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Rewind and play un film d’Alain Gomis

Rewind and play un film documentaire d’Alain Gomis

Au cinéma le 11 janvier 2023.

 

On l’oublie Ă  voir la mine Ă©blouie de ThĂ©lonius Monk alors qu’il descend sur le tarmac de l’aĂ©roport de Paris en 1969 Ă  l’ñge de 52 ans et qu’il est dĂ©jĂ  un artiste reconnu. Mais lorsque l’on arrive dans un nouveau pays on s’attend Ă  ce que la vie y soit diffĂ©rente.

 

Le nouveau film du rĂ©alisateur Alain Gomis est constituĂ© du montage d’archives qu’il a retrouvĂ© du passage de ThĂ©lonius Monk, et de sa femme Nellie, Ă  Paris.

 

Le pianiste de jazz ThĂ©lonius Monk ( 1917-1982) ne dira pas grand chose Ă  celles et ceux qui sont nĂ©s Ă  partir des annĂ©es 1980 ou qui ne voient par exemple que par MylĂšne Farmer, AngĂšle, Soprano, Damso, Jul, PNL, Goldman et Jones, les Stones, BeyoncĂ©, Booba ou Billie Eilish. Pour les autres, historiens, amateurs de ThĂ©lonius Monk ou de jazz, ce « documentaire Â» intrigue.

 

Gomis laisse parler les images ainsi que le puzzle Monk. Ce sont des mystĂšres visuels. Ceux-ci nous paient en musique. Souvent mutique, probablement psychotique, la dysarthrie de Monk, ses absences et son incapacitĂ© Ă  s’avancer jusqu’à une Ă©locution simple, malgrĂ© les efforts du journaliste français qui l’entoure,  nous font d’abord regretter son naufrage parmi les hommes.

 

Monk ressemble alors au Lenny des Souris et des hommes de Steinbeck. Pour sa grande taille massive, et sa façon d’ĂȘtre Ă  cĂŽtĂ© dĂšs lors qu’il cesse d’arpenter le clavier d’un piano.

Et sa femme Nellie, avec ses lunettes fantaisistes Ă  la Bootsy Collins,  bien que mieux parĂ©e pour correspondre, semble aussi s’ĂȘtre tĂ©lĂ©portĂ©e depuis un autre monde que celui que nous apprĂ©hendons.

 

A priori, pourtant, nous sommes entre de bonnes mains. Monk, Ă  Paris, donc en Europe, est reçu comme une personnalitĂ© du Jazz qui, aux Etats-Unis, parce-que noir, parce-que Jazz man, passe inaperçu. Et, l’accueil du journaliste qui reçoit Monk peut d’abord faire penser Ă  l’hommage que rendra plus tard au Jazz le rĂ©alisateur Bertrand Tavernier avec son film Autour de Minuit (1986).

 

Puis, le malaise grandit. Il est difficile de savoir si, dĂšs son arrivĂ©e en France, ou mĂȘme avant, ce malaise Ă©tait dĂ©ja prĂ©sent. Car le journaliste français (blanc) semble ĂȘtre un vĂ©ritable amateur de Jazz et on l’envie alors qu’il raconte sa « proximitĂ© Â» avec ThĂ©lonius Monk,  ses sĂ©jours aux Etats-Unis et quelques moments historiques du Jazz avec Dizzy Gillespie, Sonny Rollins ou John Coltrane. On envie aussi ce journaliste quand il Ă©voque quelques clubs de Jazz qui ont fait l’Histoire. Au dĂ©part, on a donc une certaine sympathie pour ce journaliste qui tente, de diffĂ©rentes façons, d’entrer en relation avec ThĂ©lonius Monk et de faire en sorte que celui-ci participe davantage au tournage de l’émission tĂ©lĂ©visĂ©e.

 

Sauf que Monk lui échappe en permanence.

 

« Fais comme tu veux Â» ou « Fais comme bon te semble Â» articule Monk difficilement. On comprend que tout ce que Monk veut, c’est ĂȘtre devant son piano et en jouer. No Bullshits. On est trĂšs trĂšs loin de la Star AcadĂ©mie ou de toutes sortes de minauderies pour faire joli. Seule compte la musique. Et, c’est d’ailleurs elle seule qui le dompte. Les prises pour l’émission s’accumulent telles des secondes gĂąchĂ©es dans un cendrier. Difficile de trouver la bonne prise entre les ratĂ©s du journaliste et Monk qui se dessaisit de l’étreinte de ce que l’on veut lui faire dire. Ou jouer.  

 

Nous avons droit Ă  quelques trĂšs beaux solos de Monk au piano dans Rewind and play. Mais plus le temps passe et plus la relation entre lui et le journaliste blanc, amateur de Jazz, devient la taule dont Monk, l’esclave noir ou le hamster, doit se contenter selon le souhait du Maitre. Pas bouger. Toi, obĂ©ir et faire comme on te dit.

En regardant Monk et ses sourires de politesse, on croit alors voir plusieurs fois un esclave du sud des Etats-Unis tels qu’on a pu nous les dĂ©crire du temps de l’esclavage.

Le journaliste, qui se veut sans doute ouvert d’esprit n’a de cesse de rappeler que lors son premier passage en France 15 ans plus tĂŽt, en 1954 ( annĂ©e du dĂ©but de la guerre d’AlgĂ©rie, laquelle n’est pas mentionnĂ©e), sa musique Ă©tait sans doute « encore trop avant gardiste Â» et le public français ne l’avait alors pas « comprise Â». Sauf qu’ensuite, l’esprit rĂ©trograde de ce mĂȘme journaliste- qui n’a pas compris- produit des Ă©tincelles. Et ce n’est pas du Be Bop.

 

Lorsque Monk s’exprime enfin librement et suggĂšre le racisme qu’il a subi car, malgrĂ© son statut de musicien cĂ©lĂšbre, il avait Ă©tĂ© moins bien payĂ© que les musiciens ( blancs) qui l’accompagnaient, le journaliste dĂ©cide de couper ce passage, le jugeant « dĂ©sobligeant Â». On dĂ©couvre alors que mĂȘme en Europe oĂč il est donc dĂ©sormais adulĂ©, Monk n’est qu’un Noir qui doit rester Ă  sa place dans son rĂŽle de sous-homme seulement compĂ©tent pour divertir des blancs condescendants et ignorants  comme ont pu les  dĂ©crire certains hĂ©ros de la NĂ©gritude tels CĂ©saire ou Senghor.

 

MalgrĂ© la barriĂšre de la langue (Monk ne parle pas Français) Monk dĂ©chiffre parfaitement son interlocuteur. Peut-ĂȘtre parce-que, oĂč qu’ils soient dans le Monde, tous les racistes composent le mĂȘme fond de notes. Et, Monk, en a assez de ces singeries.  

Rewind and Play sortira au cinéma le 11 janvier 2023.

Franck Unimon, ce vendredi 23 décembre 2022

 

 

 

 

 

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Saint Omer un film d’Alice Diop sorti au cinĂ©ma ce 23 novembre 2022

Saint Omer, un film d’Alice Diop sorti au cinĂ©ma ce mercredi 23 novembre 2022.

 

 

Chaque crime nous rappelle que nous restons au bord de l’abüme. Nous avons beau courir.

On comprend donc, facilement, que pour Ă©crire le scĂ©nario de Saint Omer, sa premiĂšre Ɠuvre de fiction, la rĂ©alisatrice Alice Diop ( La Mort de Danton, La Permanence, Nous ) se soit entourĂ©e de sa monteuse Amrita David et de l’écrivaine Marie Ndiaye.

 

Puisque Saint Omer relate le procĂšs d’un fait divers oĂč, en 2015,  une mĂšre avait « dĂ©posĂ© Â» en pleine nuit sa fille de 15 mois au bord de la mer Ă  Berck sur Mer, provoquant ainsi sa mort par noyade.

 

 Saint Omer est d’abord un film de femmes. Un film oĂč tous les premiers postes sont occupĂ©s par des femmes :

 

La rĂ©alisatrice, les scĂ©naristes, la mĂšre infanticide Laurence Coly, le personnage principal et double de la rĂ©alisatrice, les mĂšres de Laurence Coly comme du personnage principal (Rama), la juge, l’avocate de l’accusĂ©e


 

A cette sorte de solidaritĂ© fĂ©minine ou de sororitĂ©, Alice Diop a ajoutĂ© les renforts de la littĂ©rature (dont Marguerite Duras et Marie Ndiaye), un travail d’archives (les femmes tondues Ă  la fin de la Seconde Guerre mondiale, des images de la vie familiale passĂ©e du personnage principal) ainsi que son intimitĂ© et son expĂ©rience de ce procĂšs auquel elle avait assistĂ© alors qu’elle Ă©tait enceinte.

L’hĂ©roĂŻne, Rama ( l’actrice Kayije Kagame) est ainsi romanciĂšre en plus d’ĂȘtre enseignante, mais a aussi du mal Ă  accepter sa premiĂšre grossesse lorsqu’elle part assister au procĂšs de Laurence Coly, la mĂšre infanticide. 

Rama ( l’actrice Kayije Kagame)

 

 

Lorsque le rĂ©alisateur Jeff Nichols avait fait Take Shelter, la menace qu’il redoutait pour son enfant Ă  venir Ă©tait extĂ©rieure. En cela, Nichols avait peut-ĂȘtre mis en scĂšne une expĂ©rience et une peur plutĂŽt masculines face Ă  une naissance Ă  venir. Par ailleurs, Jeff Nichols, sans que cela soit un reproche de le souligner, est un homme blanc dans un monde de blancs.

 

Alice Diop, elle, nous parle en peurs intĂ©rieures. Elle a rĂ©alisĂ© Saint Omer en devenant ou aprĂšs ĂȘtre devenue mĂšre pour la premiĂšre fois, d’un enfant mĂ©tis, en Ă©tant une femme noire dans un monde de blancs, Ă  commencer par la France.

Je me rappelle que dans Nous, si je ne me trompe, elle nous avait appris que son pĂšre, parti du SĂ©nĂ©gal pour venir travailler et rĂ©sider en France et qui y avait vu naĂźtre ses enfants, avait accusĂ© le coup en silence lorsqu’elle l’avait informĂ© qu’elle avait l’intention de faire sa vie en France.

 

Il y avait donc pour Alice Diop au moins deux contraintes personnelles de taille Ă  devenir mĂšre en France. D’une part, l’incertitude concernant l’avenir lorsque l’on est une femme noire en France. DĂ©jĂ , ĂȘtre une femme, en soi, reste une situation ou un Ă©tat qui expose Ă  certaines violences ne serait-ce que dans le monde du travail. D’autre part, ĂȘtre noire, rajoute Ă  cette incertitude.

Ensuite, il y avait le fait, pour elle, de contredire le souhait de son pĂšre.

Et, sans doute devrais-je aussi rajouter (j’ai tendance Ă  l’oublier du fait de sa rĂ©ussite en tant que rĂ©alisatrice) qu’Alice Diop a eu aussi Ă  faire ou a sans doute Ă  faire avec la contrainte initiale d’avoir grandi dans un milieu de classe moyenne en banlieue parisienne, Ă  Aulnay Sous Bois. Par lĂ , je fais allusion aux codes sociaux Ă  intĂ©grer qui ont sans doute Ă©tĂ© diffĂ©rents de ceux qu’elle connaissait (et qu’elle connaĂźt) lorsqu’elle s’est lancĂ©e dans une carriĂšre dans le cinĂ©ma qui compte parmi beaucoup de ses intervenants des personnes d’un milieu socio-Ă©conomique et ou culturel plutĂŽt Ă©levĂ© ou favorisĂ©.

 

 

Le Fait divers

 

Lorsqu’arrive ce fait divers d’une mĂšre infanticide, trĂšs vite, qu’Alice Diop devine ĂȘtre d’origine sĂ©nĂ©galaise, tout comme elle,  elle est enceinte pour la premiĂšre fois de sa vie. La rĂ©alisatrice l’explique au moins dans cette interview que l’on peut lire dans le journal LibĂ©ration sorti ce mercredi 23 novembre.

 

Toujours dans cette interview, Alice Diop explique aussi avoir Ă©tĂ© particuliĂšrement attirĂ©e par ce fait divers. Ce qui est contraire Ă  ses habitudes, elle qui prise assez peu ce genre d’évĂ©nements.

Ce fait divers la dĂ©cide Ă  se rendre au procĂšs contre l’avis de son compagnon et sans rien en dire Ă  quiconque par ailleurs. Elle est alors sans projet de film sur le sujet Ă  cette Ă©poque.

 

Une expérience hors normes

 

 

Pour le peu que j’arrive Ă  en connaĂźtre, la grossesse est une expĂ©rience hors normes mais aussi hors morale. Il existe bien des injonctions morales ou sociales qui dictent ce qu’une femme et un homme devraient faire  ou ressentir lors de ces expĂ©riences et de ces Ă©tapes de la vie. Mais, dans les faits, cela peut se passer autrement. Une femme alors qu’elle est enceinte, peut ĂȘtre ambivalente et avoir  des idĂ©es de mort. Certaines psychoses se dĂ©clarent aussi lors de la grossesse. On parle alors de psychose puerpĂ©rale.

 Saint Omer raconte aussi ça. Comment une femme, Ă©duquĂ©e, brillante intellectuellement, trĂšs cĂąline avec des enfants qu’elle avait pu garder pendant deux Ă  trois ans, peut, « in fine Â», dissimuler autant que possible sa grossesse, accoucher seule, prendre un train, rĂ©server une chambre d’hĂŽtel, puis, en pleine nuit, Ă©quipĂ©e d’une lampe frontale, partir dĂ©poser son enfant au bord de la plage alors que la marĂ©e monte.

 

Dans son interview, toujours dans le journal LibĂ©ration de ce 23 novembre 2022, Alice Diop dit que la journaliste du journal Le Monde qui avait Ă©crit sur ce fait divers s’est reprochĂ©e a postĂ©riori d’avoir Ă©crit que cette mĂšre avait « dĂ©posĂ© Â» son enfant. Et qu’elle aurait dĂ» Ă©crire « NoyĂ© Â». Alice Diop prĂ©cise dans l’interview  que si cette journaliste avait Ă©crit « NoyĂ© son enfant Â», qu’il n’y aurait pas eu de film.

 

Un procĂšs est aussi une expĂ©rience qui peut s’avĂ©rer ĂȘtre hors normes. Mais Saint Omer n’est pas le procĂšs d’une grossesse.

 

Film de femmes et ouvertement en faveur d’une meilleure reprĂ©sentation des Noirs dans le cinĂ©ma français (Rama, le personnage principal, est enseignante et plutĂŽt taciturne, ce qui nous change de la femme de mĂ©nage ou de la doudou rigolote), Saint Omer laisse Ă©galement place Ă  certaines rĂ©miniscences traumatiques.

Laurence Coly ( l’actrice Guslagie Malanda)

 

 

La premiĂšre fois que Laurence Coly ( l’actrice Guslagie Malanda), l’accusĂ©e, est emmenĂ©e Ă  la cour, et attachĂ©e dans le dos, pour le dĂ©but de son procĂšs, il m’a Ă©tĂ© impossible de ne pas penser Ă  l’esclavage. Pendant quelques secondes, avant que la juge ne prenne la parole, Laurence Coly fait alors penser soit Ă  la femme esclave que l’on va vendre ou Ă  celle que l’on va livrer Ă  la vindicte publique.

 

Mais Alice Diop avait prĂ©venu dĂšs le dĂ©but de son film, avec ces images des femmes tondues Ă  la libĂ©ration et ce commentaire qui dit que « Les hĂ©ros (donc des hommes) Â» qui tondent ces femmes sont des « hĂ©ros sans imagination Â». Diop nous dit que si ces femmes ont commis l’irrĂ©parable, qu’il y a une autre façon de s’y prendre avec elles qu’en procĂ©dant Ă  cette humiliation publique qui laissera en elles une « flĂ©trissure Â».

 

Saint Omer cherche donc à comprendre cette mùre infanticide plus qu’à la bannir.

 

La Puissance féminine

 

 

Pour cela, j’avais dĂ©jĂ  commencĂ© Ă  en parler, je comprends qu’Alice Diop ait eu besoin de deux autres personnes avec elle pour le scĂ©nario et le portrait de cette femme. D’un cĂŽtĂ©, Amrita David, sa monteuse depuis plusieurs films. Et Marie Ndiaye, l’écrivaine, mais aussi mĂšre, je crois, de deux enfants Ă©galement mĂ©tis et l’aĂźnĂ©e (12 ans les sĂ©parent) de quelques annĂ©es d’Alice Diop.

 

Selon moi, cette mĂšre infanticide, d’aprĂšs ce que j’en vois dans Saint Omer ,est psychotique. Pour sa froideur, pour sa façon de parler de sa fille comme d’un objet fonctionnel ou une mĂ©canique. Pour sa maniĂšre de faire plus que d’ĂȘtre ou de vivre.

Je remarque aussi que cette mĂšre se sĂ©pare de sa fille lorsqu’elle a quinze mois, soit, lorsque celle-ci commençait peut-ĂȘtre Ă  marcher et, donc,  Ă  devenir autonome et Ă  pouvoir commencer Ă  se sĂ©parer d’elle.

 

Avec Marie Ndiaye, cette femme devient quelque peu une femme puissante. Je me trompe peut-ĂȘtre en Ă©crivant ça. Peut-ĂȘtre ou sans doute que cette idĂ©e de puissance provient-elle des trois femmes scĂ©naristes. Mais, avant mĂȘme de savoir que Marie Ndiaye avait participĂ© Ă  l’écriture du scĂ©nario, j’ai trop senti cette empreinte ou ce « label Â» de la puissance de Marie Ndiaye sans avoir pour autant lu un seul de ses livres.

 

SĂ»rement parce-que s’il peut y avoir une certaine forme de puissance, dans le fait, pour cette femme, d’aller Ă  l’encontre de l’entendement : exposer ou offrir son enfant Ă  la mort.

Pour moi, la puissance est avant tout ou doit ĂȘtre avant tout destinĂ©e Ă  la vie. Je sais bien que c’est faux : il est bien des puissances qui s’exercent sur autrui et plutĂŽt au bĂ©nĂ©fice de la destruction et de la mort. Et pas seulement dans Harry Potter et Black Panther….

Alors, je dirais que j’ai du mal avec cette « puissance Â» attribuĂ©e Ă  cette mĂšre et Ă  cette femme car, contrairement Ă  Duras, citĂ©e dans le film, je ne la trouve pas sublime.

 

Les mĂšres dans Saint Omer

 

 

Pour reprendre des propos du compagnon de Rama, Adrien ( l’acteur Thomas de Porquery), les mĂšres dans le film sont plutĂŽt « cassĂ©es ». Adrien parle alors de la mĂšre de Rama quand il lui explique:

« Ta mÚre est cassée ».

Mais la mĂšre de Laurence Coly, mĂȘme si elle essaie de faire bonne figure, l’est Ă©galement. Mais pas de la mĂȘme façon que la mĂšre de Rama. Si la mĂšre de Laurence Coly reste sĂ»re de son fait comme de la bonne Ă©ducation qu’elle a pu lui donner, la mĂšre de Rama est plutĂŽt une mĂšre dĂ©faite. On a plutĂŽt envie de ramener la premiĂšre Ă  la raison mais on « devine » que celle-ci se montrera si combattive qu’il sera sĂ»rement impossible d’y parvenir. Alors que l’on a assez envie de prendre la seconde dans nos bras afin de tenter de la consoler. Sauf que cela est aussi impossible car cette mĂšre reste suffisamment forte pour rĂ©sister Ă  ce rĂ©confort et s’Ă©loigner.

Dans Saint Omer , Laurence Coly, qui a Ă©tĂ© une enfant parfaite et une Ă©lĂšve brillante, parle peut-ĂȘtre telle que ces deux mĂšres auraient certaines fois voulu le faire si cela avait Ă©tĂ© possible pour elles dans un monde d’hommes. Saint Omer nous suggĂšre peut-ĂȘtre que pour que la parole soit donnĂ©e aux femmes, dans notre monde d’hommes, qu’il leur faut d’abord passer par le crime. 

