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Les Chinois

Oeuvre de Thibaut Dapoigny.

 

                                                            Les Chinois

 

 

A vue d’œil, il y a peu de Chinois dans ma ville. Mais, souvent, lorsque j’en vois, ils tiennent un commerce ou y sont employĂ©s :

 

Traiteur alimentaire, poissonnerie (mauvaise), salon d’esthĂ©tique, buraliste PMU, produits (alimentaires) exotiques, marchand de vĂŞtements ou de maroquinerie. 

 

Ils font partie des commerçants de la ville parmi les Kebab, opérateurs et réparateurs de téléphonie, autres restaurants et magasins de vêtements, boulangeries, pharmacies, supermarchés, marchés, boucheries, marchand de primeurs, enseigne Babou, opticiens, agences immobilières, banques physiques, quelques hôtels, cafés, Quicket Mac Do qui donnent sur la rue.

 

Pour parler des quelques commerces que l’on peut dĂ©couvrir lorsque, depuis la gare d’Argenteuil, on se dirige vers le centre-ville. 

 

Les Chinois vivent plutĂ´t en retrait. On n’entend pas parler d’eux. Aucun terroriste islamiste d’origine chinoise, recensĂ© Ă  ce jour. Pas de lien connu ou mĂ©diatisĂ© avec le trafic de cannabis. Aucun d’entre eux non plus parmi les figures connues des gilets jaunes. Oui, la blague est facile, presque factice et limite raciste. Mais je vais rapidement me sortir de cette ambiguĂŻtĂ© :

 

RĂ©cemment, une de mes collègues m’a appris qu’un de ses amis, d’origine chinoise, s’en prend plein la tĂŞte. Celui-ci travaille en Seine et Marne- c’est en banlieue parisienne- dans un supermarchĂ© en tant qu’employĂ©. Il  s’occupe des rayons. Il se fait insulter.

 

Il lui est reprochĂ© la pandĂ©mie du Covid ! Ni plus, ni moins.

 

Rebattre les cartes de la vie ordinaire

 

En France, la pandémie du Covid a rebattu les cartes de notre vie ordinaire et de notre mémoire depuis la mi-Mars 2020. Nous connaissons notre deuxième reconfinement, après quelques jours de couvre-feu, pour cause de deuxième vague depuis le début de ce mois de novembre. Aujourd’hui, nous sommes le dimanche 8 novembre 2020. Et une troisième et quatrième vague sont déjà annoncées.

 

Conclusion : en France au moins, certains Chinois n’ont pas fini d’entendre parler du Covid. On nous parle bien d’un vaccin qui nous protĂ©gerait. Mais cela prendra du temps et puis, les vaccins et la santĂ© publique sont un business comme un autre. On en trouvera peut-ĂŞtre un jour en vente libre sur les marchĂ©s et dans les supermarchĂ©s. Lorsque nous serons morts, pour celles et ceux qui peuvent lire cet article aujourd’hui, ou condamnĂ©s.

 

Nous vivons donc sous certaines contraintes qui Ă©taient inimaginables il y a encore quelques mois. J’ai tendance Ă  croire que nous pouvons connaĂ®tre pire mĂŞme si, je l’espère, ce ne sera pas pour tout de suite. Aux Etats-Unis, ce week-end, nous avons Ă©chappĂ© Ă  la réélection de Donald Trump. Ce qui est a priori, pour moi, un certain soulagement.  Mais si Donald Trump fait peur, on a peur pour Joe Biden.

Photo prise Ă  Argenteuil, en novembre 2018.

 

Et puis :

Imaginons un Etat constituĂ© comme la France, la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis qui dĂ©ciderait de passer des contrats avec des terroristes, comme on peut le faire avec une boite privĂ©e :

 

Le but serait de commander les gens par la peur. De leur dicter ce qu’ils doivent manger, lire, boire, penser et consommer. A qui et quand.  De quelle heure Ă  quelle heure. Dans quelles proportions. Mais aussi, quand ils peuvent se reproduire. Et, tout cela, pour le « bien Â» de l’économie et des actionnaires. Vous avez-encore- le droit de vous dire que je vais trop loin ou que j’ai  mangĂ© beaucoup trop de foin ce matin. Après, ce sera peut-ĂŞtre trop tard.

 

En attendant, comme celles et ceux qui le peuvent encore, les Chinois bossent. Comme l’humoriste Bun Hay Mean- dont j’aime beaucoup l’humour- qui peut nous dire :

 

« Nous, les Chinois, avec notre petite bite, on vous a bien ni-quĂ©s ! Vous n’avez rien senti ! Â». 

L’extrait ci-dessous n’est pas celui auquel je pensais mais il donne une idĂ©e de l’humour de Bun Hay Mean dans un de ses spectacles rĂ©cents ( 2020 ou 2019, visiblement). 

 

 Spike Lee, aussi, nous parle des Asiatiques qui bossent. Dans son film, rĂ©alisĂ© en 1989 : Do The Right Thing. MĂŞme si, dans cet extrait, il est question d’un commerçant corĂ©en et non d’un commerçant chinois. 

 

Mais les Chinois ne sont pas les seuls à bosser. Avant le film de Spike Lee, il y avait eu, en France, le très bon Pierre Desproges avec son sketch Rachid

Dans son sketch, Rachid, Desproges nous parle du racisme qui, en France, touche les Arabes. Le Front National dirigĂ© alors par Jean-Marie Le Pen obtenait alors de plus en plus de voix dans la France socialiste du PrĂ©sident François Mitterrand ( 1981-1995). Et certaines personnes considĂ©raient les Arabes comme des fainĂ©ants.  Alors, dans son sketch, Desproges « s’étonne » comme, pour des fainĂ©ants, bien des Arabes travaillent dur. Son sketch date des annĂ©es 80, probablement en 1985 ou en 1986 ( Desproges est mort le 18 avril 1988) Ă  l’époque oĂą les mĂ©diathèques n’étaient pas remplacĂ©es par internet. Je vous propose de le retrouver…sur internet. Et de l’écouter et de le regarder. Rire, rĂ©flexion et Ă©motion sont garantis. MĂŞme si la façon de bouger et d’occuper la scène est très diffĂ©rente de celle de Bun Hay Mean. Trente ans sĂ©parent les deux humoristes. 

 

 

Vers l’oasis :

 

 

Hier matin, samedi, je suis allé à la médiathèque de ma ville. En raison de la pandémie, il était possible de s’y rendre de 11h30 à 12H30 ou de 16h30 à 17h30 pour venir y chercher un ouvrage que l’on avait commandé. En temps habituel, les samedis, la médiathèque est ouverte de 10h à 18h.

 

Après avoir discuté un peu avec un des bibliothécaires, comme j’avais quelques courses à faire, je me suis offert un petit périple. J’avais sur moi toutes les feuilles d’attestation de déplacement provisoire. Je n’en n’ai pas rempli une seule. J’avais besoin de prendre l’air. J’en avais assez de devoir prendre le temps d’écrire sur une feuille ce que je vais faire. Et quand. Et où. Et pourquoi. Et avec qui. Et dans quelle position. Et pendant combien de temps. Ce que j’écris est très grave car je donne un mauvais exemple de comportement civique en pleine période de pandémie. Mais c’est la première fois que je le fais. Et, surtout, il s’agissait de marcher un peu dans ma ville à l’heure de midi.

 

 

Mon masque sur le visage- oui, je porte toujours mon masque sur mon nez et ma bouche lorsque je sors !- j’ai un peu improvisĂ© dans les rues. Jusqu’à arriver devant ce magasin de produits exotiques tenus par des Chinois oĂą je n’étais pas allĂ© depuis une bonne annĂ©e. Ou plus.

 

Photo prise près du Louvre, ce 5 novembre 2020.

Il Ă©tait ouvert. Cela se voyait d’assez loin avec l’enseigne lumineuse, au dessus du magasin, qui clignotait. Dans notre monde de plus en plus fermĂ© par la peur, voir un magasin ou un lieu ouvert peut donner l’impression de se retrouver devant une oasis. Ce que bien des commerces, bien des pubs, certains programmes politiques, Ă©conomiques ou religieux nous promettent.  

 

Sur la droite de « l’oasis Â», un chien agenouillĂ© et enchaĂ®nĂ©. Etait-ce l’un des chiens de l’enfer ? Il avait l’air plutĂ´t gentil. Sauf qu’il n’était pas lĂ , les dernières fois.

 

Après avoir dit bonjour à la dame, j’ai à peine eu le temps d’aller dans les rayons que celle-ci m’a demandé avec une certaine inquiétude…de mettre du gel hydro-alcoolique sur mes mains. J’ai alors vu le flacon devant elle ainsi que le mot nous invitant à l’utiliser.

 

Mais il y avait plus. Lors de mes prĂ©cĂ©dentes venues, il suffisait de faire son tour et de choisir ses articles. LĂ ,  il a presque fallu que j’annonce mes intentions d’achat dès le dĂ©part. Cela m’a fait penser Ă  de la rapine rĂ©pĂ©tĂ©e dont le magasin a pu avoir Ă  se plaindre.

 

J’ai apparemment su rassurer car, ensuite, la dame m’a laissé fureter entre les étalages.

J’étais devant le rayon des surgelĂ©s lorsque je l’ai entendue dire Ă  voix haute :

 

« Il faut mettre votre masque ! Â». Peu après, j’ai vu dĂ©bouler un homme peut-ĂŞtre d’origine pakistanaise ou bangladaise en tenue traditionnelle longue et sandales. Il est restĂ© peu de temps.

 

La date de pĂ©remption du produit surgelĂ© que je regardais Ă©tait dĂ©passĂ©e de quelques jours : Octobre 2020. J’en ai parlĂ© Ă  la vendeuse. Elle s’en est Ă©tonnĂ©e. Un peu plus tĂ´t, elle m’avait expliquĂ© qu’en ce moment, ils avaient de moindres approvisionnements.

 

Elle m’a proposé de me faire un prix. Cinq euros au lieu de six euros quatre vingts.

 

 

J’ai accepté.

 

 

Franck Unimon, ce dimanche 8 novembre 2020.

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J’ai bugĂ© !

 

 

                                                   J’ai bugĂ© ! 

Ce dimanche soir, j’ai assez vite perçu que cela ne se passait pas comme prévu.

 

Ordinairement, depuis Argenteuil, on met entre 11 et 17 minutes par le train pour arriver à Paris St Lazare. Mais ce dimanche matin, en revenant du travail, j’ai découvert qu’il y avait des travaux sur la voie ferrée ce week-end. Et que j’allais devoir prendre une navette en passant par la gare de Bécon-Les-Bruyères.

 

Cela s’est très bien passĂ© ce dimanche matin Ă  BĂ©con-les-Bruyères. MĂŞme si, avec les Ă©vĂ©nements rĂ©cents, l’attentat jihadiste dans une Ă©glise catholique Ă  Nice, et la symbolique du bus, sorte de convoi possible vers la mort, je n’ai pu m’empĂŞcher d’avoir un petit peu de retenue en abordant la navette. Devant  celle-ci, un employĂ© barbu nous attendait. Oui, nous en sommes parfois un peu lĂ  avec les inconnus. Pour peu qu’une situation imprĂ©vue s’impose Ă  nous après un Ă©vĂ©nement aussi effrayant que celui de Nice ou d’ailleurs. La mort de Samuel Paty avait aussi Ă  peine refroidi.

 

 

Ma retenue passagère devant cet employé avant de monter dans la navette fut le moment, ce dimanche matin, où j’avais un peu bugé. Ensuite, le trajet s’était fait sans encombre en une vingtaine de minutes jusqu’à la gare d’Argenteuil. Puis, j’étais rentré chez moi.

 

Ce dimanche soir, le chauffeur de la navette qui arrive Ă  la gare d’Argenteuil pour nous transporter jusqu’à la gare de BĂ©con-les-Bruyères est noir. Je serais Ă©videmment montĂ© mĂŞme s’il avait Ă©tĂ© Arabe. Et barbu. Mais, disons, que je suis montĂ© en toute confiance. Alors mĂŞme que je sais- en thĂ©orie- que l’on peut ĂŞtre noir et jihadiste :

 

Pour avoir lu Les Revenants ( publiĂ© en 2016) de David Thomson il y a un ou deux ans, je « sais Â» que des compatriotes antillais sont partis faire le Jihad en Syrie. Par ailleurs, certains Ă©vĂ©nements au NigĂ©ria ou au Mali nous montrent bien qu’il existe des noirs jihadistes.

 

Le jihadisme est une sorte de pèlerinage fait de diffĂ©rents visages et de diffĂ©rents sexes dont l’unique monument est la mort. Tout le contraire de ma vie et de mon mĂ©tier. MĂŞme si, dernièrement, je suis tombĂ© par hasard devant la proximitĂ© qui peut exister entre le verbe « guĂ©rir Â» et le mot «guerrier». 

 

Et ça me plait bien, ça, de me dire que celles et ceux qui essaient de guérir, que ce soit se guérir eux-mêmes ou les autres, puissent être ou sont des guerriers.

 

Malgré les armes de destruction massive, les horreurs et les apparences, les vrais et les plus grands guerriers sont peut-être, finalement, toutes celles et ceux qui s’efforcent de guérir le monde plutôt que de le meurtrir ou de le conquérir. Et cette guérison commence d’abord par soi-même.

 

Nous avons tellement Ă  guĂ©rir en nous :

 

Nos peurs, nos colères, nos préjugés, notre ignorance, nos exigences.

 

Je ne pensais pas Ă  ça dans la navette ce dimanche soir. Nous Ă©tions une dizaine de passagers. Des Noirs et des Arabes. On me croit sans doute obsĂ©dĂ© par la couleur de peau des gens. Et, je le suis en partie. Mais, c’est pourtant un fait : dans cette navette, ce dimanche soir, en partance depuis la gare d’Argenteuil, nous Ă©tions bien principalement des Noirs et des Arabes. Aucun asiatique. Aucun blanc.

 

Peut-ĂŞtre deux femmes. Des hommes pour le reste. Cette information ethnique a pour moi plus valeur sociologique que valeur morale.

