Plus rien ne pourra me blesser un livre de David Goggins.
« Tu as des drôles de lectures…. ».
Dans le nouveau service où je travaille depuis le début de l’année, les toilettes sont un des endroits où l’on y croise ses collègues bien plus souvent que devant la machine à café ou dans les vestiaires.
C’est la première fois que cela m’arrive.
En passant par les toilettes, on quitte pour quelques secondes ou quelques minutes, cette sorte d’open space où nous pouvons être trente ou quarante, ou davantage, à travailler dans notre coin, à discuter avec certains de nos collègues les plus proches, à écouter ce que répondent les autres et à nous figurer la situation qu’ils rencontrent comme à nous concentrer sur les appels que nous recevons nous-mêmes. En restant dans la quête de prendre la meilleure décision possible selon le caractère d’urgence.
Peu de personnes mentent lorsqu’elles se rendent aux toilettes ou quand elles en sortent. Et nous ne mentons pas davantage lorsque nous recevons des appels. Mais les toilettes, c’est une sorte de sas – et pas seulement du fait de la chasse d’eau- où les menottes de l’urgence médicale ou psychiatrique nous sont retirées pour être remplacées par celles de certaines nécessités physiologiques bien connues de tous, petits et grands.
Durant la poignée de secondes où l’on se croise après un passage devant le lavabo et les miroirs, on peut bien-sûr y échanger des banalités, un sourire, de l’embarras. Mais de brèves confidences peuvent aussi venir s’ajouter à celles que l’on a laissées derrière soi dans notre plus stricte intimité.
On peut aussi malgré soi laisser des indices. Tel ce livre de Laurence Beneux, Brigade d’intervention, que j’avais emmené avec moi dans les toilettes non pour l’y lire en cachette, il est possible de lire entre les appels, mais parce-que je revenais de ma pause dans un bureau en accord avec mon collègue direct ce jour-là.
Ce collègue qui a trouvé « drôle » ma lecture, je peux le comprendre. Nous travaillons à des postes différents lui et moi. Et, la dernière fois- et première fois à ce jour- que nous avions eu une conversation personnelle, c’était quelques jours plus tôt, lors de l’anniversaire d’un autre de nos collègues. Il m’avait raconté un peu sa vie professionnelle d’avant, dans la pub, lorsqu’il existait encore de la vraie pub m’avait-il expliqué et qu’il s’épanouissait dans sa partie créative. Jusqu’à ce qu’il décide de se mettre à son compte et que la pandémie du Covid n’arrive, le contraignant à se reconvertir dans ce nouveau métier qui nous a fait nous rencontrer.
A partir de là, il est facile de comprendre que, pour lui, tomber sur ce genre d’ouvrage est déconcertant. Il existe un monde entre une fête anniversaire durant laquelle on a pu entendre des tubes du Top 50 des années 80 telles que Banana split et subitement ce titre :
Brigade d’intervention.
Pourtant, ce livre, pour moi, était dans la continuité de celui que j’avais terminé quelques jours auparavant, Plus rien ne pourra me blesser de David Goggins, ancien Navy seal et athlète rompu aux épreuves d’endurance extrêmes. Sans compter que je n’ai pas abordé avec mon collègue ou d’autres personnes mon intérêt pour l’événement Survival Expo auquel je m’étais rendu en juin dernier au parc floral de Vincennes sans avoir encore pris le temps d’en parler dans mon blog. J’ai par ailleurs appris récemment l’annulation de l’édition de Survival Expo prévue à Lyon cette année pour cause de Jeux Olympiques en France :
L’organisation des Jeux Olympiques en France a tellement fait monter les prix de diverses prestations que cela n’était pas soutenable économiquement pour la survival expo.
« Verser » plus ou moins dans le survivalisme comme dans la lecture d’ouvrages relatifs à l’armée, à la brigade d’intervention, à la police, à toutes sortes de corps d’Etats d’interventions, à la criminologie, aux sports de combat et aux Arts martiaux pourrait suffire à me portraiturer comme un dangereux extrémiste ou un illuminé. Pourtant, il est d’autres aspects de l’existence dont je me préoccupe et dont j’aime(rais) aussi rendre compte. Sauf que mon temps est limité. La preuve :
Nous sommes à la fin de ce mois de février et je n’ai ou n’avais encore rien publié ce mois-ci dans mon blog. Malgré divers sujets en tête dont, par exemple, ma visite de la Tour Eiffel en ce début d’année. Ou les films L’Empire de Bruno Dumont et Dune 2ème partie de Denis Villeneuve, sorti aujourd’hui, et que je suis allé voir ce matin dès la première séance de 9 heures.
J’aurais aussi voulu parler un peu plus de mon séjour de quelques jours en Guadeloupe à la fin de l’année dernière mais aussi de mes préparatifs pour mon séjour au Japon cet été en profitant de la proposition de Léo Tamaki, expert en Aïkido, de nous faire découvrir le Japon tant au travers de certains des Maitres d’Arts martiaux qu’il va nous permettre de rencontrer comme de certains endroits du Japon. Mais je dois me contenter de faire allusion à ces projets afin de faire mon possible pour réussir au mieux cet article qui, je crois, justifie une certaine attention.
Ce soir, pour mieux faire comprendre mon intérêt pour des livres comme celui de David Goggins, je crois utile de préciser ou de rappeler que dès lors qu’une personne, femme ou homme, est attachée à une pratique sportive assidue, que ce soit du fait de son mode de vie, de son éducation, de ses valeurs ou par recherche de la compétition, qu’elle trouvera dans ce genre d’ouvrages des indications, un état d’esprit ou des exemples qui lui parleront.
On l’oublie souvent mais l’une des particularités de la pratique sportive, c’est de nous permettre de développer des capacités d’adaptation à notre environnement. Ne serait-ce que d’un point de vue topographique.
Parce-que nous sommes devenus majoritairement des citadins et que nous bénéficions plutôt facilement de moyens de transports développés ou de véhicules nous permettant de nous déplacer, nous sommes devenus quelque peu amnésiques, fainéants ou ignorants concernant ce genre de faits. Des faits pas si lointains pourtant.
Il y a quelques jours, je suis retombé sur des notes que j’avais prises en lisant un ouvrage consacré au sport. Il y était rappelé que dans la première moitié du vingtième siècle, en athlétisme, la Finlande, avec des champions comme Lasse Viren, dominait les courses de demi-fond et de fond mondial. Mais à cette époque, la Finlande était… un pays pauvre et principalement…rural.
Aujourd’hui, lorsque l’on constate que les coureurs Kenyans sont souvent les premiers des marathons, on oublie assez régulièrement de souligner que ce sont souvent des coureurs d’origine sociale modeste qui sont capables et prêts à s’entrainer- dur- plusieurs fois par jour pour être les meilleurs.
A mon niveau, j’ai su que mes deux grands pères avaient beaucoup marché pour se déplacer. Ma mère m’a beaucoup fait marcher, petit. Et, elle marchait vite.
A la fin de l’année dernière, dans notre appartement, nous avons eu la mauvaise surprise de découvrir des souris. C’était la première fois que cela nous arrivait et cela nous a quelque peu déstabilisé voire angoissé. Des souris ! Ces petits animaux qui, si nous avions toujours vécu à la campagne, auraient été pour nous des banalités voire les terrains de jeux de nos pulsions sadiques primaires ou infantiles. Lorsque l’on commence à se rappeler qu’il existe des « tonnes » de rats vivants dans nos égoûts, on peut sourire de cette inquiétude qu’ont pu susciter quelques souris.
`Enfin, il y a quelques jours, j’ai eu à connaître une courte panne d’électricité rapidement résolue au bout de quelques heures. Là, aussi, l’habitude, le fait d’être installé dans un certain confort m’avait donné l’illusion que tout cela était dû et immuable étant donné que je paie mes factures.
Nous sommes nombreux à connaître ou à avoir connu ce genre d’anecdotes.
Cependant, nous vivons en grande majorité dans nos repaires intérieurs en nous reposant régulièrement et constamment sur un socle d’illusions et d’habitudes nous concernant mais aussi à propos de notre environnement ou de notre entourage. Nous pensons que dans telle situation, nous ferions ceci, nous ferions cela. Nous pensons que ce que nous vivons est acquis alors que cela l’est beaucoup moins ou peut l’être beaucoup moins que prévu. Et lorsque arrive la confrontation avec le réel, certaines nouvelles ou certaines situations imprévues qui durent plus ou moins, qui sont plus ou moins difficiles ou inconfortables, subitement, nous sommes moins beaux à voir et à entendre. Nous peinons à adopter la bonne action ou la bonne décision.
Chacune et chacun s’arrange ensuite comme elle/il le peut avec ce genre de moment désagréable où il a à se voir moins valeureuse et moins valeureux ou simplement moins bien inspiré (e) qu’elle ou qu’il le croyait.
Je n’ai pas oublié, quelques mois après les attentats terroristes que nous avions connus à partir de 2015, comment, dans une rame de métro remplie, personne n’avait réagi en plein Paris lorsqu’une jeune femme s’était faite aborder de manière plus insistante et déplacée que véritablement dangereuse par un grand gaillard, assez bien constitué, mais aussi alcoolisé (l’homme avait une canette ou une bouteille de bière à la main).
Personne n’avait réagi à part un homme et moi. Cet homme qui avait réagi avec moi était plutôt du genre quelconque d’un point de vue physique et, à ce que j’ai vu, très peu porté sur la bagarre. Et, moi, je ne suis pas un soldat. Je fais de mon mieux et j’essaie de faire de mon mieux.
David Goggins, lui, c’est un guerrier. Du genre frontal, militaire. Tout n’est pas beau chez lui. J’ai tendance à croire que l’on aurait pu aussi bien donner comme titre à son livre Plus rien ne pourra m’angoisser. Je le perçois aussi egocentrique, psychorigide, assez masochiste, vraisemblablement nationaliste.