Personne ne cherche Ă  entendre ou Ă  savoir ce que pense ou ressent une Ă©lĂšve brillante et sans histoire. Comme personne ne cherche Ă  savoir ce que pense ou ressent la mĂšre de Rama, lorsque dans le film, parĂ©e de ses bijoux et de sa belle robe et apparaissant comme une femme brillante et parfaite, grosse de sa tristesse que seule l’enfant Rama vit et perçoit, elle apporte un repas de rĂ©jouissance pour les convives attablĂ©s. 

Le seul trait d’humour, involontaire et « forcĂ©ment » trĂšs noir, du film intervient lorsque Laurence Coly raconte qu’une fois arrivĂ©e Ă  Saint Omer, c’est une femme, « guide touristique », qui lui a appris oĂč se trouvait la mer. J’essaie d’imaginer un peu, sans y arriver, l’effroi de cette guide aprĂšs la nouvelle de l’infanticide. Cette guide Ă©tait peut-ĂȘtre une mĂšre ou envisageait peut-ĂȘtre de le devenir un jour. 

 

Paroles d’homme

J’ai Ă©crit au dĂ©but de cet article que Saint Omer est un film de femmes. Cela est nĂ©cessaire pour tenter de rĂ©tablir certaines injustices. Mais c’est aussi le travers du film.

D’abord, j’ai du mal avec cette citation de Duras Ă  propos de l’affaire GrĂ©gory car, pour le peu que je sais, rien ne prouve comme l’avait affirmĂ© Duras que la mĂšre du petit GrĂ©gory ait vĂ©ritablement Ă©tĂ© l’auteure du crime.

 

Ensuite, en tant qu’homme, pour ma part, j’aurais plutĂŽt tendance Ă  fuir une femme qui ressemble Ă  Laurence Coly. Je ne parle mĂȘme pas de la mĂšre qui a tuĂ© ou « offert Â» son enfant Ă  la mer. Je parle de la psychose, de sa froideur, de sa psychorigidité 

 

Lorsque Luc Dumontet, son ex compagnon, parle des « jalousies Â» de Laurence Coly, capable d’ĂȘtre en colĂšre «pendant plusieurs jours Â», j’imagine des scĂšnes de jalousie aussi obstinĂ©es que brusques et incomprĂ©hensibles. Ce genre d’attitude ne me donne pas vraiment envie d’avoir une relation avec une personne pareille. Mais pour qui l’a, ce genre de relation est particuliĂšrement difficile.

 

Dans le film, j’ai donc trouvĂ© particuliĂšrement violente cette scĂšne oĂč l’avocate ( Maitre Vaudenay jouĂ©e par AurĂ©lia Petit) de Laurence Coly balance en public Ă  l’ancien compagnon de celle-ci ( Luc Dumontet, jouĂ© par l’acteur Xavier Maly) qu’il a Ă©tĂ© d’une « grande lĂąchetĂ© Â» !

 

Cette avocate, Maitre Vaudenay, commence par prĂ©venir cet homme qu’elle n’est pas lĂ  pour le juger car la couleur de sa robe est noire et non rouge, comme celle de la juge. Puis, finalement, brusquement, Maitre Vaudenay juge Luc Dumontet ( l’ancien compagnon de Laurence Coly) en public. Pour moi, cette femme avocate tond en public l’ancien compagnon de l’accusĂ©e.

 

Que cet homme ait Ă©tĂ© lĂąche, qu’il ait prĂ©fĂ©rĂ© cacher sa relation ou disposer de cette femme et future mĂšre infanticide, soit. Par contre, tout lui reprocher comme s’il avait eu, lui, la capacitĂ© de tenir tĂȘte Ă  cette femme qui (lĂ , je rejoins l’idĂ©e de sa puissance) est le contraire d’une femme docile et qui, qui plus est, est psychotique
.

 

Cet ex compagnon que j’ai vu dans Saint Omer, lorsqu’il raconte cette pĂ©riode heureuse avec Laurence Coly ( l’actrice Guslagie Malanda) et leur enfant m’a beaucoup donnĂ© l’impression d’un homme qui ne savait vraiment pas avec quelle genre de personnalitĂ© il se trouvait. Et qu’il Ă©tait, au fond, complĂštement dĂ©passĂ© alors qu’il vivait, lui, le grand bonheur passĂ© qu’il raconte Ă  la cour.

En cela, cet homme est semblable Ă  beaucoup de personnes, femmes comme hommes, qui, peuvent connaĂźtre des moments importants avec une personne, qui, malgrĂ© ou du fait de l’intimitĂ© partagĂ©e avec elle, ignorent beaucoup d’elle. Pas une seule fois, lorsque Luc Dumontet, l’ancien compagnon de Laurence Coly tĂ©moigne, il ne prononce le mot « Psychose » ou ne semble se dire, ou comprendre, que celle-ci puisse avoir eue une personnalitĂ© « un peu » pathologique. 

 

Et, un homme qui raconte, comme cet ex compagnon le fait, qu’un homme de son Ă©poque ne s’occupe pas des enfants ou ne sait pas s’en occuper, va spontanĂ©ment s’en remettre Ă  la femme et Ă  la mĂšre pour cela, ne me paraĂźt pas ĂȘtre un homme lĂąche. C’est un homme limitĂ©, archaĂŻque ou dĂ©passĂ©, si l’on veut. Mais pas plus lĂąche que bien d’autres.

 

Je le pense d’autant plus qu’assez rĂ©guliĂšrement, je m’interroge Ă  propos de certaines personnalitĂ©s ( masculines) en essayant de les imaginer en train de s’occuper de leurs enfants, bĂ©bĂ©s. Et, j’ai quelques fois bien des doutes- fondĂ©s ou infondĂ©s- concernant leurs capacitĂ©s de «nursing Â» : se lever en pleine nuit lorsque bĂ©bĂ© pleure, changer sa couche, prĂ©parer son biberon, lui donner son biberon,  prendre bĂ©bĂ© dans ses bras, ĂȘtre avec lui Ă  la maison ou sortir avec lui, lui parler….

 

Si je vois Laurence Coly, l’accusĂ©e, comme psychotique, paradoxalement, je ne la vois pas « folle Â» comme son avocate la voit. Je crois que l’avocate de Laurence Coly se rassure beaucoup en voyant sa cliente, Laurence Coly, « seulement » comme  folle. Parce-que si elle est folle, cela veut dire qu’elle est vulnĂ©rable, Ă  soigner et Ă  protĂ©ger. Moi, je ne crois pas que Laurence Coly soit aussi vulnĂ©rable que son avocate la voit. On a une petite idĂ©e de l’aplomb- mais aussi de la maitrise- dont elle peut ĂȘtre capable lorsqu’elle rĂ©pond Ă  l’avocat gĂ©nĂ©ral ( l’acteur Robert Cantarella) qui fait beaucoup plus le poids que son ancien compagnon n’était sans doute capable de le faire dans leur intimitĂ©.

Je ne suis pas persuadĂ© que dans le « couple » que Laurence Coly a formĂ© avec Luc Dumontet, que celle-ci ait toujours Ă©tĂ© la personne dominĂ©e. MalgrĂ© la diffĂ©rence du nombre d’annĂ©es, malgrĂ© la diffĂ©rence de statut social et de couleur de peau.

 

Laurence Coly (l’actrice Guslagie Malanda)

 

 Mais il est plus facile Ă  Maitre Vaudenay de voir l’ex compagnon de sa cliente comme un « lĂąche Â» qui a failli Ă  ses responsabilitĂ©s et, disons le une bonne fois pour toutes, comme un homme Ă  qui il a manquĂ© une bonne paire de couilles. Car c’est ça- en d’autres termes- que l’avocate de Laurence Coly dit Ă  l’ancien compagnon de celle-ci.

Par ailleurs, je suis Ă©tonnĂ© que l’ex compagnon de Laurence Coly ne soit, lui, dĂ©fendu par personne dans la cour. 

 

Mais il n’y a pas que ce portrait de cet homme « lĂąche Â» et sans couilles qui m’a dĂ©rangĂ© dans Saint Omer.

 

Le compagnon ( Adrien, jouĂ© par l’acteur Thomas de Pourquery)  de l’hĂ©roĂŻne est plutĂŽt sympathique. Il a une bonne tĂȘte, c’est un zicos ( musicien) il est ouvert, poli, sociable, solide, patient, comprĂ©hensif. Mais c’est un faire valoir. Il est juste lĂ  pour arrondir les angles, pour servir de confident et de doudou rassurant lorsque Rama, l’hĂ©roĂŻne, craque et Ă  juste titre. A force de rester Ă  proximitĂ© de l’abime, celui-ci finit par prendre la forme de notre visage et de notre regard.

Rama ( Kayije Kagame) avec son compagnon Adrien (Thomas de Pourquery)

 

 

Le compagnon de Rama serait l’homme parfait mais aussi un pĂšre attentif et prĂ©sent. Mais cet homme parfait, tel qu’il est, me dĂ©range beaucoup. Je ne vois pas trĂšs bien oĂč se trouve l’Amour dans ce couple mixte et « moderne Â». Je ne vois pas trĂšs bien ce qui donne envie Ă  cet homme d’ĂȘtre avec cette femme si taciturne. Je ne vois pas trĂšs bien ce qui donne de la vie Ă  leur relation de couple.

 

 

L’autre homme que l’on voit dans le film, c’est l’avocat gĂ©nĂ©ral. Bon. Il fait son travail. On a donc, d’un cĂŽtĂ©, un homme lĂąche qui est pire qu’un pauvre type et qui n’a plus qu’à aller se suicider aprĂšs s’ĂȘtre fait exĂ©cuter publiquement – et froidement- par l’avocate de son ex compagne. On a un homme parfait qui fait office de faire valoir. Et un homme qui fait son travail de procureur. Au suivant.

 

 

On pourrait ajouter le juge d’instruction plus ou moins raciste que l’on voit un peu tĂ©moigner et qui a ou aurait livrĂ©, clĂ©s en mains, Ă  l’accusĂ©e sa mĂ©thode de dĂ©fense. Juge d’instruction remis en cause par l’avocat gĂ©nĂ©ral qui fait plutĂŽt bien son travail de procureur, il me semble.

 

Et puis, surtout peut-ĂȘtre, il y a le pĂšre de l’accusĂ©e, absent au procĂšs, au contraire de la mĂšre. Le pĂšre qui s’est fĂąchĂ© avec elle lorsque celle-ci a pris la dĂ©cision d’arrĂȘter des Ă©tudes de droit pour faire de la philo. Le pĂšre qui a, dĂšs lors, arrĂȘtĂ© de la soutenir financiĂšrement et moralement. Poussant ainsi sa fille Ă  trouver des solutions pour s’en sortir Ă©conomiquement.

 

Il y a aussi le pĂšre disparu de Rama.

Enfin, il y a les femmes, les enfants et les hommes migrants qui se noient en mer en essayant de la traverser. Des personnes que l’on ne voit pas, que l’on ne rencontrera pas, et qui, pour certains, tombent dans les filets des nombres dont on dĂ©verse de temps Ă  autre le contenu en nous apprenant que tant de personnes sont mortes en mer, aprĂšs que les flotteurs de leur embarcation se soient dĂ©gonflĂ©s comme, rĂ©cemment, avec le Viking OcĂ©an, entre l’Angleterre et la France. Si l’on peut faire Ă  peu prĂšs tout dire au « personnage » incarnĂ© par Laurence Coly ou lui prĂȘter une bonne partie de nos projections, de notre attraction comme de notre rĂ©pulsion, selon ce qu’elle nous inspire, les circonstances de la dĂ©couverte du cadavre de la petite Lily sont nĂ©anmoins relatĂ©es dans Saint Omer  par la juge et PrĂ©sidente ( l’actrice ValĂ©rie Dreville). C’est un pĂȘcheur qui dĂ©couvre le cadavre et qui croit, au dĂ©part, qu’il s’agit du corps d’un enfant migrant.

 

On peut  penser que Laurence Coly avait tout pour rĂ©ussir. Qu’elle Ă©tait du bon cĂŽtĂ© de la mer comme on peut ĂȘtre dans le bon quartier d’une ville, Ă  la bonne Ă©poque, dans la bonne Ă©cole, et rĂ©unir les meilleures conditions qui soient pour rĂ©ussir en Ă©tant la mĂȘme personne. Le film Atlantique de Mati Diop peut aussi, un moment, se profiler dans l’horizon de notre mĂ©moire. 

Car on peut considĂ©rer que rĂ©ussir Ă  bien accoucher revient Ă  bien traverser la mer pour se retrouver du bon cĂŽtĂ© de la vie- et, qu’alors que le plus dur a Ă©tĂ© accompli, que Laurence Coly, elle, en quelques minutes, dĂ©truit ce pour quoi d’autres vont prendre tous les risques, voire mourir, sans l’obtenir. Traverser la mer, obtenir une meilleure vie. Donner la vie. Laurence Coly s’en dĂ©tourne car, pour elle, la SĂ©nĂ©galaise partie en France poursuivre des Ă©tudes supĂ©rieures, cela lui rendra la vie plus facile…

 

L’accusĂ©e est dĂ©crite Ă  la fin du film, par son avocate, comme une « femme fantĂŽme Â». Mais, pour moi, les hommes aussi sont des fantĂŽmes dans cette histoire. Mais aussi dans ce film.

 

J’ai aussi Ă©tĂ© perplexe devant les pleurs de l’accusĂ©e Ă  la fin du film. Les pleurs.

 

Les pleurs et les femmes

 

J’espĂšre que l’on ne va pas essayer de se convaincre que parce-que cette accusĂ©e pleure Ă  la fin du film, qu’elle en est plus humaine. Ou qu’elle rejoint enfin, le cercle des ĂȘtres humains. Et qu’il y a donc de l’espoir pour la personne qu’elle est en tant qu’ĂȘtre humain. Laurence Coly n’a jamais cessĂ© d’ĂȘtre humaine. Mais son humanitĂ© menace la nĂŽtre. 

 

Je me demande la raison pour laquelle l’accusĂ©e pleure Ă  la fin du film. Elle peut avoir Ă©tĂ© rĂ©ellement Ă©mue. Elle peut, aussi, pleurer parce-que son avocate, par sa plaidoirie, plus brillante que les suggestions faites par l’instruction plus ou moins raciste, lui indique ainsi comment se comporter. L’accusĂ©e pleure au bon moment. Ce qui pourrait inciter Ă  penser qu’elle vĂ©ritablement des «nĂŽtres». Sauf que mĂȘme sans pleurs, elle Ă©tait dĂ©jĂ  des « nĂŽtres ». 

 

Dans Saint Omer , Alice Diop nous montre une femme qui a dĂ©posĂ© son enfant devant la mer. Devant cette femme, je dĂ©pose mes doutes. Devant le film, je suis partagĂ© mais je suis content qu’il existe et qu’il ait eu des prix. Les acteurs jouent bien. L’actrice Guslagie Malanda ( Laurence Coly) se dĂ©tache. Mais j’ai aussi beaucoup aimĂ© le jeu de l’acteur Xavier Maly ( Luc Dumontel) car bien jouer «un lĂąche Â» est un exercice plutĂŽt difficile.

 

Franck Unimon, ce jeudi 24 novembre 2022

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En Concert

En concert avec Pongo Ă  la Cigale, ce vendredi 18 novembre 2022

Pongo, Ă  la Cigale, ce vendredi 18 novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

En concert avec Pongo Ă  la Cigale ce vendredi 18 novembre 2022.

 

 

Pongo m’était encore inconnue cet Ă©tĂ©. Dans mon entourage, personne ne la connaĂźt. Cela a Ă©tĂ© pareil lorsque j’ai parlĂ© rĂ©cemment de l’humoriste Tania Dutel ( que j’ai envie d’aller revoir) ou de Hollie Cook. Trois femmes, chacune d’une trentaine d’annĂ©es, plutĂŽt Ă©mancipĂ©es. Je ne l’ai pas fait exprĂšs.

 

Si Pongo est angolaise, Tania Dutel est française ( L’humoriste Tania Dutel sur scĂšne Ă  la Nouvelle Eve)  et Hollie Cook ( En concert avec Hollie Cook au Trabendo), elle, Anglaise.

 

C’est en Ă©coutant le podcast Musicaline d’une poignĂ©e de minutes, il y a environ deux mois, que j’ai « dĂ©couvert Â»  Pongo. La journaliste racontait qu’à l’ñge de 15 ans, Pongo avait fait un tube mondial, Wegue Wegue pour la FIFA. Mais son nom n’avait pas Ă©tĂ© crĂ©ditĂ©. J’ai Ă©coutĂ© Wegue Wegue, tout Ă  l’heure, le titre ne stimule pas ma mĂ©moire. Il y a 15 ans, nous Ă©tions en 2007.

 

AprĂšs Wegue Wegue, durant une quinzaine d’annĂ©es, Pongo a vĂ©cu de petits boulots afin de subvenir aux besoins de ses sƓurs. ( Selon wikipĂ©dia, Pongo et sa famille auraient fui la guerre civile en Angola en venant vivre au Portugal. Cependant, quelques annĂ©es aprĂšs leur arrivĂ©e, son pĂšre aurait abandonnĂ© le foyer. Si cela est avĂ©rĂ©, je l’ignorais lors du concert Ă  la Cigale hier soir)

 

Un jour, Pongo s’est entendue chanter Ă  la radio pour le titre Wegue Wegue.  Cela l’aurait dĂ©cidĂ©e Ă  se remettre dans la musique.

 

Dans ce podcast datĂ© du 31 mars 2022 oĂč Pongo Ă©tait surnommĂ©e La GuerriĂšre du Kuduro, la journaliste louait son Ă©nergie ainsi que ses dansants mĂ©langes musicaux.

Kuduro, le Semba ( musique angolaise), Zouk, Rap, Afrobeat, Dance Hall jamaĂŻcain
 quelques extraits de titres de Pongo avaient suivi :

 

Wegue Wegue, Bruxos, Doudou, Hey Linda


 

La journaliste disait que Pongo Ă©tait capable de faire « trois fois le tour du monde Â» dans une seule chanson.

 

Quelques jours plus tard, j’achetais son album, sorti cette annĂ©e : Sakidila.  

 

Je l’ai tout de suite aimĂ©. Cela fait quelques annĂ©es, maintenant, que le Kuduro a jailli. Et, mĂȘme s’il a pu m’arriver de le cĂŽtoyer, je n’avais jamais pris le temps de l’écouter de prĂšs.

 

La musique de Pongo ne se cantonne pas au Kuduro. Puisqu’il y est question de mĂ©langes. Mais son album me permet de m’y rendre en partie. MĂȘme si, au dĂ©part, en l’entendant chanter, je l’ai crue NigĂ©riane car j’avais cru reconnaĂźtre l’Afrobeat de Fela pour la façon de chanter mais aussi une certaine agressivitĂ© dans le rythme. Si la musique de Hollie Cook berce, celle de Pongo, perce.  

Pongo, Ă  la Cigale, ce vendredi 18 novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

J’étais allĂ© seul aux concerts de Zentone ( En concert avec Zentone Ă  la Maroquinerie) et de Hollie Cook. Ce vendredi, j’ai invitĂ© deux amies, Zara et Tu piges ?! ou Tu Piges ?! et Zara Ă  venir avec moi.

Deux Ă  trois semaines plus tĂŽt, Tu Piges ?! et un autre ami, Radio Langue de Pute, m’avaient expliquĂ© qu’ils avaient pour habitude de partir Ă  trois en concert avec une autre amie. Et qu’à tour de rĂŽle, chacun faisait dĂ©couvrir aux deux autres un artiste.

 

L’idĂ©e m’avait plu. Je l’ai assez rapidement mise en pratique avec le concert de Pongo. Car Ă  trop attendre, certains projets ne se font pas. La preuve :

Comme j’avais un peu trop traĂźnĂ© pour acheter les places, il n’y en n’avait plus lorsque je me suis prĂ©sentĂ© dans cette chaine de magasins plus que connue pour vendre des produits culturels. Deux semaines avant le concert.

 

Je parle de cette chaine de magasins trĂšs connue qui ouvre aussi dĂ©sormais le dimanche et qui figurait, lors du confinement dĂ» Ă  la pandĂ©mie du Covid, sur la liste des commerces essentiels. Tandis que les salles de concert, de théùtre, les salles de cinĂ©ma, les bibliothĂšques et les mĂ©diathĂšques municipales, les musĂ©es et les Ă©coles avaient dĂ» rester fermĂ©es pour raisons sanitaires ou nĂ©cessiter la prĂ©sentation d’un passe sanitaire valide.