 

Si nous étions partis de la gare de St Germain en Laye, que je connais un peu, ou d’Enghien les Bains (plus proche d’Argenteuil), je veux bien croire qu’il y aurait eu, peut-être, un petit peu plus de mixité sociale. Et, encore, cela dépend des horaires.

Ce dimanche soir, je ne sais pas oĂą ces autres passagers se rendaient. Mais, moi,  j’allais au travail pour ma troisième nuit de suite.

 

 

A la gare de Colombes, tout allait bien. Même si j’ai été un peu étonné que le chauffeur s’arrête à la gare de Colombes avant de passer par la gare Le Stade.

 

J’ai vu le chauffeur se renseigner pour la suite de l’itinéraire auprès d’agents de circulation, une jeune femme et un jeune homme, noirs tous les deux. Le prochain arrêt semblait être deux ou trois rues plus loin.

 

Un jeune homme est allé voir le conducteur pour lui demander s’il s’arrêtait bientôt. Il voulait descendre à Bois-Colombes et nous étions dans Bois-Colombes. Très sûr de lui, le chauffeur, dont le masque anti-covid était baissé sur le menton durant tout le trajet, lui a affirmé que c’était pour bientôt.

 

A la gare d’Argenteuil, j’avais vu ce jeune dégingandé arriver. La vingtaine, lui et un autre passager traînant une valise à roulettes, s’étaient alors reconnus. Depuis le fond du bus, on les entendait discuter. Le plus jeune s’exprimant à voix haute.

 

Il avait eu sa mamie au téléphone un peu plus tôt et avait essayé de lui expliquer.

 

« J’ai  arrĂŞtĂ© l’école très tĂ´t car la rue m’a appelĂ© Â». Son copain s’était alors mis Ă  rire.

 

Puis, inquiet pour le climat politique de la France, celui qui avait appelĂ© sa mamie avait lâchĂ© :

 

« 2002. On est dĂ©jĂ  dans la merde, arrĂŞtez avec Lepen ! Â». Rires des autres passagers dans la navette.

 

Ensuite, leurs projets pour l’avenir avaient Ă©tĂ© exposĂ©s :

 

« Une petite femme, un petit boulot, un petit travail, et voilĂ  ! Â».

 

A ce moment, pour une raison inconnue, le chauffeur avait repris la route pour…Argenteuil. Puis, il fit ce constat Ă  voix haute :

 

« J’ai bugĂ© ! Â».

 

Dans un carrefour, il fit demi-tour. Au moins savait-il manœuvrer le véhicule.

 

Nous étions bien avancés dans la ville d’Asnières, et nous nous rapprochions de Clichy, lorsque je me suis dit qu’il fallait aller voir le chauffeur. Là, celui-ci m’a appris qu’il ne connaissait pas le parcours. La SNCF l’avait mandaté mais ce n’était pas son trajet habituel. Il était donc volontaire mais limité.

 

Les autres passagers sont restés plutôt calmes. Même s’il a été étonnant de voir comme, même en étant correctement renseignés, on peut comprendre une même information différemment. Un passager, le plus proche du conducteur, croyait par exemple que la navette allait nous emmener directement à la gare St Lazare.

J’ai dû apprendre à certains passagers qu’il y avait la gare d’Asnières sur Seine et la gare de Bécon les Bruyères. Qu’il s’agissait de deux gares différentes même si toutes les deux se trouvent dans la ville d’Asnières.

 

Le chauffeur de bus m’a d’abord un petit peu « rĂ©sistĂ© Â». Lorsque j’ai essayĂ© de l’orienter, je m’appuyais sur le fait que je connaissais un petit peu le coin. Non, aller Ă  gauche lĂ  oĂą il Ă©tait indiquĂ© St Denis et Clichy n’était pas notre direction.

Apercevoir assez vite un panneau montrant BĂ©con les Bruyères m’a rendu un peu crĂ©dible. Plus que le jeune homme « de Bois Colombes Â» qu’il a d’abord voulu consulter et qui, heureusement, a bien pris la tournure des Ă©vĂ©nements et n’a jamais tentĂ© d’avoir un rĂ´le d’éclaireur.

 

Voir un ou deux autres panneaux et les montrer au conducteur a continué de nous mettre sur la bonne voie. D’autant que, son téléphone à la main, celui-ci a voulu s’en servir comme GPS. C’est bien utile, le GPS sur le téléphone. Sauf lorsqu’il vous indique la mauvaise route. Un copilote improvisé avec deux yeux et une tête, et qui parle, ça peut aussi aider.

 

Nous sommes arrivés à la gare de Bécon les Bruyères après quarante bonnes minutes de route. Le chauffeur, soulagé, m’a remercié. Ainsi qu’un des passagers, que je trouvais plutôt assez jovial alors que nous marchions dans les rues calmes nous menant à la gare de Bécon les Bruyères. Le quartier était agréable et aussi plutôt cossu.

 

 

Le train pour Paris St Lazare est arrivĂ©. Nous Ă©tions dedans depuis Ă  peine quelques minutes, lorsque, assis un peu plus loin devant moi, j’ai vu « mon Â» passager jovial apostropher une femme qui Ă©tait au tĂ©lĂ©phone avec ses Ă©couteurs :

 

« Parle plus doucement ! Sale raciste ! Tu me prends pour les blancs ?! Je te cogne, moi ! Â».

 

Debout, la femme, a d’abord tenu tĂŞte sur le ton de «  Si vous n’êtes pas content, descendez du train!». Puis, elle s’est rapidement rassise et a parlĂ© plus doucement. Notre homme qui avait arrĂŞtĂ© d’être jovial avait dĂ» ĂŞtre persuasif.

 

A la station Cardinet ou Clichy Levallois, deux jeunes couples sont montés dans la voiture. Détendus, souriants, ils ignoraient tout ce qui avait pu se passer depuis notre départ d’Argenteuil. Je me suis dit que la vie se déroule de cette façon tous les jours.

 

Pour rapide qu’ait Ă©tĂ© notre trajet jusqu’à St Lazare depuis BĂ©con les Bruyères, j’étais content d’arriver. Avant que les portes du train ne s’ouvrent sur le quai, me revoilĂ  cĂ´te Ă  cĂ´te avec « mon Â» jovial. J’essaie de lui dire quelques mots. De le raisonner. Il me rĂ©pond :

«  Je les dĂ©teste Â».

 

Avant de nous sĂ©parer, j’ai juste l’élan de lui rĂ©pondre :

 

«  La haine n’est pas la solution Â». Puis, nous nous souhaitons mutuellement une bonne soirĂ©e.

 

 

Franck Unimon, ce mercredi 4 novembre 2020.  

 

 

 

 

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Immobilier

 

                                                   Immobilier

Il claudique mais ça n’empêche pas de marcher ensemble. Je l’ai connu alors qu’il était gérant d’un supermarché près de chez moi. Il le tenait avec autorité depuis sa caisse. Avec un regard d’aigle. Il disait à peine bonjour. Ou du bout des lèvres. Normal, pour un aigle.

 

Puis, il a arrĂŞtĂ©. Il a changĂ© de projet.  Alors, il a pris un peu plus le temps de discuter avec moi lorsque l’on a continuĂ© de se croiser. Puisque nous habitons Ă  peu près dans le mĂŞme quartier. Dans le supermarchĂ©, pendant des annĂ©es, il avait travaillĂ© de 5h Ă  21h. Il m’avait demandĂ© :

 

« Tu l’aurais fait ?! Â». Je lui avais confirmĂ© que je ne l’aurais pas fait.

Un autre jour, il m’a appris qu’il achetait des appartements aux enchères. Une fois, il m’a proposé d’y aller avec lui. Au tribunal de Pontoise. J’ai décliné. Peut-être mes principes ou ma disponibilité. Racheter à bas prix ce qui a pu constituer le projet et la vie des gens. Ou je n’étais tout simplement pas prêt à tenter cette aventure.

 

Je l’ai recroisé tout à l’heure à la boulangerie. Je venais de prendre mes baguettes. Lui, il sortait de la pièce du boulanger. Comme s’il était chez lui. Il m’a reconnu malgré mon masque anti-Covid. Il avait du pain dans la bouche.

 

Les murs de cette boulangerie sont restĂ©s vides pendant plusieurs annĂ©es. Une fois, j’y avais achetĂ© une confiture faite maison, payĂ©e cinq euros. Une arnaque. Une de mes collègues en avait rigolĂ© avec moi. Puis, il a rachetĂ© les murs. Il m’a expliquĂ© un jour son principe : Il loue. C’est Ă  celui qui tient la boulangerie de faire en sorte que son commerce marche !

 

Alors que nous nous éloignons de la boulangerie, il me demande si le pain est bon. J’ai les bras remplis de baguettes. J’ai oublié de prévoir un sac. Je réponds que le pain est très bon dans cette boulangerie.

 

Comme il me rappelle être seulement propriétaire des murs, j’en profite pour bénéficier de sa connaissance du marché immobilier dans notre ville d’Argenteuil. Récemment, en lisant par dessus l’épaule d’une personne qui regardait son téléphone portable, j’ai appris que le journal Les échos se demandait si ce deuxième reconfinement allait faire baisser les prix. L’article des Echos expliquait qu’avant ce deuxième reconfinement, les acheteurs avaient recommencé à se manifester. Mais, là….

 

Pour lui, Covid ou non, la vie continue. Il touche et dĂ©place son masque rĂ©gulièrement Ă  pleine main tout en me parlant. 500 euros la location pour 10 mètres carrĂ©s. 600 euros de loyer pour un 25-30 mètres carrĂ©s. Pour 38 mètres carrĂ©s ? 800 euros. Il m’explique qu’investir dans l’immobilier Ă  Argenteuil vaut le coup. Y habiter, non.

1200 demandes de location par jour m’apprend-t’il. Il m’approuve lorsque je dis qu’Argenteuil attire car c’est une ville proche de Paris.

Au centre, le maire de la ville d’Argenteuil, Georges Mothron, lors de la journĂ©e d’ouverture de la saison 2020-2021 au centre culturel Le Figuier Blanc.

 

 

Je pars acheter Le Canard Enchaîné. En première page d’un journal, j’aperçois un article qui parle de l’attentat jihadiste récent à Vienne. Si les Viennois sont, et je le comprends facilement, sous le choc, ici, et ailleurs, on est loin de tout ça.

 

Par contre, je connais quelqu’un qui est encore sous le choc. Une commerçante près de chez moi.

 

Elle a ouvert son commerce il y a Ă  peine deux mois. Il a l’air d’assez bien marcher. Ce week-end, quelqu’un a essayĂ© de partir avec la caisse mais, aussi, de s’envoler avec ce qu’elle vend. De l’alimentaire. Elle m’a appris ça ce matin. J’ai d’abord pensĂ© Ă  cette pĂ©riode de plusieurs mois qui avait prĂ©cĂ©dĂ© l’ouverture de son magasin. PĂ©riode durant laquelle des travaux avaient Ă©tĂ© effectuĂ©s. Mais quand je repasse la voir, elle me dit que c’était comme si la personne connaissait les lieux et avait la clĂ©. Aucune effraction. Elle ne sait pas si elle va rester.  Je la comprends : il y a quelques semaines, elle a dĂ» coopĂ©rer avec une fuite d’eau. Et, maintenant, ce cambriolage sans effraction. Les voleurs ont rĂ©ussi Ă  ouvrir la porte de devant mais ont Ă©chouĂ© Ă  faire monter le rideau de fer.

 

Au commissariat où elle est allée porter plainte, on lui a répondu que lors de ce week-end de la Toussaint, il y avait eu beaucoup d’infractions. L’agence immobilière qui gère les murs s’est contentée de lui répondre qu’elle lui avait remis des clés et qu’elle est fermée le dimanche. La propriétaire ne s’est pas manifestée.

 

 

Franck Unimon, ce mercredi 4 novembre 2020.

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Ce n’est pas comme ça que ça marche !

 

                                       Ce n’est pas comme ça que ça marche !

« Ce n’est pas comme ça que ça marche ! Â». Sur ma droite, un homme d’une trentaine d’annĂ©es vient d’affirmer cette dĂ©cision devant un employĂ© de la poste. Celui-ci, son masque de protection anti-Covid sur le visage, porte des lunettes de correction comme moi. Il a environ la quarantaine, a le crâne et le visage un peu gris et dĂ©garnis. C’est la première fois que je le vois dans cette agence de la poste. Il y a bientĂ´t un an, maintenant, cette agence de la poste a ouvert dans le centre commercial CĂ´tĂ© Seine d’Argenteuil. Auparavant, il y avait deux agences de la poste dans le centre ville d’Argenteuil. Une a fermĂ© et ses locaux peuvent ĂŞtre louĂ©s. Pour l’instant, personne ou aucune sociĂ©tĂ© ne s’est montrĂ©e intĂ©ressĂ©e. L’autre agence est dĂ©sormais dĂ©diĂ©e aux rencontres avec des conseillers et n’est accessible que sur rendez-vous.

 

 Il a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© d’ouvrir une seule agence commerciale de la poste ( ou La Banque Postale, si l’on prĂ©fère) Ă  CĂ´tĂ© Seine qui compte dĂ©jĂ  un certain nombre d’enseignes commerciales :

 

Cela va du supermarchĂ© GĂ©ant en passant par OkaĂŻdi, Action, Gifi ( ouvert rĂ©cemment), Courir, Du Pareil au mĂŞme ainsi qu’une pharmacie et d’autres enseignes. Il y a bien eu un H&M oĂą je ne suis jamais allĂ©. Mais il a fermĂ©. «  Trop de vols ! Â» m’a appris un Argenteuillais dont la famille habite dans la ville depuis au moins trois gĂ©nĂ©rations. Un Argenteuillais bien renseignĂ©.

 

Je n’ai jamais aimé ce centre commercial, Côté Seine, qui, selon le reportage d’une journaliste de Télérama serait Le lieu d’attraction pour beaucoup de jeunes d’Argenteuil. Côté Seine serait selon cette journaliste un petit peu l’équivalent des Quatre Temps de la Défense pour moi, lors de leur ouverture, dans les années 80 quand j’étais ado.

 

Je conteste cette vision de la ville d’Argenteuil, une ville oĂą je suis venu vivre il y a 13 ans.  Argenteuil  compte selon moi bien d’autres atouts que ce centre commercial.