Je pense qu’en tant que père, il a complètement raté ou négligé ce qu’il a pu réussir ailleurs. Et qu’en tant que fils, il a finalement été au-delà de ce que son père, dont il s’est éloigné, a pu souhaiter ( « Je ne veux pas que vous deveniez des fiottes ! »). Je trouve aussi qu’il y a une absurdité et une tristesse dans le fait qu’il puisse être aussi populaire de par ses exploits sportifs et ses interventions médiatisées et sa vie solitaire.
Mais je crois aussi que quelqu’un comme moi peut apprendre quelque chose de ce genre de personne. En filtrant bien-sûr. En prenant ce que je peux.
Et, c’est ce qui m’a amené à lire ce livre sur lequel je suis tombé « par hasard », alors que j’étais entré avec ma fille dans une librairie du 7 ème arrondissement que je ne connaissais pas, afin, au départ, de lui acheter des livres pour l’école. Jusqu’à ce que je voie le livre de Goggins, là, à l’entrée, plutôt bien en évidence parmi d’autres ouvrages.
La librairie où j’ai acheté le livre de Goggins n’a rien de militaire. Si la station de métro Ecole Militaire se trouve à une bonne dizaine de minutes à pied, les personnes que j’ai croisées ce jour-là que ce soit dans la librairie ou dans les rues m’ont plutôt fait l’effet de bobos ou de bourgeois parisiens d’un âge certain ou adulte. Et, rien de particulier chez eux m’a fait penser qu’ils pouvaient avoir la rage ou l’envie de s’engager dans la légion étrangère. Ça, ce seraient plutôt les muses de Goggins, ancien enfant maltraité par son père, ancien obèse, ancien élève en échec scolaire et noir victime du racisme aux Etats-Unis. Mais aussi ancien pauvre ou presque pauvre mais aussi ancien employé affecté à la tâche qui consistait à tuer -la nuit- des cafards dans les lieux de restauration.
J’ai aimé que dans son livre, Goggins, relate aussi certains de ses échecs. S’il élude la raison de son échec conjugal avec sa compagne Kate ( qu’il ne cite même pas à la fin du livre dans ses remerciements ! ) qui l’a pourtant soutenu et souligne l’importance de la présence et du soutien de sa mère, et de quelques autres ( pas nombreux), il raconte aussi comment certains de ses excès lui ont nui. En particulier à propos de sa carrière militaire. Mais aussi à propos de sa santé.
Pour le reste, ce sont ses propos qui sont les plus éloquents et qu’il faut prendre, bien-sûr, comme on le peut, c’est-à-dire, en tenant compte de nos propres limites. Goggins n’a pas de vie de famille à proprement parler lorsqu’il s’exprime et il partait de tellement loin qu’il n’avait en quelque sorte plus rien à perdre. Et, rappelons-nous, aussi, que Goggins est Américain et que cela peut expliquer, aussi, en partie, ce côté « Tout ou rien » puisqu’aux Etats-Unis, il n’y a pas l’équivalent de la sécurité sociale que nous avons encore en France.
Voici quelques extraits du livre de David Goggins, Plus rien ne pourra me blesser :
« Vous courez le risque de mener une vie si confortable et si ramollie que vous allez mourir sans avoir jamais atteint votre plein potentiel ».
« Ne vous arrêtez pas quand vous serez fatigué. Arrêtez-vous quand vous aurez fini ».
« Tout le monde connaît son lot d’échecs et la vie n’est vraiment pas censée être juste, encore moins se plier à chacune de vos lubies.
La chance est une chose capricieuse. Elle n’ira pas toujours dans votre sens, alors ne vous laissez pas piéger par l’idée selon laquelle vous mériteriez d’avoir de la chance au simple motif que vous avez imaginé la faisabilité de quelque chose. La propension à croire que quelque chose vous est dû est un handicap. Débarrassez-vous en. Ne vous focalisez pas sur ce que vous pensez mériter. Attaquez-vous à ce que vous avez la volonté de conquérir ! ».
« (….)je me pris aussi en pleine gueule pas mal de remarques négatives(….). Cependant, tout cela n’avait rien de bien nouveau. A-t’on jamais rêvé de quelque chose pour soi sans que des amis, des collègues ou la famille ne viennent tout remettre en question ? Nous sommes en général motivés à l’extrême pour faire l’impossible afin de réaliser nos rêves, jusqu’à ce que notre entourage nous mette en garde contre les dangers, les inconvénients ou nos limites en nous rappelant tous ceux qui, avant nous, ont échoué dans leur quête. Ces conseils viennent parfois de personnes bien intentionnées. Elles pensent sincèrement agir pour votre bien, mais si vous les laissez faire, ces mêmes personnes finiront par vous faire renoncer à vos rêves- aidées en cela par votre régulateur ».
« (……) Préparez-vous !
Nous savons que la vie peut être dure, et pourtant nous nous apitoyons sur notre sort quand elle s’avère injuste. A partir de maintenant, acceptez les règles qui suivent comme étant les lois de la nature selon Goggins :
On se moquera de vous.
Vous serez inquiet.
Vous ne serez sans doute pas le meilleur tout le temps.
Vous pourrez être le seul, ou la seule, à être noir, blanc, asiatique, latino, femme, homme, gay, lesbienne ou (indiquez ici votre identité) dans une situation donnée.
Il y aura des moments où vous vous sentirez très seul.
Passez outre ! ».
« Notre esprit est sacrément puissant. C’est même notre arme la plus puissante, mais nous avons cessé de l’utiliser. Nous avons accès à plus de ressources aujourd’hui que nous n’en n’avons jamais eues, et pourtant nous nous révélons moins capables que tous ceux qui nous ont précédés. Si vous voulez être l’un des rares à contrarier cette tendance au sein de notre société ramollie, il faudra que vous partiez en guerre contre vous-même et que vous vous façonniez une nouvelle identité, ce qui nécessite une ouverture d’esprit. C’est bizarre, mais être ouvert d’esprit est souvent associé avec le fait d’être « New Age » ou mou. Qu’ils aillent se faire foutre. Etre suffisamment ouvert d’esprit pour trouver la bonne solution n’a rien de nouveau. C’est ce que faisaient les hommes préhistoriques. Et c’est exactement ce que je fis (…) ».
Un article de Franck Unimon/ Balistiqueduquotidien, ce mercredi 28 février 202
L’Amour sous algorithme, un livre de Judith Duportail.
Appât ou état, son apparition change la donne. Seconde peau de première main, l’Amour est une assez vieille croyance que, quel que soit l’âge, un jour, beaucoup mangent.
La journaliste indépendante Judith Duportail a 28 ans lorsqu’elle télécharge en 2014 l’application de rencontres Tinder. On apprend dans son livre que cette application, disponible en France en 2013, a été cofondée par Sean Rad – qui voulait être acteur initialement- en 2012 aux Etats Unis.
Judith Duportail est une jeune parisienne qui, lorsqu’elle écrit ce livre, pourrait être décrite comme « émancipée », urbaine, éduquée (un niveau d’études plutôt élevé, Anglais courant) et pourvue d’humour.
Sur le papier, Judith Duportail est une personne suffisamment armée pour être aimée.
Cela pourra étonner de voir rapproché, ici, le terme « arme » de celui qui consiste à trouver ou à être trouvé par l’âme sœur… mais lorsqu’il s’agit de séduire la personne qui s’aventure à nous plaire, un simple sourire pour elle est déjà une tentative de capture. Même si sourire n’empêche pas la rupture. Hollie Cook hante cette vérité dans son titre 99 :
« Please, don’t give me your smile I Adore cause I can’t touch you no more…. » (« Je t’en supplie, ne m’adresse plus ce sourire que j’adore car je ne peux plus me rapprocher de toi »).
Hollie Cook passe cette semaine en concert au Trabendo ce vendredi 28 octobre. Il est possible que j’aille la voir.
Le fait que L’Amour sous algorithme ait été écrit par une femme (apparemment en 2019) et ait été cité par d’autres femmes (Mona Chollet et Victoire Tuaillon) préoccupées également par les relations amoureuses entre les êtres humains a son importance. Car officiellement, les hommes hétérosexuels sont des larves de l’Amour.
Et, en tant que larves des sentiments et de l’engagement, ils font beaucoup souffrir les femmes qui sont des êtres beaucoup plus évolués en matière d’engagement et de sentiment. Je l’écris ici avec un peu de provocation misogyne. Mais je résume aussi, je crois, une partie du sujet principal. Parce qu’il y a l’algorithme. Puis il y a celles et ceux qui l’utilisent et qui sont, en principe, tous, des êtres responsables.
Soit une personne née à partir des années 80 et très tôt familiarisée avec les environnements numériques et qui, par conséquent, peut être quotidiennement rivée à un écran d’ordinateur, de tablette numérique, de smartphone ou attachée à une console de jeux donnant généralement accès à internet avec un débit illimité.
Pour une personne Digital Native, télécharger une application telle que Tinder pour faire des rencontres fait partie du décor de son quotidien. Mais cela fait aussi partie de la norme sociale.
Lorsque le site de rencontres Meetic fut créé en 2001, cela fut davantage un événement d’un point de vue sociétal que de s’y inscrire. Car c’était nouveau de s’y prendre de cette manière pour faire des rencontres. C’était plutôt une pratique secrète et honteuse. Il pouvait être plus facile de s’afficher comme une personne célibataire dans la vie ordinaire que de raconter que l’on avait passé plusieurs heures de sa journée ou de sa nuit à écluser un site de rencontres.
Dans les années 2000, le site Meetic était le site de rencontres dont on parlait le plus. Le site existe toujours et serait toujours un site de rencontres qui compte. Sauf que, depuis 2001, les sites de rencontres, les réseaux sociaux, la technologie informatique mais aussi la téléphonie mobile se sont beaucoup développés et ont transformé la façon de se rencontrer mais aussi d’interagir avec les autres tant d’un point vue professionnel, administratif, économique, amical qu’amoureux. En 2001, par exemple, il était impossible de consulter son compte bancaire sur son smartphone. Et, il était plutôt rare d’organiser des réunions ou des « rencontres » à distance sur Skype.