 

Je fais allusion Ă  cette chaine de magasins qui vend aussi, maintenant, des produits Ă©lectromĂ©nagers, en plus d’ordinateurs, de vĂ©los Ă©lectriques
.

 

J’ai Ă©tĂ© bien contrariĂ© lorsque la jeune vendeuse de cette chaine de magasins essentielle m’a appris qu’il n’y avait plus de places de concert disponibles quinze jours avant la date. J’avais trop attendu. Mais j’ai persistĂ© Ă  chercher.

 

Je suis tombĂ© sur l’application Dice que je ne connaissais absolument pas. J’ai pu acheter trois places sur Dice, Ă  30 euros la place. Tout semblait en rĂšgle.  J’ai mĂȘme reçu une facture que j’ai imprimĂ©e. Mais cette transaction uniquement numĂ©rique me changeait de ce que j’avais toujours connu et de ce que je prĂ©fĂšre :

 

Le contact humain. MĂȘme si on ne peut pas dire que le contact humain avec une vendeuse ou un vendeur de places de concert soit trĂšs soulignĂ© Ă©tant donnĂ© le nombre important de clients qu’ils voient dĂ©filer. Etant donnĂ©, aussi, le peu de plaisir qu’il peut y avoir dans le fait de rĂ©pĂ©ter la tĂąche standardisĂ©e qui consiste Ă  vendre des places de concert- ou du rĂȘve- Ă  un prix parfois Ă©levĂ©. Sans compter que, souvent sans doute, les vendeuses et vendeurs de places de concerts et de spectacles divers ont  Ă  rĂ©pondre plusieurs fois aux mĂȘmes questions comme si c’était la premiĂšre fois que celles-ci leur Ă©taient posĂ©es.

 

Je peux confirmer que Dice m’a permis de me rendre au concert de Pongo mais aussi d’y inviter Zara et Tu Piges ?! Radio Langue de pute ayant dĂ©jĂ  prĂ©vu d’aller Ă©mettre dans une certaine rĂ©gion de France, il n’a pas pu venir avec nous cette fois-ci. J’ai donc fait profiter Zara de la place qui me restait.

 

Ce vendredi soir, avant de retrouver Tu Piges ?! et Zara Ă  la cantine de la Cigale, cette fois, je suis allĂ© acheter des protections auditives Ă  la Baguetterie, un magasin de musique, rue Victor MassĂ©. MĂȘme si, en le mentionnant, je fais lĂ  une forme de publicitĂ©, je la crois utilitaire pour des raisons sanitaires ainsi que musicales. 

Ce vendredi, pour la premiĂšre fois depuis que j’ai commencĂ© Ă  aller Ă  des concerts, J’ai dĂ©cidĂ© de mettre le prix dans des protections auditives.  Vu que j’ai envie de retourner Ă  d’autres concerts. Et que j’ai besoin d’ĂȘtre prĂšs de la scĂšne pour faire des photos.

 

Pour Ă  peu prĂšs 50 euros, j’ai achetĂ© les Fcking Loud 25 de la marque Crescendo que j’essayais pour la premiĂšre fois et qui m’ont apportĂ© un  confort acoustique aussi Ă©tonnant que plaisant. A la fin du concert de Pongo, au bar de la Cigale, j’ai pu obtenir gratuitement des protections auditives. Mais celles que j’ai achetĂ©es protĂšgent et mes oreilles et la qualitĂ© du son.

 

Il existe des protections auditives moins chÚres. Il existe un autre modÚle, trÚs recommandé, qui coûte environ 30 euros.

Pongo, Ă  la Cigale, ce vendredi 18 novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Lors du concert, dans la salle de la Cigale, ce qui m’a trĂšs vite Ă©tonnĂ©, c’est le nombre de femmes prĂ©sentes. On aurait dit qu’il y avait plus de femmes que d’hommes Ă  ce concert. Ou, que c’était peut-ĂȘtre une soirĂ©e entre femmes qui avait finalement « mĂąle tournĂ© Â» puisqu’il se trouvait quand mĂȘme des hommes.

 

Si j’ai remarquĂ© que la moyenne d’ñge gĂ©nĂ©rale du public se situait entre 20 et 30 ans, Tu Piges ?! et Zara m’ont ensuite dit avoir vu des spectateurs plus ĂągĂ©s. Mais pas dans la fosse oĂč je me trouvais et oĂč Tu Piges ?! a passĂ© un peu de temps avec moi avant de retourner rejoindre Zara au balcon.

Tu Piges ?! et moi avant le dĂ©but du concert de Pongo, Ă  la Cigale, ce vendredi 18 novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

Je m’attendais aussi Ă  rencontrer un public plus noir ou majoritairement noir. Cela a Ă©tĂ©  l’inverse. Le public Ă©tait majoritairement, et trĂšs largement, blanc. Et, si je poussais plus loin dans l’idĂ©e reçue, je dirais qu’à voir ce public blanc aussi prĂ©sent au concert de Pongo, la preuve est Ă  nouveau faite que la danse mais surtout certaines musiques se sont vĂ©ritablement dĂ©mocratisĂ©es et ne sont plus uniquement le  « patrimoine Â» de communautĂ©s noires ou arabes. Comparativement aux annĂ©es 80 ou 90 par exemple.

 

Je vais ici m’avancer Ă  affirmer qu’une artiste comme Pongo, dans les annĂ©es 80 ou 90 aurait sans doute comptĂ© un public plus « foncĂ© Â». Pour cela, je me fie Ă  l’histoire de groupes comme Kassav’ par exemple, qui, lors de ses premiers concerts Ă  Paris, avait gagnĂ© son succĂšs grĂące aux communautĂ©s noires prĂ©sentes en France, en particulier antillaises et d’Outremer et sans doute aussi africaines ( lien vers mon compte-rendu sur le documentaire rĂ©alisĂ© par Benjamin Marquet sur  Kassav’ ). Au vu de la rĂ©ussite par la suite de Kassav’ Ă©galement dans des pays d’Afrique noire.

 

Et, je me rappelle aussi d’un concert du groupe de Reggae Black Uhuru Ă  la fin des annĂ©es 80, je crois, Ă  l’ElysĂ©e Montmartre. Si j’avais finalement renoncĂ© Ă  profiter (une erreur de ma part ! ) de ma place que j’avais achetĂ©e et que j’avais trĂšs facilement revendue, je me rappelle d’avoir alors Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© par la foule de Rastas ou de personnes en possĂ©dant certaines des caractĂ©ristiques majeures, en particulier les dreadlocks qui n’étaient pas lĂ  pour faire dĂ©coration.

Et, mon souvenir est que la foule que j’avais aperçue sur place devant la salle de concert Ă©tait majoritairement et indiscutablement noire. Pour moi, qui suis noir, cela avait presque Ă©tĂ© un choc sociologique de me retrouver subitement devant un tel concentrĂ© de personnes noires. Au point que je m’étais demandĂ© d’oĂč sortaient tous ces « Rastas Â» que je voyais rarement, dans de telles proportions, dans ma vie ordinaire. Et oĂč se cachaient-ils habituellement ? Dans des caves ?

 

Autre dĂ©couverte hier soir : si, dans mon entourage, personne ne connaĂźt Pongo, dans la salle, pleine, beaucoup de monde la connaissait. Ainsi que ses titres. La salle de concerts de la Cigale est une « petite Â» salle de concerts par comparativement Ă  quelques paquebots sonores mais elle accueille nĂ©anmoins beaucoup plus de monde que certains bureaux de vote.

 

La premiĂšre partie du concert a Ă©tĂ© assurĂ©e par le DJ Lazy Flaw. C’était plutĂŽt plaisant. Mais on connaĂźt le « principe Â» des premiĂšres parties. Ce n’est pas pour elles que l’on vient. Alors, on patiente poliment. Un peu comme si l’on attendait la fin d’un cours ou du ruisseau qui va nous mener Ă  la mer en opinant de temps en temps. Par moments, on se dit mĂȘme que ce n’est pas trop mal Ă  condition, toutefois, que cela se termine bientĂŽt.  Ce qui a fini par arriver avec le DJ Lazy Flaw.

 

AprĂšs « l’entracte Â», les deux musiciens de Pongo sont arrivĂ©s tranquillement. D’abord la DJ et choriste, aussi Ă©lĂ©gante que discrĂšte. Et le batteur, simple mais adĂ©quat.

Pongo, Ă  la Cigale, ce vendredi 18 novembre. Photo©Franck.Unimon

 

 

Pongo ? Son entrĂ©e sur scĂšne a suffi pour capter  l’attention de la salle. Je ne crois pas qu’elle avait commencĂ© Ă  chanter lorsqu’elle a produit cet effet. Elle est arrivĂ©e, elle a peut-ĂȘtre dit quelques mots. Tout le public Ă©tait dĂ©jĂ  branchĂ© sur elle.

 

Pongo a commencĂ© par le titre Doudou. Lorsque j’écris « commencĂ© Â», ce n’était pas juste chanter. Mais aussi danser, s’emparer de la scĂšne et faire corps avec elle.

 

On ne peut pas rester indiffĂ©rent lorsque l’on voit danser comme Pongo le fait. Si l’on aime la danse. Si, pour soi, danser, c’est se libĂ©rer, se dĂ©faire des regards, du dĂ©couragement, se sensibiliser Ă  la transe. Et projeter sa vitalitĂ©.

 

Un peu sur l’arriĂšre scĂšne, entre la DJ choriste et le batteur, il y avait une sorte de carrĂ© noir un peu surĂ©levĂ© sur lequel, plusieurs fois, Pongo est venue s’installer comme sur une machine Ă  danser destinĂ©e Ă  nous secouer et Ă  promouvoir ce temps que nous allions passer ensemble.

 

Les titres Ă©taient courts ou m’ont semblĂ© courts mais pratiquement aucun n’a ratĂ© son sort. Nous attraper, nous faire danser. Pongo a rĂ©guliĂšrement ponctuĂ© la fin de ses chansons de roucoulements et interpellĂ© le public en l’appelant  » La Famille ! « .

Pongo, Ă  la Cigale, ce vendredi 18 novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

Un spectateur a remis un bouquet de fleurs Ă  Pongo. Le public a manifestĂ© son amour. Pongo a Ă©tĂ© trĂšs Ă©mue au point de pleurer un peu. Il m’a semblĂ© que beaucoup de fĂ©ministes Ă©taient Ă  la Cigale au concert de Pongo. A commencer par Zara et Tu Piges ?!

 

 

Vers la fin du concert, Pongo a invité le public à venir sur scÚne avec elle à deux reprises. Il y a eu foule à chaque fois. Entre les deux, Pongo est descendue dans la fosse pour chanter au milieu du public.

 

La seconde fois sur scĂšne, avec tout ce public Ă  nouveau venu la rejoindre, cela a Ă©tĂ© drĂŽle de voir la tĂȘte d’un des agents de sĂ©curitĂ© qui se serait bien passĂ© de tout ce bordel.

Pongo a enlacĂ© quelques spectatrices et spectateurs. Pongo a aussi fait intervenir deux danseuses, sĂ©parĂ©ment mais aussi ensemble. Chacune avait de solides arguments. Personne, je crois, n’a contestĂ© ce qu’elles avaient Ă  dire et elles l’ont dit. Pongo, Ă  cĂŽtĂ©, ne faisait pas de la figuration. Il lui suffisait d’un mouvement ou deux pour rĂ©affirmer sa prĂ©sence.

 

Le concert a Ă©tĂ© extraordinaire. Et, je suis d’autant plus content qu’il a beaucoup plu Ă  Zara et Ă  Tu Piges ?!

J’espĂšre que cet article et mes photos contribueront Ă  prolonger cette impression d’extraordinaire mais aussi Ă  donner envie d’écouter Pongo ou de danser avec elle en concert.

 

Pour rendre compte au mieux avec mes photos de l’atmosphĂšre du concert, il m’a semblĂ© qu’il fallait, cette fois-ci, opter pour un diaporama. Et, j’ai choisi le titre Bruxos de Pongo  qui est un de mes prĂ©fĂ©rĂ©s et celui que j’avais en tĂȘte lorsque j’étais en quĂȘte des places de concert.

 

Les photos du concert viennent dans un certain dĂ©sordre. J’ai dĂ©libĂ©rĂ©ment Ă©vitĂ© de suivre la chronologie exacte du dĂ©roulement du concert. Je crois que c’est mieux comme ça et j’espĂšre que cela vous plaira.

 

 

Franck Unimon, ce samedi 19 novembre 2022.

 

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Cinéma

Retour à Séoul un film de Davy Chou au cinéma le 25 janvier 2023

Retour à Séoul un film de Davy Chou au cinéma le 25 janvier 2023.

 

 

Retour Ă  SĂ©oul aurait pu avoir pour sous-titre : Le Prix du Matin calme.

 

 

Alors qu’il est en quĂȘte d’harmonie, le loup occidental  croit l’apercevoir dans certains pays d’Asie. Si l’on fait partie de ces personnes attirĂ©es par l’Asie au moins pour cette « raison Â» ou cette croyance, on envie la jeune Freddie lorsqu’elle arrive en CorĂ©e du sud au dĂ©but du film. Freddie est alors notre alibi et notre double. Bien que d’origine et d’apparence corĂ©enne, elle a toujours vĂ©cu en France et parle Ă  peine CorĂ©en. C’est une jeune femme dans la vingtaine trĂšs Ă  l’aise pour les relations sociales. Au lieu de se regarder dans un miroir en attendant que quelqu’un vienne Ă  elle, c’est elle qui s’avance vers les autres.

 

L’actrice Park Ji-Min II dans le rĂŽle de Freddie.

 

Sa facilitĂ© pour entrer en contact, en abattant les distances, avec les jeunes CorĂ©ens surprend (et cela nous surprend tout autant). Mais cela les fascine aussi et semble leur simplifier la vie. Tels les timides invitĂ©s d’une soirĂ©e ou d’une  sociĂ©tĂ©, ces jeunes CorĂ©ens semblent avoir toujours attendu que quelqu’un comme Freddie les rejoigne et  fasse pour eux le premier pas, les autorisant en cela Ă  s’avancer ensuite.

 

Le pays du Matin Calme serait donc un de ces endroits oĂč l’harmonie est obtenue en maintenant, dĂšs son plus jeune Ăąge, chaque individu Ă  l’envers de soi sur  un socle.

 

Freddie, « la jeune Ă©trangĂšre Â», est celle qui provient du hors champ de cette Ă©ducation Ă  la CorĂ©enne. Laquelle Ă©ducation, pour garantir l’harmonie sociale d’un pays, n’en n’enferme pas moins ses citoyens. Le pays tout entier est leur prison et s’étend jusqu’à leur espace social, Ă©motionnel, corporel et mental.

 

« Tu es une personne trĂšs triste Â» lui dira pourtant plus tard en Français Tena ( l’actrice Guka Han, Ă©galement auteure du livre Le jour oĂč le dĂ©sert est entrĂ© dans la ville ) une de ses amies corĂ©ennes pourtant peu portĂ©e sur l’extravagance. Comme si le fait d’avoir laissĂ© filer cette tristesse hors de son bol intĂ©rieur Ă©tait une grande tare sociale en CorĂ©e du sud. Ou que le secret de cette trop grande libertĂ© de Freddie, d’abord entraĂźnante et extraordinaire, avait pour elle le tort d’avoir Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©.

 

L’armature des convenances est telle qu’il convient de toujours aller bien et de savoir garder pour soi certaines Ă©motions afin de ne pas incommoder les autres avec celles-ci. Rien ne doit dĂ©passer ou dĂ©border.

 

Le pays du Matin Calme est peut-ĂȘtre le pays oĂč l’on aspire parfois Ă  extraire de soi ce que l’on ressent afin de l’exprimer mais oĂč le risque reste trop grand de se retrouver dĂ©valuĂ©, aux yeux des autres ou Ă  nos propres yeux, si l’on se confie tel que l’on est. Car nos secrets nous protĂšgent.

 

Or, Freddie, elle, dĂ©borde et se livre allĂ©grement comme une enfant tandis que les jeunes CorĂ©ens alentour se tiennent bien et Ă  l’abri du jugement des autres.

 

La rĂ©crĂ©ation, pour Freddie, dĂšs lors, se fait courte. AprĂšs les premiers temps de l’exaltation de la dĂ©couverte de la CorĂ©e du Sud, il lui faut aussi passer aux choses sĂ©rieuses.

Freddie ( l’actrice Park Jin-Min II) alors qu’elle cherche le Centre Hammond.

De d’abord libĂ©rĂ©e par rapport Ă  ses rencontres corĂ©ennes, car Française, Freddie trouve ensuite sa propre prison. Celle de l’histoire de son adoption. Car elle est nĂ©e CorĂ©enne. Ses amis corĂ©ens lui parlent du centre Hammond qui aide les enfants corĂ©ens adoptĂ©s Ă  retrouver leurs parents biologiques.

 

A partir de lĂ , Retour Ă  SĂ©oul cesse d’ĂȘtre la comparaison amusante mais aussi embarrassante – Freddie se montre par moments assez rude ( tant en Français qu’en Anglais ) envers certaines mƓurs corĂ©ennes-  entre deux cultures, CorĂ©enne et Française, pour devenir le rĂ©cit de la fabrication « en accĂ©lĂ©ré » d’une nouvelle identitĂ©.

 

Freddie est spécifiquement Française au début du film. A la fin du film, sa part coréenne sera établie.

 

Le processus, sur plusieurs années, sera plusieurs fois déconcertant et difficile.

L’acteur OH Kwang-ROK qui incarne le pĂšre biologique de Freddie suivi par celle-ci ( l’actrice Park Ji-Min II) et son amie corĂ©enne Tena ( l’actrice Guka Han)

 

Il contiendra aussi son lot de dĂ©rives. Car tant que l’on fait semblant et que l’on raffole de l’instant et sans attente particuliĂšre, ce que l’on vit est sans consĂ©quences. Par contre, lorsque l’on s’expose au Temps des autres et que l’on en attend des rĂ©ponses
.

 

Freddie ne peut pas se soustraire à cet autre voyage. Celui de son histoire personnelle et de son identité pour lequel ses parents adoptifs français, malgré tout leur Amour et tous leurs efforts, restent et redeviennent deux étrangers.

 

AprÚs plusieurs voyages au Japon, pays proche, celui de Freddie en Corée du Sud, plus personnel et moins exotique, est le voyage de la maturité.

 

Presque paradoxalement, l’inconnu de ses origines qui construit sa quĂȘte, le handicap d’ĂȘtre Française comme celui de peu parler la langue corĂ©enne vont aussi lui permettre de prendre des dĂ©cisions, comme de mener une vie, dont elle aurait sĂ»rement Ă©tĂ© incapable si elle avait toujours vĂ©cu en CorĂ©e et toujours Ă©tĂ© « seulement Â» CorĂ©enne.

 

Pour rĂ©aliser ce film, Davy Chou s’est inspirĂ© librement de la vie de Laure Badufle qui a participĂ© Ă  la conception du scĂ©nario. Aujourd’hui, Laure Badufle est devenue Coach professionnelle de l’Ecole Française de Coaching, enseignante de Yoga Kundalini et co-prĂ©sidente de la FĂ©dĂ©ration Française FFKY. Elle a aussi « créé le programme Adoption Mastermind pour accompagner adoptĂ©.e.s et adoptants Ă  travers les dĂ©fis de l’adoption et travaille avec des associations en France et Ă  l’étranger ( Racines CorĂ©ennes, La Voix des AdoptĂ©s, G.O.A’ L (
.) Â».   

 

Dans le film Retour Ă  SĂ©oul, L’actrice (Park Ji-Min II) qui incarne Freddie passe par un spectre de regards et d’émotions qui la rendent tantĂŽt attachante, tantĂŽt agaçante mais aussi cruelle, froide ou effrayante. Parfois, elle scrute voire sectionne du regard ses interlocuteurs comme des insectes de passage ou de transition mais aussi comme si elle voulait se rĂ©incarner dans leur histoire personnelle. On ne la quitte pas des yeux tant son jeu est convaincant.

