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Sans Pardon

                                                         Sans Pardon

Seuls des parents peuvent apprendre le pardon à leurs enfants pour eux-mêmes et pour les autres. Et, ce faisant, ils leur évitent peut-être bien des prisons. C’est ce que ma fille m’a rappelé tout à l’heure alors que je venais de me lever. Debout plus tôt ce matin afin de l’emmener à l’école (cette fois-ci, en dépit  de la grève et du service minimum actif dans bien des écoles publiques, la maitresse de ma fille ne fait pas grève A l’école de ma fille )  je pensais à mes articles :

 

Je me disais que, pour l’époque, mes articles manquent de Rap, de Slam,  de théâtre, d’Opéra, de sport, d’images et de jeux vidéos, de montages sonores et visuels, d’images de synthèse, de musique, de jeux de rôles et aussi de réseaux sociaux numériques mais aussi humains. Et d’écologie. 

Même si le nombre de lectrices et de lecteurs augmente sur mon blog, je me dis qu’alors que j’aime rencontrer des gens, je dois être vraiment particulièrement névrosé, plus qu’incompétent- et très  très méfiant – lorsqu’il s’agit de commettre un  « buzz », ou, plus simplement, de savoir partager avec d’autres certaines arcanes de mes comètes  mentales. Il est vrai que j’ai cette tendance depuis l’enfance : seuls certaines et certains élus ont (eu) mes faveurs pour le pire et le meilleur.

 

Lire quelques articles du site Urban Track’z  (créé par Zez Shalmani) pour lequel j’écris principalement dans la rubrique 7ème art m’avait déjà donné à  appréhender certains de mes manquements sociaux. Mais, en plus, hier soir, avant de me coucher, j’ai lu plusieurs articles sur le média en ligne BB qui a plus à voir avec le Bondy Blog  qu’avec BB King ou Brigitte Bardot.

 

Je connaissais le Bondy Blog de nom depuis des années mais je n’avais jamais pris le temps de lire autant de ses articles. C’est en tombant hier sur la page Facebook de Jamila Ouzahir, attachée de presse,  d’un article du Bondy Blog consacré au premier film réalisé par Abdel Raouf Dafri qui sortira ce 22 janvier ( Qu’un sang impur…) que cela m’a donné envie de lire plus d’articles du Bondy Blog.

 

J’ai beaucoup aimé la patte de l’article de la journaliste Latifa Oulkhouir :

Dafri, tonton flingueur.

Laquelle Latifa Oulkhouir s’est avérée être celle qui dirige maintenant le Bondy Blog.

Car après avoir lu son article et l’interview qu’elle a réalisée, avec Audrey Pronesti, d’Abdel Raouf Dafri, j’ai ensuite pris le temps de cliquer sur Qui sommes nous ? et de regarder les photos des rédactrices et des rédacteurs du BB comme de lire la façon dont ils se présentent.

 

Avec un peu de soulagement, j’ai constaté que très peu d’entre eux étaient sur Instagram en plus de Facebook alors que j’ai quand même un compte Instagram. Même si je le néglige (balistiqueinstagram). J’ai constaté la «panoplie » de profils des unes et des autres, leur niveau d’études et de compétences, ainsi que l’humour de certaines présentations.  

 

Je n’ai pu que noter la brièveté de leurs articles par rapport aux miens. Ce qui donne à coup sûr un caractère pratique à leur lecture.

 

C’est ainsi que j’en suis arrivé à aimer lire :

L’interview du rappeur Dinos – que je ne connaissais pas mais j’ai plusieurs cratères de lacunes dans le Rap- réalisée par Félix Mubenga : Le succès arrivera quand il doit arriver.

 

L’article de Nesrine Slaoui Djebril Zonga, jamais deux vies sans trois sur l’acteur Djebril Zonga (qui joue dans le film Les Misérables de Ladj Ly Les misérables 2ème partie ) mais aussi, toujours de Nesrine Slaoui, l’article A la finale d’Eloquentia, le poids des bons mots.

 

Soumaya, l’histoire vraie (qui dérange) d’une citoyenne française, rédigé par Chahira Bakhtaoui.

 

Lyna Khoudri, destin d’actrice, mémoires d’Algérie, encore par Nesrine Slaoui.

 

Aya à l’Huma : alliage improbable, succès indéniable par Fleury Vuadiambo.

 

La Tornade Megan Thee Stallion est passée à Paris ( et ça valait le détour) par Sylsphée Bertili.

 

Le Festival Ciné-Palestine, un regard tendre et juste sur Gaza  par Arno Pedram.

 

Ta-Nehisi Coates : Trump ou la revanche des suprémacistes blancs par Hélèna Berkaoui.

 

Trois femmes, trois résistantes, trois héroïnes de la guerre d’Algérie par Kab Niang.

 

François Beaune : «  Mon boulot, c’est que la réalité te prenne en pleine figure » ( à propos de son livre Omar et Greg) par Jimmy Saint-Louis.

 

 

Pourtant, je ne crois pas que la longueur variable de mes articles soit aujourd’hui le point faible principal de mon blog, balistiqueduquotidien.com, pour plus et mieux le faire connaître.

 

 

Ce matin, je pensais aussi à mon article sur le livre Bravo Two Zero d’Andy MacNab ( Bravo Two Zero ). Je me disais qu’il allait me falloir écrire qu’il me faisait aussi penser au personnage joué par Sean Penn dans le film Mystic River réalisé par Clint Eastwood en 2003. Et je remarquais que le nom de « Penn » rime facilement avec le nom de la ville Phnom Penn. Puis, ma fille m’a appelé dans le noir. J’ai répondu : «  Oui ? ». Alors qu’elle est venue jusqu’à moi, j’ai fait un pas où deux pour me rapprocher d’elle. Elle est venue se mettre contre moi. Nous nous sommes embrassés. Puis, elle est repartie avec le sourire. Je ne m’y attendais pas.

 

Mais il est des enfants qui grandissent sans pardon. Et se barricader a plus à voir avec le rhum arrangé qu’avec une solution pour éviter le danger.

 

En allant voir ma fille pour la préparer pour l’école, je me suis dit que j’allais envoyer cet article au Bondy Blog dans leur partie Contactez-nous. J’hésitais encore sur la forme à donner à ce courrier :

 

Sous forme de lien numérique en provenance de mon blog  (le plus probable ), sous format Word (au cas où ils craindraient un lien manutentionné par de mauvaises intentions) ou sous une forme verbale de type podcast comme je l’ai fait pour Descartes ? ( Descartes)

 

Franck Unimon, ce jeudi 9 janvier 2020.

 

 

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Entre le rêve et le sel

                                            Entre le rêve et le sel

«  Alors, Roybon, on ravage ?! ». Après bien des efforts têtus au sortir de ma sieste, j’ai fini par retrouver et ressortir cette ancre disparue, cette fin de phrase aperçue lors de ma lecture il y a deux ou trois mois du livre Mes rêves avaient un goût de sel  de Jean-Pierre Roybon, ancien nageur de combat de la marine.

 

Chacun ses obsessions.

 

Dans son New York Vertigo, ( Rentrée des classes)Patrick Declerck raconte bien avoir tenu, à New York  en septembre 2012, à prendre le temps de lire «  lentement » le nom des 2983 victimes des attentats terroristes. Soit, comme il le décompte scrupuleusement, «  les 2977 victimes des quatre attaques du 11 septembre aux deux tours, au pentagone, et dans le vol United Airlines 93  qui s’est écrasé en Pennsylvanie, plus les 6 tués lors de la première tentative du 26 février 1993. Cette lecture lui prend «  un peu plus d’une heure et demie ». Il estime que cela n’est pas beaucoup de temps même si son action ne sert sans doute à rien.

 

Cet article-ci, comme d’autres de mes articles, ne sert sans doute à rien non plus. Il est salvateur, aussi, de savoir se regarder avec autant de précision que de dérision. Mais je crois de plus en plus à la vertu d’écrire au sortir du sommeil sans trop se circonscrire. Amadou Hampaté Ba. Amadou Hampaté Ba. Lorsque je l’aurai vu, il faudra aussi que j’écrive sur le film Grigris réalisé en 2013 par Mahamet Saleh-Haroun. Quand j’avais interviewé Mahamet Saleh-Haroun pour le mensuel Brazil à propos de son film Un homme qui crie, je me souviens comme je l’avais beaucoup touché lorsque je lui avais dit à propos du personnage principal, maitre-nageur dans un hôtel de luxe au Tchad, ancien champion de natation :

«  On dirait qu’il liquide sa descendance ». 

Je crois pouvoir affirmer, même si cela ne regarde que moi et qu’il me sera sûrement impossible de le démontrer, que le réalisateur Mahamat Saleh-Haroun, avait alors répété ma phrase comme s’il assimilait une nouvelle donnée de son personnage principal ou cette autre façon de le décrire. 

 

 

J’estime avoir mal parlé du livre de J-Pierre Roybon dans mon article d’il y a quelques mois Mes rêves avaient un goût de sel. J’ai trop parlé de moi et je continue. Mais il y a plusieurs façons de parler d’un livre. Notre inspiration varie selon les jours. Pour le livre Bravo Two Zero d’Andy MacNab, aussi, j’aurais pu m’y prendre autrement ( Bravo Two Zero ). D’ailleurs, je vais refaire quelques corrections dans mon article :

Si le numéro de Télérama de cette semaine a mis l’actrice américaine Scarlett Johansson en couverture avec le titre Star innée, je crois avoir un peu trop forcé en parlant de l’élite des combattants et des forces de police comme des individus qui ont des capacités « innées ». Des capacités physiques et mentales hors-normes, oui. Innées, pas forcément.

Jean-Pierre Roybon, au départ, avant de s’engager dans l’armée un peu avant ses 18 ans, n’était pas particulièrement sportif par exemple. Mais il rêvait des nageurs de combat et de l’armée depuis très jeune. Dans un autre univers, Ellen Mac Arthur, la navigatrice, a beaucoup rêvé de la mer, enfant, avant de commencer à prendre des cours de navigation. Contrairement à un Jean-Pierre Roybon né au bord de la mer, à Toulon, Ellen Mac Arthur, elle, a d’abord vécu dans les terres. Si l’on peut, évidemment, avoir des aptitudes innées hors-normes, il est bien des personnes qui se transcendent le moment venu après des années de maturation, de formation et de rêve. Que ce soit dans les études, dans une carrière, dans une pratique sportive ou dans une activité quelconque. On peut souhaiter que cela soit aussi pour le « bien » d’autrui. Mais c’est souvent, d’abord, pour soi-même. 

 

«  Alors, Roybon, on ravage ? ».

 

C’était ce qu’un des instituteurs disait avec un peu d’ironie au jeune Roybon qui devait se contenter d’une pêche de seconde main au bord de l’eau. Alors que l’instituteur, lui, partait en mer sur son bateau personnel. Dans son livre, Roybon raconte que ces rencontres assez fréquentes et quelques peu « taquines » avec son instituteur, avaient eu peu d’incidence ascensionnelle sur ses notes scolaires. On peut facilement imaginer la scène avec l’instituteur qui s’adresse sur un ton un peu sarcastique et hautain, de manière répétitive, avec l’accent du sud, au minot qu’il toise un peu et qu’il laisse sur place avec l’écume en prenant le large avec son bateau ou en revenant du large, le regard et le visage pleins d’embruns.

 

Pourtant, quelques années plus tard, ce minot allait d’abord découvrir- avec l’autorisation et l’encouragement de ses parents- la plongée sous-marine vers ses 15 et 16 ans en compagnie d’adultes expérimentés. Puis s’engager dans l’armée et, par étapes, à force d’entraînement, devenir un nageur de combat de la marine et faire partie des élites du «  corps » militaire.

 

On peut peut-être affirmer que son instituteur qui, pendant plusieurs années, avait rencontré quantités d’élèves, a pu être surpris plus d’une fois en apprenant plus tard, lorsqu’il l’a appris, ce qu’avaient pu « devenir » certaines et certains de ses élèves passés. Et, à travers le parcours militaire d’un Jean-Pierre Roybon, plus que le soldat qui acquiert la capacité et le droit de détruire et de tuer, je souligne ici la discipline à laquelle on est spontanément capable de s’astreindre tous les jours dès lors que l’on a un rêve, un projet ou une ambition. Même si ça ne sert à rien pour faire encore de l’humour noir. D’écrire. De faire de la musique. Du sport. De faire rire. De chanter. De dessiner. De croire en quelque chose. De croire en quelqu’un. Cela ne sert à rien si l’on tient seulement, tout le temps et tout de suite, à obtenir un retour sur investissement. Du succès. De la reconnaissance. Une explication. Une réponse. Un résultat. A être une star innée. Et chaque fois que l’on nous demande «Comment vas-tu ? », toujours, nous devrions répondre : « ça ne sert à rien ». Chaque fois que l’on nous fait un compliment, nous devrions aussi ajouter : «  ça ne sert à rien ».

 

Je suis maintenant à peu près réveillé et c’est désormais que certains ennuis commencent car il me faut trouver du sens à ce que je viens d’écrire. Alors que ça ne sert à rien.

 

Franck Unimon, ce mercredi 8 janvier 2020.

 

 

 

 

 

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Rentrée des classes

 

                                                    Rentrée des classes

La rentrée des classes s’est bien passée ce matin. Il y avait du givre sur le pare-brise de certaines voitures. Il faisait plus froid que ce à quoi je m’attendais.

 

Nous sommes arrivés avec environ cinq minutes d’avance. D’autres parents, une majorité de mamans, étaient déjà présents.

 

Hébété devant l’école, et sûrement aussi par mes pensées alors que je regardais ma fille s’éloigner dans la cour, je n’ai pas tout de suite entendu lorsque la maman d’une des copines de ma fille m’a salué et souhaité «  Bonne année ! ». La petite était également là, souriante. J’ai remercié la maman et lui ai aussi adressé les mêmes vœux. J’avais oublié ce rituel social auquel je suis pourtant attaché.

