Seconde maman
Un adulte, ça ne se trompe jamais.
« Un adulte, ça ne se trompe jamais » m’a dit ma fille, hier. Lorsque j’ai essayé de lui faire comprendre qu’il pouvait arriver qu’un adulte, se trompe. Elle a eu l’assurance de l’innocente. Sa maitresse le leur avait dit à l’école. Ma fille appliquait à la vie ce que son enseignante leur avait peut-être (j’espère) affirmé à propos de certains Savoirs scolaires.
La certitude de ma fille m’a fait sourire. Mais elle a raison. C’est bien le problème. C’est les grandes vacances, ce 4 aout 2021. Des millions de personnes, pour leurs vacances, ont pris des destinations différentes. Assez peu admettront s’être trompées de destination. C’est pareil avec la raison. Nous prenons des destinations différentes. Lorsque nous sortons de certaines limites de la route ou de la raison, nous ne nous en apercevons pas tout de suite.
Sur le papier, administrativement, politiquement, militairement, selon les frontières et les régions, nous sommes une Nation. En pratique, cela peut être différent. Aussi y’a-t’il y a des lois pour nous réunir ou nous forcer à nous réunir et pour nous donner des règles communes. Si nous nous en démarquons, il y a fuite, infraction, condamnation, répression ou débat.
Devant la pandémie du Covid – oui, je vais évidemment reparler d’elle – nous, les adultes, nous sommes tous au volant. Et, comme pour les départs en week-end ou pour les grandes vacances, nous ne prenons pas les mêmes destinations. De façon volontaire ou involontaire.
Mais un adulte, ça ne se trompe jamais.
La vie et la mort face à certaines modélisations :
C’est pour cette raison qu’une fois notre décision prise, nous nous heurtons. Les pour et les anti-vaccins.
Pourtant, que l’on soit pour ou contre les vaccins contre le covid, la pandémie du Covid nous rappelle aussi que la vie et la mort échappent à certaines modélisations, statistiques et chiffres. Mais nous sommes nombreux à être très sûrs de nous concernant la conduite à avoir pour ou contre. Même si personne ne sait véritablement où nous en sommes sur la route de la pandémie. Ni où nous sommes exactement. Et à quel point nous nous situons sur la carte et la courbe de la durée de la pandémie.

Je ne conteste pas la réalité ou les chiffres de la pandémie du Covid. En France. Dans les régions d’outre-mer où un reconfinement a été décidé en Martinique, à la Réunion et sans doute bientôt en Guadeloupe. Je ne conteste pas non plus qu’il manque des lits en réanimation. Ainsi que du personnel soignant. Ni que la pénurie soignante se soit accentuée depuis la pandémie et qu’un certain nombre de soignants, épuisés par les conditions de travail déjà difficiles avant la pandémie, ait fait connaître leur intention de quitter l’hôpital.
Hier soir, j’ai été étonné de n’avoir rien de particulier à écrire. Peut-être parce-que j’avais écrit le principal de ce que je ressentais dans mon article Sérums de vérité . La veille.
Mon ami Raguse m’a envoyé un sms ce matin. Il voulait savoir ce que j’avais décidé. Pour lui, comme pour ma compagne, à la fin de mon article Sérums de vérité, on ignore quelle va être ma décision. Ma compagne a parlé en quelque sorte de « suspense ». Pour moi, il n’y avait pas de suspense à la fin de Sérums de vérité.

Suspense
Ce matin, j’ai appelé pour annuler le rendez-vous que j’avais pour ma première injection avec le vaccin Pfizer contre le Covid. La seconde était prévue pour le 24 ou le 25 aout.
J’ai choisi, pour l’instant, d’éviter de prendre un autre rendez-vous. Si je reprends rendez-vous, j’aimerais être davantage sûr de moi. Ce sera peut-être trop tard ou plus difficile d’obtenir un rendez-vous alors que j’avais assez facilement obtenu ce rendez-vous dans la salle des fêtes de ma ville.
Peut-être que je le regretterai.
Mais je ne pouvais pas, avec les doutes que j’ai dans la tête, concernant les effets indésirables que j’ai lus ou dont j’ai entendu parler concernant les vaccins actuels contre le Covid, accepter de recevoir ma première injection du vaccin Pfizer. Qui plus est, en présence de ma fille. Si j’avais été seul ce matin, peut-être que j’aurais raisonné autrement. Ce n’est pas sûr. Mais le fait d’envisager que ma fille puisse me voir me faire vacciner contre le Covid, alors que je suis en bonne santé, puis, si ça se passe mal, qu’elle fasse l’apprentissage par elle-même que la vaccination puisse être néfaste, a encore plus contribué à ce que je me retire, pour l’instant, de cette campagne de vaccination collective contre le Covid.
D’autres personnes ont fait ou auraient fait le contraire. Je le sais.

Expériences
Je sais aussi que je ne suis pas épidémiologiste. Que je ne dispose pas de chiffres ou de statistiques. Que ma façon de percevoir les événements qui entourent la pandémie du Covid sont empiriques. Même si j’essaie de trouver des informations à droite à gauche, autour de moi. En lisant des journaux, y compris satiriques qui se moquent des anti-vaccins. En lisant sur le net ou en regardant des vidéos aussi sur le net.
Au moment de prendre la décision, pour ou contre la vaccination, se croisent des croyances, des logiques. Et, parfois, l’expérience. L’expérience, ça peut être avoir un proche, une proche ou un moins proche qui a eu le Covid.
Je connais quelques personnes qui ont eu le Covid. Dont mon meilleur ami qui l’avait contracté plusieurs semaines après sa compagne. Il y a plusieurs mois. Ce 13 juillet, j’étais à l’enterrement du père de mon meilleur ami. Bientôt 90 ans. Pas à l’enterrement de mon meilleur ami.
Je ne fais pas exprès de mentionner cette date du 13 juillet, alors que la veille, le gouvernement avait décidé de rendre obligatoire pour les soignants la vaccination anti-Covid. Ces deux dates coïncident. Cette coïncidence fait aussi partie de mon expérience du Covid.
