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Sans Pardon

                                                         Sans Pardon

Seuls des parents peuvent apprendre le pardon Ă  leurs enfants pour eux-mĂŞmes et pour les autres. Et, ce faisant, ils leur Ă©vitent peut-ĂŞtre bien des prisons. C’est ce que ma fille m’a rappelĂ© tout Ă  l’heure alors que je venais de me lever. Debout plus tĂ´t ce matin afin de l’emmener Ă  l’école (cette fois-ci, en dĂ©pit  de la grève et du service minimum actif dans bien des Ă©coles publiques, la maitresse de ma fille ne fait pas grève A l’école de ma fille )  je pensais Ă  mes articles :

 

Je me disais que, pour l’époque, mes articles manquent de Rap, de Slam,  de théâtre, d’OpĂ©ra, de sport, d’images et de jeux vidĂ©os, de montages sonores et visuels, d’images de synthèse, de musique, de jeux de rĂ´les et aussi de rĂ©seaux sociaux numĂ©riques mais aussi humains. Et d’Ă©cologie. 

MĂŞme si le nombre de lectrices et de lecteurs augmente sur mon blog, je me dis qu’alors que j’aime rencontrer des gens, je dois ĂŞtre vraiment particulièrement nĂ©vrosĂ©, plus qu’incompĂ©tent- et très  très mĂ©fiant – lorsqu’il s’agit de commettre un  « buzz Â», ou, plus simplement, de savoir partager avec d’autres certaines arcanes de mes comètes  mentales. Il est vrai que j’ai cette tendance depuis l’enfance : seuls certaines et certains Ă©lus ont (eu) mes faveurs pour le pire et le meilleur.

 

Lire quelques articles du site Urban Track’z  (créé par Zez Shalmani) pour lequel j’écris principalement dans la rubrique 7ème art m’avait dĂ©jĂ  donnĂ© Ă   apprĂ©hender certains de mes manquements sociaux. Mais, en plus, hier soir, avant de me coucher, j’ai lu plusieurs articles sur le mĂ©dia en ligne BB qui a plus Ă  voir avec le Bondy Blog  qu’avec BB King ou Brigitte Bardot.

 

Je connaissais le Bondy Blog de nom depuis des annĂ©es mais je n’avais jamais pris le temps de lire autant de ses articles. C’est en tombant hier sur la page Facebook de Jamila Ouzahir, attachĂ©e de presse,  d’un article du Bondy Blog consacrĂ© au premier film rĂ©alisĂ© par Abdel Raouf Dafri qui sortira ce 22 janvier ( Qu’un sang impur…) que cela m’a donnĂ© envie de lire plus d’articles du Bondy Blog.

 

J’ai beaucoup aimĂ© la patte de l’article de la journaliste Latifa Oulkhouir :

Dafri, tonton flingueur.

Laquelle Latifa Oulkhouir s’est avérée être celle qui dirige maintenant le Bondy Blog.

Car après avoir lu son article et l’interview qu’elle a rĂ©alisĂ©e, avec Audrey Pronesti, d’Abdel Raouf Dafri, j’ai ensuite pris le temps de cliquer sur Qui sommes nous ? et de regarder les photos des rĂ©dactrices et des rĂ©dacteurs du BB comme de lire la façon dont ils se prĂ©sentent.

 

Avec un peu de soulagement, j’ai constatĂ© que très peu d’entre eux Ă©taient sur Instagram en plus de Facebook alors que j’ai quand mĂŞme un compte Instagram. MĂŞme si je le nĂ©glige (balistiqueinstagram). J’ai constatĂ© la «panoplie Â» de profils des unes et des autres, leur niveau d’études et de compĂ©tences, ainsi que l’humour de certaines prĂ©sentations.  

 

Je n’ai pu que noter la brièveté de leurs articles par rapport aux miens. Ce qui donne à coup sûr un caractère pratique à leur lecture.

 

C’est ainsi que j’en suis arrivĂ© Ă  aimer lire :

L’interview du rappeur Dinos – que je ne connaissais pas mais j’ai plusieurs cratères de lacunes dans le Rap- rĂ©alisĂ©e par FĂ©lix Mubenga : Le succès arrivera quand il doit arriver.

 

L’article de Nesrine Slaoui Djebril Zonga, jamais deux vies sans trois sur l’acteur Djebril Zonga (qui joue dans le film Les MisĂ©rables de Ladj Ly Les misĂ©rables 2ème partie ) mais aussi, toujours de Nesrine Slaoui, l’article A la finale d’Eloquentia, le poids des bons mots.

 

Soumaya, l’histoire vraie (qui dérange) d’une citoyenne française, rédigé par Chahira Bakhtaoui.

 

Lyna Khoudri, destin d’actrice, mémoires d’Algérie, encore par Nesrine Slaoui.

 

Aya Ă  l’Huma : alliage improbable, succès indĂ©niable par Fleury Vuadiambo.

 

La Tornade Megan Thee Stallion est passée à Paris ( et ça valait le détour) par Sylsphée Bertili.

 

Le Festival CinĂ©-Palestine, un regard tendre et juste sur Gaza  par Arno Pedram.

 

Ta-Nehisi Coates : Trump ou la revanche des suprĂ©macistes blancs par HĂ©lèna Berkaoui.

 

Trois femmes, trois résistantes, trois héroïnes de la guerre d’Algérie par Kab Niang.

 

François Beaune : «  Mon boulot, c’est que la rĂ©alitĂ© te prenne en pleine figure Â» ( Ă  propos de son livre Omar et Greg) par Jimmy Saint-Louis.

 

 

Pourtant, je ne crois pas que la longueur variable de mes articles soit aujourd’hui le point faible principal de mon blog, balistiqueduquotidien.com, pour plus et mieux le faire connaître.

 

 

Ce matin, je pensais aussi Ă  mon article sur le livre Bravo Two Zero d’Andy MacNab ( Bravo Two Zero ). Je me disais qu’il allait me falloir Ă©crire qu’il me faisait aussi penser au personnage jouĂ© par Sean Penn dans le film Mystic River rĂ©alisĂ© par Clint Eastwood en 2003. Et je remarquais que le nom de « Penn Â» rime facilement avec le nom de la ville Phnom Penn. Puis, ma fille m’a appelĂ© dans le noir. J’ai rĂ©pondu : «  Oui ? Â». Alors qu’elle est venue jusqu’à moi, j’ai fait un pas oĂą deux pour me rapprocher d’elle. Elle est venue se mettre contre moi. Nous nous sommes embrassĂ©s. Puis, elle est repartie avec le sourire. Je ne m’y attendais pas.

 

Mais il est des enfants qui grandissent sans pardon. Et se barricader a plus à voir avec le rhum arrangé qu’avec une solution pour éviter le danger.

 

En allant voir ma fille pour la prĂ©parer pour l’école, je me suis dit que j’allais envoyer cet article au Bondy Blog dans leur partie Contactez-nous. J’hĂ©sitais encore sur la forme Ă  donner Ă  ce courrier :

 

Sous forme de lien numĂ©rique en provenance de mon blog  (le plus probable ), sous format Word (au cas oĂą ils craindraient un lien manutentionnĂ© par de mauvaises intentions) ou sous une forme verbale de type podcast comme je l’ai fait pour Descartes ? ( Descartes)

 

Franck Unimon, ce jeudi 9 janvier 2020.

 

 

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Entre le rĂŞve et le sel

                                            Entre le rĂŞve et le sel

«  Alors, Roybon, on ravage ?! Â». Après bien des efforts tĂŞtus au sortir de ma sieste, j’ai fini par retrouver et ressortir cette ancre disparue, cette fin de phrase aperçue lors de ma lecture il y a deux ou trois mois du livre Mes rĂŞves avaient un goĂ»t de sel  de Jean-Pierre Roybon, ancien nageur de combat de la marine.

 

Chacun ses obsessions.

 

Dans son New York Vertigo, ( RentrĂ©e des classes)Patrick Declerck raconte bien avoir tenu, Ă  New York  en septembre 2012, Ă  prendre le temps de lire «  lentement Â» le nom des 2983 victimes des attentats terroristes. Soit, comme il le dĂ©compte scrupuleusement, «  les 2977 victimes des quatre attaques du 11 septembre aux deux tours, au pentagone, et dans le vol United Airlines 93  qui s’est Ă©crasĂ© en Pennsylvanie, plus les 6 tuĂ©s lors de la première tentative du 26 fĂ©vrier 1993. Cette lecture lui prend «  un peu plus d’une heure et demie Â». Il estime que cela n’est pas beaucoup de temps mĂŞme si son action ne sert sans doute Ă  rien.

 

Cet article-ci, comme d’autres de mes articles, ne sert sans doute à rien non plus. Il est salvateur, aussi, de savoir se regarder avec autant de précision que de dérision. Mais je crois de plus en plus à la vertu d’écrire au sortir du sommeil sans trop se circonscrire. Amadou Hampaté Ba. Amadou Hampaté Ba. Lorsque je l’aurai vu, il faudra aussi que j’écrive sur le film Grigris réalisé en 2013 par Mahamet Saleh-Haroun. Quand j’avais interviewé Mahamet Saleh-Haroun pour le mensuel Brazil à propos de son film Un homme qui crie, je me souviens comme je l’avais beaucoup touché lorsque je lui avais dit à propos du personnage principal, maitre-nageur dans un hôtel de luxe au Tchad, ancien champion de natation :

«  On dirait qu’il liquide sa descendance Â». 

Je crois pouvoir affirmer, mĂŞme si cela ne regarde que moi et qu’il me sera sĂ»rement impossible de le dĂ©montrer, que le rĂ©alisateur Mahamat Saleh-Haroun, avait alors rĂ©pĂ©tĂ© ma phrase comme s’il assimilait une nouvelle donnĂ©e de son personnage principal ou cette autre façon de le dĂ©crire. 

 

 

J’estime avoir mal parlĂ© du livre de J-Pierre Roybon dans mon article d’il y a quelques mois Mes rĂŞves avaient un goĂ»t de sel. J’ai trop parlĂ© de moi et je continue. Mais il y a plusieurs façons de parler d’un livre. Notre inspiration varie selon les jours. Pour le livre Bravo Two Zero d’Andy MacNab, aussi, j’aurais pu m’y prendre autrement ( Bravo Two Zero ). D’ailleurs, je vais refaire quelques corrections dans mon article :

Si le numĂ©ro de TĂ©lĂ©rama de cette semaine a mis l’actrice amĂ©ricaine Scarlett Johansson en couverture avec le titre Star innĂ©e, je crois avoir un peu trop forcĂ© en parlant de l’élite des combattants et des forces de police comme des individus qui ont des capacitĂ©s « innĂ©es Â». Des capacitĂ©s physiques et mentales hors-normes, oui. InnĂ©es, pas forcĂ©ment.

Jean-Pierre Roybon, au dĂ©part, avant de s’engager dans l’armĂ©e un peu avant ses 18 ans, n’était pas particulièrement sportif par exemple. Mais il rĂŞvait des nageurs de combat et de l’armĂ©e depuis très jeune. Dans un autre univers, Ellen Mac Arthur, la navigatrice, a beaucoup rĂŞvĂ© de la mer, enfant, avant de commencer Ă  prendre des cours de navigation. Contrairement Ă  un Jean-Pierre Roybon nĂ© au bord de la mer, Ă  Toulon, Ellen Mac Arthur, elle, a d’abord vĂ©cu dans les terres. Si l’on peut, Ă©videmment, avoir des aptitudes innĂ©es hors-normes, il est bien des personnes qui se transcendent le moment venu après des annĂ©es de maturation, de formation et de rĂŞve. Que ce soit dans les Ă©tudes, dans une carrière, dans une pratique sportive ou dans une activitĂ© quelconque. On peut souhaiter que cela soit aussi pour le « bien » d’autrui. Mais c’est souvent, d’abord, pour soi-mĂŞme. 

 

«  Alors, Roybon, on ravage ? Â».

 

C’était ce qu’un des instituteurs disait avec un peu d’ironie au jeune Roybon qui devait se contenter d’une pĂŞche de seconde main au bord de l’eau. Alors que l’instituteur, lui, partait en mer sur son bateau personnel. Dans son livre, Roybon raconte que ces rencontres assez frĂ©quentes et quelques peu « taquines Â» avec son instituteur, avaient eu peu d’incidence ascensionnelle sur ses notes scolaires. On peut facilement imaginer la scène avec l’instituteur qui s’adresse sur un ton un peu sarcastique et hautain, de manière rĂ©pĂ©titive, avec l’accent du sud, au minot qu’il toise un peu et qu’il laisse sur place avec l’Ă©cume en prenant le large avec son bateau ou en revenant du large, le regard et le visage pleins d’embruns.

 

Pourtant, quelques annĂ©es plus tard, ce minot allait d’abord dĂ©couvrir- avec l’autorisation et l’encouragement de ses parents- la plongĂ©e sous-marine vers ses 15 et 16 ans en compagnie d’adultes expĂ©rimentĂ©s. Puis s’engager dans l’armĂ©e et, par Ă©tapes, Ă  force d’entraĂ®nement, devenir un nageur de combat de la marine et faire partie des Ă©lites du «  corps Â» militaire.

 

On peut peut-ĂŞtre affirmer que son instituteur qui, pendant plusieurs annĂ©es, avait rencontrĂ© quantitĂ©s d’élèves, a pu ĂŞtre surpris plus d’une fois en apprenant plus tard, lorsqu’il l’a appris, ce qu’avaient pu « devenir Â» certaines et certains de ses Ă©lèves passĂ©s. Et, Ă  travers le parcours militaire d’un Jean-Pierre Roybon, plus que le soldat qui acquiert la capacitĂ© et le droit de dĂ©truire et de tuer, je souligne ici la discipline Ă  laquelle on est spontanĂ©ment capable de s’astreindre tous les jours dès lors que l’on a un rĂŞve, un projet ou une ambition. MĂŞme si ça ne sert Ă  rien pour faire encore de l’humour noir. D’écrire. De faire de la musique. Du sport. De faire rire. De chanter. De dessiner. De croire en quelque chose. De croire en quelqu’un. Cela ne sert Ă  rien si l’on tient seulement, tout le temps et tout de suite, Ă  obtenir un retour sur investissement. Du succès. De la reconnaissance. Une explication. Une rĂ©ponse. Un rĂ©sultat. A ĂŞtre une star innĂ©e. Et chaque fois que l’on nous demande «Comment vas-tu ? Â», toujours, nous devrions rĂ©pondre : « Ă§a ne sert Ă  rien Â». Chaque fois que l’on nous fait un compliment, nous devrions aussi ajouter : «  ça ne sert Ă  rien Â».

 

Je suis maintenant à peu près réveillé et c’est désormais que certains ennuis commencent car il me faut trouver du sens à ce que je viens d’écrire. Alors que ça ne sert à rien.

 

Franck Unimon, ce mercredi 8 janvier 2020.

 

 

 

 

 

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Rentrée des classes

 

                                                    RentrĂ©e des classes

La rentrée des classes s’est bien passée ce matin. Il y avait du givre sur le pare-brise de certaines voitures. Il faisait plus froid que ce à quoi je m’attendais.

 

Nous sommes arrivés avec environ cinq minutes d’avance. D’autres parents, une majorité de mamans, étaient déjà présents.

 

HĂ©bĂ©tĂ© devant l’école, et sĂ»rement aussi par mes pensĂ©es alors que je regardais ma fille s’éloigner dans la cour, je n’ai pas tout de suite entendu lorsque la maman d’une des copines de ma fille m’a saluĂ© et souhaitĂ© «  Bonne annĂ©e ! Â». La petite Ă©tait Ă©galement lĂ , souriante. J’ai remerciĂ© la maman et lui ai aussi adressĂ© les mĂŞmes vĹ“ux. J’avais oubliĂ© ce rituel social auquel je suis pourtant attachĂ©.

 

C’est Ă©galement par surprise que la maitresse de ma fille m’a en quelque sorte adressĂ© ses meilleurs vĹ“ux. Je voulais juste lui dire bonjour et, comme elle avait eu quelques mots pour ma fille venue Ă  sa rencontre, m’assurer que tout allait bien. Et puis, devant moi, avec son sourire et son attention amplifiĂ©es, Ă  en ĂŞtre illuminĂ©e, j’ai compris que mes quelques mots de politesse Ă©taient pour elle une extraordinaire source d’encouragement et de sympathie. C’était le premier jour de la rentrĂ©e des classes, ce lundi 6 janvier 2020, après les vacances de NoĂ«l, et, dĂ©jĂ , par son attitude, la maitresse de ma fille signalait qu’elle Ă©tait prĂ©sente au poste et prĂŞte Ă  repartir Ă  l’assaut de l’enseignement avec le sourire. Quelles que soient les difficultĂ©s ! Quel que soit le mal infligĂ© et refait Ă  l’école publique !