 

C’est également par surprise que la maitresse de ma fille m’a en quelque sorte adressé ses meilleurs vœux. Je voulais juste lui dire bonjour et, comme elle avait eu quelques mots pour ma fille venue à sa rencontre, m’assurer que tout allait bien. Et puis, devant moi, avec son sourire et son attention amplifiées, à en être illuminée, j’ai compris que mes quelques mots de politesse étaient pour elle une extraordinaire source d’encouragement et de sympathie. C’était le premier jour de la rentrée des classes, ce lundi 6 janvier 2020, après les vacances de Noël, et, déjà, par son attitude, la maitresse de ma fille signalait qu’elle était présente au poste et prête à repartir à l’assaut de l’enseignement avec le sourire. Quelles que soient les difficultés ! Quel que soit le mal infligé et refait à l’école publique !

 

Je me suis tu. Je me suis contenté d’acquiescer en souriant. Et de partir. En rentrant, j’ai retrouvé la longue file de voitures qui attendait au feu rouge en bas de chez nous. Et j’ai vu filer sur la gauche vers le feu, en short, casque et sac à dos, sur son vélo, un homme noir qui partait sans doute au travail.

 

 

J’avais prévu d’écrire la troisième partie ( Crédibilité 2 )  de Crédibilité : A L’assaut des Pyrénées   tout en me demandant si cela aurait un intérêt particulier pour d’autres. Il a suffi de cette rentrée de classe de tout à l’heure pour que j’opte de parler d’abord du livre New York Vertigo  de Patrick Declerck que j’ai pris le temps de terminer hier soir avant de me coucher.

Ce qui venait de se passer en ramenant ma fille à l’école m’avait peut-être donné ma réponse devant son pessimisme envers l’Humanité ( «  L’espèce est pourrie ») qu’il justifiait- à nouveau- simplement et magistralement dans les 120 petites pages de son dernier ouvrage à ce jour.

 

 

 

Avant de lire New York Vertigo  paru en 2018 que j’avais acheté sans doute à sa sortie, j’avais lu quelques commentaires sur le net sur plusieurs de ses livres. Le dithyrambe côtoyait le sarcasme et la menace fantôme.

 

 

Patrick Declerck fait partie des personnalités que j’ai très vite pensé interviewer pour mon blog balistiqueduquotidien.com. Mais je me suis aussi rapidement dit qu’avant d’essayer de le faire, qu’il faudrait d’abord que mon blog ait du fond. Et, du fond, pour moi, cela peut-être autant bien étudier l’œuvre et la vie de la personne que l’on souhaite interviewer que, soi-même, poser sur la table une partie de son bagage personnel qui va donner envie à la personne interviewé(e) de nous rencontrer et de se livrer. Beaucoup trop d’interviews voire de rencontres se résument à un échange de balles de ping-pong, où, d’un côté, une personne répond à des  demandes et à des sollicitations formulées par des centaines ou des milliers d’anonymes, qui, dans les grandes lignes, malgré toute leur sincérité et leurs efforts d’originalité, restent des stéréotypes. Cet échange, plutôt qu’une rencontre, se limite donc souvent à une fonction promotionnelle. Si toute campagne de promotion compte pour la réussite de nos projets (pour être embauché quelque part ou pour aborder et séduire une personne qui nous plait, il faut bien d’abord commencer par réussir sa promotion personnelle) les véritables rencontres, pour s’établir, et durer, ont besoin de plus que des compliments, des promesses et des sourires.  Mais, bien-sûr, tout est affaire de moment, de tempérament et de priorité : certaines personnes préfèrent privilégier, en toutes circonstances, leur promotion et leur satisfaction personnelle. D’autres, peut-être par ignorance ou par faiblesse, vont chercher à bâtir des rencontres. Y compris, parfois, dans les pires conditions.

 

 

Patrick Declerck avait pu faire « parler » de lui en 2001 avec son livre Les Naufragés de la terre- avec les clochards de Paris. Psychanalyste et anthropologue, il consacrait alors une grosse partie de son temps à la question des SDF. Il a écrit d’autres livres :

Garanti sans moraline, Socrate dans la nuit, ou Crâne sur son intervention chirurgicale, alors qu’il était éveillé, pour exfiltrer une tumeur.

 

New York Vertigo est le seul livre que j’ai lu de lui. Les Naufragés de la terre et Garanti sans moraline sont pourtant dans ma bibliothèque depuis des années. Plus de dix ans en ce qui concerne son livre Les Naufragés de la terre. Depuis, sur le sujet des SDF, un médecin-psychiatre spécialisé dans le traitement des addictions m’a conseillé l’ouvrage De la précarité sociale à l’auto-exclusion : une conférence debat écrit par Jean Furtos. Je l’ai aussi acheté mais je ne l’ai pas encore lu.

 

 

«  C’est trop tard ! » avait dit Patrick Declerck. 

 

 

Ce jour-là, Patrick Declerck, grand et massif, avait mis dans le magnétoscope une cassette VHS. Sur le téléviseur, avec lui, nous avions découvert un entretien. Un SDF était interviewé par quelqu’un. Sitôt l’interview lancée, Patrick Declerck s’était installé par terre, devant le téléviseur, nous tournant pratiquement le dos. Déjà crâne rasé, Il portait un long manteau en laine épaisse de couleur sombre. Sortant un calepin, il avait commencé à prendre des notes. C’était la première fois que je voyais ça. C’était sûrement la première fois que nous voyions, tous, quel que soit notre âge un des intervenants venant nous faire cours avoir ce genre de comportement. Ordinairement, tous les autres intervenants nous faisaient cours en nous faisant face. La plupart du temps, assis sur une chaise ou debout.

 

C’était il y a trente ans. Peut-être un peu plus. Et nous étions une vingtaine d’élèves-infirmiers (âgés de 18-19 ans à 30 ans) avec lui dans la salle de cours de l’hôpital de Nanterre qui s’appelait encore la Maison de Nanterre et qui était une ancienne prison pour femmes à ce que m’avait dit ma mère. La Maison de Nanterre, où ma mère et deux de mes tantes ont travaillé comme femmes de ménage (ASH) puis comme aides-soignantes, a longtemps été sous la tutelle de la Préfecture de Paris. Je l’ai connue dès mon enfance avec ses SDF stationnés à l’arrêt du bus 304 mais aussi avec ses SDF devenus « résidents » permanents à l’hôpital. Avec son pain qui était fait sur place et auquel nous avions droit pendant des années alors que ma mère y travaillait.

 

 

«  C’est trop tard ! ».

 

 

 

C’était trop tard selon Patrick Declerck parce-que l’intervieweur avait trop attendu pour poser au SDF la bonne question.

 

Il me reste peu de souvenirs du contenu du cours de Patrick Declerck. Je crois l’avoir recroisé ensuite, ou avant,  lors de mon stage de quelques semaines au CASH dirigé alors par le Dr Patrick Henry et qui proposait des soins, une consultation sociale et un hébergement aux SDF qui le souhaitaient. Je me rappelle que la majorité des SDF rencontrés, transportés depuis Paris dans des bus de la RATP, préféraient retourner à la rue. Et aussi que l’un d’entre eux qui portait des lunettes, d’origine vietnamienne pour moitié, avait à son poignet une montre à aiguilles de grande valeur. Cet homme « présentait » plutôt bien. Il n’avait rien du pochtron ambulant. Il n’était pas- encore- marqué physiquement par l’alcool ou par la vie dans la rue. J’avais alors entre 19 et 21 ans et avant ces études d’infirmier, je venais du lycée, Bac B, option Economie.  

 

 

Maintenant, et, depuis des années, pour Patrick Declerck, «  l’espèce (humaine) est pourrie ». Il ne parle pas des SDF. Je sais qu’il a écrit «  Je les hais autant que je les aime ». Je sais aussi qu’il dit préférer leur proximité et celle de bien des marginaux à celle de tant de personnes bien propres sur elles. Son humour noir à la Cioran ou à la Pierre Desproges est une carie morale pour d’autres. Trop de pessimisme et de cynisme dépriment et découragent. La princesse Leïa le rappelle dans le dernier Star Wars épisode IX : l’Ascension de Skylwalker de J.J Abrams, film où mon passage préféré est celui sur l’étoile morte.

Bien des survivalistes affirmeront sûrement aussi que pour s’en sortir, garder le moral fait partie des conditions nécessaires. Par l’humour, par l’art, par toute activité et récréation morale, intellectuelle, spirituelle ou physique qui permet de maintenir tout élan vital et toute forme d’espoir.

Mais avec son aplomb, son expérience de professionnel de terrain underground et sa culture de phacochère, les arguments de Patrick Declerck nous encornent plusieurs fois. Et, à ce jour, je ne connais pas de matador, qui, dans l’arène ou dans la jungle, se soit présenté face à un rhinocéros.

 

 

La Religion ? «  Une illusion pleine d’avenir » selon Freud, son maitre à penser. Et dans son New York Vertigo, Patrick Declerck, à travers le 11 septembre 2001, nous reparle, précisément et techniquement, voire de façon balistique, des attentats islamistes.

De mon côté, même s’il est parfaitement autonome, je peux l’aider question religion en tant qu «  illusion pleine d’avenir ».

Ce week-end, alors que j’écrivais Crédibilité 2,  ma compagne m’a appris « l’histoire » de « Madame Desbassayns » ou Marie Anne Thérèse Ombline Desbassayns née Gonneau-Montbrun de l’île de la Réunion.

 

Riche héritière, cette demoiselle Gonneau-Montbrun, en devenant la femme de « Monsieur Desbassayns », est ensuite devenue, une fois veuve, «  une grande propriétaire foncière de l’île de la Réunion ». Grâce aussi à ses esclaves.

 

Selon le site wikipédia, on peut lire que son image est controversée à la Réunion.

Elle aurait été une féroce esclavagiste. Pourtant «  Dès le XIXème siècle, ses invités et ses proches politiques la couvrent d’éloges. Le gouverneur Milius la surnomme même «  la seconde providence ». Et, toujours sur le site wikipédia, on peut lire que «  Madame Desbassayns » était «  d’une ferveur religieuse intense ».  Mais aussi qu’elle a connu le privilège supplémentaire de décéder (à 91 ans !) deux ans avant l’abolition de l’esclavage à la Réunion ainsi qu’aux Antilles. En lisant ça, comme Patrick Declerck, je me suis aussi dit que «  la religion est une illusion pleine d’avenir » et que «  l’espèce (humaine) est pourrie ».

 

Je crois que la religion ou internet sont, j’allais dire, de très bonnes inventions. Et que la science, aussi, permet de très bonnes inventions. Mais qu’ensuite, malheureusement, ça tourne mal car ce qui fait la différence, c’est ce que l’on en fait. Ce qui fait la différence, c’est nos intentions lorsque l’on dispose de tels instruments de pouvoir et de contrôle.

 

 

«  Pouvoir et contrôle » sont les deux carburants, les deux aimants, du tueur en série m’avait en quelque sorte résumé un jour Stéphane Bourgoin, spécialiste des tueurs en série. Mais, contrairement à des chefs religieux, à des industriels ou à des hommes politiques, les tueurs en série sont généralement privés de projets pour le monde et la société. Pour ce que j’ai compris des tueurs en série, leur priorité est leur « petite » entreprise de destruction qui a déjà suffisamment de répercussions douloureuses sur leurs victimes et leurs proches.

 

Les chefs religieux, les industriels et les hommes politiques, eux, prévoient leurs projets sur une grande échelle : une échelle de masse. Et ça marche. Ça a marché et ça marchera encore, nous affirme Patrick Declerck dans son New York Vertigo. Et on est obligé de le croire. Car on « sait » qu’il a des arguments. Et les quelques uns dont il nous fait l’obole dans son livre sont intraitables et incurables.

 

Patrick Declerck, homme de connaissances autant que d’expériences de l’être humain, me fait penser à des personnalités comme les avocats Jacques Verges (qui était réunionnais) et Eric Dupont-Moretti. Des personnes qui, à un moment de leur vie, me donnent l’impression d’avoir vécu l’expérience «  de trop » qui les a déroutés de manière définitive de certaines illusions concernant l’espèce humaine. Peut-être que mes comparaisons sont mauvaises et que cela me sera reproché par les deux vivants qui restent (Declerck et Dupont-Moretti) par leurs détracteurs, par leurs proches ou  leurs admirateurs.

 

« L’espèce humaine est pourrie ». Et, pourtant, j’aimerais savoir, si un jour je rencontre Patrick Declerck et Eric Dupont-Moretti, ce qui les maintient encore en vie. Et dans le plaisir. J’imagine facilement Patrick Declerck me répondre laconiquement qu’il lui manque tout simplement le courage de se suicider. Ou qu’il cultive une sorte de léthargie et de jouissance morbide, sorte de protubérance parallèle à sa conscience, à être témoin de cette « débauche générale ».

 

Et puis, j’ai emmené ma fille à l’école tout à l’heure. Puis, je suis revenu de l’école.

 

 

 

Dans New-York Vertigo, Patrick Declerck se moque aussi, étude clinique à l’appui, du président américain actuel, Donald Trump et «  l’exhorte » à appuyer sur le bouton rouge car il y aura bientôt dix milliards d’êtres humains en 2050. Soit dix milliards de représentants de cette espèce, notre espèce, qui détruit la planète, tue, viole, massacre.

 

L’humour du désespoir.

 

Si Patrick Declerck avait écrit son livre ce mois-ci, il aurait sûrement parlé de la fuite récente, méprisable et cocasse du Japon de Carlos Ghosn, PDG de Renault-Nissan, alors qu’il était libéré sous caution en attente de son jugement là-bas. Pendant ce temps-là, en France, le gouvernement Macron-Philippe manœuvre pour détruire la résistance sociale. Oui, «  l’espèce est pourrie ».

 

 

Il y aura donc dix milliards d’êtres humains sur Terre en 2050. Et la Chine sera peut-être alors la Première Puissance mondiale incontestée. Pour l’instant, les Etats-Unis sont encore cette Première Puissance mondiale. S’il y a encore une Terre dans trente ans. S’il y a encore des êtres humains vivants sur Terre dans trente ans. Si je suis aussi obsédé par la Chine depuis quelques temps, c’est parce-que j’ai perdu ce regard fasciné et sentimental que je pouvais avoir avant sur la Chine et sa culture. Si la culture de la Chine existe bien-sûr et est aussi admirable que bien d’autres cultures, je perçois aujourd’hui davantage ce que la Chine recèle comme capitalisme et régime politique et social effrayants.

