Argenteuil, ce matin, le train omnibus arrivait. Je l’ai pris. Pour aller à Paris, au procès des attentats du 13 novembre 2015.

 

J’allais Ă©couter un podcast sur mon tĂ©lĂ©phone portable puis je me suis dit :

 

«  Non. Je vais prendre le temps de regarder les gens Â».

 

Une gare plus loin, je l’ai vu arriver sans masque. Mais Ă§a ne m’a pas marquĂ©. Il avait un grand sourire. D’origine asiatique. La trentaine ou la quarantaine. Une doudoune jaune. Propre sur lui.

 

Le train est reparti. Il a commencĂ© :

 

« Excusez-moi de vous solliciter (ou de vous dĂ©ranger….) Â».

 

Il a commencĂ© comme un mendiant mais a bifurquĂ© sur :

 

« Depuis deux ans, au moins (…..) Macron, quel bouffon ! (….) Respirez librement. Enlevez vos masques, vos muselières (….) Â».

 

Il a expliquĂ© qu’il s’adressait aux gens qui avaient Ă©teint leur tĂ©lĂ© et « allumĂ© Â» leur cerveau. Il a parlĂ© de la peur qui permettait de nous faire accepter n’importe quoi.

 

« Ă§a se met en place, gentiment… Â». En face de moi, la femme assise près de la fenĂŞtre, dans le sens de la marche, a levĂ© les yeux au ciel lorsqu’elle entendu ça. Comme si elle se sentait mal.

 

Il a poursuivi :

 

« Il y a deux ans, si on nous avait dit : Pour aller au restaurant, il vous faut dĂ©cliner votre identitĂ©, vous auriez dit : « Quoi ?! On est dans quel pays ?! En CorĂ©e du Nord ?! En Chine ?! Â».

 

Pour conclure, il a dit :

 

« Je vais passer parmi vous pour recueillir vos sourires et vos encouragements… Â».

Il est parti dans le sens opposé. Ce qui fait que je ne l’ai plus revu. La femme assise en face de moi s’est levée, puis, elle est partie aussi. Ils étaient peut-être amants. Il aura tout fait pour la faire revenir et ça aura marché.

 

Ils étaient à peine partis tous les deux que des contrôleurs sont arrivés. Je ne sais toujours pas quoi penser de cette coïncidence. Près de notre rangée, un contrôleur d’une quarantaine d’années, les cheveux courts, a fait claquer son brassard fluo de contrôleur autour de son biceps…comme un flic. Cela fait maintenant un ou deux ans que les contrôleurs ont ce genre de brassard. On sent bien que ce brassard a fait monter chez certains leur niveau de virilité mais aussi un certain sentiment d’invulnérabilité. Et c’est pareil chez les femmes contrôleuses.

 

Je n’ai rien contre les flics.

 

Très vite, deux des collègues du contrĂ´leur lui ont fait signe, devant. Lui et peut-ĂŞtre un ou deux autres de ses collègues sont alors partis en renfort. J’ai cru Ă  du rĂ©pit. Mais après avoir rĂ©glĂ© leur affaire, ils sont revenus cinq minutes plus tard :

« ContrĂ´le de vos titres de transport, s’il vous plait Â». Un de ses collègues plus jeunes a prĂ©sentĂ© sa machine afin que nous lui soumettions notre pass navigo. Il a dit bonjour Ă  chacun d’entre nous. J’ai Ă©tĂ© le dernier Ă  sortir mon pass navigo, dĂ©jĂ  lassĂ© par ce dĂ©but de journĂ©e.

Gare de Paris St-Lazare, lundi 8 novembre 2021, au matin.

 

Sur le quai de la gare St Lazare, j’ai aperçu plusieurs contrôleurs qui entouraient un homme. Puis, alors que je suivais le flot des voyageurs, j’ai vu arriver, à contre-courant, plusieurs membres de la police ferroviaire dans leur tenue bleue. Ils longeaient le train.

Il était bientôt neuf heures du matin. Le trajet avait été plus long que d’habitude. Cela m’avait retardé.

 

Je ne vois pas encore très bien quel rapport ces différents événements pouvaient-ils avoir entre eux.

 

Franck Unimon, lundi 8 novembre 2021.

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Argenteuil Vélo Taffe

Vélo Taffe Samedi 30 octobre 2021 : Paris/ Argenteuil

Paris, samedi 30 octobre 2021, Saint-Michel, Notre Dame.

                    VĂ©lo Taffe Samedi 30 octobre 2021 : Paris / Argenteuil

A vĂ©lo, depuis le 14ème arrondissement de Paris, Argenteuil n’est pas si loin. MĂŞme après une nuit de travail. 

Habituellement, je couple l’usage du train avec celui de mon vĂ©lo pour me rendre Ă  mon travail et pour rentrer chez moi. Depuis chez moi, Ă  vĂ©lo, le 14ème arrondissement n’est pas si loin… mais cela me demanderait plus que les 35-40 minutes que je prenais pour me rendre directement  dans le 18ème arrondissement du cĂ´tĂ© de la Porte de Clignancourt en passant par St-Ouen. Entre 1h10 et 1h20.

Ce 30 octobre, vers 8h30, je ne sais pas encore que je ferai tout le trajet Ă  vĂ©lo. En sortant du travail, je dĂ©cide de changer d’itinĂ©raire. Pour varier.

 

Je passe « devant » Notre Dame en reconstruction. Je m’arrĂŞte Ă  l’entrĂ©e du tribunal de la citĂ©. Il n’y a pas les barrières ni les forces de l’ordre que je vois chaque fois qu’a lieu le procès des attentats du 13 novembre 2015.

Un gendarme sort de la loge. Sa collègue, une jeune femme blonde, nous regarde.

Avec son accent du sud, le gendarme, la trentaine, m’explique comment faire pour assister, Ă  partir du lundi, dans une salle devant un Ă©cran, Ă  ce procès. Puis, je repars.

 

Paris, Le Chatelet, samedi 30 octobre 2021.

Je constate que BeyoncĂ©, Basquiat, Jay-Z et la pub pour les bijoux Tiffanys sont partis ( Jay-Z, Basquiat et BeyoncĂ© Ă  Paris, au Châtelet ) et ont Ă©tĂ© remplacĂ©s par une pub pour les vĂŞtements Moncler. Je ne reconnais pas l’actrice de gauche mais je sais l’avoir dĂ©ja vue. Je sais aussi qu’un blouson de la marque Moncler coĂ»te plus cher que le vĂ©lo sur lequel je suis. Ces publicitĂ©s pour ces marques onĂ©reuses ( Tiffanys, Moncler…..) sont peut-ĂŞtre surtout lĂ  pour toutes celles et tous ceux, qui, comme moi, spontanĂ©ment, ne peuvent pas se les acheter Ă  moins de fournir certains efforts. Entre les impĂ´ts et ces articles de luxe qui nous regardent, nos vies sont faites d’efforts. Et, il nous faut apprendre Ă  trier entre un vĂ©lo qui peut nous transporter ; le plaisir de prendre son enfant en photo devant une fontaine; ou tout faire pour s’acheter un blouson Moncler ou un bijou Tiffanys. 

 

Paris, 30 octobre 2021.

Avant de dĂ©marrer leur footing, et leurs efforts, au moins un de ces deux hommes fait comme moi : il regarde la jeune femme blonde. Je l’ai ratĂ©e quelques secondes plus tĂ´t alors qu’elle Ă©tait derrière sa copine sur leur trottinette. Pas de bijoux Tiffanys, pas de blouson Moncler, je me console comme je peux avec cette photo. 

 

Paris, 30 octobre 2021.

 

Je suis presqu’arrivĂ© Ă  la gare St Lazare. Au feu, je vois ces affiches. Je trouve Sarkozy et Royal tellement ringards.  Que font-ils encore lĂ  ? C’est fini ! Ils appartiennent au passĂ©. L’un et l’autre ont eu leurs chances. Le premier a Ă©tĂ© Maire de Neuilly, Ministre de l’IntĂ©rieur, PrĂ©sident de la RĂ©publique, justiciable…

La seconde a Ă©tĂ© Ministre, et, au second tour des Ă©lections prĂ©sidentielles ( en 2007 !) avait perdu face Ă  Sarkozy. DĂ©sir d’avenir. 

 

Je trouve ces affiches historiques et comiques. Je me dĂ©pĂŞche de les prendre en photo avant leur disparition. Peut-ĂŞtre qu’un jour, regrettera-t’on un Nicolas Sarkozy et une SĂ©golène Royal…. 

 

Paris, près de la Gare St Lazare, ce 30 octobre 2021.

 

Voici notre Ă©poque. Une attente concentrĂ©e devant l’ouverture d’un magasin de l’enseigne Fnac. Une pub pour du Whisky. Une autre pour l’artiste Rashid Jones que je ne connaissais pas. Une, pour une machine Ă  laver. Et, tout en haut, la promotion du nouvel album d’Ed Sheeran que je n’ai toujours pas pris le temps d’Ă©couter mais dont je « connais » le succès depuis au moins deux ans. Comment ne pas finir essorĂ© ? Ou esseulĂ© ? 

 

Paris, près de la gare St Lazare, le 30 octobre 2021.

 

L’enseigne de la Fnac a ouvert. Mais je ne pouvais pas ne pas prendre cet homme de dos, en photo. Un homme dont le mĂ©tier de livreur rime pour moi avec pĂ©nible labeur. GĂ©nĂ©ralement, lorsque je croise l’un d’entre eux ou qu’il me dĂ©passe sur son vĂ©lo, Ă©lectrique ou mĂ©canique, je le laisse passer. Peut-ĂŞtre que cette vie-lĂ  me fait-elle peur. MĂŞme si, si je n’avais pas le choix, je ferais sans aucun doute comme eux. Et, je ferais alors peur Ă  quelqu’un d’autre sans doute.

 

Gare de Paris St Lazare, le 30 octobre 2021.

 

Une gare parisienne, pendant les vacances de la Toussaint. Un peu moins de monde que la veille mais c’est seulement le matin. Il n’y a rien de particulier. Tout le monde porte son masque. Et, moi, je vais prendre mon train pour Argenteuil…

 

Gare St Lazare, 30 octobre 2021.

 

Je me dis qu’il y a encore pas mal de monde qui part en vacances. Je ne comprends pas vraiment ce que fait lĂ , cette ligne de dĂ©marcation. 

 

 

 » Cette femme, avec son bouquet de fleurs, ça apporte quelque chose. Prends-lĂ  en photo ! ». Alors, je la prends en photo, parmi ces voyageurs avec leurs bagages. Ensuite, je la vois retrouver son compagnon. Je me dis que c’est vraiment la Toussaint.

 

Gare St Lazare, 30 octobre 2021.

 

Je n’avais pas remarquĂ© tout de suite que la police ferroviaire Ă©tait prĂ©sente. Je me dis alors que la police recherche peut-ĂŞtre des trafiquants.

 

Gare St Lazare, 30 octobre 2021.

 

Certaines voies ne sont pas disponibles. La mienne, l’est. La voie 11 ou 12. Ou 10. 

 

Gare St Lazare, 30 octobre 2021.

 

Un chien dans la gare, cela se prend en photo. Plus tard, ce sera peut-ĂŞtre plus rare. MĂŞme si j’aime bien l’attitude de la dame, de profil, sa main posĂ©e sur son bagage. Et ce que l’on aperçoit en contrebas. Avec les palmiers au milieu….

 

Gare St Lazare, 30 octobre 2021.

 

ArrivĂ© près de ma voie, on me fait bien comprendre qu’il faut sortir de la gare ! Un bagage a Ă©tĂ© abandonnĂ©.

 

Gare de Paris St Lazare, 30 octobre 2021.

 

J’ai ratĂ© la photo du camion de dĂ©minage lorsqu’il est passĂ© derrière nous. J’ai ratĂ© la photo de cette jeune femme aux jambes de girafe qui me tournait le dos. Apparemment, elle avait l’habitude de poser. Lorsque j’ai Ă©tĂ© prĂŞt, elle avait bougĂ©. Elle s’est Ă©loignĂ©e, Ă  l’Ă©cart. Comme si elle me fuyait. Puis, après avoir consultĂ© son tĂ©lĂ©phone portable, elle a dĂ©campĂ© en repassant Ă  plusieurs mètres devant moi.