Judith Duportail, amatrice de Tinder
Judith Duportail, née en 1986, Digital Native, a voulu en savoir plus sur ce qu’il y avait dans le ventre de l’application Tinder qui a le pouvoir de retourner les tripes de ses usagers. Célibataire et en perte d’amour lorsqu’elle télécharge l’application Tinder, elle a ce réflexe à la fois féministe, personnel mais aussi journalistique.
Quand paraît son livre, nous sommes aussi dans l’ère des « lanceurs d’alerte ». Et, Judith Duportail a sans aucun doute eu connaissance de l’affaire mondialement médiatisée en 2013 de l’Américain Edward Snowden (son aîné de 3 ans) ou de l’affaire Wikileaks, d’abord, en 2006 avec Julian Assange.
Des « affaires » comme l’affaire Wikileaks et l’affaire Snowden mais aussi des œuvres cinématographiques comme Matrix ( réalisé en 1999) qui ont eu des retentissements médiatiques mondiaux auront démontré que le monde numérique a non seulement des failles mais peut aussi servir des intentions malveillantes.
Une personne Digitale Native un peu soucieuse et critique vis à vis de cet environnement numérique qui lui est aussi familier que peut l’être une forêt pour un garde champêtre, peut avoir à cœur de mieux connaître ce site de rencontres à qui elle confie sa vie sentimentale mais aussi son avenir. Mais aussi disposer de suffisamment de compétences et de culture technique pour mieux comprendre comment cette entreprise numérique et commerciale marche.
En plus de ces compétences et de cette culture numérique, Judith Duportail, devenue journaliste indépendante après avoir travaillé pour Le Figaro, fait aussi montre d’une grande créativité tant relationnelle que journalistique pour rencontrer certains représentants de Tinder France. Elle réussira même à obtenir une interview-pré-programmée- même le cofondateur de Tinder, Sean Rad, qui est encore alors le PDG de Tinder. Mais aussi de Whitney Wolfe, ex-cofondatrice de Tinder. Celle qui, « a eu l’idée d’appeler l’application Tinder, qui se traduirait par « allume-feu » en Français ». (L’Amour sous algorithme, page 183).
Judith Duportail nous apprend que Whitney Wolfe, après avoir dû quitter Tinder a créé Bumble « une application de rencontre qui se présente comme féministe. Avec ses 36 millions d’utilisateurs, l’appli est maintenant le principal concurrent de Tinder, et le groupe Match cherche à la racheter. Sur Bumble, ce sont les femmes seulement qui peuvent prendre l’initiative d’engager la conversation avec les hommes ». ( page 181, de L’Amour sous algorithme).
Si Duportail nous parle de Tinder et de la façon dont ce site de rencontres peut collecter une quantité invraisemblable d’informations personnelles de ses usagers, puis les revendre à d’autres entreprises, on comprend ( ou l’auteure nous l’explique) que cette « méthode » de siphonage des informations personnelles est aussi utilisée par un certain nombre des sites de rencontres et des réseaux sociaux qu’il est désormais courant d’utiliser quel que soit notre âge, notre sexualité, notre poids, notre religion, notre catégorie socio-professionnelle ou nos origines.
Le titre du livre de Judith Duportail s’appelle L’Amour sous algorithme mais il aurait pu aussi s’intituler Le rêve sous algorithme. Et le mot « algorithme » peut bien des fois se faire remplacer par le mot « cloche ».
Car l’auteure nous démontre comment sur Tinder, qui se veut démocratique, les rencontres sont orientées et quadrillées selon les résultats de certains « échanges » entre usagers mais aussi selon certaines valeurs plutôt…conventionnelles.
Malgré la présentation « jeune » et « décontractée » affichée par les représentants et le discours de la « boite » Tinder, les entrailles des algorithmes, lorsque passées au scalpel de l’enquête de Duportail se montrent beaucoup moins novatrices.
Lorsque l’auteure questionne Sean Rad, alors PDG de Tinder, quant à la tendance consumériste des rencontres sur le site d’applications, celui-ci répond que beaucoup de personnes leur écrivent pour les remercier de leur avoir permis de trouver leur bonheur sur Tinder. Ce genre d’histoires existe bien-sûr. Mais pas pour d’autres et, cela, dans une proportion difficile à définir. Car des millions d’usagers persistent à se connecter telles des souris de laboratoire enfermées dans une cage- ou sous une cloche- qui continuent de faire tourner la même roue qui est la route du cash pour un site comme Tinder.
« Chaque jour, se produisent 2 milliards de matchs sur Tinder. L’application, présente dans 190 pays revendique être à la base d’un million de dates par semaine. Un million ! Le succès de Tinder est indéniable. C’est un outil incroyable ». ( page 219 de L’Amour sous algorithme ).
L’addiction à la connexion
Dans L’Amour sous algorithme, Duportail nous parle de l’addiction à la connexion au site qu’elle compare entre-autres à celle des joueurs de casino. Très vite, elle nous a parlé, lors de ses débuts sur Tinder, du fait que son ego a pu être rapidement boosté à recevoir un certain nombre de matches. Avant ensuite de déchanter devant ce besoin recomposé de recevoir de nouveaux shoots de matches mais aussi devant la désillusion que lui font vivre ses rencontres. Lorsqu’elle nous raconte certaines de ses rencontres et déconfitures, on se croit par moments dans un mauvais sketch de Blanche Gardin, de Tania Dutel ou de Marina Rollman.
Boire, fumer, draguer et coucher avec qui, quand et comme on veut, plus ou moins bien gagner sa vie, vivre chez soi ou en coloc, conduire une moto ou une voiture, avoir son réseau d’amis, sortir la nuit, découcher, danser, voyager, dire des gros mots ou ce que l’on pense quand on le pense, bien s’exprimer, avoir de la répartie et un humour supersonique, avoir un très bon niveau d’études, une certaine réussite sociale, cela ressemble à une vie d’adulte émancipée. Mais cela n’empêche pas la claudication alternative devant l’alerte de La rencontre.
La dépendance affective
Après nous avoir parlé de l’addiction au site, Judith Duportail fait bien de souligner l’engrenage de la dépendance affective qu’entretient un site (tout site ?) de rencontres. Car les comportements d’addiction et la dépendance affective sont attachés. Et, lorsque l’on se retrouve imbriqué entre les deux, on peut avoir du mal à réellement s’émanciper de certaines conduites d’échecs lors de nos rencontres sentimentales :
« (….) Selon John Bowlby, la moitié des adultes dans le monde occidental souffrent d’un trouble de l’attachement plus ou moins prononcé. Certains arriveront à bien vivre avec, ou n’en seront pas trop handicapés. Car attention, toute relation sentimentale à un autre, tout attachement, induit une forme de dépendance. On dit bien à ses amis :
« Je peux compter sur toi » ou « Je suis là pour toi », ce qui signifie qu’on a besoin les uns des autres, qu’on se félicite d’honorer cette interdépendance. Une dépendance consentie, cadrée. Dans le cas des dépendants affectifs, le regard de l’autre prend trop de place, trop d’importance. Car ils cherchent à l’extérieur d’eux-mêmes comment soigner leur blessure initiale ». (page 139 de L’Amour sous algorithme).
A ce jour, je n’ai pas lu d’ouvrage de John Bowlby. Mais j’aimerais bien savoir quelles sont les causes, selon lui, de ce « trouble de l’attachement plus ou moins prononcé » dont « la moitié des adultes dans le monde occidental souffrent ». J’imagine que certains modes de vie doivent y être pour quelque chose. Même si le trouble de l’attachement « plus ou moins prononcé » a sans doute toujours existé en occident mais aussi ailleurs.
Le mirage des sites de rencontres et des réseaux sociaux, qui sont des média plutôt extraordinaires à l’origine, c’est de nous abonner à la croyance qu’ils peuvent très facilement « nousaider » à gommer ce qui nous dérange dans notre vie ordinaire et nous faire vivre des miracles répétés. En nous offrant leurs « services ».
Alors qu’il faudrait d’abord, au préalable, vérifier dans quelle disposition mentale et affective on se trouve, et faire le ménage dans nos méninges et nos névroses, lorsque l’on se rend dans ce genre d’endroits :
Les sites de rencontres et les réseaux sociaux.
Après tout, toute personne qui va se lancer dans une aventure vérifie d’abord son matériel, sa condition physique et mentale, mais aussi la viabilité de son projet auparavant. Et, pour cela, le plus souvent, même si ensuite elle décide de tenter l’aventure, elle sait d’abord se faire entourer et conseiller par des spécialistes, des professionnels ou par des personnes qui ont tenté cette aventure avant elle.
C’est pourtant le contraire qui se passe avec les sites de rencontres. Appâtés par le miracle qui nous attend après quelques mouvements de doigts, nous nous muons en Indiana Jones de la rencontre et sautons les étapes.
Lorsque j’avais connu l’expérience du site de rencontres Meetic à la fin des années 2000, j’étais célibataire, plus ou moins déprimé et en recherche d’une histoire d’Amour. Mais j’allais bien mieux que d’autres. Je n’étais ni sous anti dépresseurs et pas sous le coup d’une rupture toute fraiche de quelques minutes. J’avais besoin d’élargir mon cercle de rencontres. Et Meetic était une nouvelle façon pour peut-être élargir ce cercle.
En outre, le fait d’être actif dans la recherche, avait au départ quelque chose de sans doute valorisant. Agir plutôt que subir. Essayer cette nouvelle façon de faire au lieu de la dénigrer d’emblée. Pour ces raisons, au départ, l’expérience Meetic fut une expérience d’ouverture. Car toutes mes rencontres jusqu’alors s’étaient faites sans passer par un site.
J’ai oublié combien de temps j’étais resté inscrit sur Meetic. Peut-être à peu près deux ans. A l’époque, le site de rencontres était exclusivement payant pour les hommes. Et gratuit pour les femmes. Cela m’a toujours paru injustifié.