 

Pourtant, je crois ça : face à ces horreurs dont est capable l’être humain, les enfants sont les champions du moment présent. Nous, les adultes, à force d’extrapoler, de penser au passé et à ce qui pourrait arriver de pire, nous en arrivons à détruire notre propre présent. Parce- que nous nous faisons déformer et tabasser en permanence dès notre enfance. Et même avant. Parce-que c’est un combat titanesque que de sauvegarder, quotidiennement, une once d’enfance saine en soi et de lui éviter la spéculation financière et commerciale comme la benne à ordures. Et qu’une fois adultes, il arrive que nous perdions ce combat titanesque. Aucun adulte ne peut s’exclamer, comme quelques rares boxeurs, qu’il compte uniquement des victoires dans son parcours personnel.

 

Et je crois aussi que si nous continuons à vivre, à faire des enfants, à nous multiplier sur la Terre, malgré tous les signaux alarmants qui proviennent de nos propres comportements, c’est parce qu’il existe une raison- qui nous dépasse- qui fait de nous des êtres doués pour la vie quelles que soient les conditions.

 

Ce qui est très difficile à accepter pour l’être humain d’aujourd’hui, c’est le tri sélectif.

 

Malgré ou à cause de toute sa science, de toute son érudition, de toutes ses solutions, l’être humain voudrait pouvoir décider de tout et avoir le choix absolu. Or, il doit continuer d’apprendre que ses possibilités de choix et de libertés restent fugaces, volatiles, imprécises et limitées.  Qu’il suffit parfois d’une rue, d’une décimale, d’une seconde, d’une virgule, d’un regard, d’un mot, pour qu’un tri s’impose à lui  violemment.

A ses choix,  à sa vie ou à celles et ceux de ses voisins et de ses proches. Et, cela,  selon des critères pour lesquels, rien ni personne ne lui demandera son avis.  Notre vie moderne nous fait oublier constamment cet enseignement : nous sommes des corps soumis à un tri plutôt que des fantômes et cela a un prix.

 

Ce prix peut être insupportable. Car nous croyons en cette illusion que, forts de nos savoirs, de nos connaissances et de notre puissance, que nous pouvons décider de ce prix ou le négocier. Parce-que, d’une certaine façon, nous nous croyons éternels ou irremplaçables sur Terre. Et, ça, c’est aussi une sacrée illusion humaine pleine d’avenir. Contre ça, crier et pleurer peut peut-être soulager pendant quelques temps. Puis, il faudra vivre, si on le peut, parce-que c’est tout ce qui nous restera.

 

 

Franck Unimon, ce lundi 6 janvier 2020.

 

 

 

 

 

 

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Jours de grève

 

                                                          Jours de grève

 

 

Le mouvement des gilets jaunes a débuté il y a un peu plus d’un an maintenant( Crédibilité).  

J’ai lu quelque part qu’il y aurait 8000 manifestations par an en France et que les faire « encadrer » par les forces de l’ordre coûterait 150 millions d’euros à l’Etat. Ce soir, je ne trouve pas mes « sources ». 

Depuis ce 5 décembre 2019, la grève des transports en commun en région parisienne a débuté. Là, je n’ai pas besoin de sources. Comme beaucoup, je m’adapte à cette grève des transports en commun. Je m’estime néanmoins moins pénalisé que d’autres par cette grève- dure- des transports en commun :

Je peux me rendre à mon travail à vélo en une quarantaine de minutes. Je peux me doucher à mon travail. Et un certain nombre de trains passe encore par Argenteuil à certaines heures de la journée. Argenteuil reste mieux desservie que bien d’autres villes  de banlieue et mieux aussi que certains coins de Paris.

Depuis le début de la grève des transports, seules les lignes de métro 1 et 14, les deux seules lignes entièrement automatisées, ont vraisemblablement continué d’acheminer des passagers comme si de rien n’était. La ligne 7 du métro a pu être active au bout de quelques jours. Et j’ai entendu parler de la ligne 5, peut-être, à certains endroits. Autrement, toutes les autres lignes de métro sont actuellement « mortes ». 

Certains bus sont présents. Et souvent bondés. Dans certaines rues de Paris, par moments, on peut ressentir une petite sensation de hâte, parmi tous ces piétons en surplus. C’est ce que j’ai ressenti avant les fêtes de Noël à la marche en me dirigeant vers la place Clichy depuis la gare St Lazare.

 

Pour moi, la raison de cette grève prolongée des transports en commun parisiens est destinée à protester contre la réforme des retraites. Le 5 décembre, les personnels des écoles et des hôpitaux publics faisaient également grève. 

 

Je crois que la longévité de cette grève des transports va changer l’état d’esprit de quelques personnes : par exemple, dans mon service, plusieurs de mes collègues viennent désormais à vélo au lieu de prendre les transports en commun. Un de mes collègues m’a appris qu’il pouvait être très difficile de trouver un vélib. Il regrettait d’avoir choisi l’option d’avoir pris un abonnement aux vélib en prévision de la grève. Il estimait qu’il aurait mieux fait de s’acheter un vélo.

J’ai appris par une collègue que les gens faisaient la queue pour faire réparer leur vélo à Décathlon. Cette collègue n’a pas eu de chance : deux crevaisons en deux jours. Elle avait reçu son vélo neuf trois semaines plus tôt. La première fois, à Décathlon, sa crevaison avait été réparée assez rapidement. La seconde fois, elle avait dû attendre 3h30.  » C’est 30 minutes par vélo » selon les propos d’un des employés de l’enseigne. Cette grève des transports doit rendre heureux les vendeurs de vélos et de trottinettes .

 

Avant cette grève, je n’avais jamais fait le trajet à pied jusqu’au travail depuis la gare St Lazare. Pourtant, j’aime marcher. Mais la « facilité » des transports en commun et leur caractère pratique m’ont souvent rattrapé. Même si j’essaie de plus en plus de rompre avec cet espace d’enfermement que peuvent être le métro, les couloirs du métro ainsi que les contrôles de  » titre de transport » et leurs auxiliaires  disséminés  : les portes de « validation ». 

Il est vrai que j’habite à une distance « raisonnable » de mon lieu de travail. A environ 14 kilomètres. Si j’habitais à Melun ou à Cergy, je m’abstiendrais d’essayer de venir au travail à vélo ou à pied. 

 

En me rendant au travail à pied depuis la gare St-Lazare, lorsque j’ai pris le train à Argenteuil, j’ai parfois eu l’impression que certaines personnes à vélo se sentaient particulièrement privilégiées par rapport à nous, les piétons. Je me suis dit qu’il suffisait de peu pour se sentir avantagé et aussi de très peu pour crever. Ce qui m’est arrivé d’ailleurs quelques jours plus tard en rentrant du travail. J’ai fini mon parcours en marchant à côté de mon vélo pendant deux kilomètres. Il faisait assez frais. Quelques cyclistes, dont une espèce de club ou d’association de cyclistes, m’a dépassé sans s’arrêter. Je ne leur en ai même pas voulu.

J’avais tout ce qu’il fallait dans mon sac pour réparer. Mais je suis assez peu manuel. Je me suis dit que le temps de trouver l’endroit de la crevaison et étant donné ma lenteur, j’avais plus de chances d’attraper une pneumonie.

Bon, j’ai quand même fait le nécessaire pour prendre le temps de réparer ma crevaison deux ou trois jours plus tard. J’ai même fait beaucoup mieux que ça :

Après avoir réparé ma crevaison,  j’ai gonflé ma chambre à air. Mais je n’étais pas satisfait. Je l’ai gonflée davantage. Mais quelque chose me gênait. Je trouvais que le pneu ne restait pas assez gonflé. Donc j’ai gonflé encore un peu. La chambre à air a éclaté. Je ne crois pas l’avoir (trop) gonflée. Je crois que cette chambre à air avait fait son temps. Heureusement, j’avais une chambre à air toute neuve de rechange avec moi. Et quand je l’ai gonflée, elle,  son comportement m’a satisfait. 

 

Le 10 et le 11 décembre, j’ai pris les transports en commun pour aller à Paris. Nous sommes le 29 décembre mais mes photos  » dans » les transports en commun datent du 10 et du 11 décembre. Je n’en n’ai pas pris d’autres depuis : je me suis peut-être déja un peu « habitué » à cette grève des transports.

Le 10 décembre, je suis allé à Paris pour voir en projection de presse, le premier long métrage d’Abdel Raouf Dafri: Qu’un sang impur…  . Je suis allé le voir avec une amie dont c’est l’anniversaire demain si je me souviens bien.

Cela aurait sûrement été « mieux » d’avoir des photos plus récentes de cette grève des transports en commun mais je me dis que c’est déja « bien » d’en avoir quelques unes pour cet article. Avant que l’année 2020 nous entraîne sur ses rails. Ce sont peut-être quelques uns des derniers clichés que j’ai pris avec mon Canon G9X Mark II que je crois avoir perdu car je ne le retrouve pas.  

Franck Unimon

A la gare St Lazare, ce 10 décembre 2019.

 

En chemin vers la projection de presse de  » Qu’un sang impur » d’Abdel Raouf Dafri. Comme on peut le voir, la grille de la station de métro Miromesnil est baissée.

 

Au milieu de l’embouteillage, des personnes qui ont sans doute pris le parti de se déplacer à vélo.

 

 

 

 

 

Après la projection de presse de  » Qu’un sang impur », sur les Champs Elysées, vers 18h/18h30 ce mardi 10 décembre 2019.

 

Ce mardi 10 décembre 2019 sur les Champs après la projection de  » Qu’un sang impur ».

 

 

Aux Halles ce mercredi 11 décembre 2019, c’est plutôt rare, en pleine journée de voir cette station aussi « vide ». Même si j’ai un peu triché pour éviter de prendre quelqu’un en photo, il y a toujours du monde à cette station en pleine journée.

 

Les Halles, ce 11 décembre 2019.

 

Aux Halles, ce 11 décembre 2019.

 

Station Les Halles, le 11 décembre 2019.

 

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Zombie public

                                           

 

                                              Zombie public

 

J’avais d’abord passé une nuit périssable. Vers deux heures trente, la petite était venue me trouver. Comme établi par sa mère – enfin- fatiguée de se lever en pleine nuit. Puis, j’avais dû changer de pièce à cause du bruit. Tout ça pour me rendre compte trois quarts d’heure plus tard que la petite chantonnait ou se racontait des histoires. Il était alors 3h30 du matin et j’allais l’emmener à l’école quelques heures plus tard. Cette petite « timide » était peut-être à l’école primaire et avait sûrement un très mauvais père mais elle savait déjà plus que lui parler :

« Tu vas me briser le cœur ! » m’avait-elle dit les yeux grand ouverts deux jours plus tôt alors que je la disputais.

En outre, c’était son anniversaire et la veille au soir, il avait fallu renoncer aux devoirs de l’école. Après avoir pourtant très bien commencé la lecture des sons comme demandé par sa maitresse, au bout d’à peine cinq minutes, elle s’y était ensuite refusée et avait fini par s’insurger. Criant qu’elle ne voulait pas faire les devoirs ! C’était nul, l’école et les devoirs ! Quelques jets de coussins par terre avaient suivi.

J’avais alors décrété la fin des devoirs et étais allé expliquer à sa mère qu’il valait mieux passer par la case dîner et dodo. Puisque la petite clamait qu’elle était fatiguée !

Au coucher, je lui avais fait la morale : « Etre grand, c’est faire ses devoirs quand on en a ». Auparavant, à cette petite qui m’avait redit son ambition d’être « une princesse », j’avais déja répondu avec un peu de fiel :

« Tu sais, les princesses, aussi, ont des devoirs ».

 

Au réveil, tout s’était finalement très bien passé avec la petite. Même s’il avait quand même fallu lui rappeler que le temps du dodo était désormais terminé. Et qu’il ne s’agissait plus d’essayer de trouver une position confortable dans son lit afin de mieux dormir. Toilette, rangement des jouets, petit-déjeuner, séparation d’avec maman lors de son départ au travail, fin des devoirs de la veille avant de partir à l’école, tout s’était très bien passé. Et, c’est une petite détendue et chantante que j’avais déposée à l’école sous la pluie fine.

Avant que je ne reparte, la maitresse à l’entrée de la cour s’était subitement rappelée : Pour savoir où nous en étions concernant le nombre de perles à assembler par dix, à raison d’une perle par jour, pour arriver au chiffre cent, il suffisait de regarder dans le cahier jaune. En effet, trois jours plus tôt, je m’étais à nouveau excusé auprès d’elle car nous nous étions perdus dans le nombre de perles, sa maman et moi. Et, la veille encore, ma compagne (ou ma femme pour s’harnacher scrupuleusement au protocole social) m’avait répondu :

« ça fait trop de choses, on verra ça pendant les vacances scolaires ! ».

 

Après l’école ce matin, j’avais un peu d’avance pour me rendre à la Banque Postale. Au 20ème siècle, le très grand physicien du rire Pierre Desproges avait découvert le principe selon lequel « lorsque l’on plonge un corps dans un liquide, le téléphone sonne ». C’était avant internet et la téléphonie mobile. Lorsque ça avait sonné plusieurs fois à l’interphone deux jours plus tôt, j’avais refusé de me lever. J’étais plongé dans l’écriture et j’en avais assez ! Ce devait encore être un voisin qui avait oublié ses clés et sonnait un peu partout pour entrer dans l’immeuble !

Puis, dans notre boite à lettres- trop petite- j’avais trouvé cet avis de passage du facteur m’informant de mon absence alors qu’il avait l’intention de me délivrer un colis. Je devrais donc me rendre à la Banque Postale à partir du lendemain à 14h. Ce matin, deux jours plus tard, j’étais à mi-chemin lorsque je me suis rappelé que la Banque Postale, désormais, ouvrait à 9h30 et non plus à 9h voire à 8h30 comme avant. Quand ses agences étaient ouvertes dans d’autres endroits de la ville. Depuis deux ou trois mois, maintenant, son agence commerciale avait été rapatriée dans ce centre commercial que j’avais toujours très vite et très mal supporté et évité le plus possible. Ce centre commercial me faisait un peu le même effet que le tabac fumé.

Pendant des années, je pouvais être en présence de l’un comme de l’autre sans m’en sentir gêné. Aujourd’hui, dès que je suis dans un lieu clos en leur compagnie, je me sens agressé.