Par contre, je ne manque pas ce dĂ©fenseur du Barça, moins vif, beaucoup plus tranquille. 

 

Gare de Paris St Lazare, 30 octobre 2021.

 

Lorsque c’est comme ça, il est impossible de savoir quand la circulation des trains va reprendre. Je dĂ©cide très facilement de faire la suite du trajet Ă  vĂ©lo. J’ai de l’eau. Une compote. Un vĂ©lo. Je suis bien habillĂ© mĂŞme en cas de pluie. Et, je ne suis pas pressĂ©. Il se trouve que c’est ce jour-lĂ , que, dans une brocante, je suis tombĂ© sur cette canne-siège qui date d’un siècle. Elle vient de Manufrance m’a dit le vendeur. La première fois que j’ai vue une canne-siège, c’Ă©tait sur une scène de théâtre au Figuier Blanc. Le comĂ©dien Denis Lavant en avait une. Après la reprĂ©sentation, il m’avait appris l’avoir trouvĂ©e par hasard dans une brocante, en province. Pour 5 euros. J’ai payĂ© la mienne un peu plus chère. Mais c’est une pièce unique. Je ne la trouverai ni chez Tiffanys, ni dans les magasins Moncler. 

Ce matin encore, parmi d’autres pensĂ©es, je me demandais Ă  nouveau ce qui faisait que je ne faisais plus de théâtre. Avant, j’avais « faim ». J’avais envie de jouer. LĂ , je n’ai mĂŞme pas envie de jouer. Et, c’est comme ça depuis trois ou quatre ans. Et puis, dans cette petite brocante sur laquelle je suis tombĂ©, en sortant du travail, je vois cette canne-siège.  J’ai rĂ©ussi Ă  la coincer contre mon sac Ă  dos. Jusque-lĂ , depuis que je suis parti, elle n’est pas tombĂ©e. Rouler jusqu’Ă  Argenteuil avec cette canne-siège est un bon test pour vĂ©rifier Ă  nouveau Ă  quel point mon sac Ă  dos, celui que j’avais achetĂ© pour aller au travail, Ă©tait le bon choix. 

 

Levallois, 30 octobre 2021.

A Levallois, j’aperçois cet homme, seul, dans la rue. La photo ne rend pas ce que je vois. Je prends deux autres photos, encore moins bonnes. Puis, l’homme part d’un pas dĂ©cidĂ©. Peut-ĂŞtre gĂŞnĂ© d’avoir Ă©tĂ© photographiĂ©. Ou peut-ĂŞtre tout simplement pressĂ©. 

 

Colombes, 30 octobre 2021.

 

C’est Colombes, ou Asnières, mais Gennevilliers n’est pas loin. Cet immeuble au fond a attirĂ© mon regard. C’est un  projet architectural diffĂ©rent de celui de l’immeuble Ă  droite, sur  la photo. 

 

Colombes, 30 octobre 2021.

 

Colombes, en sortant de la A86, avant le pont d’Argenteuil. 30 octobre 2021.

 

ça construit, ça construit. A la fois pour rĂ©pondre Ă  la demande de logements. Pour accroĂ®tre l’attractivitĂ© de l’endroit avec le tramway qui ne devrait pas passer bien loin. Mais aussi en prĂ©vision des jeux olympiques de 2024. La piscine de Colombes, qui se trouve Ă  dix minutes en voiture de lĂ , et Ă  peine plus Ă  vĂ©lo, a Ă©tĂ© retenue pour ĂŞtre exclusivement rĂ©servĂ©e Ă  l’entraĂ®nement des Ă©quipes de natation synchronisĂ©e. 

 

Argenteuil, 30 octobre 2021.

 

Nous sommes sur le pont d’Argenteuil. On aperçoit le club d’aviron, le Coma Argenteuil. Un très bon club d’aviron Ă  ce que j’ai cru comprendre. Je suis dĂ©ja allĂ© me renseigner plusieurs fois. Mais je n’ai toujours pas pu faire une balade d’initiation. L’aviron est un sport « complet » et souvent prĂ©sentĂ© comme tel. Depuis des annĂ©es, j’aimerais bien le pratiquer mais je n’ai pas la disponibilitĂ© nĂ©cessaire.

 

Argenteuil, 30 octobre 2021.

L’affiche se veut verte. Mais, pour moi, Argenteuil, est surtout une ville de bĂ©ton. MĂŞme s’il y a le projet de rĂ©cupĂ©rer les berges de Seine. Au bout, on aperçoit la salle des fĂŞtes Jean Vilar. Salle « historique » que la mairie voudrait raser afin d’autoriser la construction d’un hĂ´tel de luxe, d’un centre commercial, avec complexe de cinĂ©ma. Peut-ĂŞtre mĂŞme une Fnac. Afin de rendre la ville plus attirante. Un certain nombre d’opposants Ă  ce projet se sont exprimĂ©s. Il faut savoir qu’Ă  moins de dix minutes Ă  pied de lĂ , se trouvent une librairie, la librairie Presse Papier très engagĂ©e, le centre culturel le Figuier Blanc ( soutenu par la mairie) qui comporte salle de spectacles et salles de cinĂ©ma ainsi que la cave Dimière oĂą se dĂ©roulent aussi des concerts. Ainsi que des cours de musique qui dĂ©pendent du conservatoire d’Argenteuil. Le marchĂ© d’HĂ©loĂŻse, connu comme le marchĂ©  » d’Argenteuil », se trouve après la salle des fĂŞtes Jean Vilar. Raser la salle des fĂŞtes Jean Vilar signifierait aussi sans doute perdre un certain nombre de places de parking lors des jours du marchĂ©  » d’Argenteuil » ( le vendredi et le dimanche).

 

Argenteuil, 30 octobre 2021.

Cette station essence Ă  l’entrĂ©e de la ville est supposĂ©e disparaitre un jour. Derrière les arbres, au fond, il y a le conservatoire d’Argenteuil. Originellement, ce bâtiment Ă©tait celui de la mairie d’Argenteuil, dĂ©placĂ©e depuis au bout de l’avenue Gabriel PĂ©ri. Ces fresques que l’on aperçoit sont sur un bâtiment qui fait Ă©galement partie du conservatoire d’Argenteuil. Ces voitures que l’on voit, si elles tournent sur la gauche, vont prendre le pont d’Argenteuil qui peut les emmener vers Colombes ou vers la A 86. Vers St Denis ou vers la DĂ©fense et au delĂ . 

 

 

 

Argenteuil, 30 octobre 2021.

Je ne connais pas ces journalistes. Je me suis demandĂ© quel journal pouvait bien tenir cette journaliste. Mais je n’ai pas rĂ©ussi Ă  dĂ©chiffrer. C’est cette injonction  » Soyons complices » avec cette image de pub qui m’a enjoint Ă  prendre cette photo. Comment peut-on donner l’air ou l’intention d’ĂŞtre proche des gens alors qu’on ne les voit pas et qu’on ne les rencontre jamais ? 

 

Argenteuil, 30 octobre 2021.

 

Notre Dame, les bijoux Tiffanys et les blousons Moncler, c’est loin. 

 

Argenteuil, 30 octobre 2021.

 

La circulation des trains avait repris lorsque je suis arrivĂ© Ă  Argenteuil. Il semblerait qu’elle ait repris assez vite.

 

Le marché de la colonie, ce samedi 30 octobre 2021 à Argenteuil.

 

Le marchĂ© de la colonie est un petit marchĂ© de l’autre cĂ´tĂ© de la gare d’Argenteuil centre-ville. C’est un marchĂ© plutĂ´t familial et intimiste, ouvert le samedi. Il est sĂ»rement aussi un peu plus cher que le grand marchĂ© d’Argenteuil. Il y a deux ou trois ans maintenant, un marchĂ© bio avait Ă©galement ouvert le vendredi soir. Un an plus tard, ou mĂŞme avant, seul le marchand de fruits et de lĂ©gumes continuait de revenir. 

 

CachĂ© par l’homme au chapeau, Dominique M…, membre et militant de l’association Sous les Couvertures. Samedi 30 octobre, marchĂ© de la colonie, Argenteuil.

 

Ce samedi 30 octobre, l’ESAT la Montagne vendait des fleurs. A gauche, en entrant dans le marchĂ©, un stand de produits antillais oĂą j’ai mes habitudes. 

 

J’ai mis plus d’une heure vingt depuis mon dĂ©part du travail pour rentrer chez moi. La canne-siège a tenu. J’ai roulĂ© tranquillement. Je me suis arrĂŞtĂ© plusieurs fois pour prendre des photos. Cependant, je n’ai croisĂ© aucun embouteillage. 

 

Franck Unimon, samedi 6 novembre 2021. 

 

 

 

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Corona Circus Crédibilité

La Profession infirmière

                                    La Profession infirmière

 

« Les deux tiers des soignants suspendus sont revenus au travail une fois vaccinĂ©s Â», a indiquĂ© Mardi le Ministre de la SantĂ©, Olivier VĂ©ran.

 

Nous sommes le mercredi 27 octobre 2021. Et, il est 23h19 alors que je commence la rĂ©daction de cet article dont j’ai eu l’idĂ©e ce matin en me levant. Cet article Ă©tait ma première idĂ©e. Deux autres sont arrivĂ©es ensuite. Mais, d’abord, j’ai tenu en prioritĂ© Ă  Ă©crire sur la quatrième idĂ©e. Sur le film d’animation MĂŞme les souris vont au paradis/ un film d’animation de Jan Bubenicek et Denisa Grimmova  vu samedi dernier lors du festival du cinĂ©ma tchèque. Car celui-ci est sorti aujourd’hui.

 

La journĂ©e est passĂ©e. J’ai pris du temps sur la rĂ©daction de mon article consacrĂ© Ă  MĂŞme les souris vont au paradis. Puis, ma compagne est partie chercher notre fille au centre de loisirs. Après son coucher, j’ai parcouru plusieurs journaux papier achetĂ©s le jour-mĂŞme :

 

Les Echos ; Le Canard EnchainĂ© ; Charlie Hebdo ; Le Parisien.

 

Et, me revoilĂ  au dessus du clavier.

 

« L’admiration et le respect Â» :

 

Je n’ai pas encore parcouru L’HumanitĂ© et le New York Times du jour. J’ai dĂ©laissĂ© le journal La Croix lors de l’achat des journaux. J’en ai eu pour un peu plus de 18 euros.  C’est un coĂ»t alors que plein d’informations circulent « gratuitement Â» et « librement Â» sur internet. Cette information selon laquelle «  les deux tiers des soignants suspendus sont revenus au travail une fois vaccinĂ©s Â», je l’avais lue incidemment sur le net alors que j’étais au travail. Hier, peut-ĂŞtre plutĂ´t qu’avant hier. Et, j’avais aussitĂ´t retenu cette information.

 

Parce-que je suis directement concerné en tant que soignant.

 

Je peux comprendre que la mĂŞme information ait Ă©chappĂ© Ă  beaucoup d’autres gens qui, vaccinĂ©s ou non contre le Covid, en ont assez d’entendre parler de vaccins, de Covid, de passe sanitaire et de pandĂ©mie. D’autant qu’il convient de rĂ©tablir une vĂ©ritĂ© qui date de bien avant la pandĂ©mie du Covid :

 

Si beaucoup de personnes admirent souvent les personnels soignants- ce qui n’empĂŞche pas par ailleurs d’insulter, de menacer, de dĂ©noncer, d’agresser ou de cracher sur ces mĂŞmes personnels soignants-  c’est aussi parce-que, dans la vie courante, la majoritĂ© des gens prĂ©fèrent aller au restaurant, dans une salle de concert ou au cinĂ©ma plutĂ´t que dans un hĂ´pital ou dans une clinique. Alors, savoir que des personnes a priori sensĂ©es et frĂ©quentables optent comme lieu de travail constant, jusqu’à leur dĂ©part Ă  la retraite ou jusqu’à leur mort pour l’hĂ´pital et la clinique, cela force l’admiration ou le respect.