Je vois aussi des jeunes studieux dans la mĂ©diathèque d’Argenteuil. Ainsi qu’au conservatoire. Un conservatoire dĂ©partemental qui attire des jeunes d’autres villes plus « favorisĂ©es Â». Encore rĂ©cemment, il y a trois jours, je suis allĂ© saluer mon ancienne prof de théâtre du conservatoire. Elle faisait passer des auditions. Et un comĂ©dien avait commencĂ© Ă  interprĂ©ter un passage de Richard III. En repartant, après avoir, comme le veut la tradition entre comĂ©diens, dit « merde Â» et prĂ©sentĂ© mes excuses Ă  l’interprète de Richard III, j’ai aussi croisĂ© deux personnes qui venaient de St Denis. Assises, ces deux personnes ( une fille et un garçon qui semblaient se connaĂ®tre) avaient dĂ©jĂ  passĂ© leur audition. 

Je sais aussi que des personnes résidant à Paris, Enghien ou Courbevoie, de quartiers et des villes mieux réputées qu’Argenteuil, ont pu venir prendre des cours au conservatoire d’Argenteuil.

 

Ce mardi, l’humoriste Haroun, est aussi venu donner un spectacle au centre culturel Le Figuier Blanc. J’y étais. Et, il y a quelques jours, mon ancienne de prof de cours de théâtre du conservatoire, Michelle Brûlé et le musicien Claude Barthélémy, avec lequel j’ai eu l’occasion de travailler en tant que comédien il y a quelques années, ont rendu un hommage à Janis Joplin et à Jimi Hendrix à la Cave Dimière d’Argenteuil. Je n’ai malheureusement pas pu y aller.

 

 

C’est donc dire que Côté Seine est loin, très très loin, d’être un des seuls attraits d’Argenteuil.

 

Mais il est vrai que ce centre commercial a un certain succès mĂŞme si on y croise beaucoup moins de monde qu’aux Quatre Temps de la DĂ©fense. Il est aussi plus petit et situĂ© dans une ville moins attractive que la DĂ©fense. Et, lorsque j’ai appris que l’antenne commerciale de la Poste allait ĂŞtre ouverte Ă  CĂ´tĂ© Seine, j’ai trouvĂ© ça « malin Â» pour l’attractivitĂ© de cet espace comme pour l’accessibilitĂ©. Car CĂ´tĂ© Seine dispose de parking sous-terrain pour sa clientèle. Ce centre commercial est aussi placĂ© Ă  cinq minutes Ă  pied de la gare d’Argenteuil. Laquelle, je le rappelle (car c’est aussi un des autres très gros atouts de la ville) se trouve Ă  11 minutes de la gare St Lazare par train direct. Et Ă  17 minutes par un train omnibus. Lors des grèves de transport ou lors de la diminution du trafic pendant le confinement dĂ» au Covid du mois de mars au mois de Mai, pour moi, vivre en banlieue dans la ville d’Argenteuil a plutĂ´t aidĂ©. J’ai des Ă©lĂ©ments de comparaison :

J’ai vĂ©cu une vingtaine d’annĂ©es auparavant Ă  Cergy-Pontoise. Et cela m’aurait Ă©tĂ© beaucoup plus difficile de me rendre au travail Ă   Paris, comme je l’ai  fait, durant la pandĂ©mie, par les transports en commun, bus inclus. D’ailleurs, lorsque je vivais Ă  Cergy-Pontoise, je travaillais dans les environs. Je me rendais Ă  Paris uniquement pour mes loisirs.

 

J’ai une certaine expérience de la vie en banlieue parisienne. Je n’ai même que cette expérience de vie depuis ma naissance. Je parle d’une certaine partie de la banlieue. Je suis très loin de connaître toute la banlieue parisienne. Et puis, la vie dans certaines villes de banlieue a plus changé que dans d’autres villes de banlieue depuis mon enfance.

 

Mais, ce matin, Ă  la poste du centre commercial CĂ´tĂ© Seine, cet homme trentenaire sur ma droite, lui,  semble avoir une très grande expĂ©rience des courriers en recommandĂ©. Alors, lorsque l’employĂ© de la poste qui me fait face et s’occupe de moi lui rĂ©pond qu’il doit d’abord faire la queue comme tout le monde, l’homme « recommandĂ© Â» riposte :

 

«  Ce n’est pas comme ça que ça marche ! Â».  Et, il explique que pour envoyer un courrier en recommandĂ©, on n’est pas obligĂ© de faire la queue ! Alors, l’employĂ© de la poste lui rĂ©pond qu’en pĂ©riode de Covid, si ! C’est Ă  lui qu’il revient de faire entrer les gens dans la poste. Et, pour l’exemple, il montre les personnes qui, derrière moi, et comme moi, ont fait et font la queue.

 

Je peux comprendre cet homme pressĂ©. Pour avoir attendu l’ouverture de cette agence de la poste une ou deux fois, Ă  9 heures du matin, il peut y avoir beaucoup de monde prĂ©sent. C’était dĂ©jĂ  comme ça avec les deux bureaux de poste prĂ©cĂ©dents. LĂ , Ă  CĂ´tĂ© Seine, c’est sĂ»rement pire. Vingt  Ă  trente minutes avant l’horaire d’ouverture, il est courant qu’il y ait foule. Alors, lorsqu’il y a moins de monde, comme c’est le cas ce matin  (vers 11 heures du matin), on n’a qu’une envie : faire ce que l’on a Ă  faire. Sans traĂ®ner. Surtout que l’on a su nous « Ă©duquer Â» pour rĂ©aliser un certain nombre de nos formalitĂ©s, ou opĂ©rations, en nous adressant Ă  des automates.  FormalitĂ©s et opĂ©rations, qui, il y a dix ou vingt ans, nĂ©cessitaient le passage obligatoire par un guichet et par un ĂŞtre humain. Or, ce matin, un ĂŞtre humain, l’employĂ© de la poste face Ă  moi, est lĂ  pour faire barrage Ă  un autre ĂŞtre humain. Et lui rappeler qu’il doit faire la queue comme tout le monde. Et attendre comme tout le monde. MĂŞme si la voie lui semble libre. MĂŞme s’il a toutes les compĂ©tences requises pour se servir tout seul de l’automate lui permettant d’affranchir son courrier pour un recommandĂ©. Et, tout ça, Ă  cause d’un virus:

 

Le Covid-19. Ou « la Â» Covid. Selon les sensibilitĂ©s et les avis.

 

Mon attitude vis à vis de la pandémie a changé. Pendant quatre mois, grosso modo, j’ai été raisonnablement obsédé par le Covid. Du mois de mars jusqu’à la mi-juillet.

Parce-que, comme tout le monde, j’ai d’abord Ă©tĂ© matraquĂ© moralement par la forte probabilitĂ© de la maladie et de la mort. Du fait des mĂ©dias et de la forte « contagion Ă©motionnelle Â» dont parle le Dr Judson Brewer dans son livre sur les addictions ( Le Craving). Lorsqu’il dit, par exemple, page 256 :

 

« Selon les spĂ©cialistes de sciences sociales, les Ă©motions positives et nĂ©gatives peuvent se transfĂ©rer d’une personne vers les personnes voisines (c’est ce qu’on appelle la contagion Ă©motionnelle). Si un individu manifestement de bonne humeur entre dans une pièce, les autres ont plus de chances de se sentir heureux, comme si cette Ă©motion Ă©tait contagieuse Â».

 

Un peu plus tĂ´t, toujours dans ce mĂŞme livre, Judson Brewer, citant l’ouvrage de Skinner ( Walden 2), affirme, page 252 :

 

«  Il (Skinner dans son ouvrage Walden 2) souligne l’usage omniprĂ©sent de la propagande et d’autres tactiques pour canaliser les masses par la peur et l’excitation. Bien-sĂ»r, ce sont lĂ  des exemples de renforcement positif et nĂ©gatif. Quand une tactique fonctionne, elle a plus de chances d’être rĂ©pĂ©tĂ©e. Par exemple, pas la peine d’aller chercher plus loin que la dernière Ă©lection prĂ©sidentielle aux Etats-Unis pour voir comment un politicien exploite la peur (comportement) :

 

« Le pays est en danger ! Je rĂ©tablirai la sĂ©curitĂ© ! Â».

 

 En France, cela peut nous faire penser au titre du dernier livre de Nicolas Sarkozy, ex-PrĂ©sident de la RĂ©publique qui, visiblement, ne digère toujours pas, d’avoir ratĂ© sa réélection :

 

Le Temps des tempĂŞtes.

 

Président de la République de 2007 à 2012, Nicolas Sarkozy ne m’a pas du tout marqué comme étant un Président de l’apaisement. Et, en 2020, il (nous) sort néanmoins un livre qui annonce le pire. Comme s’il regrettait presque de ne pas avoir assez accentué le déjà pire. Il y a presque chez lui comme une sorte de refuge mélancolique dans sa façon de refuser l’échec de sa réélection. C’est une séparation d’avec le Pouvoir dont il ne se remet pas. Alors, à défaut, il reste dans les parages car sa capacité de nuisance et son poste d’observation restent meilleurs que celui d’autres acteurs de la vie politique.

Si certains auraient voulu ĂŞtre un artiste, lui, aurait peut-ĂŞtre voulu ĂŞtre Poutine.

 

 

L’humoriste Haroun au centre culturel Le Figuier Blanc

 

 

 

Dans son spectacle donnĂ© ce mardi au Figuier Blanc, l’humoriste Haroun a dit Ă  peu près :

 

« Ce n’est pas qu’aujourd’hui, l’extrĂŞme droite (et ses idĂ©es racistes) soit pire qu’avant. C’est surtout que les autres partis se sont mis Ă  son niveau Â».

 

Le titre du livre d’un Nicolas Sarkozy ou les saillies livresques ou mĂ©diatiques d’autres PersonnalitĂ©s donnent malheureusement raison Ă  Haroun. Lequel, toujours ce mardi, a pu dire, je le cite, car, cette fois-ci, j’ai pu noter :

«  Ce n’est pas le monde qui va mal. C’est qu’il y a trop de cons qui vont bien ! Â».

 

Notre part de connerie et de folie

 

Tout le monde sera d’accord avec cette phrase. MĂŞme les plus cons. Car  le plus difficile, après avoir admis Ă  l’unanimitĂ© cette thĂ©orie d’Haroun, reste Ă  faire :

 

 Savoir dĂ©finir Ă  partir de quel dosage, notre part de connerie ou notre part de folie, souvent indĂ©tectable et imprĂ©visible, mais Ă©galement infinie, peut avoir – lorsqu’elle entre en jeu – des consĂ©quences. Notre part de connerie et de folie est rĂ©tractile. Elle peut n’être que transitoire, elle peut passer sous tous les radars (policiers mais aussi sociaux). Et aussi nous Ă©chapper.

 

Le personnage de comics, Serval (dont Black Panther est finalement la version assouplie, consciente– Black Power- et Ă©duquĂ©e) peut contrĂ´ler jusqu’à un certain point ses griffes d’Adamantium et son agressivitĂ©. Mais, au moins pour lui, les vrais mĂ©chants sont assez facilement identifiĂ©s et identifiables.

Pour nous, simples lecteurs et simples spectateurs de comics, de films pornos ou de romances tĂ©lĂ©visĂ©es,  dans notre vie de tous les jours, c’est plus difficile de faire le tri entre les fientes que nous avalons quotidiennement. Car elles nous sont toujours prĂ©sentĂ©es de façon affriolante.

 

Pour notre amateur de recommandĂ©s, peut-ĂŞtre que cet employĂ© de la poste a Ă©tĂ© un « con Â» ou un «  mĂ©chant Â». Pour moi, qui ai dĂ» revenir Ă  la Poste, toujours pour mon histoire de tĂ©lĂ©phone portable commandĂ© et payĂ© – fin aoĂ»t- sur le site de Darty Ă  un de ses « vendeurs partenaires Â», et jamais reçu (alors que la Poste et le vendeur « partenaire Â» m’affirment que je l’ai reçu il y a plus de trois semaines !) cet employĂ© de la Poste m’a donnĂ© l’impression d’être un homme Ă  qui l’on a dĂ» dire :

 

«  Tu seras au cĹ“ur de l’action de notre entreprise. En première ligne. C’est un rĂ´le très important. La qualitĂ© de ton contact relationnel avec notre clientèle est dĂ©terminante. Elle sera le gage de l’image de professionnalisme et d’efficacitĂ© de la Poste. C’est donc une fonction Ă  forte valeur ajoutĂ©e que tu occuperas Â».

 

Et, à la manière d’un gardien de Foot couvrant ses cages, on peut dire que notre employé de la Poste s’est impliqué ce matin pour être à la hauteur de sa fonction.

 

Me rĂ©pĂ©tant, avec conviction, que la Poste ne met pas- « C’est illĂ©gal ! Â»- le tampon sur le formulaire de rĂ©clamation que me demande- en Anglais- maintenant le « vendeur partenaire Â», photo Ă  l’appui. Afin d’être remboursĂ©.

 

M’affirmant que je peux faire les dĂ©marches sur internet car cela sera plus rapide. Ou me parlant (Ă  nouveau, comme sa collègue la semaine dernière) du 36 31. Un numĂ©ro que j’ai dĂ©jĂ  fait et oĂą tu passes un certain temps Ă  attendre que l’on te rĂ©ponde. MĂŞme lorsque tu rĂ©ussis Ă  avoir quelqu’un en ligne, cette personne a souvent besoin d’aller se renseigner et te mets Ă  nouveau en attente. Tout ça pour te rĂ©pondre que tu as d’autres dĂ©marches supplĂ©mentaires Ă  effectuer. Et, si tu as un mauvais karma, il arrive aussi que tu appelles- bien sĂ»r- lorsque tous les agents sont dĂ©jĂ  en ligne ou occupĂ©s. Ou en pause dĂ©jeuner. Voire, peut-ĂŞtre, ce n’est pas indiquĂ© :

En plein Burn-out,  en train de se suicider ou en entretien oĂą on leur apprend qu’ils vont ĂŞtre licenciĂ©s car ils ont de mauvais rĂ©sultats ou la boite, trop peu de bĂ©nĂ©fices.