J’ai dû être le premier client à entrer dans ce centre commercial dont un vigile aimable et accueillant m’a ouvert la porte. C’était la première fois que je venais aussi tôt. En prenant l’escalator en marche, j’ai regardé ses allées et ses cendres encore vides de tout mouvement. Posté devant la grille fermée de la Banque Postale avec une bonne demi-heure d’avance, il s’agissait d’adopter une stratégie permettant d’enlever le temps d’attente de mes pensées. Pour cela, je me suis rabattu sur le journal gratuit de la ville. Parcouru en cinq minutes. J’ai flirté un peu avec mon téléphone portable (sms, réseau social…) avant de l’éteindre à nouveau. Entretemps, assez rapidement, d’autres personnes sont venues me rejoindre devant La banque postale. Des mamans, certaines voilées, et quelques hommes d’une bonne quarantaine d’années. Si au début, j’étais calme, j’ai commencé à me sentir un peu stressé. Ce centre commercial était un cercueil. Et j’avais l’impression que mon soulagement viendrait plus de ma sortie de celui-ci que de l’obtention de mon colis. Il y avait de plus en plus de monde derrière moi et sur mes côtés. Une bonne trentaine de personnes. Quelques fois, des employés de la Banque Postale se faufilaient entre nous. Un ou une de leur collègue leur ouvrait alors le rideau de fer et la nouvelle ou le nouvel employé ( e ) se courbait pour entrer dans ce lieu que nous convoitions et qui redevenait à nouveau physiquement inaccessible.

J’ai entendu la musique d’ambiance du centre commercial. Une musique de chiotte comme souvent. A quelques mètres devant nous, à travers le rideau refermé, j’ai aperçu l’écran du téléviseur sur lequel passait une pub puis une autre. Tout près de nous, devant la grille fermée, entre deux distributeurs, il y avait cette pancarte publicitaire montrant une jeune femme svelte en pantalon, élégante, maquillée, souriante, pouvant avoir la vingtaine comme la trentaine. Et, un peu plus haut, cette « maxime » :

« Les tarifs de la banque postale ne changent pas en 2019. Nous protégeons votre pouvoir d’achat ». J’ai pensé à un de mes rendez-vous avec notre «conseillère », dans une autre banque, quelques mois plus tôt. Celle-ci, comme bon nombre de ses semblables, expliquerait sans doute qu’elle aime beaucoup le « relationnel » avec les clients. Mais je m’étais trouvé dans un bureau en contre-plaqué alors qu’elle accédait à son ordinateur professionnel. Et, hormis une bouteille d’eau, son sac, une ou deux photos, ses stylos et une bricole, je m’étais dit que cet endroit qui faisait office de banque pourrait tout aussi bien être transformé en tout autre chose.

Notre conseillère s’était ensuite préoccupée de moi en s’en tenant à des protocoles édictés soit par son ordinateur, soit par sa hiérarchie et les axes décidés lors de réunions, soit par sa formation, et, bien-sûr, par son tempérament en dernier ressort.

A travers le rideau baissé, ce matin, nous avons vu les employés de la banque postale se faire la bise pour se dire bonjour. Dans « notre » banque, à l’ouverture, j’avais vu les employés se faire une poignée de main ou une accolade qui signait leur appartenance à l’agence comme à l’équipe.

Ce matin, à la Banque postale, la responsable d’équipe, une femme d’environ trente ans, s’est mise derrière un guichet. Et la dizaine d’employés, face à elle pour la plupart, l’ont écouté. Je « connaissais » de vue certains des employés. En fait, nous ne connaissons pas ces gens que nous voyons voire revoyons dans ces lieux et ces administrations dont nous attendons souvent des services qui ont pourtant tant d’importance pour nous. Alors que, de leur côté, ces professionnels et ces personnels s’impliquent comme ils le peuvent dans l’exercice de leurs fonctions et selon des objectifs qui leur ont été fixés. Et, ce matin, comme tant d’autres jours, à nouveau, nous étions là, nous, la clientèle, de l’autre côté du rideau fermé tels des zombies ou des animaux de zoo. Nous étions patients et disciplinés. Pourtant, je me suis demandé ce que donnerait une pareille situation si, pour une quelconque raison nous poussant à la panique ou à la colère, nous nous étions impatientés et que, de l’autre côté du rideau, ces mêmes employés avaient dû nous recevoir.

J’ai l’impression que l’agence a été ouverte avec un peu de retard. Je me suis avancé le premier avec ma carte d’identité et mon avis de passage du facteur puisque j’étais le premier arrivé. Une jeune femme, la « responsable » d’équipe que j’avais aperçu, m’a indiqué une table ronde devant laquelle il fallait attendre. Je me suis arrêté devant cette table ronde qui m’arrivait presque à la poitrine et où aucun agent de la Banque postale ne m’attendait. J’ai entendu une employée de la banque postale dire à un ou plusieurs de ses collègues :

« On accueille d’abord les gens ». Pendant ce temps, d’autres agents régulaient la circulation, montrant à telle cliente ou tel client où se diriger selon ses «besoins ». Un agent de la sécurité du centre accueil est entré, détendu. Mais je me suis demandé ce qu’il aurait bien pu faire, tout seul, en cas de tumulte.

Après quelques minutes, une femme d’une cinquantaine d’années s’est mise devant nous un peu comme la responsable « d’équipe » l’avait fait avec eux. Montrant un avis de passage à hauteur de visage, elle a dit d’une voix moyennement forte :

« Je m’occupe des instances. Vérifiez bien la date sur votre avis de passage. Car si le facteur est passé hier, le colis sera disponible le lendemain à partir de 14h». Puis, elle s’est occupée de moi. J’étais bien dans les clous. Elle m’a ramené mon colis et m’a souhaité une bonne journée. Je l’ai remerciée et je suis reparti de cet endroit sans regret. Je n’ai pas encore regardé ce qu’il y a dans ce colis.

Franck Unimon, ce jeudi 17 octobre 2019.

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Enfant de la France/ Enfant de la Transe

 

Enfant de la France/ Enfant de la Transe

 

 » Danser, c’est prendre subitement en dégoût tout ce qui empêche de danser »

 » J’aimerais que l’une de mes chansons revienne, dans quelques années, de l’oubli ou des malentendus (…) Faire danser les gens, longtemps après ma mort. La vanité des vanités. Comme ce serait consolant ».

 » Je n’allais pas bien. J’avais quarante et un ans et m’enlisais. Certes, je travaillais dans la plus grosse boite d’Europe, au Cap’tain, en Belgique. Mais ma musique pâlissait, elle devenait minimale, sans âme, la mélodie n’existait plus. Que n’aurais-je donné pour renouer avec des émotions simples ! Je rêvais de compositions, de mes propres chansons, mais tout m’en empêchait. Me manquaient le courage, l’argent, la chance. Je vivais seul, dans une maison qu’un écrivain de jadis  eut appelé masure (….) j’étais un mec à la jeunesse enfuie (…..) sans aucune confiance en lui, odieusement, furieusement, maladivement mélancolique ».

C’est ce qu’a pu écrire Fred Rister dans son livre Faire Danser les gens que j’avais lu cet été. En juillet, je crois. Je m’étais dit que j’en parlerais ainsi que d’autres de mes lectures. Et puis, je suis parti « ailleurs ».

Je ne connaissais pas Fred Rister avant de tomber sur ce livre à la médiathèque. Je « connaissais »  de nom David Guetta avec lequel il a composé plusieurs tubes ces dix ou quinze dernières années.

L’ancien président de la République Jacques Chirac est mort hier ou avant hier et l’on va beaucoup nous en parler et nous en reparler. Et nous expliquer comme il était attachant et comment, avec sa mort, nous avons tous beaucoup perdu en même temps qu’un être exceptionnel.

Bien des hommages à certains défunts « célèbres » me donnent l’impression d’être principalement destinés à nous convaincre comme, nous, les ordinaires, nous avons des vies de merde comparées à tous ces  » Monsieur » et toutes ces « Dame » qui partent. Car c’est bien connu :  » Seuls les meilleurs s’en vont ».

Alors, ce matin, plutôt que de pleurer sur la mort de Jacques Chirac ou d’une autre personnalité- qui aura souvent principalement été obsédée par sa réussite personnelle- que l’on nous sortira bientôt de son dernier souffle,  je choisis de faire un hommage tardif à Fred Rister, décédé dans la cinquantaine, le 20 aout dernier, d’un cancer vraisemblablement. Je n’ai pas vérifié. Mais en lisant son livre, j’avais appris qu’il avait commencé à se battre contre le cancer alors qu’il avait une vingtaine d’années.

Après avoir lu son livre cet été, et donc vraisemblablement quelques semaines avant sa mort, j’avais eu envie de le contacter. De l’interviewer. C’était évidemment déja trop tard et déplacé. Mais certains écrits m’ont déja donné cette envie.

Je n’aime pas particulièrement ce que j’ai pu entendre, pour l’instant, de la musique de David Guetta. Mais j’avais été très touché par le livre simple et sincère de Fred Rister. Bien qu’il laissera sûrement moins de souvenirs que le livre sur la techno écrit par Laurent Garnier, autre DJ français à la renommée internationale.

C’est en réécoutant bien fort un Cd du groupe Tabou Combo que je mets ce matin la dernière touche à cet article. La musique de Tabou Combo, le Kompa, n’a au départ rien à voir a priori avec l’univers musical de Fred Rister, David Guetta, Laurent Garnier et de leurs inspirateurs, contemporains et successeurs.

 

En ce moment, j’écoute beaucoup le quadruple album du groupe Tabou Combo (Gold) emprunté à la médiathèque. C’est une façon pour moi de retrouver des titres que j’ai pu entendre enfant dans les soirées antillaises (baptêmes, mariages, repas familiaux…) où mon père nous emmenait et dont j’ignorais les titres. Et de les réécouter avec mes oreilles d’adulte d’aujourd’hui et amateur de musiques. Depuis hier au moins, je reste « bloqué » sur les titres Allo et Banboch Paramount.

Dès le premier titre du premier Cd ( Tu as volé ) de cet album, j’ai été épaté par le haut niveau musical de Tabou Combo. Comme on dit : « ça joue ! ».

J’ai aussitôt compris pourquoi ce groupe de musique, ainsi que d’autres formations haïtiennes, dominait le champ musical aux Antilles françaises dans les années70 et 80 jusqu’à ce qu’arrive le Zouk et des groupes comme Kassav’ au milieu des années 80 Kassav’ .

 

Mais l’autre point qui me marque en écoutant cet album de Tabou Combo est d’ordre sociologique, culturel, identitaire et sans doute religieux.

La musique de Tabou Combo s’inspire au moins des formations Jazz, Funk, rap, ou latines.  J’ai appris cette semaine que Tabou Combo a par exemple été très populaire voire l’est encore….au Panama !

La musique de Tabou Combo est donc plutôt cosmopolite et métissée.  C’est pourtant une musique noire, voire sauvage et ébouriffée, au sens où c’est le corps qui est mis à l’honneur avec la danse, le rythme et la durée des morceaux. Et que l’on s’y exprime principalement en Créole. Soit le contraire de la plus grande partie des tubes de variété française des années 70 et 80 qui étaient moins faits pour danser et pour entrer en transe. Imaginez-vous en train de danser sur des titres de Sheila, Ringo, Julien Clerc, Charles Aznavour, Mireille Matthieu, Demi Roussos, Alain Souchon, Johnny halliday, Francis Cabrel, Jean-Jacques Goldman, Daniel Balavoine…

Que la transe soit néanmoins possible avec ces artistes pour leurs fervents amateurs, je peux le concevoir. Je précise en outre que j’aime un certain nombre de titres de ces artistes. Mais danser sur leur musique….

 

Alors que les groupes comme Tabou Combo composent des titres pour faire danser les gens tout au long de la nuit et de la vie. Et, ça, c’est plus antillais et noir, africain, noir américain ou latin…qu’européen, cartésien, « Macronien » ou « Hollandais » et blanc.

Du moins, ça l’était particulièrement dans les années 70 et 80.

 

En France, si je dois penser à des artistes qui faisaient danser les gens dans les années 70 et 80, je trouve qui ? Claude François. C’est peut-être pour cette raison ( et cette explication parviendra peut-être enfin à me débarrasser d’une de mes hontes enfantines définitives ) que Claude François, à sa mort à la fin des années 70, était mon chanteur « préféré ».

 

Aujourd’hui, et cela s’est à nouveau vérifié à à la fête de l’Huma il y a quelques jours, il suffit de mettre le titre Alexandrie, Alexandra de Claude François pour que des gens se mettent aussitôt à danser. Maintenant qu’il est mort, peut-être Fred Rister connaîtra-t’il aussi l’honneur d’avoir des vivants qui dansent sur sa musique et qui continueront de le faire.

 

 

On répète souvent que les Noirs ont « la musique dans le sang » ou « dans la peau ». Et des Noirs le pensent eux-mêmes. C’est tellement valorisant. Je pense pourtant que c’est faux. La musique est surtout un fait culturel qui se transmet de génération en génération.  Autrement, comme l’aurait dit Desproges, il suffirait que chaque fois qu’un Noir passe à côté d’un Djembé, fut-il en vitrine, il se mette à jouer du Tam-Tam ou de la guitare basse comme Mozart a composé de la musique. Je peux en témoigner :

J’ai essayé de prendre des cours de guitare basse il y a plusieurs années. Malgré le très bon professeur que j’avais et toute la musique écoulée dans mon corps dès mon enfance, je n’ai jamais réussi à être le musicien extraordinaire que je rêvais d’être et ne le serai jamais. Je le regrette encore amèrement. Quant à la danse, on me prête peut-être certaines aptitudes mais je sais, pour ma part, que le langage de ma danse est limité et stéréotypé.  D’ailleurs, pour tout cela, j’en profite pour vous présenter à vous ainsi qu’à l’Humanité toute entière, mes plus humbles excuses car j’ai failli.

 

Je pourrais être très raciste et de mauvaise foi et dire que tout est évidemment de la faute de mon professeur (blanc) de guitare basse, cet « incapable »  dont la pédagogie était incompatible avec mon « génie » musical nègre. Mais même si l’on est doué pour elle, la musique nécessite travail et régularité. Et j’avais manqué au moins de travail et de régularité dans ma tentative d’apprentissage pratique de la guitare basse débutée tardivement à l’âge adulte.