Je peux aussi comprendre que cette dĂ©claration (  » les deux tiers des soignants suspendus sont revenus au travail une fois vaccinĂ©s » ) soit passĂ©e inaperçue pour beaucoup de gens car nous sommes en pleines vacances de la Toussaint depuis bientĂ´t une semaine. Ceux qui le peuvent et qui le souhaitent sont partis en week-end prolongĂ© ou en congĂ©s. D’autant que, depuis quelques mois, nous pouvons Ă  nouveau ( depuis le 9 juin ? ) circuler Ă  peu près librement dans toute la France et dans un certain nombre de pays en dehors dès lors que l’on est vaccinĂ© contre le Covid et/ou que l’on peut prĂ©senter son pass sanitaire valide. Et, plus simplement, la pĂ©riode des vacances est une pĂ©riode oĂą, gĂ©nĂ©ralement, on a besoin de couper avec les « actualitĂ©s ». Je ne suis pas en vacances. C’est peut-ĂŞtre aussi pour cette raison que je suis tombĂ© aussi facilement sur cette dĂ©claration/information d’abord sur le net puis dans un journal. 

 

Ce mercredi, je retrouve cette information-dĂ©claration selon laquelle «  les deux tiers des soignants suspendus sont revenus au travail une fois vaccinĂ©s Â»  Ă©crite noir sur blanc dans le journal Les Echos . Un article concis et discret. Je l’ai aussi pris en photo.

Le journal  » Les Echos » de ce mercredi 27 octobre 2021.

 

 

Pourquoi payer des journaux alors que l’on peut retrouver certaines informations gratuitement sur internet ?

 

Au moins parce qu’en payant, je lis encore à peu près ce que je veux lire dans des journaux. Au lieu de subir des thématiques d’informations ou publicitaires que je recevrais ensuite systématiquement parce-que, sur internet, j’aurais lu tel ou tel article s’y rapportant. La gratuité sur internet, mais aussi ailleurs, est souvent intéressée. Que cet intérêt soit partagé ou non.

 

J’achète aussi des journaux parce qu’en choisissant les journaux que j’achète, j’ai accès Ă  plus d’informations, dans diffĂ©rents domaines, que celles que j’obtiens et trouve sur internet ou dans les journaux gratuits mis Ă  notre « disposition Â» dans les gares.  Je suis aussi un « traditionnel Â» pour lequel le contact physique avec le papier du journal et du livre est nĂ©cessaire pour un meilleur plaisir de lecture. Je tiens un blog Ă  dĂ©faut de ne pas avoir de rubrique ( de chronique, plutĂ´t) dans un journal papier; une expĂ©rience que j’ai connue il y a plusieurs annĂ©es puis qui s’est interrompue pour raisons Ă©conomiques et, sans doute, usure du rĂ©dacteur en chef.

 

Alors, 18 euros dans des journaux, c’est un coût. Mais la gratuité peut être une économie trompeuse.

 

« Les deux tiers des soignants suspendus sont revenus au travail une fois vaccinĂ©s Â»

 

Dans cinq ans peut-être, cette phrase toute seule sera énigmatique pour beaucoup de ses lecteurs. Aujourd’hui, nous savons encore qu’il est question du vaccin contre le Covid.

 

Cela m’a soulagé de relire cette phrase- que j’avais lue sur internet- dans le journal Les Echos tout à l’heure. Non par plaisir de reparler du Covid, de la pandémie, des vaccins anti-Covid, des soignants suspendus pour refus de cette vaccination mais aussi pour refuser le passe sanitaire.

Mais parce-que c’était, pour moi, une information officielle et vérifiable. Il y a sans doute des gens qui considèreront qu’il ne faut pas se fier aux journaux d’une façon générale ou du journal Les Echos. Moi, malgré mes réserves envers le pass sanitaire, malgré mon acceptation tardive de la vaccination anti-Covid, je me fie à cette information dans le journal Les Echos. Je peux donc continuer mon article en partant de cette information.

 

Lorsqu’hier ou avant hier, au travail,  j’ai lu ce «  Les deux tiers des soignants suspendus sont revenus au travail une fois vaccinĂ©s Â», je l’ai gardĂ© pour moi. Pourtant, aussitĂ´t, j’ai vu dans cette phrase un sentiment de satisfaction. Et de victoire politique plus que de victoire sanitaire.

Il y a, de toute façon, en rĂ©gion parisienne, un peu plus de 800 postes infirmiers vacants. Et le retour de ces soignants qui retrouvent leur poste après leur vaccination ne comblera pas cette pĂ©nurie. Une pĂ©nurie chronique et  bien antĂ©rieure Ă  la pandĂ©mie du Covid. 

Page 6, du journal « LibĂ©ration » de ce mercredi 27 octobre 2021. Le Ministre de la SantĂ©, Olivier VĂ©ran, s’exprime.

 

 

Sans doute ai-je l’esprit mal tournĂ©. Sans doute que le Ministre de la SantĂ©, qui a prononcĂ© cette phrase  (ce que je n’avais pas remarquĂ© lorsque je l’avais lue sur internet) est-il fondamentalement sincère et avant tout rĂ©ellement concernĂ© par la SantĂ©, y compris celle des soignants. Cependant, dans ce rapport de force entre le gouvernement et certains soignants- une minoritĂ©- Ă  propos de cette vaccination anti-Covid dans le contexte de la pandĂ©mie du Covid, j’ai du mal Ă  croire Ă  une sincĂ©ritĂ© totalement dĂ©sintĂ©ressĂ©e du gouvernement.

 

Ma défiance ne vient pas de nulle part. Elle vient de ce que je vois, de ce que j’entends, de ce que je comprends et de ce que je vis depuis une trentaine d’années dans la profession infirmière.

 

La profession infirmière

 

J’ai obtenu mon diplôme d’Etat d’infirmier en 1989 après trente trois mois d’études. Il y a plus de trente ans. Les soignants de la génération de ma mère (ma mère était aide-soignante) faisaient souvent pratiquement toute leur carrière dans un même service. Voire dans deux. J’ai connu cinq établissements employeurs différents en bientôt trente ans d’expérience en Santé Mentale. En psychiatrie et en pédopsychiatrie. Sans compter les hôpitaux et les cliniques où, avant d’être titulaire, il avait pu m’arriver d’être intérimaire ou vacataire pour une journée ou pour une nuit. Pendant quelques années, j’ai aussi donné des cours à des étudiantes et étudiants infirmiers dans cinq ou six écoles ou instituts de soins infirmiers. En région parisienne.

 

Mon esprit « mal tournĂ© Â» Ă  l’encontre de cette phrase du Ministre de la SantĂ© actuel- qui n’existait pas Ă  un tel niveau politique lorsque j’ai dĂ©butĂ©- provient sĂ»rement de ce dĂ©calage entre lui et moi. Le temps. Les diffĂ©rents Ă©tablissements et services oĂą je suis passĂ©. Les collègues que j’ai connus et que je connais encore. Qu’ils soient restĂ©s en rĂ©gion parisienne ou soient partis en province. Des femmes. Des hommes. Des mères. Des pères. Des divorcĂ©(es). Des mariĂ©(es).  Des veuves. Mes expĂ©riences. Tout cela s’intercale, Ă  un moment ou Ă  un autre, entre moi et  des phrases. Qu’elles viennent d’un homme politique, d’un directeur d’hĂ´pital, d’un cadre ou d’un collègue.

 

 

J’ai dĂ» participer Ă  dix manifestations infirmières en plus de trente ans de diplĂ´me. Je me suis syndiquĂ© très tardivement. A plus de 45 ans. Je suis un adhĂ©rent syndiquĂ© qui paie sa cotisation. MĂŞme si je sollicite certaines fois « mon Â» syndicat pour avoir certaines rĂ©ponses, je ne suis pas un membre actif du syndicat mĂŞme si cela m’a Ă©tĂ© proposĂ©. Dans les services oĂą j’ai travaillĂ© et lĂ  oĂą je travaille, je me perçois comme un Ă©lĂ©ment modĂ©rateur. AffirmĂ©. Mais modĂ©rateur. Je n’aime pas les embrouilles Ă  deux balles. Je ne suis pas la personne la  mieux informĂ©e sur les  derniers ragots qui sont les combustibles du moment  dans un service.

 

 

Hier ou avant hier :

 

Hier ou avant hier, avec mes collègues infirmiers, nous avons discutĂ© du mĂ©tier. De la pĂ©nurie infirmière. Mes trois autres collègues infirmiers, mes aĂ®nĂ©s de plusieurs annĂ©es, sont plus proches de la retraite que moi. A deux mois ou deux ans de le retraite. Une femme. Deux hommes. Je suis, moi, selon les calculs, selon les projets, selon ce que j’estime raisonnable, Ă  8 ou 10 ans de la retraite. Si je tiens. Si cela vaut le coup et le coĂ»t. Si je vais suffisamment bien. Si j’ai encore suffisamment envie de ce travail. Pour l’instant, lĂ  oĂą je suis, j’ai envie de ce travail. 

 

 

La Revalorisation salariale

 

Un de mes collègues a affirmé sa certitude que la trop faible valorisation salariale expliquait la pénurie infirmière. Selon lui, si les infirmières et les infirmiers étaient mieux payés, beaucoup plus de personnes décideraient de faire des études d’infirmier.

 

Cette revendication est l’équivalente de la demande d’une augmentation du pouvoir d’achat que les gouvernements agitent rĂ©gulièrement devant nous qui devons faire des efforts pour joindre les deux bouts.

 

Le métier d’infirmier fait en effet partie des métiers sous-payés. Régulièrement, des collègues rappellent que l’évolution de salaire des personnels infirmiers n’a pas suivi l’évolution du coût de la vie. Il y a près de vingt ans, maintenant, une collègue ( sans enfant), mon aînée de quelques années, m’avait raconté qu’elle avait bien perçu la réduction de son pouvoir d’achat avec les années. Une collègue et qui, alors, habitait à dix minutes en voiture de notre lieu de travail.

 

Je ne vais donc pas contester le fait que l’augmentation salariale du mĂ©tier d’infirmier est nĂ©cessaire et plus que bienvenue. Ce Ă   quoi, on me rĂ©pondra que nous avons eu une prime exceptionnelle pouvant aller jusqu’à 1500 euros ( pour celles et ceux qui l’ont eu) l’annĂ©e dernière en juin ou juillet 2020. Pour rĂ©compenser nos efforts pendant les trois premiers mois de la pandĂ©mie du Covid et du confinement. Face au manque de matĂ©riel, au manque de personnel, aux heures de travail supplĂ©mentaires, Ă  la contamination par le Covid….

 

Prime Ă  laquelle s’est rajoutĂ©e le Plan SĂ©gur, soit une augmentation de 183 euros sur le salaire. J’ai oubliĂ© si c’est une prime ou une modification du traitement indiciaire. Et, une autre augmentation, un peu plus consĂ©quente, d’environ 300 ou 400 euros est prĂ©vue pour bientĂ´t, Ă  la fin de ce mois d’octobre, dans les lieux de soins. Dans les hĂ´pitaux. Dans les cliniques ?

Je n’ai pas bien compris si cette augmentation concerne les infirmiers de catĂ©gorie A comme les infirmiers de catĂ©gorie B. Je suis en catĂ©gorie B, la catĂ©gorie « historique Â». Une catĂ©gorie vouĂ©e Ă  disparaĂ®tre, considĂ©rĂ©e comme « active Â». Alors que la catĂ©gorie A, créée plus rĂ©cemment ( il y a environ 15 ans) classĂ©e comme « sĂ©dentaire Â» est en principe mieux payĂ©e mais aussi obligĂ©e de travailler plus longtemps que la B avant de pouvoir partir Ă  la retraite avec une pension complète. Depuis une dizaine d’annĂ©e, tous les nouveaux infirmiers diplĂ´mĂ©s sont d’emblĂ©e en catĂ©gorie A et ont, aussi, le niveau Licence. A mon « Ă©poque Â», le diplĂ´me d’Etat d’infirmier, obtenu en trente trois mois, correspondait Ă  un niveau BTS, ce qui Ă©quivaut Ă  un niveau Bac + 2.