 

Je me suis tu. Je me suis contenté d’acquiescer en souriant. Et de partir. En rentrant, j’ai retrouvé la longue file de voitures qui attendait au feu rouge en bas de chez nous. Et j’ai vu filer sur la gauche vers le feu, en short, casque et sac à dos, sur son vélo, un homme noir qui partait sans doute au travail.

 

 

J’avais prĂ©vu d’écrire la troisième partie ( CrĂ©dibilitĂ© 2 )  de CrĂ©dibilitĂ© : A L’assaut des PyrĂ©nĂ©es   tout en me demandant si cela aurait un intĂ©rĂŞt particulier pour d’autres. Il a suffi de cette rentrĂ©e de classe de tout Ă  l’heure pour que j’opte de parler d’abord du livre New York Vertigo  de Patrick Declerck que j’ai pris le temps de terminer hier soir avant de me coucher.

Ce qui venait de se passer en ramenant ma fille Ă  l’école m’avait peut-ĂŞtre donnĂ© ma rĂ©ponse devant son pessimisme envers l’HumanitĂ© ( «  L’espèce est pourrie Â») qu’il justifiait- Ă  nouveau- simplement et magistralement dans les 120 petites pages de son dernier ouvrage Ă  ce jour.

 

 

 

Avant de lire New York Vertigo  paru en 2018 que j’avais achetĂ© sans doute Ă  sa sortie, j’avais lu quelques commentaires sur le net sur plusieurs de ses livres. Le dithyrambe cĂ´toyait le sarcasme et la menace fantĂ´me.

 

 

Patrick Declerck fait partie des personnalitĂ©s que j’ai très vite pensĂ© interviewer pour mon blog balistiqueduquotidien.com. Mais je me suis aussi rapidement dit qu’avant d’essayer de le faire, qu’il faudrait d’abord que mon blog ait du fond. Et, du fond, pour moi, cela peut-ĂŞtre autant bien Ă©tudier l’œuvre et la vie de la personne que l’on souhaite interviewer que, soi-mĂŞme, poser sur la table une partie de son bagage personnel qui va donner envie Ă  la personne interviewĂ©(e) de nous rencontrer et de se livrer. Beaucoup trop d’interviews voire de rencontres se rĂ©sument Ă  un Ă©change de balles de ping-pong, oĂą, d’un cĂ´tĂ©, une personne rĂ©pond Ă  des  demandes et Ă  des sollicitations formulĂ©es par des centaines ou des milliers d’anonymes, qui, dans les grandes lignes, malgrĂ© toute leur sincĂ©ritĂ© et leurs efforts d’originalitĂ©, restent des stĂ©rĂ©otypes. Cet Ă©change, plutĂ´t qu’une rencontre, se limite donc souvent Ă  une fonction promotionnelle. Si toute campagne de promotion compte pour la rĂ©ussite de nos projets (pour ĂŞtre embauchĂ© quelque part ou pour aborder et sĂ©duire une personne qui nous plait, il faut bien d’abord commencer par rĂ©ussir sa promotion personnelle) les vĂ©ritables rencontres, pour s’établir, et durer, ont besoin de plus que des compliments, des promesses et des sourires.  Mais, bien-sĂ»r, tout est affaire de moment, de tempĂ©rament et de prioritĂ© : certaines personnes prĂ©fèrent privilĂ©gier, en toutes circonstances, leur promotion et leur satisfaction personnelle. D’autres, peut-ĂŞtre par ignorance ou par faiblesse, vont chercher Ă  bâtir des rencontres. Y compris, parfois, dans les pires conditions.

 

 

Patrick Declerck avait pu faire « parler Â» de lui en 2001 avec son livre Les NaufragĂ©s de la terre- avec les clochards de Paris. Psychanalyste et anthropologue, il consacrait alors une grosse partie de son temps Ă  la question des SDF. Il a Ă©crit d’autres livres :

Garanti sans moraline, Socrate dans la nuit, ou Crâne sur son intervention chirurgicale, alors qu’il était éveillé, pour exfiltrer une tumeur.

 

New York Vertigo est le seul livre que j’ai lu de lui. Les NaufragĂ©s de la terre et Garanti sans moraline sont pourtant dans ma bibliothèque depuis des annĂ©es. Plus de dix ans en ce qui concerne son livre Les NaufragĂ©s de la terre. Depuis, sur le sujet des SDF, un mĂ©decin-psychiatre spĂ©cialisĂ© dans le traitement des addictions m’a conseillĂ© l’ouvrage De la prĂ©caritĂ© sociale Ă  l’auto-exclusion : une confĂ©rence debat Ă©crit par Jean Furtos. Je l’ai aussi achetĂ© mais je ne l’ai pas encore lu.

 

 

«  C’est trop tard ! Â» avait dit Patrick Declerck. 

 

 

Ce jour-là, Patrick Declerck, grand et massif, avait mis dans le magnétoscope une cassette VHS. Sur le téléviseur, avec lui, nous avions découvert un entretien. Un SDF était interviewé par quelqu’un. Sitôt l’interview lancée, Patrick Declerck s’était installé par terre, devant le téléviseur, nous tournant pratiquement le dos. Déjà crâne rasé, Il portait un long manteau en laine épaisse de couleur sombre. Sortant un calepin, il avait commencé à prendre des notes. C’était la première fois que je voyais ça. C’était sûrement la première fois que nous voyions, tous, quel que soit notre âge un des intervenants venant nous faire cours avoir ce genre de comportement. Ordinairement, tous les autres intervenants nous faisaient cours en nous faisant face. La plupart du temps, assis sur une chaise ou debout.

 

C’était il y a trente ans. Peut-ĂŞtre un peu plus. Et nous Ă©tions une vingtaine d’élèves-infirmiers (âgĂ©s de 18-19 ans Ă  30 ans) avec lui dans la salle de cours de l’hĂ´pital de Nanterre qui s’appelait encore la Maison de Nanterre et qui Ă©tait une ancienne prison pour femmes Ă  ce que m’avait dit ma mère. La Maison de Nanterre, oĂą ma mère et deux de mes tantes ont travaillĂ© comme femmes de mĂ©nage (ASH) puis comme aides-soignantes, a longtemps Ă©tĂ© sous la tutelle de la PrĂ©fecture de Paris. Je l’ai connue dès mon enfance avec ses SDF stationnĂ©s Ă  l’arrĂŞt du bus 304 mais aussi avec ses SDF devenus « rĂ©sidents Â» permanents Ă  l’hĂ´pital. Avec son pain qui Ă©tait fait sur place et auquel nous avions droit pendant des annĂ©es alors que ma mère y travaillait.

 

 

«  C’est trop tard ! Â».

 

 

 

C’était trop tard selon Patrick Declerck parce-que l’intervieweur avait trop attendu pour poser au SDF la bonne question.

 

Il me reste peu de souvenirs du contenu du cours de Patrick Declerck. Je crois l’avoir recroisĂ© ensuite, ou avant,  lors de mon stage de quelques semaines au CASH dirigĂ© alors par le Dr Patrick Henry et qui proposait des soins, une consultation sociale et un hĂ©bergement aux SDF qui le souhaitaient. Je me rappelle que la majoritĂ© des SDF rencontrĂ©s, transportĂ©s depuis Paris dans des bus de la RATP, prĂ©fĂ©raient retourner Ă  la rue. Et aussi que l’un d’entre eux qui portait des lunettes, d’origine vietnamienne pour moitiĂ©, avait Ă  son poignet une montre Ă  aiguilles de grande valeur. Cet homme « prĂ©sentait Â» plutĂ´t bien. Il n’avait rien du pochtron ambulant. Il n’était pas- encore- marquĂ© physiquement par l’alcool ou par la vie dans la rue. J’avais alors entre 19 et 21 ans et avant ces Ă©tudes d’infirmier, je venais du lycĂ©e, Bac B, option Economie.  

 

 

Maintenant, et, depuis des annĂ©es, pour Patrick Declerck, «  l’espèce (humaine) est pourrie Â». Il ne parle pas des SDF. Je sais qu’il a Ă©crit «  Je les hais autant que je les aime Â». Je sais aussi qu’il dit prĂ©fĂ©rer leur proximitĂ© et celle de bien des marginaux Ă  celle de tant de personnes bien propres sur elles. Son humour noir Ă  la Cioran ou Ă  la Pierre Desproges est une carie morale pour d’autres. Trop de pessimisme et de cynisme dĂ©priment et dĂ©couragent. La princesse LeĂŻa le rappelle dans le dernier Star Wars Ă©pisode IX : l’Ascension de Skylwalker de J.J Abrams, film oĂą mon passage prĂ©fĂ©rĂ© est celui sur l’étoile morte.

Bien des survivalistes affirmeront sûrement aussi que pour s’en sortir, garder le moral fait partie des conditions nécessaires. Par l’humour, par l’art, par toute activité et récréation morale, intellectuelle, spirituelle ou physique qui permet de maintenir tout élan vital et toute forme d’espoir.

Mais avec son aplomb, son expérience de professionnel de terrain underground et sa culture de phacochère, les arguments de Patrick Declerck nous encornent plusieurs fois. Et, à ce jour, je ne connais pas de matador, qui, dans l’arène ou dans la jungle, se soit présenté face à un rhinocéros.

 

 

La Religion ? «  Une illusion pleine d’avenir Â» selon Freud, son maitre Ă  penser. Et dans son New York Vertigo, Patrick Declerck, Ă  travers le 11 septembre 2001, nous reparle, prĂ©cisĂ©ment et techniquement, voire de façon balistique, des attentats islamistes.

De mon cĂ´tĂ©, mĂŞme s’il est parfaitement autonome, je peux l’aider question religion en tant qu «  illusion pleine d’avenir Â».

Ce week-end, alors que j’écrivais CrĂ©dibilitĂ© 2,  ma compagne m’a appris « l’histoire Â» de « Madame Desbassayns Â» ou Marie Anne ThĂ©rèse Ombline Desbassayns nĂ©e Gonneau-Montbrun de l’île de la RĂ©union.

 

Riche hĂ©ritière, cette demoiselle Gonneau-Montbrun, en devenant la femme de « Monsieur Desbassayns Â», est ensuite devenue, une fois veuve, «  une grande propriĂ©taire foncière de l’île de la RĂ©union Â». Grâce aussi Ă  ses esclaves.

 

Selon le site wikipédia, on peut lire que son image est controversée à la Réunion.

Elle aurait Ă©tĂ© une fĂ©roce esclavagiste. Pourtant «  Dès le XIXème siècle, ses invitĂ©s et ses proches politiques la couvrent d’éloges. Le gouverneur Milius la surnomme mĂŞme «  la seconde providence Â». Et, toujours sur le site wikipĂ©dia, on peut lire que «  Madame Desbassayns Â» Ă©tait «  d’une ferveur religieuse intense Â».  Mais aussi qu’elle a connu le privilège supplĂ©mentaire de dĂ©cĂ©der (Ă  91 ans !) deux ans avant l’abolition de l’esclavage Ă  la RĂ©union ainsi qu’aux Antilles. En lisant ça, comme Patrick Declerck, je me suis aussi dit que «  la religion est une illusion pleine d’avenir Â» et que «  l’espèce (humaine) est pourrie Â».

 

Je crois que la religion ou internet sont, j’allais dire, de très bonnes inventions. Et que la science, aussi, permet de très bonnes inventions. Mais qu’ensuite, malheureusement, ça tourne mal car ce qui fait la différence, c’est ce que l’on en fait. Ce qui fait la différence, c’est nos intentions lorsque l’on dispose de tels instruments de pouvoir et de contrôle.

 

 

«  Pouvoir et contrĂ´le Â» sont les deux carburants, les deux aimants, du tueur en sĂ©rie m’avait en quelque sorte rĂ©sumĂ© un jour StĂ©phane Bourgoin, spĂ©cialiste des tueurs en sĂ©rie. Mais, contrairement Ă  des chefs religieux, Ă  des industriels ou Ă  des hommes politiques, les tueurs en sĂ©rie sont gĂ©nĂ©ralement privĂ©s de projets pour le monde et la sociĂ©tĂ©. Pour ce que j’ai compris des tueurs en sĂ©rie, leur prioritĂ© est leur « petite Â» entreprise de destruction qui a dĂ©jĂ  suffisamment de rĂ©percussions douloureuses sur leurs victimes et leurs proches.

 

Les chefs religieux, les industriels et les hommes politiques, eux, prĂ©voient leurs projets sur une grande Ă©chelle : une Ă©chelle de masse. Et ça marche. Ça a marchĂ© et ça marchera encore, nous affirme Patrick Declerck dans son New York Vertigo. Et on est obligĂ© de le croire. Car on « sait Â» qu’il a des arguments. Et les quelques uns dont il nous fait l’obole dans son livre sont intraitables et incurables.

 

Patrick Declerck, homme de connaissances autant que d’expĂ©riences de l’être humain, me fait penser Ă  des personnalitĂ©s comme les avocats Jacques Verges (qui Ă©tait rĂ©unionnais) et Eric Dupont-Moretti. Des personnes qui, Ă  un moment de leur vie, me donnent l’impression d’avoir vĂ©cu l’expĂ©rience «  de trop Â» qui les a dĂ©routĂ©s de manière dĂ©finitive de certaines illusions concernant l’espèce humaine. Peut-ĂŞtre que mes comparaisons sont mauvaises et que cela me sera reprochĂ© par les deux vivants qui restent (Declerck et Dupont-Moretti) par leurs dĂ©tracteurs, par leurs proches ou  leurs admirateurs.

 

« L’espèce humaine est pourrie Â». Et, pourtant, j’aimerais savoir, si un jour je rencontre Patrick Declerck et Eric Dupont-Moretti, ce qui les maintient encore en vie. Et dans le plaisir. J’imagine facilement Patrick Declerck me rĂ©pondre laconiquement qu’il lui manque tout simplement le courage de se suicider. Ou qu’il cultive une sorte de lĂ©thargie et de jouissance morbide, sorte de protubĂ©rance parallèle Ă  sa conscience, Ă  ĂŞtre tĂ©moin de cette Â« dĂ©bauche gĂ©nĂ©rale Â».

 

Et puis, j’ai emmené ma fille à l’école tout à l’heure. Puis, je suis revenu de l’école.

 

 

 

Dans New-York Vertigo, Patrick Declerck se moque aussi, Ă©tude clinique Ă  l’appui, du prĂ©sident amĂ©ricain actuel, Donald Trump et «  l’exhorte Â» Ă  appuyer sur le bouton rouge car il y aura bientĂ´t dix milliards d’êtres humains en 2050. Soit dix milliards de reprĂ©sentants de cette espèce, notre espèce, qui dĂ©truit la planète, tue, viole, massacre.

 

L’humour du désespoir.

 

Si Patrick Declerck avait Ă©crit son livre ce mois-ci, il aurait sĂ»rement parlĂ© de la fuite rĂ©cente, mĂ©prisable et cocasse du Japon de Carlos Ghosn, PDG de Renault-Nissan, alors qu’il Ă©tait libĂ©rĂ© sous caution en attente de son jugement lĂ -bas. Pendant ce temps-lĂ , en France, le gouvernement Macron-Philippe manĹ“uvre pour dĂ©truire la rĂ©sistance sociale. Oui, «  l’espèce est pourrie Â».

 

 

Il y aura donc dix milliards d’êtres humains sur Terre en 2050. Et la Chine sera peut-être alors la Première Puissance mondiale incontestée. Pour l’instant, les Etats-Unis sont encore cette Première Puissance mondiale. S’il y a encore une Terre dans trente ans. S’il y a encore des êtres humains vivants sur Terre dans trente ans. Si je suis aussi obsédé par la Chine depuis quelques temps, c’est parce-que j’ai perdu ce regard fasciné et sentimental que je pouvais avoir avant sur la Chine et sa culture. Si la culture de la Chine existe bien-sûr et est aussi admirable que bien d’autres cultures, je perçois aujourd’hui davantage ce que la Chine recèle comme capitalisme et régime politique et social effrayants.