Freddie, en plein repas avec sa famille biologique du cĂŽtĂ© de son pĂšre qu’elle a retrouvĂ©. Face Ă  elle, son amie CorĂ©enne, Tena ( l’actrice Guka Han) qui lui sert d’interprĂšte.

 

A la fin du film, Freddie demeure une personne assez insaisissable. Peut-ĂȘtre parce qu’elle est devenue un ĂȘtre humain plus libre et plus heureux en achevant bien sa mue en tant que CorĂ©enne. 

 

 

 

Retour Ă  SĂ©oul sortira au cinĂ©ma le 25 janvier 2023.  

 

Franck Unimon, ce vendredi 18 novembre 2022.

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self-défense/ Arts Martiaux

Le Maitre Anarchiste Itsuo Tsuda au Dojo Tenshin avec Manon Soavi ce mardi 8 novembre 2022

Paris, 13Ăšme arrondissement. Octobre ou novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

Le MaĂźtre Anarchiste Itsuo Tsuda au Dojo Tenshin avec Manon Soavi ce mardi 8 novembre 2022.

 

Nous grouillons de rĂȘves et d’envies. RassurĂ©s par ces dĂ©cors que nous connaissons, et qui nous dĂ©corent aussi, comme par ce mode de vie que nous sommes encore nombreux Ă  avoir pu conserver, nous continuons, souvent, comme « avant Â».

 

MĂȘme si nous savons tout ce qui se raconte et perce au travers de certains Ă©vĂ©nements :

 

L’évaporation des possibilitĂ©s fossiles- et autres- de notre environnement.

 

Nous ne parvenons pas Ă  nous empĂȘcher de rĂ©pĂ©ter les mĂȘmes erreurs car c’est ainsi que nous avons appris Ă  persister. Nous sommes habituĂ©s, aussi, Ă  ce que les malheurs se forment un peu partout autour de nous. L’Histoire de l’HumanitĂ© est faite de cette capacitĂ© Ă  continuer.

 

Et, puis, aussi, nous sommes munis de nos plus grandes espĂ©rances. Dont celle d’ĂȘtre Ă©pargnĂ©.

 

Quelques fois, ou peut-ĂȘtre souvent, je me donne la leçon avec ce genre de pensĂ©e. Je «regarde Â» celles et ceux qui ont agi tout Ă  fait diffĂ©remment de moi lorsqu’ils se sont engagĂ©s tel, en ce moment, un Frantz Fanon. Je sais que ma vie n’est pas la leur. Pourtant, je ne peux m’empĂȘcher de me dire certaines fois que, comparativement Ă  ces personnes, je manque d’audace et de courage.

 

RĂ©signĂ©, dominĂ©, apeurĂ©, angoissĂ©, trop raisonnable, trop prudent ou trop rĂ©aliste, je sais qu’une de ces caractĂ©ristiques ou toutes me dĂ©signent Ă  un moment ou Ă  un autre. Alors que nous vivons beaucoup de moments, seul ou Ă  plusieurs, dans une seule journĂ©e. Peu m’importe, lors de ces instants de dĂ©faillance, ce que d’autres peuvent distinguer ou ont pu distinguer de moi de plutĂŽt flatteur ou favorable. Car, alors, ma conscience m’appelle et me tranche avec mes/ses exigences.

 

Fort heureusement, il existe des solutions de repli, des opérations de sursis.

Un mot (« sursis») qui rime bien avec celui de la survie. Ainsi qu’avec la catharsis.

To Think out of the box

 

« To think out of the box Â» : On pourrait traduire cette phrase par « Sortir des sentiers battus». Mais, dit comme ça, c’est plat. Peut-ĂȘtre du fait de la plus grande variation des accents toniques dans la langue anglaise. PlutĂŽt que « Sortir des sentiers battus », je prĂ©fĂ©rerais l’expression « Sortir des barreaux ». Des barreaux intĂ©rieurs. 

 

Ce mardi 8 novembre, j’ai essayĂ© de « Think out of the box Â». Pour cela, j’ai Ă©tĂ© stratĂ©gique. La veille, ma cervelle avait fait en sorte que je reste chez moi. Afin de pouvoir passer du temps avec ma fille jusqu’au coucher. Ainsi, le lendemain soir, j’ai pu plus facilement sortir de mes remparts pour retourner au Dojo Tenshin oĂč Manon Soavi nous a prĂ©sentĂ© son premier livre :

 

Le Maütre Anarchiste Itsuo Tsuda ( Savoir vivre l’utopie).

A quelques mĂštres de l’entrĂ©e du bĂątiment qui sert d’Ă©crin au Dojo Tenshin, ce mardi 8 novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

DĂ©chaussĂ©s dĂšs l’entrĂ©e, Dans cet espace sauvĂ© du bruit et du rĂ©duit, nous sommes un peu plus d’une cinquantaine assis, dont deux ou trois enfants d’à peu prĂšs d’une dizaine d’annĂ©es, ainsi que la veuve de Maitre Noro , sur le tatami du Dojo Tenshin lorsque Manon Soavi commence Ă  nous parler.

Au dojo Tenshin, ce mardi 8 novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

Aujourd’hui, certains termes comme  « ĂȘtre zen Â», «  le Ki Â» et d’autres Ă©tats enseignĂ©s par les Arts Martiaux sont des recettes tombĂ©es dans l’escarcelle du libĂ©ralisme nous dit Manon Soavi. On peut ainsi lire des conseils pour « ĂȘtre zen Â» ou le devenir dans un magazine fĂ©minin comme Biba. A quand des sachets de zen instantanĂ©s que l’on pourra bientĂŽt trouver dans des distributeurs Ă  cĂŽtĂ© de sodas et de pop corn aurait pu ironiser Manon Soavi ?! 

 

Manon Soavi, ce mardi 8 novembre 2022 au Dojo Tenshin. Photo©Franck.Unimon

 

Ailleurs, nous dit aussi Manon Soavi,  Â« l’Anarchie Â» est devenue synonyme de « chaos Â».

 

 

Manon Soavi nous explique que l’expĂ©rience concrĂšte de ces termes et de ces pratiques est trĂšs Ă©loignĂ©e de ce qui en est prĂ©sentĂ© rĂ©guliĂšrement sur la place publique et publicitaire. Ce faisant, elle nous rappelle d’une certaine façon la diffĂ©rence qui existe entre un pratiquant et un consommateur.

 

L’un et l’autre se font des destins trĂšs diffĂ©rents aprĂšs une rencontre.

 

 

En quittant le Dojo Tenshin plus tard ce mardi soir, je serai particuliĂšrement « content Â», en reprenant le mĂ©tro, de tomber sur cette publicitĂ© que j’avais prĂ©alablement repĂ©rĂ©e et rencontrĂ©e. PrĂ©sente depuis quelques jours dans notre environnement, le message de cette publicitĂ© qui se veut sĂ»rement antiraciste et moderne car une femme noire y figure est au moins une incitation Ă  la dĂ©pendance, ainsi qu’un rappel que la femme ( se) doit d’ĂȘtre une mĂšre disponible pour ses enfants.

Paris, ce mardi 8 novembre 2022, dans le mĂ©tro. Photo©Franck.Unimon

Cette pub qui se veut « cool Â» et qui est facilement visible et accessible contrefait complĂštement certaines finalitĂ©s du Zen. Mais elle convaincra sĂ»rement certaines personnes.

 

Les personnes crĂ©dules qui prendront le contenu de cette publicitĂ© au pied de la lettre feront une autre expĂ©rience du Zen que celle vĂ©cue par RĂ©gis Soavi, le pĂšre de Manon Soavi, lorsque celui-ci, pratiquant d’Arts Martiaux depuis des annĂ©es, avait rencontrĂ© Itsuo Tsuda, le Japonais « nĂ© en CorĂ©e Â», dans les annĂ©es 70.

 

Itsuo Tsuda, en pleine séance.

 

Cette rencontre, nous dit Manon Soavi avant hier soir, a tout changĂ© pour RĂ©gis Soavi. Mais, cela peut sans doute se comprendre au moins pour deux raisons :

 

RĂ©gis Soavi, un homme dĂ©ja en rupture, a rencontrĂ© en Itsuo Tsuda un autre homme en rupture qui, comme lui, voire plus que lui, Ă©tait allĂ© encore plus loin dans la rupture avec ce qu’il refusait du monde ou de la sociĂ©tĂ©. En 1970, Ă  l’ñge de 56 ans, Itsuo Tsuda avait ainsi rompu avec son emploi de salariĂ© pour se lancer davantage dans l’aventure du Ki, du Katsugen Undo (ou mouvement rĂ©gĂ©nĂ©rateur) comme de leur enseignement.

 

Une rupture favorable Ă  la vie et Ă  l’ĂȘtre humain.

 

 

Dans cette attitude ou cette posture de rupture, nous sommes donc Ă  l’opposĂ© de celle du consommateur ou du citoyen qui obĂ©it, se laisse berner, affaiblir, diluer ou soumet son corps, son travail, sa vie, son entourage et son salaire Ă  des dĂ©cisions qui peuvent ĂȘtre prises sans  lui en Ă©change d’une sĂ©curitĂ© et d’une prĂ©servation supposĂ©es qui lui seraient alors, de fait, garanties. MĂȘme lorsque ce qui est ou sera exigĂ© de lui est contraire Ă  ses valeurs.

 

Nous vivons dans un monde qui nous pousse à la dissociation. Un monde qui nous apprend réguliÚrement à adorer et à préférer la peur.

 

D’un cĂŽtĂ©, il nous est dit que nous sommes libres, Ă©gaux et responsables et plein de possibilitĂ©s. D’un autre cĂŽtĂ©, nous vivons dans des sentiments d’impasse et d’impuissance qui contredisent ces messages.

 

Itsuo Tsuda, lui, a trĂšs tĂŽt refusĂ© ce mode de vie. En rupture Ă  l’ñge de seize ans avec son pĂšre, riche entrepreneur, comme avec les horreurs de la Seconde Guerre Mondiale portĂ©es par les Japonais en CorĂ©e, il est parti vivre en France une premiĂšre fois dans les annĂ©es 30, en plein Front populaire.

 

Manon Soavi, au Dojo Tenshin, ce mardi 8 novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Ce mardi 8 novembre 2022, au Dojo Tenshin, devant nous, Manon Soavi continue de dĂ©rouler devant nous une partie de l’histoire d’Itsuo Tsuda comme celle des quelques rencontres qu’il y a faites et qui ont changĂ© sa vie en France ou ailleurs. Tel Marcel Mauss


 

Plus tard, Itsuo Tsuda rencontrera Ueshiba sensei et deviendra un de ses Ă©lĂšves Ă©tudiant l’Aikido avec celui-ci jusqu’à sa mort en 1969. Itsuo Tsuda apprendra aussi le Seitai et le Katsugen Undo ( ou mouvement rĂ©gĂ©nĂ©rateur) avec Maitre Noguchi mais aussi le NĂŽ avec Maitre Hosada.

 

 

Dix annĂ©es durant, par la suite, RĂ©gis Soavi deviendra un des Ă©lĂšves de Maitre Itsuo Tsuda. Maitre faisant partie des Kage Shihan ( Maitres de l’ombre) selon Maitre Henri PlĂ©e. Manon Soavi mentionne cette affirmation de Maitre Henri PlĂ©e dans son livre que j’ai feuilletĂ© ce mardi soir avant de l’acheter.

 

On peut ĂȘtre l’élĂšve d’un Maitre d’Arts Martiaux ou de toute autre discipline ou rester celui de rĂ©clames publicitaires permanentes et renouvelĂ©es.

 

Certaines de nos relations et rencontres peuvent ĂȘtre des rĂ©clames publicitaires permanentes et renouvelĂ©es.

 

Mais, viendra peut-ĂȘtre le moment, un jour, oĂč l’on deviendra un Maitre soi-mĂȘme dans un domaine quelconque qu’il s’agisse de celui de l’illusion ou de l’éducation.  

 

Une éducation hors systÚme

Manon Soavi, au Dojo Tenshin, ce mardi 8 novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Avant l’édition de ce livre, Manon Soavi a dĂ©butĂ© l’AĂŻkido Ă  l’ñge de six (elle en a dĂ©sormais quarante) avec son pĂšre et fait l’apprentissage d’autres Arts martiaux. Elle a connu une Ă©ducation hors du systĂšme scolaire, une carriĂšre de concertiste de piano pendant dix ans. Le Dojo Tenshin, d’ailleurs, accueille rĂ©guliĂšrement des enfants Ă©duquĂ©s en dehors du systĂšme scolaire ( Un sujet qui m’interpelle et dont je n’ai pas encore pris le temps de discuter avec RĂ©gis et Manon Soavi).

C’est peut-ĂȘtre pour cela qu’il y a sans doute une continuitĂ© dans le fait que ce soit quelqu’un comme elle qui, un jour, se soit dĂ©cidĂ©e Ă  Ă©crire sur Itsuo Tsuda.

Au dĂ©but, l’intention de Manon Soavi Ă©tait d’écrire un article sur Itsuo Tsuda. L’article est devenu un livre.

Au Dojo Tenshin, ce mardi 8 novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Lorsque ce mardi, j’ai demandĂ© Ă  Manon Soavi combien de temps lui avait Ă©tĂ© nĂ©cessaire pour Ă©crire ce livre, elle m’a rĂ©pondu :

 

« Il  y a deux rĂ©ponses ».

 

Un an et demi pour la rédaction. Rédaction facilitée par le confinement dû à la pandémie du Covid.

Et plus de trente ans si l’on considĂšre le fait que, dĂšs sa naissance, elle a baignĂ© dans les enseignements d’Itsuo Tsuda qui ont marquĂ© le temps et l’existence de son pĂšre et de sa mĂšre.

 

Manon Soavi avait deux ans lorsque Itsuo Tsuda est mort en 1984. Il l’a prise dans ses bras mais elle ne s’en souvient pas. Elle connaĂźt de lui ce que « la lĂ©gende familiale Â» lui a racontĂ© m’a t’elle prĂ©cisĂ© en souriant. Le reste, elle est allĂ©e le chercher et l’a en partie trouvĂ©. Car Itsuo Tsuda n’a pas tout dit.

 

Celles et ceux qui comptent nous disent rarement tout. C’est souvent Ă  nous de raconter ce qui reste. 

 

L’Anarchie

 

Sur le tatami, ce mardi, Manon Soavi nous dit qu’il y a de la provocation dans le titre de son livre car les termes « Maitre Â» et « Anarchiste Â» ne collent pas ensemble. L’anarchie vise Ă  Ă©chapper Ă  toutes formes de domination autant comme personne dominĂ©e que comme personne dominatrice. Elle nous parle des consĂ©quences du patriarcat. De la nĂ©cessitĂ© de l’ Â« empowerment Â». Plus tard, aprĂšs sa parole, j’ai vu que, dans son livre, elle cite des extraits d’ouvrages de Mona Chollet, une auteure fĂ©ministe ( J’ai lu RĂ©inventer l’Amour de Mona Chollet ). D’ailleurs, du 27 septembre au 16 novembre de cette annĂ©e, une de ses Ɠuvres, SorciĂšres, a Ă©tĂ© lue sur scĂšne.

 

Une commémoration

 

AprĂšs sa prĂ©sentation, Manon Soavi rĂ©pondra qu’au Japon, Itsuo Tsuda, est un inconnu. TrĂšs en rupture avec les instances officielles du Japon, cette indĂ©pendance lui a aussi valu l’anonymat dans son pays. MalgrĂ© ce qu’il a pu connaĂźtre et accomplir de son vivant tant en termes de pratiques, d’enseignement que de parutions.

 

Au Dojo Tenshin, ce mardi 8 novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Itsuo Tsuda a Ă©crit une dizaine de livres en Français. Son premier livre, Le Non-Faire ,  est paru en 1973.

 

Inconnu ou ignorĂ© au Japon, Manon Soavi nous a parlĂ©, aussi, de son initiative, en 2013, d’organiser Ă  Paris une commĂ©moration pour les cent ans de la naissance d’Itsuo Tsuda (nĂ© en 1914).

 

Elle avait alors rĂ©ussi Ă  contacter des anciens Ă©lĂšves d’Itsuo Tsuda. Et, trĂšs vite, ceux-ci lui avaient assurĂ© qu’ils seraient prĂ©sents. Alors que prĂšs de trente annĂ©es Ă©taient passĂ©es depuis le dĂ©cĂšs de « l’inconnu Â» Itsuo Tsuda. Cette rĂ©action spontanĂ©e de plusieurs de ses anciens Ă©lĂšves, puis leurs tĂ©moignages ensuite, ont attestĂ© de l’importance qu’il avait pu avoir pour eux.

 

 

Je me demande maintenant quelle rĂ©clame publicitaire -ou quel article que j’ai pu acheter- il y a trente ans a pu avoir sur moi, le mĂȘme effet. Pourtant, en trente ans, j’ai vu,  « connu Â» et « aimĂ© Â» un certain nombre de rĂ©clames publicitaires et d’articles que j’ai pu acheter dans un de nos innombrables temples de la consommation.

 

Toujours dans ces prĂ©paratifs afin de commĂ©morer Itsuo Tsuda, un ou une de ses  ancien(ne)s Ă©lĂšves a donnĂ© Ă  Manon Soavi le numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone d’une ancienne Ă©lĂšve  :

 

Madeleine D. Laquelle, durant une annĂ©e hĂ©bergea Itsuo Tsuda et sa femme chez elle et son mari, en rĂ©gion parisienne. Car Itsuo Tsuda fut pendant une annĂ©e en situation irrĂ©guliĂšre d’un point de vue administratif. Et, il avait alors obligation de quitter le territoire de la France.

En hĂ©bergeant Itsuo Tsuda et sa femme, cette ancienne Ă©lĂšve et son mari, furent aussi des personnes de « rupture Â». Et, Ă  travers eux, on pense Ă©videmment Ă  des rĂ©sistants ou Ă  tout individu, qui, lors d’une guerre ou d’un pĂ©ril imminent, a protĂ©gĂ© et cache chez lui des personnes vulnĂ©rables ou grandement exposĂ©es aux travers de certaines Lois.

 

En « donnant Â» Ă  Manon Soavi une des calligraphies d’Itsuo Tsuda en lui disant « Continuez Â», cette ancienne Ă©lĂšve (Madeleine D.) a perpĂ©tuĂ© le travail de transmission du Katsugen Undƍ. 

Au Dojo Tenshin, ce mardi 8 novembre 2022. Prochain stage de Katsugen Undo du 9 au 11 décembre 2022.

 

 

L’édition d’un livre

 

 

Si Itsuo Tsuda a Ă©crit Ă  peu prĂšs une dizaine de livres (tous Ă©crits en Français), Manon Soavi voit dans la parution de son propre livre Le Maitre Anarchiste Itsuo Tsuda, une transposition du Non-Faire professĂ© par celui-ci.

 

Au Dojo Tenshin, ce mardi 8 novembre 2022. Livres de Itsuo Tsuda.

 

 

Une annĂ©e durant, elle avait sollicitĂ© des maisons d’édition sans suite. Puis, finalement, un nouveau membre du Dojo a parlĂ© de ce projet Ă  un Ă©diteur avec lequel il faisait zazen.

 

Et, c’est finalement l’éditeur, intĂ©ressĂ©, qui a relancĂ© Manon Soavi. La suite de cette histoire s’est probablement enclenchĂ©e ce mardi depuis le dojo Tenshin.

J’avais pratiquement fini d’écrire cet article deux jours aprĂšs cette soirĂ©e au Dojo Tenshin. Puis, un dĂ©faut de connexion Ă  internet m’a empĂȘchĂ© de le publier avant aujourd’hui. Entretemps, ce lundi ( il y a trois jours) Ă  une projection de presse, je suis allĂ© voir le prochain film de Davy Chou qui se dĂ©roule en CorĂ©e du sud :  Retour Ă  SĂ©oul. Retour Ă  SĂ©oul  sortira au cinĂ©ma le 25 janvier 2023. Itsuo Tsuda, Japonais, Ă©tait nĂ© en CorĂ©e. C’est cette coĂŻncidence qui m’interpelle maintenant alors que j’ai dĂ©jĂ  Ă©crit mon article sur ce film ( Retour Ă  SĂ©oul un film de Davy Chou au cinĂ©ma le 25 janvier 2023). Une coĂŻncidence que j’avais oubliĂ©e en allant voir le film ce lundi.  