A l’enterrement du père de mon ami, pour la première fois, quelqu’un m’a demandé quel était mon groupe sanguin. Lorsque j’ai répondu que j’étais O positif, il m’a affirmé qu’être O positif protégeait contre le Covid. Cette croyance m’a étonné voire un peu fait sourire. Mais je sais qu’elle ferait enrager certains esprits « scientifiques » ou « cartésiens ».
Mon meilleur ami et sa compagne sont partis en vacances, il y a quelques jours. Ils allaient bien tous les deux. J’ai même senti mon meilleur ami apaisé après le décès et le départ de son père pour son enterrement en Algérie. Cela faisait deux ans que son père souffrait de la maladie d’Alzheimer. Deux ans que cela le minait. Lui et sa compagne ont à ce jour une réponse immunologique qui atteste du fait que leur organisme possède encore un nombre très élevé d’anticorps ou d’antigènes, au delà de la moyenne, du fait d’avoir contracté le Covid.

Fort heureusement pour moi, ce 4 aout 2021, parmi mes proches et mon entourage direct, toutes celles et tous ceux que je connais qui ont attrapé le Covid l’année dernière ou cette année au printemps, vont bien ou mieux. Dans une tranche d’âge comprise entre 40-45 ans et 55-58 ans. Deux ont frôlé le cadavre. Un, en particulier, « ramassé par terre » (ses propres termes) par le Samu chez lui. J’ai appris à cette occasion qu’il souffrait d’une certaine insuffisance respiratoire au préalable. Moi, ce que j’avais remarqué chez ce collègue, plutôt « fort », c’était surtout son embonpoint et son âge proche de la retraite.
Pareil pour l’autre collègue à qui il avait fallu un peu plus de deux mois pour récupérer. Embonpoint certifié et âge proche de la retraite. On peut sûrement parler pour eux deux de « comorbidités ».
Sur les deux, je peux attester que le second, au moins, plusieurs semaines avant d’attraper le Covid, avait un usage allégé du masque anti-Covid.
Lorsque je mentionne ça, je ne suis pas plus épidémiologiste qu’au début de cet article. Je livre une ou deux expériences. Quelques éléments que j’ai pu observer.
Mais il y a un autre phénomène que j’ai pu observer au début de ma carrière d’infirmier en psychiatrie. Un phénomène que j’ai appris à connaître. Ce n’est pas venu tout de suite. Je n’avais pas prévu, en choisissant d’aller travailler en psychiatrie alors que j’avais 24-25 ans, que je ferais ce genre de « découverte » parmi d’autres. Cette découverte, une fois de plus, n’a rien de scientifique. Je n’ai pas de stats, de chiffres, de logiciel de calcul qui permettront de modéliser, protocoliser ce que je vais raconter. Je vais essayer de parler du risque. Mais d’après ce que j’ai vécu à mon travail dans certaines situations en psychiatrie. Je le répète : je ne suis pas épidémiologiste. Je n’ai aucune compétence pour expliquer ce qui se passe, d’un point de vue clinique, avec la pandémie. Il y a des personnes, des adultes, bien-sûr, qui, eux, savent. Et ne se trompent pas. Qu’ils soient scientifiques, politiques ou journalistes. Ou intellectuels. Ou des proches comme des moins proches.
Moi, je doute. Je sais que je peux me tromper. C’est pour cela, que, ce matin, j’ai opté pour reculer avant cette première injection de Pfizer. Alors qu’il y a quelques jours, lorsque j’avais pris rendez-vous, j’étais content d’avoir pu obtenir un rendez-vous aussi rapide. J’avais le sentiment d’avoir fait ce qu’il fallait. Le timing collait bien. J’allais pouvoir, mi-septembre, au moment où les sanctions décidées par le gouvernement, allaient se déclencher plus durement contre celles et ceux qui ne seront pas vaccinées, être tranquille. Etre débarrassé de certaines tribulations.

Le Risque :
Si je commence à essayer de faire de l’humour en commençant par la phrase connue : « Dès que l’on vit, on risque de mourir », bien des personnes prendront très mal cet humour qu’elles estimeront malvenu vu le contexte de la pandémie. Mais je débute quand même cette partie par cette allusion parce-que je refuse encore de manquer d’un certain courage pour l’humour. Même si ce trait d’humour sera sûrement très mal toléré par quelques unes et quelques uns.
Mais ce que je veux dire, autre phrase très connue, c’est que « le risque zéro n’existe pas ».
En psychiatrie et en pédopsychiatrie, régulièrement, constamment, nous rencontrons des patients qui ont un « risque suicidaire » ; un « risque de passage à l’acte » ; « un risque de fugue ». Bien-sûr, ce risque est moins, comment dire, sujet aux certitudes de certaines données scientifiques et épidémiologiques.
Pour le Covid, par exemple, on sait nous dire que tel variant a telle proportion de contagiosité. Ou que, actuellement, le vaccin Pfizer offrirait une protection de 39% face au variant Delta contre plus de 90% face au variant précédent du Coronavirus. Mais, aussi, qu’une personne vaccinée contre le Covid a moins de risques de se retrouver en réanimation ou de développer une forme grave du Covid. C’est chiffré. Modélisé. Je ne discute pas ces chiffres et ces statistiques contrairement à certaines personnes anti-Vaccin Pfizer, Moderna, et autres vaccins anti-Covid actuels. Je crois à ces chiffres. Même si je ne passe pas mon temps à les sniffer comme l’on pourrait sniffer des lignes de crack.
Je vais par contre m’attarder davantage sur ces phénomènes que tout le monde, ou à peu près, vit plus intensément depuis dix huit mois, avec cette pandémie du Covid :
La peur. L’anxiété.
Là, aussi, je ne suis pas sociologue, psychologue, chercheur au CNRS ou ailleurs sur ces sujets. Je n’ai pas de chiffres ou de statistiques, non plus. Mais mon métier, c’est de travailler en psychiatrie et en pédopsychiatrie directement avec des publics (adultes et mineurs) qui peuvent être imprévisibles ou très imprévisibles. Et, avec lesquels le « risque » est souvent présent. Risque de tentative de suicide. Risque de fugue. Risque de passage à l’acte auto-agressif et hétéro-agressif. Et, comme mes collègues, il est de ma responsabilité, évidemment, de prévenir ce risque. Comment fait-on ?