J’ai toujours eu le sentiment que le fait de pouvoir s’inscrire gratuitement maintenait la plupart des femmes du site dans la position passive des princesses qui passaient leur temps à attendre le prétendu prince charmant. Car j’avais été édifié de lire sur bien des annonces de femmes inscrites, qui se présentaient comme des femmes ayant la trentaine tout au plus, qu’elles recherchaient le « prince charmant ».
Que ce soit dans la vraie vie ou sur un site de rencontres, pour moi, celle ou celui qui recherche le prince charmant, consciemment ou inconsciemment, ne le trouvera pas.
En tout cas, moi, je ne me vois pas comme un prince charmant. Et, je perçois cette attente comme une dictature. Une telle attente me donne plutôt envie de me comporter de manière très provocante.
Et, j’avais peut-être eu tort alors, mais chaque fois que j’avais vu mentionnée cette quête ou cette attente du « prince charmant », j’avais fui. Je ne correspondais ni au portrait-robot ni au portrait-mental d’un prince charmant. Et, c’est toujours le cas aujourd’hui.
Pourtant, je cherchais véritablement une histoire d’Amour sur Meetic. Et je sais qu’il y a des hommes qui cherchent aussi à vivre une sincère histoire d’Amour avec des femmes. Il reste donc énigmatique pour moi que des femmes instruites comme Duportail, Tuaillon et Chollet, et celles qui leur ressemblent, puissent avoir eu tant de mal à croiser ces hommes qu’elles ont cherché ou cherchent.
Pour moi, l’explication ne tient pas uniquement dans le patriarcat. Mais aussi dans le fait que certaines femmes dites émancipées le sont bien moins qu’elles ne le croient ou l’affirment. Et, un certain nombre d’entre elles continuent de suivre celle ou celui qui sera le mieux doué(e) pour leur jouer la comédie. Puisque dès lors que quelqu’un nous « fait quelque chose » ou nous « fait vibrer », on aime bien se raconter, même si assez vite cette personne honore très mal ses promesses ou ses engagements, que, malgré tout, cela vaut le coup. Et que cela vaut aussi le cul, par la même occasion.
Le grand remplacement
Sur Meetic, j’avais connu une histoire de cinq mois qui m’a fait un effet durable puisque je me rappelle toujours du prénom et du nom de cette personne comme de certains moments vécus avec elle près de quinze ans plus tard.
Mais j’avais aussi été très influencé par le côté supermarché du site.
Et, lorsque étaient apparues des tensions entre elle et moi, j’avais été rapidement agacé par ce que je voyais comme des caprices de petite fille. Me disant que si notre relation se terminait que je retrouverais rapidement- sur le site- quelqu’un d’autre de « bien » qui me ferait moins chier. Ma future ex de Meetic s’était sûrement comportée comme une personne capricieuse, quelque peu immature et tyrannique, exigeant de moi des gages d’Amour qui me déconcertaient mais aussi mettant en doute la sincérité de mon attachement. Peut-être que notre relation était-elle réellement privée de futur. Néanmoins, si elle et moi nous étions rencontrés dans mes conditions de vie habituelles (ce qui aurait été assez peu probable étant donné que nous évoluions et avons sans doute continué d’évoluer dans des univers culturels, économiques et professionnels très différents ), je crois que j’aurais été plus tolérant.
Je n’aurais pas eu ce réflexe, très vite acquis en étant inscrit sur le site alors que je n’avais pas rencontré tant de personnes que ça avant elle, de me dire que je pourrais très vite la remplacer. Et, lorsqu’elle m’avait fait sa « crise » d’autorité ou de caprice, je l’avais déposée en voiture là où elle me l’avait demandé/exigé. Afin de lui laisser cette assurance que, oui, je la considérais vraiment. Elle, qui aurait voulu qu’à notre retour de Normandie, je la dépose devant chez elle, à Paris, rue du Bac, en voiture. Pour qu’ensuite, je retourne chez moi toujours en voiture chez moi à Cergy le Haut où j’habitais alors. J’avais refusé de me retrouver inféodé au rôle de l’homme qui conduit sa compagne jusqu’au pas de sa porte et qui ne compte pas les kilomètres, le temps et l’essence pour ensuite retourner chez lui. Cette erreur-là, en plus de celle d’avoir refusé de rencontrer sa mère, me fut fatale.
Ma future ex de Meetic eut quelques pleurs. M’affirma sans doute que je n’avais pas de sentiments pour elle. De mon côté, je refusais que nous restions « amis » comme elle me le proposait. Nouvelle erreur stratégique de ma part. On croit que je parle d’une jeune femme d’à peine 18 ans ? Si j’avais bien 7 ou 8 ans de plus qu’elle, ma future ex avait alors près de trente ans. Ce qui n’excluait pas, visiblement, de pouvoir se comporter en certaines circonstances comme une adolescente d’à peine 18 ans.
Notre séparation devint définitive. Sans doute par orgueil, ainsi que dans la douleur, elle s’emmura dans sa décision, « conseillée », je crois, au moins par certaines de ses amies qui pensaient comme elle. Nous nous revîmes elle et moi au moins deux fois, dont une fois dans cet appartement qu’elle avait acheté dans le 14ème arrondissement et qui faisait deux fois la superficie de mon studio de banlieue. Une autre fois, lorsque nous allâmes ensemble au festival de musique Rock en Seine clôturé avec maestria par Björk, elle avait rencontré quelqu’un.
Plusieurs années plus tard, j’appris par hasard sur Facebook qu’elle s’était mariée. Elle me répondit une première fois pour ne plus me répondre.
Hors bord relationnel
Après elle, je ne connus pas d’autre relation aussi notable d’un point de vue affectif en passant par Meetic. J’en avais aussi assez de passer mon temps sur le site telle une personne en recherche permanente d’emploi devant adresser d’innombrables CV qui ne débouchaient sur rien.
Pour être suffisamment inspiré et susciter l’intérêt d’une femme, il me fallait avoir le moral et être inspiré lorsque j’écrivais un message que je devais multiplier pour pouvoir, mathématiquement, provoquer une réaction ou deux favorables. Or, pour cela, il fallait passer du temps sur le site. Et, plus je passais du temps sur le site, plus je me démoralisais devant le vide numérique qui revenait constamment à ma rencontre. En prenant son temps, c’est à dire le mien. Mon temps qui était associé à mon espoir de « trouver » quelqu’un.
Je peux imaginer que mon ex de Meetic, apprenant cela, aurait vu dans mes déboires un châtiment juste et mérité pour mon « comportement » à son égard. Alors que je crois qu’il y a surtout eu de l’incompréhension entre elle et moi. Mais aussi, pour moi, une sorte de décalage, ou une forme de sentiment de dissociation, entre la réalité de cette relation sentimentale, car j’avais des sentiments pour elle contrairement à ce qu’elle a cru ou eu besoin de croire, et sa soudaineté.
Les rencontres via les sites abrègent beaucoup la durée du temps de rencontre. Si certaines personnes sont des adeptes du coup de foudre ou des rencontres flash, j’ai plutôt besoin d’une certaine « maturation » de la rencontre et du sentiment pour être « dans » l’histoire. Si j’avais été bien sûr content de rencontrer mon ex de Meetic et que nous avions une réelle connivence, je crois, sur certains sujets, le fait d’avoir « obtenu » cette rencontre aussi improbable, aussi « facilement », m’a empêché de me mettre dans les vraies conditions de la rencontre. Pour employer une image grossière, une fois la rencontre faite, j’avais sans doute l’impression que notre relation était une péniche, qu’il y avait le temps. Alors que j’étais sur un hors bord.
Je fus aussi très étonné par le gâchis fait par ces usagères du site soit par manque de sincérité ou par manque de maturité. Car le côté supermarché des sites de rencontre vaut aussi pour les femmes. Ce ne sont pas seulement certains hommes qui vont sur les sites de rencontres comme on se rend dans un supermarché.
Près de quinze années environ après mon expérience Meetic, la lecture facile et plaisante de l’ouvrage de Judith Duportail confirme mes anciennes impressions. Et, cela ne me donne pas du tout envie de retourner faire le mur un jour sur un site de rencontres.
Aujourd’hui, pour rencontrer quelqu’un, je recommanderais plutôt le cercle de connaissances et d’amis ; la découverte de nouvelles associations ou de clubs culturels sportifs ; le lieu de travail ou les voyages ; ou la fréquentation répétée de tout endroit qui permet des rencontres sociales et personnelles viables, agréables et autres que celles que l’on connaît déja.
Je connais par exemple un couple qui s’est formé dans mon club d’apnée. Tous deux séparés de leur côté, chacun mère et père. Je sais qu’elle, qui faisait au départ de la plongée dans le club a ensuite rejoint la section apnée lorsqu’elle l’a aperçu. C’est elle qui me l’a raconté.
Mais avant toute rencontre, il y a d’abord le préalable indispensable d’être d’abord véritablement « disposé » pour s’engager dans une relation intime. Parce-que si l’on a peur de partager son intimité ou si l’on préfère conserver exclusivement son territoire à soi et pour soi, on peut rencontrer un certain nombre de personnes tout à fait recommandables et très bien s’arranger pour leur tourner leur dos ou les dissuader de s’approcher.
Je crois que ces dernières précautions restes valables même si l’on préfère ou si l’on ajoute les sites de rencontres, les forums ou les réseaux sociaux pour accroître ses chances de rencontrer quelqu’un et ainsi déjouer l’algorithme de l’accablement sentimental.
Rien ne dure vraiment longtemps, un livre de Matthieu Seel.
Matthieu Seel, le métis adopté, a été la voix de la série podcast Crackopolis. Dans cette série, il racontait le hijack que peut-être le crack en plein Paris, en outre dans le 19ème arrondissement où il a d’ailleurs grandi et où, plus jeune, il avait eu Peter Chérif et les frères Kouachi comme copains de primaire et de collège.