 

 

Franck Unimon, ce jeudi 17 novembre 2022.

 

 

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Sur scĂšne

L’humoriste Tania Dutel sur scĂšne Ă  la Nouvelle Eve

Ce jeudi 3 novembre 2022, devant l’entrĂ©e de la Nouvelle Eve.

L’humoriste Tania Dutel sur scùne à la Nouvelle Eve

 

Ce jeudi soir, deuxiĂšme semaine des vacances de la Toussaint, il y a assez peu de monde dans le mĂ©tro, ligne 12, qui m’emmĂšne dans le 9Ăšme arrondissement de Paris Ă  la station Pigalle. Une fois dehors, deux videurs d’un sexodrome  m’indiquent obligeamment la route :

 

« La rue Pierre Fontaine,  aprĂšs le Monoprix, c’est tout de suite Ă  gauche ! Â».

 

Depuis mon enfance, je suis dĂ©jĂ  passĂ© par Pigalle. Mais je ne connais pas la rue Pierre Fontaine. Cette rue oĂč se trouve pourtant le Bus Palladium ( en travaux) non loin du cabaret Chez Moune, des endroits qui ont marquĂ© l’Histoire de la nuit et de la vie artistique et culturelle de Paris. Et du monde occidental.

 

Je connais encore moins la salle la Nouvelle Eve oĂč joue Tania Dutel ce jeudi soir et, ce, pour plusieurs semaines encore. Pour me diriger vers la Nouvelle Eve, je tourne le dos au Moulin rouge qui s’éloigne derriĂšre moi.

 

Je ne l’ai pas fait exprĂšs mais aller voir Tania Dutel, cela va bien avec le fait d’ĂȘtre allĂ© voir Hollie Cook en concert la semaine derniĂšre ( En concert avec Hollie Cook au Trabendo) dont le titre Postman en particulier continue sa route dans ma tĂȘte.

La salle de la Nouvelle Eve, depuis le balcon, non loin des toilettes, ce jeudi 3 novembre 2022, avant la prestation de Tania Dutel. La troisiĂšme table, en partant de la gauche, juste devant la scĂšne, Ă  cĂŽtĂ© des marches, c’est lĂ  oĂč Ă©tait « ma » place. J’ai demandĂ© aux deux personnes attablĂ©es derriĂšre moi de bien vouloir veiller sur mon sac. Ce qu’elles ont facilement acceptĂ© de faire. Photo©Franck.Unimon

 

C’est par des vidĂ©os sur internet que j’ai dĂ©couvert Tania Dutel, 33 ans, il y a deux ou trois mois. Depuis des mois, par saccades, je regarde sur internet des sketches d’humoristes Ă  Montreux ou ailleurs. Il y a les humoristes connus ou que « tout le monde Â» connaĂźt. Et, il y a les autres qui marchent assez bien ou qui montent mais qui sont moins connus.

 

J’ai dĂ©ja vu trois ou quatre humoristes sur scĂšne dans le « passĂ© Â» :

 

Jamel Debbouze, DieudonnĂ©. C’était il y a plus de 12 ans.  Haroun a Ă©tĂ© le petit dernier, il y a Ă  peu prĂšs deux ans entre deux confinements dus Ă  la pandĂ©mie du Covid.

 

Mais je n’ai pas vu assez d’humoristes sur scĂšne. Pas autant que je le voudrais ou l’aurais voulu. Cela fait des annĂ©es que je me dis qu’il faudrait que je prenne le temps de le faire vĂ©ritablement. Le seul en scĂšne de l’humoriste est un exercice particulier. Si j’ai compris que le solo permet mieux Ă  un certain type d’artiste de se trouver et de s’exprimer, je vois aussi le mĂ©tier d’humoriste solo, sur scĂšne, comme un mĂ©tier colossal.

 

Pour moi, l’humoriste solo est l’artiste qui doit en faire des tonnes. Rire de soi, rire des autres, redonner le moral, ĂȘtre dans une forme physique olympique, dans un Ă©tat d’intelligence et de vivacitĂ© monumental, et de tous les instants
 au moins pour la façade sur scĂšne ou lors d’une Ă©mission ou d’une interview.

 

Et répéter cela.

 

 

Redonner aussi, constamment ou rĂ©guliĂšrement, de soi une image qui peut nous enfermer dans un certain type de rĂŽle et de comportement. Dans le rĂŽle de celle ou de celui qui se doit d’ĂȘtre toujours plein(e) de vie, d’ĂȘtre un marsupilami ou une super hĂ©roĂŻne Ă  temps complet, qui arrive toujours Ă  resurgir Ă  la surface et doit ĂȘtre lĂ©ger ou lĂ©gĂšre mĂȘme si, intĂ©rieurement, elle ou il touche le fond ou les bas-fonds. 

 

On aime beaucoup les histoires de celles et ceux qui « rebondissent Â» et qui nous offrent les  bouquets recomposĂ©s de leurs « rĂ©siliences Â». Cela nous rassure et nous inspire. Parfois, aussi, cela nous rend fainĂ©ants.

Tania Dutel, sur scĂšne Ă  la Nouvelle Eve, ce jeudi 3 novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Je vois aussi le mĂ©tier d’humoriste comme celui ou existe une grande dĂ©pendance aux rires du public. Puisqu’un humoriste qui ferait peur Ă  son public ou qui le ferait pleurer aurait ratĂ© son cƓur de cible. Hier soir, Tania Dutel nous a racontĂ© cette fois oĂč, sur scĂšne, elle avait connu un Ă©chec total au point de devoir prendre la dĂ©cision de couper court Ă  son spectacle pour annoncer plus tĂŽt l’artiste qui la suivait. C’est pour ce genre « d’anecdotes Â» en filigrane et d’expĂ©riences personnelles que sa prestation d’hier soir m’a plu.

Pourtant, malgrĂ© les risques qu’il comporte, j’aime le rire. Et j’ai besoin de lui. Il m’a aidĂ© Ă  me sortir un peu un certain nombre de fois de la glue de mes inquiĂ©tudes et de mes obsessions. Et c’est probablement pour cela que nous sommes beaucoup Ă  tenir Ă  celles et ceux qui nous font rire. Pour nous aider Ă  reprendre un peu pied, ainsi que notre souffle, et Ă  nous extirper un peu des marĂ©cages de nos fors intĂ©rieurs.

 

Tania Dutel, Ă  la Nouvelle Eve, ce jeudi 3 novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Certaines personnes, lorsqu’elles tombent amoureuses de quelqu’un plutĂŽt que d’une autre, disent que ça ne s’explique pas. Que c’est comme ça. C’est peut-ĂȘtre un peu pareil avec le fait de rire devant l’humour d’une personne au dĂ©triment de l’humour d’une autre personne.

 

MĂȘme si je ne crois pas tant que ça aux mystĂšres tant dans le domaine de l’Amour que du rire. Pour moi, il y a bien une ou plusieurs raisons pour expliquer le fait que l’on aime ou que l’on dĂ©sire une personne plutĂŽt qu’une autre. MĂȘme lorsqu’il vaudrait mieux s’abstenir de le faire.

Comme il y a sĂ»rement aussi une ou plusieurs raisons pour expliquer le fait que l’on va plus facilement rire devant l’humour d’une personne plutĂŽt que devant celui d’une autre. Mais, lĂ , il m’est difficile de savoir s’il vaudrait mieux, certaines fois, s’abstenir de rire devant un certain humour plutĂŽt que devant un autre.

 

 

Lorsque j’ai parlĂ© un peu autour de moi de Tania Dutel, on m’a demandĂ© qui c’était. Et, j’ai Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© car j’avais vu deux ou trois vidĂ©os d’elle, ou plus. Je les avais trouvĂ©es drĂŽles et bien pensĂ©es et comme elles semblaient avoir beaucoup de vues, j’ai cru que cela voulait dire que Tania Dutel Ă©tait  trĂšs connue.

 

Tania Dutel, Ă  la Nouvelle Eve, ce jeudi 3 novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Hier soir, Tania Dutel, au dĂ©but de son spectacle, s’est prĂ©sentĂ©e comme quelqu’un qui avait eu un Bac scientifique, qui Ă©tait arrivĂ©e Ă  19 ans Ă  Paris depuis sa rĂ©gion du Beaujolais  oĂč vivaient un peu plus de mille habitants oĂč tout le monde « se connaĂźt Â». Deux sƓurs, deux frĂšres ou j’en ai peut-ĂȘtre rajoutĂ© une ou un de trop. Une mĂšre un peu « plus Â» imposante que le pĂšre qui sait Ă  quoi s’en tenir juste par une inflexion de la voix de la mĂšre.

 

Concernant son style d’humour, j’ai rĂ©cemment envoyĂ© le lien d’une de ses vidĂ©os Ă  deux de mes proches. Une de mes proches a comparĂ© Tania Dutel Ă  Blanche Gardin.

 

J’aime beaucoup Blanche Gardin.

 

Mais lorsque je regarde et Ă©coute Tania Dutel, je vois Tania Dutel. Tania Dutel a par exemple sa façon personnelle de dire :

 

« C’est assez hilarant Â».

Tania Dutel, Ă  la Nouvelle Eve, ce jeudi 3 novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

En tout cas, la file d’attente que j’ai trouvĂ©e ce jeudi soir devant la salle de la Nouvelle Eve ne doutait pas des pouvoirs humoristiques de Tania Dutel. Et, moi, depuis longtemps, je vois la scĂšne comme un sĂ©rum de vĂ©ritĂ© suprĂȘme. Une prestation scĂ©nique permet Ă  un artiste de mieux se dĂ©fendre
ou de se dĂ©faire. Pour connaĂźtre la vĂ©ritĂ© de ce spectacle, la place a coĂ»tĂ© 22 euros.

 

Si, hier soir, nous avons Ă©tĂ© devant « une petite salle Â» comme le dira Tania Dutel en voyant la centaine de personnes prĂ©sentes, le public a Ă©tĂ© assez variĂ©. Couples homos et lesbiens, couples hĂ©tĂ©ros, amis hĂ©tĂ©ros et homos, personnes seules ou cĂ©libataires ? Les plus jeunes devaient avoir dans les 25 ans et les plus ĂągĂ©s, une bonne quarantaine d’annĂ©es, de l’étudiant (e) Ă  l’employĂ© (e).

 

Je sortais des toilettes, en haut de la salle, au balcon, lorsque j’ai entendu l’arrivĂ©e de Tania Dutel sur scĂšne. J’ai eu Ă  peine le temps de revenir m’asseoir Ă  ma place, juste devant la scĂšne, lorsque Tania Dutel m’a interrogĂ©. Qu’est-ce que je faisais ? Comment je m’appelais ? J’étais seul ?

 

MĂȘme si j’ai Ă©tĂ© surpris, j’ai Ă©tĂ© assez Ă  l’aise pour rĂ©pondre.  Cela fait partie du jeu du stand up et des spectateurs du premier rang. Et, Tania Dutel ne m’a pas trop poursuivi. Mais ce genre d’échange crĂ©e un lien particulier avec l’artiste sur scĂšne. Durant quelques secondes, la spectatrice ou le spectateur vit un peu l’expĂ©rience de l’artiste qui se met Ă  nu et Ă  risque devant un public pendant plus d’une heure. MĂȘme s’il y a des « trucs Â» comme on dit dans la profession et que les annĂ©es d’entraĂźnement permettent de « faire Â» le spectacle, l’imprĂ©vu persiste. Puisque c’est le principe du spectacle vivant. D’ailleurs, Tania Dutel nous dira qu’au dĂ©but, elle avait prĂ©vu de faire autre chose.

 

Tania Dutel, Ă  la Nouvelle Eve, ce jeudi 3 novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

Tania Dutel a sollicitĂ© aussi deux ou trois autres spectatrices et spectateurs. MĂȘme si j’avais dĂ©jĂ  observĂ© cette aptitude chez d’autres artistes sur scĂšne, j’ai Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© par sa facilitĂ© pour Ă©couter les rĂ©ponses de son public. Comme pour retenir le prĂ©nom des spectatrices et spectateurs avec lesquels elle avait « conversĂ© Â» un peu devant nous. A la fin du spectacle, je crois me souvenir qu’elle se rappellera de mon prĂ©nom.

 

Lors de son stand up qui a durĂ© prĂšs d’une heure trente, avec une mise en scĂšne minimale, un micro, un pied de micro, un tabouret, une lampe, un cahier, un thermos dans lequel elle ne boira rien, Tania Dutel a Ă©tĂ© espiĂšgle, enfant, charmante, surprenante, bienveillante et trĂšs attentive Ă  son public. Il a Ă©tĂ© question au moins de viol, de boulimie, d’anorexie, de sexualitĂ©, des relations entre les femmes et les hommes, du corps des femmes, de sa physiologie. De quoi gĂȘner un petit peu au cours d’un apĂ©ro ou d’un barbecue lors d’une rencontre familiale ou amicale.

 

Il est possible que certaines sensibilitĂ©s trouvent outranciers les sujets abordĂ©s par Tania Dutel ainsi que sa maniĂšre de le faire. Et, c’est sĂ»rement une question de mesure mais je n’arrive pas Ă  les trouver indĂ©cents ou dĂ©placĂ©s.  Et, comme elle l’a expliquĂ©, elle ne peut pas plaire Ă  tout le monde mĂȘme en faisant  de son mieux pour mettre les formes.

En racontant des situations trĂšs intimes comme le veut le stand up, Dutel table sur le fait qu’il peut se trouver dans le public des personnes qui ont vĂ©cu la mĂȘme chose qu’elle et qui sont prĂȘtes Ă  ce que cela « sorte Â» de la bouche d’un( e) artiste.

 

Cela explique-t’il le fait que, trĂšs vite, le public prĂ©sent, tant fĂ©minin que masculin, ait ri avec conviction ?

 

En tout cas, le public, dans sa grande majoritĂ©, a adhĂ©rĂ©. Pour ma part, j’ai souvent souri. Peut-ĂȘtre ai-je moins ri que d’autres car je peux avoir un temps de dĂ©calage avec le rĂ©el. Mais aussi parce-que j’avais « vu Â» et entendu une partie des rĂ©pliques de Tania Dutel sur internet.

 

AprĂšs le spectacle, nous sommes quelques uns Ă  attendre Tania Dutel Ă  la sortie. Elle arrive, prend le temps de discuter avec nous.

Tania Dutel s’est lancĂ©e dans le mĂ©tier depuis 2009 et fait du stand up comme elle le pratique dĂ©sormais depuis 2017. Pendant la reprĂ©sentation, alors qu’elle parlait de « pĂ©nis de sang et de pĂ©nis de chair Â», elle s’est aperçue que je la prenais en photo. AprĂšs s’ĂȘtre assurĂ©e que je n’étais pas en train de la filmer – car c’est interdit- elle m’avait demandĂ© de la photographier plutĂŽt Ă  la fin du spectacle. J’avais alors posĂ© mon appareil photo.

 

Tania Dutel, Ă  la Nouvelle Eve, ce jeudi 3 novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Lors de ces quelques Ă©changes avec elle, dans la rue Fontaine, je lui explique avoir pris ces photos pour parler d’elle- en bien- dans mon blog. Elle ne pouvait pas le savoir. Lors d’un passage de son spectacle, elle nous a racontĂ© comment elle s’était faite « dĂ©foncer Â» par certains internautes qui n’avaient pas aimĂ© un de ses sketchs ou un de ses spectacles. De ce fait, depuis, elle ne lit plus les commentaires sous ses vidĂ©os. L’humoriste Elodie Poux a fait un sketch que je trouve rĂ©ussi sur les « haters Â», ces personnes qui manquent de courage,  ou simplement de maturitĂ© et d’autocensure, lorsqu’elles parcourent un clavier en restant bien abritĂ©es dans la pĂ©nombre et dans l’anonymat. 

 

Comme d’autres spectatrices et spectateurs prĂ©sents dans la rue Fontaine, hier soir, j’ai  remerciĂ© Tania Dutel pour son spectacle. Ainsi que pour son courage Ă  parler, seule sur scĂšne, de tous ces sujets. Alors que nous, spectateurs, nous pouvons avoir l’impression que c’est facile Ă  faire. Je l’ai saluĂ©e puis je suis parti. Avant de revenir pour lui demander un selfie. Il est dommage, qu’avec l’éclairage, il y ait plus d’ombre sur son visage que sur le mien mais au moins, la photo et son sourire sont lĂ .

Avec Tania Dutel, aprĂšs son spectacle Ă  la Nouvelle Eve, ce jeudi 3 novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

Franck Unimon, ce vendredi 4 novembre 2022.

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En Concert

En concert avec Hollie Cook au Trabendo

En concert avec Hollie Cook au Trabendo

 

Trois jours aprÚs avoir vu Zentone à la Maroquinerie dans le 20Úme arrondissement de Paris ( En concert avec Zentone à la Maroquinerie), le concert de Hollie Cook arrive ce vendredi soir au Trabendo dans le 19 Úme arrondissement. Prix de la place en prévente :

29,90 euros. 

 

Dans le mĂ©tro, ligne 5, jusqu’à la porte de Pantin, la mixitĂ© sociale et culturelle saute aux yeux comparativement Ă  trois jours plus tĂŽt.

 

Se rendre Ă  la gare du Nord et dans certains endroits du 19Ăšme arrondissement, c’est aussi passer dans des « juridictions Â» oĂč augmente le nombre de personnes addicts et SDF. Je parle de celles et ceux qui n’en sont plus Ă  se demander quand part le dernier mĂ©tro.

 

Mais le 19Ăšme arrondissement, c’est aussi des lieux culturels dont le ZĂ©nith, la Philarmonie de Paris, la Villette et le Conservatoire de musique. Il y a Ă©galement la salle de concert, le Trabendo. C’est en me dirigeant vers lui que je me rappelle y ĂȘtre allĂ© une premiĂšre fois pour voir Brinsley Forde et Vincent Segal en concert, il y a environ dix ans. Un trĂšs bon souvenir. 

 

 

Avec Hollie Cook, mon histoire a connu un effet rebond. Au dĂ©part, il y a eu le titre Far from me sur l’album Vessel of love, sorti en 2018, peut-ĂȘtre Ă©coutĂ© aprĂšs avoir lu un article Ă©logieux sur elle.

Il y avait aussi eu le titre Sugar Water (Look at my face). Et puis, plus rien. Je ne pensais plus particuliĂšrement Ă  Hollie Cook. Je ne me rappelle pas si j’avais lu, comme je l’ai dĂ©jĂ  beaucoup relu depuis, que Hollie Cook est la fille d’un des membres des Sex Pistols et d’une des membres du groupe The Belle Stars.

J’avais beaucoup aimĂ© le titre Sign Of  The Times des The Belle Star qui avait Ă©tĂ© un tube Ă  sa sortie en 1983.  Un tube que tout le monde, moi y compris, avait dĂ©ja oubliĂ© lorsque Prince avait sorti son album et titre Sign « O Â» Times seulement quatre ans plus tard en 1987.

Hollie Cook, Trabendo, vendredi 28 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Ce vendredi 28 octobre 2022, lorsque je marche vers Hollie Cook, mon histoire a changĂ© avec elle. Car j’ai Ă©coutĂ© l’album Twice deux ou trois ans aprĂšs Vessel of love. Je ne savais pas, alors, que Twice Ă©tait antĂ©rieur (sorti en 2014) Ă  l’album  Vessel of love.  Cependant, plusieurs titres m’ont trĂšs vite captivĂ© dans l’album Twice :

99, Looking for real love et Superfast.

 

Et, lorsque j’ai dĂ©couvert la vidĂ©o officielle de Looking for real love, j’ai Ă©tĂ© suis sĂ©duit par la grĂące de Hollie Cook. Laquelle, avec trĂšs peu de gestes, est habile pour happer notre attention. Sur une autre vidĂ©o, je l’ai vue interprĂ©ter Sugar Water (Look at my face) en concert Ă  Montreux avec Horseman Ă  la batterie et Ă  la voix. Sur une autre, 99. Et, j’en redemande. Je la cite d’ailleurs dans mon article sur l’ouvrage de Judith Duportail (L’Amour sous algorithme, un livre de Judith Duportail )

 

Hollie Cook a sorti un dernier album en 2022, Happy Hour, que je n’ai pas encore Ă©coutĂ©.