Avec des logiciels et des caméras ? En se menottant à eux vingt quatre heures sur vingt quatre ? En les endormant de telle manière qu’ils soient incapables de bouger le moindre petit doigt ? En les enfermant dans une prison comme celle du personnage Magnéto dans les X-Men ? En mettant un chien de surveillance devant la porte de leur chambre ?
Peut-être que certaines personnes vous répondront que c’est sûrement ça. Mais je ne fais pas partie de ces personnes et de ces professionnels.
Ce qui veut dire que, par rapport à ces risques, nous, professionnels, en psychiatrie, « évaluons ». Pour évaluer une situation, il y a deux ou trois instruments cliniques en plus du traitement chimique, il est vrai :
La relation avec le patient. Qui se veut, autant que possible, une relation de confiance.
L’observation. Ce que nous voyons du patient. Ce que nous comprenons de lui. Tant ce qu’il dit que son comportement et son attitude.
Et, troisième instrument qui n’a rien de scientifique, qui, comme la relation et une certaine observation ne peuvent pas se modéliser. Je parle bien-sûr de…l’intuition.
On va parler un peu plus de l’intuition.
L’intuition en « psychiatrie » :
« Je ne le sens pas. »
Le gros problème avec l’intuition, c’est évidemment, qu’elle ne repose sur rien d’autre que notre subjectivité. Or, question subjectivité, lorsqu’une situation nous stresse ou nous inquiète ou nous excite, on peut se faire des « films ». Imaginer des événements qui, en fait, ne se produisent pas ou ont peu de chances de se produire. Sauf que, nous, on peut-être très bien persuadé que cela va se produire.
Au début de ma carrière en psychiatrie, j’ai rencontré des collègues plus expérimentés que moi. Des collègues qui avaient donc, pour eux et elles, l’expérience de l’âge et du vécu en psychiatrie.
Je ne compte pas le nombre de fois où, depuis le début de ma carrière en psychiatrie mais, aussi, par la suite, dans ma propre vie, des gens sont persuadés qu’une catastrophe va arriver. Tous les signes sont présents pour eux. Ils n’attendent que la confirmation de leurs pronostics funestes.
Et, je ne compte plus le nombre de fois où, finalement, la catastrophe maintes fois attendue et annoncée ne se produit pas. Et, où, les personnes qui y ont cru n’émettent aucune autocritique. Et en font rien pour apprendre de cela. A chaque nouvelle situation plus ou moins anxiogène, rebelote. Les mêmes, le plus souvent, recommencent à avoir peur et à imaginer le pire.
Aujourd’hui, je ne nie pas la gravité de la pandémie du Covid que peu de personnes, en France, a vu venir. Comme, depuis dix huit mois, je n’ai jamais nié la gravité de la pandémie du Covid. Par contre, je retrouve dans cette peur et cette anxiété massive à grande échelle dont le cercle se resserre de plus en plus autour de nous avec cette vaccination obligatoire et ce passe sanitaire, des points communs avec ces situations que j’ai pu vivre en psychiatrie et en pédopsychiatrie où il y a eu un risque « de ». Pourquoi ?
Là, aussi, à nouveau, l’expérience.
Il y a dix huit mois, nous allions mourir du Covid. Dans un simple coin de rue. C’était sûr. Aucune statistique n’est sortie dans ce sens. Mais c’est pire.

L’amnésie immédiate et collective qui permet à certaines et certains de recommencer à flipper aujourd’hui comme l’année dernière avec la pandémie du Covid se retrouve dans des proportions plus limitées dans ma psyché. Cela ne fait pas de moi une personne super-intelligente. J’ai une chance sur deux d’avoir fait une grosse connerie en refusant d’aller me faire faire cette injection de vaccin anti-Covid ce matin. Et, on sait assez quels sont les risques, réels cette fois, auxquels je m’expose, en plus des risques sanitaires, si, le 15 septembre, je ne suis toujours pas vacciné contre le Covid.
Des risques économiques. Des risques d’exclusion sociale. Des risques de séparations et de ruptures avec des proches et des moins proches.
Soit des risques dont je préfèrerais me passer.
Mais, malgré ces risques, je me rappelle encore que notre mort était annoncée l’année dernière. Et que j’ai fait partie de celles et ceux qui ont continué de se rendre à leur travail. Entre-autres, sans masque anti-Covid et sans vaccin, pendant plusieurs semaines. Et, dix huit mois plus tard, je suis encore vivant. Je pourrais presque déposer une réclamation pour « publicité mensongère ». Mais, là, je fais de l’humour plus ou moins noir. Là, où je fais moins d’humour, c’est que je n’ai pas du tout aimé me faire matraquer et miner mentalement avec des idées de mort permanentes, imminentes et péremptoires. Il fallait faire ceci. Il fallait faire cela. J’ai fait ceci. J’ai fait cela. Et, cela ne suffit pas. Il faut, aujourd’hui, que j’en fasse encore plus. Les deux injections. Le passe sanitaire. Jusqu’à quand ? Pour aller où ? Personne ne sait. Il faut le faire, c’est tout. Et, ferme ta gueule ! Si, comme moi, l’on a des doutes sur les effets indésirables des vaccins anti-Covid, c’est bien cette impression que donne cette obligation vaccinale assortie de ces inconnues au sujet de ces vaccins. Une impression de :
« Il faut le faire, c’est tout. Et, ferme ta gueule ! ».
Et, aujourd’hui, depuis ce 12 juillet 2021, avec le variant Delta, cette vaccination devenue obligatoire pour les soignants et ce passe sanitaire, j’ai l’impression que l’on recommence à me servir à nouveau la même recette. Et que je devrais m’empresser de sauter avec reconnaissance sur cette recette de la peur et de l’anxiété et me lécher les doigts avec.