Certains veulent voir, Matthieu Seel a tout vu sauf l’histoire de ses origines dont les barreaux, par condensation, lui résistent. C’est peut-être pour cette histoire qu’il ne connaît pas qu’il commence par fumer des paquets de joints dès l’âge de dix puis qu’il finit, plus tard, par consulter le caillou.
Matthieu Seel ne nous raconte pas tout. Pour cela, il faudrait absolument se souvenir et il a aussi besoin d’oublier. Mais il y en a assez pour dix dans ce qu’il nous dit. Celle ou celui dont la vie dévie pour dealer et pour attraper du caillou se surpasse jusqu’à un point culminant qui se déplace sans cesse et qui est à peine imaginable.
Il y a des existences beaucoup plus simples et beaucoup plus reposantes. Mais pour cela, il faut être assez robot. Matthieu Seel n’en n’est pas un et il connaît difficilement le repos depuis assez tôt. Artiste photo un temps, vivant la nuit, il finit par vendre son appareil et par connaître des journées de 96 heures sans dormir lorsque le crack est devenu son métronome. Combien de personnes, ou plutôt de formes, a-t’il rencontrées parmi lui et qui, comme lui, pointaient vers les mêmes usages ? De toute façon, ces formes de rencontres ne tenaient pas.
Sa mère ( adoptive) fait partie de celles et ceux qui ont tenu. Et, je comprends qu’une Virginie Despentes ait cru en lui pour ce livre car il aurait pu avoir un rôle dans son film Baise moi. Comme je comprends aussi qu’une personnalité comme Slimane Dazi soit ce parrain qu’il remercie, ainsi que beaucoup d’autres, à la fin de son livre. J’aurais été beaucoup plus étonné si Guillaume Canet ou André Dujardin l’avait parrainé.
Dans Rien ne dure vraiment longtemps , sorti en septembre 2022, Seel raconte les mauvais passeurs d’histoires, les arnaques, les guet-apens, l’entraide, la survie dans la rue, les échecs sentimentaux, la paranoïa, sa famille, l’hôpital, les tentatives de sevrage à Pierre Nicole, le centre thérapeutique de la Croix Rouge, et à Marmottan ( La ferveur de Marmottan). Eduqué, autodidacte, il est loin d’être idiot. D’autres sont comme Matthieu Seel mais leurs mots, leur nom et leur visage ne nous parviendront pas.
Maggie Nelson est une femme de l’être. Debout dans mon train, que j’ai attrapé de justesse, alors que je suis en transit entre ma ville de banlieue parisienne et la gare de Paris St Lazare, je me répète cette phrase.
Maggie Nelson est une femme de l’être.
D’après sa photo en médaillon au début du livre, Maggie Nelson est l’Américaine « typique », blonde, yeux clairs, regard direct, sourire évident, plutôt jolie, svelte, fit.
Cette fille, née en 1973, respire la vie.
Mais les Etats-Unis, c’est de là que « vient » Maggie Nelson, est aussi le pays des positions extrêmes. Et, Maggie nous jette dans le refrain de ses extrêmes dès la première page de son livre coupée en deux. Une partie autobiographique où elle nous encule en nous parlant de son Amour pour son compagnon Harry, née femme, père d’un petit garçon. Puis, une autre, théorique ou conceptuelle, où elle nous parle de Wittgenstein :
« Avant notre rencontre, j’avais consacré ma vie à l’idée de Wittgenstein selon laquelle l’inexpressible est contenu – d’une manière inexpressible ! dans l’exprimé (….) ».
C’est ce que l’on appelle être une fille bordée par une cérébralité plutôt exacerbée. Et, dès ce passage, l’intellectualité poing fermé de Maggie Nelson me bouscule. Son compagnon Harry a donc vraiment quelque chose de particulier pour avoir non seulement pu la rendre hautement amoureuse mais aussi pour être capable de lui donner la répartie lors de leurs débats. Car, durant son livre de plus de deux cents pages, Maggie Nelson va alterner avec des passages de sa vie et des références poussées aux œuvres de diverses personnalités pour nous parler d’identité, de « genre », du « queer », de « binarité », « non-binarité » mais aussi de la famille, de la norme, l’Amour, de la solitude, du deuil, de la sexualité, du couple, du mariage, de la parentalité, de la grossesse et de la maternité… :
Eula Biss, Deleuze, Eve Kosofsky Sedgwick, Susan Fraiman, Lee Edelman, Michel Foucault, Judith Butler, Anne Carson, Luce Irigaray, D.W Winicott, Pema Chödrön, Leo Bersani, Elizabeth Weed, Susan Sontag, Jane Gallop, Rosalind Krauss, Jacques Lacan, Janet Malcolm, Kaja Silverman, Eileen Myles, Beatriz Preciado, Alice Notley, Audre Lord, Deborah Hay, Sara Ahmed, Roland Barthes ….
Les travaux mais aussi les noms de ces auteurs et de ces personnalités sont sûrement familiers à des universitaires comme Maggie Nelson entraînés à les triturer ainsi qu’à celles et ceux dont la vie personnelle requiert la compréhension et la connaissance des ouvrages de ces personnalités. Maggie Nelson et son compagnon Harry sont de ces personnes qui possèdent cette double caractéristique.
Pour ma part, jusqu’à maintenant, j’ai plutôt vécu à côté de l’expérience de toutes ces personnalités. Aussi, en lisant Les Argonautes, j’ai connu bien des absences de compréhension. Bien des fois, il m’aurait presque fallu, comme lorsque l’on fait des mots croisés, un endroit où l’on peut trouver et vérifier les bonnes réponses. Cela ne figure pas dans Les Argonautes. Pour cette raison, sa lecture m’a été difficile et m’a pris du temps.
Plus de deux mois. Et, je préfère (me) dire que j’ai peu compris ce que Maggie Nelson a pu extraire des diverses réflexions de ces auteurs qu’elle cite plutôt que de me ridiculiser en affirmant m’y être senti comme chez moi. Et d’ouvrir le gaz alors que je crois allumer la lumière. Première conclusion immédiate, jamais, je n’aurais pu convenir à une Maggie Nelson et la séduire.
La tranche autobiographique de Les Argonautes, elle, m’a par contre été plus « facile » à suivre, page 37 :
« (….) Mon beau-père avait ses défauts, mais tout ce que j’avais pu dire contre lui est revenu me hanter, maintenant que je sais ce que c’est que de se tenir dans cette position, d’être tenue par elle.
Quand tu es une belle-mère, peu importe à quel point tu es merveilleuse, peu importe l’amour que tu as à donner, peu importe à quel point tu es mûre ou sage ou accomplie ou intelligente ou responsable, tu es structurellement vulnérable à la haine ou au mépris ; et il y a si peu de choses que tu puisses faire contre ça, sinon endurer et t’employer à cultiver le bien-être et la bonne humeur malgré toute la merde qui te sera balancée à la gueule ».
Je lisais encore Les Argonautes, je crois, lorsque je suis allé voir le film Les enfants des autres de Rebecca Zlotowski. Le personnage interprété par l’active actrice Virginie Efira ( inspiré de la vie personnelle de la réalisatrice) se reconnaîtrait dans ce passage.
Le rôle joué par Virgine Efira dans Les enfants des autres est celui d’une femme qui ne peut pas ou ne peut plus enfanter mais qui est disposée à (se) donner son amour maternel à la fille de celui qu’elle aime, interprété par l’acteur Roschdy Zem.
Maggie Nelson, elle, est aimée de Harry qu’elle n’a pas à partager avec un ex ou une ex. Et, elle est aussi une œuvre d’endurance et de bien-être. Entre son rôle de fille qui a perdu son père, de belle-mère du fils de Harry, de compagne amoureuse qui entoure son mari (Harry) « en cours de transition », de personne et d’universitaire queer qui refuse de faire la retape de la norme patriarcale et hétérosexuelle puis de femme qui, la trentaine passée, aspire à devenir mère en recourant à l’insémination artificielle, Maggie Nelson porte beaucoup.
Y compris, je trouve, une partie de la « masculinité » de son mari, Harry Dodge, un artiste, qui est pourtant avant leur rencontre une personne qui s’affirme déjà comme un homme.
Cependant, Maggie Nelson nous parle de Harry de telle façon que nous voyons un homme, chaque fois qu’elle le mentionne. Avant même que celui-ci ne soit opéré et lorsqu’elle nous raconte ensuite lui faire ses injections de testostérone. En cela, et je peux imaginer que cela pourrait déplaire au couple que forment Harry et Maggie, il me semble que Maggie Nelson, en tant que « femme », contribue aussi à faire de sa moitié un homme. Son regard et sa pensée de femme sur sa moitié (Harry) me fait un peu l’effet du pollen sur la fleur.
Phénomène plutôt courant, finalement, car la biologie ne peut se suffire à elle-même pour former ou établir des rôles durables entre être humains :
Il ne suffit pas d’être une femme et un homme biologiquement fertiles pour être instinctivement mère et père lorsque le bébé naît. Il faut aussi suffisamment de volonté mais aussi la capacité ou la solidité émotionnelle et affective pour l’être.
A la fin de son livre, Maggie Nelson nous le démontrera autrement que théoriquement en nous parlant des parents biologiques de Harry que celui-ci recherchera. Harry, vers la trentaine, retrouvera sa mère biologique, lesbienne séparée de son père, ainsi qu’un de ses frères resté vivre avec leur père, décrit comme un homme violent. On apprendra qu’Harry, née fille, éduquée avec amour par ses parents adoptifs, s’en est bien mieux sorti, que son frère ( élevé par leur père biologique) devenu toxico cumulant les incarcérations, et, sans doute, leur propre mère biologique.
La pensée très technique de Maggie Nelson, lorsqu’elle cite certains auteurs, m’a plusieurs fois distancé mais elle m’a, aussi, plus d’une fois averti.