 

Si les chansons de Hollie Cook parlent beaucoup d’Amour, la douceur de sa voix se plante dans un Reggae robuste. Et, cela me parle. Et, comme cela me parle, j’ai fait des recherches et vu qu’Hollie Cook Ă©tait passĂ©e en concert Ă  Paris il y a quelques annĂ©es. Je l’avais donc manquĂ©e
. jusqu’à ce vendredi soir.

 

 

Ce soir, je ne saurais pas dire, comme j’avais pu le faire lors du concert de Zentone, quelle Ă©tait la proportion de femmes et d’hommes dans le public. Car je me suis tout de suite mis devant la scĂšne. Mais le public m’a paru un peu plus jeune en moyenne. Et les squaws Ă©taient bien plus prĂ©sentes tout prĂšs de la scĂšne. Des squaws qui connaissaient les paroles des chansons de Hollie Cook.

 

Hollie Cook, au Trabendo, ce vendredi 28 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

 

 

DĂšs son entrĂ©e sur scĂšne, Hollie Cook nous a charmĂ© par son sourire et son envie. DerriĂšre elle et sur ses cĂŽtĂ©s, un guitariste, un batteur, un bassiste et un claviĂ©riste, parfois dans les chƓurs, ont tournĂ© avec elle la clĂ© du concert.

 

Hollie Cook est plus qu’une voix agrĂ©able et un sourire sympathique. C’est aussi un corps heureux qui laisse s’échapper la musique jusqu’au Dub. C’est aussi une professionnelle trĂšs concentrĂ©e.

Depuis des annĂ©es, dans le Reggae, la basse m’attire le plus. Mais cela fait deux concerts de suite oĂč le batteur, parmi les musiciens, a ma prĂ©fĂ©rence. Pourtant, les autres musiciens Ă©taient bien prĂ©sents.

 

Hollie Cook, au Trabendo, ce vendredi 28 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Le concert a Ă©tĂ© si agrĂ©able et si lĂ©ger, que, plusieurs fois, j’ai eu l’impression de vivre un rĂȘve prolongĂ©.

 

A la fin, Hollie Cook nous a nouveau remerciĂ© pour les bonnes vibrations et pour l’énergie que nous lui avions donnĂ©e. Elle nous a aussi dit que, dĂšs le dĂ©but de sa carriĂšre, elle avait Ă©tĂ© trĂšs bien accueillie Ă  Paris.

 

AprĂšs le concert, je l’ai aperçue Ă  quelques mĂštres en compagnie de personnes qu’elle connaissait. Je me suis dit que je n’allais pas faire ma groupie. J’ai commencĂ© Ă  m’en aller tout en regardant. J’ai vu quelques personnes aller la voir et se faire prendre en photo avec elle. Je me suis dit que je ne pouvais pas partir comme ça.

 

J’ai redescendu les marches.

 

Lorsqu’est venu mon tour, je lui ai demandĂ© :

 

« Hi, Hollie, May I ? Â». Hollie a acquiescĂ©. Si je recommence Ă  me faire prendre en photo avec des artistes, il va falloir que je me dĂ©tende un peu. LĂ , sur la photo, j’ai une tĂȘte d’assassin.

Avec Hollie Cook aprĂšs le concert, au Trabendo, ce vendredi 28 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 AprĂšs la photo, je lui ai dit :

 

« I Took some pictures of you Â». Tout en gardant le sourire, elle a fait « oui Â». J’avais bien vu qu’elle m’avait vu la prendre en photo durant le concert. Puis, elle m’a demandĂ© de lui en envoyer sur instagram.

 

Je lui ai rĂ©pondu :

 

« I will try my best Â».

 

Dans l’article prĂ©cĂ©dent sur le concert de Zentone, j’avais oubliĂ© la pandĂ©mie du Covid. Je me suis davantage rappelĂ© des attentats terroristes qui l’avaient prĂ©cĂ©dĂ©e car, en plus de massacrer des personnes et de vouloir effrayer le monde,  l’un d’entre eux a aussi eu pour projet de dĂ©truire la musique. Et, aussi, parce-que, d’une façon ou d’une autre j’ai vu les morts de ces attentats.

 

J’ai eu la chance de n’avoir perdu personne du Covid.

 

Pendant le confinement dĂ©cidĂ© lors de la pandĂ©mie du Covid les manifestations publiques telles que les concerts ont Ă©tĂ© annulĂ©es. Se retrouver comme hier ou mardi soir, avec des inconnus, Ă  visage dĂ©couvert, sans avoir Ă  fournir de passe sanitaire, dans une salle fermĂ©e Ă  Ă©couter la mĂȘme musique, Ă  danser voire Ă  rĂȘver ensemble grĂące Ă  la musique et des artistes  Ă©tait devenu impossible. C’était il y a deux ans. Il n’y a pas si longtemps. ( Panorama 18 mars-19 avril 2020, Coronavirus Circus 2Ăšme Panorama 15 avril-18 Mai 2020 par Franck Unimon). 

 

Ce à quoi nous tenons, ce que nous vivons, est éphémÚre. La musique renoue avec cet éphémÚre.

 

Voici mon « best of Â» des photos du concert d’Hollie Cook au Trabendo, ce vendredi 28 octobre 2022.

 

Franck Unimon, ce samedi 29 octobre 2022.

 

Hollie Cook, au Trabendo, ce vendredi 28 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

Hollie Cook, Trabendo, vendredi 28 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Hollie Cook, Trabendo, vendredi 28 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Hollie Cook, Trabendo, vendredi 28 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Hollie Cook, au Trabendo, vendredi 28 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Au concert de Hollie Cook, au Trabendo, ce vendredi 28 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

Hollie Cook, Trabendo, vendredi 28 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Hollie Cook, Trabendo, vendredi 28 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Hollie Cook, au Trabendo, vendredi 28 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

Hollie Cook, Trabendo, vendredi 28 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Hollie Cook, Trabendo, vendredi 28 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Hollie Cook, Trabendo, vendredi 28 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Hollie Cook, Trabendo, vendredi 28 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Hollie Cook, Trabendo, vendredi 28 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

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En Concert

En concert avec Zentone Ă  la Maroquinerie

En concert avec Zentone Ă  la Maroquinerie

 

Un de mes collÚgues, ancien animateur radio, compte parmi ses amis, un homme, célibataire, lequel, tous les soirs, se rend à un concert.

En une annĂ©e, c’est beaucoup plus que le nombre de fois oĂč je suis allĂ© voir un groupe ou un artiste sur scĂšne.

 

Un concert raconte souvent un bout de notre vie. Et, je crois aussi, comme quelqu’un l’a dit ou Ă©crit, que la musique est une des meilleures machines Ă  remonter le temps que nous ayons Ă  notre portĂ©e. Elle piĂšge aussi celle et ceux qui acceptent de s’en approcher qu’ils soient musiciens, chanteurs ou « simples Â» auditeurs. Car elle porte en elle une partie de la promesse que chacune et chacun a en soi et qu’elle peut lui apprendre Ă  mieux connaĂźtre ou Ă  dĂ©couvrir. Et puis, mirage ou prodige, la musique nous autorise une jeunesse et une enfance renouvelĂ©es. On commence sans doute Ă  se (b)rider lorsque l’on commence Ă  dĂ©cider que la musique, le jeu et le rire sont des activitĂ©s de colonie de vacances qui ont fait leur temps, qu’il faut passer Ă  tout autre chose, se mettre au travail pour de bon, et devenir, sans jamais dĂ©vier de la ligne, une personne en tout point de vue irrĂ©prochable, sĂ©rieuse et adulte.

La Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022, avant le dĂ©but du concert de Zentone. Photo©Franck.Unimon

 

 

J’avais dix neuf ans lorsque je suis allĂ© seul, pour la premiĂšre fois, Ă  un concert. C’était pour aller voir Miles Davis, dĂ©jĂ  mon musicien prĂ©fĂ©rĂ©, dĂ©couvert alors que j’avais 17 ans. GrĂące Ă  un copain, d’origine franco-polonaise, par l’album Star People, sur sa platine disque vinyle. Un ami, un peu plus ĂągĂ© que moi d’un an ou deux, que je connaissais de vue avant de vĂ©ritablement faire sa connaissance dans le club d’athlĂ©tisme de notre ville. Club oĂč il me rapprocha de quelqu’un, devenu mon meilleur ami, d’origine algĂ©rienne, qui avait connu les bidonvilles de Nanterre, que j’avais eu dans ma classe au collĂšge, et que j’avais toujours Ă©vitĂ© en raison de sa nervositĂ© et de son impulsivitĂ©.

  

Ce premier copain, franco-polonais, plus grand que moi de dix Ă  quinze centimĂštres, habitait avec sa mĂšre, divorcĂ©e, quatre Ă©tages en dessous de l’appartement oĂč j’habitais avec mes parents, ma sƓur et mon frĂšre dans un F3, dans une tour HLM de 18 Ă©tages, Ă  Nanterre. En face de l’école maternelle et primaire, Robespierre. A cĂŽtĂ© de l’usine CitroĂ«n.

 

J’ai connu les concerts, les cafĂ©s et les restaurants au cours desquels on se faisait enfumer par ses voisins et oĂč l’on rentrait chez soi, avec sur ses vĂȘtements, l’odeur du tabac. Ce qui n’a jamais Ă©tĂ© ma volontĂ© mais c’était un passage obligĂ© lorsque l’on souhaitait sortir de chez soi.

 

 

Beaucoup a changĂ© depuis. Pourtant, beaucoup, aussi, est restĂ© identique. Comme les enfants d’il y a quarante ans, les enfants d’aujourd’hui continuent d’aimer manger des frites. Et, des gens d’aujourd’hui continuent d’aimer Ă©couter de la musique, d’en jouer ou d’en dĂ©couvrir. La musique reste la musique. Seules ses dĂ©clinaisons et la façon dont on est allĂ© vers elle la premiĂšre fois, et oĂč l’on retourne vers elle, peut avoir changĂ© un peu ou beaucoup lorsque l’on est aujourd’hui « plus jeune Â». Mais la musique continue de nous toucher. Et, il nous reste aussi la mĂ©moire ainsi que la transmission.

 

La Maroquinerie, avant le dĂ©but du concert de Zentone, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Combien de personnes « jeunes Â», aujourd’hui, Ă©coutent une musique qu’ont pu Ă©couter leurs parents ou leurs grands parents, en mĂȘme temps que d’autres musiques. Car si la musique peut ĂȘtre une transition dans nos vies, elle est aussi une mĂ©moire, une transmission et une acquisition.

 

 

Hier soir, lorsque je suis allĂ© voir Zentone Ă  la Maroquinerie, mon dernier concert dans une salle datait de plus de cinq annĂ©es. C’était peut-ĂȘtre pour aller voir Marc Ribot Ă  la cave DimiĂšre d’Argenteuil. AprĂšs Arno et Danyel Waro au Figuier blanc, Ă©galement Ă  Argenteuil. Des trĂšs bons concerts.

 

J’étais alors devenu pĂšre ou allais le devenir.

 

En prenant de l’ñge mais aussi en changeant de « statut Â», en passant de fils « d’employĂ© Â» Ă©tudiant idĂ©aliste plus ou moins puceau Ă  pĂšre et conjoint employĂ© et imposable, on sort, sans vraiment s’en souvenir ou s’en apercevoir d’un certain circuit. Pour, quelques annĂ©es plus tard, assez facilement se convaincre que ce circuit nous est Ă  tout jamais interdit. On serait devenu trop vieux ou infrĂ©quentable ou tout juste bon pour  rester chez soi.

 

Sauf que rien ne nous interdit de reprendre des Ă©tudes, de refaire connaissance ou d’acheter un billet d’entrĂ©e pour aller Ă  un concert. Et, rien ne nous interdit non plus d’y aller seul si la majoritĂ© des personnes que nous connaissons, et qui nous ressemblent, sont indisponibles ou n’ont pas cette envie ou ce besoin-lĂ .

 

 

En musique et en concert, je crois avoir ratĂ© l’aventure du Rap parce-que, dans les annĂ©es 90, j’avais un travail qui me plaisait, enfin, et qui me permettait de gagner suffisamment ma vie. J’avais donc commencĂ© Ă  m’insĂ©rer socialement et entrevoyais la possibilitĂ© concrĂšte d’un avenir. MĂȘme si mes projets d’avenir restaient approximatifs.

 

Mais j’ai sans doute aussi ratĂ© l’aventure du Rap, parce-que, dans les annĂ©es 90, j’étais bien plus entraĂźnĂ© dans le Dub et le Reggae, ou, Ă©ventuellement, dans une certaine forme de techno.

 

Si Miles a bien fait un album inspirĂ© du Rap, sorti aprĂšs sa mort en 1991, cet album n’a pas suffi. Et, si j’étais allĂ© voir MC Solaar au ZĂ©nith (un concert trĂšs correct mais frustrant) et I AM Ă  l’Olympia (un de mes meilleurs souvenirs de concert), le Rap, qui, aujourd’hui, en France, dĂ©sherbe « tout Â», ne m’a pas parlĂ© aussi bien que le Dub, par exemple.

 

High Tone et Zenzile avaient dĂ©jĂ  jouĂ© ensemble en 2006 a rappelĂ© un des musiciens hier soir. Cela ne m’a pas marquĂ©. J’ai dĂ» le savoir et l’écouter « Ă  l’époque Â» mais sans donner suite car je ne m’en souviens pas.

Pendant des annĂ©es, j’ai eu beaucoup de mal avec « les Â» Zenzile de Angers. La voix de leur chanteuse, Jamika, ne passait pas pour moi. High Tone, j’aimais davantage. Mais je trouvais leurs titres trop longs ou trop expĂ©rimentaux.

 

La Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022, pendant le concert de Zentone. Photo©Franck.Unimon

 

J’ai aimĂ© High Tone lorsqu’ils ont jouĂ© avec le groupe Improvisators Dub, dans le groupe Highvisators. C’était en 2004. Les Improvisators Dub de Bordeaux, avec « feu Â» Manutention, Ă©taient lestĂ©s de Dub. Avec eux, impossible de rater la percussion Dub. J’ai eu la chance de voir les Improvisators Dub Ă  un concert Ă  la salle de concerts l’Observatoire Ă  Cergy St Christophe, la mĂȘme soirĂ©e oĂč j’ai dĂ©couvert le groupe Brain Damage de St Etienne, alors conduit par Martin Nathan et le bassiste RaphaĂ«l Talis, parti par la suite.  

 

Depuis, Manutention est dĂ©cĂ©dĂ© et le groupe Improvisators Dub n’existe plus, ce qui me rend assez nostalgique. Hier soir, sur scĂšne, Ă  la Maroquinerie, aucun des artistes sur scĂšne n’a mentionnĂ© les Improvisators Dub parce-que le temps est passĂ©. Mais dans les annĂ©es 1990-2000, les Improvisators Dub faisaient partie, avec High Tone et Zenzile des groupes français pionniers pour jouer du Dub sur scĂšne «  avec des instruments Â» comme l’a dit un des spectateurs, hier soir.

 

Les groupes français Le Peuple de l’Herbe, Dubphonic ou Lab° ont aussi su faire partie ou font peut-ĂȘtre encore partie de la surface de rĂ©paration du Dub en France mais je les connais moins bien, ne les ai pas vus sur scĂšne, ou leur prestation sur scĂšne (telle celle de Lab° Ă  Saint Germain en Laye) m’avait moins transportĂ©.

 

J’ai aussi aimĂ© High Tone lorsqu’il a croisĂ© Brain Damage « de Â» Martin Nathan (aprĂšs le dĂ©part de RaphaĂ«l Talis) pour former le groupe High Damage. J’étais allĂ© les voir Ă  l’EMB de Sannois.

 

Enfin, j’ai aimĂ© High Tone lorsque, cette fois, il a retrouvĂ© Zenzile pour Zentone.

 

J’avais ratĂ© cette deuxiĂšme « version Â» de Zentone en concert en juin Ă  Paris. Je n’avais pas pu aller l’écouter sur scĂšne Ă  Lille fin septembre. Aussi, est-ce avec un grand plaisir qu’en tapant Zentone sur internet, machinalement, il  y a quelques semaines, que j’ai appris qu’ils allaient passer, Ă  nouveau pour une date unique, cette fois Ă  la Maroquinerie, salle de concerts dont j’avais dĂ©jĂ  entendu parler mais qui m’était toujours restĂ©e inconnue. Je ne savais pas oĂč la situer.

 

 

Se rendre seul à un concert, dans une salle que l’on ne connaüt pas, ressemble un peu à un pùlerinage.

 

La Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022, avant le concert de Zentone. Photo©Franck.Unimon

 

Pour ce pĂšlerinage, il m’a fallu me transplanter, vers 19h ce mardi soir, dans un mĂ©tro bondĂ©, ligne 3, depuis Paris St Lazare, avec une femme-parachutiste criant et se jetant presque dans mon dos, alors que les portes allaient se fermer :

 

« Mettez-vous dans les couloirs, s’il vous plait ! C’est pas vrai ! Tout le monde pourrait entrer si les gens se mettaient dans les couloirs ! Â».

 

La station de mĂ©tro suivante, la mĂȘme « parachutiste Â» a prĂ©fĂ©rĂ© se cramponner Ă  l’intĂ©rieur de la voiture, gĂȘnant le passage des personnes qui souhaitaient descendre.

 

L’atmosphĂšre s’est ensuite pacifiĂ©e dans le mĂ©tro alors que celui-ci s’est un peu vidĂ©. J’ai alors pris le temps de regarder ces personnes qui Ă©taient dans le mĂ©tro. Il y avait un peu moins de monde sur son Ă©cran de smartphone que d’habitude.

 

A la station Gambetta, beaucoup de voyageurs sont descendus. On aurait presque dit qu’ils se rendaient tous à la Maroquinerie.

 

Dans les faits, non, bien-sûr.

 

AprĂšs un passage Ă  la boulangerie La Gambette Ă  Pain oĂč j’ai dĂ» me passer de Mamouna, car il n’y en n’avait plus, j’ai demandĂ© mon chemin pour la Maroquinerie, rue Boyer.

 

C’est loin ! Vous n’y ĂȘtes pas du tout ! Je crois qu’il faut monter vers MĂ©nilmontant
.

Vous n’avez pas un tĂ©lĂ©phone ?

 

J’ai rĂ©pondu : « Je suis archaĂŻque. Je prĂ©fĂšre demander aux gens
 Â».

 

Enfin, une dame d’une soixantaine d’annĂ©es, la quatriĂšme personne que j’interrogeais, et de loin plus ĂągĂ©e que les trois hommes que j’avais questionnĂ© prĂ©cĂ©demment, m’a confirmĂ© :

 

« Vous continuez tout droit,  vous descendez la rue Villiers Adam. Jusqu’à la rue de la Bidassoa
vous en avez pour 15 minutes ou peut-ĂȘtre moins si vous marchez plus vite que moi Â».

 

Dans la rue Boyer, ce mardi 25 octobre 2022, non loin de la Maroquinerie. Photo©Franck.Unimon

 

Moins de quinze minutes plus tard, je passais devant les Tonton Bringueurs oĂč se tenait un certain nombre de consommateurs, ainsi qu’à l’intĂ©rieur. Dans la rue Boyer, je suis aussi passĂ© devant un club de Pilates ( «  En dix sĂ©ances, vous sentez la diffĂ©rence Â») et un futur projet de construction d’appartements luxueux.

 

Puis, la Bellevilloise et la Maroquinerie.

Devant la Maroquinerie, aprĂšs le concert de Zentone ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

La Maroquinerie est le type de salle de concert que je prĂ©fĂšre. Je suis allĂ© une fois ou deux Ă  Bercy. C’est trop grand mĂȘme si j’y ai de trĂšs bons souvenirs :

 

Burning Spear et les Gladiators avec « feu Â» Albert Griffith.

 

Je suis allĂ© une fois Ă  la DĂ©fense Arena, c’était pour Kassav’. Je ne le regrette pas mais j’avais prĂ©fĂ©rĂ©, ensuite, retourner voir Kassav’ Ă  la fĂȘte de l’Huma. J’ai ainsi pu voir « feu Â» Jacob Desvarieux avec le groupe, une derniĂšre fois sur scĂšne, sans le savoir.