 

Pourtant, je crois ça : face Ă  ces horreurs dont est capable l’être humain, les enfants sont les champions du moment prĂ©sent. Nous, les adultes, Ă  force d’extrapoler, de penser au passĂ© et Ă  ce qui pourrait arriver de pire, nous en arrivons Ă  dĂ©truire notre propre prĂ©sent. Parce- que nous nous faisons dĂ©former et tabasser en permanence dès notre enfance. Et mĂŞme avant. Parce-que c’est un combat titanesque que de sauvegarder, quotidiennement, une once d’enfance saine en soi et de lui Ă©viter la spĂ©culation financière et commerciale comme la benne Ă  ordures. Et qu’une fois adultes, il arrive que nous perdions ce combat titanesque. Aucun adulte ne peut s’exclamer, comme quelques rares boxeurs, qu’il compte uniquement des victoires dans son parcours personnel.

 

Et je crois aussi que si nous continuons à vivre, à faire des enfants, à nous multiplier sur la Terre, malgré tous les signaux alarmants qui proviennent de nos propres comportements, c’est parce qu’il existe une raison- qui nous dépasse- qui fait de nous des êtres doués pour la vie quelles que soient les conditions.

 

Ce qui est très difficile à accepter pour l’être humain d’aujourd’hui, c’est le tri sélectif.

 

MalgrĂ© ou Ă  cause de toute sa science, de toute son Ă©rudition, de toutes ses solutions, l’être humain voudrait pouvoir dĂ©cider de tout et avoir le choix absolu. Or, il doit continuer d’apprendre que ses possibilitĂ©s de choix et de libertĂ©s restent fugaces, volatiles, imprĂ©cises et limitĂ©es.  Qu’il suffit parfois d’une rue, d’une dĂ©cimale, d’une seconde, d’une virgule, d’un regard, d’un mot, pour qu’un tri s’impose Ă  lui  violemment.

A ses choix,  Ă  sa vie ou Ă  celles et ceux de ses voisins et de ses proches. Et, cela,  selon des critères pour lesquels, rien ni personne ne lui demandera son avis.  Notre vie moderne nous fait oublier constamment cet enseignement : nous sommes des corps soumis Ă  un tri plutĂ´t que des fantĂ´mes et cela a un prix.

 

Ce prix peut être insupportable. Car nous croyons en cette illusion que, forts de nos savoirs, de nos connaissances et de notre puissance, que nous pouvons décider de ce prix ou le négocier. Parce-que, d’une certaine façon, nous nous croyons éternels ou irremplaçables sur Terre. Et, ça, c’est aussi une sacrée illusion humaine pleine d’avenir. Contre ça, crier et pleurer peut peut-être soulager pendant quelques temps. Puis, il faudra vivre, si on le peut, parce-que c’est tout ce qui nous restera.

 

 

Franck Unimon, ce lundi 6 janvier 2020.

 

 

 

 

 

 

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Jours de grève

 

                                                          Jours de grève

 

 

Le mouvement des gilets jaunes a dĂ©butĂ© il y a un peu plus d’un an maintenant( CrĂ©dibilitĂ©).  

J’ai lu quelque part qu’il y aurait 8000 manifestations par an en France et que les faire « encadrer » par les forces de l’ordre coĂ»terait 150 millions d’euros Ă  l’Etat. Ce soir, je ne trouve pas mes « sources ». 

Depuis ce 5 dĂ©cembre 2019, la grève des transports en commun en rĂ©gion parisienne a dĂ©butĂ©. LĂ , je n’ai pas besoin de sources. Comme beaucoup, je m’adapte Ă  cette grève des transports en commun. Je m’estime nĂ©anmoins moins pĂ©nalisĂ© que d’autres par cette grève- dure- des transports en commun :

Je peux me rendre Ă  mon travail Ă  vĂ©lo en une quarantaine de minutes. Je peux me doucher Ă  mon travail. Et un certain nombre de trains passe encore par Argenteuil Ă  certaines heures de la journĂ©e. Argenteuil reste mieux desservie que bien d’autres villes  de banlieue et mieux aussi que certains coins de Paris.

Depuis le dĂ©but de la grève des transports, seules les lignes de mĂ©tro 1 et 14, les deux seules lignes entièrement automatisĂ©es, ont vraisemblablement continuĂ© d’acheminer des passagers comme si de rien n’Ă©tait. La ligne 7 du mĂ©tro a pu ĂŞtre active au bout de quelques jours. Et j’ai entendu parler de la ligne 5, peut-ĂŞtre, Ă  certains endroits. Autrement, toutes les autres lignes de mĂ©tro sont actuellement « mortes ». 

Certains bus sont prĂ©sents. Et souvent bondĂ©s. Dans certaines rues de Paris, par moments, on peut ressentir une petite sensation de hâte, parmi tous ces piĂ©tons en surplus. C’est ce que j’ai ressenti avant les fĂŞtes de NoĂ«l Ă  la marche en me dirigeant vers la place Clichy depuis la gare St Lazare.

 

Pour moi, la raison de cette grève prolongĂ©e des transports en commun parisiens est destinĂ©e Ă  protester contre la rĂ©forme des retraites. Le 5 dĂ©cembre, les personnels des Ă©coles et des hĂ´pitaux publics faisaient Ă©galement grève. 

 

Je crois que la longĂ©vitĂ© de cette grève des transports va changer l’Ă©tat d’esprit de quelques personnes : par exemple, dans mon service, plusieurs de mes collègues viennent dĂ©sormais Ă  vĂ©lo au lieu de prendre les transports en commun. Un de mes collègues m’a appris qu’il pouvait ĂŞtre très difficile de trouver un vĂ©lib. Il regrettait d’avoir choisi l’option d’avoir pris un abonnement aux vĂ©lib en prĂ©vision de la grève. Il estimait qu’il aurait mieux fait de s’acheter un vĂ©lo.

J’ai appris par une collègue que les gens faisaient la queue pour faire rĂ©parer leur vĂ©lo Ă  DĂ©cathlon. Cette collègue n’a pas eu de chance : deux crevaisons en deux jours. Elle avait reçu son vĂ©lo neuf trois semaines plus tĂ´t. La première fois, Ă  DĂ©cathlon, sa crevaison avait Ă©tĂ© rĂ©parĂ©e assez rapidement. La seconde fois, elle avait dĂ» attendre 3h30.  » C’est 30 minutes par vĂ©lo » selon les propos d’un des employĂ©s de l’enseigne. Cette grève des transports doit rendre heureux les vendeurs de vĂ©los et de trottinettes .

 

Avant cette grève, je n’avais jamais fait le trajet Ă  pied jusqu’au travail depuis la gare St Lazare. Pourtant, j’aime marcher. Mais la « facilité » des transports en commun et leur caractère pratique m’ont souvent rattrapĂ©. MĂŞme si j’essaie de plus en plus de rompre avec cet espace d’enfermement que peuvent ĂŞtre le mĂ©tro, les couloirs du mĂ©tro ainsi que les contrĂ´les de  » titre de transport » et leurs auxiliaires  dissĂ©minĂ©s  : les portes de « validation ». 

Il est vrai que j’habite Ă  une distance « raisonnable » de mon lieu de travail. A environ 14 kilomètres. Si j’habitais Ă  Melun ou Ă  Cergy, je m’abstiendrais d’essayer de venir au travail Ă  vĂ©lo ou Ă  pied. 

 

En me rendant au travail Ă  pied depuis la gare St-Lazare, lorsque j’ai pris le train Ă  Argenteuil, j’ai parfois eu l’impression que certaines personnes Ă  vĂ©lo se sentaient particulièrement privilĂ©giĂ©es par rapport Ă  nous, les piĂ©tons. Je me suis dit qu’il suffisait de peu pour se sentir avantagĂ© et aussi de très peu pour crever. Ce qui m’est arrivĂ© d’ailleurs quelques jours plus tard en rentrant du travail. J’ai fini mon parcours en marchant Ă  cĂ´tĂ© de mon vĂ©lo pendant deux kilomètres. Il faisait assez frais. Quelques cyclistes, dont une espèce de club ou d’association de cyclistes, m’a dĂ©passĂ© sans s’arrĂŞter. Je ne leur en ai mĂŞme pas voulu.

J’avais tout ce qu’il fallait dans mon sac pour rĂ©parer. Mais je suis assez peu manuel. Je me suis dit que le temps de trouver l’endroit de la crevaison et Ă©tant donnĂ© ma lenteur, j’avais plus de chances d’attraper une pneumonie.

Bon, j’ai quand mĂŞme fait le nĂ©cessaire pour prendre le temps de rĂ©parer ma crevaison deux ou trois jours plus tard. J’ai mĂŞme fait beaucoup mieux que ça :

Après avoir rĂ©parĂ© ma crevaison,  j’ai gonflĂ© ma chambre Ă  air. Mais je n’Ă©tais pas satisfait. Je l’ai gonflĂ©e davantage. Mais quelque chose me gĂŞnait. Je trouvais que le pneu ne restait pas assez gonflĂ©. Donc j’ai gonflĂ© encore un peu. La chambre Ă  air a Ă©clatĂ©. Je ne crois pas l’avoir (trop) gonflĂ©e. Je crois que cette chambre Ă  air avait fait son temps. Heureusement, j’avais une chambre Ă  air toute neuve de rechange avec moi. Et quand je l’ai gonflĂ©e, elle,  son comportement m’a satisfait. 

 

Le 10 et le 11 dĂ©cembre, j’ai pris les transports en commun pour aller Ă  Paris. Nous sommes le 29 dĂ©cembre mais mes photos  » dans » les transports en commun datent du 10 et du 11 dĂ©cembre. Je n’en n’ai pas pris d’autres depuis : je me suis peut-ĂŞtre dĂ©ja un peu « habitué » Ă  cette grève des transports.

Le 10 dĂ©cembre, je suis allĂ© Ă  Paris pour voir en projection de presse, le premier long mĂ©trage d’Abdel Raouf Dafri: Qu’un sang impur…  . Je suis allĂ© le voir avec une amie dont c’est l’anniversaire demain si je me souviens bien.

Cela aurait sĂ»rement Ă©tĂ© « mieux » d’avoir des photos plus rĂ©centes de cette grève des transports en commun mais je me dis que c’est dĂ©ja « bien » d’en avoir quelques unes pour cet article. Avant que l’annĂ©e 2020 nous entraĂ®ne sur ses rails. Ce sont peut-ĂŞtre quelques uns des derniers clichĂ©s que j’ai pris avec mon Canon G9X Mark II que je crois avoir perdu car je ne le retrouve pas.  

Franck Unimon

A la gare St Lazare, ce 10 décembre 2019.

 

En chemin vers la projection de presse de  » Qu’un sang impur » d’Abdel Raouf Dafri. Comme on peut le voir, la grille de la station de mĂ©tro Miromesnil est baissĂ©e.

 

Au milieu de l’embouteillage, des personnes qui ont sans doute pris le parti de se dĂ©placer Ă  vĂ©lo.

 

 

 

 

 

Après la projection de presse de  » Qu’un sang impur », sur les Champs ElysĂ©es, vers 18h/18h30 ce mardi 10 dĂ©cembre 2019.

 

Ce mardi 10 dĂ©cembre 2019 sur les Champs après la projection de  » Qu’un sang impur ».

 

 

Aux Halles ce mercredi 11 dĂ©cembre 2019, c’est plutĂ´t rare, en pleine journĂ©e de voir cette station aussi « vide ». MĂŞme si j’ai un peu trichĂ© pour Ă©viter de prendre quelqu’un en photo, il y a toujours du monde Ă  cette station en pleine journĂ©e.

 

Les Halles, ce 11 décembre 2019.

 

Aux Halles, ce 11 décembre 2019.

 

Station Les Halles, le 11 décembre 2019.

 

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Zombie public

                                           

 

                                              Zombie public

 

J’avais d’abord passé une nuit périssable. Vers deux heures trente, la petite était venue me trouver. Comme établi par sa mère – enfin- fatiguée de se lever en pleine nuit. Puis, j’avais dû changer de pièce à cause du bruit. Tout ça pour me rendre compte trois quarts d’heure plus tard que la petite chantonnait ou se racontait des histoires. Il était alors 3h30 du matin et j’allais l’emmener à l’école quelques heures plus tard. Cette petite « timide » était peut-être à l’école primaire et avait sûrement un très mauvais père mais elle savait déjà plus que lui parler :

« Tu vas me briser le cœur ! » m’avait-elle dit les yeux grand ouverts deux jours plus tôt alors que je la disputais.

En outre, c’était son anniversaire et la veille au soir, il avait fallu renoncer aux devoirs de l’école. Après avoir pourtant très bien commencé la lecture des sons comme demandé par sa maitresse, au bout d’à peine cinq minutes, elle s’y était ensuite refusée et avait fini par s’insurger. Criant qu’elle ne voulait pas faire les devoirs ! C’était nul, l’école et les devoirs ! Quelques jets de coussins par terre avaient suivi.

J’avais alors décrété la fin des devoirs et étais allé expliquer à sa mère qu’il valait mieux passer par la case dîner et dodo. Puisque la petite clamait qu’elle était fatiguée !

Au coucher, je lui avais fait la morale : « Etre grand, c’est faire ses devoirs quand on en a ». Auparavant, à cette petite qui m’avait redit son ambition d’être « une princesse », j’avais déja répondu avec un peu de fiel :

« Tu sais, les princesses, aussi, ont des devoirs ».

 

Au réveil, tout s’était finalement très bien passé avec la petite. Même s’il avait quand même fallu lui rappeler que le temps du dodo était désormais terminé. Et qu’il ne s’agissait plus d’essayer de trouver une position confortable dans son lit afin de mieux dormir. Toilette, rangement des jouets, petit-déjeuner, séparation d’avec maman lors de son départ au travail, fin des devoirs de la veille avant de partir à l’école, tout s’était très bien passé. Et, c’est une petite détendue et chantante que j’avais déposée à l’école sous la pluie fine.

Avant que je ne reparte, la maitresse à l’entrée de la cour s’était subitement rappelée : Pour savoir où nous en étions concernant le nombre de perles à assembler par dix, à raison d’une perle par jour, pour arriver au chiffre cent, il suffisait de regarder dans le cahier jaune. En effet, trois jours plus tôt, je m’étais à nouveau excusé auprès d’elle car nous nous étions perdus dans le nombre de perles, sa maman et moi. Et, la veille encore, ma compagne (ou ma femme pour s’harnacher scrupuleusement au protocole social) m’avait répondu :

« ça fait trop de choses, on verra ça pendant les vacances scolaires ! ».

 

Après l’école ce matin, j’avais un peu d’avance pour me rendre Ă  la Banque Postale. Au 20ème siècle, le très grand physicien du rire Pierre Desproges avait dĂ©couvert le principe selon lequel « lorsque l’on plonge un corps dans un liquide, le tĂ©lĂ©phone sonne ». C’était avant internet et la tĂ©lĂ©phonie mobile. Lorsque ça avait sonnĂ© plusieurs fois Ă  l’interphone deux jours plus tĂ´t, j’avais refusĂ© de me lever. J’étais plongĂ© dans l’Ă©criture et j’en avais assez ! Ce devait encore ĂŞtre un voisin qui avait oubliĂ© ses clĂ©s et sonnait un peu partout pour entrer dans l’immeuble !

Puis, dans notre boite à lettres- trop petite- j’avais trouvé cet avis de passage du facteur m’informant de mon absence alors qu’il avait l’intention de me délivrer un colis. Je devrais donc me rendre à la Banque Postale à partir du lendemain à 14h. Ce matin, deux jours plus tard, j’étais à mi-chemin lorsque je me suis rappelé que la Banque Postale, désormais, ouvrait à 9h30 et non plus à 9h voire à 8h30 comme avant. Quand ses agences étaient ouvertes dans d’autres endroits de la ville. Depuis deux ou trois mois, maintenant, son agence commerciale avait été rapatriée dans ce centre commercial que j’avais toujours très vite et très mal supporté et évité le plus possible. Ce centre commercial me faisait un peu le même effet que le tabac fumé.

Pendant des années, je pouvais être en présence de l’un comme de l’autre sans m’en sentir gêné. Aujourd’hui, dès que je suis dans un lieu clos en leur compagnie, je me sens agressé.