 

Je crois au fait que la musique, dans certaines cultures et certains milieux sociaux, est une fête et une promotion du corps en même temps qu’un événement social alors que dans d’autres cultures et dans certains milieux sociaux, il est honteux de « bouger », de transpirer, de crier ou de faire «bouger » son corps et ses attributs sexuels en public même s’ils sont recouverts de vêtements. C’est évidemment une façon différente de vivre avec son corps et sa sexualité. Là où certains dogmes sociaux et culturels décident d’interdire et de limiter le déplacement et les élans des corps, dernières marches avant l’orgasme, la transe, la « révélation » ou la révolution, d’autres dogmes, lors de certains rituels sociaux, leur commandent de démontrer et d’exhiber leur endurance, leur harmonie, leur puissance et leur sensualité. Car il s’agit sûrement de montrer comme on est un bon parti pour une nuit ou pour la vie.

 

Il y a bientôt deux ans maintenant, au conservatoire d’Argenteuil où j’accompagnais ma fille à son cours d’initiation à la danse, au chant et à la musique, j’avais entendu un petit de l’âge de ma fille demander à voix haute à sa mère s’ils avaient dansé son père et elle à leur mariage. La maman, souriant d’être interpellée publiquement de cette façon par son fils, lui avait répondu, comme une évidence, que, non, ils n’avaient pas dansé lors de leur mariage. Je suis persuadé que l’on peut faire et vivre un très beau mariage sans danser. Mais je suis aussi tout autant persuadé qu’il est inconcevable pour un Antillais que la musique et la danse soient absentes de son mariage ou de tout événement particulier de sa vie. J’ai encore un peu honte vingt ans plus tard d’avoir très mal choisi le DJ qui avait animé la soirée d’un de mes pots de départ. Je suis sûrement le seul à me rappeler de cette erreur de casting.

Et il y avait bien-sûr de la musique et de l’espace pour danser à mon mariage. Au préalable, j’avais pris soin de constituer moi-même la liste des titres et de la transmettre au DJ afin qu’il la passe.

Et, si j’avais pu financièrement, j’aurais fait venir un groupe de Gro-Ka. En Bretagne.

 

Et je garde encore un souvenir très mitigé de cette connaissance alors en couple avec un Antillais. Cette femme m’avait appris ne pas aimer la musique antillaise. Ce qui était son droit. En revanche, sa remarque suivante m’avait froissé alors qu’elle constatait, avec un certain dédain victorieux :

« Maintenant, il a compris : il écoute au casque ! ».

 

Je crois qu’à partir des années 80 et 90, sans doute avec l’apport des musiques « noires », en particulier de la Techno et de la house de Detroit et de Chicago, mais aussi de la musique africaine et du Zouk, le rapport à la musique et à la danse s’est transformé et un peu plus « ouvert » en France  :

Bien avant cela, il y avait évidemment déja des Blancs qui dansaient et aimaient danser ou en avaient besoin. On sait nous citer et nous remémorer par exemple les Fred Astaire et les Gene Kelly et d’autres artistes tels Ninjinsky et tous leurs prédécesseurs en Europe.

Désormais, des musiques comme la Salsa, le Zouk, le Kompa, le Hip-Hop, le Ragga, la Rumba congolaise, le M’balax, le Raï, le Maloya et bien d’autres « autrefois » plus considérées comme des genres « ethniques » réservés aux non-blancs sont plus dansées- et écoutées- par les Blancs. Et dans une interview, l’un des membres du groupe Justice peut dire de façon décontractée que le Rap fait partie des musiques qu’il écoute. Il y a quarante ans, il n’était peut-être pas né ou seulement depuis peu, le même n’aurait pas pu dire ça : en France,  Le Rap était plutôt la musique écoutée par  des jeunes en colère qui avaient du mal à se faire accepter de la société française et des élites installées ( comme Jacques Chirac et d’autres) et refusaient de se laisser dominer par elles.

 

A la fête de l’Huma il y’a bientôt dix jours, avant sa venue sur scène, le groupe Kassav’ comme le 11 Mai dernier à la Défense ( Un Moon France en Concert) , a « mis » un titre du groupe Akiyo, un groupe de « tambours » de référence en Guadeloupe et que je n’ai jamais « vu » en public.

A la fête de l’Huma( Quelques photos de la fête de l’Huma 2019) ,  Sonjé (rappelle-toi/ N’oublie pas) le premier titre de Kassav’ interprété sur scène rappelait cette époque (sans doute en Afrique, donc, avant l’esclavage mais aussi lors de l’esclavage aux Antilles ) où la communauté, toutes générations confondues, dansait et vivait autour du Tambour dans une certaine unité.

Je ne crois pas l’avoir entendu mentionné dans leur chanson mais lors d’un enterrement, aux Antilles, la musique est présente. Et des anecdotes sur la défunte ou le défunt peuvent aussi être racontées.

 

J’aime écrire et dire que mon père m’a raconté qu’un de mes cousins éloignés du côté maternel, Marcel Lollia dit Vélo, était allé jouer à l’enterrement d’un de ses amis même si, au départ, les personnes endeuillées voyaient cela d’un mauvais œil. Sûrement parce-que ça faisait « mauvais genre », qu’il présentait mal (Vélo est mort pauvre, alcoolique et quasi SDF alors qu’il avait une cinquantaine d’années) et aussi parce qu’il était venu avec son tambour plutôt qu’avec une tenue vestimentaire protocolaire.

 

Egalement en Guadeloupe, à la mort de ma grand-mère maternelle, j’avais appris qu’un de mes cousins avait joué du Ka.

 

Pour extraordinaires qu’elles soient, ces deux histoires me semblent complètement normales. Pourtant, si je reviens un peu à moi et que je prends quelques secondes pour les regarder depuis une perspective de citadin «parisien » rationnel et lambda, ce que je suis aussi, je m’aperçois qu’elles auraient de quoi apparaître encore « exotiques » ou «bizarres » pour certains esprits pourvus d’une autre logique et d’autres « principes » face à la vie et à  la mort. Même si depuis les années 90 à peu près, le rapport à la danse et à la musique a changé en France, cela est vrai pour une certaine partie de la population française :

 

Les événements festifs cet été à Nantes qui se sont mal terminés ( avec un affrontement avec les forces de l’ordre et plusieurs noyés dont un, Steve,  dans des circonstances très douteuses) indiquent quand même que la musique et la fête peinent aussi difficilement à coexister avec les Autorités de notre pays et certaines et certains en province mais aussi à Paris.

 

 

Il demeure néanmoins : depuis longtemps, pour moi, lors d’un enterrement, l’absence de musique et de rires est pire que la mort elle-même.

 

En écoutant cet album de Tabou Combo depuis quelques jours, groupe que j’ai entendu depuis mon enfance en France et en Guadeloupe, je comprends donc mieux (là où je le subissais principalement jusqu’alors) ce décalage culturel évident qui existait et subsiste encore entre moi, ce monde dont je viens, et certains de mes amis, amies, copains, copines et collègues blancs et français jusqu’au bout du corps, des oreilles et des ongles de façon assez « traditionnelle » ou « conventionnelle ». Surtout s’ils restaient et restent cantonnés à leurs repères culturels et musicaux souvent faits de musique anglo-saxonne ou de titres exclusivement français, musiques et titres, qu’un métis culturel comme moi (mais aussi bon nombre de mes compatriotes aux Antilles) ingéraient très tôt et continuent d’ingérer par ailleurs en parallèle.

 

 

A parler musique, j’ai une anecdote pour illustrer à la fois ce décalage et cette fermeture d’esprit d’ordre culturel de certains de nos amies et amis français et blancs  » traditionnels » ou « conventionnels » en dépit de leur sincère  amitié pour nous, les Noirs, les autres, les différents ou les fous de France :

 

L’année dernière ou cette année, un de mes amis m’a proposé d’aller avec lui à un concert de musique. La place de concert était très chère. Et c’est sans doute ce qui m’a d’emblée fait reculer même si j’aime beaucoup cet ami et aurais été volontaire pour aller écouter en concert cet artiste dont j’aime plusieurs titres :

La place de concert était en moyenne à 70 euros.

 

Cet ami avait déjà acheté sa place. Et, il s’y rendait avec au moins une autre personne qui avait déjà également sa place de concert. Alors que j’écris cet article, j’oublie le nom de cet artiste qui a fait partie des Pink Floyd. Cet «oubli» vient sans doute du fait que cette anecdote m’a finalement permis de me rendre compte , l’année de mes 50 ans, que j’avais régulièrement vécu ce genre de situation en France :

Où, moi, le Français noir, le Français d’origine antillaise, le Négropolitain, le Moon France (Moon France ), le Bounty, Le Nègre volant non identifié ( selon certaines définitions « affectueuses » de mes compatriotes pour les Antillais  nés comme moi en France) je peux me faire à la musique et à une langue d’ailleurs ( distincte de celle de mes ancêtres et de mes origines) et la faire mienne tout en gardant celle que m’ont donnée mes parents tandis que mes amis « blancs », eux, s’abstiennent de faire la même démarche vers mon univers musical. Et culturel.

 

Et, à propos de cet ami, je m’étais avisé que si je pouvais, moi, me rendre au concert qu’il me proposait et y prendre plaisir, lui, ne viendrait jamais avec moi à un concert de Kassav’ ou de Zouk. La différence, pour moi, ne provient pas seulement du fait que certaines personnes vont avant tout à un concert de musique pour la « cérébraliser » là ou d’autres y vont avant tout ou principalement pour danser et chanter. Je suis moi-même très cérébral.

 

La différence provient selon moi aussi du fait que certaines personnes, noires ou blanches, sont plus ouvertes que d’autres tout simplement. Pour certaines personnes, aller vers un certain inconnu, musical ou autre, revient très vite à aller se risquer dans un coupe-gorge en dents de scie ou à aller à la rencontre de fous dangereux en liberté dans un asile psychiatrique. Car, évidemment, si l’on peut aimer se rendre à un concert pour danser et chanter, on peut tout aussi bien être aussi celle ou celui qui sera content(e ) d’aller écouter, assis, de la musique classique ou une musique qui ne « se danse pas » et ne se chante pas. Un peu plus haut dans cet article, je brocarde un peu certains artistes français majeurs. Mais si j’avais pu me rendre, j’aurais aimé me rendre à un concert de Johnny Halliday. Je me suis abstenu de le faire sur la fin de sa carrière car j’ai refusé de me rendre à un de ses concerts pour le voir en minuscule sur grand écran parmi une foule plus que nombreuse. Et, si j’avais la disponibilité pour cela, j’aurais la curiosité d’aller voir la plupart des autres artistes ( pour celles et ceux qui sont encore vivants) que j’ai cités avec lui.

 

Je fais partie de ces personnes qui peuvent se rendre à un concert pour découvrir une artiste ou un artiste que je ne connaîs pas ou que je  n’ai jamais entendu. Au même titre qu’en allant voir un film, je veux en savoir le moins possible sur l’histoire.

 

Je ne connaissais pas Brigitte Fontaine avant d’être emmené par une amie à un de ses concerts au Bataclan il y a une quinzaine d’années. D’autres personnes auraient eu la même curiosité et la même disponibilité que moi, blanches ou noires. Alors que d’autres s’y seraient catégoriquement opposées. Il aurait presque fallu leur proposer une prépa concert avec une cellule de débriefing à la sortie. Et c’était plusieurs années avant le très douloureux attentat « du » Bataclan.

 

Dans la même idée, je n’avais jamais écouté le moindre titre de Joe Bonamassa lorsque Christophe Goffette, mon ancien rédacteur en chef de Brazil et également rédacteur en chef, alors, du magazine musical XCrossroads m’avait permis de me rendre à un de ses concerts à Paris. J’avais découvert l’artiste sur scène, donc dans les meilleures conditions, en me rendant seul à son concert. Au très grand plaisir de cette découverte (je me répète) musicale avait répondu l’attitude étonnante d’un des spectateurs assis juste à côté de moi.

Alors que j’avais voulu converser civilement avec lui, celui-ci, dès l’extinction des lumières dans la salle, au début du concert, avait rabattu avec autorité sur son visage une paire de lunettes noires. Et, il avait arboré l’air sérieux et buté de celui qui n’était pas là pour rigoler ou discuter. Cette attitude étrange, mettre des lunettes noires dans une salle déjà noire, et plutôt hautaine de façon déplacée (Ps : la musique de Joe Bonamassa et sa façon de chanter doivent beaucoup au Blues)  m’avait informé que cet homme qui se tenait près de moi était plutôt du genre (très) fermé sur lui-même. Ce qui ne m’avait pas empêché d’aimer le très bon concert de Joe Bonamassa. Même si, ensuite, ses albums que j’ai écoutés m’ont fait moins d’effet.

 

Aujourd’hui, en France, les Angèle, Aya Nakamura, Soprano et autres artistes peuvent être écoutés par un public varié, adulte comme enfant.  Notre fille nous a surpris récemment à chantonner Balance ton quoi d’Angèle à la maison. Depuis, j’ai fait une réservation sur cet album pour l’emprunter prochainement à la médiathèque. Et, récemment, j’ai étonné une « jeune » de vingt ans en lui apprenant que j’avais acheté le dernier Cd d’Aya Nakamura et que je regrettais de l’avoir ratée à la fête de l’Huma.

Moi, le quinquagénaire, je continue de prendre le temps- et le plaisir- de découvrir et d’écouter de nouveaux artistes « connus » ou « populaires », en France ou ailleurs, au même titre qu’un morceau de musique classique, de musique perse, de Zouk ou d’autres genres musicaux. La pile de Cds que je continue d’emprunter régulièrement à la médiathèque en atteste. Ainsi que les films que je vais voir pour reparler (un peu) cinéma.

 

Même si j’ai évidemment, aussi, mes standards, la musique est ce qui me permet de rester jeune.

 

Je me rappelle de cette rencontre que deux amis (Jérome et Driss) et moi avions faites, avant nos vingt ans, à la radio FIP où nous nous étions présentés comme ça, un jour.

 

L’animateur radio qui avait eu la gentillesse de nous recevoir quelques minutes dans leur local de vinyles (des étagères pleines de vinyles) avait dit à un de ses collègues qui allait partir en voyage :

 

« N’oublie pas la musique ! ».

 

Franck Unimon, ce vendredi 27 septembre 2019.

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BDA

 

Pour la deuxième foi(s) de ma vie, je suis allé à la fête de l’Huma cette année. J’ai pour l’instant renoncé à regarder tous ces grands concerts qui s’y sont déroulés dans le passé. Et que j’ai raté.