 

 

Et puis, il y ‘a le prix de la place. 21,99 euros pour Zentone, hier soir. Je prends. A partir de 30 euros, il me faut une bonne raison. Je ne vais plus Ă  un concert de Björk, que j’avais pu voir lors de son passage Ă  l’ElysĂ©e Montmartre aprĂšs son premier album, Debut, depuis que les places montent Ă  des tarifs auxquels je prĂ©fĂšre ne pas penser. La derniĂšre fois que j’ai vue Björk, sur scĂšne, c’était en clĂŽture du festival Rock en Seine. Un trĂšs trĂšs bon concert. C’était il y a environ 15 ans. J’étais alors cĂ©libataire et sans enfant.

 

J’ai acceptĂ© de mettre prĂšs de 40 euros pour aller voir en dĂ©cembre Rodolphe Burger au New Morning. Parce-que c’est Rodolphe Burger, que je ne l’ai jamais vu sur scĂšne. Et, parce-qu’il sera accompagnĂ© des deux pointures que sont Medhi Haddab, dont je connais un petit peu l’univers,  et Sofiane SaĂŻdi que je ne connais pas du tout.

 

Pour moi, le prix d’une place de concert ne dit rien de la valeur d’un artiste. En novembre, Ă  Massy, il sera possible de voir en concert la plus que trĂšs grande chanteuse Oumou SangarĂ© pour moins de trente euros. C’est bien moins que d’autres artistes, dont les concerts sont plus chers, et dont la voix, Ă  cĂŽtĂ© d’elle, est une brindille.

 

Je n’ai jamais vu Rodolphe Burger en concert mais cela fait des annĂ©es que je l’écoute par morceaux. RĂ©cemment, j’ai aimĂ© revoir et réécouter sa reprise du Billie Jean de MichaĂ«l Jackson. OĂč Burger joue avec Sarah Murcia, une artiste que je ne connaissais pas il y a encore deux mois et que j’ai aperçue en photo, collĂ©e Ă  sa contrebasse,  pour la premiĂšre fois, en me rendant Ă  une exposition de tableaux d’une ancienne collĂšgue au restaurant-cafĂ©-salle de concerts le Triton.

 

Pour moi, parler de tout ça a aussi Ă  voir avec le concert d’hier soir. Hier soir, un des guitaristes du groupe Zentone portait un tee-shirt sur lequel on pouvait lire :

 

New Order.

La Maroquinerie, concert de Zentone, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

Nous avons Ă©coutĂ© du Dub et du Reggae hier soir. Mais les musiciens que nous avons vus et Ă©coutĂ©s viennent d’horizons multiples et multipistes. Tout comme un certain nombre des spectateurs prĂ©sents, sans doute.

 

La salle était pleine.

 

La Maroquinerie, au dĂ©but du concert de Zentone, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

Je me demande certaines fois qui je vais voir, parmi les spectateurs. Quel sera leur profil. MĂȘme si un profil, une apparence, ne dit rien de dĂ©finitif ou de notre humeur vĂ©ritable. Hier soir, le public Ă©tait un peu plus masculin que fĂ©minin. Je dirais Ă  peu prĂšs 55 pour cent d’hommes pour 45 pour cent de femmes.

Un public plutĂŽt blanc. Nous devions ĂȘtre dix noirs, en comptant trĂšs large, dans la salle. Pour l’ñge, je dirais que cela commençait Ă  25 ans pour monter jusqu’à 50 ans et plus. Mais j’ai aussi vu une enfant d’une douzaine d’annĂ©es qui devait ĂȘtre avec son pĂšre au fond de la salle de concert. J’ai vu une femme d’une bonne vingtaine d’annĂ©es avec une casquette posĂ©e Ă   l’envers de façon recherchĂ©e, portant un blouson type Bombers, jeans trouĂ© aux genoux, baskets, le dos voutĂ©, accompagnĂ©e au moins d’un homme d’à peu prĂšs du mĂȘme Ăąge, une pinte de biĂšre Ă  la main, allure de geek (ou de skateur), avec casquette, lunettes et barbe de plusieurs jours.

 

Mais j’ai aussi vu un homme d’une cinquantaine d’annĂ©es, presque habillĂ© comme un cadre sup, au bras de sa compagne Ă©namourĂ©e.

 

Les biĂšres Ă©taient de sortie dans la salle. Elles avaient remplacĂ© les cigarettes et les joints. MĂȘme si une personne ou deux a pu tirer des lattes sur sa cigarette Ă©lectronique sans inquiĂ©tude.

 

D’abord plutĂŽt au fond de la salle, devant la console de son, je me suis rapidement aperçu que j’étais trop loin pour prendre des photos. Alors que ce que j’aimerais, autant que possible, lors des quelques concerts oĂč j’ai prĂ©vu de me rendre, c’est de pouvoir proposer des photos prĂ©sentables. Des photos qui donnent envie d’aller Ă  un concert, des photos qui donnent envie d’écouter de la musique dans un endroit public.Alors, suivant l’exemple de quelques personnes, que j’avais vu se faufiler vers la scĂšne, je me suis mis Ă  sillonner au sein du public. Et, trĂšs facilement, j’ai pu me rapprocher….

La Maroquinerie, pendant le concert de Zentone, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Au dĂ©but du concert, je n’ai pas pu m’empĂȘcher de penser aux attentats terroristes islamistes « du Â» Bataclan en novembre 2015. Peut-ĂȘtre que c’est la premiĂšre fois ou l’une des premiĂšre fois que je retourne dans une salle de concert depuis ces attentats. Ce n’est pas une histoire de peur.  Je crois que c’est parce-que j’avais Ă©tĂ© occupĂ© par d’autres Ă©vĂ©nements. Mais tout en Ă©tant lĂ , devant Zentone, avec d’autres personnes dans la salle, je me suis dit que nous contribuions, aussi, Ă  nous Ă©loigner de ce trauma.

 

Ensuite, sur scĂšne, Zentone a tenu toutes ses promesses. Le bassiste de Zenzile et celui de High Tone, toujours  devant au milieu de la scĂšne, ont jouĂ© par alternance. Celui de Zenzile avait une Ă©nergie punk tandis que celui de High Tone Ă©tait plutĂŽt roots.

 

Le bassiste de Zenzile, pendant le concert de Zentone, ce mardi 25 octobre Ă  la Maroquinerie. DerriĂšre lui, Jolly Joseph. Photo©Franck.Unimon

 

Le bassiste de High Tone, Ă  la Maroquinerie pendant le concert de Zentone ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Trois ou quatre personnes étaient aux claviers, dont le chanteur Jolly Joseph.

 

Au premier plan, le chanteur Jolly Joseph, Ă  cĂŽtĂ© de lui, le bassiste de Zenzile, au fond, le guitariste de High Tone. Maroquinerie, concert de Zentone, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Jolly Joseph aux claviers, au milieu, le musicien des instruments Ă  vent et claviers, Ă  droite, le guitariste de Zenzile. La Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022 pendant le concert de Zentone. Photo©Franck.Unimon

 

Deux guitaristes Ă©taient en lice. Un autre musicien tenait la partition des instruments Ă  vent et de la percussion. A l’arriĂšre scĂšne, au milieu, le batteur a Ă©tĂ© le ferment d’un Dub intraitable.

Le batteur de Zentone, ferment d’un Dub intraitable. La Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Un des bassistes et le batteur de Zentone. La Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

La Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022. Concert de Zentone. Photo©Franck.Unimon

 

Zentone, Ă  la Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Zentone, ce mardi 25 octobre 2022, Ă  la Maroquinerie. Photo©Franck.Unimon

 

Zentone, Ă  la Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Concert de Zentone, Ă  la Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Zentone Ă  la Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Zentone, Ă  la Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Zentone, Ă  la Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Zentone, Ă  la Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Zentone, Ă  la Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Zentone, Ă  la Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Zentone, Ă  la Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Zentone, Ă  la Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

Zentone, la Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

 

Franck Unimon, ce mercredi 26 octobre 2022.

 

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Puissants Fonds/ Livres

L’Amour sous algorithme, un livre de Judith Duportail

L’Amour sous algorithme, un livre de Judith Duportail.

 

 

AppĂąt ou Ă©tat, son apparition change la donne. Seconde peau de premiĂšre main, l’Amour est une assez vieille croyance que, quel que soit l’ñge, un jour, beaucoup mangent.

 

La journaliste indĂ©pendante Judith Duportail a 28 ans lorsqu’elle tĂ©lĂ©charge en 2014 l’application de rencontres Tinder. On apprend dans son livre que cette application, disponible en France en 2013, a Ă©tĂ© cofondĂ©e par Sean Rad – qui voulait ĂȘtre acteur initialement- en 2012 aux Etats Unis.

 

Judith Duportail est une jeune parisienne qui, lorsqu’elle Ă©crit ce livre, pourrait ĂȘtre dĂ©crite comme « Ă©mancipĂ©e Â», urbaine, Ă©duquĂ©e (un niveau d’études plutĂŽt Ă©levĂ©, Anglais courant) et pourvue d’humour.

 

Sur le papier, Judith Duportail est une personne suffisamment armĂ©e pour ĂȘtre aimĂ©e.

 

Cela pourra Ă©tonner de voir rapprochĂ©, ici, le terme « arme Â» de celui qui consiste Ă  trouver ou Ă  ĂȘtre trouvĂ© par l’ñme sƓur
 mais lorsqu’il s’agit de sĂ©duire la personne qui s’aventure Ă  nous plaire, un simple sourire pour elle  est dĂ©jĂ  une tentative de capture. MĂȘme si sourire n’empĂȘche pas la rupture. Hollie Cook hante cette vĂ©ritĂ© dans son titre 99 :

 

« Please, don’t give me your smile I Adore cause I can’t touch you no more
. Â» (« Je t’en supplie, ne m’adresse plus ce sourire que j’adore car je ne peux plus me rapprocher de  toi Â»).

 

 

Hollie Cook passe cette semaine en concert au Trabendo ce vendredi 28 octobre. Il est possible que j’aille la voir.

 

Le fait que L’Amour sous algorithme ait Ă©tĂ© Ă©crit par une femme (apparemment en 2019) et ait Ă©tĂ© citĂ© par d’autres femmes (Mona Chollet et Victoire Tuaillon) prĂ©occupĂ©es Ă©galement par les relations amoureuses entre les ĂȘtres humains a son importance. Car officiellement, les hommes hĂ©tĂ©rosexuels sont des larves de l’Amour.

Et, en tant que larves des sentiments et de l’engagement, ils font beaucoup souffrir les femmes qui sont des ĂȘtres beaucoup plus Ă©voluĂ©s en matiĂšre d’engagement et de sentiment. Je l’écris ici avec un peu de provocation misogyne. Mais je rĂ©sume aussi, je crois, une partie du sujet principal. Parce qu’il y a l’algorithme.  Puis il y a celles et ceux qui l’utilisent et qui sont, en principe, tous, des ĂȘtres responsables.

 

Une Digital Native

 

La spĂ©cificitĂ© de Judith Duportail, qui a Ă©crit L’Amour sous algorithme est d’ĂȘtre, sans doute comme Victoire Tuaillon (conceptrice du podcast et auteure du livre Les couilles sur la table, un livre de Victoire Tuaillon. PremiĂšres partiesLes Couilles sur la table, un livre de Victoire Tuaillon. 2Ăšme partie. Ego Trip.) qui a Ă  peu prĂšs le mĂȘme Ăąge, ce que l’on appelle une Digital Native.

 

Soit une personne nĂ©e Ă  partir des annĂ©es 80 et trĂšs tĂŽt familiarisĂ©e avec les environnements numĂ©riques et qui, par consĂ©quent, peut ĂȘtre quotidiennement rivĂ©e Ă  un Ă©cran d’ordinateur, de tablette numĂ©rique, de smartphone ou attachĂ©e Ă  une console de jeux donnant gĂ©nĂ©ralement accĂšs Ă  internet avec un dĂ©bit illimitĂ©.

 

Pour une personne Digital Native, télécharger une application telle que Tinder pour faire des rencontres fait partie du décor de son quotidien. Mais cela fait aussi partie de la norme sociale.

Paris, Place de la Concorde. DĂ©but octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

L’Aprùs Meetic

 

Lorsque le site de rencontres Meetic fut créé en 2001, cela fut davantage un Ă©vĂ©nement d’un point de vue sociĂ©tal que de s’y inscrire. Car c’était nouveau de s’y prendre de cette maniĂšre pour faire des rencontres. C’était plutĂŽt une pratique secrĂšte et honteuse. Il pouvait ĂȘtre plus facile de s’afficher comme une personne cĂ©libataire dans la vie ordinaire que de raconter que l’on avait passĂ© plusieurs heures de sa journĂ©e ou de sa nuit Ă  Ă©cluser un site de rencontres.

 

Dans les annĂ©es 2000, le site Meetic Ă©tait le site de rencontres dont on parlait le plus. Le site existe toujours et serait toujours un site de rencontres qui compte. Sauf que, depuis 2001, les sites de rencontres, les rĂ©seaux sociaux, la technologie informatique mais aussi la tĂ©lĂ©phonie mobile se sont beaucoup dĂ©veloppĂ©s et ont transformĂ© la façon de se rencontrer mais aussi d’interagir avec les autres tant d’un point vue professionnel, administratif, Ă©conomique, amical qu’amoureux. En 2001, par exemple, il Ă©tait impossible de consulter son compte bancaire sur son smartphone. Et, il Ă©tait plutĂŽt rare d’organiser des rĂ©unions ou des « rencontres Â» Ă  distance sur Skype.

 

Judith Duportail, amatrice de Tinder

 

 

Judith Duportail, nĂ©e en 1986, Digital Native, a voulu en savoir plus sur ce qu’il y avait dans le ventre de l’application Tinder qui a le pouvoir de retourner les tripes de ses usagers. CĂ©libataire et en perte d’amour lorsqu’elle tĂ©lĂ©charge l’application Tinder, elle a ce rĂ©flexe Ă  la fois fĂ©ministe, personnel mais aussi journalistique.

 

Quand paraĂźt son livre, nous sommes aussi dans l’ùre des « lanceurs d’alerte Â». Et, Judith Duportail a sans aucun doute eu connaissance de l’affaire mondialement mĂ©diatisĂ©e en 2013 de l’AmĂ©ricain Edward Snowden (son aĂźnĂ© de 3 ans) ou de l’affaire Wikileaks, d’abord, en 2006 avec Julian Assange.

 

Des « affaires Â» comme l’affaire Wikileaks et l’affaire Snowden mais aussi des Ɠuvres cinĂ©matographiques comme Matrix ( rĂ©alisĂ© en 1999) qui ont eu des retentissements mĂ©diatiques mondiaux auront dĂ©montrĂ© que le monde numĂ©rique a non seulement des failles mais peut aussi servir des intentions malveillantes.

 

Une personne Digitale Native un peu soucieuse et critique vis Ă  vis de cet environnement numĂ©rique qui lui est aussi familier que peut l’ĂȘtre une forĂȘt pour un garde champĂȘtre, peut avoir Ă  cƓur de mieux connaĂźtre ce site de rencontres Ă  qui elle confie sa vie sentimentale mais aussi son avenir. Mais aussi disposer de suffisamment de compĂ©tences et de culture technique pour mieux comprendre comment cette entreprise numĂ©rique et commerciale marche.

 

En plus de ces compĂ©tences et de cette culture numĂ©rique, Judith Duportail, devenue journaliste indĂ©pendante aprĂšs avoir travaillĂ© pour Le Figaro, fait aussi montre d’une grande crĂ©ativitĂ© tant relationnelle que journalistique pour rencontrer certains reprĂ©sentants de Tinder France. Elle  rĂ©ussira mĂȘme Ă  obtenir une interview-prĂ©-programmĂ©e- mĂȘme le cofondateur de Tinder, Sean Rad, qui est encore alors le PDG de Tinder.  Mais aussi de Whitney Wolfe, ex-cofondatrice de Tinder. Celle qui, «  a eu l’idĂ©e d’appeler l’application Tinder, qui se traduirait par « allume-feu Â» en Français Â». (L’Amour sous algorithme, page 183).

 

Judith Duportail nous apprend que Whitney Wolfe, aprĂšs avoir dĂ» quitter Tinder a créé Bumble «  une application de rencontre qui se prĂ©sente comme fĂ©ministe. Avec ses 36 millions d’utilisateurs, l’appli est maintenant le principal concurrent de Tinder, et le groupe Match cherche Ă  la racheter. Sur Bumble, ce sont les femmes seulement qui peuvent prendre l’initiative d’engager la conversation avec les hommes Â». ( page 181, de L’Amour sous algorithme).

 

La salle ovale de la BibliothĂšque Nationale Richelieu, octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

Le rĂȘve sous algorithme

 

 

Si Duportail nous parle de Tinder et de la façon dont ce site de rencontres peut collecter une quantitĂ© invraisemblable d’informations personnelles de ses usagers, puis les revendre Ă  d’autres entreprises, on comprend ( ou l’auteure nous l’explique) que cette « mĂ©thode Â» de siphonage des informations personnelles est aussi utilisĂ©e par un certain nombre des sites de rencontres et des rĂ©seaux sociaux qu’il est dĂ©sormais courant d’utiliser quel que soit notre Ăąge, notre sexualitĂ©, notre poids, notre religion, notre catĂ©gorie socio-professionnelle ou nos origines.

 

Le titre du livre de Judith Duportail s’appelle L’Amour sous algorithme mais il aurait pu aussi s’intituler Le rĂȘve sous algorithme. Et le mot « algorithme Â» peut bien des fois se faire remplacer par le mot « cloche Â».

 

Car l’auteure nous dĂ©montre comment sur Tinder, qui se veut dĂ©mocratique,  les rencontres sont orientĂ©es et quadrillĂ©es selon les rĂ©sultats de certains « Ă©changes Â» entre usagers mais aussi selon certaines valeurs plutĂŽt
conventionnelles.

MalgrĂ© la prĂ©sentation « jeune Â» et « dĂ©contractĂ©e Â» affichĂ©e par les reprĂ©sentants et le discours de la « boite Â» Tinder, les entrailles des algorithmes, lorsque passĂ©es au scalpel de l’enquĂȘte de Duportail se montrent beaucoup moins novatrices.

 

Lorsque l’auteure questionne Sean Rad, alors PDG de Tinder, quant Ă  la tendance consumĂ©riste des rencontres sur le site d’applications, celui-ci rĂ©pond que beaucoup de personnes leur Ă©crivent pour les remercier de leur avoir permis de trouver leur bonheur sur Tinder. Ce genre d’histoires existe bien-sĂ»r. Mais pas pour d’autres et, cela, dans une proportion difficile Ă  dĂ©finir. Car des millions d’usagers persistent Ă  se connecter telles des souris de laboratoire enfermĂ©es dans une cage- ou sous une cloche- qui continuent de faire tourner la mĂȘme roue qui est la route du cash pour un site comme Tinder.

 

« Chaque jour, se produisent 2 milliards de matchs sur Tinder. L’application, prĂ©sente dans 190 pays revendique ĂȘtre Ă  la base d’un million de dates par semaine. Un million ! Le succĂšs de Tinder est indĂ©niable. C’est un outil incroyable Â». ( page 219 de L’Amour sous algorithme ).

 

L’addiction à la connexion

 

 

 

Dans L’Amour sous algorithme, Duportail nous parle de l’addiction Ă  la connexion au site qu’elle compare entre-autres Ă  celle des joueurs de casino. TrĂšs vite, elle nous a parlĂ©, lors de ses dĂ©buts sur Tinder, du fait que son ego a pu ĂȘtre rapidement boostĂ© Ă  recevoir un certain nombre de matches. Avant ensuite de dĂ©chanter devant ce besoin recomposĂ© de recevoir de nouveaux shoots de matches mais aussi devant la dĂ©sillusion que lui font vivre ses rencontres. Lorsqu’elle nous raconte certaines de ses rencontres et dĂ©confitures, on se croit par moments dans un mauvais sketch de Blanche Gardin, de Tania Dutel ou de Marina Rollman.