J’ai dû être le premier client à entrer dans ce centre commercial dont un vigile aimable et accueillant m’a ouvert la porte. C’était la première fois que je venais aussi tôt. En prenant l’escalator en marche, j’ai regardé ses allées et ses cendres encore vides de tout mouvement. Posté devant la grille fermée de la Banque Postale avec une bonne demi-heure d’avance, il s’agissait d’adopter une stratégie permettant d’enlever le temps d’attente de mes pensées. Pour cela, je me suis rabattu sur le journal gratuit de la ville. Parcouru en cinq minutes. J’ai flirté un peu avec mon téléphone portable (sms, réseau social…) avant de l’éteindre à nouveau. Entretemps, assez rapidement, d’autres personnes sont venues me rejoindre devant La banque postale. Des mamans, certaines voilées, et quelques hommes d’une bonne quarantaine d’années. Si au début, j’étais calme, j’ai commencé à me sentir un peu stressé. Ce centre commercial était un cercueil. Et j’avais l’impression que mon soulagement viendrait plus de ma sortie de celui-ci que de l’obtention de mon colis. Il y avait de plus en plus de monde derrière moi et sur mes côtés. Une bonne trentaine de personnes. Quelques fois, des employés de la Banque Postale se faufilaient entre nous. Un ou une de leur collègue leur ouvrait alors le rideau de fer et la nouvelle ou le nouvel employé ( e ) se courbait pour entrer dans ce lieu que nous convoitions et qui redevenait à nouveau physiquement inaccessible.

J’ai entendu la musique d’ambiance du centre commercial. Une musique de chiotte comme souvent. A quelques mètres devant nous, à travers le rideau refermé, j’ai aperçu l’écran du téléviseur sur lequel passait une pub puis une autre. Tout près de nous, devant la grille fermée, entre deux distributeurs, il y avait cette pancarte publicitaire montrant une jeune femme svelte en pantalon, élégante, maquillée, souriante, pouvant avoir la vingtaine comme la trentaine. Et, un peu plus haut, cette « maxime » :

« Les tarifs de la banque postale ne changent pas en 2019. Nous protégeons votre pouvoir d’achat ». J’ai pensé à un de mes rendez-vous avec notre «conseillère », dans une autre banque, quelques mois plus tôt. Celle-ci, comme bon nombre de ses semblables, expliquerait sans doute qu’elle aime beaucoup le « relationnel » avec les clients. Mais je m’étais trouvé dans un bureau en contre-plaqué alors qu’elle accédait à son ordinateur professionnel. Et, hormis une bouteille d’eau, son sac, une ou deux photos, ses stylos et une bricole, je m’étais dit que cet endroit qui faisait office de banque pourrait tout aussi bien être transformé en tout autre chose.

Notre conseillère s’était ensuite préoccupée de moi en s’en tenant à des protocoles édictés soit par son ordinateur, soit par sa hiérarchie et les axes décidés lors de réunions, soit par sa formation, et, bien-sûr, par son tempérament en dernier ressort.

A travers le rideau baissé, ce matin, nous avons vu les employés de la banque postale se faire la bise pour se dire bonjour. Dans « notre » banque, à l’ouverture, j’avais vu les employés se faire une poignée de main ou une accolade qui signait leur appartenance à l’agence comme à l’équipe.

Ce matin, à la Banque postale, la responsable d’équipe, une femme d’environ trente ans, s’est mise derrière un guichet. Et la dizaine d’employés, face à elle pour la plupart, l’ont écouté. Je « connaissais » de vue certains des employés. En fait, nous ne connaissons pas ces gens que nous voyons voire revoyons dans ces lieux et ces administrations dont nous attendons souvent des services qui ont pourtant tant d’importance pour nous. Alors que, de leur côté, ces professionnels et ces personnels s’impliquent comme ils le peuvent dans l’exercice de leurs fonctions et selon des objectifs qui leur ont été fixés. Et, ce matin, comme tant d’autres jours, à nouveau, nous étions là, nous, la clientèle, de l’autre côté du rideau fermé tels des zombies ou des animaux de zoo. Nous étions patients et disciplinés. Pourtant, je me suis demandé ce que donnerait une pareille situation si, pour une quelconque raison nous poussant à la panique ou à la colère, nous nous étions impatientés et que, de l’autre côté du rideau, ces mêmes employés avaient dû nous recevoir.

J’ai l’impression que l’agence a été ouverte avec un peu de retard. Je me suis avancé le premier avec ma carte d’identité et mon avis de passage du facteur puisque j’étais le premier arrivé. Une jeune femme, la « responsable » d’équipe que j’avais aperçu, m’a indiqué une table ronde devant laquelle il fallait attendre. Je me suis arrêté devant cette table ronde qui m’arrivait presque à la poitrine et où aucun agent de la Banque postale ne m’attendait. J’ai entendu une employée de la banque postale dire à un ou plusieurs de ses collègues :

« On accueille d’abord les gens ». Pendant ce temps, d’autres agents rĂ©gulaient la circulation, montrant Ă  telle cliente ou tel client oĂą se diriger selon ses «besoins ». Un agent de la sĂ©curitĂ© du centre accueil est entrĂ©, dĂ©tendu. Mais je me suis demandĂ© ce qu’il aurait bien pu faire, tout seul, en cas de tumulte.

Après quelques minutes, une femme d’une cinquantaine d’années s’est mise devant nous un peu comme la responsable « d’équipe » l’avait fait avec eux. Montrant un avis de passage à hauteur de visage, elle a dit d’une voix moyennement forte :

« Je m’occupe des instances. VĂ©rifiez bien la date sur votre avis de passage. Car si le facteur est passĂ© hier, le colis sera disponible le lendemain Ă  partir de 14h». Puis, elle s’est occupĂ©e de moi. J’étais bien dans les clous. Elle m’a ramenĂ© mon colis et m’a souhaitĂ© une bonne journĂ©e. Je l’ai remerciĂ©e et je suis reparti de cet endroit sans regret. Je n’ai pas encore regardĂ© ce qu’il y a dans ce colis.

Franck Unimon, ce jeudi 17 octobre 2019.

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Enfant de la France/ Enfant de la Transe

 

Enfant de la France/ Enfant de la Transe

 

 » Danser, c’est prendre subitement en dĂ©goĂ»t tout ce qui empĂŞche de danser »

 » J’aimerais que l’une de mes chansons revienne, dans quelques annĂ©es, de l’oubli ou des malentendus (…) Faire danser les gens, longtemps après ma mort. La vanitĂ© des vanitĂ©s. Comme ce serait consolant ».

 » Je n’allais pas bien. J’avais quarante et un ans et m’enlisais. Certes, je travaillais dans la plus grosse boite d’Europe, au Cap’tain, en Belgique. Mais ma musique pâlissait, elle devenait minimale, sans âme, la mĂ©lodie n’existait plus. Que n’aurais-je donnĂ© pour renouer avec des Ă©motions simples ! Je rĂŞvais de compositions, de mes propres chansons, mais tout m’en empĂŞchait. Me manquaient le courage, l’argent, la chance. Je vivais seul, dans une maison qu’un Ă©crivain de jadis  eut appelĂ© masure (….) j’Ă©tais un mec Ă  la jeunesse enfuie (…..) sans aucune confiance en lui, odieusement, furieusement, maladivement mĂ©lancolique ».

C’est ce qu’a pu Ă©crire Fred Rister dans son livre Faire Danser les gens que j’avais lu cet Ă©tĂ©. En juillet, je crois. Je m’Ă©tais dit que j’en parlerais ainsi que d’autres de mes lectures. Et puis, je suis parti « ailleurs ».

Je ne connaissais pas Fred Rister avant de tomber sur ce livre Ă  la mĂ©diathèque. Je « connaissais »  de nom David Guetta avec lequel il a composĂ© plusieurs tubes ces dix ou quinze dernières annĂ©es.

L’ancien prĂ©sident de la RĂ©publique Jacques Chirac est mort hier ou avant hier et l’on va beaucoup nous en parler et nous en reparler. Et nous expliquer comme il Ă©tait attachant et comment, avec sa mort, nous avons tous beaucoup perdu en mĂŞme temps qu’un ĂŞtre exceptionnel.

Bien des hommages Ă  certains dĂ©funts « cĂ©lèbres » me donnent l’impression d’ĂŞtre principalement destinĂ©s Ă  nous convaincre comme, nous, les ordinaires, nous avons des vies de merde comparĂ©es Ă  tous ces  » Monsieur » et toutes ces « Dame » qui partent. Car c’est bien connu :  » Seuls les meilleurs s’en vont ».

Alors, ce matin, plutĂ´t que de pleurer sur la mort de Jacques Chirac ou d’une autre personnalitĂ©- qui aura souvent principalement Ă©tĂ© obsĂ©dĂ©e par sa rĂ©ussite personnelle- que l’on nous sortira bientĂ´t de son dernier souffle,  je choisis de faire un hommage tardif Ă  Fred Rister, dĂ©cĂ©dĂ© dans la cinquantaine, le 20 aout dernier, d’un cancer vraisemblablement. Je n’ai pas vĂ©rifiĂ©. Mais en lisant son livre, j’avais appris qu’il avait commencĂ© Ă  se battre contre le cancer alors qu’il avait une vingtaine d’annĂ©es.

Après avoir lu son livre cet Ă©tĂ©, et donc vraisemblablement quelques semaines avant sa mort, j’avais eu envie de le contacter. De l’interviewer. C’Ă©tait Ă©videmment dĂ©ja trop tard et dĂ©placĂ©. Mais certains Ă©crits m’ont dĂ©ja donnĂ© cette envie.

Je n’aime pas particulièrement ce que j’ai pu entendre, pour l’instant, de la musique de David Guetta. Mais j’avais Ă©tĂ© très touchĂ© par le livre simple et sincère de Fred Rister. Bien qu’il laissera sĂ»rement moins de souvenirs que le livre sur la techno Ă©crit par Laurent Garnier, autre DJ français Ă  la renommĂ©e internationale.

C’est en réécoutant bien fort un Cd du groupe Tabou Combo que je mets ce matin la dernière touche Ă  cet article. La musique de Tabou Combo, le Kompa, n’a au dĂ©part rien Ă  voir a priori avec l’univers musical de Fred Rister, David Guetta, Laurent Garnier et de leurs inspirateurs, contemporains et successeurs.

 

En ce moment, j’écoute beaucoup le quadruple album du groupe Tabou Combo (Gold) empruntĂ© Ă  la mĂ©diathèque. C’est une façon pour moi de retrouver des titres que j’ai pu entendre enfant dans les soirĂ©es antillaises (baptĂŞmes, mariages, repas familiaux…) oĂą mon père nous emmenait et dont j’ignorais les titres. Et de les réécouter avec mes oreilles d’adulte d’aujourd’hui et amateur de musiques. Depuis hier au moins, je reste « bloqué » sur les titres Allo et Banboch Paramount.

Dès le premier titre du premier Cd ( Tu as volĂ© ) de cet album, j’ai Ă©tĂ© Ă©patĂ© par le haut niveau musical de Tabou Combo. Comme on dit : « ça joue ! ».

J’ai aussitĂ´t compris pourquoi ce groupe de musique, ainsi que d’autres formations haĂŻtiennes, dominait le champ musical aux Antilles françaises dans les annĂ©es70 et 80 jusqu’à ce qu’arrive le Zouk et des groupes comme Kassav’ au milieu des annĂ©es 80 Kassav’ .

 

Mais l’autre point qui me marque en écoutant cet album de Tabou Combo est d’ordre sociologique, culturel, identitaire et sans doute religieux.

La musique de Tabou Combo s’inspire au moins des formations Jazz, Funk, rap, ou latines.  J’ai appris cette semaine que Tabou Combo a par exemple Ă©tĂ© très populaire voire l’est encore….au Panama !

La musique de Tabou Combo est donc plutĂ´t cosmopolite et mĂ©tissĂ©e.  C’est pourtant une musique noire, voire sauvage et Ă©bouriffĂ©e, au sens oĂą c’est le corps qui est mis Ă  l’honneur avec la danse, le rythme et la durĂ©e des morceaux. Et que l’on s’y exprime principalement en CrĂ©ole. Soit le contraire de la plus grande partie des tubes de variĂ©tĂ© française des annĂ©es 70 et 80 qui Ă©taient moins faits pour danser et pour entrer en transe. Imaginez-vous en train de danser sur des titres de Sheila, Ringo, Julien Clerc, Charles Aznavour, Mireille Matthieu, Demi Roussos, Alain Souchon, Johnny halliday, Francis Cabrel, Jean-Jacques Goldman, Daniel Balavoine…

Que la transe soit nĂ©anmoins possible avec ces artistes pour leurs fervents amateurs, je peux le concevoir. Je prĂ©cise en outre que j’aime un certain nombre de titres de ces artistes. Mais danser sur leur musique….

 

Alors que les groupes comme Tabou Combo composent des titres pour faire danser les gens tout au long de la nuit et de la vie. Et, ça, c’est plus antillais et noir, africain, noir amĂ©ricain ou latin…qu’europĂ©en, cartĂ©sien, « Macronien » ou « Hollandais » et blanc.

Du moins, ça l’Ă©tait particulièrement dans les annĂ©es 70 et 80.

 

En France, si je dois penser Ă  des artistes qui faisaient danser les gens dans les annĂ©es 70 et 80, je trouve qui ? Claude François. C’est peut-ĂŞtre pour cette raison ( et cette explication parviendra peut-ĂŞtre enfin Ă  me dĂ©barrasser d’une de mes hontes enfantines dĂ©finitives ) que Claude François, Ă  sa mort Ă  la fin des annĂ©es 70, Ă©tait mon chanteur « prĂ©fĂ©ré ».

 

Aujourd’hui, et cela s’est Ă  nouveau vĂ©rifiĂ© Ă  Ă  la fĂŞte de l’Huma il y a quelques jours, il suffit de mettre le titre Alexandrie, Alexandra de Claude François pour que des gens se mettent aussitĂ´t Ă  danser. Maintenant qu’il est mort, peut-ĂŞtre Fred Rister connaĂ®tra-t’il aussi l’honneur d’avoir des vivants qui dansent sur sa musique et qui continueront de le faire.

 

 

On rĂ©pète souvent que les Noirs ont « la musique dans le sang » ou « dans la peau ». Et des Noirs le pensent eux-mĂŞmes. C’est tellement valorisant. Je pense pourtant que c’est faux. La musique est surtout un fait culturel qui se transmet de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration.  Autrement, comme l’aurait dit Desproges, il suffirait que chaque fois qu’un Noir passe Ă  cĂ´tĂ© d’un DjembĂ©, fut-il en vitrine, il se mette Ă  jouer du Tam-Tam ou de la guitare basse comme Mozart a composĂ© de la musique. Je peux en tĂ©moigner :

J’ai essayĂ© de prendre des cours de guitare basse il y a plusieurs annĂ©es. MalgrĂ© le très bon professeur que j’avais et toute la musique Ă©coulĂ©e dans mon corps dès mon enfance, je n’ai jamais rĂ©ussi Ă  ĂŞtre le musicien extraordinaire que je rĂŞvais d’être et ne le serai jamais. Je le regrette encore amèrement. Quant Ă  la danse, on me prĂŞte peut-ĂŞtre certaines aptitudes mais je sais, pour ma part, que le langage de ma danse est limitĂ© et stĂ©rĂ©otypĂ©.  D’ailleurs, pour tout cela, j’en profite pour vous prĂ©senter Ă  vous ainsi qu’à l’HumanitĂ© toute entière, mes plus humbles excuses car j’ai failli.

 

Je pourrais ĂŞtre très raciste et de mauvaise foi et dire que tout est Ă©videmment de la faute de mon professeur (blanc) de guitare basse, cet « incapable »  dont la pĂ©dagogie Ă©tait incompatible avec mon « gĂ©nie » musical nègre. Mais mĂŞme si l’on est douĂ© pour elle, la musique nĂ©cessite travail et rĂ©gularitĂ©. Et j’avais manquĂ© au moins de travail et de rĂ©gularitĂ© dans ma tentative d’apprentissage pratique de la guitare basse dĂ©butĂ©e tardivement Ă  l’âge adulte.

 

Je crois au fait que la musique, dans certaines cultures et certains milieux sociaux, est une fĂŞte et une promotion du corps en mĂŞme temps qu’un Ă©vĂ©nement social alors que dans d’autres cultures et dans certains milieux sociaux, il est honteux de « bouger », de transpirer, de crier ou de faire «bouger » son corps et ses attributs sexuels en public mĂŞme s’ils sont recouverts de vĂŞtements. C’est Ă©videmment une façon diffĂ©rente de vivre avec son corps et sa sexualitĂ©. LĂ  oĂą certains dogmes sociaux et culturels dĂ©cident d’interdire et de limiter le dĂ©placement et les Ă©lans des corps, dernières marches avant l’orgasme, la transe, la « rĂ©vĂ©lation » ou la rĂ©volution, d’autres dogmes, lors de certains rituels sociaux, leur commandent de dĂ©montrer et d’exhiber leur endurance, leur harmonie, leur puissance et leur sensualitĂ©. Car il s’agit sĂ»rement de montrer comme on est un bon parti pour une nuit ou pour la vie.