Phase de relativisation ou phase de déni ? :
Si, ce 4 aout 2021, je me suis finalement précipité pour m’éloigner de ma première injection de Pfizer, c’est peut-être parce-que, depuis l’année dernière, à tort ou à raison, j’ai appris à relativiser le danger de la pandémie du Covid. Au début de ma carrière d’infirmier en psychiatrie, plusieurs fois je me suis fait avoir par ces situations où nous étions plusieurs à envisager le pire. Et, où le pire ne se produisait pas, finalement. Je m’en voulais ensuite de m’être fait avoir par ces poussées- répétées- d’anxiété. J’ai appris à relativiser. Cela ne signifie pas du tout que je banalise les risques suicidaires ou autres. Mais qu’au lieu de me faire des films, je préfère observer. Surveiller. Ou me fier à mon intuition. Et vérifier, si j’en éprouve le besoin, quand ça me vient, afin de comparer les faits avec mon intuition et mes impressions. Puis, me rappeler du résultat. Cela a contribué à faire baisser mon « tonus » d’anxiété.
L’année dernière, nous devions mourir. Je ne suis pas mort. Nous sommes nombreux à être encore vivants. Et on dirait que c’est pire. Qu’il aurait presque mieux valu décéder l’année dernière afin d’évacuer définitivement cette anxiété et cette angoisse générale et collective qui nous circonscrivent.
Les personnes que je connais qui ont attrapé le Covid l’année dernière et cette année sont toujours vivantes. Et, elles vont plutôt bien. Elles n’étaient pas vaccinées contre le Covid. Par contre, concernant les effets indésirables des vaccins anti-Covid, j’entends parler de trucs bizarres pas très rassurants. Des vaccins qui, depuis ce 12 juillet, sont devenus obligatoires. Comme je fais maintenant partie des personnes qui résistent ou refusent cette vaccination obligatoire, l’autre levier ou l’autre recette est la culpabilisation.
Recette qui complète très bien la recette de la peur et de l’anxiété.
Le levier ou la recette de la culpabilisation :
Que ce soit en tant que personne ou en tant qu’infirmier, je n’ai aucun intérêt ni aucune envie de nuire à quiconque, patient ou autre. Et, je n’ai rien d’exceptionnel.
Comme je n’ai aucune envie de voir les pro-vaccins comme mes ennemis. Même si je m’attends à ce que, dans un an, pour faire large, à la même date, la pandémie du Covid aura fait beaucoup de dégâts supplémentaires, et, surtout, bien plus visibles, d’un point de vue sociétal, économique ou au moins politique.
Mais, de plus en plus, dans un pays où les personnes vaccinées contre le Covid deviennent la majorité, et la nouvelle norme, être non-vacciné signifie s’exposer à s’entendre dire ce que ma seconde « maman » officieuse m’a dit ce matin. Alors que je l’appelais pour lui souhaiter son anniversaire.
Mes deux mamans et ma dualité :
Mes deux mamans, l’officielle et une « très officieuse », incarnent très bien ma dualité actuelle envers la vaccination contre le Covid.
La première, l’officielle, et mère de ma sœur et de mon frère, est retournée vivre en Guadeloupe il y a une vingtaine d’années avec mon père. Pendant plusieurs années, avant de prendre sa retraite, elle a été aide-soignante dans un service de réanimation. C’était une personne reconnue pour son professionnalisme et sa gentillesse.
Maman, il y a quelques mois, en mars ou avril, m’a demandé conseil en vue de se faire vacciner. A moi, le fils aîné devenu infirmier. Je n’y connaissais pas grand chose. Mon « domaine », c’est la psychiatrie et la pédopsychiatrie. En plus, après le matraquage médiatique très anxiogène que nous avions tous subis dès mi-mars 2020, j’avais réussi à retirer mes pensées des crochets de l’anxiété et de l’angoisse avec toutes ces nouvelles relatives au Covid.
Partir passer quelques jours en Bretagne, chez ma seconde maman très officieuse (elle ne revendique pas ce titre) l’année dernière- en juillet 2020- avec ma compagne et notre fille m’avait aidé à décrocher de la mamelle opulente des mauvaises nouvelles dues au Covid.
Mes deux mamans ne se connaissent pas. Elles ne sont pas rencontrées et je crois aujourd’hui qu’elles ne se rencontreront jamais.
Lors de mon mariage en 2013, venue de Guadeloupe, ma mère avait été présente le mardi à la mairie en Seine et Marne. Puis, elle avait repris l’avion quelques jours avant que nous ne fêtions notre mariage ma compagne et moi, le samedi, dans la grande salle de fêtes de la commune, en Bretagne, où ma « seconde » maman, et plusieurs membres de sa famille avaient contribué au bon déroulement de l’organisation des festivités. La fête s’était passée près de chez elle.
Si ma mère est une femme dévouée, sportive, assez solitaire, plutôt timide, assez souvent indécise et introvertie, ma « seconde » maman est une femme très accueillante, qui aime recevoir et sait recevoir. C’est aussi une femme de tête et à poigne. Elle est directe et tranche. C’est moi, qui, dans cet article la nomme ma « seconde maman ». Parce-que je reprends les termes employés par ma compagne. Mais je ne l’appelle pas « maman ». Et, elle ne m’appelle pas « mon fils ». La relation filiale est implicite et, aussi, très très officieuse et fluctuante.
Ma « seconde maman » a été mon ancienne cadre infirmière dans le service de pédopsychiatrie où j’ai fait sa connaissance. Deux ans avant qu’elle ne décide de partir à la retraite. Après son départ, nous avions été plusieurs soignants à être invités à venir passer un week-end chez elle dans sa maison, en Bretagne. Depuis, régulièrement à peu près chaque année, je suis revenu passer quelques jours chez elle et son mari en été.
Chaque année, avant la pandémie du Covid, elle partait en voyage à l’étranger avec son mari pendant plusieurs mois. Ma mère n’a jamais fait ça. Et, je n’imagine pas du tout mon père ouvert à ce genre d’aventure.

La voix traditionnelle
Je ne connaissais rien aux vaccins anti-Covid lorsque ma mère m’avait sollicité en mars ou avril 2021 pour un conseil. J’écoutais parler des vaccins anti-Covid de très loin. Les gestes barrières, masque et lavage de mains, me convenaient très bien. Je coexistais ainsi avec la pandémie du coronavirus.