 

Boire, fumer, draguer et coucher avec qui, quand et comme on veut, plus ou moins bien  gagner sa vie, vivre chez soi ou en coloc, conduire une moto ou une voiture, avoir son rĂ©seau d’amis, sortir la nuit, dĂ©coucher, danser, voyager, dire des gros mots ou ce que l’on pense quand on le pense, bien s’exprimer, avoir de la rĂ©partie et un humour supersonique, avoir un trĂšs bon niveau d’études, une certaine rĂ©ussite sociale, cela ressemble Ă  une vie d’adulte Ă©mancipĂ©e. Mais cela n’empĂȘche pas la claudication alternative devant l’alerte de La rencontre.

  

La dépendance affective

 

AprĂšs nous avoir parlĂ© de l’addiction au site,  Judith Duportail fait bien de souligner  l’engrenage de la dĂ©pendance affective qu’entretient un site (tout site ?) de rencontres. Car les comportements d’addiction et la dĂ©pendance affective sont attachĂ©s. Et, lorsque l’on se retrouve imbriquĂ© entre les deux, on peut avoir du mal Ă  rĂ©ellement s’émanciper de certaines conduites d’échecs lors de nos rencontres sentimentales :

 

« (
.) Selon John Bowlby, la moitiĂ© des adultes dans le monde occidental souffrent d’un trouble de l’attachement plus ou moins prononcĂ©. Certains arriveront Ă  bien vivre avec, ou n’en seront pas trop handicapĂ©s. Car attention, toute relation sentimentale Ă  un autre, tout attachement, induit une forme de dĂ©pendance. On dit bien Ă  ses amis :

« Je peux compter sur toi Â» ou « Je suis lĂ  pour toi Â», ce qui signifie qu’on a besoin les uns des autres, qu’on se fĂ©licite d’honorer cette interdĂ©pendance. Une dĂ©pendance consentie, cadrĂ©e. Dans le cas des dĂ©pendants affectifs, le regard de l’autre prend trop de place, trop d’importance. Car ils cherchent Ă  l’extĂ©rieur d’eux-mĂȘmes comment soigner leur blessure initiale Â». (page 139 de L’Amour sous algorithme).

 

 

A ce jour, je n’ai pas lu d’ouvrage de John Bowlby. Mais j’aimerais bien savoir quelles sont les causes, selon lui, de ce « trouble de l’attachement plus ou moins prononcĂ© Â» dont « la moitiĂ© des adultes dans le monde occidental souffrent Â». J’imagine que certains modes de vie doivent y ĂȘtre pour quelque chose. MĂȘme si le trouble de l’attachement « plus ou moins prononcĂ© Â» a sans doute toujours existĂ© en occident mais aussi ailleurs.

 

La salle ovale de la BibliothĂšque nationale Richelieu, octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Faire le ménage dans nos méninges et nos névroses

 

 

Le mirage des sites de rencontres et des rĂ©seaux sociaux, qui sont des mĂ©dia plutĂŽt extraordinaires Ă  l’origine, c’est de nous abonner Ă  la croyance qu’ils peuvent trĂšs facilement « nous aider Â» Ă  gommer ce qui nous dĂ©range dans notre vie ordinaire et nous faire vivre des miracles rĂ©pĂ©tĂ©s. En nous offrant leurs « services Â».

 

Alors qu’il faudrait d’abord, au prĂ©alable, vĂ©rifier dans quelle disposition mentale et affective on se trouve, et faire le mĂ©nage dans nos mĂ©ninges et nos nĂ©vroses, lorsque l’on se rend dans ce genre d’endroits :

 

Les sites de rencontres et les réseaux sociaux.

 

AprĂšs tout, toute personne qui va se lancer dans une aventure vĂ©rifie d’abord son matĂ©riel, sa condition physique et mentale, mais aussi la viabilitĂ© de son projet auparavant. Et, pour cela, le plus souvent, mĂȘme si ensuite elle dĂ©cide de tenter l’aventure, elle sait d’abord se faire entourer et conseiller par des spĂ©cialistes, des professionnels ou par des personnes qui ont tentĂ©  cette aventure avant elle.

 

C’est pourtant le contraire qui se passe avec les sites de rencontres. AppĂątĂ©s par le miracle qui nous attend aprĂšs quelques mouvements de doigts, nous nous muons en Indiana Jones de la rencontre et sautons les Ă©tapes.

 

Lorsque j’avais connu l’expĂ©rience du site de rencontres Meetic Ă  la fin des annĂ©es 2000, j’étais cĂ©libataire, plus ou moins dĂ©primĂ© et en recherche d’une histoire d’Amour. Mais j’allais bien mieux que d’autres. Je n’étais ni sous anti dĂ©presseurs et pas sous le coup d’une rupture toute fraiche de quelques minutes. J’avais besoin d’élargir mon cercle de rencontres. Et Meetic Ă©tait une nouvelle façon pour peut-ĂȘtre Ă©largir ce cercle.

En outre, le fait d’ĂȘtre actif dans la recherche, avait au dĂ©part quelque chose de sans doute valorisant. Agir plutĂŽt que subir. Essayer cette nouvelle façon de faire au lieu de la dĂ©nigrer d’emblĂ©e. Pour ces raisons, au dĂ©part, l’expĂ©rience Meetic fut une expĂ©rience d’ouverture. Car toutes mes rencontres jusqu’alors s’étaient faites sans passer par un  site.

 

J’ai oubliĂ© combien de temps j’étais restĂ© inscrit sur Meetic. Peut-ĂȘtre Ă  peu prĂšs deux ans. A l’époque, le site de rencontres Ă©tait exclusivement payant pour les hommes. Et gratuit pour les femmes. Cela m’a toujours paru injustifiĂ©.

 

J’ai toujours eu le sentiment que le fait de pouvoir s’inscrire gratuitement maintenait la plupart des femmes du site dans la position passive des princesses qui passaient leur temps  Ă  attendre le prĂ©tendu prince charmant. Car j’avais Ă©tĂ© Ă©difiĂ© de lire sur bien des annonces de femmes inscrites, qui se prĂ©sentaient comme des femmes ayant la trentaine tout au plus, qu’elles recherchaient le « prince charmant Â».

 

Que ce soit dans la vraie vie ou sur un site de rencontres, pour moi, celle ou celui qui recherche le prince charmant, consciemment ou inconsciemment, ne le trouvera pas.

En tout cas, moi, je ne me vois pas comme un prince charmant. Et, je perçois cette attente comme une dictature. Une telle attente me donne plutÎt envie de me comporter de maniÚre trÚs provocante.

 

Et, j’avais peut-ĂȘtre eu tort alors, mais chaque fois que j’avais vu mentionnĂ©e cette quĂȘte ou cette attente du « prince charmant Â», j’avais fui. Je ne correspondais ni au portrait-robot ni au portrait-mental d’un prince charmant. Et, c’est toujours le cas aujourd’hui. 

 

Pourtant, je cherchais vĂ©ritablement une histoire d’Amour sur Meetic. Et je sais qu’il y a des hommes qui cherchent aussi Ă  vivre une sincĂšre histoire d’Amour avec des femmes. Il reste donc Ă©nigmatique pour moi que des femmes instruites comme Duportail, Tuaillon et Chollet, et celles qui leur ressemblent, puissent avoir eu tant de mal Ă  croiser ces hommes qu’elles ont cherchĂ© ou cherchent.

 

Pour moi, l’explication ne tient pas uniquement dans le patriarcat. Mais aussi dans le fait que certaines femmes dites Ă©mancipĂ©es le sont bien moins qu’elles ne le croient ou l’affirment. Et, un certain nombre d’entre elles continuent de suivre celle ou celui qui sera le mieux douĂ©(e) pour leur jouer la comĂ©die. Puisque dĂšs lors que quelqu’un nous « fait quelque chose Â» ou nous « fait vibrer Â», on aime bien se raconter, mĂȘme si assez vite cette personne honore trĂšs mal ses promesses ou ses engagements, que, malgrĂ© tout, cela vaut le coup. Et que cela vaut aussi le cul, par la mĂȘme occasion.

 

 

Le grand remplacement

 

 

Sur Meetic, j’avais connu une histoire de cinq mois qui m’a fait un effet durable puisque je me rappelle toujours du prĂ©nom et du nom de cette personne comme de certains moments vĂ©cus avec elle prĂšs de quinze ans plus tard.

 

Mais j’avais aussi Ă©tĂ© trĂšs influencĂ© par le cĂŽtĂ© supermarchĂ© du site.

 

Et, lorsque Ă©taient apparues des tensions entre elle et moi, j’avais Ă©tĂ© rapidement agacĂ© par ce que je voyais comme des caprices de petite fille. Me disant que si notre relation se terminait que je retrouverais rapidement- sur le site- quelqu’un d’autre de « bien Â» qui me ferait moins chier. Ma future ex de Meetic s’était sĂ»rement comportĂ©e comme une personne capricieuse, quelque peu immature et tyrannique, exigeant de moi des gages d’Amour qui me dĂ©concertaient mais aussi mettant en doute la sincĂ©ritĂ© de mon attachement. Peut-ĂȘtre que notre relation Ă©tait-elle rĂ©ellement privĂ©e de futur. NĂ©anmoins, si elle et moi nous Ă©tions rencontrĂ©s dans mes conditions de vie habituelles (ce qui aurait Ă©tĂ© assez peu probable Ă©tant donnĂ© que nous Ă©voluions et avons sans doute continuĂ© d’évoluer dans des univers culturels, Ă©conomiques et professionnels trĂšs diffĂ©rents ), je crois que j’aurais Ă©tĂ© plus tolĂ©rant.

Je n’aurais pas eu ce rĂ©flexe, trĂšs vite acquis en Ă©tant inscrit sur le site alors que je n’avais pas rencontrĂ© tant de personnes que ça avant elle, de me dire que je pourrais trĂšs vite la remplacer. Et, lorsqu’elle m’avait fait sa « crise Â» d’autoritĂ© ou de caprice, je l’avais dĂ©posĂ©e en voiture lĂ  oĂč elle me l’avait demandĂ©/exigĂ©. Afin de lui laisser cette assurance que, oui, je la considĂ©rais vraiment. Elle, qui aurait voulu qu’à notre retour de Normandie, je la dĂ©pose devant chez elle, Ă  Paris, rue du Bac, en voiture. Pour qu’ensuite, je retourne chez moi toujours en voiture chez moi Ă  Cergy le Haut oĂč j’habitais alors. J’avais refusĂ© de me retrouver infĂ©odĂ© au rĂŽle de l’homme qui conduit sa compagne jusqu’au pas de sa porte et qui ne compte pas les kilomĂštres, le temps et l’essence pour ensuite retourner chez lui. Cette erreur-lĂ , en plus de celle d’avoir refusĂ© de rencontrer sa mĂšre, me fut fatale.

 

Ma future ex de Meetic eut quelques pleurs. M’affirma sans doute que je n’avais pas de sentiments pour elle. De mon cĂŽtĂ©, je refusais que nous restions « amis Â» comme elle me le proposait. Nouvelle erreur stratĂ©gique de ma part. On croit que je parle d’une jeune femme d’Ă  peine 18 ans ? Si j’avais bien 7 ou 8 ans de plus qu’elle, ma future ex avait alors prĂšs de trente ans. Ce qui n’excluait pas, visiblement, de pouvoir se comporter en certaines circonstances comme une adolescente d’Ă  peine 18 ans.

 

Notre sĂ©paration devint dĂ©finitive. Sans doute par orgueil, ainsi que dans la douleur, elle s’emmura dans sa dĂ©cision, « conseillĂ©e », je crois, au moins par certaines de ses amies qui pensaient comme elle.  Nous nous revĂźmes elle et moi au moins deux fois, dont une fois dans cet appartement qu’elle avait achetĂ© dans le 14Ăšme arrondissement et qui faisait deux fois la superficie de mon studio de banlieue. Une autre fois, lorsque nous allĂąmes ensemble au festival de musique Rock en Seine clĂŽturĂ© avec maestria par Björk, elle avait rencontrĂ© quelqu’un.

Plusieurs annĂ©es plus tard, j’appris par hasard sur Facebook qu’elle s’était mariĂ©e. Elle me rĂ©pondit une premiĂšre fois pour ne plus me rĂ©pondre.

 

Hors bord relationnel

 

AprĂšs elle, je ne connus pas d’autre relation aussi notable d’un point de vue affectif en passant par Meetic. J’en avais aussi assez de passer mon temps sur le site telle une personne en recherche permanente d’emploi devant adresser d’innombrables CV qui ne dĂ©bouchaient sur rien.

Pour ĂȘtre suffisamment inspirĂ© et susciter l’intĂ©rĂȘt d’une femme, il me fallait avoir le moral et ĂȘtre inspirĂ© lorsque j’écrivais un message que je devais multiplier pour pouvoir, mathĂ©matiquement, provoquer une rĂ©action ou deux favorables. Or, pour cela, il fallait passer du temps sur le site. Et, plus je passais du temps sur le site,  plus je me dĂ©moralisais devant le vide numĂ©rique qui revenait constamment Ă  ma rencontre. En prenant son temps, c’est Ă  dire le mien.  Mon temps qui Ă©tait associĂ© Ă  mon espoir de « trouver Â» quelqu’un.

 

Je peux imaginer que mon ex de Meetic, apprenant cela, aurait vu dans mes dĂ©boires un chĂątiment juste et mĂ©ritĂ© pour mon « comportement Â» Ă  son Ă©gard. Alors que je crois qu’il y a surtout eu de l’incomprĂ©hension entre elle et moi. Mais aussi, pour moi, une sorte de dĂ©calage, ou une forme de sentiment de dissociation, entre la rĂ©alitĂ© de cette relation sentimentale, car j’avais des sentiments pour elle contrairement Ă  ce qu’elle a cru ou eu besoin de croire, et sa soudainetĂ©.

 

Les rencontres via les sites abrĂšgent beaucoup la durĂ©e du temps de rencontre. Si certaines personnes sont des adeptes du coup de foudre ou des rencontres flash, j’ai plutĂŽt besoin d’une certaine « maturation Â» de la rencontre et du sentiment pour ĂȘtre « dans Â» l’histoire. Si j’avais Ă©tĂ© bien sĂ»r content de rencontrer mon ex de Meetic et que nous avions une rĂ©elle connivence, je crois, sur certains sujets, le fait d’avoir « obtenu Â» cette rencontre aussi improbable, aussi « facilement Â», m’a empĂȘchĂ© de me mettre dans les vraies conditions de la rencontre. Pour employer une image grossiĂšre, une fois la rencontre faite, j’avais sans doute l’impression que notre relation Ă©tait une pĂ©niche, qu’il y avait le temps. Alors que j’étais sur un hors bord.

 

Je fus aussi trÚs étonné par le gùchis fait par ces usagÚres du site soit par manque de sincérité ou par manque de maturité. Car le cÎté supermarché des sites de rencontre vaut aussi pour les femmes. Ce ne sont pas seulement certains hommes qui vont sur les sites de rencontres comme on se rend dans un supermarché.

Paris. Photo©Franck.Unimon

Les croyances d’un vieux à propos des rencontres

 

PrĂšs de quinze annĂ©es environ aprĂšs mon expĂ©rience Meetic, la lecture facile et plaisante de l’ouvrage de Judith Duportail confirme mes anciennes impressions. Et, cela ne me donne pas du tout envie de retourner faire le mur un jour sur un site de rencontres.

Aujourd’hui, pour rencontrer quelqu’un, je recommanderais plutĂŽt le cercle de connaissances et d’amis ; la dĂ©couverte de nouvelles associations ou de clubs culturels sportifs ; le lieu de travail ou les voyages ; ou la frĂ©quentation rĂ©pĂ©tĂ©e de tout endroit qui permet des rencontres sociales et personnelles viables, agrĂ©ables et autres que celles que l’on connaĂźt dĂ©ja.

Je connais par exemple un couple qui s’est formĂ© dans mon club d’apnĂ©e. Tous deux sĂ©parĂ©s de leur cĂŽtĂ©, chacun mĂšre et pĂšre. Je sais qu’elle, qui faisait au dĂ©part de la plongĂ©e dans le club a ensuite rejoint la section apnĂ©e lorsqu’elle l’a aperçu. C’est elle qui me l’a racontĂ©.

 

 

Mais avant toute rencontre, il y a d’abord le prĂ©alable indispensable d’ĂȘtre d’abord vĂ©ritablement « disposĂ© Â» pour s’engager dans une relation intime. Parce-que si l’on a peur de partager son intimitĂ© ou si l’on prĂ©fĂšre conserver exclusivement son territoire Ă  soi et pour soi, on peut rencontrer un certain nombre de personnes tout Ă  fait recommandables et trĂšs bien s’arranger pour leur tourner leur dos ou les dissuader de s’approcher.  

 

Je crois que ces derniĂšres prĂ©cautions restes valables mĂȘme si l’on prĂ©fĂšre ou si l’on ajoute les sites de rencontres, les forums ou les rĂ©seaux sociaux pour accroĂźtre ses chances de rencontrer quelqu’un et ainsi dĂ©jouer l’algorithme de l’accablement sentimental.

 

Franck Unimon, ce lundi 24 octobre 2022. 

 

 

 

 

 

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Rien ne dure vraiment longtemps, un livre de Matthieu Seel

Rien ne dure vraiment longtemps, un livre de Matthieu Seel.

 

Matthieu Seel, le mĂ©tis adoptĂ©, a Ă©tĂ© la voix de la sĂ©rie podcast Crackopolis. Dans cette sĂ©rie, il racontait le hijack que peut-ĂȘtre le crack en plein Paris, en outre dans le 19Ăšme arrondissement oĂč il a d’ailleurs grandi et oĂč, plus jeune, il avait eu Peter ChĂ©rif et les frĂšres Kouachi comme copains de primaire et de collĂšge.

 

Certains veulent voir, Matthieu Seel a tout vu sauf l’histoire de ses origines dont les barreaux, par condensation, lui rĂ©sistent. C’est peut-ĂȘtre pour cette histoire qu’il ne connaĂźt pas qu’il commence par fumer des paquets de joints dĂšs l’ñge de dix puis qu’il finit, plus tard, par consulter le caillou.

 

Matthieu Seel ne nous raconte pas tout. Pour cela, il faudrait absolument se souvenir et il a aussi besoin d’oublier. Mais il y en a assez pour dix dans ce qu’il nous dit. Celle ou celui dont la vie dĂ©vie pour dealer et pour attraper du caillou se surpasse jusqu’à un point culminant qui se dĂ©place sans cesse et qui est Ă  peine imaginable.  

 

Il y a des existences beaucoup plus simples et beaucoup plus reposantes. Mais pour cela, il faut ĂȘtre assez robot. Matthieu Seel n’en n’est pas un et il connaĂźt difficilement le repos depuis assez tĂŽt. Artiste photo un temps, vivant la nuit, il finit par vendre son appareil et par connaĂźtre des journĂ©es de 96 heures sans dormir lorsque le crack est devenu son mĂ©tronome. Combien de personnes, ou plutĂŽt de formes, a-t’il rencontrĂ©es parmi lui et qui, comme lui, pointaient vers les mĂȘmes usages ? De toute façon, ces formes de rencontres ne tenaient pas.

 

Sa mĂšre ( adoptive) fait partie de celles et ceux qui ont tenu. Et, je comprends qu’une Virginie Despentes ait cru en lui pour ce livre car il aurait pu avoir un rĂŽle dans son film Baise moi. Comme je comprends aussi qu’une personnalitĂ© comme Slimane Dazi soit ce parrain qu’il remercie, ainsi que beaucoup d’autres, Ă  la fin de son livre. J’aurais Ă©tĂ© beaucoup plus Ă©tonnĂ© si Guillaume Canet ou AndrĂ© Dujardin l’avait parrainĂ©.

 

Dans Rien ne dure vraiment longtemps , sorti en septembre 2022, Seel raconte les mauvais passeurs d’histoires, les arnaques, les guet-apens, l’entraide, la survie dans la rue, les Ă©checs sentimentaux, la paranoĂŻa, sa famille, l’hĂŽpital, les tentatives de sevrage Ă  Pierre Nicole, le centre thĂ©rapeutique de la Croix Rouge, et Ă  Marmottan ( La ferveur de Marmottan). EduquĂ©, autodidacte, il est loin d’ĂȘtre idiot. D’autres sont comme Matthieu Seel mais leurs mots, leur nom et leur visage ne nous parviendront pas.

 

 

Franck Unimon, ce mardi 18 octobre 2022.