Lorsqu’elle parle du film X-Men, le commencement, regardé avec Harry, on voit par exemple ce film commercial grand public, inspiré de comics américains lus par des millions d’enfants et d’adolescents de par le monde depuis plusieurs générations, autrement que comme nous pousse généralement à le faire, la pensée « mainstream », superficielle et hétéro.
A la fin de Les Argonautes, l’autobiographique et un certain humour prennent le dessus comme elle nous raconte sa grossesse puis son accouchement et sa maternité, concomitante, avec la « testostéronisation » d’Harry. Il est alors très drôle de voir Harry adopter certains traits caricaturaux prêtés aux hommes. Des traits dont bien des femmes « féministes » se plaignent.
Et, paradoxalement, alors que Maggie Nelson, durant tout son livre, s’est opposée- avec Harrry- à certaines normes de genre, on peut se demander si être une femme et un homme se résume à une somme d’hormones, page 206 :
« (….) J’ai une phobie de la salle de bain. Jessica veut sans cesse que je fasse pipi, mais m’asseoir ou m’accroupir est impensable. Elle me répète que je ne peux pas arrêter les contractions en restant immobile, mais je pense que je peux. Je suis allongée sur le côté, je serre la main de Harry ou celle de Jessica. Debout comme pour danser un slow avec Harry, je fais pipi sans le vouloir, puis encore une fois dans le bain, où des secrétions de mucus rouge sombre commencent à flotter. Incroyable : Harry et Jessica se commandent de la nourriture et mangent ».
Les Argonautes, paru en 2015 dans sa version originale, publié en Français en 2017, est un livre qu’il faut prendre le temps de lire et de relire.
Pour qui a entendu parler des Présidents de la République François Hollande, Emmanuel Macron ( et sa femme Brigitte Macron), des Ministres Fleur Pellerin, Aurélie Filippeti, Frédéric Mitterrand, Manuel Valls, François Bayrou. De l’ancien maire de Marseille (et sénateur) Jean-Claude Gaudin. D’autres personnalités politiques et médiatiques françaises. Des notes de taxi G7 de l’affaire « Saal ». Du journal Le Canard Enchainé. De Médiapart.
Pour qui veut ou voudrait « réussir ».
Mathieu Gallet nous était devenu très familier lorsqu’il était alors le jeune dirigeant (même pas 40 ans) de Radio France de 2014 à 2018. Laquelle Radio France connaissait une grave crise sociale sans précédent dont Mathieu Gallet avait été tenu pour le principal responsable.
Gallet avait le « profil » de ces jeunes ambitieux arrivés vite à de très hautes fonctions et dont le principe actif est de promouvoir leur carrière avant tous et malgré tout.
Dans son Jeux de pouvoir, Mathieu Gallet nous parle de tout « ça » et de ces à côtés que nous ne connaissons pas. « Nous », c’est officiellement le grand public. Et aussi, un « peu », certaines personnes qui ont été directement concernées par ces sujets abordés par lui dans son ouvrage. Des personnes qu’il cite par leur nom et leur prénom. Ce qui nous permet rapidement d’identifier la plupart d’entre eux en 2022 en lisant son ouvrage considéré comme un document par les éditions Bouquins.
Jeux de pouvoir est paru en Mai 2022. J’avais été étonné d’apprendre que la librairie de ma ville de banlieue pourtant proche de Paris (Argenteuil) était dans l’impossibilité de m’en commander un exemplaire. Je me suis alors imaginé que son livre dérangeait encore certaines « personnes » quelques années plus tard. Et qu’il y avait donc, dedans, un Savoir peu courant. Puisqu’aujourd’hui, Mathieu Gallet fait beaucoup moins parler de lui que lorsqu’il était jeune dirigeant de Radio France sous la présidence de François Hollande puis au début de la présidence d’Emmanuel Macron.
Aujourd’hui, Mathieu Gallet n’évoque plus grand chose pour le grand public comme entre 2014 et 2018.
A « l’époque », entre 2014 et 2018, pour moi, Mathieu Gallet aurait tout aussi bien pu être… Martin Hirsch. Dans son Jeux de pouvoir, Gallet ne mentionne pas, je crois, ( il me reste 90 pages à lire pour le terminer) Martin Hirsch. Puisque lui, Gallet, exerce alors dans la Culture tandis que Hirsch (à partir de fin 2013 jusqu’en juin 2022) exerce dans « la » Santé.
Mais le portrait de Gallet dans Le Canard Enchainé (dont je lis des articles depuis des années) me le rendait proche de ces énièmes dirigeants de l’AP-HP ( ce qu’était alors Martin Hirsch) quittant leurs fonctions paisiblement en laissant plein de gravats après leurs entreprises de démolition ainsi que beaucoup de merde dans les chiottes sans tirer la chasse.
L’ouvrage de Gallet est-il une entreprise de démolition délivrant plein de merde, aussi, sur la tête de certaines des personnalités qu’il nomme ?
Je peux comprendre que certaines de ces personnalités (au sens où ce sont des personnes « connues », « réputées », médiatisées et dont l’image que l’on se fait d’elles peut assurer ou détruire la suite de leur carrière) voient Jeux de pouvoir de cette manière. Gallet donne ses explications et celles-ci sont lisibles et plutôt bien argumentées. Il lui a été ou sera reproché de « donner » certains noms de ces personnalités qu’il critique. Mais, pour moi, c’est aussi parce qu’il donne ces noms et prend donc le risque d’être attaqué en justice en cas de diffamation que son livre acquiert d’autant plus de valeur et de légitimité.
Son Jeux de pouvoir est donc un livre à relire. Car ce qu’il écrit est selon moi une photographie de ce qui peut exister dans tout milieu policé, instruit et privilégié où se déroulent….des jeux de pouvoir qui échappent complètement à l’entendement du citoyen lambda.
Des jeux de pouvoir, pourtant, qui se répliquent ou peuvent se répliquer à l’infini, dans toutes les institutions d’une société.
A mon avis, ce que Mathieu Gallet raconte, existe aussi dans d’autres milieux dont on parle beaucoup moins ou peu. Quotidiennement. Là où évoluent tous les gens lambda, très éloignés et très oubliés de celles et ceux que l’on n’oublie pas.
Gallet parle de son homosexualité assumée ( il revendique seulement le droit à l’indifférence). Et du tort qu’a pu lui causer la rumeur de sa liaison avec Emmanuel Macron, alors candidat aux Présidentielles avant sa première élection (nous sommes désormais sous le deuxième mandat présidentiel d’Emmanuel Macron). En le lisant, on remarque à nouveau à quel point certaines épreuves très difficiles ne durent pas. Aujourd’hui, je me demande qui pense encore à cette rumeur. Et, pour ma part, j’avais assez peu fait attention à cette rumeur lorsqu’elle était médiatisée. Mais je comprends que pour Gallet, alors très médiatisé, dont la vie privée et professionnelle était très exposée, cette rumeur se soit muée en supplice supplémentaire. Et du supplice, on arrive assez vite au précipice.
Son livre m’a t’il rendu Mathieu Gallet plus sympathique et plus humain ?
Plus humain et plus proche, oui. Sympathique ? Je ne rencontrerai probablement jamais Mathieu Gallet pour savoir s’il m’est sympathique.
Car lui et moi, nous ne sommes pas du même monde. Moi, je me suis coupé du monde, d’un certain monde de la « réussite », là où lui a décidé, puis su et pu s’y propulser. C’est aussi ça que je lis dans son livre et que je me suis pris, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, en pleine figure. Même si Gallet (comme beaucoup d’autres) n’y est pour rien.
Dans Jeux de pouvoir, Gallet dit, aussi, avoir dû surmonter le fait d’avoir des origines sociales moyennes et de venir de province. Mais aussi que son homosexualité a pu être un obstacle à sa réussite. Mais je constate, que même en province, à Bordeaux, il a fait « les » bonnes voire les «très bonnes » études :
Hypôkhagne. Sciences Po…
Bordeaux, ce n’est pas Paris, c’est vrai. Surtout que Gallet a étudié dans le Bordeaux d’avant le TGV qui emmène à Paris en deux heures. Et qu’il existe à Paris une concentration d’élites dans des univers fermés où beaucoup se décide et se choisit. Des univers concentrés, exclusifs et fermés dont, moi, le banlieusard parisien de naissance et d’extraction, de classe moyenne, noir et d’origine antillaise, je n’ai aucune idée. Donc, les principes de Liberté, Egalité, Fraternité, pour moi et beaucoup d’autres, se sont sans doute souvent, dès mon enfance, résumés à l’équivalent de ces annonces publicitaires ou de ces bandes annonces que l’on regarde dans les salles de cinéma avant la projection du film. Il n’est pas nécessaire de venir de province pour vivre ça.
Mais, pour moi, Gallet ( qui ne s’en rend peut-être pas toujours compte ) a d’autres atouts qui lui ont permis de « réussir ». Même s’il vit- encore- mal le fait d’avoir dû quitter la direction de Radio France et les divers avantages qui vont avec :
Je ne perçois pas dans son livre le fait qu’il ait dû se battre contre sa famille pour faire ses hautes études, peu courantes dans sa famille. Et, il fait bien, aussi, de nous apprendre « qu’un » Emmanuel Macron ( « Notre » Président de la République pour la deuxième fois de suite) a grandi dans une famille de catégories sociales professionnelles supérieures. Emmanuel Macron à qui Gallet a pu être comparé : Des jeunes ambitieux qui font de très bonnes carrières. Comme Gallet fait bien de souligner qu’il a fait de moins bonnes études que Macron.
Mais je n’ai pas l’impression que Gallet ait eu à travailler à côté dans un métier éreintant pendant qu’il étudiait. J’ai plutôt l’impression, aussi, qu’il a toujours été aimé chez lui et eu une enfance et une adolescence plutôt « libre » y compris d’un point de vue amoureux. Ses histoires d’Amour ne me font pas penser à celle que j’ai pu apercevoir, un jour, d’une jeune fille et d’un jeune garçon, obligés de se cacher, dans ma ville, à Argenteuil, ville située à une dizaine de kilomètres de paris, en haut d’un toboggan, alors qu’il faisait nuit, pour se parler en cachette.