Si j’ai accepté assez facilement de tomber le masque ou de raccourcir les distances corporelles avec certaines personnes, lors de certaines circonstances ( enlacer quelqu’un, faire la bise après avoir donné un cadeau, lors d’un barbecue…) cela a été en des proportions limitées. Si j’avais été un forcené de la prévention du « risque », j’aurais refusé. Lors de ces quelques occasions, après une assez rapide réflexion, j’ai souvent estimé que la vie sociale devait prendre le pas sur le risque. Rien de scientifique dans cette attitude. Sauf le fait que j’ai eu ce comportement en des proportions sûrement moindres que d’autres.
En me fiant aux expériences de personnes et de collègues autour de moi, j’avais répondu à ma mère que j’avais entendu de bons échos du vaccin Pfizer.
J’ai aussi eu des espoirs avant l’arrivée du vaccin Johnson & Johnson en avril ou Mai. Une ex-collègue infirmière, et amie, m’en avait dit du bien. Et puis, lors de sa « diffusion », les échos concernant le Johnson & Johnson se sont rapidement ternis concernant certains de ses effets indésirables.
Je crois que les pro-vaccins ne mesurent pas les conséquences de ces revers dus aux effets indésirables de ces vaccins « attendus » et présentés comme salvateurs, puis, qui « déçoivent » et « inquiètent ». Alors que ces revers se rajoutent à d’autres revers, colères ou contrariétés, accumulés depuis le début de la pandémie en mars de l’année dernière.
De plus en plus, la facilité consiste à présenter les anti-vaccins comme des abrutis bornés et irresponsables. Alors que les raisons de leur défiance envers les vaccins sont sûrement un peu plus réfléchies qu’elles ne le semblent.
Pour revenir à ma mère : je croyais donc qu’elle s’était faite vacciner contre le Covid. Ainsi que mon père. Ma sœur et mon frère, ainsi que leur compagnon et leur compagne se sont faits vacciner.
J’ai appris il y a quelques jours, en lui parlant au téléphone, que, finalement, ni ma mère, ni mon père, ne se sont faits vacciner. Ils étaient partis pour le faire en se rendant à l’aéroport, en Guadeloupe. Peut-être l’aéroport Pole Caraïbes. Mais des manifestants anti-vaccins se trouvaient là. En écoutant leurs arguments, mon père a alors estimé que les vaccins actuellement proposés ne sont pas « encore au point » (traduit du Créole).
Apprendre ça, d’elle, m’a fait un drôle d’effet. Un effet non-scientifique qui a eu, sur moi, une certaine influence. Influence non scientifique non plus.
Lors de ma dernière séance avec mon thérapeute – vacciné contre le Covid- j’avais fait la découverte, que, dans ma fratrie, j’étais finalement le plus « traditionnel ». Ce qui est assez courant lorsque l’on est l’aîné d’une famille.
Je sais que le dernier, mon petit frère, ainsi que sa compagne, se sont faits vacciner contre le Covid afin de pouvoir se rendre en Guadeloupe dans quelques jours. J’aimerais bien me rendre en Guadeloupe par exemple l’année prochaine. Ainsi qu’à la Réunion. Donc, j’ai d’abord trouvé que c’était une bonne nouvelle qu’après cette vaccination, mon frère, sa compagne et leurs enfants, puissent se rendre en Guadeloupe. Cela fait quelques années que nous ne sommes pas allés voir nos parents en Guadeloupe. Pour moi, cela date de 2014 ou 2015. Mon blog n’existait pas, alors. Aujourd’hui, si je me réfère à certaines inquiétudes et certaines témoignages concernant les effets indésirables des vaccins anti-Covid, mon frère et sa compagne vont certes pouvoir sans doute se rendre en Guadeloupe (s’ils partent avant que la Guadeloupe ne soit reconfinée) mais leur espérance de vie pourrait être détruite.

Conflit de loyauté et roulette russe :
Ma mère, non vaccinée, a donc, d’une part deux de ses enfants vaccinés. Ma sœur et mon frère. Et, d’autre part, il lui reste un enfant, non vacciné. Moi. En termes de conflit de loyauté, moi, l’aîné, ou l’âne, j’ai touché le jackpot.
Côté pile, si ces vaccins anti-Covid sont finalement plus protecteurs que nocifs, d’ici deux à trois ans, cela se confirmera. Avec un peu de chance, si ma mère et mon père, non vaccinés, se maintiennent à distance du Covid, et que je réussis à faire pareil, nous devrions être tous à peu près contents d’ici deux à trois ans. Mais en deux à trois ans, il peut se passer beaucoup d’événements. Même en un an. Et, vu comme on nous parle de la très grande contagiosité du variant Delta, je m’attends un peu à attraper le Covid cette fois-ci.
Côté face, si ces vaccins anti-Covid se révèlent véritablement nocifs, moi, l’aîné, j’ai tout intérêt à assurer à ma mère qu’un de ses enfants, au moins, n’est pas tombé dans la marmite des effets indésirables gravissimes des vaccins anti-Covid.
Mais ma mère étant comme toutes les mères aimantes, après avoir discuté avec elle, il y a quelques jours du Covid, elle a conclu notre conversation par un :
« Fais attention à toi ».
Lorsque j’avais décidé de commencer à travailler en psychiatrie, au début, ma mère avait essayé à plusieurs reprises de m’en dissuader. Elle m’avait expliqué qu’elle craignait que je ne devienne « fou ». C’est une croyance très courante que celle de croire et de penser que travailler en psychiatrie rend fou. Alors que ce serait plutôt le contraire. Travailler en psychiatrie peut aider à pacifier nos angoisses et nos folies. A condition d’être mentalement et moralement armé et encadré pour cela. A condition, si nécessaire, d’accepter d’être aidé par d’autres, collègues, thérapeutes, patients, rencontres diverses.
Je n’avais eu aucune difficulté à me séparer des inquiétudes de ma mère. Me diriger vers cette spécialité était un choix réfléchi. J’aimais cette spécialité ainsi que les rencontres que j’y faisais. Je me sentais bien dans cet univers.
Or, aujourd’hui, me faire vacciner contre le Covid, avec Pfizer, Moderna, Astrazeneca, Johnson & Johnsonn’est pas mon choix réfléchi. Je n’aime pas ce « risque » que je crois entrevoir dans leurs effets secondaires ou indésirables. L’idée de me faire injecter ce risque ne me plait pas du tout.