 

Autrement, il y a les dĂ©marches par courrier me dit aussi l’employĂ© de la Poste avant de presque me menacer :

 

 Â«  Mais ça prend trois mois ! Â».

 

Derrière moi, quelques personnes attendent. Le jeune homme du recommandé, pas content, est resté sur ma droite. Un autre agent de la poste, essaie maintenant de le convaincre, mais cette fois, en Arabe, d’aller faire la queue. Ce qui n’a pas l’air de beaucoup marcher.

 

 

Nos plus grands accomplissements

 

Quant Ă  moi, je comprends que mes dĂ©marches sont loin d’être terminĂ©es. Je n’ai pas vraiment compris quelle formule magique, ou plutĂ´t quelle dĂ©marche, je dois suivre pour obtenir le remboursement et ainsi ĂŞtre dĂ©livrĂ© de cette entreprise, qui, parmi tant d’autres, nous prend beaucoup plus de temps et d’énergie que cela ne le devrait. Par contre, compensation, en insistant, je rĂ©ussis Ă  obtenir un nouveau formulaire de rĂ©clamation, en expliquant que j’ai « mal rempli Â» le prĂ©cĂ©dent. Voici ce qui fait partie de nos plus grands accomplissements :

 

Réussir à boucler une démarche administrative. Obtenir un formulaire.

 

 

Je repars donc avec un nouveau formulaire. D’ailleurs, une fois que j’ai eu ce formulaire dans la main, je me suis senti mieux. Un formulaire, dans la main, c’est aussi bien que de prendre un bon anxiolytique. Après ça, j’ai Ă©tĂ© vĂ©ritablement disposĂ© pour Ă©couter ce que l’employĂ© me prĂ©conisait pour mes dĂ©marches. Puis, pour accepter ce qui Ă©tait sa rĂ©ponse depuis le dĂ©but :  

 

« Ce n’est pas nous ! Allez voir ailleurs ! Â».

 

Ce n’est pas nous ! Allez voir ailleurs !

 

Nous vivons beaucoup dans une Ă©poque de «  Ce n’est pas nous ! Allez voir ailleurs ! Â».

Sur la chaine Cnews, ce matin, lors de ma sĂ©ance kinĂ©, j’ai de nouveau reçu la « bonne Â» parole du journaliste Pascal Praud. Il y a quelques jours, j’avais Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© de voir apparaĂ®tre la DRH de Charlie Hebdo Ă  l’écran. C’était pour expliquer qu’elle avait Ă©tĂ© exfiltrĂ©e de son domicile par ses agents de protection en raison de menaces. A la suite, sans doute, de l’attentat rĂ©cent près des anciens locaux de Charlie Hebdo.

Cela faisait drĂ´le d’entendre Pascal Praud assurer la DRH de Charlie Hebdo de sa solidaritĂ©. Comme de l’entendre rĂ©pĂ©ter après elle, un peu comme un Ă©colier :

 

« Les musulmans sont les premières victimes…. Â» (de l’intĂ©grisme islamiste).

 

Pascal Praud peut donc chĂ©rir les pensĂ©es d’un Eric Zemmour et penser tout Ă  la fois que «  les musulmans sont les premières victimes Â» (de l’intĂ©grisme islamiste). C’était assez irrĂ©el. Et d’assister Ă  ça comme de voir et d’entendre la DRH de Charlie Hebdo Â« parler Â» avec Pascal Praud.

 

Ce matin, Pascal Praud, sur Cnews, a citĂ© De Gaulle :

 

«  Des chercheurs qui cherchent, on en trouve. Des chercheurs qui trouvent, on en cherche ! Â».

 

Je me suis dit que le modèle idéalisé de la France de Pascal Praud, c’est vraiment la France du passé. D’une France qu’on lui a raconté. Et avec laquelle, en 2020, il essaie de nous capter. J’aime l’Histoire et je crois beaucoup que nous avons à en apprendre. Mais, pour cela, cela commence par apprendre à écouter les autres. Je ne suis pas sûr que Pascal Praud sache tant que ça écouter les autres. Il prend peut-être un certain plaisir dans son attitude de malentendant. Car c’est un luxe de très grand privilégié que de pouvoir se dispenser d’écouter les autres. Tous les autres. Et, Pascal Praud, pour moi, fait évidemment partie des très grands privilégiés.

 

 

Ce matin, l’un des sujets abordés par Pascal Praud concerne l’allongement de la durée de réflexion, pour une femme, pour avoir droit à l’avortement. Jusque là, les femmes disposaient de 12 semaines. Cela va passer à 14 semaines. Auparavant, c’était 10 semaines.

Pour conclure le « dĂ©bat Â», Pascal Praud a donnĂ© la parole Ă  une journaliste du journal Le Figaro qui a rĂ©cemment….accouchĂ©. Si j’ai bien compris, cette journaliste Ă©tait encore en congĂ© maternitĂ© lorsqu’elle s’est exprimĂ©e depuis chez elle. Cette façon de conclure le dĂ©bat est sĂ»rement, pour Pascal Praud, sa conception de l’élĂ©gance et du respect des femmes. De certaines femmes tout au moins. Celles qui ont le choix. Ou plus de choix que d’autres. Des femmes privilĂ©giĂ©es ou assez privilĂ©giĂ©es. Mais j’extrapole sĂ»rement.

 

Car, Pascal Praud ou pas, reste cette part de connerie et de folie en nous, à laquelle, nous nous accrochons et où nous savons être très performants.

 

Nous avons cette faculté de nous en tenir à une certaine gestuelle, certaines habitudes et certaines pensées dès lors que nous les avons adoptées.

 

 

Près de la gare de Conflans Ste Honorine

 

 

Ça me rappelle un ancien patient, psychotique, que j’avais croisĂ© il y a plusieurs annĂ©es, par hasard, dans la rue, près de la gare de Conflans Ste Honorine. J’avais fait sa « connaissance Â» quelques jours ou quelques semaines plus tĂ´t dans un service d’hospitalisation en psychiatrie adulte oĂą j’avais fait un remplacement. C’était un patient dans la force de l’âge, peut-ĂŞtre plus grand que moi,  assez corpulent, moyennement commode. Potentiellement violent physiquement.

Lorsque je l’ai rencontré ce jour-là, près de la gare de Conflans Ste-Honorine, il allait vers la gare alors que je m’en éloignais. Mais nous étions sur le même trottoir dans cette longue ligne droite qui doit faire à peu près dans les deux cents mètres.

Manifestement lesté par un traitement antipsychotique de poids, l’homme continuait d’avancer, fixé vers un but ou une planète qu’il était seul à habiter, notre monde n’étant pour lui qu’un décorum. Je ne sais toujours pas s’il m’a vu ou reconnu lorsqu’il est passé en silence à côté de moi. C’était il y a plus de dix ans.

Je parle de cet homme car, chacun et chacune, Ă  notre façon, nous sommes pareils que lui. Hier, en fin d’après-midi, Ă  la gare St-Lazare, j’ai voulu prendre le train pour rentrer chez moi, Ă  Argenteuil. Il Ă©tait un peu plus de dix huit heures. En pleine heure de pointe. Un horaire oĂą beaucoup de personnes- la majoritĂ© des personnes exerçant un emploi- ont terminĂ© leur journĂ©e de travail et aspirent Ă  rentrer  chez elles. Mais, comme cela a pu se passer et peut continuer de se passer dans une certaine mesure avec le Covid-19, il y avait un grain de sable.

 

 

Le train de la voie 22

 

 

Cette fois, le grain de sable Ă©tait un incident technique du cĂ´tĂ© de la ville de Bois-Colombes. Plusieurs trains ne partaient pas ou ne partaient plus. D’autres ont Ă©tĂ© supprimĂ©s. A mesure que plus de personnes arrivaient Ă  la gare St Lazare, aspirant Ă  retourner chez elles, il y avait comme une sorte de vapeur de panique ou d’agitation qui prenait le dessus. Et j’ai vu plus de personnes affluer, voire se presser, vers un train de banlieue  en particulier. Je me suis concentrĂ© sur celui de la  voie 22 car j’ai un moment envisagĂ© de le prendre. D’autres personnes se sont sĂ»rement focalisĂ©es sur le train d’une autre voie et n’ont plus vu que ce train-lĂ , « leur Â» train,  les autres trains alentour n’existant pas ou plus pour eux.

 

Le train de la voie 22 n’était pas encore parti.  Mais d’autres passagers continuaient de se diriger vers lui. Comme si la nĂ©cessitĂ©, pour plusieurs de ces personnes, Ă©tait d’être dans ce train-lĂ  coĂ»te que coĂ»te. Que leur vie en dĂ©pendait ! Et que si elles Ă©chouaient Ă  prendre ce train-lĂ  en particulier, qu’elles resteraient indĂ©finiment Ă  quai dans la gare St Lazare. Et qu’il leur serait impossible de retrouver leur domicile ou de se raccrocher Ă  leur vie d’avant l’incident technique.

 

 

A la poste ce matin, cet homme qui a affirmĂ© «  Ce n’est pas comme ça que ça marche ! Â», s’est retrouvĂ© devant un incident qui a eu la mĂŞme portĂ©e pour lui que pour ces gens, qui, hier soir, ne savaient presque plus oĂą donner de la tĂŞte Ă  la gare St Lazare parce-que quelques trains ont Ă©tĂ© annulĂ©s ou retardĂ©s.

Hier soir, Ă  la gare St Lazare, pourtant, il  y a bien eu les annonces rĂ©pĂ©tĂ©es d’un agent ou d’une agent de la SNCF. Ces annonces ont pour but d’informer voire de rassurer les voyageurs Â»â€¦. Il y a encore des amĂ©liorations Ă  faire pour que les annonces de la SNCF soient plus rassurantes. Les informations Ă©taient rĂ©pĂ©tĂ©es en accĂ©lĂ©rĂ©. Elles n’étaient pas toujours audibles de façon confortable d’un point de vue acoustique. Elles n’étaient pas toujours intelligibles.

 

 

Parce-que c’est comme ça que nous marchons !

 

 

 A la tĂ©lĂ©, sur les rĂ©seaux sociaux, dans les mĂ©dia, dans nos relations personnelles et professionnelles, il est aussi des gens qui nous « informent Â» et tentent de nous « rassurer Â». Parmi ces gens, il y a des Pascal Praud et d’autres dĂ©clinaisons, d’autres visions et d’autres façons de raisonner comme de se comporter dans la vie de tous les jours. Il faut pouvoir s’y retrouver. Certaines personnes sont capables d’humour comme Haroun. D’autres n’ont pas cette aptitude Ă  l’humour ou ont un humour tout Ă  fait diffĂ©rent. Mais ce qui est commun Ă  beaucoup d’entre nous, c’est qu’il suffit de nous priver- temporairement- de quelques uns de nos repères pour très vite nous agiter voire nous faire paniquer. Il suffit d’un virus et d’une pandĂ©mie. De devoir attendre quinze minutes au lieu de dix. D’un train supprimĂ© ou retardĂ©. Et nous, Ă  un moment ou Ă  un autre, nous pouvons faire une connerie. Ou  devenir fous. Parce-que c’est comme Ă§a que nous marchons.

Qui sait ?! Cet article que j’écris est peut-ĂŞtre une connerie Et une folie !

 

 

Concenant le Covid-19 :

 

 

Concernant le Covid-19, j’ai arrêté de m’obséder avec lui en partant en vacances et en allant prendre l’air cet été pendant quelques jours. Bien-sûr, je porte un masque dès que je sors de chez moi. Masque avec lequel je recouvre mon nez et ma bouche. Masque que je change toutes les trois heures environ. Et je me lave les mains régulièrement.

Si je monte dans un métro, dans un bus ou dans un train bondé, hé bien, je monte dans un métro, dans un bus ou dans un train bondé.

 

Lorsque je parle de mes séances kiné, je parle de séances qui sont effectuées dans une pièce où, certes, nous sommes plusieurs patients, mais la pièce a une surface assez grande et tout le monde porte un masque. Même si, quelques uns, choisissent pour une raison ou pour une autre, de le faire glisser sous leur nez.

 

 

 Cependant, continuer de prendre les transports en commun pour aller au travail pendant le confinement pendant presque deux mois du mois de mars Ă  dĂ©but Mai m’a aussi bien aidĂ©. D’abord sans masque puisqu’il n’y avait pas de masque disponibles jusqu’au dĂ©but du mois de Mai. Pour moi, il a très vite Ă©tĂ© Ă©vident que c’était parce-que les masques Ă©taient rares que l’on nous racontait qu’ils Ă©taient inutiles lors de nos dĂ©placements. 

 

S’il est vrai que le fait, aussi, de croiser très peu de monde dans les rues en pleine pĂ©riode de confinement (entre Mars et Mai) m’a sĂ»rement prĂ©servĂ© d’une contamination, cela m’a nĂ©anmoins fait beaucoup de bien de sortir et de voir qu’il Ă©tait possible de sortir de chez soi et de rester vivant et en bonne santĂ©. MalgrĂ© l’absence de masques. D’ailleurs, depuis que les masques sont devenus «abondants Â» et faciles Ă  trouver, j’ai du mal Ă  me rappeler m’être dĂ©placĂ© sans masque- du fait de la pĂ©nurie de masques- dans Paris pendant le confinement. Tant, aujourd’hui, « la norme Â» est de porter un masque. Hier soir, Ă  la gare St Lazare, la majoritĂ© des voyageurs que j’ai vus, comme souvent, depuis que les masques sont disponibles, et depuis que le port du masque peut ĂŞtre contrĂ´lĂ©, portaient des masques.

 

 

Porter un masque en toutes circonstances est-il une arnaque ? Des personnes le pensent.

 

A titre prĂ©ventif, si porter un masque me garantit d’être en santĂ© et de protĂ©ger d’autres personnes (comme l’usage du prĂ©servatif lors d’un rapport sexuel), je considère que cela vaut le coup et le coĂ»t de porter un masque anti-Covid. Et que c’est une contrainte assez supportable mĂŞme s’il est vrai que cette contrainte temporaire dure depuis maintenant un certain temps. MĂŞme s’il est assez peu «naturel Â» et moyennement agrĂ©able de vivre en permanence avec un masque sur le visage.  On peut et on a le droit de me voir comme un mouton et un con. Je le suis peut-ĂŞtre et bien davantage.