 

Il y a bientĂ´t deux ans maintenant, au conservatoire d’Argenteuil oĂą j’accompagnais ma fille Ă  son cours d’initiation Ă  la danse, au chant et Ă  la musique, j’avais entendu un petit de l’âge de ma fille demander Ă  voix haute Ă  sa mère s’ils avaient dansĂ© son père et elle Ă  leur mariage. La maman, souriant d’ĂŞtre interpellĂ©e publiquement de cette façon par son fils, lui avait rĂ©pondu, comme une Ă©vidence, que, non, ils n’avaient pas dansĂ© lors de leur mariage. Je suis persuadĂ© que l’on peut faire et vivre un très beau mariage sans danser. Mais je suis aussi tout autant persuadĂ© qu’il est inconcevable pour un Antillais que la musique et la danse soient absentes de son mariage ou de tout Ă©vĂ©nement particulier de sa vie. J’ai encore un peu honte vingt ans plus tard d’avoir très mal choisi le DJ qui avait animĂ© la soirĂ©e d’un de mes pots de dĂ©part. Je suis sĂ»rement le seul Ă  me rappeler de cette erreur de casting.

Et il y avait bien-sĂ»r de la musique et de l’espace pour danser Ă  mon mariage. Au prĂ©alable, j’avais pris soin de constituer moi-mĂŞme la liste des titres et de la transmettre au DJ afin qu’il la passe.

Et, si j’avais pu financièrement, j’aurais fait venir un groupe de Gro-Ka. En Bretagne.

 

Et je garde encore un souvenir très mitigĂ© de cette connaissance alors en couple avec un Antillais. Cette femme m’avait appris ne pas aimer la musique antillaise. Ce qui Ă©tait son droit. En revanche, sa remarque suivante m’avait froissĂ© alors qu’elle constatait, avec un certain dĂ©dain victorieux :

« Maintenant, il a compris : il écoute au casque ! ».

 

Je crois qu’Ă  partir des annĂ©es 80 et 90, sans doute avec l’apport des musiques « noires », en particulier de la Techno et de la house de Detroit et de Chicago, mais aussi de la musique africaine et du Zouk, le rapport Ă  la musique et Ă  la danse s’est transformĂ© et un peu plus « ouvert » en France  :

Bien avant cela, il y avait Ă©videmment dĂ©ja des Blancs qui dansaient et aimaient danser ou en avaient besoin. On sait nous citer et nous remĂ©morer par exemple les Fred Astaire et les Gene Kelly et d’autres artistes tels Ninjinsky et tous leurs prĂ©dĂ©cesseurs en Europe.

DĂ©sormais, des musiques comme la Salsa, le Zouk, le Kompa, le Hip-Hop, le Ragga, la Rumba congolaise, le M’balax, le RaĂŻ, le Maloya et bien d’autres « autrefois » plus considĂ©rĂ©es comme des genres « ethniques » rĂ©servĂ©s aux non-blancs sont plus dansĂ©es- et Ă©coutĂ©es- par les Blancs. Et dans une interview, l’un des membres du groupe Justice peut dire de façon dĂ©contractĂ©e que le Rap fait partie des musiques qu’il Ă©coute. Il y a quarante ans, il n’Ă©tait peut-ĂŞtre pas nĂ© ou seulement depuis peu, le mĂŞme n’aurait pas pu dire ça : en France,  Le Rap Ă©tait plutĂ´t la musique Ă©coutĂ©e par  des jeunes en colère qui avaient du mal Ă  se faire accepter de la sociĂ©tĂ© française et des Ă©lites installĂ©es ( comme Jacques Chirac et d’autres) et refusaient de se laisser dominer par elles.

 

A la fête de l’Huma il y’a bientôt dix jours, avant sa venue sur scène, le groupe Kassav’ comme le 11 Mai dernier à la Défense ( Un Moon France en Concert) , a « mis » un titre du groupe Akiyo, un groupe de « tambours » de référence en Guadeloupe et que je n’ai jamais « vu » en public.

A la fĂŞte de l’Huma( Quelques photos de la fĂŞte de l’Huma 2019) ,  SonjĂ© (rappelle-toi/ N’oublie pas) le premier titre de Kassav’ interprĂ©tĂ© sur scène rappelait cette Ă©poque (sans doute en Afrique, donc, avant l’esclavage mais aussi lors de l’esclavage aux Antilles ) oĂą la communautĂ©, toutes gĂ©nĂ©rations confondues, dansait et vivait autour du Tambour dans une certaine unitĂ©.

Je ne crois pas l’avoir entendu mentionnĂ© dans leur chanson mais lors d’un enterrement, aux Antilles, la musique est prĂ©sente. Et des anecdotes sur la dĂ©funte ou le dĂ©funt peuvent aussi ĂŞtre racontĂ©es.

 

J’aime écrire et dire que mon père m’a raconté qu’un de mes cousins éloignés du côté maternel, Marcel Lollia dit Vélo, était allé jouer à l’enterrement d’un de ses amis même si, au départ, les personnes endeuillées voyaient cela d’un mauvais œil. Sûrement parce-que ça faisait « mauvais genre », qu’il présentait mal (Vélo est mort pauvre, alcoolique et quasi SDF alors qu’il avait une cinquantaine d’années) et aussi parce qu’il était venu avec son tambour plutôt qu’avec une tenue vestimentaire protocolaire.

 

Egalement en Guadeloupe, à la mort de ma grand-mère maternelle, j’avais appris qu’un de mes cousins avait joué du Ka.

 

Pour extraordinaires qu’elles soient, ces deux histoires me semblent complètement normales. Pourtant, si je reviens un peu Ă  moi et que je prends quelques secondes pour les regarder depuis une perspective de citadin «parisien » rationnel et lambda, ce que je suis aussi, je m’aperçois qu’elles auraient de quoi apparaĂ®tre encore « exotiques » ou «bizarres » pour certains esprits pourvus d’une autre logique et d’autres « principes » face Ă  la vie et Ă   la mort. MĂŞme si depuis les annĂ©es 90 Ă  peu près, le rapport Ă  la danse et Ă  la musique a changĂ© en France, cela est vrai pour une certaine partie de la population française :

 

Les Ă©vĂ©nements festifs cet Ă©tĂ© Ă  Nantes qui se sont mal terminĂ©s ( avec un affrontement avec les forces de l’ordre et plusieurs noyĂ©s dont un, Steve,  dans des circonstances très douteuses) indiquent quand mĂŞme que la musique et la fĂŞte peinent aussi difficilement Ă  coexister avec les AutoritĂ©s de notre pays et certaines et certains en province mais aussi Ă  Paris.

 

 

Il demeure néanmoins : depuis longtemps, pour moi, lors d’un enterrement, l’absence de musique et de rires est pire que la mort elle-même.

 

En écoutant cet album de Tabou Combo depuis quelques jours, groupe que j’ai entendu depuis mon enfance en France et en Guadeloupe, je comprends donc mieux (là où je le subissais principalement jusqu’alors) ce décalage culturel évident qui existait et subsiste encore entre moi, ce monde dont je viens, et certains de mes amis, amies, copains, copines et collègues blancs et français jusqu’au bout du corps, des oreilles et des ongles de façon assez « traditionnelle » ou « conventionnelle ». Surtout s’ils restaient et restent cantonnés à leurs repères culturels et musicaux souvent faits de musique anglo-saxonne ou de titres exclusivement français, musiques et titres, qu’un métis culturel comme moi (mais aussi bon nombre de mes compatriotes aux Antilles) ingéraient très tôt et continuent d’ingérer par ailleurs en parallèle.

 

 

A parler musique, j’ai une anecdote pour illustrer Ă  la fois ce dĂ©calage et cette fermeture d’esprit d’ordre culturel de certains de nos amies et amis français et blancs  » traditionnels » ou « conventionnels » en dĂ©pit de leur sincère  amitiĂ© pour nous, les Noirs, les autres, les diffĂ©rents ou les fous de France :

 

L’année dernière ou cette année, un de mes amis m’a proposé d’aller avec lui à un concert de musique. La place de concert était très chère. Et c’est sans doute ce qui m’a d’emblée fait reculer même si j’aime beaucoup cet ami et aurais été volontaire pour aller écouter en concert cet artiste dont j’aime plusieurs titres :

La place de concert était en moyenne à 70 euros.

 

Cet ami avait déjà acheté sa place. Et, il s’y rendait avec au moins une autre personne qui avait déjà également sa place de concert. Alors que j’écris cet article, j’oublie le nom de cet artiste qui a fait partie des Pink Floyd. Cet «oubli» vient sans doute du fait que cette anecdote m’a finalement permis de me rendre compte , l’année de mes 50 ans, que j’avais régulièrement vécu ce genre de situation en France :

OĂą, moi, le Français noir, le Français d’origine antillaise, le NĂ©gropolitain, le Moon France (Moon France ), le Bounty, Le Nègre volant non identifiĂ© ( selon certaines dĂ©finitions « affectueuses » de mes compatriotes pour les Antillais  nĂ©s comme moi en France) je peux me faire Ă  la musique et Ă  une langue d’ailleurs ( distincte de celle de mes ancĂŞtres et de mes origines) et la faire mienne tout en gardant celle que m’ont donnĂ©e mes parents tandis que mes amis « blancs », eux, s’abstiennent de faire la mĂŞme dĂ©marche vers mon univers musical. Et culturel.

 

Et, à propos de cet ami, je m’étais avisé que si je pouvais, moi, me rendre au concert qu’il me proposait et y prendre plaisir, lui, ne viendrait jamais avec moi à un concert de Kassav’ ou de Zouk. La différence, pour moi, ne provient pas seulement du fait que certaines personnes vont avant tout à un concert de musique pour la « cérébraliser » là ou d’autres y vont avant tout ou principalement pour danser et chanter. Je suis moi-même très cérébral.

 

La diffĂ©rence provient selon moi aussi du fait que certaines personnes, noires ou blanches, sont plus ouvertes que d’autres tout simplement. Pour certaines personnes, aller vers un certain inconnu, musical ou autre, revient très vite Ă  aller se risquer dans un coupe-gorge en dents de scie ou Ă  aller Ă  la rencontre de fous dangereux en libertĂ© dans un asile psychiatrique. Car, Ă©videmment, si l’on peut aimer se rendre Ă  un concert pour danser et chanter, on peut tout aussi bien ĂŞtre aussi celle ou celui qui sera content(e ) d’aller Ă©couter, assis, de la musique classique ou une musique qui ne « se danse pas » et ne se chante pas. Un peu plus haut dans cet article, je brocarde un peu certains artistes français majeurs. Mais si j’avais pu me rendre, j’aurais aimĂ© me rendre Ă  un concert de Johnny Halliday. Je me suis abstenu de le faire sur la fin de sa carrière car j’ai refusĂ© de me rendre Ă  un de ses concerts pour le voir en minuscule sur grand Ă©cran parmi une foule plus que nombreuse. Et, si j’avais la disponibilitĂ© pour cela, j’aurais la curiositĂ© d’aller voir la plupart des autres artistes ( pour celles et ceux qui sont encore vivants) que j’ai citĂ©s avec lui.

 

Je fais partie de ces personnes qui peuvent se rendre Ă  un concert pour dĂ©couvrir une artiste ou un artiste que je ne connaĂ®s pas ou que je  n’ai jamais entendu. Au mĂŞme titre qu’en allant voir un film, je veux en savoir le moins possible sur l’histoire.

 

Je ne connaissais pas Brigitte Fontaine avant d’être emmené par une amie à un de ses concerts au Bataclan il y a une quinzaine d’années. D’autres personnes auraient eu la même curiosité et la même disponibilité que moi, blanches ou noires. Alors que d’autres s’y seraient catégoriquement opposées. Il aurait presque fallu leur proposer une prépa concert avec une cellule de débriefing à la sortie. Et c’était plusieurs années avant le très douloureux attentat « du » Bataclan.

 

Dans la même idée, je n’avais jamais écouté le moindre titre de Joe Bonamassa lorsque Christophe Goffette, mon ancien rédacteur en chef de Brazil et également rédacteur en chef, alors, du magazine musical XCrossroads m’avait permis de me rendre à un de ses concerts à Paris. J’avais découvert l’artiste sur scène, donc dans les meilleures conditions, en me rendant seul à son concert. Au très grand plaisir de cette découverte (je me répète) musicale avait répondu l’attitude étonnante d’un des spectateurs assis juste à côté de moi.

Alors que j’avais voulu converser civilement avec lui, celui-ci, dès l’extinction des lumières dans la salle, au dĂ©but du concert, avait rabattu avec autoritĂ© sur son visage une paire de lunettes noires. Et, il avait arborĂ© l’air sĂ©rieux et butĂ© de celui qui n’était pas lĂ  pour rigoler ou discuter. Cette attitude Ă©trange, mettre des lunettes noires dans une salle dĂ©jĂ  noire, et plutĂ´t hautaine de façon dĂ©placĂ©e (Ps : la musique de Joe Bonamassa et sa façon de chanter doivent beaucoup au Blues)  m’avait informĂ© que cet homme qui se tenait près de moi Ă©tait plutĂ´t du genre (très) fermĂ© sur lui-mĂŞme. Ce qui ne m’avait pas empĂŞchĂ© d’aimer le très bon concert de Joe Bonamassa. MĂŞme si, ensuite, ses albums que j’ai Ă©coutĂ©s m’ont fait moins d’effet.

 

Aujourd’hui, en France, les Angèle, Aya Nakamura, Soprano et autres artistes peuvent ĂŞtre Ă©coutĂ©s par un public variĂ©, adulte comme enfant.  Notre fille nous a surpris rĂ©cemment Ă  chantonner Balance ton quoi d’Angèle Ă  la maison. Depuis, j’ai fait une rĂ©servation sur cet album pour l’emprunter prochainement Ă  la mĂ©diathèque. Et, rĂ©cemment, j’ai Ă©tonnĂ© une « jeune » de vingt ans en lui apprenant que j’avais achetĂ© le dernier Cd d’Aya Nakamura et que je regrettais de l’avoir ratĂ©e Ă  la fĂŞte de l’Huma.

Moi, le quinquagénaire, je continue de prendre le temps- et le plaisir- de découvrir et d’écouter de nouveaux artistes « connus » ou « populaires », en France ou ailleurs, au même titre qu’un morceau de musique classique, de musique perse, de Zouk ou d’autres genres musicaux. La pile de Cds que je continue d’emprunter régulièrement à la médiathèque en atteste. Ainsi que les films que je vais voir pour reparler (un peu) cinéma.

 

Même si j’ai évidemment, aussi, mes standards, la musique est ce qui me permet de rester jeune.

 

Je me rappelle de cette rencontre que deux amis (Jérome et Driss) et moi avions faites, avant nos vingt ans, à la radio FIP où nous nous étions présentés comme ça, un jour.

 

L’animateur radio qui avait eu la gentillesse de nous recevoir quelques minutes dans leur local de vinyles (des étagères pleines de vinyles) avait dit à un de ses collègues qui allait partir en voyage :

 

« N’oublie pas la musique ! ».

 

Franck Unimon, ce vendredi 27 septembre 2019.

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Echos Statiques

BDA

 

Pour la deuxième foi(s) de ma vie, je suis allĂ© Ă  la fĂŞte de l’Huma cette annĂ©e. J’ai pour l’instant renoncĂ© Ă  regarder tous ces grands concerts qui s’y sont dĂ©roulĂ©s dans le passĂ©. Et que j’ai ratĂ©.

 

C’est une forme de dĂ©ni. 

 

Pendant des annĂ©es, pour moi, la fĂŞte de l’Huma, c’Ă©tait peu pratique de s’y rendre. Dans une contrĂ©e un peu trop Ă©loignĂ©e de la banlieue que je connaissais. Ma ville de banlieue d’alors, Cergy-Pontoise, se trouve plus au nord et Ă  l’ouest. La Courneuve, c’Ă©tait un peu plus bas, Ă  l’Est et, en transports en commun, ces deux points cardinaux s’opposaient plus qu’ils se rejoignaient.

Lors de mon existence de Cergyssois, je ne me souviens de personne en particulier, parmi mes amis proches ou collègues,  qui m’ait proposĂ© d’aller Ă  la fĂŞte de l’Huma. Il est bien-sĂ»r nĂ©cessaire de savoir faire montre d’initiative personnelle. Autrement, il est tant d’opportunitĂ©s que l’on rate « faute » de vouloir faire certaines expĂ©riences et d’ĂŞtre Ă  dĂ©couvert Ă  la seule condition d’ĂŞtre entourĂ© ou escortĂ©  par celles et ceux que l’on connaĂ®t ou que l’on croit connaĂ®tre.