Enfin, Gallet, pour moi, c’est aussi un homme qui sait séduire. Si Gallet évoque son léger strabisme ( perceptible sur la couverture de son livre) qui lui a sans doute valu des quolibets et des humiliations, dans l’enfance et plus tard, Gallet sait indéniablement séduire.
Et, la séduction, qui plus est si elle est adossée à l’ambition mais aussi à une certaine combattivité, pour moi, c’est un atout supplémentaire pour « réussir », études ou non. Homosexualité ou pas.
Car, mise au service de l’ambition et escortée par une certaine combativité ( voire par une colère enfouie peut-être pour avoir vécu, plus jeune, certaines humiliations) la capacité de séduire, le fait de séduire, de plaire, la séduction, n’a ni âge, ni sexe, ni genre, ni frontière, ni parti politique, ni date, ni règle, ni principe, ni limite.
Si l’on sait séduire, et que l’on est ambitieux et combattif, on peut arriver à des endroits ou à des postes qui, « en principe », auraient dû ou auraient pu échoir à d’autres.
Et, je crois que Gallet est une très bonne illustration de ce que la capacité de séductionsociale, dans ces conditions, peut permettre d’obtenir.
Je ne remets pas en question l’étudiant ou le gros travailleur qu’est Mathieu Gallet. Je souligne simplement que ses « compétences » personnelles pour séduire lui ont aussi permis d’aller au delà de ce qu’il avait sans doute pu imaginer lui-même au départ de son existence et de sa conscience.
Comme Emmanuel Macron. Comme beaucoup d’autres. En politique ou ailleurs.
Jusqu’au moment où l’on plait moins à d’autres et que ceux-ci disposent, aussi, de suffisamment de pouvoir pour nous faire descendre de notre piédestal. Ce n’est pas une question de compétences. Ni de droiture morale. Et surtout pas de Justice. Mais d’avoir su plaire à qui il fallait au bon moment, de la bonne façon et au bon endroit.
Dans son livre, Gallet nous parle aussi de toutes ces personnes importantes à qui il a su plaire. Dont il s’est fait des amis. Cela fait du « monde ». Il est difficile de faire moins mondain que Gallet lorsqu’il nomme certaines personnalités qu’il compte parmi ses proches. Mais, aussi, lorsqu’il narre certains de ses voyages et visites. Au passage, il nous fait bien comprendre, aussi, qu’en matière de Culture, il s’y connaît. Contrairement à une Fleur Pellerin, ancienne Ministre- peu probante- de la Culture, avec laquelle il a été en conflit alors qu’il était dirigeant de Radio France.
Même si je n’ai pas encore terminé Jeux de pouvoir, sa lecture me plait. Mais je doute que mon plaisir de lecture n’apporte quoique ce soit de plus à un Mathieu Gallet ainsi qu’à celles et ceux qui lui ressemblent étant donné ce qu’ils savent déjà et ont appris bien avant moi.
Aussi, j’espère que ce livre m’apportera quelque chose et qu’il apportera aussi à d’autres.
Je crois que nous aimons ces instants où nous retrouvons en nous des endroits faits sur mesure où l’on se sent à l’abri de tout. Ces endroits sont ce qui restent des meilleurs moments de nos origines. Et nous sommes contents, ou heureux, qu’ils soient toujours là malgré les épreuves et le temps passé ou traversé.
Il n’est pas nécessaire d’aller très loin, de soulever de très lourdes haltères ou d’avoir recours à des substances chimiques pour parvenir à ce genre d’endroit, ce genre d’état et d’instant.
Ecouter ou entendre un titre de musique. Une simple promenade. Un « voyage » dans un métro ou dans un train. Un parfum. Un regard. Une impression. Un sentiment.
Chacun a sa « recette » ou ses « trucs ». Certains y arrivent plus facilement et plus fréquemment que d’autres. Nous sommes souvent des exilés de nous-mêmes. Amenés à faire certaines compromissions. Obligés d’accepter de multiples contraintes. Et la « récompense » n’est pas toujours au bout de nos – très nombreux et très oubliables – efforts.
On pourrait penser que notre existence consiste à pousser de bout en bout afin d’accoucher de nous-mêmes. Sauf que la date prévue pour notre accouchement et notre véritable délivrance est un mystère et peut, finalement, se résumer à l’heure et à la date du constat de notre mort cérébrale et médicale :
On peut très bien satisfaire à nos très nombreuses obligations de toutes sortes. Etre une personne plus ou moins impliquée et exemplaire compte-tenu de toutes ces obligations familiales, économiques et sociales et, dans les faits, ne jamais avoir véritablement accouché de soi-même.
Une histoire d’Amour nous offre la possibilité, pendant quelques temps « de retrouver en nous ces endroits faits sur mesure où l’on se sent à l’abri de tout…. ». Et, pendant un temps, nous allons vivre ça avec quelqu’un d’autre, le plus longtemps possible, nous l’espérons.
Ce que j’écris, là, n’a rien d’exceptionnel. D’autres l’ont écrit et vont l’écrire beaucoup mieux que moi.
Selon moi, à condition bien-sûr de rencontrer d’abord quelqu’un dont les sentiments et le désir sont réciproques, il n’y a rien de plus de simple que de tomber amoureux de quelqu’un et de ressentir du désir pour lui ou elle, peu importe son genre. Pourtant, ce sujet de la « rencontre » est, à mon avis, un des thèmes qui manque dans l’ouvrage de Victoire Tuaillon ainsi que dans celui de Mona Chollet (Réinventer l’Amour) : J’ai lu Réinventer l’Amour de Mona Chollet .
Je trouve que l’une comme l’autre escamote un peu trop ce sujet de la rencontre. Car avant toute histoire d’Amour, il y a nécessité d’une rencontre. Que celle-ci soit spirituelle, physique ou autre. Il me semble que notre rapport à la rencontre de quelqu’un d’autre a de grandes incidences pour la suite d’une histoire d’Amour.
Le sujet de la rencontre
Dans le film documentaire Inna de Yard : The Soul of Jamaica réalisé en 2018 par Peter Webber, Ken Boothe, une des grandes vedettes du Reggae Jamaïcain montrées dans le film, dit à un moment qu’il s’est longtemps comporté comme un « campagnard » alors qu’il avait déjà du succès ( un succès mondial).
Ken Boothe est originaire d’un milieu social modeste, voire pauvre en Jamaïque. Lors de sa première compétition de chant toujours en Jamaïque, il était très timide. Au point de fermer les yeux pour chanter face au public. La compétition était très dure. Se retrouver face à un public. Et, cette compétition comptait d’autres candidats, qui, comme lui, espéraient pouvoir s’extraire de la misère, mais aussi de la violence, par le chant et la musique. Aujourd’hui, ce sont les Rappeuses et les rappeurs qui s’en « sortent » qui ont ce genre de parcours. Comme bien des chanteuses et des chanteurs de Rock avant eux.
En se qualifiant de « Campagnard », Ken Boothe évoquait en fait ses grandes difficultés pour pratiquer les urbanités sociales :
Cette aptitude nécessaire, lorsque l’on veut réussir, à entrer en relation avec les personnes qui comptent dans un certain milieu. A établir avec elles une sorte de contact ou de « connexion » qui va leur donner envie de nous aider à développer notre carrière.
Pour l’anecdote, et pour rester encore un peu en Jamaïque, l’athlète jamaïcain Usain Bolt, plusieurs fois recordman du monde et plusieurs fois champion olympique- et du monde- du 100 mètres et du 200 mètres, aujourd’hui à la retraite (alors que Ken Boothe continue de chanter) lui, est le contraire du garçon timide.
L’ancien athlète Usain Bolt, en plus d’avoir été le sprinteur le plus rapide du monde pendant plusieurs années, était à l’aise, lui, pour entrer en contact avec les personnes qui comptent parmi les officiels importants de l’Athlétisme mondial.
38 ans séparent Ken Boothe de Usain Bolt.
On ne voit pas où je veux en venir ? Je connais bien plus la carrière de Usain Bolt ( né en 1986) que celle de Ken Boothe dont j’avais déjà entendu parler avant ce documentaire de Peter Webber. Pourtant, lorsque j’ai entendu Ken Boothe s’exprimer et se taxer de « campagnard », je me suis subitement beaucoup reconnu en lui.
Problème : nous étions alors en 2019. Année où a été publié le livre Les Couilles sur la Table de Victoire Tuaillon, trentenaire. J’avais alors « déjà » 51 ans, étais marié et père depuis quelques années.
Je suis né à Nanterre en 1968. Donc, on lit bien :
1968, année en France de la « révolte étudiante », de la « révolution des mœurs », du très profond bouleversement qui s’est opéré dans la société française à cette époque. En pleine période de décolonisation de l’Afrique et de l’Asie, des mouvements de contestation noire aux Etats-Unis, du mouvement hippie, des mouvements de libération de la femme ; de la croissance économique- et du plein emploi- dont on nous parle dans les manuels d’histoire.
Et si la ville de Nanterre, en 1968, a aussi été la ville des bidonvilles, elle n’en n’était déjà pas moins une ville, du département des Hauts de Seine (le département le plus riche de France !) proche de Paris et du futur ou du déjà existant quartier d’affaires de la Défense présenté comme un des plus grands, si ce n’est le plus grand quartier d’affaires d’Europe !
Ajoutons à cela que Ken Boothe, né en 1948, en Jamaïque, sûrement dans un quartier pauvre, donc dans des conditions nettement plus défavorisées que celles que j’ai pu connaître à ma naissance à Nanterre (de mes parents qui s’étaient exilés de leur Guadeloupe natale en 1966 et en 1967) a ni plus ni moins…l’âge de ma mère, également née en 1948.