 

Mais je suis aussi soignant. Porter un masque, ne serait-ce que chirurgical, lorsque l’on est soignant (même sans travailler au bloc opératoire ou dans un service de réanimation), cela fait partie de la culture du soignant. Au même titre que d’utiliser des gants stériles ou non stériles, de porter des vêtements ou des chaussures pour des raisons sanitaires. Comme de se laver les mains régulièrement.

 

Ensuite, en parlant de culture du masque, en Asie, la culture du masque existe pour parer Ă  la pollution ou pour raisons sanitaires. Et cette « culture du masque Â» me paraĂ®t justifiĂ©e.

 

 

Par ailleurs, je trouve que le port du masque nous oblige Ă  mieux voir le regard de l’autre. A plus nous y attacher. A visage dĂ©couvert, nous sommes plus facilement distraits lorsque nous avons une personne en face de nous. Nous voyons moins son regard et ce qu’il exprime. D’un point de vue sentimental, relationnel ou affectif, j’ai l’impression que si le port du masque nous retire effectivement quelque chose ( c’est quand mĂŞme plus agrĂ©able de vivre Ă  visage dĂ©couvert comme de faire l’amour sans prĂ©servatif)  qu’il nous donne aussi quelque chose. Et puis, nous pouvons encore varier les attitudes. En prĂ©sence de certains intimes, ou de certaines rencontres, tomber le masque a une importance particulière. Par exemple, aujourd’hui, lorsque l’on dĂ©cide de se rendre au restaurant avec une personne et que l’on accepte, face Ă  cette personne ou Ă  ces personnes, de retirer son masque de protection anti-Covid, cela est aussi une façon de dire que l’on tient Ă  cette ou Ă  ces personnes comme au fait que l’on tient Ă  vivre ce genre de moment avec cette ou ces personnes. MalgrĂ© le risque. On n’avait pas ça avant le Covid et les masques de protection. Donc, pour moi, c’est un plus.

 

 

Concernant le vaccin anti-Covid, il arrivera peut-ĂŞtre. Mais je n’ai pas comptĂ© sur lui. Dès le dĂ©but. Et c’est encore plus vrai lorsque l’on « sait Â» que, malheureusement, l’industrie pharmaceutique est aussi un business. Et que, dès qu’elles le peuvent, les entreprises qui commercialisent mĂ©dicaments et vaccins,  ceux qui marchent et offrent un vrai plus par rapport Ă  ceux qui existent dĂ©jĂ , ne se gĂŞnent pas pour faire raquer les gens au prix fort.

 

 

La pandémie du Covid nous impose de vivre dans un monde de masques. Pourtant, j’ai l’impression, que nous vivons et nous montrons davantage à visage découvert. Avant la pandémie du Covid, nous portions bien plus de masques qu’aujourd’hui sauf qu’ils étaient invisibles ou pouvaient passer inaperçus. En quelque sorte, nous faisons à une grande échelle et en accéléré une certaine expérience de la Commedia dell’Arte.

 

 

Avec tout ça, je n’ai toujours pas Ă©crit Ă  propos du film de Farid Bentoumi, Rouge, qui va sortir fin novembre. Comme je n’ai pas encore pu Ă©crire sur le dernier film de Gaspar NoĂ©,  Lux Aeterna. Ce serait bien que je lise le livre Que Dalle consacrĂ© Ă  BĂ©atrice Dalle, livre que j’ai achetĂ© Ă  sa sortie et que je n’ai toujours par lu. Comme plein d’autres livres.

 

 

 

Franck Unimon, jeudi 1er octobre 2020.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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La Route du Tiep

 

 

                                              La Route du Tiep

Qu’est-ce qu’un igname ?

 

«  Qu’est-ce qu’un igname ? Â». Lors d’un atelier d’écriture, un homme d’une soixantaine d’annĂ©es m’avait un jour posĂ© cette question. On dĂ©couvre aussi le monde par ses lĂ©gumes, ses plantes et sa cuisine.

 

J’avais bien sĂ»r expliquĂ© ce qu’est un igname.  Bien que nĂ© en  France, mon Ă©ducation et mes vacances familiales en Guadeloupe m’avaient fait connaĂ®tre le zouk, le kompa, l’igname, le fruit Ă  pain (et non le fruit Ă  peines), le piment, les donbrĂ©s et d’autres spĂ©cialitĂ©s culinaires antillaises.

 

 

Je dois Ă  mon amie BĂ©a, d’origine martiniquaise, de quelques annĂ©es mon aĂ®nĂ©e, d’avoir dĂ©couvert le Tiep ( «  riz au poisson Â»), les pastels et le M’Balax. J’avais 21 ou 22 ans. Olivier de Kersauson, le navigateur, avait 23 ou 24 ans lorsqu’il a fait la rencontre d’Eric Tabarly (son livre Le Monde comme il me parle, dont j’ai dĂ©butĂ© la lecture). Moi, Ă  23 ou 24 ans, j’entrais davantage de plain pied dans la fonderie des hĂ´pitaux. J’avais fait la connaissance de BĂ©a pendant ma formation.

 

Elle était déja en couple avec C… un Cap verdien, de plusieurs années son aîné.

Et c’est au cours d’une grande fĂŞte avec eux, dans le Val D’oise, je crois, du cĂ´tĂ© de Jouy le Moutier, que j’avais dĂ©couvert :

 

 Tiep, pastels et M’Balax.

 

Le Tiep n’est pas le nom d’un vent ou d’un microclimat proche de la ville de Dieppe. Il n’a pas de lien de parentĂ© Ă  avec la pitiĂ©. Et il n’a pas Ă©tĂ© recensĂ© sur le continent  du Tchip que les Antilles se partagent très bien avec l’Afrique. Le Tiep ou ThiĂ©boudiene  est le plat national du SĂ©nĂ©gal.

 

Avec BĂ©a, indirectement, moi qui ne suis, Ă  ce jour, toujours pas allĂ© en Afrique, j’ai dĂ©couvert des bouts du SĂ©nĂ©gal. Du Wolof et du Cap Vert. Avant que CĂ©saria Evora ne (re) devienne populaire et que le chanteur StromaĂ©, beaucoup plus tard, n’en parle dans une de ses chansons. Avant que Youssou N’Dour ne lâche son tube 7 secondsavec Neneh Cherry. Hit que j’ai toujours eu beaucoup de mal Ă  supporter. Si Ă©loignĂ© de son M’Balax que j’ai, finalement, pu voir, aimer et Ă©couter sur scène trente ans plus tard : l’annĂ©e dernière Ă  la (dernière ?) fĂŞte de l’Huma.

 

 

Par hasard

 

J’ai retrouvé la route du Tiep il y a quelques mois. Par hasard. J’avais rendez-vous près de la gare du Val de Fontenay pour acheter une lampe de poche. Entre le moment où j’ai découvert le Tiep et les pastels et cette transaction, il s’est passé environ trente ans. J’avais bien-sûr mangé à nouveau du Tiep entre-temps. Mais cela était occasionnel. En me rendant sur certains marchés.

 

Le Val de Fontenay n’est pas mon coin. Je n’y habite pas. J’y Ă©tais allĂ© Ă  une « Ă©poque Â», ou, durant une annĂ©e, j’y avais Ă©té…entraĂ®neur de basket. Mais je parlerai de cette expĂ©rience dans un autre article. Ce matin, je m’applique Ă  me mettre au rĂ©gime :

 

Pour faire court

 

J’essaie de faire des phrases courtes. Et d’écrire un article court. C’est Yoast qui l’affirme : Certaines de mes phrases durent plus de vingt mois . Je sais que c’est vrai.

 

Mes articles manquent de titres. Si je décode bien Yoast, je fais beaucoup de victimes parmi mes lectrices et lecteurs. Et je pourrais mieux faire. Je n’écoute pas toujours Yoast.

 

En revenant de ma « transaction Â», il y a quelques mois, je suis donc retournĂ© Ă  la gare du Val de Fontenay. Et j’ai oubliĂ© si j’avais aperçu ce traiteur Ă  l’aller mais je m’y suis pointĂ© avant de reprendre le RER. J’y suis retournĂ© plusieurs fois depuis. Ainsi que ce week-end puisque nous avions prĂ©vu de faire un repas au travail.

 

 

 

 

Au Thiep DĂ©lices d’Afrique Keur Baye Niass

 

La nouveautĂ©, c’est que je suis allĂ© deux jours de suite au Thiep DĂ©lices d’Afrique Keur Baye Niass. Le vendredi, c’est le jour du Tiep au poisson. Les autres jours, on y trouve, entre-autres, du Tiep Ă  la viande qui me plait bien. Mais je voulais goĂ»ter son Tiep au poisson. J’ai donc appelĂ© suffisamment tĂ´t pour passer commande. Puis, une fois, sur place, j’ai vu qu’il ne restait plus de pastels. La cuisinière m’a confirmĂ© qu’il n’y en n’avait plus. ça m’a frustrĂ© mais c’était de ma faute. J’aurais dĂ» en commander en mĂŞme temps que le Tiep. Donc, le lendemain, j’ai rappelĂ© assez tĂ´t et j’ai commandĂ© des pastels au poisson. Et quelques uns Ă  la viande. Pour goĂ»ter.

 

 

Avec nos masques sur le visage : de cĹ“ur Ă  coeur

 

Avec nos masques sur le visage, nous sommes encore plus indistincts que « d’habitude Â». C’est peut-ĂŞtre aussi pour cette raison que j’ai tenu Ă  donner mon prĂ©nom, la veille. Puis que, lorsque j’y suis retournĂ©, que j’ai fait ce que je fais quelques fois : parler avec les gens. Leur demander de me parler d’eux. Un peu de cĹ“ur Ă  cĹ“ur. Je fais ça avec les personnes avec lesquelles je me sens bien. Avec lesquelles je ne discute pas du prix de ce qu’elles me vendent. On pourrait dire que cette dame qui me dĂ©passe d’une bonne dizaine de centimètres, et qui a sans doute presque l’âge de ma mère, est peut-ĂŞtre un Ă©quivalent maternel pour moi. Mais je ne crois pas que ce soit la seule raison.

 

Un mal pour un bien 

 

J’avais dĂ©jĂ  appris, qu’auparavant, elle travaillait avec ses collègues du cĂ´tĂ© de CrĂ©teil. Mais qu’elle avait dĂ» quitter les lieux que la RATP avait mis Ă  sa disposition. J’ai appris qu’avant de faire la cuisine, elle faisait dans le prĂŞt- Ă - porter. Elle avait trouvĂ© des fournisseurs en Italie et ça avait marchĂ© très vite. «  Je vendais de la bonne came ! Â» me dit-elle sans qu’il soit question de quoique ce soit d’autre que de prĂŞt-  Ă - porter. J’avais dĂ©jĂ  entendu parler de la qualitĂ© italienne en matière de vĂŞtements et de chaussures.

 

Le prĂŞt Ă  porter a Ă©tĂ© fructueux de 2004 jusqu’à environ 2015. Et puis, la concurrence chinoise…. 

« Les gens regardaient plus leur porte-monnaie….mais la qualitĂ© n’était pas du tout la mĂŞme… Â». Elle a alors dĂ» rendre ses locaux Ă  la RATP. Locaux dans lesquels elle avait effectuĂ©s des travaux. Travaux pour lesquels la RATP ne l’a jamais dĂ©dommagĂ©e. A la place, la RATP a fini par lui proposer cet endroit Ă  la gare du Val de Fontenay oĂą c’est « dix fois mieux Â» m’explique-t’elle :

« Il y a plus de passage. Avec les bureaux. Et on est près de la gare. LĂ , il y a le RER A. Il y a le RER E».

 

Prendre la vie par le bon bout

 

En l’écoutant, je prends Ă  nouveau la mesure du fait que, quelles que soient les circonstances et le contexte qui nous prĂ©occupent, qu’il y a des personnes comme cette dame et ses collègues qui travaillent. Et qui prennent la vie par le bon bout.  La cuisine, elle en avait toujours fait. Et après le prĂŞt- Ă - porter, l’idĂ©e lui est donc venue rapidement. Je ne connais pas son niveau d’études. Et je prĂ©sume qu’elle est nĂ©e au SĂ©nĂ©gal et y a vĂ©cu sĂ»rement ses vingt premières annĂ©es. Comme mes propres parents ont vĂ©cu leurs vingt premières annĂ©es sur leur Ă®le natale, la Guadeloupe.

 

Je n’ai pas insistĂ© pour savoir, comment, venant du SĂ©nĂ©gal et de la France, on fait pour trouver des fournisseurs de prĂŞt- Ă  -porter en Italie. Mais cela implique au moins de quitter son quartier. De passer la frontière. D’avoir un rĂ©seau de connaissances. Ou de savoir aller rencontrer des gens, y compris Ă  l’étranger. De les dĂ©marcher et de leur inspirer confiance. De savoir s’exprimer un minimum dans leur langue. D’être fiable dans son travail. Ce qui est facilitĂ© lorsque l’on  aime le faire ( son travail).

 

« L’argent n’est souvent qu’une conséquence »

 

J’ai relevĂ© ces phrases  dans un livre empruntĂ© rĂ©cemment dans la mĂ©diathèque de ma ville, Ă  Argenteuil. Un ouvrage dont j’ai lu, pour l’instant, les dernières pages et que je chroniquerai peut-ĂŞtre.

 

Changer de vie professionnelle ( C’est possible en milieu de carrière) de Mireille Garolla, aux Ă©ditions Eyrolles. Les propos sont les suivants, en bas de la page 147 :

« Ce n’est pas parce-que vous allez faire quelque chose qui vous plaĂ®t que vous n’arriverez pas Ă  en tirer un bĂ©nĂ©fice.

L’équation n’est pas toujours aussi simpliste que : je rentre dans un système capitaliste, donc, je gagne de l’argent, quitte Ă  souffrir tous les jours jusqu’à l’âge de la retraite, et un autre système qui consisterait Ă  faire des choses qui vous plaisent rĂ©ellement mais qui ne devraient donner lieu qu’à des rĂ©munĂ©rations symboliques.