Mais j’ai aussi des limites. Et la fĂŞte de l’Huma, pour moi, pendant des annĂ©es, cela se trouvait plus loin que mes limites. C’Ă©tait une curiositĂ©. Je savais qu’elle existait et ça me suffisait.

 

 

En pratique, aujourd’hui, depuis Argenteuil, il m’est plus facile d’ aller Ă  la fĂŞte de l’Huma en transports en commun.  Je prends  le bus 361, puis Ă  la gare d’Epinay sur Seine, je prends le tramway numĂ©ro 11. Après l’arrĂŞt Dugny-La Courneuve qui arrive assez vite, dix bonnes minutes de marche suffisent pour ĂŞtre Ă  la fĂŞte de l’Huma. Et tout ça sans ĂŞtre obligĂ© de repiquer par Paris en transports en commun pour descendre Ă  l’arrĂŞt Le Bourget avec la ligne B du RER.

Mais si je l’avais vĂ©ritablement voulu, j’aurais Ă©videmment pu me rendre Ă  la fĂŞte de l’Huma il  y a dix ou vingt ans.

 

En 2014, c’est depuis la ligne 7 du mĂ©tro que j’avais marchĂ© pour la première fois jusqu’Ă  la fĂŞte de l’Huma. Lorsque l’on aime marcher et que l’on va Ă  un festival de musique pour un groupe de musique que l’on tient particulièrement Ă  voir et Ă  Ă©couter pour la première fois sur scène, trente minutes de marche sont facilement supportables. Surtout si l’on refuse de dĂ©pendre d’un bus ou d’une navette qu’il faut attendre pour une durĂ©e indĂ©terminĂ©e en raison d’une très forte affluence.

 

Massive Attack Ă©tait le groupe que je tenais Ă  voir en 2014. Massive Attack. 2014. C’Ă©tait il y a cinq ans.

 

Cinq ans.

 

Je n’avais pas prĂ©vu que lorsque je me mettrais Ă  Ă©crire cet article sur « ma » fĂŞte de l’Huma de cette annĂ©e 2019, que ces simples mots  » Massive Attack » et l’annĂ©e  » 2014″ me feraient dĂ©vier vers une certaine peine dans le contexte de notre annĂ©e 2019 qui va se terminer d’ici un trimestre.

Je m’attendais plutĂ´t Ă  Ă©crire un article principalement joyeux – j’en suis capable- assorti de photos de concerts et peut-ĂŞtre de courts extraits vidĂ©os de concerts dont je suis très content et qui, je l’espère, vous feront aussi plaisir. Car c’est pour se faire plaisir que l’on se rend gĂ©nĂ©ralement Ă  un festival de musique. Ce festival de musique fut-il engagĂ© et orientĂ©  politiquement de manière explicite comme l’est celui de la fĂŞte de l’Huma.

On va rarement Ă  un festival de musique pour avoir envie de se suicider ou pour dĂ©primer parce-que l’on se sent dĂ©cidĂ©ment trop joyeux et trop lĂ©ger et qu’il est temps que ça cesse, un peu ! C’est donc content que je suis retournĂ© Ă  la fĂŞte de l’Huma cette annĂ©e. D’abord avec femme et enfant. Puis, seul le lendemain pour Youssou N’Dour et Kassav’.

 

Je me culpabilisais un petit peu d’ĂŞtre venu Ă  la fĂŞte de l’Huma uniquement pour la musique, la fĂŞte et la bonne nourriture. Je suis maintenant « rassuré » :

Repenser Ă  l’annĂ©e 2014 et au nom du groupe Massive Attack m’a rĂ©trospectivement rapportĂ© une certaine conscience dont je croyais m’ĂŞtre sĂ©parĂ© le temps du festival.

 

En 2014, je crois me rappeler que le journal Charlie Hebdo tenait un stand Ă  la fĂŞte de l’Huma comme chaque annĂ©e depuis un moment. Cette prĂ©sence de Charlie Hebdo m’avait intriguĂ©. Je n’avais pas creusĂ© davantage. C’Ă©tait une information comme une autre.

 

2014, c’Ă©tait Ă©videmment avant l’annĂ©e 2015 et avant la « massive attaque » des attentats de Charlie Hebdo; de l’assassinat de la policière Clarissa Jean-Philippe qui pensait intervenir sur un simple accident de circulation; les attentats de l’hyper-casher de Vincennes; du Stade de France;  du Bataclan; de Nice…. je ne vais pas vous faire un dessin mais j’ai appris depuis peu qu’il y’aurait 15 000 kalashnikovs en « liberté » dans cette France parallèle et invisible faite de trafics. Et que le bilan  du Bataclan est le rĂ©sultat de trois kalashnikovs face Ă  un public enfermĂ©, surpris, paniquĂ© et dĂ©sarmĂ©.

 

Un de mes anciens amis et collègue, Scapin- dĂ©cĂ©dĂ© entre 2014 et 2016-  d’un cancer quelques annĂ©es avant de prendre sa retraite,  et dont la date anniversaire, de son vivant, Ă©tait le 6 septembre, m’avait appris que la bouffĂ©e dĂ©lirante aigĂĽe ou BDA  était :

 

« Un coup de tonnerre dans un ciel serein« .

 

Hier soir, une de mes collègues Ă©galement infirmière diplĂ´mĂ©e en soins psychiatrique a subitement fait rĂ©fĂ©rence Ă  cette phrase qu’elle connaissait aussi de ses Ă©tudes. Elle s’est un peu trompĂ©e. Elle a d’abord parlĂ©  » d’un Ă©clair dans un ciel serein ». La phrase de mon ami m’est aussitĂ´t revenue. Après l’avoir prĂ©cisĂ©e Ă  cette collègue qui se rapproche de la retraite, j’ai Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© de me sentir aussi touchĂ© et triste Ă  rĂ©entendre cette phrase. Par elle, c’Ă©tait rĂ©entendre mon ami dans la nuit. Revenir en arrière.

 

En 2014, annĂ©e de ma « première » fĂŞte de l’Huma, j’ai l’impression que l’on portait un peu moins d’attention au rĂ©chauffement climatique de la planète et Ă  l’Effondrement. On ne parlait Ă©videmment pas du tout de Donald Trump Ă  la prĂ©sidence des Etats-Unis. De Jair Bolsonaro Ă  prĂ©sidence du BrĂ©sil. D’Emmanuel Macron, prĂ©sident de la France.

On ne parlait pas non plus des gilets jaunes dont c’Ă©tait hier le 45ème samedi de manifestation et de protestation d’affilĂ©e. Ou du Brexit.

 

 

Dimanche dernier, sur la grande scène de la fĂŞte de l’Huma, Dilma Roussel est venue tenir un discours en Français. Patrick le Hyaric, le directeur actuel du journal l’HumanitĂ©, en grande difficultĂ© financière, se tenait près d’elle. Il n’Ă©tait plus le Patrick Hyaric que j’avais aperçu fin aout en allant acheter mes bons de soutien Ă  la fĂŞte de l’Huma( lire La fĂŞte de l’Huma). Ce jour-lĂ , il Ă©tait quelque peu isolĂ© près de la Fontaine des innocents malgrĂ© la prĂ©sence d’une trentaine de personnes. Un animateur ou un candidat vedette de l’Ă©mission Danse avec les stars ou de The Voice Kid aurait aisĂ©ment attirĂ© l’attention d’une foule plus consĂ©quente.

Mais dimanche dernier, Ă  la fĂŞte de l’Huma, plusieurs milliers de personnes qui attendaient le concert de Kassav’ ont Ă©coutĂ© Dilma Roussel tenir un discours anti-Bolsonaro et pro-Lula.

Après elle, Priscilla, une des « meneuses » du mouvement des gilets jaunes est venue s’exprimer. Je ne la connaissais pas. Elle a rappelĂ© le nombre de personnes qui ont perdu un oeil du fait de l’usage du LBD par les forces de l’ordre lors des manifestations des gilets jaunes. Ainsi que le nombre de blessĂ©s autres. Elle a aussi Ă©voquĂ©- et dĂ©menti- le fait que le mouvement des gilets jaunes ait Ă©tĂ© qualifiĂ© « d’homophobe » et de « raciste » afin d’ĂŞtre discrĂ©ditĂ© par le gouvernement Macron.

 

 

Bien-sĂ»r, les interventions de Dilma Roussel et de Priscilla avaient des allures de grossière propagande communiste datant d’avant la chute du mur de Berlin devant des milliers de festivaliers ultra-connectĂ©s.

Mais ce qui Ă©chappe Ă  la propagande, c’est le fait que, dĂ©sormais, en France quatre journaux traditionnels ( au format papier) se soustraient encore Ă  la mainmise de groupes industriels et financiers :

L’HumanitĂ©, en grande difficultĂ© financière.

Charlie Hebdo , renflouĂ© Ă©conomiquement pour l’instant « grâce » Ă  l’attentat et au sacrifice de plusieurs de ses membres en janvier 2015.

La Croix

Le Canard EnchaĂ®né qui fournissait encore cette information dans son numĂ©ro de ce mercredi 18 septembre 2019 en page 3 dans l’article Milliardaires et mĂ©diavores signĂ© O.B.-K.

Le Canard EnchaĂ®né de cette semaine nous apprend aussi que Matthieu Pigasse, copropriĂ©taire du journal Le Monde et dĂ©sormais propriĂ©taire du festival Rock en Seine qui se dĂ©roule Ă  St-Cloud fin aout, essaie de revendre ses parts restantes Ă  l’industriel milliardaire tchèque Kretinsky. ( article de Christophe Nobili Ces patrons qui rĂŞvent d’un « Monde » du silence  également en page 3).

 

Ce qui Ă©chappe aussi Ă  la propagande, je crois, c’est cette impression qu’en cinq ans, nous avons perdu un peu plus d’insouciance. Surtout si l’on regarde d’un peu plus près la destruction continue de plusieurs des services publics ( Ă©coles, hĂ´pitaux, transports, police- celle qui secourt-…).

 

Pourtant, il a fait ( trop) beau pendant cette Ă©dition de la fĂŞte de l’Huma. Un homme du service d’ordre du festival nous arrosait d’eau pour nous rafraichir en plein soleil alors que Priscilla, une des meneuses du mouvement des gilets jaunes, nous parlait depuis la grande scène. Si bien que je n’ai pas pu la filmer ou la prendre en photo de face.

La mĂŞme collègue qui m’avait rappelĂ© cette phrase apprise par mon ancien ami sur la bouffĂ©e dĂ©lirante aigĂĽe m’a appris que, pendant longtemps, aller Ă  la fĂŞte de l’Huma signifiait devoir patauger dans la boue en raison des pluies de la fin de l’Ă©tĂ©.

 

 

A la fĂŞte de l’Huma oĂą circulait aussi apparemment la  » drogue du viol » selon les propos d’une des animatrices de la scène Zebrock invitant Ă  la prudence, j’ai ressenti l’envie d’une vie meilleure. C’Ă©tait peut-ĂŞtre une rustine passagère. Sorti de ce cadre, chacune et chacun retournant très vite Ă  ses automatismes et ses obĂ©issances routinières.

Dans le tramway du retour, deux jeunes d’une vingtaine d’annĂ©es ont commencĂ© Ă  chanter L’internationale  d’abord à voix basse comme s’ils avaient un peu honte de leur coming out idĂ©ologique puis, pour finir,  à tue-tĂŞte en sortant sur le quai avant la fermeture des portes. Cela m’a semblĂ© plus théâtral qu’autre chose. Mais une passagère Ă©tait d’un avis contraire. Elle aussi, m’a-t’elle rĂ©pondu, il pouvait lui arriver de chanter aussi fort sous la douche. J’ai optĂ© pour la croire sur parole et j’ai prĂ©fĂ©rĂ© me taire.

 

En face de moi, une femme d’une soixantaine d’annĂ©es, plutĂ´t belle, un caddie de courses Ă  cĂ´tĂ© d’elle ( mais que pouvait-elle bien y transporter pour refuser ensuite que je l’aide Ă  le porter dans les escaliers au terminus ?) a entamĂ© une discussion avec la passagère Ă  ses cĂ´tĂ©s et moi. Elle nous a appris ĂŞtre allĂ©e un peu par hasard Ă  la fĂŞte de l’Huma pour la première fois en 1991. Pour aller voir Johnny. Elle avait entendu dire que le concert Ă©tait gratuit. Une fois sur place, elle avait acceptĂ© de payer et ne l’avait pas regrettĂ©. Depuis, elle revenait chaque annĂ©e. Cette fidĂ©litĂ© -qui peut ĂŞtre gĂ©nĂ©rationnelle- Ă  la fĂŞte de l’Huma me semble ĂŞtre une de ses spĂ©cificitĂ©s. J’aurais pu ou dĂ» parler un peu plus de ses  stands oĂą se dĂ©roulent un certain nombre de confĂ©rences ainsi que des concerts de divers horizons. De ses multiples coins restauration appĂ©tissants Ă  un tarif assez compĂ©titif mĂŞme si j’ai Ă©tĂ© surpris de voir que l’on pouvait y manger un plat…de langoustes Ă  35 euros. Et qu’en dĂ©pit du propos Ă©cologique officiel, les gobelets en plastique jetable restaient la norme.

 

Enfin, j’aurais aussi pu dĂ©tailler l’anecdote qui m’a d’abord fait croire qu’il Ă©tait possible de payer Ă  l’intĂ©rieur de la fĂŞte de l’Huma avec sa carte bancaire ou avec des chèques vacances. Cette « nĂ©gligence » m’a contraint Ă  sortir de la fĂŞte de l’Huma pour aller au distributeur de billets le plus proche, Ă  une vingtaine de minutes Ă  pied. LĂ ,  j’ai ensuite dĂ» faire la queue autant de temps avant de pouvoir retirer quelques espèces. A la fĂŞte de l’Huma, on paie principalement avec des chèques et des espèces.

 

Si, contrairement Ă  2014, j’ai encore aujourd’hui mon bracelet jaune de festivalier de la fĂŞte de l’Huma 2019 et que je dors, me douche, travaille et vais Ă  la piscine avec, c’est sans doute que je reste attachĂ© Ă  cette utopie qu’est notre humanitĂ©. Fut-elle amoindrie par certains tonnerres dans un ciel serein ou touchĂ©e par cette pluie qui coche certaines de nos journĂ©es telle celle de ce dimanche, semblable en cela Ă  celui de certaines Ă©ditions passĂ©es de la fĂŞte de l’Huma que je ne connaitrai pas.

Afin de prĂ©server le plaisir- que j’espère partagĂ©- des photos que j’ai prises de la fĂŞte de l’Huma, je prĂ©fère les insĂ©rer dans un prochain article qui leur sera pleinement consacrĂ©.

Franck Unimon, ce dimanche 22 septembre 2019.

 

 

 

 

 

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A l’Ă©cole de ma fille

 

A l’Ă©cole de ma fille

 

 

A l’Ă©cole de ma fille, il y a eu cette rĂ©union tout Ă  l’heure. La première de l’annĂ©e, deux semaines après la rentrĂ©e Ă  l’Ă©cole primaire. Nous Ă©tions environ une centaine de parents. Un papa pour quinze mamans en moyenne. L’Ă©quipe enseignante Ă©tait exclusivement fĂ©minine.

 

Je continue de m’Ă©tonner devant cette importante « migration » des enfants entre la petite section de maternelle et la fin de l’Ă©cole maternelle :

Un bon nombre des enfants qui Ă©tait dans la classe maternelle de ma fille a disparu de cette Ă©cole publique. Un certain nombre est parvenu Ă  se faire « recruter » par l’Ă©cole privĂ©e du coin placĂ©e Ă  dix minutes Ă  pied de lĂ . D’autres enfants sont partis continuer leur scolaritĂ© ailleurs, dans le public ou dans une autre ville de banlieue ou de province. La meilleure copine de ma fille est par exemple partie cet Ă©tĂ© pour Nantes avec ses parents.

 

Au Cp, ma fille est dans une classe de 27 enfants. Ils Ă©taient 29 Ă  son entrĂ©e en petite section de maternelle. En maternelle cette annĂ©e, une classe supplĂ©mentaire a Ă©tĂ© crééé in extremis et Ă  l’Ă©cole primaire la fermeture d’une classe a finalement pu ĂŞtre Ă©vitĂ©e.