Bon anniversaire :
Pas plus que je n’ai fait exprès d’oublier qu’aujourd’hui, ma fille serait avec moi, je n’ai pas fait exprès non plus d’accepter le rendez-vous qui m’avait été fixé pour ma première injection de Pfizer ce 4 aout. Or, le 4 aout est la date anniversaire….de ma seconde maman, très « officieuse ».
Qu’est-ce qui se fait le jour d’un anniversaire de quelqu’un auquel on tient ?
On lui envoie un message. Ou, on l’appelle.
Pour l’appeler, j’ai allumé mon téléphone portable. J’ai vu que j’avais reçu deux vidéos de ma mère. Dans l’une des vidéos, une femme, vraisemblablement médecin, et bonne pédagogue, expliquait devant une foule attentive, les graves risques sanitaires auxquels on s’exposait avec les vaccins anti-Covid actuels. Cette femme que je ne connais pas et que je voyais pour la première fois, mettait en garde contre les vaccins anti-Covid. Elle était persuasive. J’ai su ensuite que ma mère avait reçu cette vidéo par une cousine du côté de mon père.
Ce matin, donc, quelques minutes avant mon rendez-vous pour ma première injection de Pfizer, j’appelle ma « seconde » maman. Je tombe sur elle. Elle est plutôt contente de m’entendre. Je lui souhaite un bon anniversaire. Je lui réponds que nous sommes partis quelques jours à Amiens. Elle m’apprend : « J’ai de très bons souvenirs à Amiens ».
L’entente se poursuit. Et puis, comme avec une proche avec laquelle on se sent en confiance (soit le minimum envers une seconde maman, même officieuse) je lui parle sans détour du fait que, non, nous n’avons pas pu nous rendre aux hortillonnages. Car nous n’avions pas de passe sanitaire. Hortillonnages qui ont ensuite fermé quelques jours suite à un désaccord entre certains bateliers opposés au passe sanitaire et leur patron. Ma compagne m’a envoyé un extrait d’un article de journal à ce sujet.
Mais en parlant de notre non-vaccination à ma « seconde » maman très officieuse, sans même y penser, j’avais mis une pièce dans le Jukebox. Avec ma mère, le Jackpot du conflit de loyauté. Avec ma seconde maman, le Jukebox de :
« Mais tu vas te retrouver en réa ! ». « Tu as bien vu ce qui se passe en Guadeloupe ?! » (Le nombre de cas de Covid augmente comme à la Martinique et à la Réunion).
« Ne me dis pas que tu ne t’es pas fait vacciner ! ». « Je suis très étonnée ! ».

Je me suis senti embarrassé. A la fois de me sentir en porte à faux. Mais, aussi, que cette conversation, notre premier désaccord majeur en plusieurs années, arrive le jour de son anniversaire. Vraiment, je n’ai pas vu venir cette situation.
Ma seconde maman « officieuse » m’a appris qu’ils étaient tous vaccinés de leur côté. Je la savais vaccinée contre le Covid. Mais je n’avais pas forcément beaucoup élargi le cercle des personnes vaccinées autour d’elle. Même si cela se tient mathématiquement. Si, aujourd’hui, de plus en plus de Français sont vaccinés et que l’on avoisine les 60 % de personnes vaccinées en France, il faut bien que de plus en plus de personnes que l’on connaît soient vaccinées. Mais je vivais encore sur ma petite planète de non-vaccinés, et, ma seconde maman était en train de me rappeler que je vivais bien – encore- sur la même planète que tous ces gens de plus en plus vaccinés.
Je sentais venir en elle la question du complotisme. Je crois même qu’elle me l’a demandé, directe comme elle est :
« Tu es complotiste ?! ».
Afin de me sauver autant que possible de la mélasse complotiste, Je me suis appliqué à être pédagogue :
« Je ne crois pas que le développement des antennes de la 5G va nous téléguider ». J’ai dû être assez rapidement convaincant malgré tout en matière de complot car, ensuite, la conversation s’est faite sur des bases, je crois, plus rassurantes, pour elle comme pour moi.
Question travail, elle a convenu elle-même « qu’ils » ne pourraient pas me « licencier » au vu de la pénurie infirmière importante. J’ai ajouté que cette pénurie s’était accentuée depuis la pandémie du Covid. Je n’ai même pas pensé à rappeler qu’il y a quelques mois, encore, dans certains services somatiques, des personnels soignants à peine remis du Covid, étaient poussés à revenir travailler tant il manquait de personnel dans certains services.
Dans ses propos, j’ai entendu le concentré de qui est opposé aux personnes contre le vaccin. La peur de la réa. Une peur que je ne connais pas, pour l’heure. Sans doute parce-que ma mère a travaillé en réanimation. Et que, si la réanimation est synonyme de mort, elle est aussi synonyme de sortie de coma et de retour à la vie. Je le sais par ma mère. Sans doute aussi un petit peu par les deux stages que j’avais effectués, adulte, dans le service de ma mère. Cela n’avait pas été mon choix.
J’ai aussi entendu la peur de la perte économique. Je me suis abstenu de dire que ma compagne avait fait ses estimations dans le cas où nous serions mis à pied de notre emploi. C’était un peu comme si j’avais déjà un peu dépassé cette peur de la perte économique et que je la redécouvrais au travers de ma seconde maman.
Une autre peur aurait pu être citée. Celle de l’exclusion sociale. Des connaissances et des proches. Elle arrivera sans aucun doute. Pas de qui je pense. Pas comme je le pense.

Ma seconde maman a pris l’exemple de la vaccination contre l’Hépatite A (ou B) rendue obligatoire. Je n’ai pas discuté cette obligation. Elle m’a dit que la technique ARN actuelle était connue depuis dix années. Qu’elle aurait préféré bénéficier de cette nouvelle technique. Mais qu’elle avait eu le vaccin Astrazeneca.
Elle a été attentive lorsque je lui ai parlé de la mésaventure de certains soignants avec l’Astrazeneca. Mésaventure qui pouvait expliquer une partie de cette méfiance de certains soignants envers ces vaccins anti-Covid.