(……) l’argent n’est souvent qu’une consĂ©quence du fait que vous faites quelque chose qui vous plaĂ®t et que vous le faites correctement Â».

 

 

Cette femme et ses collègues font partie des personnes qui rendent ces phrases concrètes. De 11h à 22h tous les jours de la semaine.

 

Je me suis senti tenu de lui parler un peu de moi. C’était un minimum. Le mĂ©tier que je faisais. Dans quelle ville j’habitais. Elle m’a Ă©coutĂ© avec attention. 

 

Il y a un stade où ce n’est plus l’argent qui fait le monde

 

Alors que je restais discuter avec elle, pendant que son collègue préparait mes plats, j’ai commandé quelques pastels supplémentaires. Vu, que cette fois, il en restait quelques uns. J’ai aussi commandé deux canettes de jus. Il s’agissait, aussi, d’en rapporter un peu à la maison. Elle m’a fait cadeau des deux canettes comme des pastels supplémentaires. Evidemment, je les aurais payés sans négocier.

 

Après avoir payĂ©, j’étais sur le dĂ©part lorsqu’ouvrant le rĂ©frigĂ©rateur, elle m’a tendu une petite bouteille de jus de gingembre. Il y a un stade de la relation dans la vie, oĂą mĂŞme entre inconnus, ce n’est plus l’argent qui fait le monde. L’argent (re)devient un masque ou un accessoire. Et il vaut alors beaucoup moins que ce qu’une personne nous donne volontairement. 

 

Ce soir-lĂ , sur la route du Tiep

 

Lorsqu’elle m’a fait cadeau de ces pastels et de ces deux canettes, je n’ai pas vu une commerçante habile qui tient à fidéliser un client qui lui était sympathique. Même s’il faut aussi, lorsque l’on tient un commerce, et quand on tient à une relation, savoir chouchouter celles et ceux que l’on veut garder. Et je ne doute pas qu’elle sait très bien faire ça.

Mais ce que j’ai vu, c’est surtout une personne qui « sait Â» que l’on se parle et que l’on se voit maintenant, mais que l’on ne sait pas lorsque l’on se reverra.

Et si l’on se reverra.

Alors, avant de se sĂ©parer, on « arme » comme on peut celle ou celui que l’on a croisĂ© pour la suite du trajet. 

Certaines personnes font des enfants pour conjurer ça. Mais, moi, ce soir-lĂ  et sur la route du Tiep qui m’avait ramenĂ© Ă  nouveau jusqu’à elle, et pendant quelques minutes,  j’ai Ă©tĂ© sans doute , un peu, un de ses enfants.

C’était ce week-end.

 

Franck Unimon, ce lundi 24 aout 2020.

 

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Argenteuil Corona Circus Voyage

Cette nuit : enterrement du mois de mars 2020 en beauté

 

                                                  Cette nuit

Cette nuit, j’ai dû prendre ma voiture pour aller au travail. Je me suis un peu trop relâché hier soir quant aux horaires et j’ai raté le train. Le suivant arrivait une heure plus tard. Impossible de l’attendre pour être à l’heure au travail.

 

C’était une Première pour moi que de devoir prendre ma voiture pour aller au travail sur Paris.

Ce matin, je suis un peu fatiguĂ©. Mais ça n’est pas encore mon heure d’aller me coucher. 

En rentrant tout Ă  l’heure, j’avais prĂ©vu de « publier Â» quelques photos de Tags ou de graffitis pris en photo ces dernières semaines et ces derniers mois jusqu’à ce matin en me rendant au travail ou en revenant. Et puis, finalement, pourquoi se limiter ? Cela fait des annĂ©es que je n’aime pas le mois de mars. Je le trouve trop long. Je n’aime pas cette pĂ©riode. Je vais enterrer ce mois de mars-ci en beautĂ©. Ce sera un peu mon  » We’re gonna chase those crazy baldhead out of town » ( Titre  » Crazy Baldhead » de Bob Marley). En crĂ©ole guadeloupĂ©en, on dirait :

 » Nou Kay KrazĂ© Sa ! ».  » FoutĂ© Sa An Bwa ! ». 

 

Voici donc quelques photos prises entre le mois de Janvier de cette annĂ©e et ce matin en allant au travail ou en en revenant ou ailleurs ( avant le 16 mars 2020) .

Ce ne sont pas des photos du pĂ©riphĂ©rique. Ce sont des photos choisies en Ă©coutant l’album Live de 1991 de Manu Dibango et le titre Crazy Baldhead de Bob Marley en studio ainsi qu’en concert.

Si certaines de ces photos reviennent plusieurs fois, c’est parce-que je n’ai pas voulu choisir entre l’une ou l’autre. On revient bien plusieurs fois aux endroits que l’on aime bien.

 

Merci aux artistes ! Merci aux personnes prĂ©sentes.

Photos prises Ă  Argenteuil, dans la rĂ©gion d’Angers et Ă  Paris.

Franck Unimon, ce mardi 31 mars 2020.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au conservatoire d’Argenteuil.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cette galette s’appelle la  » Peggy ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le danseur Dany ( ou Dani).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Argenteuil Cinéma

Les Cinglés du cinéma à Argenteuil

A Argenteuil, dans certains endroits, on entend et on voit rĂ©gulièrement une voiture de police. C’est ma fille qui me l’a fait remarquer tout Ă  l’heure. ça me rappelle un ami parti vivre depuis Ă  PondichĂ©ry qui, lorsqu’il habitait encore Sarcelles ( dans une citĂ© HLM), m’avait dit un jour :

« A Sarcelles, on entend tous les jours la sirène d’une voiture de police ! ». 

 On pourrait très facilement comptabiliser au  millimètre et Ă  la microseconde près toutes ces incivilitĂ©s et ces nuisances qui gĂŞnent ou inquiètent. Jouir du dĂ©sastre que l’on observe en permanence au microscope a ses avantages :

Cela donne un très fort sentiment d’invincibilitĂ© et de supĂ©rioritĂ©. On se sent très au dessus du lot. Si tout Ă©tait parfait, on se sentirait dĂ©soeuvrĂ© et inutile. Et on dĂ©primerait rapidement. Alors que lĂ , on a plusieurs combats Ă  mener afin de sauver et critiquer tout le monde qui nous entoure. MĂŞme si celui-ci, bien-sĂ»r, ne nous mĂ©rite pas.  

Mais laissons Ă  d’autres ce genre de pensĂ©e. Pendant que la police et d’autres services ( au moins sociaux et sanitaires) opèrent dans la ville d’Argenteuil (et d’ailleurs) celle-ci reste Ă  vivre. Prenons le temps de faire une pause. Ce week-end,  la foire internationale Les CinglĂ©s du cinĂ©ma se dĂ©roule Ă  nouveau Ă  Argenteuil. Le cinĂ©ma japonais est le thème de cette 32 ème Ă©dition. Nous y avons passĂ© trop peu de temps pour dĂ©tailler l’Ă©vĂ©nement. Mais assez pour prendre quelques photos. L’ambiance y Ă©tait dĂ©tendue et on n’y a entendu aucun bruit de sirène de police. BientĂ´t, aura Ă  nouveau lieu au mĂŞme endroit, toujours Ă  Argenteuil, dans la salle des fĂŞtes Jean Vilar, Le Salon du livre et des lecteurs. Pour y ĂŞtre Ă©galement dĂ©ja allĂ© plusieurs fois, je crois que lĂ  aussi, on n’y entendra pas de sirène de voiture de police. Sauf si c’est prĂ©vu dans l’animation de l’Ă©vĂ©nement.

 

Franck Unimon, ce samedi  25 janvier 2020. 

 

 

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Argenteuil Echos Statiques

Jours de grève

 

                                                          Jours de grève

 

 

Le mouvement des gilets jaunes a dĂ©butĂ© il y a un peu plus d’un an maintenant( CrĂ©dibilitĂ©).  

J’ai lu quelque part qu’il y aurait 8000 manifestations par an en France et que les faire « encadrer » par les forces de l’ordre coĂ»terait 150 millions d’euros Ă  l’Etat. Ce soir, je ne trouve pas mes « sources ». 

Depuis ce 5 dĂ©cembre 2019, la grève des transports en commun en rĂ©gion parisienne a dĂ©butĂ©. LĂ , je n’ai pas besoin de sources. Comme beaucoup, je m’adapte Ă  cette grève des transports en commun. Je m’estime nĂ©anmoins moins pĂ©nalisĂ© que d’autres par cette grève- dure- des transports en commun :

Je peux me rendre Ă  mon travail Ă  vĂ©lo en une quarantaine de minutes. Je peux me doucher Ă  mon travail. Et un certain nombre de trains passe encore par Argenteuil Ă  certaines heures de la journĂ©e. Argenteuil reste mieux desservie que bien d’autres villes  de banlieue et mieux aussi que certains coins de Paris.

Depuis le dĂ©but de la grève des transports, seules les lignes de mĂ©tro 1 et 14, les deux seules lignes entièrement automatisĂ©es, ont vraisemblablement continuĂ© d’acheminer des passagers comme si de rien n’Ă©tait. La ligne 7 du mĂ©tro a pu ĂŞtre active au bout de quelques jours. Et j’ai entendu parler de la ligne 5, peut-ĂŞtre, Ă  certains endroits. Autrement, toutes les autres lignes de mĂ©tro sont actuellement « mortes ». 

Certains bus sont prĂ©sents. Et souvent bondĂ©s. Dans certaines rues de Paris, par moments, on peut ressentir une petite sensation de hâte, parmi tous ces piĂ©tons en surplus. C’est ce que j’ai ressenti avant les fĂŞtes de NoĂ«l Ă  la marche en me dirigeant vers la place Clichy depuis la gare St Lazare.

 

Pour moi, la raison de cette grève prolongĂ©e des transports en commun parisiens est destinĂ©e Ă  protester contre la rĂ©forme des retraites. Le 5 dĂ©cembre, les personnels des Ă©coles et des hĂ´pitaux publics faisaient Ă©galement grève. 

 

Je crois que la longĂ©vitĂ© de cette grève des transports va changer l’Ă©tat d’esprit de quelques personnes : par exemple, dans mon service, plusieurs de mes collègues viennent dĂ©sormais Ă  vĂ©lo au lieu de prendre les transports en commun. Un de mes collègues m’a appris qu’il pouvait ĂŞtre très difficile de trouver un vĂ©lib. Il regrettait d’avoir choisi l’option d’avoir pris un abonnement aux vĂ©lib en prĂ©vision de la grève. Il estimait qu’il aurait mieux fait de s’acheter un vĂ©lo.

J’ai appris par une collègue que les gens faisaient la queue pour faire rĂ©parer leur vĂ©lo Ă  DĂ©cathlon. Cette collègue n’a pas eu de chance : deux crevaisons en deux jours. Elle avait reçu son vĂ©lo neuf trois semaines plus tĂ´t. La première fois, Ă  DĂ©cathlon, sa crevaison avait Ă©tĂ© rĂ©parĂ©e assez rapidement. La seconde fois, elle avait dĂ» attendre 3h30.  » C’est 30 minutes par vĂ©lo » selon les propos d’un des employĂ©s de l’enseigne. Cette grève des transports doit rendre heureux les vendeurs de vĂ©los et de trottinettes .

 

Avant cette grève, je n’avais jamais fait le trajet Ă  pied jusqu’au travail depuis la gare St Lazare. Pourtant, j’aime marcher. Mais la « facilité » des transports en commun et leur caractère pratique m’ont souvent rattrapĂ©. MĂŞme si j’essaie de plus en plus de rompre avec cet espace d’enfermement que peuvent ĂŞtre le mĂ©tro, les couloirs du mĂ©tro ainsi que les contrĂ´les de  » titre de transport » et leurs auxiliaires  dissĂ©minĂ©s  : les portes de « validation ». 

Il est vrai que j’habite Ă  une distance « raisonnable » de mon lieu de travail. A environ 14 kilomètres. Si j’habitais Ă  Melun ou Ă  Cergy, je m’abstiendrais d’essayer de venir au travail Ă  vĂ©lo ou Ă  pied. 

 

En me rendant au travail Ă  pied depuis la gare St-Lazare, lorsque j’ai pris le train Ă  Argenteuil, j’ai parfois eu l’impression que certaines personnes Ă  vĂ©lo se sentaient particulièrement privilĂ©giĂ©es par rapport Ă  nous, les piĂ©tons. Je me suis dit qu’il suffisait de peu pour se sentir avantagĂ© et aussi de très peu pour crever. Ce qui m’est arrivĂ© d’ailleurs quelques jours plus tard en rentrant du travail. J’ai fini mon parcours en marchant Ă  cĂ´tĂ© de mon vĂ©lo pendant deux kilomètres. Il faisait assez frais. Quelques cyclistes, dont une espèce de club ou d’association de cyclistes, m’a dĂ©passĂ© sans s’arrĂŞter. Je ne leur en ai mĂŞme pas voulu.

J’avais tout ce qu’il fallait dans mon sac pour rĂ©parer. Mais je suis assez peu manuel. Je me suis dit que le temps de trouver l’endroit de la crevaison et Ă©tant donnĂ© ma lenteur, j’avais plus de chances d’attraper une pneumonie.

Bon, j’ai quand mĂŞme fait le nĂ©cessaire pour prendre le temps de rĂ©parer ma crevaison deux ou trois jours plus tard. J’ai mĂŞme fait beaucoup mieux que ça :

Après avoir rĂ©parĂ© ma crevaison,  j’ai gonflĂ© ma chambre Ă  air. Mais je n’Ă©tais pas satisfait. Je l’ai gonflĂ©e davantage. Mais quelque chose me gĂŞnait. Je trouvais que le pneu ne restait pas assez gonflĂ©. Donc j’ai gonflĂ© encore un peu. La chambre Ă  air a Ă©clatĂ©. Je ne crois pas l’avoir (trop) gonflĂ©e. Je crois que cette chambre Ă  air avait fait son temps. Heureusement, j’avais une chambre Ă  air toute neuve de rechange avec moi. Et quand je l’ai gonflĂ©e, elle,  son comportement m’a satisfait. 