 

C’est une forme de déni. 

 

Pendant des années, pour moi, la fête de l’Huma, c’était peu pratique de s’y rendre. Dans une contrée un peu trop éloignée de la banlieue que je connaissais. Ma ville de banlieue d’alors, Cergy-Pontoise, se trouve plus au nord et à l’ouest. La Courneuve, c’était un peu plus bas, à l’Est et, en transports en commun, ces deux points cardinaux s’opposaient plus qu’ils se rejoignaient.

Lors de mon existence de Cergyssois, je ne me souviens de personne en particulier, parmi mes amis proches ou collègues,  qui m’ait proposé d’aller à la fête de l’Huma. Il est bien-sûr nécessaire de savoir faire montre d’initiative personnelle. Autrement, il est tant d’opportunités que l’on rate « faute » de vouloir faire certaines expériences et d’être à découvert à la seule condition d’être entouré ou escorté  par celles et ceux que l’on connaît ou que l’on croit connaître.

Mais j’ai aussi des limites. Et la fête de l’Huma, pour moi, pendant des années, cela se trouvait plus loin que mes limites. C’était une curiosité. Je savais qu’elle existait et ça me suffisait.

 

 

En pratique, aujourd’hui, depuis Argenteuil, il m’est plus facile d’ aller à la fête de l’Huma en transports en commun.  Je prends  le bus 361, puis à la gare d’Epinay sur Seine, je prends le tramway numéro 11. Après l’arrêt Dugny-La Courneuve qui arrive assez vite, dix bonnes minutes de marche suffisent pour être à la fête de l’Huma. Et tout ça sans être obligé de repiquer par Paris en transports en commun pour descendre à l’arrêt Le Bourget avec la ligne B du RER.

Mais si je l’avais véritablement voulu, j’aurais évidemment pu me rendre à la fête de l’Huma il  y a dix ou vingt ans.

 

En 2014, c’est depuis la ligne 7 du métro que j’avais marché pour la première fois jusqu’à la fête de l’Huma. Lorsque l’on aime marcher et que l’on va à un festival de musique pour un groupe de musique que l’on tient particulièrement à voir et à écouter pour la première fois sur scène, trente minutes de marche sont facilement supportables. Surtout si l’on refuse de dépendre d’un bus ou d’une navette qu’il faut attendre pour une durée indéterminée en raison d’une très forte affluence.

 

Massive Attack était le groupe que je tenais à voir en 2014. Massive Attack. 2014. C’était il y a cinq ans.

 

Cinq ans.

 

Je n’avais pas prévu que lorsque je me mettrais à écrire cet article sur « ma » fête de l’Huma de cette année 2019, que ces simples mots  » Massive Attack » et l’année  » 2014″ me feraient dévier vers une certaine peine dans le contexte de notre année 2019 qui va se terminer d’ici un trimestre.

Je m’attendais plutôt à écrire un article principalement joyeux – j’en suis capable- assorti de photos de concerts et peut-être de courts extraits vidéos de concerts dont je suis très content et qui, je l’espère, vous feront aussi plaisir. Car c’est pour se faire plaisir que l’on se rend généralement à un festival de musique. Ce festival de musique fut-il engagé et orienté  politiquement de manière explicite comme l’est celui de la fête de l’Huma.

On va rarement à un festival de musique pour avoir envie de se suicider ou pour déprimer parce-que l’on se sent décidément trop joyeux et trop léger et qu’il est temps que ça cesse, un peu ! C’est donc content que je suis retourné à la fête de l’Huma cette année. D’abord avec femme et enfant. Puis, seul le lendemain pour Youssou N’Dour et Kassav’.

 

Je me culpabilisais un petit peu d’être venu à la fête de l’Huma uniquement pour la musique, la fête et la bonne nourriture. Je suis maintenant « rassuré » :

Repenser à l’année 2014 et au nom du groupe Massive Attack m’a rétrospectivement rapporté une certaine conscience dont je croyais m’être séparé le temps du festival.

 

En 2014, je crois me rappeler que le journal Charlie Hebdo tenait un stand à la fête de l’Huma comme chaque année depuis un moment. Cette présence de Charlie Hebdo m’avait intrigué. Je n’avais pas creusé davantage. C’était une information comme une autre.

 

2014, c’était évidemment avant l’année 2015 et avant la « massive attaque » des attentats de Charlie Hebdo; de l’assassinat de la policière Clarissa Jean-Philippe qui pensait intervenir sur un simple accident de circulation; les attentats de l’hyper-casher de Vincennes; du Stade de France;  du Bataclan; de Nice…. je ne vais pas vous faire un dessin mais j’ai appris depuis peu qu’il y’aurait 15 000 kalashnikovs en « liberté » dans cette France parallèle et invisible faite de trafics. Et que le bilan  du Bataclan est le résultat de trois kalashnikovs face à un public enfermé, surpris, paniqué et désarmé.

 

Un de mes anciens amis et collègue, Scapin- décédé entre 2014 et 2016-  d’un cancer quelques années avant de prendre sa retraite,  et dont la date anniversaire, de son vivant, était le 6 septembre, m’avait appris que la bouffée délirante aigüe ou BDA  était :

 

« Un coup de tonnerre dans un ciel serein« .

 

Hier soir, une de mes collègues également infirmière diplômée en soins psychiatrique a subitement fait référence à cette phrase qu’elle connaissait aussi de ses études. Elle s’est un peu trompée. Elle a d’abord parlé  » d’un éclair dans un ciel serein ». La phrase de mon ami m’est aussitôt revenue. Après l’avoir précisée à cette collègue qui se rapproche de la retraite, j’ai été étonné de me sentir aussi touché et triste à réentendre cette phrase. Par elle, c’était réentendre mon ami dans la nuit. Revenir en arrière.

 

En 2014, année de ma « première » fête de l’Huma, j’ai l’impression que l’on portait un peu moins d’attention au réchauffement climatique de la planète et à l’Effondrement. On ne parlait évidemment pas du tout de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis. De Jair Bolsonaro à présidence du Brésil. D’Emmanuel Macron, président de la France.

On ne parlait pas non plus des gilets jaunes dont c’était hier le 45ème samedi de manifestation et de protestation d’affilée. Ou du Brexit.

 

 

Dimanche dernier, sur la grande scène de la fête de l’Huma, Dilma Roussel est venue tenir un discours en Français. Patrick le Hyaric, le directeur actuel du journal l’Humanité, en grande difficulté financière, se tenait près d’elle. Il n’était plus le Patrick Hyaric que j’avais aperçu fin aout en allant acheter mes bons de soutien à la fête de l’Huma( lire La fête de l’Huma). Ce jour-là, il était quelque peu isolé près de la Fontaine des innocents malgré la présence d’une trentaine de personnes. Un animateur ou un candidat vedette de l’émission Danse avec les stars ou de The Voice Kid aurait aisément attiré l’attention d’une foule plus conséquente.

Mais dimanche dernier, à la fête de l’Huma, plusieurs milliers de personnes qui attendaient le concert de Kassav’ ont écouté Dilma Roussel tenir un discours anti-Bolsonaro et pro-Lula.

Après elle, Priscilla, une des « meneuses » du mouvement des gilets jaunes est venue s’exprimer. Je ne la connaissais pas. Elle a rappelé le nombre de personnes qui ont perdu un oeil du fait de l’usage du LBD par les forces de l’ordre lors des manifestations des gilets jaunes. Ainsi que le nombre de blessés autres. Elle a aussi évoqué- et démenti- le fait que le mouvement des gilets jaunes ait été qualifié « d’homophobe » et de « raciste » afin d’être discrédité par le gouvernement Macron.

 

 

Bien-sûr, les interventions de Dilma Roussel et de Priscilla avaient des allures de grossière propagande communiste datant d’avant la chute du mur de Berlin devant des milliers de festivaliers ultra-connectés.

Mais ce qui échappe à la propagande, c’est le fait que, désormais, en France quatre journaux traditionnels ( au format papier) se soustraient encore à la mainmise de groupes industriels et financiers :

L’Humanité, en grande difficulté financière.

Charlie Hebdo , renfloué économiquement pour l’instant « grâce » à l’attentat et au sacrifice de plusieurs de ses membres en janvier 2015.

La Croix

Le Canard Enchaîné qui fournissait encore cette information dans son numéro de ce mercredi 18 septembre 2019 en page 3 dans l’article Milliardaires et médiavores signé O.B.-K.

Le Canard Enchaîné de cette semaine nous apprend aussi que Matthieu Pigasse, copropriétaire du journal Le Monde et désormais propriétaire du festival Rock en Seine qui se déroule à St-Cloud fin aout, essaie de revendre ses parts restantes à l’industriel milliardaire tchèque Kretinsky. ( article de Christophe Nobili Ces patrons qui rêvent d’un « Monde » du silence  également en page 3).

 

Ce qui échappe aussi à la propagande, je crois, c’est cette impression qu’en cinq ans, nous avons perdu un peu plus d’insouciance. Surtout si l’on regarde d’un peu plus près la destruction continue de plusieurs des services publics ( écoles, hôpitaux, transports, police- celle qui secourt-…).

 

Pourtant, il a fait ( trop) beau pendant cette édition de la fête de l’Huma. Un homme du service d’ordre du festival nous arrosait d’eau pour nous rafraichir en plein soleil alors que Priscilla, une des meneuses du mouvement des gilets jaunes, nous parlait depuis la grande scène. Si bien que je n’ai pas pu la filmer ou la prendre en photo de face.

La même collègue qui m’avait rappelé cette phrase apprise par mon ancien ami sur la bouffée délirante aigüe m’a appris que, pendant longtemps, aller à la fête de l’Huma signifiait devoir patauger dans la boue en raison des pluies de la fin de l’été.

 

 

A la fête de l’Huma où circulait aussi apparemment la  » drogue du viol » selon les propos d’une des animatrices de la scène Zebrock invitant à la prudence, j’ai ressenti l’envie d’une vie meilleure. C’était peut-être une rustine passagère. Sorti de ce cadre, chacune et chacun retournant très vite à ses automatismes et ses obéissances routinières.

Dans le tramway du retour, deux jeunes d’une vingtaine d’années ont commencé à chanter L’internationale  d’abord à voix basse comme s’ils avaient un peu honte de leur coming out idéologique puis, pour finir,  à tue-tête en sortant sur le quai avant la fermeture des portes. Cela m’a semblé plus théâtral qu’autre chose. Mais une passagère était d’un avis contraire. Elle aussi, m’a-t’elle répondu, il pouvait lui arriver de chanter aussi fort sous la douche. J’ai opté pour la croire sur parole et j’ai préféré me taire.

 

En face de moi, une femme d’une soixantaine d’années, plutôt belle, un caddie de courses à côté d’elle ( mais que pouvait-elle bien y transporter pour refuser ensuite que je l’aide à le porter dans les escaliers au terminus ?) a entamé une discussion avec la passagère à ses côtés et moi. Elle nous a appris être allée un peu par hasard à la fête de l’Huma pour la première fois en 1991. Pour aller voir Johnny. Elle avait entendu dire que le concert était gratuit. Une fois sur place, elle avait accepté de payer et ne l’avait pas regretté. Depuis, elle revenait chaque année. Cette fidélité -qui peut être générationnelle- à la fête de l’Huma me semble être une de ses spécificités. J’aurais pu ou dû parler un peu plus de ses  stands où se déroulent un certain nombre de conférences ainsi que des concerts de divers horizons. De ses multiples coins restauration appétissants à un tarif assez compétitif même si j’ai été surpris de voir que l’on pouvait y manger un plat…de langoustes à 35 euros. Et qu’en dépit du propos écologique officiel, les gobelets en plastique jetable restaient la norme.

 

Enfin, j’aurais aussi pu détailler l’anecdote qui m’a d’abord fait croire qu’il était possible de payer à l’intérieur de la fête de l’Huma avec sa carte bancaire ou avec des chèques vacances. Cette « négligence » m’a contraint à sortir de la fête de l’Huma pour aller au distributeur de billets le plus proche, à une vingtaine de minutes à pied. Là,  j’ai ensuite dû faire la queue autant de temps avant de pouvoir retirer quelques espèces. A la fête de l’Huma, on paie principalement avec des chèques et des espèces.

 

Si, contrairement à 2014, j’ai encore aujourd’hui mon bracelet jaune de festivalier de la fête de l’Huma 2019 et que je dors, me douche, travaille et vais à la piscine avec, c’est sans doute que je reste attaché à cette utopie qu’est notre humanité. Fut-elle amoindrie par certains tonnerres dans un ciel serein ou touchée par cette pluie qui coche certaines de nos journées telle celle de ce dimanche, semblable en cela à celui de certaines éditions passées de la fête de l’Huma que je ne connaitrai pas.

Afin de préserver le plaisir- que j’espère partagé- des photos que j’ai prises de la fête de l’Huma, je préfère les insérer dans un prochain article qui leur sera pleinement consacré.

Franck Unimon, ce dimanche 22 septembre 2019.

 

 

 

 

 

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A l’école de ma fille

 

A l’école de ma fille

 

 

A l’école de ma fille, il y a eu cette réunion tout à l’heure. La première de l’année, deux semaines après la rentrée à l’école primaire. Nous étions environ une centaine de parents. Un papa pour quinze mamans en moyenne. L’équipe enseignante était exclusivement féminine.

 

Je continue de m’étonner devant cette importante « migration » des enfants entre la petite section de maternelle et la fin de l’école maternelle :

Un bon nombre des enfants qui était dans la classe maternelle de ma fille a disparu de cette école publique. Un certain nombre est parvenu à se faire « recruter » par l’école privée du coin placée à dix minutes à pied de là. D’autres enfants sont partis continuer leur scolarité ailleurs, dans le public ou dans une autre ville de banlieue ou de province. La meilleure copine de ma fille est par exemple partie cet été pour Nantes avec ses parents.

 

Au Cp, ma fille est dans une classe de 27 enfants. Ils étaient 29 à son entrée en petite section de maternelle. En maternelle cette année, une classe supplémentaire a été crééé in extremis et à l’école primaire la fermeture d’une classe a finalement pu être évitée.