 

Les infirmiers de catégorie A ont fait 36 mois d’études, je crois.

Le Ministre de la Santé, Olivier Véran, dans le journal Libération de ce mercredi 27 octobre 2021.

 

AttractivitĂ© du mĂ©tier d’infirmier : Je ne crois pas Ă  la revalorisation salariale

 

Selon moi, une augmentation salariale serait évidemment plus qu’appréciée par l’ensemble de la profession déjà en fonction. Mais, ai-je dit à mon collègue, je ne crois pas que le fait d’augmenter le salaire des infirmiers ferait venir beaucoup plus de monde à la profession.

 

J’ai dit quelque chose comme :

 

« MĂŞme si tu augmentes le salaire de 1000 euros, il y a plein de gens qui refuseront de faire ce mĂ©tier. Ne serait-ce que parce qu’il y a beaucoup de gens qui n’ont pas envie de travailler dans le sang, le pipi et le caca Â».

 

Mon collègue était très sûr de lui. Payer plus cher les infirmiers amènerait plus de nouvelles et de nouveaux collègues.

Puis, de lui-mĂŞme, il nous raconte une de ses expĂ©riences, dans le service oĂą il travaillait prĂ©cĂ©demment, oĂą un bĂ©bĂ© Ă©tait mort dans ses bras. Et, oĂą un autre avait fait un infarctus dans ses bras. J’ai alors repris mon raisonnement :

 

« Tu vois, il y a des gens, mĂŞme si tu les paies 5000 euros par mois, ils ne voudront pas vivre ce genre de situation Â».

 

J’ai ensuite continué d’amener ce que je pense du métier. Je n’ai même pas eu envie de débattre du sujet de la vocation évoquée par ce même collègue, devenu infirmier par vocation.

 

La Vocation :

 

J’ai déjà dit et écrit ce que je pense de ce mot. Je comprends que des collègues l’emploient pour eux. Pour ma part, ce mot m’est insupportable.

 

Le stade  de la  Â« vocation Â» est justement celui qui permet de dĂ©considĂ©rer le mĂ©tier d’infirmier depuis des annĂ©es voire depuis des gĂ©nĂ©rations. N’oublions pas que nous vivons dans une sociĂ©tĂ© matĂ©rialiste ou tout est prĂ©texte Ă  faire de l’argent et Ă  en faire dĂ©penser. Et oĂą, travailler ou agir gratuitement, permet très facilement Ă  quelqu’un de faire des Ă©conomies ou du profit sur notre dos. 

 

Discours imaginaire que m’inspire la « vocation Â» :

 

« Untel a la vocation donc on peut le faire travailler comme un chien. Un verre d’eau, un peu de pain, cinq minutes pour sa pause dĂ©jeuner, le pipi et le lavage de main, et elle ou il repart. C’est vraiment bien, la vocation ! Â»

 

 

 

Extrait de l’article  » Hublo, et les heures sup dĂ©collent Ă  l’hosto » du journal  » Le Canard Enchainé » de ce mercredi 27 octobre 2021.

Bien-sĂ»r, il est des institutions, il y a eu des institutions et des hiĂ©rarchies qui ont « respectĂ© Â» l’idĂ©e de la « vocation Â». Mais cela est fonction des services, des Ă©poques, des rĂ©gions, des personnalitĂ©s. Cela fait beaucoup de paramètres pour que soit respectĂ©e la « vocation Â». Malheureusement, ce que j’ai le plus souvent vu, c’est que le personnel soignant qui supporte d’être compressĂ© par des conditions de travail difficiles, de plus en plus difficiles, et qui reste fidèle au poste, sera de plus en plus compressĂ©. Sa charge de travail continuera d’augmenter au lieu de s’allĂ©ger si ce personnel attend d’autrui

(ses collègues, sa hiérarchie ou son institution) que cette charge de travail s’allège d’elle-même.

 

A moins d’avoir des horaires de travail de bureau, les horaires de travail du personnel infirmier peuvent ĂŞtre très contraignantes. Il y a des personnes qui veulent ĂŞtre de repos tous les samedis et les dimanches, les jours fĂ©riĂ©s et dormir chez eux la nuit. Ou qui veulent pouvoir se lever les matins Ă  7h. A 7 heures du matin,  Ă  l’hĂ´pital, il y a des infirmiers qui terminent leur nuit de travail. Et d’autres qui ont dĂ©jĂ  commencĂ© leur journĂ©e de travail. On peut d’abord se dire qu’en commençant Ă  7 heures du matin ou un peu avant, que cela permet de terminer sa journĂ©e de travail plus tĂ´t. C’est vrai. Mais la fatigue nous suit aussi avec les annĂ©es.

 

Et puis, notre société a changé ainsi que la façon de s’impliquer dans le métier.

Haut de l’article prĂ©cĂ©dent. Dans le journal  » Le Canard EnchaĂ®né » de ce mercredi 27 octobre 2021.

 

 

La sociĂ©tĂ© a changĂ© ainsi que la façon de s’impliquer dans le mĂ©tier :

 

Lorsque j’ai commencé à travailler comme infirmier par intérim ou en tant que vacataire, toute infirmière et tout infirmier que je croisais était titulaire de son poste quelque part. Peu importe la spécialité, que ce soit en soins somatiques ou en psychiatrie, de jour ou de nuit. Toutes les camarades et les camarades de ma promotion, des promotions précédentes et suivantes, aspiraient à avoir un poste de titulaire.

 

Depuis cinq ou dix ans, au moins, il est devenu frĂ©quent de croiser des infirmières et des infirmiers diplĂ´mĂ©s depuis moins de cinq ans qui font uniquement de l’intĂ©rim et/ou des vacations. Ou, en psychiatrie adulte, de voir des infirmières et des infirmiers quitter assez rapidement- avant cinq ans d’exercice- les services d’hospitalisation psychiatriques  pour, par exemple, des postes dans des CMP ( centre mĂ©dico-psychologiques). 

 Â« Avant Â», il Ă©tait plus courant que les jeunes diplĂ´mĂ©s ou les personnes qui venaient d’obtenir un poste y restent plus de cinq ans.

 

Ce qui n’a pas changĂ© :

 

Ce qui n’a pas changé, c’est la grande féminisation du métier. Cette féminisation explique selon moi, en partie, la raison pour laquelle, aussi, le métier d’infirmier est mal payé.

 

J’étais resté sur le chiffre de 78 pour cent de femmes dans la profession infirmière. Notre collègue infirmière a tenu à dire que, tout de même, le métier s’était masculinisé. J’ai admis que cela s’était partiellement produit. Sans doute dans certains services plutôt que dans d’autres. Mais que lorsque l’on regardait dans l’ensemble, la profession infirmière reste majoritairement féminine. En psychiatrie, par exemple, l’équipe infirmière avec laquelle j’ai débuté dans le service où j’ai été titularisé, au début des années 90, était parfaitement mixte et constituée de collègues qui avaient entre cinq et dix ans d’expérience professionnelle. Du personnel infirmier autant masculin que féminin sur une équipe de 14 ou 15 infirmiers.

 

Il y avait peut-être même 8 infirmiers pour 7 infirmières. Il faut aussi rappeler qu’à cette époque le diplôme d’infirmier psy (ISP) existait encore. Et, sans doute que ce diplôme attirait plus d’hommes que le diplôme d’Etat d’infirmier que j’ai passé.

Trois ans plus tard, dans le même service, plusieurs collègues masculins étaient partis. L’équipe s’était non seulement féminisée mais aussi rajeunie. Des collègues infirmières tout juste diplômées venaient remplacer des collègues soit masculins et expérimentés, ou des collègues féminins mais tout autant expérimentés.

 

C’était il y a plus de vingt ans, maintenant. Il n’y a qu’aujourd’hui, dans le service oĂą je travaille depuis moins d’un an, donc plus de vingt ans plus tard,  oĂą j’ai retrouvĂ© une Ă©quipe, cette fois,  plus masculine que fĂ©minine.

 

Les conditions de travail dans bien des services n’ont pas changĂ©. Car, lorsque l’on parle de « changement Â» d’une situation, c’est pour parler des amĂ©liorations.

 

Il y a sûrement eu des améliorations en matériel, en formation. Mais en conditions de travail des infirmiers, cela s’est plutôt dégradé. C’était déjà limite il y a vingt ou trente ans dans certains services. Aujourd’hui, c’est pire. Et, avant la pandémie du Covid.

 

 

Le choix des jeunes infirmiers diplômés en faveur de l’intérim s’explique pour moi de cette façon. On peut voir l’intérim comme le moyen de se faire une expérience dans différents établissements afin de bien arrêter son choix sur un service et un établissement à un moment donné. Cela arrive encore. Mais ce recours à l’intérim, souvent, lorsque j’en ai parlé avec des intérimaires venant travailler dans le service où j’étais en poste, était justifié par la possibilité de décider de son planning. Et, aussi, de pouvoir partir très vite d’un service si cela déplaisait ou était trop difficile.

 

Mais c’est mieux de donner quelques exemples de ce que ce métier peut provoquer comme engagement chez les professionnels qui l’exercent.

Je mets une partie de la première page du journal  » Le Parisien » de ce mercredi 27 octobre 2021 pour deux raisons. La première est pour la sĂ©rie « Germinal » qui bĂ©nĂ©ficie de très bonnes critiques. Avec, au premier plan, l’acteur qui avait un des rĂ´les principaux dans la très bonne sĂ©rie policière  » Engrenages ». S’il vaut mieux, pour sa survie et sa santĂ©, ĂŞtre infirmier que mineur, je me demande quels points communs on peut trouver malgrĂ© tout entre le travail de mineur et celui d’infirmier lorsque certaines conditions de travail deviennent particulièrement difficiles. Ensuite, il y a cette interview de StĂ©phane Bancel, patron de Moderna. Dans cette interview, on reparle du Covid et des vaccins contre le Covid. La fabrication du vaccin Moderna, son efficacitĂ© officiellement dĂ©montrĂ©e contre le Covid associĂ©e Ă  la rĂ©ussite Ă©conomique de StĂ©phane Bancel lui confère une « autorité » officieuse pour donner son avis sur la vaccination pour les jeunes enfants, sujet hautement sensible. Peut-ĂŞtre StĂ©phane Bancel a-t’il raison. Mais pour qui se prend-il pour s’avancer de cette manière alors qu’il n’est pas Ministre de la SantĂ© ?! Il a le droit de penser qu’il faut ou que l’on peut vacciner les jeunes enfants contre le Covid avec le Moderna. Par contre, ce n’est pas Ă  lui de souffler au gouvernement ce qu’il doit dĂ©cider ou faire en matière de vaccination infantile. Mais il se le permet ici, fort de son succès personnel et Ă©conomique avec le vaccin Moderna. A lire son interview, StĂ©phane Bancel se rajoute Ă  la longue liste de toutes celles et ceux qui sont très sĂ»rs d’eux concernant la façon de s’y prendre avec le Covid et la pandĂ©mie. En lisant son interview, on apprend que, selon lui, si  » les gens font leur rappel, je pense qu’Ă  partir de l’Ă©tĂ© 2022, ils retrouveront une vie complètement normale (…..) Les non-vaccinĂ©s, eux, courent toujours un risque ». Soit une autre façon de dire que tout est sous contrĂ´le avec le vaccin Moderna. Mais, aussi, qu’il est possible de pratiquement tout contrĂ´ler dans la vie.

 

Le don de soi et le sens du Devoir :

 

Dans le mĂ©tier d’infirmier, comme dans d’autres mĂ©tiers, celle ou celui qui fera bien plus que ce qui lui est demandĂ© aura le privilège de s’esquinter Ă  ses risques et pĂ©rils. S’il ou si elle a la chance d’avoir des collègues et une hiĂ©rarchie engagĂ©s Ă  ses cĂ´tĂ©s, le professionnel trouvera des soutiens et des compensations. Cependant, en tant que soignant, confier sa santĂ© Ă  la chance alors que par ailleurs, celles et ceux qui dĂ©cident des conditions dans lesquelles nous devons travailler, eux, s’en remettent Ă  des chiffres pour Ă©valuer notre travail, c’est très mal prendre soin de soi.