 

InvitĂ©e en cela par la directrice de l’Ă©cole, une enseignante a pris la parole devant nous. Elle Ă©tait Ă  l’aise pour s’exprimer en public, se mettant devant l’assemblĂ©e, assise, de ses autres collègues enseignantes, directrice incluse, pour parler devant nous. En quelques minutes, elle nous a expliquĂ© que la « spĂ©cificité » de cette Ă©cole, c’Ă©tait sa classe Ă  destination des enfants non-francophones. En maternelle, dès la petite section,  j’avais dĂ©ja remarquĂ© un petit, sans doute ukrainien, qui ne parlait pas Français Ă  son entrĂ©e en maternelle. Je me rappelle de la directrice de l’Ă©cole maternelle d’alors ( nous en sommes Ă  la quatrième nouvelle directrice pour cette mĂŞme Ă©cole maternelle) disant Ă  la mère de cet enfant :

« Ce n’est pas un problème. On lui apprendra Ă  parler le Français ».

L’annĂ©e dernière, ce garçon Ă©tait dans la classe de ma fille. Il nous Ă©tait arrivĂ© de retour de l’Ă©cole de faire un peu de chemin avec lui et sa mère. Je la croisais assez souvent et nous nous saluions.  Cette annĂ©e, je ne vois plus ce petit.

 

Devant nous, l’enseignante a expliquĂ© que cela Ă©tait « une grande richesse » que d’avoir des enfants qui ne parlaient pas Français. Pour les autres enfants.

En accord avec elle, des parents de ces enfants non-francophones Ă©taient venus Ă  l’Ă©cole, donnant par exemple un cours de cuisine Ă  la classe en Arabe. Ou s’exprimant en Moldave ou en Ukrainien. En outre, cela valorisait l’enfant qui voyait sa mère ou son père « faire classe » Ă  l’Ă©cole.

 

Une mère, peut-ĂŞtre originaire du Pakistan ou du Bangladesh, a ensuite demandĂ© comment on pouvait prendre rendez-vous avec le mĂ©decin scolaire. Elle a parlĂ© d’un enfant souffrant d’autisme et de la charge que cela pouvait reprĂ©senter pour la maitresse. La directrice a expliquĂ© qu’il y’avait une obligation lĂ©gale de recevoir tout enfant Ă  l’Ă©cole quel que soit son handicap. Et qu’il convenait de faire une demande Ă  la MDPH, souvent traduite par  » la maison du handicap »,  afin d’obtenir une AVS ( aide Ă  la vie scolaire).

 

La directrice de l’Ă©cole a prĂ©sentĂ© l’Ă©quipe pĂ©dagogique. Une des enseignantes nous a expliquĂ© que des enseignants assuraient l’Ă©tude et Ă©taient donc en mesure d’aider les enfants Ă  faire leurs devoirs.

 

La directrice de l’Ă©cole nous a informĂ© qu’il n’y avait plus de secrĂ©taire. Et qu’elle-mĂŞme fait classe les jeudis et vendredis. De ce fait, il est plus difficile d’ouvrir la porte aux retardataires. Il convient de prĂ©venir les maitresses au prĂ©alable lorsqu’un enfant se rend ou revient d’une consultation chez l’orthophoniste et de faire en sorte, autant que possible, que celui-ci parte Ă  sa consultation ou en revienne plutĂ´t lors de la rĂ©crĂ©ation. Elle a rappelĂ© les heures d’ouverture et de fermeture de l’Ă©cole. 8h30/11h30. 13h30/16h30. (Pas d’Ă©cole les mercredis et les samedis du moins au Cp )

 

La directrice a poursuivi en disant que laisser un message tĂ©lĂ©phonique en cas de problème, c’est « bien » mais qu’il vaut mieux, aussi, laisser un mot dans le cahier prĂ©vu Ă  cet effet et que chaque enfant a Ă  sa disposition.

Elle a continuĂ© en informant que si un enfant a une maladie contagieuse, qu’il faut Ă©viter de l’emmener Ă  l’Ă©cole.

La directrice a aussi expliquĂ© comment voter lors des Ă©lections des parents d’Ă©lèves : il faut voter pour une liste et non pour une personne. Si l’on vote pour une seule personne, le vote est annulĂ©.

 

Une mère qui fait partie de l’association des parents d’Ă©lèves a prĂ©sentĂ© un peu la FCPE. Elle a enjoint les parents prĂ©sents Ă  venir Ă  la prochaine rĂ©union prĂ©vue la semaine suivante ainsi qu’aux prochaines rĂ©unions. Elle a insistĂ© quant au fait que l’on pouvait venir quand on voulait et quand on le pouvait.

 

Ces diverses interventions se sont faites dans un contexte posĂ©. Les mots employĂ©s Ă©taient plutĂ´t simples et pĂ©dagogiques. Le dĂ©bit utilisĂ©, plutĂ´t tranquille. Mais je suis assez Ă  l’aise avec la langue française qui est ma première langue. Et la situation ( ĂŞtre dans une rĂ©union parmi plein de gens que l’on ne connait pas alors que l’on sait que cet endroit peut ĂŞtre dĂ©terminant pour l’avenir de son enfant et aussi pour soi)  ne m’a pas stressĂ©. Je me suis nĂ©anmoins un peu demandĂ© si des efforts particuliers de comprĂ©hension avaient pu ĂŞtre nĂ©cessaires pour certains des parents prĂ©sents.

 

Ensuite, nous sommes sortis. Dans la cour de l’Ă©cole, chaque parent a rejoint la maitresse de son enfant. Et, c’est avec la maitresse que nous nous sommes retrouvĂ©s dans la classe de nos enfants, assis Ă  leur place. Certains parents Ă©taient avec leur enfant. D’autres, non.

 

La maitresse de notre fille a expliquĂ© comment ça se passait en classe. Elle  a expliquĂ© le programme de l’annĂ©e. Elle s’est montrĂ©e simple et disponible. Un petit garçon de sa classe, prĂ©sent avec son papa, intervenait rĂ©gulièrement pour poser une question ou faire une remarque.

La maitresse nous a demandé si nous avions des questions. Il y en a eu quelques unes. Puis, la maitresse a tenu à aborder certains sujets :

Eviter autant que possible les Ă©crans pour les enfants. Pas plus de vingt minutes par jour deux ou trois fois par semaine. Que ce soit Ă©cran de tĂ©lĂ©phone portable, Ă©cran d’ordinateur, console de jeux, tĂ©lĂ©vision. Elle a Ă©voquĂ© des Ă©tudes qui rĂ©vĂ©laient que la trop grande frĂ©quentation des Ă©crans empĂŞchait les enfants d’apprendre Ă  se concentrer mais aussi Ă  accepter la frustration. Elle nous a invitĂ© Ă , plutĂ´t, proposer Ă  nos enfants de s’amuser avec leurs jouets, de prĂ©parer avec nous des repas, ce qui leur permettrait d’apprendre beaucoup. J’ai suggĂ©rĂ© le dessin. Elle a acquiescĂ©. Elle a aussi dit que l’on pouvait laisser les enfants « s’ennuyer ». Il n’y a pas eu de protestation de la part des parents prĂ©sents.

 

Donner Ă  manger aux enfants avant qu’ils viennent Ă  l’Ă©cole. Autrement, en classe, « ils dorment… » a-t’elle expliquĂ©. Et pour les enfants qui disent qu’ils n’ont pas faim, voir ce qu’ils aiment manger. Et pas des bonbons.

 

Signer le cahier de devoirs mais pas uniquement le signer. S’assurer que les devoirs ont bien Ă©tĂ© faits. Faire faire les devoirs  » sans conflit ». Pas plus de vingt minutes en semaine. Voire trente minutes pendant le week-end.

 

Rappeler aux enfants d’aller faire pipi au moment de la rĂ©crĂ©ation ou avant d’aller Ă  l’Ă©cole. Un certain nombre d’enfants manifeste son envie de pipi pendant la classe. Or, les toilettes sont loin et elle ne peut pas laisser un enfant se rendre seul dans les toilettes. Alors, quand cela est indispensable, elle demande Ă  un autre enfant de l’accompagner, souvent un CE1 pour un enfant de sa classe de CP. Et lorsqu’il y a des accidents, elle a des vĂŞtements de rechange qu’elle nous demande de bien vouloir laver et de lui restituer ensuite.

 

Les enfants doivent plutĂ´t ĂŞtre couchĂ©s Ă  21h au plus tard car ils sont  » en pleine croissance ». Maintenant, si l’on rentre tard du travail, on fait comme on peut.

 

Ces quelques règles de vie nous Ă©taient familières. Mais j’ai vu dans la nĂ©cessitĂ© de leur rappel le fait que ces règles Ă©taient encore Ă©trangères Ă  un certain nombre de parents de cette Ă©cole, de cette ville oĂą nous habitons, et sans aucun doute dans d’autres endroits en France. Certainement que lorsque l’on vit par exemple dans le monde de P’TiT Quinquin ( voir l’article sur la sĂ©rie de Bruno Dumont P’TiT Quinquin et Coincoin et les Z’inhumains ) dans celui dĂ©peint par Romain Gavras dans son film Le Monde est Ă  toi ou dans celui dĂ©crit par Oxmo Puccino dans son titre Peu de Gens Le Savent que ce genre de règles peut ressembler Ă  de la masturbation intellectuelle, Ă  une peine de prison ou Ă  de la mĂ©taphysique.

 

La maitresse a insistĂ© quant au fait qu’elle avait besoin des parents pour que les enfants rĂ©ussissent bien Ă  l’Ă©cole. Aucun parent prĂ©sent ne l’a contredite.

Elle nous a dit qu’elle serait toujours disponible pour nous recevoir en cas de besoin. Qu’il fallait seulement la prĂ©venir.

Elle a aussi prĂ©cisĂ© qu’en cas de mĂ©contentement Ă  son Ă©gard, qu’il valait mieux venir en discuter avec elle plutĂ´t que de garder ça pour soi. Avec un grand sourire, elle nous a dit :

« Je peux encaisser ». Le père du petit garçon qui intervenait souvent a alors dit:

« C’est bien, ça, de pouvoir encaisser « .

 

Ce soir, j’ai dĂ©cidĂ© d’Ă©crire cet article en prioritĂ©. A l’origine,  j’avais plutĂ´t prĂ©vu d’Ă©crire sur le film De sable et de feu rĂ©alisĂ© par Souheil Ben Barka qui sortira ce 18 septembre 2019 ainsi que sur le film Une fille facile rĂ©alisĂ© par Rebecca Zlotowski ( en salles depuis ce 28 aout 2019).

 

Car j’ai tenu, de nouveau, Ă  saluer le travail de toutes ces enseignantes et enseignants de l’Ă©cole publique impliquĂ©s Ă  l’image de la maitresse de l’Ă©cole de ma fille cette annĂ©e ainsi que les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes et futures. 

 

L’Ă©cole publique va mal. Au mĂŞme titre que l’hĂ´pital public. Et la police. Cela fera grimacer certaines et certains de voir associer l’Ă©cole publique, l’hĂ´pital public et la police. Car s’il est des institutions que l’on veut souvent remercier – mĂŞme s’il est aussi des expĂ©riences très contrariantes Ă  l’Ă©cole et Ă  l’hĂ´pital- il est aussi des institutions que l’on veut ou que l’on a besoin de dĂ©tester. Ce soir, si je rajoute le mot « police » Ă  cet article, c’est sans aucun doute parce-que j’ai lu le livre de FrĂ©dĂ©ric Ploquin La Peur a changĂ© de camp 2ème partie . Lequel livre m’a aidĂ© Ă  mieux comprendre, malgrĂ© certains travers de la police, comment une Ă©cole, un hĂ´pital et une police qui vont et font « mal » dĂ©coulent d’une sociĂ©tĂ© qui va mal ou qui a fait et qui fait des mauvais choix politiques, sociologiques, Ă©conomiques et donc, Ă©cologiques.

 

Tout Ă  l’heure, j’ai Ă©tĂ© Ă  nouveau marquĂ© par cet enthousiasme des enseignantes rencontrĂ©es malgrĂ© les conditions de travail et les difficultĂ©s diverses qu’elles peuvent vivre. La maitresse de notre fille est restĂ©e avec nous jusqu’Ă  dix neuf heures vingt voire dix neuf heures trente. Après la rĂ©union qui avait dĂ©butĂ© vers dix huit heures, elle Ă©tait encore disponible dans la cour de l’Ă©cole pour rĂ©pondre aux parents qui la sollicitaient. Ses autres collègues Ă©taient sans doute encore prĂ©sentes dans l’Ă©cole. Et ce sont , elles aussi, des femmes et des mères qui ont une vie personnelle et qui, comme la plupart d’entre nous, les vendredis soirs et d’autres soirs de la semaine, aspirent aussi Ă  quitter leur travail. Pourtant, ce soir encore, j’ai trouvĂ© chez la maitresse de ma fille, cette attitude assez frĂ©quente de la professionnelle qui vous donne beaucoup et qui, nĂ©anmoins, donne l’impression de douter d’en avoir suffisamment fait et donnĂ© comme d’avoir Ă©tĂ© suffisamment claire avec vous lorsque vous l’avez interrogĂ©e. Et, pendant ce temps-lĂ , dans la vie courante ou dans certaines administrations des personnes habilitĂ©es en principe Ă  vous recevoir et Ă  vous renseigner vont vous envoyer chier ou vous baragouiner des rĂ©ponses sans queue ni tĂŞte sans dĂ©codeur !

 

J’ai aussi Ă©tĂ© marquĂ© par ce dĂ©calage qui semble permanent, entre, d’un cĂ´tĂ© ces parents jamais contents et jamais satisfaits de l’Ă©cole, et, de l’autre cĂ´tĂ©, ces enseignants pourtant dĂ©vouĂ©s qui font de leur mieux. Le pire Ă©tant qu’il n’y a pas de morale Ă  cela :

On peut ĂŞtre un parent conciliant et pâtir de l’incomprĂ©hension du corps enseignant. Comme on peut ĂŞtre un parent chiant et obtenir une certaine considĂ©ration de ce mĂŞme corps enseignant que l’on sera prĂŞt Ă  critiquer et Ă  dĂ©voyer Ă  la moindre contrariĂ©tĂ©.

 

Franck Unimon

 

 

 

 

 

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La fĂŞte de l’Huma

 

                                             La FĂŞte de l’Huma

 

 

 

« La FĂŞte de l’Huma Â». Festival de musique aussi connu pour sa proximitĂ© avec le Parti communiste français que pour ses tĂŞtes d’affiche et le prix de son billet d’entrĂ©e dĂ©fiant, en rĂ©gion parisienne, Ă  peu près toute concurrence. A titre de comparaison, la dernière Ă©dition 2019 ( 23, 24 et 25 aout) du festival Rock En Seine au parc de St Cloud, dans les Hauts de Seine, l’un des plus gros festivals Rock de France,  mettait son pass un jour Ă  49 euros l’entrĂ©e- tarif rĂ©duit– ( le plein tarif Ă©tant Ă  69 euros). Pour pouvoir bĂ©nĂ©ficier de ce tarif rĂ©duit, il fallait avoir moins de 18 ans; avoir moins de 25 ans Ă  condition de rĂ©sider dans la ville de St Cloud; ou ĂŞtre demandeur d’emploi, ĂŞtre allocataire du RSA ou avoir un statut d’handicapĂ©.

Le pass trois jours de Rock en seine plein tarif coĂ»tait cette annĂ©e la gentille somme de 159 euros. Il est bien-sĂ»r un certain nombre de festivaliers qui ont moins de 25 ans. Mais il est aussi très courant qu’un certain nombre de festivaliers soit plus âgĂ© et habitent hors de St Cloud se retrouvant ainsi d’office Ă©ligibles au plein tarif pratiquĂ© par Rock en Seine. 

 

De son cĂ´tĂ©, la fĂŞte de l’Huma, elle, propose uniquement un pass trois jours plein tarif  pour un « petit » peu moins cher qu’Ă  Rock en Seine :

40 ou 45 euros.

 

Cette annĂ©e, au festival Rock en Seine, je serais bien allĂ© voir The Cure et Jorja Smith. A Rock en Seine, j’ai dĂ©jĂ  « vu Â» Björk, le dernier concert des Rita Mitsouko, Emilie Simon, The Jesus and the Mary Chain. C’était en 2007.