 

Invitée en cela par la directrice de l’école, une enseignante a pris la parole devant nous. Elle était à l’aise pour s’exprimer en public, se mettant devant l’assemblée, assise, de ses autres collègues enseignantes, directrice incluse, pour parler devant nous. En quelques minutes, elle nous a expliqué que la « spécificité » de cette école, c’était sa classe à destination des enfants non-francophones. En maternelle, dès la petite section,  j’avais déja remarqué un petit, sans doute ukrainien, qui ne parlait pas Français à son entrée en maternelle. Je me rappelle de la directrice de l’école maternelle d’alors ( nous en sommes à la quatrième nouvelle directrice pour cette même école maternelle) disant à la mère de cet enfant :

« Ce n’est pas un problème. On lui apprendra à parler le Français ».

L’année dernière, ce garçon était dans la classe de ma fille. Il nous était arrivé de retour de l’école de faire un peu de chemin avec lui et sa mère. Je la croisais assez souvent et nous nous saluions.  Cette année, je ne vois plus ce petit.

 

Devant nous, l’enseignante a expliqué que cela était « une grande richesse » que d’avoir des enfants qui ne parlaient pas Français. Pour les autres enfants.

En accord avec elle, des parents de ces enfants non-francophones étaient venus à l’école, donnant par exemple un cours de cuisine à la classe en Arabe. Ou s’exprimant en Moldave ou en Ukrainien. En outre, cela valorisait l’enfant qui voyait sa mère ou son père « faire classe » à l’école.

 

Une mère, peut-être originaire du Pakistan ou du Bangladesh, a ensuite demandé comment on pouvait prendre rendez-vous avec le médecin scolaire. Elle a parlé d’un enfant souffrant d’autisme et de la charge que cela pouvait représenter pour la maitresse. La directrice a expliqué qu’il y’avait une obligation légale de recevoir tout enfant à l’école quel que soit son handicap. Et qu’il convenait de faire une demande à la MDPH, souvent traduite par  » la maison du handicap »,  afin d’obtenir une AVS ( aide à la vie scolaire).

 

La directrice de l’école a présenté l’équipe pédagogique. Une des enseignantes nous a expliqué que des enseignants assuraient l’étude et étaient donc en mesure d’aider les enfants à faire leurs devoirs.

 

La directrice de l’école nous a informé qu’il n’y avait plus de secrétaire. Et qu’elle-même fait classe les jeudis et vendredis. De ce fait, il est plus difficile d’ouvrir la porte aux retardataires. Il convient de prévenir les maitresses au préalable lorsqu’un enfant se rend ou revient d’une consultation chez l’orthophoniste et de faire en sorte, autant que possible, que celui-ci parte à sa consultation ou en revienne plutôt lors de la récréation. Elle a rappelé les heures d’ouverture et de fermeture de l’école. 8h30/11h30. 13h30/16h30. (Pas d’école les mercredis et les samedis du moins au Cp )

 

La directrice a poursuivi en disant que laisser un message téléphonique en cas de problème, c’est « bien » mais qu’il vaut mieux, aussi, laisser un mot dans le cahier prévu à cet effet et que chaque enfant a à sa disposition.

Elle a continué en informant que si un enfant a une maladie contagieuse, qu’il faut éviter de l’emmener à l’école.

La directrice a aussi expliqué comment voter lors des élections des parents d’élèves : il faut voter pour une liste et non pour une personne. Si l’on vote pour une seule personne, le vote est annulé.

 

Une mère qui fait partie de l’association des parents d’élèves a présenté un peu la FCPE. Elle a enjoint les parents présents à venir à la prochaine réunion prévue la semaine suivante ainsi qu’aux prochaines réunions. Elle a insisté quant au fait que l’on pouvait venir quand on voulait et quand on le pouvait.

 

Ces diverses interventions se sont faites dans un contexte posé. Les mots employés étaient plutôt simples et pédagogiques. Le débit utilisé, plutôt tranquille. Mais je suis assez à l’aise avec la langue française qui est ma première langue. Et la situation ( être dans une réunion parmi plein de gens que l’on ne connait pas alors que l’on sait que cet endroit peut être déterminant pour l’avenir de son enfant et aussi pour soi)  ne m’a pas stressé. Je me suis néanmoins un peu demandé si des efforts particuliers de compréhension avaient pu être nécessaires pour certains des parents présents.

 

Ensuite, nous sommes sortis. Dans la cour de l’école, chaque parent a rejoint la maitresse de son enfant. Et, c’est avec la maitresse que nous nous sommes retrouvés dans la classe de nos enfants, assis à leur place. Certains parents étaient avec leur enfant. D’autres, non.

 

La maitresse de notre fille a expliqué comment ça se passait en classe. Elle  a expliqué le programme de l’année. Elle s’est montrée simple et disponible. Un petit garçon de sa classe, présent avec son papa, intervenait régulièrement pour poser une question ou faire une remarque.

La maitresse nous a demandé si nous avions des questions. Il y en a eu quelques unes. Puis, la maitresse a tenu à aborder certains sujets :

Eviter autant que possible les écrans pour les enfants. Pas plus de vingt minutes par jour deux ou trois fois par semaine. Que ce soit écran de téléphone portable, écran d’ordinateur, console de jeux, télévision. Elle a évoqué des études qui révélaient que la trop grande fréquentation des écrans empêchait les enfants d’apprendre à se concentrer mais aussi à accepter la frustration. Elle nous a invité à, plutôt, proposer à nos enfants de s’amuser avec leurs jouets, de préparer avec nous des repas, ce qui leur permettrait d’apprendre beaucoup. J’ai suggéré le dessin. Elle a acquiescé. Elle a aussi dit que l’on pouvait laisser les enfants « s’ennuyer ». Il n’y a pas eu de protestation de la part des parents présents.

 

Donner à manger aux enfants avant qu’ils viennent à l’école. Autrement, en classe, « ils dorment… » a-t’elle expliqué. Et pour les enfants qui disent qu’ils n’ont pas faim, voir ce qu’ils aiment manger. Et pas des bonbons.

 

Signer le cahier de devoirs mais pas uniquement le signer. S’assurer que les devoirs ont bien été faits. Faire faire les devoirs  » sans conflit ». Pas plus de vingt minutes en semaine. Voire trente minutes pendant le week-end.

 

Rappeler aux enfants d’aller faire pipi au moment de la récréation ou avant d’aller à l’école. Un certain nombre d’enfants manifeste son envie de pipi pendant la classe. Or, les toilettes sont loin et elle ne peut pas laisser un enfant se rendre seul dans les toilettes. Alors, quand cela est indispensable, elle demande à un autre enfant de l’accompagner, souvent un CE1 pour un enfant de sa classe de CP. Et lorsqu’il y a des accidents, elle a des vêtements de rechange qu’elle nous demande de bien vouloir laver et de lui restituer ensuite.

 

Les enfants doivent plutôt être couchés à 21h au plus tard car ils sont  » en pleine croissance ». Maintenant, si l’on rentre tard du travail, on fait comme on peut.

 

Ces quelques règles de vie nous étaient familières. Mais j’ai vu dans la nécessité de leur rappel le fait que ces règles étaient encore étrangères à un certain nombre de parents de cette école, de cette ville où nous habitons, et sans aucun doute dans d’autres endroits en France. Certainement que lorsque l’on vit par exemple dans le monde de P’TiT Quinquin ( voir l’article sur la série de Bruno Dumont P’TiT Quinquin et Coincoin et les Z’inhumains ) dans celui dépeint par Romain Gavras dans son film Le Monde est à toi ou dans celui décrit par Oxmo Puccino dans son titre Peu de Gens Le Savent que ce genre de règles peut ressembler à de la masturbation intellectuelle, à une peine de prison ou à de la métaphysique.

 

La maitresse a insisté quant au fait qu’elle avait besoin des parents pour que les enfants réussissent bien à l’école. Aucun parent présent ne l’a contredite.

Elle nous a dit qu’elle serait toujours disponible pour nous recevoir en cas de besoin. Qu’il fallait seulement la prévenir.

Elle a aussi précisé qu’en cas de mécontentement à son égard, qu’il valait mieux venir en discuter avec elle plutôt que de garder ça pour soi. Avec un grand sourire, elle nous a dit :

« Je peux encaisser ». Le père du petit garçon qui intervenait souvent a alors dit:

« C’est bien, ça, de pouvoir encaisser « .

 

Ce soir, j’ai décidé d’écrire cet article en priorité. A l’origine,  j’avais plutôt prévu d’écrire sur le film De sable et de feu réalisé par Souheil Ben Barka qui sortira ce 18 septembre 2019 ainsi que sur le film Une fille facile réalisé par Rebecca Zlotowski ( en salles depuis ce 28 aout 2019).

 

Car j’ai tenu, de nouveau, à saluer le travail de toutes ces enseignantes et enseignants de l’école publique impliqués à l’image de la maitresse de l’école de ma fille cette année ainsi que les années précédentes et futures. 

 

L’école publique va mal. Au même titre que l’hôpital public. Et la police. Cela fera grimacer certaines et certains de voir associer l’école publique, l’hôpital public et la police. Car s’il est des institutions que l’on veut souvent remercier – même s’il est aussi des expériences très contrariantes à l’école et à l’hôpital- il est aussi des institutions que l’on veut ou que l’on a besoin de détester. Ce soir, si je rajoute le mot « police » à cet article, c’est sans aucun doute parce-que j’ai lu le livre de Frédéric Ploquin La Peur a changé de camp 2ème partie . Lequel livre m’a aidé à mieux comprendre, malgré certains travers de la police, comment une école, un hôpital et une police qui vont et font « mal » découlent d’une société qui va mal ou qui a fait et qui fait des mauvais choix politiques, sociologiques, économiques et donc, écologiques.

 

Tout à l’heure, j’ai été à nouveau marqué par cet enthousiasme des enseignantes rencontrées malgré les conditions de travail et les difficultés diverses qu’elles peuvent vivre. La maitresse de notre fille est restée avec nous jusqu’à dix neuf heures vingt voire dix neuf heures trente. Après la réunion qui avait débuté vers dix huit heures, elle était encore disponible dans la cour de l’école pour répondre aux parents qui la sollicitaient. Ses autres collègues étaient sans doute encore présentes dans l’école. Et ce sont , elles aussi, des femmes et des mères qui ont une vie personnelle et qui, comme la plupart d’entre nous, les vendredis soirs et d’autres soirs de la semaine, aspirent aussi à quitter leur travail. Pourtant, ce soir encore, j’ai trouvé chez la maitresse de ma fille, cette attitude assez fréquente de la professionnelle qui vous donne beaucoup et qui, néanmoins, donne l’impression de douter d’en avoir suffisamment fait et donné comme d’avoir été suffisamment claire avec vous lorsque vous l’avez interrogée. Et, pendant ce temps-là, dans la vie courante ou dans certaines administrations des personnes habilitées en principe à vous recevoir et à vous renseigner vont vous envoyer chier ou vous baragouiner des réponses sans queue ni tête sans décodeur !

 

J’ai aussi été marqué par ce décalage qui semble permanent, entre, d’un côté ces parents jamais contents et jamais satisfaits de l’école, et, de l’autre côté, ces enseignants pourtant dévoués qui font de leur mieux. Le pire étant qu’il n’y a pas de morale à cela :

On peut être un parent conciliant et pâtir de l’incompréhension du corps enseignant. Comme on peut être un parent chiant et obtenir une certaine considération de ce même corps enseignant que l’on sera prêt à critiquer et à dévoyer à la moindre contrariété.

 

Franck Unimon

 

 

 

 

 

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La fête de l’Huma

 

                                             La Fête de l’Huma

 

 

 

« La Fête de l’Huma ». Festival de musique aussi connu pour sa proximité avec le Parti communiste français que pour ses têtes d’affiche et le prix de son billet d’entrée défiant, en région parisienne, à peu près toute concurrence. A titre de comparaison, la dernière édition 2019 ( 23, 24 et 25 aout) du festival Rock En Seine au parc de St Cloud, dans les Hauts de Seine, l’un des plus gros festivals Rock de France,  mettait son pass un jour à 49 euros l’entrée- tarif réduit– ( le plein tarif étant à 69 euros). Pour pouvoir bénéficier de ce tarif réduit, il fallait avoir moins de 18 ans; avoir moins de 25 ans à condition de résider dans la ville de St Cloud; ou être demandeur d’emploi, être allocataire du RSA ou avoir un statut d’handicapé.

Le pass trois jours de Rock en seine plein tarif coûtait cette année la gentille somme de 159 euros. Il est bien-sûr un certain nombre de festivaliers qui ont moins de 25 ans. Mais il est aussi très courant qu’un certain nombre de festivaliers soit plus âgé et habitent hors de St Cloud se retrouvant ainsi d’office éligibles au plein tarif pratiqué par Rock en Seine. 

 

De son côté, la fête de l’Huma, elle, propose uniquement un pass trois jours plein tarif  pour un « petit » peu moins cher qu’à Rock en Seine :

40 ou 45 euros.

 

Cette année, au festival Rock en Seine, je serais bien allé voir The Cure et Jorja Smith. A Rock en Seine, j’ai déjà « vu » Björk, le dernier concert des Rita Mitsouko, Emilie Simon, The Jesus and the Mary Chain. C’était en 2007.

Cette année, j’ai refusé d’aller à Rock en Seine. J’ai l’impression que le prix- déjà assez élevé- des pass de Rock en Seine a beaucoup augmenté depuis la création du festival en 2003. Cela a peut-être un rapport avec le nom du nouveau propriétaire du festival :

 

« Par Les Echos

Publié le 30/03/17 à 09h39

Banquier passionné de rock, Matthieu Pigasse s’offre le festival parisien Rock en Seine. Ce rachat, via son holding personnel LNEI (Les nouvelles éditions indépendantes), vient renforcer les investissements culturels de ce boulimique de production indépendante, qui détient depuis 2009 plusieurs médias (Radio Nova, Les Inrocks…). Le patron de la banque Lazard en France est aussi copropriétaire du Monde depuis 2010, avec le patron de Free, Xavier Niel, et le mécène Pierre Bergé. Il vient d’ailleurs de racheter avec le même Xavier Niel le groupe de télé AB ».

 

 

Il serait très surprenant d’apprendre que Matthieu Pigasse, « banquier passionné de rock », rachète la fête de l’Huma. Mais je m’avance peut-être un peu trop dans un monde où l’on tient absolument à nous faire rentrer dans la tête  que tout s’achète.