 

Les chiffres, certains chiffres, peuvent ĂŞtre des repères. Sauf que ce sont certains chiffres, plutĂ´t que d’autres, qui sont retenus comme critères prioritaires. Et, ces chiffres choisis deviennent des empires irrĂ©vocables. Il est question de faire des Ă©conomies. Alors, on ferme des lits. On remplace moins le personnel. Ailleurs, on Ă©tablit que, finalement, il y a besoin de moins de personnel qu’il n’y en a. Et, comme le personnel soignant est un personnel capable de donner beaucoup de lui-mĂŞme, et au delĂ  de lui-mĂŞme, en continuant de toucher le mĂŞme salaire, le compte est bon pour celles et ceux qui dĂ©cident quels chiffres il faut regarder en prioritĂ© pour gĂ©rer un service. Ailleurs, le personnel peut  accepter de toucher plus d’argent en Ă©tant moins nombreux. Ce qui n’est pas forcĂ©ment mieux. Mais il est volontaire. Or, on le sait, le volontariat est un gage de « bonne santé » au travail. Jamais, bien-sĂ»r, le fait de gagner de l’argent ou d’avoir besoin de gagner suffisamment ou sensiblement plus d’argent, au dĂ©triment de sa santĂ© et de sa vie privĂ©e, n’oblige ou ne contraint qui que ce soit Ă  ĂŞtre volontaire pour accepter de beaucoup ( trop) travailler. Ou de simplement continuer de travailler alors que des conditions de travail se dĂ©gradent. 

Il y a maintenant un mois bientĂ´t, j’ai discutĂ© avec un infirmier, un peu plus plus âgĂ© que moi, qui, en plus de son poste de titulaire dans un hĂ´pital semi-privĂ© ou privĂ©, fait des vacations Ă  cĂ´tĂ© dans deux ou trois autres Ă©tablissements. Sa femme, Ă©galement infirmière, travaillait aussi beaucoup m’a-t’il appris mĂŞme si moins que lui. Il faisait ça depuis des annĂ©es, maintenant.

Pragmatique, celui-ci m’a expliquĂ© :

 » J’ai besoin de gagner 5000 Ă  6000 euros par mois afin de conserver un certain mode de vie ». « Cela m’a permis de rembourser en moins de dix ans ( au lieu de 15 ou 16 ans) mon crĂ©dit immobilier. Maintenant, j’ai un grand appartement sur Paris ». 

Lui et sa femme, sans enfants, avaient achetĂ© cet appartement il y a Ă  peu près une dizaine d’annĂ©es. Auparavant, ils logeaient tous les deux dans une location qu’ils avaient obtenu grâce Ă  l’Ă©quivalent du 1 pour cent patronal. D’oĂą un loyer plus « doux » que ceux pratiquĂ©s depuis Ă  peu près une vingtaine d’annĂ©es, maintenant. Au fait, j’ai lu dans le supplĂ©ment gratuit du journal Â Â» Les Echos » de ce mercredi 27 octobre 2021 que :

 » 743 000 personnes sont en attente d’un logement social en Ă®le-de-France ».

Le supplément gratuit du journal  » Les Echos » de ce mercredi 27 octobre 2021.

 

 

Dans cet article intitulĂ© 92 Des Ă©lus de gauche contre la crise du logement en Ile-de-France, on peut aussi lire que

 » Cette crise touche aussi les foyers issus de la classe moyenne, dont les revenus sont trop Ă©levĂ©s pour espĂ©rer obtenir un logement social et trop faibles pour accĂ©der Ă  la propriĂ©tĂ© Ă  Paris ou dans la petite couronne. 

C’est le cas notamment des fonctionnaires territoriaux, ou des infirmiers, qui ne peuvent pas toujours loger près de leur lieu de travail, explique Jacqueline Belhomme, maire de Malakoff ». 

 » Si l’on n’agit pas, ils seront 1 million Ă  la fin du mandat municipal« , annonce Michel LeprĂŞtre, prĂ©sident de l’intercommunalitĂ© Grand Orly Seine Bièvre ( Val-de-Marne). 

La première page du journal  » Les Echos » de ce mercredi 27 octobre 2021.

 

C’est aussi en première page de ce numĂ©ro du journal Les Echos que l’on apprend le  » triomphe boursier de la voiture Ă©lectrique Tesla » du PDG amĂ©ricain Elon Musk. Et qu’avec  » 1.OOO milliards de dollars de capitalisation boursière, Tesla vaut dĂ©sormais davantage que tous les constructeurs traditionnels rĂ©unis. Et cent fois plus que le français Renault ( premier constructeur automobile français) ». A la page 18, le journal Les Echos nous raconte le parcours d’Elon Musk jusqu’Ă  son succès en bourse depuis la cotation de l’entreprise Tesla en 2010. Il y a 11 ans. 

Dans un autre article, sur la mĂŞme page du journal Les Echos, on peut lire Elon Musk, l’homme qui vaut plus que Nike Ă  lui tout seul. Puis, juste en dessous :

 » Le patron de Tesla est dĂ©sormais l’homme le plus riche de la planète, avec une fortune estimĂ©e Ă  289 milliards de dollars ». 

Le journal  » Les Echos » de ce mercredi 27 octobre 2021.

 

En comparaison, avec ses 5000 Ă  6000 euros par mois, cet infirmier qui a pu, avec sa femme, en cumulant les heures de travail par-ci, par-lĂ , en plus de son poste titulaire, se payer son grand appartement Ă  Paris en moins de dix ans, apparaĂ®t d’un seul coup bien plus que microscopique. Pourtant, j’ai trouvĂ© les choix de cet infirmier et de sa femme plutĂ´t exemplaires. En termes d’anticipation et de rĂ©alisme. Lui qui avait pu me dire aussi que travailler autant, pour gagner aussi « bien » sa vie, avait aussi nĂ©cessitĂ©, nĂ©cessitait de sa part, des sacrifices. Mais qu’il ne les regrettait pas. Ce que je pouvais comprendre- sans tout Ă  fait l’envier- puisque, devant moi, il Ă©tait encore suffisamment bien portant. Et qu’il avait pu se payer, avec sa femme, l’appartement qu’il souhaitait. Mais aussi des croisières. Certains investissements immobiliers dans son pays d’origine. Des repas dans des restaurants. Quelques jours plus tard, pour fĂŞter son anniversaire, il avait un repas prĂ©vu dans un restaurant en haut de la Tour Montparnasse. « Un très bon restaurant », m’avait-il dit. Je n’ai pas encore regardĂ© les prix de ce restaurant. Mais j’imagine que ce restaurant est plus cher qu’un repas dans un restaurant kebab ou dans un Mac Do. 

Au dĂ©but de ma carrière, et mĂŞme avant l’obtention de mon diplĂ´me d’infirmier lorsque mon niveau d’Ă©tudes (dès la fin de ma première annĂ©e d’Ă©tudes), m’avait donnĂ© l’Ă©quivalence du diplĂ´me d’aide soignant, j’avais commencĂ© Ă  rencontrer, lors de vacations effectuĂ©es dans des cliniques, des infirmières et des infirmiers titulaires et qui, en parallèle, travaillaient dans un autre Ă©tablissement. Pour payer leurs impĂ´ts. Pour rembourser les crĂ©dits de leur maison.

C’Ă©tait il y a plus de trente ans. J’avais 20 ou 21 ans. 

Le salaire d’une infirmière, aujourd’hui, au plus haut, après trente ans d’anciennetĂ©, c’est souvent moins de 3000 euros tous les mois. Allez, disons 3500 euros par mois en poussant très fort. Si l’on ajoute les primes. Les Ă©ventuelles nĂ©gociations de salaire. Si l’on travaille dans le privĂ©, avec les week-end travaillĂ©s, les jours fĂ©riĂ©s travaillĂ©s. Selon les horaires que l’on fait. Et, encore, il est possible que des collègues me disent que je suis optimiste. Je touche moins de 3000 euros par mois après bientĂ´t trente ans d’activitĂ© professionnelle . Sans les primes. J’habite dans une ville de banlieue, dans le Val d’Oise, Ă  Argenteuil. Une ville situĂ©e Ă  11 minutes de la gare de Paris St Lazare par le train direct. Et  qui n’est pas connue pour ĂŞtre la plus chère au mètre carrĂ© dès lors qu’il s’agit d’acheter dans l’immobilier. Y compris dans le Val d’Oise. 

 

Entre l’exemple de la rĂ©ussite d’un Elon Musk; celle de ce collègue infirmier qui tourne tous les mois Ă  5000 ou 6000 euros avec son emploi fixe et ses vacations Ă  cĂ´tĂ©; et moi avec mon salaire, moindre, on a dĂ©ja trois mondes, trois modes de vie, très violemment diffĂ©rents. Et trois salaires aussi très violemment opposĂ©s. Pourtant, tous les trois, Elon Musk, ce collègue infirmier et moi, nous sommes travailleurs.

Mais la valeur ajoutée au travail que, chacun, nous produisons, est très différente.

Pourtant, que ces  secteurs dans lequel Elon Musk Ă©volue, dans lequel StĂ©phane Bancel, PDG de Moderna, Ă©volue, ou celui dans lequel, le collègue infirmier Ă  5000-6000 euros et moi, nous Ă©voluons, tous ces secteurs ont leur utilitĂ©. Mais d’après certains chiffres, l’entreprise d’Elon Musk et celle que reprĂ©sente StĂ©phane Bancel ont beaucoup plus d’importance et beaucoup plus de valeur boursière et commerciale que celle  » l’hĂ´pital, la clinique, un lieu de soins » dans laquelle ce collègue infirmier, moi et beaucoup d’autres Ă©voluons. D’après certaines valeurs ( commerciales, boursières et autres), ce collègue infirmier et moi, dès lors que nous avons fait le choix de devenir et de rester infirmiers, nous avons dĂ©cidĂ© d’accepter de faire partie des ratĂ©s du monde et de la sociĂ©tĂ©.

 

Et, si ce collègue infirmier et moi, au regard de ces chiffres, sommes dĂ©ja des personnes et des travailleurs dĂ©risoires, il existe encore des milliers, des millions de personnes plutĂ´t ( dans le milieu infirmier, hospitalier, en clinique, dans des services mĂ©dico-sociaux ou dans d’autres sphères professionnelles rĂ©munĂ©rĂ©es) qui sont encore bien plus dĂ©favorisĂ©es que nous. Et qui sont donc encore plus dĂ©considĂ©rĂ©es que nous. 

 

Aujourd’hui, et depuis des annĂ©es, les mondes d’Elon Musk et de StĂ©phane Bancel sont supposĂ©s reprĂ©senter les seuls mondes valables de la modernitĂ© et du futur. Ce collègue infirmier et moi, et beaucoup d’autres, avec ou sans notre blouse, sommes supposĂ©s reprĂ©senter un monde ancien. Donc dĂ©passĂ©. Donc contournable. Donc dispensable. Il faut une pandĂ©mie, une crise ou une catastrophe extrĂŞme, spĂ©ciale ou Ă©pouvantable (des attentats, un tsunami, un gĂ©nocide, une guerre, une catastrophe nuclĂ©aire, un tremblement de terre, une inondation exceptionnelle avec beaucoup de morts….) pour se rappeler que des professions et des mĂ©tiers ( pas seulement soignants) anciens et traditionnels ont aussi leur importance dans une sociĂ©tĂ© qui se dit et se veut moderne, Ă©voluĂ©e, libre et dĂ©mocratique. 

 

Or, nous sommes dans une sociĂ©tĂ© pour laquelle ĂŞtre moderne, cela signifie ĂŞtre amnĂ©sique; avoir une mĂ©moire partielle et sĂ©lective, briquer certains chiffres, administrer et s’agenouiller seulement devant une horreur plus grande, plus incontournable et plus durable que la nĂ´tre. 