 

Le 10 et le 11 dĂ©cembre, j’ai pris les transports en commun pour aller Ă  Paris. Nous sommes le 29 dĂ©cembre mais mes photos  » dans » les transports en commun datent du 10 et du 11 dĂ©cembre. Je n’en n’ai pas pris d’autres depuis : je me suis peut-ĂŞtre dĂ©ja un peu « habitué » Ă  cette grève des transports.

Le 10 dĂ©cembre, je suis allĂ© Ă  Paris pour voir en projection de presse, le premier long mĂ©trage d’Abdel Raouf Dafri: Qu’un sang impur…  . Je suis allĂ© le voir avec une amie dont c’est l’anniversaire demain si je me souviens bien.

Cela aurait sĂ»rement Ă©tĂ© « mieux » d’avoir des photos plus rĂ©centes de cette grève des transports en commun mais je me dis que c’est dĂ©ja « bien » d’en avoir quelques unes pour cet article. Avant que l’annĂ©e 2020 nous entraĂ®ne sur ses rails. Ce sont peut-ĂŞtre quelques uns des derniers clichĂ©s que j’ai pris avec mon Canon G9X Mark II que je crois avoir perdu car je ne le retrouve pas.  

Franck Unimon

A la gare St Lazare, ce 10 décembre 2019.

 

En chemin vers la projection de presse de  » Qu’un sang impur » d’Abdel Raouf Dafri. Comme on peut le voir, la grille de la station de mĂ©tro Miromesnil est baissĂ©e.

 

Au milieu de l’embouteillage, des personnes qui ont sans doute pris le parti de se dĂ©placer Ă  vĂ©lo.

 

 

 

 

 

Après la projection de presse de  » Qu’un sang impur », sur les Champs ElysĂ©es, vers 18h/18h30 ce mardi 10 dĂ©cembre 2019.

 

Ce mardi 10 dĂ©cembre 2019 sur les Champs après la projection de  » Qu’un sang impur ».

 

 

Aux Halles ce mercredi 11 dĂ©cembre 2019, c’est plutĂ´t rare, en pleine journĂ©e de voir cette station aussi « vide ». MĂŞme si j’ai un peu trichĂ© pour Ă©viter de prendre quelqu’un en photo, il y a toujours du monde Ă  cette station en pleine journĂ©e.

 

Les Halles, ce 11 décembre 2019.

 

Aux Halles, ce 11 décembre 2019.

 

Station Les Halles, le 11 décembre 2019.

 

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A l’Ă©cole de ma fille

 

A l’Ă©cole de ma fille

 

 

A l’Ă©cole de ma fille, il y a eu cette rĂ©union tout Ă  l’heure. La première de l’annĂ©e, deux semaines après la rentrĂ©e Ă  l’Ă©cole primaire. Nous Ă©tions environ une centaine de parents. Un papa pour quinze mamans en moyenne. L’Ă©quipe enseignante Ă©tait exclusivement fĂ©minine.

 

Je continue de m’Ă©tonner devant cette importante « migration » des enfants entre la petite section de maternelle et la fin de l’Ă©cole maternelle :

Un bon nombre des enfants qui Ă©tait dans la classe maternelle de ma fille a disparu de cette Ă©cole publique. Un certain nombre est parvenu Ă  se faire « recruter » par l’Ă©cole privĂ©e du coin placĂ©e Ă  dix minutes Ă  pied de lĂ . D’autres enfants sont partis continuer leur scolaritĂ© ailleurs, dans le public ou dans une autre ville de banlieue ou de province. La meilleure copine de ma fille est par exemple partie cet Ă©tĂ© pour Nantes avec ses parents.

 

Au Cp, ma fille est dans une classe de 27 enfants. Ils Ă©taient 29 Ă  son entrĂ©e en petite section de maternelle. En maternelle cette annĂ©e, une classe supplĂ©mentaire a Ă©tĂ© crééé in extremis et Ă  l’Ă©cole primaire la fermeture d’une classe a finalement pu ĂŞtre Ă©vitĂ©e.

 

InvitĂ©e en cela par la directrice de l’Ă©cole, une enseignante a pris la parole devant nous. Elle Ă©tait Ă  l’aise pour s’exprimer en public, se mettant devant l’assemblĂ©e, assise, de ses autres collègues enseignantes, directrice incluse, pour parler devant nous. En quelques minutes, elle nous a expliquĂ© que la « spĂ©cificité » de cette Ă©cole, c’Ă©tait sa classe Ă  destination des enfants non-francophones. En maternelle, dès la petite section,  j’avais dĂ©ja remarquĂ© un petit, sans doute ukrainien, qui ne parlait pas Français Ă  son entrĂ©e en maternelle. Je me rappelle de la directrice de l’Ă©cole maternelle d’alors ( nous en sommes Ă  la quatrième nouvelle directrice pour cette mĂŞme Ă©cole maternelle) disant Ă  la mère de cet enfant :

« Ce n’est pas un problème. On lui apprendra Ă  parler le Français ».

L’annĂ©e dernière, ce garçon Ă©tait dans la classe de ma fille. Il nous Ă©tait arrivĂ© de retour de l’Ă©cole de faire un peu de chemin avec lui et sa mère. Je la croisais assez souvent et nous nous saluions.  Cette annĂ©e, je ne vois plus ce petit.

 

Devant nous, l’enseignante a expliquĂ© que cela Ă©tait « une grande richesse » que d’avoir des enfants qui ne parlaient pas Français. Pour les autres enfants.

En accord avec elle, des parents de ces enfants non-francophones Ă©taient venus Ă  l’Ă©cole, donnant par exemple un cours de cuisine Ă  la classe en Arabe. Ou s’exprimant en Moldave ou en Ukrainien. En outre, cela valorisait l’enfant qui voyait sa mère ou son père « faire classe » Ă  l’Ă©cole.

 

Une mère, peut-ĂŞtre originaire du Pakistan ou du Bangladesh, a ensuite demandĂ© comment on pouvait prendre rendez-vous avec le mĂ©decin scolaire. Elle a parlĂ© d’un enfant souffrant d’autisme et de la charge que cela pouvait reprĂ©senter pour la maitresse. La directrice a expliquĂ© qu’il y’avait une obligation lĂ©gale de recevoir tout enfant Ă  l’Ă©cole quel que soit son handicap. Et qu’il convenait de faire une demande Ă  la MDPH, souvent traduite par  » la maison du handicap »,  afin d’obtenir une AVS ( aide Ă  la vie scolaire).

 

La directrice de l’Ă©cole a prĂ©sentĂ© l’Ă©quipe pĂ©dagogique. Une des enseignantes nous a expliquĂ© que des enseignants assuraient l’Ă©tude et Ă©taient donc en mesure d’aider les enfants Ă  faire leurs devoirs.

 

La directrice de l’Ă©cole nous a informĂ© qu’il n’y avait plus de secrĂ©taire. Et qu’elle-mĂŞme fait classe les jeudis et vendredis. De ce fait, il est plus difficile d’ouvrir la porte aux retardataires. Il convient de prĂ©venir les maitresses au prĂ©alable lorsqu’un enfant se rend ou revient d’une consultation chez l’orthophoniste et de faire en sorte, autant que possible, que celui-ci parte Ă  sa consultation ou en revienne plutĂ´t lors de la rĂ©crĂ©ation. Elle a rappelĂ© les heures d’ouverture et de fermeture de l’Ă©cole. 8h30/11h30. 13h30/16h30. (Pas d’Ă©cole les mercredis et les samedis du moins au Cp )

 

La directrice a poursuivi en disant que laisser un message tĂ©lĂ©phonique en cas de problème, c’est « bien » mais qu’il vaut mieux, aussi, laisser un mot dans le cahier prĂ©vu Ă  cet effet et que chaque enfant a Ă  sa disposition.

Elle a continuĂ© en informant que si un enfant a une maladie contagieuse, qu’il faut Ă©viter de l’emmener Ă  l’Ă©cole.

La directrice a aussi expliquĂ© comment voter lors des Ă©lections des parents d’Ă©lèves : il faut voter pour une liste et non pour une personne. Si l’on vote pour une seule personne, le vote est annulĂ©.

 

Une mère qui fait partie de l’association des parents d’Ă©lèves a prĂ©sentĂ© un peu la FCPE. Elle a enjoint les parents prĂ©sents Ă  venir Ă  la prochaine rĂ©union prĂ©vue la semaine suivante ainsi qu’aux prochaines rĂ©unions. Elle a insistĂ© quant au fait que l’on pouvait venir quand on voulait et quand on le pouvait.

 

Ces diverses interventions se sont faites dans un contexte posĂ©. Les mots employĂ©s Ă©taient plutĂ´t simples et pĂ©dagogiques. Le dĂ©bit utilisĂ©, plutĂ´t tranquille. Mais je suis assez Ă  l’aise avec la langue française qui est ma première langue. Et la situation ( ĂŞtre dans une rĂ©union parmi plein de gens que l’on ne connait pas alors que l’on sait que cet endroit peut ĂŞtre dĂ©terminant pour l’avenir de son enfant et aussi pour soi)  ne m’a pas stressĂ©. Je me suis nĂ©anmoins un peu demandĂ© si des efforts particuliers de comprĂ©hension avaient pu ĂŞtre nĂ©cessaires pour certains des parents prĂ©sents.

 

Ensuite, nous sommes sortis. Dans la cour de l’Ă©cole, chaque parent a rejoint la maitresse de son enfant. Et, c’est avec la maitresse que nous nous sommes retrouvĂ©s dans la classe de nos enfants, assis Ă  leur place. Certains parents Ă©taient avec leur enfant. D’autres, non.

 

La maitresse de notre fille a expliquĂ© comment ça se passait en classe. Elle  a expliquĂ© le programme de l’annĂ©e. Elle s’est montrĂ©e simple et disponible. Un petit garçon de sa classe, prĂ©sent avec son papa, intervenait rĂ©gulièrement pour poser une question ou faire une remarque.

La maitresse nous a demandé si nous avions des questions. Il y en a eu quelques unes. Puis, la maitresse a tenu à aborder certains sujets :

Eviter autant que possible les Ă©crans pour les enfants. Pas plus de vingt minutes par jour deux ou trois fois par semaine. Que ce soit Ă©cran de tĂ©lĂ©phone portable, Ă©cran d’ordinateur, console de jeux, tĂ©lĂ©vision. Elle a Ă©voquĂ© des Ă©tudes qui rĂ©vĂ©laient que la trop grande frĂ©quentation des Ă©crans empĂŞchait les enfants d’apprendre Ă  se concentrer mais aussi Ă  accepter la frustration. Elle nous a invitĂ© Ă , plutĂ´t, proposer Ă  nos enfants de s’amuser avec leurs jouets, de prĂ©parer avec nous des repas, ce qui leur permettrait d’apprendre beaucoup. J’ai suggĂ©rĂ© le dessin. Elle a acquiescĂ©. Elle a aussi dit que l’on pouvait laisser les enfants « s’ennuyer ». Il n’y a pas eu de protestation de la part des parents prĂ©sents.

 

Donner Ă  manger aux enfants avant qu’ils viennent Ă  l’Ă©cole. Autrement, en classe, « ils dorment… » a-t’elle expliquĂ©. Et pour les enfants qui disent qu’ils n’ont pas faim, voir ce qu’ils aiment manger. Et pas des bonbons.

 

Signer le cahier de devoirs mais pas uniquement le signer. S’assurer que les devoirs ont bien Ă©tĂ© faits. Faire faire les devoirs  » sans conflit ». Pas plus de vingt minutes en semaine. Voire trente minutes pendant le week-end.

 

Rappeler aux enfants d’aller faire pipi au moment de la rĂ©crĂ©ation ou avant d’aller Ă  l’Ă©cole. Un certain nombre d’enfants manifeste son envie de pipi pendant la classe. Or, les toilettes sont loin et elle ne peut pas laisser un enfant se rendre seul dans les toilettes. Alors, quand cela est indispensable, elle demande Ă  un autre enfant de l’accompagner, souvent un CE1 pour un enfant de sa classe de CP. Et lorsqu’il y a des accidents, elle a des vĂŞtements de rechange qu’elle nous demande de bien vouloir laver et de lui restituer ensuite.

 

Les enfants doivent plutĂ´t ĂŞtre couchĂ©s Ă  21h au plus tard car ils sont  » en pleine croissance ». Maintenant, si l’on rentre tard du travail, on fait comme on peut.

 

Ces quelques règles de vie nous Ă©taient familières. Mais j’ai vu dans la nĂ©cessitĂ© de leur rappel le fait que ces règles Ă©taient encore Ă©trangères Ă  un certain nombre de parents de cette Ă©cole, de cette ville oĂą nous habitons, et sans aucun doute dans d’autres endroits en France. Certainement que lorsque l’on vit par exemple dans le monde de P’TiT Quinquin ( voir l’article sur la sĂ©rie de Bruno Dumont P’TiT Quinquin et Coincoin et les Z’inhumains ) dans celui dĂ©peint par Romain Gavras dans son film Le Monde est Ă  toi ou dans celui dĂ©crit par Oxmo Puccino dans son titre Peu de Gens Le Savent que ce genre de règles peut ressembler Ă  de la masturbation intellectuelle, Ă  une peine de prison ou Ă  de la mĂ©taphysique.

 

La maitresse a insistĂ© quant au fait qu’elle avait besoin des parents pour que les enfants rĂ©ussissent bien Ă  l’Ă©cole. Aucun parent prĂ©sent ne l’a contredite.

Elle nous a dit qu’elle serait toujours disponible pour nous recevoir en cas de besoin. Qu’il fallait seulement la prĂ©venir.

Elle a aussi prĂ©cisĂ© qu’en cas de mĂ©contentement Ă  son Ă©gard, qu’il valait mieux venir en discuter avec elle plutĂ´t que de garder ça pour soi. Avec un grand sourire, elle nous a dit :

« Je peux encaisser ». Le père du petit garçon qui intervenait souvent a alors dit:

« C’est bien, ça, de pouvoir encaisser « .

 

Ce soir, j’ai dĂ©cidĂ© d’Ă©crire cet article en prioritĂ©. A l’origine,  j’avais plutĂ´t prĂ©vu d’Ă©crire sur le film De sable et de feu rĂ©alisĂ© par Souheil Ben Barka qui sortira ce 18 septembre 2019 ainsi que sur le film Une fille facile rĂ©alisĂ© par Rebecca Zlotowski ( en salles depuis ce 28 aout 2019).