Cette annĂ©e, j’ai refusĂ© d’aller Ă  Rock en Seine. J’ai l’impression que le prix- dĂ©jĂ  assez Ă©levĂ©- des pass de Rock en Seine a beaucoup augmentĂ© depuis la crĂ©ation du festival en 2003. Cela a peut-ĂŞtre un rapport avec le nom du nouveau propriĂ©taire du festival :

 

« Par Les Echos

Publié le 30/03/17 à 09h39

Banquier passionnĂ© de rock, Matthieu Pigasse s’offre le festival parisien Rock en Seine. Ce rachat, via son holding personnel LNEI (Les nouvelles Ă©ditions indĂ©pendantes), vient renforcer les investissements culturels de ce boulimique de production indĂ©pendante, qui dĂ©tient depuis 2009 plusieurs mĂ©dias (Radio Nova, Les Inrocks…). Le patron de la banque Lazard en France est aussi copropriĂ©taire du Monde depuis 2010, avec le patron de Free, Xavier Niel, et le mĂ©cène Pierre BergĂ©. Il vient d’ailleurs de racheter avec le mĂŞme Xavier Niel le groupe de tĂ©lĂ© AB Â».

 

 

Il serait très surprenant d’apprendre que Matthieu Pigasse, « banquier passionnĂ© de rock Â», rachète la fĂŞte de l’Huma. Mais je m’avance peut-ĂŞtre un peu trop dans un monde oĂą l’on tient absolument Ă  nous faire rentrer dans la tĂŞte  que tout s’achète.

 

J’ai été étonné d’apprendre que la première édition de la fête de l’Huma date de 1930. C’était dans la ville de Bezons, pas très loin d’Argenteuil.(Par la bouche )

Je suis allĂ© Ă  la fĂŞte de l’Huma, au parc Georges Valbon Ă  la Courneuve en Seine St Denis, pour la première fois, en 2014. Pour Massive Attack. Au passage, j’avais revu Alpha Blondy en concert avec plaisir. Qu’est-ce que j’ai ratĂ© comme grands concerts auparavant Ă  la fĂŞte de l’Huma ! Il vaut mieux que je m’abstienne de regarder.

 

 

Cette annĂ©e, Kassav’( Un Moon France en Concert  mais aussi Kassav’) m’a donnĂ© envie de retourner pour la seconde fois Ă  la fĂŞte de l’Huma, les 13, 14 et 15 septembre. Kassav’ et Aya Nakamura, Youssou Ndour, Miossec.

Je n’ai jamais vu Aya Nakamura en concert mais j’aime plusieurs titres de son dernier album. Et j’avais beaucoup aimé et été très étonné par l’énergie d’un concert de Miossec vu à la salle des fêtes de Taverny il y’a plus de quinze ans. Je suis aussi curieux de voir Soprano, Les Négresses vertes, Paul Kalkbrenner.

J’espère que sur scène, Youssou Ndour a bien vieilli car il est pour moi une institution. Pour moi, Youssou Ndour, c’est un artiste de scène et l’ambassadeur du Mbalax bien plus que de « son Â» tube Seven seconds avec Neneh Cherry -qui m’avait ennuyĂ©- ou de sa reprise des titres de Bob Marley que j’avais trouvĂ©es ratĂ©es en studio.  Pour l’instant, en studio, je lui prĂ©fère ce que l’artiste Tiken Jah Fakoly a fait des titres de Bob Marley.

 

Je suis réservé envers Eddy de Pretto également présent à la fête de l’Huma. Il a une grosse cote en ce moment et tant mieux pour lui. Mais, pour l’instant, je demande à voir.

 

Le parti communiste français- et le journal l’Humanité qui le soutient- ressemble au choix à un parti politique pathétique qui essaie de résister alors qu’il continue de s’effriter ou à un parti nostalgique de certaines dictatures bolchéviques et staliniennes. Et, son ascendant indirect, Poutine, est très loin de s’évertuer à nous séduire.

 

 

 

En me rendant Ă  cette dernière vente de soutien avant la fĂŞte de l’Huma de cette annĂ©e, j’ai nĂ©anmoins Ă©tĂ© touchĂ© par ces militants prĂ©sents. A peine une centaine. Patrick le Hyaric, l’homme au micro, je prĂ©sume, faisait pourtant le mĂŞme effet qu’un animateur de supermarchĂ©. Une absence fatale de charisme rĂ©compensĂ©e par l’indiffĂ©rence exemplaire des passants dans cet endroit de Paris, aux Halles, pourtant plus que central et frĂ©quentĂ©.

 

 

Patrick le Hyaric, en dĂ©pit des sujets sensĂ©s qu’il abordait, que j’ai Ă  peine Ă©coutĂ©s, symbolisait cet isolement qui nous berce dĂ©sormais et dont profitent banquiers, entrepreneurs et hommes politiques dont la principale ambition est de continuer de se « goinfrer Â» tandis que nos vies et notre planète se vident et que nous devenons de plus en plus sourds et intolĂ©rants Ă  la raison.

En venant, j’ignorais que le simple fait d’aller acheter Ă  prix rĂ©duit mes billets pour la fĂŞte de l’Huma  (28 euros la place contre 40 ou 45 euros sur place lors de la fĂŞte de l’Huma) Ă  cette manifestation de soutien pourrait me donner envie de tomber communiste.

 

 

L’homme qui m’a vendu les bons de soutien- qui deviendront billets nominatifs- m’a dit ĂŞtre sourd. Il avait une bonne soixantaine d’annĂ©es. Mais il m’a Ă©coutĂ©- et compris- bien mieux que bon nombre d’entendants.

 

 

Les militants présents étaient plus de sa génération que de la mienne même s’il s’est trouvé quelques personnes présentes qui ont fait un peu baisser la moyenne d’âge.

 

 

 

 

« Mon Â» vendeur m’a expliquĂ© avec pĂ©dagogie comment m’y prendre pour rĂ©cupĂ©rer mes billets d’entrĂ©e après ĂŞtre allĂ© sur internet. J’ai trouvĂ© le service après vente du journal l’HumanitĂ© très bon. Lui, allait rester lĂ  jusqu’à 19h30 (c’était bientĂ´t l’heure). Mais  les « copains Â» allaient peut-ĂŞtre rester encore. J’ai Ă  peine pu concevoir les combats et les voyages connus par ces visages militants. Mais il devait y en avoir des centaines et ce, depuis plusieurs gĂ©nĂ©rations :

Je « sais Â» que des militants du parti communiste se rendant Ă  la fĂŞte de l’Huma en famille avec leurs enfants en bas âge. Et qu’ils assistent ou participent aux nombreux dĂ©bats qui ont lieu lors du festival.

Dans le prospectus distribué lors de cette vente de soutien, on peut lire par exemple :

 

 » La fĂŞte de l’HumanitĂ© s’est construite autour du partage, des idĂ©es et des rencontres offrant chaque annĂ©e dĂ©bats et Ă©changes autour des problĂ©matiques d’aujourd’hui et de demain.

Dans un monde oĂą l’individualisme domine, la FĂŞte s’engage Ă  remettre l’Humain au centre des prĂ©occupations : solidaritĂ©, justice, progrès social…Des gilets jaunes aux hĂ´pitaux français au bord du burn-out, en passant par les zones d’ombres entourant la morte de Steve, autant de sujets d’actualitĂ© venant nourrir les multiples discussions ayant lieu aux quatre coins de la FĂŞte.

Dans le monde aussi, les choses ne tournent pas rond. D’un BrĂ©sil gouvernĂ© par un leader d’extrĂŞme droite, au formidable soulèvement populaire algĂ©rien, sans oublier les milliers de personnes s’Ă©chouant encore aux portes de l’Europe…

L’urgence de se rĂ©unir est d’autant plus forte que certains sujets impliquent un changement immĂ©diat des mentalitĂ©s. Alors, agissons !

L’environnement et le climat seront au coeur de cette 84ème Ă©dition avec l’organisation, le vendredi 13 septembre, d’une grande marche pour le climat, initiĂ©e et poursuivie toute cette annĂ©e par les mouvements lycĂ©ens. Il n’est plus possible de rester seul chez soi. Faites bouger les choses, venez Ă  la FĂŞte de l’HumanitĂ© ! »

 

 

Plus que de la désolation et de la solitude, j’ai senti chez ces personnes présentes hier- pour celles et ceux qui sont du parti communiste-une loyauté que l’on pourra juger aveugle et idiote compte tenu de la place et de la réussite du parti communiste dans les sondages comme dans la société française et politique récente mais que j’ai trouvée honorable. Et plus rassurante que toutes ces mauvaises nouvelles et toutes ces défaites en France et ailleurs qui sont devenues la norme.

 

En m’éloignant, je me suis dit qu’à la place de Patrick le Hyaric, il y’a dix ou quinze ans, un Emmanuel Macron, actuellement président de la république française, aurait pu tout aussi bien parler dans le même micro devant des passants tout autant indifférents.

Cela arrivera peut-être un jour. Lorsque le pouvoir de l’argent et des armes aura été désactivé et été déclaré irresponsable. Et que pour vibrer et se sentir vivant, il suffira par exemple de se rendre à un festival de musique ou d’y participer en tant qu’artiste ou organisateur.

 

Franck Unimon, ce vendredi 30 aout 2019.

 

 

 

 

 

 

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Cette Histoire

 

 

 

                                                           Cette Histoire

 

Cette histoire, nous la connaissons : il faut parfois un acte héroïque ou dégoûtant pour créer l’étincelle à même de nous faire pousser dans le regard admiratif ou horrifié des autres. Auparavant, nous existions peut-être à l’état de bulle plate ou de banale silhouette. Parce qu’à peine la rupture des premiers attraits et de la découverte est-elle prononcée que l’habitude scélérate s’installe. Et il faut faire certains efforts pour rester attentif aux autres comme pour maintenir en eux un certain « intérêt ». Nous avons tellement à faire. La vie est si courte. Et nous n’avons pas de temps à perdre.

Pire que l’exposition au temps qui passe, le risque d’être exposé trop longtemps à un sentiment de solitude et d’échec nous incite à nous démettre de celles et ceux qui nous semblent peu… pour nous en délivrer.

Cet homme-là, je l’ai longtemps délaissé. Je le voyais à peine. Pour mieux dire les choses : j’ai oublié comment je le voyais lorsque je le croisais. C’était une silhouette d’homme de ménage employé par une société dont je connais à peine le nom. Je le savais présent sur le plateau de tournage de mon travail, certains matins. Dès 6 heures. Je faisais sûrement attention à son travail :

Autant que possible, j’évitais de marcher là où il venait de passer le balai ou la serpillère. Même s’il est très courant que celles et ceux qui font le ménage vous disent généralement avec politesse et gentillesse : « Si ! Si ! Vous passez passer ! ». Alors que vous, vous savez qu’en passant, vous allez saloper la surface qu’ils viennent de laver. Et qu’à leur place, vous prendriez très mal que quelqu’un salisse le résultat tout frais de votre oeuvre de ménage.

Au cinéma, une fois, on m’avait proposé un rôle de silhouette d’homme de ménage. J’avais refusé. Et ma prof de théâtre au conservatoire, en colère, avait approuvé mon choix de refuser ce « rôle » en me confirmant mes impressions :

« On te propose ça parce-que tu es Noir ! Tu refuses ! ». Au cinéma, on s’exclue du regard et de la carrière d’acteur en acceptant de « jouer » la silhouette. Et encore plus en y faisant l’homme de ménage qui efface en lui-même les traces de sa propre présence à mesure des scènes. Etre payé, modestement, pour effacer soi-même ses propres traces jusqu’à la disparition complète, c’est tout un concept. Mais certainement pas un plan de carrière à conseiller à celle ou celui qui veut réussir en tant qu’acteur.

Aussi Ă©tonnante que cette proposition soudaine de m’engager en tant que silhouette d’homme de mĂ©nage avait Ă©tĂ© la croyance de certaines personnes de mon entourage :

Quand je les avais interrogées, certaines d’entre elles, pragmatiques, avaient estimé que c’était toujours bon à prendre, une place de silhouette d’homme de ménage au cinéma. Tant que c’était payé.

 

Dans la vie, et gratuitement, j’avais déja croisé cet homme de ménage un certain nombre de fois lorsqu’un matin, une de nos collègues a été suivie par un violeur. Les cris de notre collègue ont alerté notre « silhouette » d’homme de ménage. Celui-ci a accouru et s’est interposé. Seul lui, « l’homme de ménage », en raison de sa présence à cette heure, pouvait à ce moment-là entendre, voir et intervenir. Le violeur a très vite pris la fuite.

Cette tentative de viol a été un choc. Pour cette collègue. Pour nous.

Notre collègue s’en est apparemment remise : je ne suis pas assez proche pour aborder ce sujet avec elle et j’ai préféré éviter toute question déplacée ou qui aurait pu passer pour telle. A la place, il a pu m’arriver, comme d’autres collègues, de veiller un peu plus sur elle comme cette fois où venant au travail, elle nous avait appelé pour nous informer…qu’elle avait l’impression d’être suivie par un mec bizarre. J’étais prêt à partir la rejoindre. Finalement, elle s’était refugiée dans un café quelques minutes puis était arrivée.

 

Je me demande combien de personnes parmi toutes celles et ceux, qui, quotidiennement, se font faire et servir un cafĂ© et marchent en toute dĂ©contraction dans le travail des autres auraient Ă©tĂ© capables d’agir comme cet homme de mĂ©nage. Depuis quelques mois maintenant, une de mes collègues, rĂ©incarnation d’un chien St-Bernard, en cela qu’elle est particulièrement attentive aux autres, lui apporte un cafĂ© les matins. Ce matin, ma collègue m’a Ă  nouveau dit que cela lui avait pris du temps pour « apprivoiser » cet homme.

Depuis cette tentative de viol, je perçois cet homme de ménage comme un héros et un modèle. Je le salue autant que possible. Je me suis obligé à apprendre et à retenir son prénom. Quelques fois, je prends le temps de discuter avec lui. Je n’ai jamais osé lui parler de ce qui était arrivé. C’est un héros méconnu et je crois que cela lui convient très bien :

La majorité des héros sont des gens méconnus et oubliés. Seule une minorité de héros, je crois, « bénéficie » d’une histoire officielle et d’une certaine publicité qui peut d’ailleurs être une malédiction.

Quelques fois, je repense avec un peu d’inquiétude à ce « Jeune Malien sans papiers » :

Mamadou Gassama.

Le 27 Mai 2018, à Paris, Mamadou Gassama était devenu « un héros » en sauvant un enfant accroché à un balcon, les pieds suspendus dans le vide. Mamadou Gassama, dont j’avais déjà oublié le prénom et le nom avant d’écrire cet article, a reçu la nationalité française et été embauché en tant que pompier suite à son acte héroïque. C’est ce que j’ai cru comprendre. Ce dénouement ressemble à un happy end commun à certains romans et certains films. Tout va bien et tout se termine pour le mieux. Mais :

Entre l’exigence de devoir toujours, désormais, être un héros (donc un être parfait) et le fait, quand même, de susciter certaines jalousies, je me dis que la vie de Mamadou Gassama doit être loin d’être simple. Je me dis que pour lui le plus simple a peut-être été, finalement, de risquer sa vie pour cet enfant. Ensuite, soit pour lui soit pour son entourage, je doute que la vie se soit simplifiée. Trop de célébrité tue l’héroïsme, la tranquillité et la simplicité. Bien des héros et des super-héros ont bien raison de porter un masque assurant leur anonymat dans la vie de tous les jours. Qu’un masque cache leur visage ou que ce masque soit un rôle ou une attitude qu’ils (se) jouent tous les jours et par lesquels ils se font passer pour plus idiots, plus vulnérables et plus lâches qu’ils ne le sont réellement.

Dusko Popov, qui a inspiré à Ian Fleming un certain personnage célèbre, l’a dit :

« Dans la vraie vie, James Bond ne tiendrait pas six mois ».

Je « soupçonne » Dusko Popov d’avoir été indulgent en parlant de « six mois » car en lisant sa très bonne biographie Tricycle qu’il a écrite lui-même, on comprend que son intelligence et son art de la dissimulation lui ont permis de jouer les agents double voire triple et de bien tenir sa couverture durant la Seconde Guerre Mondiale face aux nazis qu’il fréquentait.

On m’objectera qu’il en est de même, malheureusement, pour de grands criminels et de grands meurtriers qui savent passer inaperçus en tout normalité et même en toute légalité jusqu’à ce moment où ils entrent en scène. C’est vrai. Mais je préfère penser ce matin à cette histoire où parmi toutes ces femmes et ces hommes de ménage, parmi toutes ces silhouettes confondues dont la présence est souvent floue, se cachent des héroïnes et des héros que nous croisons ou que nous sommes tous les jours.

Franck Unimon, ce jeudi 4 juillet 2019.