 

D’autres chiffres, nĂ©anmoins, restent des chiffres fantĂ´mes. Inexistants. Ils n’apparaissent jamais. Le mĂ©tier d’infirmier fait partie des mĂ©tiers apaisants, curatifs mais aussi prĂ©ventifs et rĂ©gulateurs d’une sociĂ©tĂ©. Combien de suicides Ă©vitĂ©s, combien de meurtres et d’agressions Ă©vitĂ©s parce-qu’ un patient a Ă©tĂ© bien reçu, a pu ĂŞtre bien soignĂ© par des soignants suffisamment en forme, suffisamment nombreux, disponibles et attachĂ©s Ă  leur mĂ©tier ?

 

Ce genre de chiffres n’apparaĂ®t pas. Ils n’existent pas. Ce travail ne compte pas. On nous parle, Ă  l’hĂ´pital, d’écrire ce que nous faisons. Mais, d’une part, on ne peut pas tout Ă©crire. On ne peut pas Ă©crire et faire et vivre. D’autre part, pourquoi Ă©crire Ă  des personnes qui, de toutes façons, savent surtout voir et lire certains chiffres en particulier ?!

 

 

Je terminerai avec le chiffre deux.

 

Le journal  » Libération » de ce mercredi 27 octobre 2021.

 

Le chiffre deux :

Il y a deux ou trois semaines, maintenant, j’ai participĂ© Ă  une formation. Son but Ă©tait de prĂ©senter l’institution aux nouveaux arrivants qu’elle emploie. Nouveaux arrivants dont je fais partie. Cela m’a donnĂ© l’occasion de dĂ©couvrir de nouveaux lieux mais aussi de rencontrer d’autres personnes employĂ©es Ă©galement par l’institution.Dont Sue….mère de plusieurs enfants, qui doit avoir au moins deux enfants. Sue est agent administratif dans l’institution. Cependant, en discutant avec elle vers la fin de la formation, j’ai appris qu’elle avait Ă©tĂ© aide-soignante pendant près de 15 ans. Dans un service de gĂ©riatrie ou un EHPAD. En quelques minutes, elle m’a alors racontĂ© comment les mercredis, au lieu d’être trois aides soignantes, elle se retrouvait toute seule pour faire les toilettes des patients. Les patients Ă  soulever. L’épaule qui s’abĂ®me. L’arrĂŞt de travail. L’obligation de se faire opĂ©rer. Le chirurgien qui lui dit :

 

« Si vous reprenez le travail, je serai obligĂ© de vous opĂ©rer l’autre Ă©paule Â».

Les dĂ©marches ensuite aux Prudhommes. Des dĂ©marches difficiles, longues, qui ne lui ont pas tout fait donnĂ© raison. La perte irrĂ©versible d’une partie de la mobilitĂ© de son Ă©paule. 

 

Ce qu’il  y a de notable pour moi, en plus de la destruction de son corps et de son moral, c’est que cette histoire, je sais qu’elle a dĂ©jĂ  existĂ© il y a vingt ou trente ans. J’ai dĂ©jĂ  fait des toilettes. J’ai portĂ© et soulevĂ© des patientes et des patients pour faire des toilettes dans un service de gĂ©riatrie. C’est beaucoup plus difficile Ă  porter que les chiffres avec lesquels on nous tape dessus depuis des annĂ©es.

 

Ensuite, il y a Dei…une ancienne collègue que j’ai connue il y a vingt ans dans un de mes prĂ©cĂ©dents services. Dans un service de soins et d’accueil urgents en pĂ©dopsychiatrie. Dei habite et travaille maintenant dans le sud de la France. Son travail lui plait beaucoup. A seulement dix minutes en voiture de chez elle.

« De toute façon, j’ai toujours Ă©tĂ© dans des services près de chez moi Â» me dit-elle.

 

Dei… est infirmière dans un service gĂ©riatrie. Des journĂ©es de travail de 12 heures. Ce qu’elle aime beaucoup, c’est le « relationnel Â» avec les patients. Et transmettre aux autres collègues. Elle me dit que travailler en pĂ©dopsychiatrie lui a beaucoup appris. Je comprends.

Je sais aussi, depuis trente ans, que s’il y avait plus de personnel dans les services de gériatrie, ce serait très gratifiant d’y travailler pour le relationnel. Mais, classiquement, les services de gériatrie manquent de personnel depuis trente ans. Les jeunes infirmiers diplômés fuient les services de gériatrie.

 

 Lorsque Dei travaille, elle est responsable de….84 patients rĂ©partis sur trois services. Dei…m’explique, de bonne humeur, que dans chacun des services, il y a trois aides-soignantes. Divisons 84 par trois, cela donne quoi ? 28 patients par service.

Je n’ai pas poussé pour demander à Dei…si les patients sont suffisamment valides pour se déplacer ou pour se laver en toute autonomie. Déjà, pour moi, une infirmière toute seule pour 84 patients, pendant 12 heures, il y a quelque chose qui cloche. Mais c’est normal. Et ça, ça ne dérange pas nos grands vertébrés des chiffres.

Je ne connaissais pas ce chiffre de 84 patients pour une infirmière avant que Dei…ne me le donne. Malheureusement, ce chiffre comme celui de 3 aides soignantes pour 28 patients ne m’étonne pas, ne m’étonne plus. Avec ce que j’ai pu connaĂ®tre ou entendre ailleurs. Alors que je devrais ĂŞtre Ă©tonnĂ©. Mais, mĂŞme pour moi, ce chiffre est devenu « normal Â». Ensuite, lorsque cela dĂ©rapera, si ça dĂ©rape, on nous parlera de maltraitance d’une soignante ou du personnel.

 

Je lui demande :  » Il y a toujours des kilos de mĂ©dicaments Ă  donner aux patients ? ». Dei semble alors rĂ©aliser :  » Ah, lĂ , lĂ . C’est vrai qu’il y a beaucoup de mĂ©dicaments Ă  donner… ». Trente ans sont passĂ©s pourtant depuis la dernière fois oĂą j’ai travaillĂ© dans un service de gĂ©riatrie. 

 

Sur ses 12 heures de travail, Dei…me dit sans amertume que, normalement, elles/ils ont droit Ă  « deux heures de pause Â». Mais que, vu le travail Ă  faire, elles/ils ne peuvent jamais prendre ces deux heures de pause.

OĂą sont nos grands pratiquants du chiffre ? Qu’attendent-ils pour rapidement corriger ce genre de dĂ©sordre ? Comment peuvent-ils accepter que ça continue ? Sans doute que ces chiffres-lĂ  ne leur ont pas Ă©tĂ© communiquĂ©s ou ne leur parlent pas. Sans doute aussi que ce que connaissent Dei…et ses collègues font partie des exceptions. Dans tous les autres services de gĂ©riatrie de France, c’est certainement beaucoup mieux.

 

Mieux ? Dei m’apprend que, lorsqu’elle reprend le travail après plusieurs jours de repos, qu’elle arrive Ă  6h30.( Au lieu de 7h30 qui est son horaire de dĂ©but normal). Afin de pouvoir bien prendre le temps de lire les dossiers des patients. Je l’écoute. Je ne dis rien. Dei…est heureuse comme ça. Cela fait un peu plus de trois ans qu’elle travaille lĂ .  Elle ne souffre pas. Et, tout le monde est content. Celles et ceux qui pelotent leurs chiffres en permanence et qui font une bonne affaire en Ă©tant dispensĂ©s de rĂ©munĂ©rer tout ce travail abattu gratis par Dei et toutes les infirmières et les personnels soignants et mĂ©dicaux-sociaux qui lui ressemblent et qui se comptent par….mince, je n’ai pas les chiffres. Donc, ça ne compte pas.

Dei m’apprend aussi que plusieurs de ses collègues ont prĂ©fĂ©rĂ© quitter le service. PlutĂ´t que de devoir accepter de se faire vacciner contre le Covid. Elle ne sait pas oĂą ces anciennes collègues sont parties travailler. Ni comment elles s’en sortent financièrement…. 

Ma compagne, Ă©galement infirmière, a Ă©tĂ© suspendue il y a quelques semaines pour avoir maintenu son refus de la vaccination anti-Covid  ainsi que du pass sanitaire. Elle a touchĂ© son salaire du mois d’octobre tout Ă  l’heure. Le gouvernement a appliquĂ© ce qu’il avait annoncĂ© cet Ă©tĂ© en cas de persistance du refus des soignants de se faire vacciner contre le Covid Ă  compter du 15 octobre 2021. Ma compagne a touchĂ© pour ce mois d’octobre la somme de 246 euros.

La première page du journal L’HumanitĂ© de ce mercredi 27 octobre 2021 nous montre ( Ă  Dieppe)  » des gilets jaunes déçus des mesures du gouvernement ( qui) relancent le mouvement« . Avec ce titre :

Pouvoir d’Achat  » Trois ans après, c’est pire ». En dernière page du journal L’HumanitĂ©, un article intitulĂ© Catherine Corsini porte la parole des soignants raconte le passage Ă  la rĂ©daction de la rĂ©alisatrice dont le dernier film, La Fracturesorti ce mercredi, raconte, en passant par un service d’urgence hospitalier, les « violences policières » et la « lutte des classes ». 

Le journal  » L’Humanité » de ce mercredi 27 octobre 2021.

Le Journal L’HumanitĂ©

 

Après avoir Ă©voquĂ© Elon Musk , lequel incarne le fracas de la rĂ©ussite sociale et Ă©conomique, et du monde de la bourse et de l’entreprise,  cette image du journal l’HumanitĂ© nous ramène Ă  un mĂ©dia, emblĂ©matique du Parti communiste français mais aussi d’un monde tous deux dĂ©suets, conquĂ©rants hiers ( autant qu’un Elon Musk aujourd’hui) mais qui feraient maintenant trainer leur extinction depuis très ( trop) longtemps.   LĂ  aussi, le contraste est très violent entre la vie de ces gilets jaunes ( dont quelques tĂ©moignages dans le journal L’HumanitĂ© nous expliquent qu’ils doivent survivre chaque mois avec des sommes comprises entre 830 et 1200 euros par mois) et les triomphes financiers ( et autres) au lance-flammes d’un Elon Musk. Ou d’un StĂ©phane Bancel, PDG de Moderna. 

Devant cette première page de L’HumanitĂ©, comme les quelques autres fois oĂą j’ai pu le lire, mes sentiments restent partagĂ©s. Je ne sais pas si le journal est vraiment sincère et aussi optimiste et combattif que je devrais l’ĂŞtre ou que j’aurais dĂ» toujours l’ĂŞtre.

Je ne sais pas si  les causes qu’il embrasse sont des causes qui ressemblent Ă  des causes largement perdues d’avance parce-que le journal lui-mĂŞme a l’air de tenter le tout pour le tout pour survivre. Et qu’il n’a pas les moyens – auxquels il essaie encore de croire- pour vĂ©ritablement rĂ©sister et changer la donne d’une situation ou d’une cause. 

Je ne sais donc pas qui, ici, des gilets jaunes, qui avaient créé un mouvement ( qui avait surpris beaucoup  de « monde » au sein des partis politiques, des syndicats et les mĂ©dia) de contestation sociale, durable, très populaire et très influent il y a trois ans, ou du journal L’HumanitĂ©, a le plus besoin de l’autre ?

Le journal l’HumanitĂ© qui persiste dans une contrĂ©e, une croyance et un langage annexes dont beaucoup de monde a oubliĂ© ou rejetĂ© l’usage et l’existence ?

Ou le mouvement des gilets jaunes qui, lui, s’Ă©tait retrouvĂ© privĂ© de ses appels d’air par l’instauration des mesures gouvernementales de confinement, de couvre-feu, de restriction de dĂ©placement gĂ©ographique et d’interdictions de rassemblement pour cause, officiellement, d’urgence sanitaire en raison de la pandĂ©mie du Covid Ă  partir du mois de mars 2020 ?   ( voir Gilets jaunes, samedi 14 mars 2020)

Pourtant, bien des infirmières et des infirmiers pourraient se reconnaĂ®tre dans cet article du journal de l’HumanitĂ© Ă  propos des gilets jaunes comme dans ce titre :  » MĂŞme avec deux salaires, c’est difficile ».