Je lui ai aussi dit que j’avais lu des témoignages sur les réseaux sociaux concernant les effets indésirables. Et, que l’on ne pouvait pas, d’un côté (ça vous rappelle quelque chose ? J’ai expliqué ça dans mon article Sérums de vérité) se réjouir que, durant le printemps arabe, les réseaux sociaux avaient pu nous faire parvenir des témoignages qui démentaient la version officielle. Et, là, à propos des effets indésirables des vaccins sur les réseaux sociaux, déclarer que tous ces témoignages étaient bidons. Des témoignages où une mère nous apprend que sa fille a commencé à avoir des règles peu après la vaccination contre le Covid. Ou une femme nous apprend qu’après s’être faite vacciner, ses seins ont commencé à produire du lait alors qu’elle n’est pas enceinte….
Bien-sûr, je ne connais pas ces personnes. Je ne sais pas jusqu’à quel point leur témoignage est fiable. Je n’ai pas de statistiques que je peux donner.
A ma seconde maman qui me disait que, pour chaque vaccination, il y avait un certain nombre de personnes qui connaissaient des effets secondaires, j’ai répondu qu’il était vrai que je ne connaissais pas les chiffres ou les proportions de ces effets secondaires. Et que la particularité des réseaux sociaux fait peut-être que la façon dont les témoignages nous parviennent, quasiment en temps réel, sans filtre, donnait peut-être l’impression qu’il y a plus d’effets secondaires avec ces vaccins comparativement avec les vaccins précédents contre diverses maladies. Alors qu’il y a peut-être pratiquement autant d’effets secondaires désagréables ou mortels, proportionnellement, avec ces vaccins anti-Covid qu’avec les autres vaccins classiques.
J’ai senti dans le ton de ma seconde maman « officieuse » qu’elle était intriguée. J’étais, moi, plus embarrassé que content de mon effet. J’avais appelé pour lui souhaiter un bon anniversaire. Je lui trouvais aussi la voix plus rauque et plus essoufflée que d’habitude. La dernière fois, c’était déjà un peu ça. Même si elle avait toujours le même aplomb.
Ma fille était en train de jouer dans une autre pièce de l’appartement. Je ne pouvais pas rester longtemps et il y avait du monde chez elle. Dont son fils que je connais. Ainsi que sa belle fille, une des amies de celle-ci, la petite fille, que je ne connais pas.
J’ai fini par ajouter :
« Je suis désolé de te parler de ça le jour de ton anniversaire… ».
Elle :
« Oh, ne t’inquiète pas… ».
J’ai repris :
« Je te connais ! A un moment de la journée ou dès que tu auras pris un verre ou deux, tu vas commencer à en parler ! ».
Elle, avec un petit rire :
« C’est vrai…. ».
Alea Jacta Est. Pourquoi se cacher ?
Vie de couple :
Ce qui m’étonne parmi certains des proches ou des connaissances aujourd’hui pro-vaccins, c’est qu’un an plus tôt, se trouvaient parmi eux, celles et ceux, qui, contre les recommandations d’usage contre le Covid faisaient valser certains interdits. Se faire la bise alors qu’il était préconisé de ne pas le faire. Rencontrer plusieurs personnes chez soi ou se retrouver à plusieurs dans une même pièce sans masque. Ne pas tenir compte de certaines restrictions en terme de distance kilométrique.
Mais c’est comme si, grâce ou à cause du vaccin anti-covid qu’elles ont reçu, certaines de ces connaissances et de ces proches avaient déja oublié que l’année dernière, sans se fourrer pour autant la langue dans la bouche de l’autre en permanence, qu’en pleine pandémie du Covid, il avait été possible d’être en présence de temps à autre d’un peu de monde.
Aujourd’hui, il semble de plus en plus, que la norme sociale devienne d’être entre vaccinés et entre non-vaccinés. Ou de juger l’autre à un moment donné.
Je ne me suis pas senti particulièrement jugé ce matin par ma seconde « maman ». Mais je me suis imaginé que je le serais par un de ses proches que je connais ou par quelqu’un d’autre qui considérera que je me suis égaré.
Un autre lieu d’égarement fréquent est le couple. Ma compagne a toujours été résolument contre les vaccins actuels contre le Covid. Elle considère que ce ne sont pas des vaccins. Ils n’en n’ont que l’appellation pour elle. Je peux concevoir qu’il doit être difficile, au sein d’un couple, d’avoir une attitude différente de l’autre vis-à-vis de la vaccination anti-Covid actuelle.
Même si je ne souscris pas à toutes ses explications comme à un certain nombre de ces raisonnements, j’ai fini par me rapprocher de certains de ses arguments contre les vaccins anti-Covid. Surtout à partir du 12 juillet 2021, lorsque le gouvernement a rendu cette vaccination obligatoire pour les soignants. Avant le 12 juillet, je constatais assez distraitement ses partis pris. Ainsi que le fait qu’elle regardait beaucoup de vidéos sur le sujet de la pandémie, des vaccins anti-Covid Je prenais quelques fois le temps de l’écouter et de l’interroger sans la juger sur le sujet. Je réfutais certains de ses arguments. Mais je ne cherchais pas à ce qu’elle ait absolument la même vision que moi à propos des vaccins, du Covid. D’ailleurs, moins je parlais de ces sujets, mieux, je me portais. Mais le 12 juillet a « tout » changé pour moi. Ainsi que le 13 juillet peut-être, aussi, avec l’enterrement du père de mon meilleur ami.
Par ailleurs, et c’est le propre de bien des couples, je crois aussi au fait que ma compagne a l’aptitude d’observer ou de voir ce que je n’ai pas remarqué.
Dans le film Inception de Christopher Nolan, j’avais raillé le comportement du personnage Dominic l’extracteur(L’acteur Léonardo Dicaprio), qui, si je me souviens bien, très en peine de faire le deuil de sa femme Mallorie ( l’actrice Marion Cotillard) s’enfermait dans une certaine illusion. Une collègue et amie m’avait répondu à l’époque que vivre dans une illusion commune était courant au sein d’un couple.
Je n’exclue pas l’idée que, comme le personnage de Dominic, dans Inception, je sois en train de contribuer à l’établissement et au maintien d’une illusion commune avec ma compagne ainsi qu’avec ma mère et, toute autre personne anti-vaccin. Mais, si illusion il y a, les faits, d’ici quelques semaines ou quelques mois, viendront apporter leur contradiction extérieure. Pour l’instant, j’ai trop de contradictions et de doutes en moi pour accepter la vaccination anti-Covid.