 

J’ai été étonné d’apprendre que la première édition de la fête de l’Huma date de 1930. C’était dans la ville de Bezons, pas très loin d’Argenteuil.(Par la bouche )

Je suis allé à la fête de l’Huma, au parc Georges Valbon à la Courneuve en Seine St Denis, pour la première fois, en 2014. Pour Massive Attack. Au passage, j’avais revu Alpha Blondy en concert avec plaisir. Qu’est-ce que j’ai raté comme grands concerts auparavant à la fête de l’Huma ! Il vaut mieux que je m’abstienne de regarder.

 

 

Cette année, Kassav’( Un Moon France en Concert  mais aussi Kassav’) m’a donné envie de retourner pour la seconde fois à la fête de l’Huma, les 13, 14 et 15 septembre. Kassav’ et Aya Nakamura, Youssou Ndour, Miossec.

Je n’ai jamais vu Aya Nakamura en concert mais j’aime plusieurs titres de son dernier album. Et j’avais beaucoup aimé et été très étonné par l’énergie d’un concert de Miossec vu à la salle des fêtes de Taverny il y’a plus de quinze ans. Je suis aussi curieux de voir Soprano, Les Négresses vertes, Paul Kalkbrenner.

J’espère que sur scène, Youssou Ndour a bien vieilli car il est pour moi une institution. Pour moi, Youssou Ndour, c’est un artiste de scène et l’ambassadeur du Mbalax bien plus que de « son » tube Seven seconds avec Neneh Cherry -qui m’avait ennuyé- ou de sa reprise des titres de Bob Marley que j’avais trouvées ratées en studio.  Pour l’instant, en studio, je lui préfère ce que l’artiste Tiken Jah Fakoly a fait des titres de Bob Marley.

 

Je suis réservé envers Eddy de Pretto également présent à la fête de l’Huma. Il a une grosse cote en ce moment et tant mieux pour lui. Mais, pour l’instant, je demande à voir.

 

Le parti communiste français- et le journal l’Humanité qui le soutient- ressemble au choix à un parti politique pathétique qui essaie de résister alors qu’il continue de s’effriter ou à un parti nostalgique de certaines dictatures bolchéviques et staliniennes. Et, son ascendant indirect, Poutine, est très loin de s’évertuer à nous séduire.

 

 

 

En me rendant à cette dernière vente de soutien avant la fête de l’Huma de cette année, j’ai néanmoins été touché par ces militants présents. A peine une centaine. Patrick le Hyaric, l’homme au micro, je présume, faisait pourtant le même effet qu’un animateur de supermarché. Une absence fatale de charisme récompensée par l’indifférence exemplaire des passants dans cet endroit de Paris, aux Halles, pourtant plus que central et fréquenté.

 

 

Patrick le Hyaric, en dépit des sujets sensés qu’il abordait, que j’ai à peine écoutés, symbolisait cet isolement qui nous berce désormais et dont profitent banquiers, entrepreneurs et hommes politiques dont la principale ambition est de continuer de se « goinfrer » tandis que nos vies et notre planète se vident et que nous devenons de plus en plus sourds et intolérants à la raison.

En venant, j’ignorais que le simple fait d’aller acheter à prix réduit mes billets pour la fête de l’Huma  (28 euros la place contre 40 ou 45 euros sur place lors de la fête de l’Huma) à cette manifestation de soutien pourrait me donner envie de tomber communiste.

 

 

L’homme qui m’a vendu les bons de soutien- qui deviendront billets nominatifs- m’a dit être sourd. Il avait une bonne soixantaine d’années. Mais il m’a écouté- et compris- bien mieux que bon nombre d’entendants.

 

 

Les militants présents étaient plus de sa génération que de la mienne même s’il s’est trouvé quelques personnes présentes qui ont fait un peu baisser la moyenne d’âge.

 

 

 

 

« Mon » vendeur m’a expliqué avec pédagogie comment m’y prendre pour récupérer mes billets d’entrée après être allé sur internet. J’ai trouvé le service après vente du journal l’Humanité très bon. Lui, allait rester là jusqu’à 19h30 (c’était bientôt l’heure). Mais  les « copains » allaient peut-être rester encore. J’ai à peine pu concevoir les combats et les voyages connus par ces visages militants. Mais il devait y en avoir des centaines et ce, depuis plusieurs générations :

Je « sais » que des militants du parti communiste se rendant à la fête de l’Huma en famille avec leurs enfants en bas âge. Et qu’ils assistent ou participent aux nombreux débats qui ont lieu lors du festival.

Dans le prospectus distribué lors de cette vente de soutien, on peut lire par exemple :

 

 » La fête de l’Humanité s’est construite autour du partage, des idées et des rencontres offrant chaque année débats et échanges autour des problématiques d’aujourd’hui et de demain.

Dans un monde où l’individualisme domine, la Fête s’engage à remettre l’Humain au centre des préoccupations : solidarité, justice, progrès social…Des gilets jaunes aux hôpitaux français au bord du burn-out, en passant par les zones d’ombres entourant la morte de Steve, autant de sujets d’actualité venant nourrir les multiples discussions ayant lieu aux quatre coins de la Fête.

Dans le monde aussi, les choses ne tournent pas rond. D’un Brésil gouverné par un leader d’extrême droite, au formidable soulèvement populaire algérien, sans oublier les milliers de personnes s’échouant encore aux portes de l’Europe…

L’urgence de se réunir est d’autant plus forte que certains sujets impliquent un changement immédiat des mentalités. Alors, agissons !

L’environnement et le climat seront au coeur de cette 84ème édition avec l’organisation, le vendredi 13 septembre, d’une grande marche pour le climat, initiée et poursuivie toute cette année par les mouvements lycéens. Il n’est plus possible de rester seul chez soi. Faites bouger les choses, venez à la Fête de l’Humanité ! »

 

 

Plus que de la désolation et de la solitude, j’ai senti chez ces personnes présentes hier- pour celles et ceux qui sont du parti communiste-une loyauté que l’on pourra juger aveugle et idiote compte tenu de la place et de la réussite du parti communiste dans les sondages comme dans la société française et politique récente mais que j’ai trouvée honorable. Et plus rassurante que toutes ces mauvaises nouvelles et toutes ces défaites en France et ailleurs qui sont devenues la norme.

 

En m’éloignant, je me suis dit qu’à la place de Patrick le Hyaric, il y’a dix ou quinze ans, un Emmanuel Macron, actuellement président de la république française, aurait pu tout aussi bien parler dans le même micro devant des passants tout autant indifférents.

Cela arrivera peut-être un jour. Lorsque le pouvoir de l’argent et des armes aura été désactivé et été déclaré irresponsable. Et que pour vibrer et se sentir vivant, il suffira par exemple de se rendre à un festival de musique ou d’y participer en tant qu’artiste ou organisateur.

 

Franck Unimon, ce vendredi 30 aout 2019.

 

 

 

 

 

 

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Cette Histoire

 

 

 

                                                           Cette Histoire

 

Cette histoire, nous la connaissons : il faut parfois un acte héroïque ou dégoûtant pour créer l’étincelle à même de nous faire pousser dans le regard admiratif ou horrifié des autres. Auparavant, nous existions peut-être à l’état de bulle plate ou de banale silhouette. Parce qu’à peine la rupture des premiers attraits et de la découverte est-elle prononcée que l’habitude scélérate s’installe. Et il faut faire certains efforts pour rester attentif aux autres comme pour maintenir en eux un certain « intérêt ». Nous avons tellement à faire. La vie est si courte. Et nous n’avons pas de temps à perdre.

Pire que l’exposition au temps qui passe, le risque d’être exposé trop longtemps à un sentiment de solitude et d’échec nous incite à nous démettre de celles et ceux qui nous semblent peu… pour nous en délivrer.

Cet homme-là, je l’ai longtemps délaissé. Je le voyais à peine. Pour mieux dire les choses : j’ai oublié comment je le voyais lorsque je le croisais. C’était une silhouette d’homme de ménage employé par une société dont je connais à peine le nom. Je le savais présent sur le plateau de tournage de mon travail, certains matins. Dès 6 heures. Je faisais sûrement attention à son travail :

Autant que possible, j’évitais de marcher là où il venait de passer le balai ou la serpillère. Même s’il est très courant que celles et ceux qui font le ménage vous disent généralement avec politesse et gentillesse : « Si ! Si ! Vous passez passer ! ». Alors que vous, vous savez qu’en passant, vous allez saloper la surface qu’ils viennent de laver. Et qu’à leur place, vous prendriez très mal que quelqu’un salisse le résultat tout frais de votre oeuvre de ménage.

Au cinéma, une fois, on m’avait proposé un rôle de silhouette d’homme de ménage. J’avais refusé. Et ma prof de théâtre au conservatoire, en colère, avait approuvé mon choix de refuser ce « rôle » en me confirmant mes impressions :

« On te propose ça parce-que tu es Noir ! Tu refuses ! ». Au cinéma, on s’exclue du regard et de la carrière d’acteur en acceptant de « jouer » la silhouette. Et encore plus en y faisant l’homme de ménage qui efface en lui-même les traces de sa propre présence à mesure des scènes. Etre payé, modestement, pour effacer soi-même ses propres traces jusqu’à la disparition complète, c’est tout un concept. Mais certainement pas un plan de carrière à conseiller à celle ou celui qui veut réussir en tant qu’acteur.

Aussi étonnante que cette proposition soudaine de m’engager en tant que silhouette d’homme de ménage avait été la croyance de certaines personnes de mon entourage :

Quand je les avais interrogées, certaines d’entre elles, pragmatiques, avaient estimé que c’était toujours bon à prendre, une place de silhouette d’homme de ménage au cinéma. Tant que c’était payé.

 

Dans la vie, et gratuitement, j’avais déja croisé cet homme de ménage un certain nombre de fois lorsqu’un matin, une de nos collègues a été suivie par un violeur. Les cris de notre collègue ont alerté notre « silhouette » d’homme de ménage. Celui-ci a accouru et s’est interposé. Seul lui, « l’homme de ménage », en raison de sa présence à cette heure, pouvait à ce moment-là entendre, voir et intervenir. Le violeur a très vite pris la fuite.

Cette tentative de viol a été un choc. Pour cette collègue. Pour nous.

Notre collègue s’en est apparemment remise : je ne suis pas assez proche pour aborder ce sujet avec elle et j’ai préféré éviter toute question déplacée ou qui aurait pu passer pour telle. A la place, il a pu m’arriver, comme d’autres collègues, de veiller un peu plus sur elle comme cette fois où venant au travail, elle nous avait appelé pour nous informer…qu’elle avait l’impression d’être suivie par un mec bizarre. J’étais prêt à partir la rejoindre. Finalement, elle s’était refugiée dans un café quelques minutes puis était arrivée.

 

Je me demande combien de personnes parmi toutes celles et ceux, qui, quotidiennement, se font faire et servir un café et marchent en toute décontraction dans le travail des autres auraient été capables d’agir comme cet homme de ménage. Depuis quelques mois maintenant, une de mes collègues, réincarnation d’un chien St-Bernard, en cela qu’elle est particulièrement attentive aux autres, lui apporte un café les matins. Ce matin, ma collègue m’a à nouveau dit que cela lui avait pris du temps pour « apprivoiser » cet homme.

Depuis cette tentative de viol, je perçois cet homme de ménage comme un héros et un modèle. Je le salue autant que possible. Je me suis obligé à apprendre et à retenir son prénom. Quelques fois, je prends le temps de discuter avec lui. Je n’ai jamais osé lui parler de ce qui était arrivé. C’est un héros méconnu et je crois que cela lui convient très bien :

La majorité des héros sont des gens méconnus et oubliés. Seule une minorité de héros, je crois, « bénéficie » d’une histoire officielle et d’une certaine publicité qui peut d’ailleurs être une malédiction.

Quelques fois, je repense avec un peu d’inquiétude à ce « Jeune Malien sans papiers » :

Mamadou Gassama.

Le 27 Mai 2018, à Paris, Mamadou Gassama était devenu « un héros » en sauvant un enfant accroché à un balcon, les pieds suspendus dans le vide. Mamadou Gassama, dont j’avais déjà oublié le prénom et le nom avant d’écrire cet article, a reçu la nationalité française et été embauché en tant que pompier suite à son acte héroïque. C’est ce que j’ai cru comprendre. Ce dénouement ressemble à un happy end commun à certains romans et certains films. Tout va bien et tout se termine pour le mieux. Mais :

Entre l’exigence de devoir toujours, désormais, être un héros (donc un être parfait) et le fait, quand même, de susciter certaines jalousies, je me dis que la vie de Mamadou Gassama doit être loin d’être simple. Je me dis que pour lui le plus simple a peut-être été, finalement, de risquer sa vie pour cet enfant. Ensuite, soit pour lui soit pour son entourage, je doute que la vie se soit simplifiée. Trop de célébrité tue l’héroïsme, la tranquillité et la simplicité. Bien des héros et des super-héros ont bien raison de porter un masque assurant leur anonymat dans la vie de tous les jours. Qu’un masque cache leur visage ou que ce masque soit un rôle ou une attitude qu’ils (se) jouent tous les jours et par lesquels ils se font passer pour plus idiots, plus vulnérables et plus lâches qu’ils ne le sont réellement.

Dusko Popov, qui a inspiré à Ian Fleming un certain personnage célèbre, l’a dit :

« Dans la vraie vie, James Bond ne tiendrait pas six mois ».

Je « soupçonne » Dusko Popov d’avoir été indulgent en parlant de « six mois » car en lisant sa très bonne biographie Tricycle qu’il a écrite lui-même, on comprend que son intelligence et son art de la dissimulation lui ont permis de jouer les agents double voire triple et de bien tenir sa couverture durant la Seconde Guerre Mondiale face aux nazis qu’il fréquentait.

On m’objectera qu’il en est de même, malheureusement, pour de grands criminels et de grands meurtriers qui savent passer inaperçus en tout normalité et même en toute légalité jusqu’à ce moment où ils entrent en scène. C’est vrai. Mais je préfère penser ce matin à cette histoire où parmi toutes ces femmes et ces hommes de ménage, parmi toutes ces silhouettes confondues dont la présence est souvent floue, se cachent des héroïnes et des héros que nous croisons ou que nous sommes tous les jours.

Franck Unimon, ce jeudi 4 juillet 2019.