Journal de l’HumanitĂ© de ce mercredi 27 octobre 2021.

 

Mais, peut-ĂŞtre que plus que sa mise en page et son langage ringards, que ce qui est le plus reprochĂ© instinctivement Ă  l’HumanitĂ©, c’est la dĂ©faite, la fuite ou la trahison d’une vraie gauche sociale, humanitaire et universelle en laquelle beaucoup trop d’entre nous ont fait l’erreur de croire.

Une faute que le journal L’HumanitĂ© porte plus que d’autres mĂ©dia sur ses colonnes. Telle la croix que le Christ a dĂ» porter lui-mĂŞme. A ceci près que le Christ, s’il a souffert sur le trajet de son supplice, s’il a agonisĂ©,  a bien fini par partir. MĂŞme si, c’Ă©tait pour, officiellement, revenir et ressusciter ensuite. Alors que le journal L’HumanitĂ©, lui, mĂŞme crucifiĂ©, dĂ©savouĂ© et dĂ©sertifiĂ©, ne trĂ©passe pas.

 

Le pass sanitaire 

 

Le pass sanitaire, lui, devait s’arrĂŞter en novembre de cette annĂ©e. DĂ©sormais, le gouvernement parle , pour cause de « vigilance sanitaire », d’une prolongation du pass sanitaire jusqu’en juin 2022. Ce qui impliquera, bien-sĂ»r, de devoir rester Ă  jour question vaccination anti-Covid. Et, donc, sans doute pour des millions de Français de recevoir une troisième injection de vaccin anti-Covid entre-temps. On a l’impression que depuis le premier confinement, le gouvernement passe rĂ©gulièrement son temps Ă  demander aux Français de faire plus d’efforts pour le mettre Ă  l’aise, lui. Afin qu’il puisse garder une bonne marge de manoeuvre, confortable, afin de fournir de son cĂ´tĂ© assez peu d’efforts. Ou pour donner l’illusion et se donner l’illusion qu’il fait de grands efforts lorsqu’il fait quelques gestes. On dirait presque que le gouvernement souffre beaucoup plus que les Français de la pandĂ©mie du Covid et de toutes les mesures restrictives qui en ont dĂ©coulĂ© depuis l’annĂ©e dernière. Et que c’est plus au chevet du gouvernement qu’il faudrait ĂŞtre qu’Ă  celui des Français. 

 

Dans le journal Les Echos de ce mercredi 27 octobre 2021, Ă  nouveau, le philosophe Gaspard Koenig, prĂ©sident du think tank GenerationLibre s’exprime sur le sujet de la longĂ©vitĂ© du pass sanitaire dans son article intitulĂ© Vigilance sanitaire et privation de libertĂ©s. 

Le journal  » Les Echos » de ce mercredi 27 octobre 2021.

 

Dans cet article, Koenig Ă©crit entre-autres :

 » (….) Pourtant, le gouvernement envisage le renforcement du passe, en le conditionnant Ă  une troisième dose, en donnant aux directeurs d’Ă©cole des pouvoirs de vĂ©rification ( charmante conception de l’instruction publique) ( ….) ».

 

 » (…..) Le ministre de la SantĂ©, qui s’engageait encore en janvier dernier devant la Commission des lois Ă  ne pas recourir au passe, explique aujourd’hui que celui-ci restera en vigueur tant que  » le Covid ne disparaĂ®t pas de nos vies ». Autant dire pour toujours. Car la « vigilance sanitaire » pourra indĂ©finiment ĂŞtre justifiĂ©e par un nouveau variant ou sous-variant, une reprise Ă©pidĂ©mique ici ou lĂ , une Ă©nième dose de rappel, ou simplement la probabilitĂ© d’apparition d’un nouveau virus. Si l’on accepte ce raisonnement, on discutera bientĂ´t de vigilance sĂ©curitaire ou environnementale. On nous privera de libertĂ©  » au cas où ». François Sureau Ă©voque dĂ©ja la « dĂ©rive autoritaire » de nos sociĂ©tĂ©s ( …..) ».

 

 » (…) Le plus grand danger est celui de l’accoutumance. LassĂ©s de ces dĂ©bats anxiogènes, la plupart de nos concitoyens se rĂ©signent. Nous nous habituons Ă  demander une autorisation pour vivre notre vie et Ă  nous fliquer les uns les autres. Le gouvernement trouve bien pratique de nous laisser un fil Ă  la patte : pourquoi nous Ă©pargner une servitude que nous semblons rechercher ? (….) ». 

La « variation » infirmière

 

Bien-sĂ»r, Sue, l’ancienne aide-soignante, et Dei et toutes celles et tous ceux qui ont travaillĂ© ou qui travaillent dans des conditions Ă  peu près Ă©quivalentes, si on leur prĂ©sente un micro se sentiront souvent illĂ©gitimes pour donner leur avis. Ou seront mal Ă  l’aise pour exprimer ce qu’un Ministre, un directeur d’hĂ´pital, une psychologue ou un mĂ©decin pourra ou saura dire s’il a ou si elle a Ă  s’exprimer Ă  propos de son propre travail. Donc, lĂ , aussi, ce qu’ont vĂ©cu ou vivent Sue et Dei au travail, dans un service de gĂ©riatrie ou dans un autre service Ă  l’hĂ´pital ou dans une clinique, ça ne compte pas. ça n’existe pas. Il n’y a pas de chiffres pour ça. On va me parler du nombre des arrĂŞts de travail. Mais toutes les fois oĂą Sue, avant de se dĂ©molir l’Ă©paule, avait trop portĂ© ou s’Ă©tait retrouvĂ©e seule. Toutes les fois oĂą Dei a acceptĂ© l’inacceptable qu’elle trouve tellement normal qu’elle ne m’en a pas parlĂ©. Cela n’est pas comptabilisĂ©. Cette comptabilitĂ© destructrice se dĂ©compte dans le corps et dans le moral des soignants.

 

La profession infirmière, une profession qui avance, Ă©clairĂ©e par des chiffres qui lui tombent dessus, avec lesquels elle doit faire. Et se taire. Telle une femme battue qui va s’en prendre une si elle se met Ă  parler et Ă  penser. 

 

Franck Unimon, Jeudi 28 octobre 2021.

 

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Cinéma

MĂŞme les souris vont au paradis/ un film d’animation de Jan Bubenicek et Denisa Grimmova

Même les souris vont au paradis/ un film d’animation de Jan Bubenicek et Denisa Grimmova

 En salles Ă  partir de ce mercredi 27 octobre 2021. (Je prĂ©sente mes excuses aux deux rĂ©alisateurs pour avoir un peu « francisĂ© Â» l’orthographe de leur nom de famille).

Parfois, ma fille me demande de chanter, de pratiquer certains jeux avec elle ou de lui raconter une histoire drôle. C’est à nouveau arrivé samedi dernier alors que nous marchions vers la gare. Je lui faisais la surprise de l’emmener voir le film d’animation tchèque Même les souris vont au paradis à Paris, au cinéma Les 3 Luxembourg. Celui-ci faisait partie de la programmation du festival du cinéma tchèque qui a eu lieu du 22 au 24 octobre. Jamila Ouzahir, l’attachée de presse avec laquelle je travaille régulièrement, m’avait fait parvenir des informations concernant ce festival du cinéma tchèque qui allait se tenir. Et, La directrice du festival, Markéta Hodouskova ( je présente à nouveau mes excuses pour le fait de franciser un peu son nom ) a bien voulu nous inviter, ma fille et moi, pour cette séance.

A droite, Markéta Hodouskova ( directrice du festival du cinéma tchèque). Au milieu, le producteur Vladimir Lhotak. A gauche, le producteur Alexandre Charlet. Au cinéma Les 3 Luxembourg, 67 rue Monsieur le Prince, Paris, 6ème. Samedi 23 octobre 2021.

Adultes, avec ou sans enfants, nous pouvons souvent nous concentrer beaucoup sur ce que nous prĂ©parons. Quel que soit le projet, nous Ă©voluons alors au moins dans deux temporalitĂ©s ou dans deux dimensions qu’il s’agit de faire coĂŻncider. Un certain nombre d’actions et de fonctions qui contribuent Ă  la rĂ©alisation effective de notre projet. Des actions et des fonctions si familières que nous les faisons souvent sans sourciller, de manière automatique dans l’ordre ou dans le dĂ©sordre : marcher, faire la vaisselle, prendre un repas, se moucher, s’habiller, se doucher, rĂ©cupĂ©rer nos clĂ©s d’appartement, fermer une porte, Ă©teindre la lumière, se brosser les dents, partir.

Tout ça pour arriver à notre action principale, proprement dite qui, ici, consistait à être à l’heure pour la séance à 15h, en se rendant au bon cinéma.

 

Puis, comme c’est le cas dans toute cette organisation usuelle, mais aussi très théorique et individuelle, arrive souvent l’imprévu. Insolite, heureux, amusant ou désagréable. Cela peut être un événement que l’on observe à la périphérie, dont on est le témoin ou la victime.

Ce peut-ĂŞtre aussi un Ă©vĂ©nement dont on est le papa. Car un vĂ©ritable enfant, et qui se comporte comme tel, mĂŞme si l’on a choisi de le  concevoir, qu’on l’a voulu et qu’on l’avait donc « prĂ©vu Â», c’est un cortège d’imprĂ©vus Ă  lui tout seul. Les enfants nous font rĂ©gulièrement entrer dans la 3D que l’on y soit prĂŞt ou non. Que l’on aime improviser ou pas. 

Je considère donc que lorsque l’on vit avec un enfant, que lorsque l’on est avec un enfant, qu’il faut disposer d’au minimum trois cerveaux en activitĂ© ou qui disposent de la particularitĂ© de pouvoir, assez rapidement, nous faire dĂ©coller afin de pouvoir nous transporter jusqu’au lieu ou dans la dimension oĂą l’action et l’Ă©motion principale culminent. 

Me mettre Ă  chanter…. je suis en train de penser au billet de train Ă  acheter. A l’heure oĂą nous aurons un train. Au temps du trajet. Au parcours que je visualise. A des calculs plus ou moins compliquĂ©s afin d’Ă©valuer si nous serons Ă  l’heure car ma fille a voulu , ce n’Ă©tait pas prĂ©vu , aller Ă  la mĂ©diathèque, je ne pouvais pas refuser. En descendant son vĂ©lo, ça aussi, ce n’Ă©tait pas prĂ©vu, je ne pouvais pas refuser. Et, lĂ , ma fille voudrait que je chante comme elle vient de le faire alors que nous marchons main dans la main vers la gare…

Je n’ai rien contre le fait de chanter mĂŞme si, malheureusement, je chante encore très faux. Mais en entendant la requĂŞte de ma fille qui venait de m’interprĂ©ter une chanson, je me suis aussitĂ´t retrouvĂ© aphone. Cela me rappelle ma première thĂ©rapeute, qui, après que je lui aie racontĂ© des moments sensibles et importants de ma vie me demandait :

« Et, qu’est-ce que tu ressens ? Â». Ma voix restait alors sur place. Mon cerveau, lui, enregistrait bien sur son registre l’écho de la question. Puis, cet Ă©cho, tombait, inerte et abandonnĂ©, devant le tombeau qu’était instantanĂ©ment devenu mon cerveau sans que je ne parvienne Ă  lever le moindre petit doigt. Tandis qu’interdit, je me dĂ©couvrais complètement infirme et momifiĂ© devant une question aussi simple. 

Adultes, nous sommes souvent récompensés lorsque nous avons un cerveau bien dressé.

Un enfant, un film d’animation, pour pouvoir bien se sentir avec lui ou devant lui, nécessite d’avoir encore en soi suffisamment de parties de notre cerveau non dressées.

Non, dans MĂŞme les souris vont au paradis, il n’y a pas de chant. Si vous le pensez maintenant, sans avoir vu le film, c’est parce-que je parle tellement de chant depuis le dĂ©but de cet article, que, d’une certaine façon, et bien malgrĂ© moi,  j’ai presque « dressé » ou habituĂ© votre cerveau Ă  penser ou Ă  croire qu’il est question de chants dans cette oeuvre. 