J’ai envisagé d’être, dans le couple, celui qui allait se faire vacciner contre le Covid. Afin d’équilibrer pour le quotidien. Pour nous rendre la vie plus simple lorsque les restrictions vont être appliquées contre celles et ceux qui ne sont pas vaccinés. J’estimais que, de nous deux, j’étais celui qui pouvait le plus faire ça. J’en ai parlé à ma compagne. Elle m’a répondu qu’elle ne voulait pas que je me « sacrifie ». Tout ce qu’elle voulait, c’était que je ne me fasse pas vacciner avec les vaccins actuels contre le Covid.
Etre père :
Etre père, dans un tel contexte, est délicat. Ce matin, j’ai eu un peu de mal à être bien disponible pour ma fille. Vu que la décision que j’avais prise de renoncer à cette première injection de Pfizer, même si je crois que c’était la seule que je pouvais prendre aujourd’hui, m’a occupé l’esprit.
Pour l’instant, comme c’est encore les grandes vacances, ma fille ne perçoit pas trop, je pense, toute cette empoigne autour du vaccin et du passe sanitaire entre les pro et les anti-vaccins. Et, je m’applique à ne pas aborder ce sujet devant elle. La seule remarque qui m’a échappé hier ou avant hier en lisant le journal devant elle a été concernant le fait qu’avec le départ des dernières troupes américaines en Afghanistan, les Talibans ont recommencé à reprendre possession du pays. Je me suis dit que, prochainement, ce retour des Talibans en Afghanistan allait nous ramener le terrorisme jihadiste et ses attentats.
Dans le Charlie Hebdo de ce mercredi, journal très critique envers les anti-vaccins, le rédacteur en chef Riss, dans son éditorial, pointe « Moi aussi, je commence à en avoir marre de la crise du Covid et des interminables débats sur les mesures barrières, les vaccins, les anti-vaccins et la peste bubonique » (….). Puis, il exprime sa crainte d’une proche guerre mondiale. Sujet plus préoccupant que la pandémie du Covid qui continue de beaucoup nous obséder.
Ce matin, je suis allé acheter plusieurs journaux afin d’essayer de trouver en eux des réponses qui me manquent encore à propos de la vaccination anti-Covid. J’ai acheté Les Echos, Le Canard Enchainé, Le New York Times, Le Figaro, Le Monde et Charlie Hebdo, donc.

Les caricatures de Charlie Hebdo à propos des anti-vaccins peuvent me faire sourire. Mais elles ne me convainquent pas en faveur de la vaccination. A nouveau, il me manque les certitudes que les journalistes de Charlie Hebdo ont sur le sujet des vaccins actuels. Pareil pour Le Canard Enchaîné que je lis depuis plus d’une vingtaine d’années sans doute. Si je comprends son titre Violences et dérives lors des manifs anti-passe sanitaire(Combien d’antivax positifs au test anti-génie ?), lui, aussi, ne suffit pas à me rassurer à propos des vaccins actuels contre le Covid.
Je me dis même que Charlie Hebdo et Le Canard Enchaîné, comme d’autres journaux, d’autres opinions et d’autres sensibilités, s’ils se sont trompés à propos de la fréquence des effets indésirables graves des vaccins contre le Covid, auront du mal à le reconnaître.
Qu’est-ce que je peux expliquer à ma fille à propos de ces pour et de ces contre vaccins anti-Covid ?
Qu’il y a, d’un côté les méchants pro-vaccins ? Et, de l’autre côté, les gentils anti-vaccins ?
Je ne raisonne pas de cette façon. Dernièrement, une de nos voisines, vaccinée, était d’accord pour accompagner notre fille à une exposition sur le Divas organisée par l’Institut du Monde Arabe, à Paris, et proposée par le conservatoire de notre ville. Finalement, elle a dû se désister pour des raisons familiales. Mais elle m’a dit avoir été touchée par la confiance qu’on lui accordait. Et, elle m’a invité à la solliciter, en cas de besoin, ultérieurement. Je crois qu’à côté des déboires à venir pour les anti-vaccins, qu’il y aura aussi des situations d’entraide comme avec notre voisine qui vont se répéter et se développer entre pro-vaccins et anti-vaccins au delà de ce qui peut se prévoir.
A ma fille, ce soir, avant qu’elle aille se coucher, j’ai dit :
« Je n’ai pas été très disponible aujourd’hui. J’espère pouvoir faire mieux demain ». Nous avions néanmoins passé du temps ensemble, étions sortis faire un tour dans le centre-ville. Elle avait fait un peu de vélo. Nous étions allés à la librairie et chez le marchand de primeurs, avions trouvé la médiathèque close. Ma fille a pris cela avec le sourire. Et m’a fait comprendre que pour me faire pardonner, que je me devais de l’emmener jusqu’à sa chambre en la portant sur mes épaules. J’ai facilement accepté cette pénitence.
Mais je savais m’être fait emporter par la rédaction de cet article. Hier, nous avions pu regarder entièrement le magnifique manga Les enfants de la mer, réalisé par Ayumu Watanabe . Aujourd’hui, nous n’avions même pas terminé de regarder le premier volet aussi drôle que martial de La Légende de Fong Sai-Yuk réalisé par Corey Yuen. Le sujet de la vaccination est devenue une forme d’obsession comme je l’ai reconnu tout à l’heure en en discutant avec ma compagne.
Mais c’est maintenant qu’il faut écrire à ce sujet. Ma compagne m’a demandé :
« Pour qui ? ». Ou « Pourquoi ? ».
C’est le genre de question à ne pas poser à un obsédé. Ou à un passionné.
La pandémie du Covid nous rappelle la nécessité de bien vivre ce que l’on peut bien vivre avec celles et ceux auxquels nous sommes attachés. Dans un an, le 4 aout 2022, certaines et certains d’entre eux, certaines et certains d’entre eux ne seront peut-être plus là. Moi, je serai peut-être en réa. Comme patient. Ou comme visiteur.
Franck Unimon, ce mercredi 4 aout 2021.