 

Car j’ai tenu, de nouveau, Ă  saluer le travail de toutes ces enseignantes et enseignants de l’Ă©cole publique impliquĂ©s Ă  l’image de la maitresse de l’Ă©cole de ma fille cette annĂ©e ainsi que les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes et futures. 

 

L’Ă©cole publique va mal. Au mĂŞme titre que l’hĂ´pital public. Et la police. Cela fera grimacer certaines et certains de voir associer l’Ă©cole publique, l’hĂ´pital public et la police. Car s’il est des institutions que l’on veut souvent remercier – mĂŞme s’il est aussi des expĂ©riences très contrariantes Ă  l’Ă©cole et Ă  l’hĂ´pital- il est aussi des institutions que l’on veut ou que l’on a besoin de dĂ©tester. Ce soir, si je rajoute le mot « police » Ă  cet article, c’est sans aucun doute parce-que j’ai lu le livre de FrĂ©dĂ©ric Ploquin La Peur a changĂ© de camp 2ème partie . Lequel livre m’a aidĂ© Ă  mieux comprendre, malgrĂ© certains travers de la police, comment une Ă©cole, un hĂ´pital et une police qui vont et font « mal » dĂ©coulent d’une sociĂ©tĂ© qui va mal ou qui a fait et qui fait des mauvais choix politiques, sociologiques, Ă©conomiques et donc, Ă©cologiques.

 

Tout Ă  l’heure, j’ai Ă©tĂ© Ă  nouveau marquĂ© par cet enthousiasme des enseignantes rencontrĂ©es malgrĂ© les conditions de travail et les difficultĂ©s diverses qu’elles peuvent vivre. La maitresse de notre fille est restĂ©e avec nous jusqu’Ă  dix neuf heures vingt voire dix neuf heures trente. Après la rĂ©union qui avait dĂ©butĂ© vers dix huit heures, elle Ă©tait encore disponible dans la cour de l’Ă©cole pour rĂ©pondre aux parents qui la sollicitaient. Ses autres collègues Ă©taient sans doute encore prĂ©sentes dans l’Ă©cole. Et ce sont , elles aussi, des femmes et des mères qui ont une vie personnelle et qui, comme la plupart d’entre nous, les vendredis soirs et d’autres soirs de la semaine, aspirent aussi Ă  quitter leur travail. Pourtant, ce soir encore, j’ai trouvĂ© chez la maitresse de ma fille, cette attitude assez frĂ©quente de la professionnelle qui vous donne beaucoup et qui, nĂ©anmoins, donne l’impression de douter d’en avoir suffisamment fait et donnĂ© comme d’avoir Ă©tĂ© suffisamment claire avec vous lorsque vous l’avez interrogĂ©e. Et, pendant ce temps-lĂ , dans la vie courante ou dans certaines administrations des personnes habilitĂ©es en principe Ă  vous recevoir et Ă  vous renseigner vont vous envoyer chier ou vous baragouiner des rĂ©ponses sans queue ni tĂŞte sans dĂ©codeur !

 

J’ai aussi Ă©tĂ© marquĂ© par ce dĂ©calage qui semble permanent, entre, d’un cĂ´tĂ© ces parents jamais contents et jamais satisfaits de l’Ă©cole, et, de l’autre cĂ´tĂ©, ces enseignants pourtant dĂ©vouĂ©s qui font de leur mieux. Le pire Ă©tant qu’il n’y a pas de morale Ă  cela :

On peut ĂŞtre un parent conciliant et pâtir de l’incomprĂ©hension du corps enseignant. Comme on peut ĂŞtre un parent chiant et obtenir une certaine considĂ©ration de ce mĂŞme corps enseignant que l’on sera prĂŞt Ă  critiquer et Ă  dĂ©voyer Ă  la moindre contrariĂ©tĂ©.

 

Franck Unimon

 

 

 

 

 

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Par la bouche

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«  Vous êtes sénégalaise ? »

  • Oui. Et malienne, aussi.

 

Deux noires africaines en boubou traditionnel viennent de me rejoindre devant le stand de cette femme traiteur. L’une est noire de peau, l’autre, plus âgée, a la peau claire.  Je me dis que leur présence m’assure de la qualité du Thiep’. Avant même que l’une d’entre elles ne fasse subir un contrôle d’identité à la vendeuse.

Il y’a principalement des femmes qui attendent d’être servies maintenant. Il est bientôt midi. Lorsque je suis venu quelques minutes plus tôt, un homme noir, peut-être un compatriote antillais, passait commande.

 

Alors qu’il fait chaud aujourd’hui, vers 11h, j’ai eu l’idée d’aller faire des courses sur le marché d’Argenteuil. Ma dernière venue ici date de plusieurs mois. Nous avons diminué notre consommation de viande et de poissons. Nous avons aussi diversifié nos lieux d’achats alimentaires.

 

Le volailler « chez » qui j’achète habituellement est en vacances. Son long stand est vide. Comme sont vides d’autres stands. Nous sommes encore au mois d’août.

Je me suis rabattu sur une boucherie hallal où j’ai repéré des poulets fermiers. J’évite leurs poulets hallal tout blancs qui me semblent sortis de la machine à laver. Dix ans plus tôt, j’avais déjà acheté du poulet hallal dans un autre commerce de la ville. J’en ai gardé le souvenir d’un poulet au goût fade.

Les poulets hallal de cette boucherie ont manifestement leur succès auprès d’une clientèle sans doute musulmane. Et puis, ces poulets  sont moins chers. 3,99 euros le kilo. A côté de moi, un  homme en prend deux ou trois.

 

La boucherie hallal  du marché où j’aime habituellement acheter de temps à autre de la bavette d’aloyau et des côtes d’agneau est bien là. Mais il n’y’a plus de bavette ni de côtes d’agneau. Ces viandes font partie de leurs pièces de choix et, généralement, à cette heure-ci, en fin de matinée, il n’y’en n’a plus. Même au mois d’août. Reste du bœuf et quelques pièces de gigot d’agneau. Il n’y’a plus grand monde devant leur étalage. Ils sont plusieurs vendeurs désormais inactifs comme échoués et attendant la prochaine vague qui ne viendra plus et ils le savent. C’est la déprime.

Je me fais confirmer qu’il n’y’a plus ce que je cherche. Malgré la suggestion du vendeur, je décline poliment. Je regarde à peine les quelques morceaux de viande exposés. Et je repars avec mon sac isotherme dans lequel j’ai mis trois pains de glace et ma bouteille d’eau.

 

 

La femme traiteur africaine ne prend pas la carte bancaire. Je ne la connaissais pas. Et quelques minutes plus tôt, je suis  venu sans espèces :

J’ai perdu le réflexe d’en prendre un peu au distributeur près de chez moi avant de venir sur le marché. Souvent, les jours « du marché d’Argenteuil », sur le boulevard Héloïse, surtout les dimanches, les gens font la queue devant les distributeurs les plus proches du centre-ville, rue Gabriel Péri. La rue qui permet l’entrée dans Argenteuil depuis le pont d’Argenteuil et qui mène pratiquement en ligne droite à la mairie et à la médiathèque tout au bout deux cents ou trois mètres plus loin. Le lieu écolo-responsable Smile ( Il fait beau) qui a ouvert le mois dernier se trouve alors tout proche.

Les gens peuvent venir d’assez loin, en voiture, en bus ainsi que par le train pour aller à ce marché.

 

 

Sur le marché d’Argenteuil, La femme traiteur prend les tickets restaurants et les espèces. Je n’ai ni l’un ni l’autre. Alors, sous le soleil, je dois repartir jusqu’au distributeur le plus proche. J’ai de la chance. Les distributeurs sont libres. L’effet mois d’aout peut-être plus que celui de la chaleur, je pense. D’ailleurs, je repense maintenant à l’agence HSBC- qui n’avait pas de distributeurs extérieurs- qui a fermé ses portes il y’a à peu près un an maintenant. Un indice sans doute de la « pauvreté » économique de cette ville et de sa population. D’une partie de sa population. Car il y’a des gens plutôt aisés à Argenteuil. Mais ils sont généralement discrets et sans doute entre eux. Même si on en croise très certainement sur le marché d’Argenteuil par exemple ou à la ferme du Spahi, autre « institution » argenteuillaise en matière de commerce de bouche à prix attractif. Ou au LIDL :

Une des fois où je suis allé au LIDL de Sannois,  à la limite d’Argenteuil, une Porsche Cayenne est arrivée sur le parking.

Des commerces comme le marché d’Argenteuil, la ferme du Spahi ou Lidl sont des commerces qui peuvent faciliter les moindres dépenses. Mais il faut pouvoir s’y rendre. En voiture, en transports, à vélo ou à pied. Et le souhaiter. La facilité étant d’aller faire ses achats dans le supermarché le plus proche, ce dont Argenteuil est particulièrement bien pourvu. Avec les Kebabs dans le centre-ville.

 

 

7 euros pour une barquette de Thiep’ au poisson et 6,50 euros pour une barquette de Thiep’ au poulet. Vu que nous sommes deux adultes et un enfant, par prudence et aussi par curiositĂ©, je prends deux barquettes de Thiep’ au poisson et une au poulet. Jusqu’à l’annĂ©e dernière, je croyais que le Thiep Ă©tait uniquement au poisson. J’ai Ă©tĂ© initiĂ© au Thiep’ et aux pastels il y’a bientĂ´t trente ans par une amie, BĂ©a, mariĂ©e Ă  un Cap-Verdien. Les pastels, ici, n’ont rien Ă  voir avec le dessin ou avec  la peinture. Ou alors il s’agit des couleurs du plaisir alimentaire qui se forme dans la bouche avec ce plat qui peut faire un peu penser extĂ©rieurement Ă  la Brick des Arabes.

 

 

Sur le marché, la femme traiteur a rempli consciencieusement les barquettes individuelles. J’accepte aussitôt avec gourmandise le piment qu’elle me propose. Même si nous en avons déjà du bon à la maison. Oui, c’est elle qui le fait.

 

A la maison, j’apprendrai qu’une barquette «  individuelle » aurait pleinement suffi  pour deux adultes.

Le Thiep’ est bon. Sauf pour notre fille qui le trouvera trop Ă©picĂ© alors qu’elle a dĂ©jĂ  mangĂ© du boudin antillais. Et qui trouvera la couleur du plat « bizarre ». Elle ne reconnaĂ®tra pas le riz.

Sa mère et moi nous délecterons du plat avec l’assurance de celle et de celui qui savent. Peut-être notre fille le regrettera t’elle dans quelques années. Mais nous sommes tous passés par là.

 

 

Sur le marché, je suis allé saluer C….le doyen des commerçants sur le marché. Il vend des fruits. Je trouve qu’il a maigri mais ne lui en dis rien. Il a dû perdre une bonne dizaine de kilos.

L’année dernière ou plutôt il y’a deux ans, je lui avais dit que j’aimerais bien qu’il me parle du marché d’Argenteuil tel qu’il l’a connu depuis cinquante ans. Il  m’en avait un peu parlé, avait accepté en précisant :

 

« Je ne fais pas de politique ! ». Et puis, j’ai laissé passer le temps.  Tout à l’heure, je lui ai reparlé de ça. Il m’avait sans doute oublié. En cinquante ans, sur un marché, on voit tellement de monde. Mais il a de nouveau accepté de me raconter en me disant de venir plutôt un vendredi. Car «  le dimanche, il y’a trop de monde ». Il sera là à partir de 7h le matin. C…. doit avoir entre 70 et 80 ans.

 

 

Il est une très bonne boucherie dans la rue Paul Vaillant Couturier en dehors du marchĂ© d’Argenteuil. Très bonne et assez chère. J’y suis dĂ©jĂ  allĂ© plusieurs fois. Une de ses particularitĂ©s est d’avoir une clientèle exclusivement « blanche» chaque fois que j’y suis allĂ© ou suis passĂ© devant. Cette boucherie semble ĂŞtre faite d’un autre monde. C’est comme passer une frontière. Pourtant, ce monde fait bien partie d’Argenteuil. Et j’y ai toujours Ă©tĂ© bien servi avec un Ă©vident professionnalisme.

La boucherie est encore ouverte ce dimanche quand je rentre du marché. J’y entre pour y acheter un autre poulet. Sur ma lancée, je demande au petit boucher qui me sert quand cette boucherie a-t’elle été ouverte. Il ne sait pas mais ça fait longtemps ! Arrive le patron où celui que j’ai toujours considéré comme tel. Il est assez grand, bien plus grand que moi. Même question :

« Les murs datent de 1890…. ». Il m’explique qu’avant, les fourrages avec les poulets se trouvaient derrière la boucherie. Et, avec son corps, il m’indique l’endroit.

Je suis époustouflé. 1890 !

Il m’apprend que la boucherie est le plus ancien commerce du centre-ville. Qu’il a vu le « changement » à Argenteuil. Je comprends qu’il est maussade à ce sujet et que cela est très sensible.

Il accepte de me répondre que cela fait trente ans qu’il est dans cette boucherie et que cela fait onze ans qu’il en est le patron. Cela ne se voit pas sur mon visage lorsqu’il me dit ça mais je devine que lui et moi  sommes sans doute du même âge. En 1989, j’avais 21 ans.  On peut très bien être apprenti-boucher-charcutier avant ses 20 ans. Je m’abstiens de m’épancher sur ces sujets devant lui.

 

Je lui dis que j’aimerais bien qu’il me raconte. Tout en sortant de la boutique, il me répond : « On me l’a déjà demandé… ». Et puis, je ne le revois plus. Je repasserai peut-être. Mais je n’insisterai pas forcément pour en savoir plus sur les raisons de son amertume. C’est une affaire privée. Or, je n’ai pas envie de l’embarrasser avec mon article. Moi, la seule boucherie que je possède à ce jour, la seule volaille que je connaisse à peu près, c’est celle de mes phrases. Et cette boucherie ne me fait pas vivre. Alors que lui, il doit sa vie à cette boucherie.

 

 

Franck Unimon, dimanche 25 aout 2019.