 

Le Cinéma les 3 Luxembourg, samedi 23 octobre 2021, Paris 6ème. Le producteur Alexandre Charlet.

 

Ceci est un paradoxe vivant : les deux expĂ©riences, « faire Â» un enfant, « faire un film d’animation»

( Ă©crire un article ?),  pour qu’elles rĂ©ussissent dans les grandes lignes, nĂ©cessitent tout de mĂŞme au moins deux aptitudes contraires. Voire davantage.

Organiser, ĂŞtre dressĂ© et dresser. Mais aussi pouvoir permettre, dans une grande confiance et avec un fort sentiment d’optimisme, l’expression de l’inverse. Le chaos, c’est peut-ĂŞtre lorsque l’une de ces deux actions l’emporte trop aveuglĂ©ment, trop longuement et trop durement sur l’autre.

A gauche, Whizzy, face Ă  elle, Ă  droite, Whitbelly.

 

Samedi, après la projection de MĂŞme les souris vont au paradis, les enfants dans la salle ont aimĂ© poser des questions aux deux producteurs prĂ©sents. MĂŞme les souris vont au paradis est le rĂ©sultat d’une coproduction composĂ©e de plusieurs cerveaux europĂ©ens en provenance de la RĂ©publique tchèque, de la France, de la Belgique et de la Slovaquie. Mais j’ai aussi entendu parler d’une partie du travail qui avait Ă©tĂ© effectuĂ©e en Pologne.

 

Les producteurs Vladimir Lhotak ( tchèque) et Alexandre Charlet ( français) Ă©taient prĂ©sents, samedi. Deux hommes, deux adultes, deux professionnels, deux techniciens. Mais aussi, sans doute, deux grands enfants. Deux grands enfants qui ont pris la peine de prĂ©venir, avant la projection :

« Certaines scènes peuvent faire peur dans MĂŞme les souris vont au paradis mais, Ă  la fin, cela se termine bien ».

J’avais déjà eu l’occasion de croiser des réalisatrices et des réalisateurs de courts métrages d’animation. Et, je m’étais déjà demandé de quoi était fait leur ordinaire. Comment ceux-ci parvenaient-ils à vivre au quotidien en maintenant, vivante et active, en eux, une telle part d’enfance ?

Alexandre Charlet a spontanĂ©ment rĂ©pondu Ă  cette question que je n’ai pas posĂ©e.J’étais peut-ĂŞtre redevenu parfaitement aphone sous l’effet de mon cerveau très bien dressĂ©. D’ailleurs, après la sĂ©ance, j’ai Ă©tĂ© incapable de dire autre chose que  Â Â» J’ai bien aimé ». Je n’avais rien d’autre Ă  dire. Je suis restĂ© lĂ , quelques minutes, Ă  cĂ´tĂ© des deux producteurs et de MarkĂ©ta Hodouskova, Ă  Ă©couter.  J’ai Ă©tĂ© totalement incapable ( ou inapte) de saisir la proposition d’interviewer les deux producteurs. Proposition que MarkĂ©ta Hodouskova m’a faite Ă  deux reprises mais que j’ai dĂ©clinĂ© en Ă©tant assez embarrassĂ©. Au point qu’elle s’est peut-ĂŞtre demandĂ©e qui Ă©tait ce journaliste timorĂ© que j’incarnais.

La technique des films d’animation, d’une façon gĂ©nĂ©rale, me livre Ă  ma petitesse. Je ne suis pas technicien. Je ne prĂ©tends pas avoir ce genre de compĂ©tences. Je ne sais pas dessiner. Je suis Ă©patĂ© par les mondes mais aussi le coup d’oeil que peuvent proposer des dessinateurs « traditionnels ». Alors, des rĂ©alisateurs et des concepteurs de films d’animation….

J’ai besoin de croire dans les questions que je pose. Or, avec les films d’animation, on est souvent entre deux ou trois extrĂŞmes : d’un cĂ´tĂ©, une très haute technicitĂ© et une très grande habilitĂ©. Au milieu, une très forte crĂ©ativitĂ©. Et, Ă  l’autre bout de la chaine, de l’Ă©motion et de l’enfance en grandes quantitĂ©s et sur de grandes surfaces : celles que l’on peut se permettre de voir et de retrouver en soi. 

Il y a sans doute des gens, qui, comme lorsqu’ils se rendent Ă  l’opĂ©ra, y vont comme s’il s’agissait d’une expĂ©rience ordinaire qui consiste Ă  manger des chips, des cacahuètes ou Ă  appuyer sur une chasse d’eau dans les toilettes. Je crois vivre ce genre d’expĂ©rience, mais aussi mes relations dans la vraie vie en gĂ©nĂ©ral, un petit peu diffĂ©remment. Je les prends assez frontalement. Soit je me barricade , m’illusionne,  ou ne vois d’abord rien. Soit cela m’Ă©treint tout de suite de près, et, ensuite, si je veux pouvoir Ă©crire, j’ai d’abord besoin d’assimiler ce que j’ai vĂ©cu. Je n’ai pas l’aptitude mondaine-  oui, c’est une aptitude– de certaines personnes Ă  parler de tout et de rien. Cela se voit tout de suite que je ne suis pas dans le sujet dont on discute ou que je ne suis pas raccord. 

Au cinéma les 3 Luxembourg, le producteur Alexandre Charlet, Paris 6ème. samedi 23 octobre 2021.

 

Le producteur français de MĂŞme les souris vont au paradis, Alexandre Charlet, la quarantaine, m’a touchĂ© lorsqu’il a dit ĂŞtre triste de voir que le film d’animation Le sommet des dieux rĂ©alisĂ© par Patrick Imbert ( sorti en salles le 21 septembre 2021) Ă©tait aussi peu vu. Une affiche de ce film d’animation Ă©tait visible dans le cinĂ©ma en sortant de la salle. Cela m’a rappelĂ© que j’avais lu de très bons Ă©chos Ă  son propos et, aussi, que je ne l’avais pas vu. 

J’ai aussi Ă©tĂ© surpris lorsqu’Alexandre Charlet a dit, après la projection, avoir Ă  nouveau eu les larmes aux yeux, lorsque, dans MĂŞme les souris vont au paradis, le renard Whitbelly se « jette Â» devant la trop arrogante et inconsciente Whizzy pour la protĂ©ger lors d’un certain passage. Car Alexandre Charlet a dĂ» voir et dĂ©tailler ce film un certain nombre de fois. En tant que producteur, technicien et en tant que personne. Donc, entendre qu’il continuait de ressentir une telle Ă©motion devant ce passage Ă©tait pour moi surprenant. 

 

J’ai dĂ©jĂ  pleurĂ© devant un film. Je n’ai pas pleurĂ© devant MĂŞme les souris vont au paradis. De mĂŞme que je ne suis pas parvenu Ă  chanter en prenant le train avec ma fille pour la sĂ©ance. Mon cerveau trop bien dressĂ© l’a sans doute emportĂ©, ce samedi.  Mais il m’a aussi permis, malgrĂ© ma fatigue, samedi -car j’étais fatiguĂ©- de nous faire arriver Ă  l’heure Ă  la sĂ©ance de MĂŞme les souris vont au paradis.

 

J’ai aimĂ© ce film d’animation qui parle de nos peurs, du courage, du sacrifice, du deuil, de la mĂ©moire, de l’amour pour nos parents mais aussi pour nos enfants, de la loyautĂ©, de l’amitiĂ©, de l’inconnu, de la mort, de la vie après la mort, de l’existence d’une seconde chance pour tenter de raccommoder nos erreurs et nos pensĂ©es passĂ©es. 

Je ne me suis pas endormi pendant la sĂ©ance. J’ai vu ma fille pleurer silencieusement Ă  deux reprises. J’ai mĂ©morisĂ© la première fois et ce qui se passait alors sur l’Ă©cran. J’ai aussi pris la main de ma fille dans la mienne. Plus tard, elle m’a confirmĂ© avoir beaucoup aimĂ© ce film d’animation.

Le producteur Alexandre Charlet explique ce que c’est que filmer en stop motion avant la projection de  » MĂŞme les souris vont au paradis ». Ce samedi 23 octobre 2021 au cinĂ©ma Les 3 Luxembourg, Paris 6ème. A droite, MarkĂ©ta Hodouskova.

 

MĂŞme les souris vont au paradis a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© principalement en stop motion. Le producteur Alexandre Charlet avait expliquĂ© en quoi cela consistait avant le dĂ©but de la projection. Le film d’animation comporte plus de 120 000 images a-t’il Ă©tĂ© rĂ©pondu lors du dĂ©bat qui a suivi.

 

 

Le rĂ©sumĂ© de MĂŞme les souris vont au paradis  dans le programme du festival commence ainsi :

 

« Après un malencontreux accident, une jeune souris au caractère bien trempĂ© et un renardeau plutĂ´t renfermĂ© se retrouvent au paradis des animaux. Dans ce monde nouveau, ils doivent se dĂ©barrasser de leurs instincts naturels et suivre un parcours semĂ© d’embĂ»ches vers une vie nouvelle Â».

 

Le seul aspect qui me dĂ©range dans l’histoire comme dans ce rĂ©sumĂ©, c’est le principe de se dĂ©barrasser «  de leurs instincts naturels Â». J’ai dĂ©jĂ  vu ce concept dans un autre film d’animation et j’ai du mal Ă  y croire. Alors, je prĂ©fère remplacer les termes « instincts naturels Â» par le mot Â«prĂ©jugĂ©s». Cela me semble plus juste et plus rĂ©aliste. Parce-que c’est Ă  cela que mon cerveau dressĂ© d’adulte peut croire. Je ne vais quand mĂŞme pas raconter Ă  ma fille qu’elle peut devenir amie avec une hyène dans la sociĂ©tĂ© humaine ou dans la nature. Je vais plutĂ´t essayer de lui apprendre Ă  la reconnaĂ®tre sous ses diffĂ©rents aspects et ses diffĂ©rentes intonations. Et, autant que possible, comment Ă©chapper Ă  la hyène ou se dĂ©fendre contre elle. 

A gauche, Markéta Hodouskova et le producteur tchèque, samedi 23 octobre 2021, au cinéma les 3 Luxembourg, Paris 6ème, lors du festival du cinéma tchèque.

 

Hormis ça, je suis bien sĂ»r content d’ ĂŞtre venu. Cette annĂ©e, je n’avais pas la disponibilitĂ© pour voir d’autres oeuvres qui ont Ă©tĂ© projetĂ©es lors de ce festival du cinĂ©ma tchèque.

Je suis aussi content d’avoir un peu entendu parler Tchèque après la projection. MĂŞme si je ne connais pas cette langue et ne suis jamais allĂ© dans ces rĂ©gions oĂą l’on parle Tchèque.

Je recommande d’aller voir MĂŞme les souris vont au paradis que l’on soit un enfant ou un adulte. Et, cela, qu’on aille le dĂ©couvrir avec ou sans enfants.

Adulte, on peut prĂ©fĂ©rer aller le voir tout seul. Surtout que certains enfants sont capables de vous demander de chanter pendant la sĂ©ance. Ou, d’autres, de vous regarder pleurer et de vous demander ensuite de manière très dĂ©sagrĂ©able :

«  Mais qu’est-ce qui t’arrive ?! Â».

 

Mais, entraĂ®nĂ© par mon cerveau dressĂ© pour composer cet article, j’avais dĂ©ja oubliĂ© presque le principal dans cet article. J’avais demandĂ© Ă  ma fille de faire un dessin ou de m’Ă©crire ce qu’elle avait pensĂ© de MĂŞme les souris vont au paradis.Voici ce qu’elle avait Ă©crit le lendemain  : 

«  C’est sympa de voir une souris qui est amie avec un renard. Mais c’est triste de voir Gros Croc tuer le père de Whizzy. Mais si j’étais Whitebelly, je saurais dĂ©jĂ  qu’être attachĂ© Ă  Whizzy, je pense que ce ne serait pas pratique du tout. Â» ( Emmi).

Franck Unimon, ce mercredi 27 octobre 2021. ( avec la participation d’Emmi).