Par quel tour de passe-passe, moi, né en 1968 à Nanterre, qui ai toujours vécu en ville, et qui a ensuite, après mes études d’infirmier, obtenu un DEUG d’Anglais à la fac de Nanterre ( celle de 1968 !), j’ai pu, en 2019, m’identifier à Ken Boothe né en 1948 dans un quartier défavorisé de la Jamaïque plutôt qu’à Usain Bolt, né en 1986 en Jamaïque, mais ( à ce que j’ai compris) dans un environnement plus favorable que Ken Boothe ?!
La réponse est simple et connue : la transmission. L’héritage familial. Inconscient et conscient.
Héritage conscient : je sais d’où viennent mes parents. Je suis déjà allé en Guadeloupe avec eux mais aussi sans eux. Je connais et comprends leur langue natale, le Créole. Je mange antillais. J’écoute la musique antillaise de mes parents et danse sur la musique antillaise. Ces derniers jours, j’écoute régulièrement des titres de musique Kompa datant des années 70, une des fonderies de mon enfance.
Héritage inconscient : je n’imagine pas à quel point les enseignements de mes parents, leurs modèles relationnels et leur façon de voir la vie et le monde, même si j’ai pu et peux les critiquer ont pu et peuvent m’influencer. Voire, me conforter dans mes idées mais aussi dans mes préjugés et mes appréhensions.
Et nous sommes nombreux à être dans ce genre de situation. On parle de « conflit de loyauté ». De « double lien ». D’ambivalence. Tout cela fait partie du genre humain. Et cela nous conditionne beaucoup lors de nos rencontres avec les autres. Peu importe la sincérité de nos sentiments amoureux pour quelqu’un d’autre.
Au cinéma, j’ai pensé au film Nocturnal Animals réalisé en 2016 par Tom Ford. Dans ce film, Susan Morrow, galeriste d’Art à Los Angeles (l’actrice Amy Adams) a une position sociale forte dans le prolongement de son éducation et de ses origines sociales. Elle vit mariée avec un homme qui a également une situation sociale forte. Sauf que quelques années, plus tôt, Susan s’était détourné de son Amoureux de l’époque, Edward (l’acteur Jake Gyllenhaal) qui était plutôt du genre fauché et sans avenir économique bien défini….
Concrètement, pour moi, une femme « française », c’est souvent une femme blanche, citadine qui fume des cigarettes ou/ et qui boit de l’alcool.
J’ai des amies françaises blanches, citadines, qui fument des cigarettes et qui boivent de l’alcool. J’ai pu être amoureux de femmes françaises qui fumaient des cigarettes (et ou/ du shit). Pourtant, le tabac et la consommation de l’alcool ne font pas du tout partie de mon « idéal » féminin en termes de pratiques. Ni de mon éducation.
Comme on dit, on « s’adapte », on « s’accommode », on « évolue ». Par Amour. C’est vrai. Mais jusqu’à un certain point, seulement, à mon avis. Car si, de notre côté, on est prêt à faire certains efforts vers l’autre qui diffère de nous. L’autre, elle ou lui, peut avoir moins d’aplomb pour faire le « grand écart » entre ses origines et nous.
Ce que je raconte est-il hors sujet ? Suis-je, ni plus, ni moins, en train de raconter ma vie une fois de plus alors que cela ne regarde personne et n’a aucun rapport avec le sujet du livre de Victoire Tuaillon ?
Moi, je crois que je suis bien dans le sujet du livre de Victoire Tuaillon comme de celui de Mona Chollet. Celui de la relation, celui du couple, celui de l’Amour. Seulement, si on « oublie » de parler de certaines de ces –grandes- étapes qui précèdent une relation d’Amour, je me dis que c’est comme si on voulait envoyer une fusée dans l’espace en oubliant tout ce qui peut permettre la meilleure mise à feu possible avec la meilleure trajectoire possible.
Le sujet de la rencontre est vaste. Dans la première partie de mon article, je revendiquais mon droit à être, aussi, « Beauf », « pénible » et « lourdaud ». Maintenant, je revendique mon droit à être « campagnard » dans son sens péjoratif :
Celui qui est vraiment « vieux jeu », conservateur, pas dans le coup, terre à terre, qui a des idées arrêtées, rigide, pas drôle. Déprimant.
Rien à voir avec le profil festif, souriant et sautillant de plusieurs de mes compatriotes antillais ou de mes cousins africains et latins. Avec eux, au moins, on s’amuse bien. Bon, c’est vrai, ils ne sont pas très sérieux. Mais, au moins, c’est fun. Ils mettent de l’ambiance. Avec eux, c’est carnaval. On ne se prend pas la tête !
Alors qu’avec moi, on réfléchit. On s’analyse et on se scrute en temps réel. Pas un fantasme inconscient ne doit échapper à notre vigilance !
Je suis un militaire de l’affectif et de la vie amoureuse. Le champ-adverse- est localisé. Et délimité. J’effectue des rondes régulières autour de lui.
Que l’on se rappelle bien de cette expression :
« Un militaire de l’affectif et de la vie amoureuse ».
Parce-que cette expression va me servir plus tard.
Dans les faits, rencontrer quelqu’un n’est pas si simple que cela pour tout le monde.
Rencontrer quelqu’un : Aussi simple que lire une bande dessinée ?
Cet article doit avoir une fin pour des sujets qui, eux (l’Amour, les rencontres amoureuses, la vie amoureuse, la vie à deux ou à plus) sont sans fin pour un être humain. Je serai donc obligé de trancher et de passer sur certaines idées.
Mais je tiens à faire un petit retour en arrière.
En 2009, je découvrais le monde de Riad Sattouf en allant voir comment il avait transposé au cinéma sa bande dessinée :
Les Beaux Gosses.
J’avais déja 41 ans en 2009. Pourtant, dès les premières images, son film m’avait parlé. Et plu. Et fait rire. Parce-que j’ai eu l’âge de ses personnages ainsi que leurs inquiétudes.
J’écris « j’ai eu ». Mais cette formulation au passé est un piège caché. Ne l’oubliez pas. Car j’en reparlerai un peu plus tard.
En pensant à la deuxième partie de cet article, je me suis rappelé mes 13-14 ans lorsqu’avec un copain, j’avais discuté de la bonne façon d’embrasser une fille. Je ne l’avais jamais fait. Du moins pas comme les « grands ». J’avançais en âge et, à 13-14 ans, je me devais de dépasser l’étape des bisous. Mais comment bien rouler une pelle à une fille ? Comment savoir ? D’autant qu’il y avait cette certitude (qui persiste encore aujourd’hui, je trouve) que le garçon se doit de savoir.
Je me souviens encore de ce copain, X…., près d’une des grandes tours de notre cité HLM Fernand Léger, à Nanterre me dire que, lui, il savait ! Alors, je l’ai envié.
Moi, je ne savais pas. Evidemment, il n’allait pas me mettre sa langue dans la bouche pour me montrer. Il y avait comme une défaite pour moi, ce jour-là. A me retrouver devant ce copain qui avait ce Savoir inestimable et indestructible. Alors que moi, je ne voyais pas comment faire pour l’obtenir à mon tour. Apprendre à rouler une pelle à une fille, finalement, c’était un peu devenu l’équivalent d’apprendre à faire du feu. Ne pas savoir le faire revenait à se diriger vers une sorte de vie de perdition, de déchéance et de clochardisation. Comme si en parlant de quelqu’un que l’on avait connu dans le passé, on disait de lui :
«Lui, il a vraiment très très mal tourné. Il ne sait même pas comment emballer une fille. Le pauvre ! ».
Aujourd’hui, je maintiens que même des adultes (femmes et hommes) peuvent être aussi embarrassés que je l’avais été à 13 ou 14 ans pour savoir comment embrasser une fille. Même avec ma mentalité de campagnard, j’ai appris que nos parcours personnels vers notre intimité corporelle mais aussi vers l’intimité de l’autre sont loin d’être aussi évidents que cela pour tout le monde. Malgré toutes les pubs ou peut-être justement parce-que toutes ces pubs dénudées, toutes ces images et ces œuvres visuelles érotiques, pornographiques ou suggestives pullulent dans notre environnement quotidien.
S’il était si simple que cela de rencontrer quelqu’un et de partager avec elle ou lui une intimité charnelle, émotionnelle, sentimentale et morale, toutes ces images érotico-pornographiques-suggestives, toutes ces discussions qui tournent autour de ces sujets et de ces fantasmes disparaîtraient d’eux-mêmes.
J’ai repensé tout à l’heure à une ancienne collègue, plus jeune que moi de quelques années. Alors qu’elle allait bientôt se marier, celle-ci m’avait appris qu’elle ne savait plus comment rencontrer quelqu’un. Alors que plus jeune, avant d’être en couple, à l’écouter, elle « savait » comment faire pour rencontrer un homme. J’avais été intrigué par sa remarque. Car je n’ai jamais eu l’impression de « savoir » en particulier comment m’y prendre pour rencontrer quelqu’un d’autre. J’ai connu ou connais des personnes qui « savent » rencontrer. Des personnes qui, foncièrement, restent rarement seules ou savent ne pas rester seules. Peu importe leur âge, leur sexe ou leur situation personnelle.
Car il y a le fait de rencontrer. Et le fait de séduire et de savoir séduire. Je ne connais pas la situation personnelle de Victoire Tuaillon ou de Mona Chollet dans le domaine de la séduction. Mais séduire et savoir séduire n’est pas donné à tout le monde. Et, comme le fait d’embrasser, de (bien) faire l’amour, de se donner du plaisir, l’action de séduire et de plaire ne s’apprend ni dans les manuels, ni à l’école. On peut bien avoir quelques conseils, certaines lectures. Mais c’est quand même toujours avec l’expérience que l’on apprend à bien le faire.
On se rappelle de Ken Boothe qui fermait les yeux lorsqu’il s’agissait de chanter devant un public pour sa première participation à une compétition de chant tant il avait peur d’échouer mais aussi des moqueries. On peut imaginer que bien des personnes peuvent être dans le même état de stress lorsqu’il s’agit d’essayer de séduire quelqu’un. Sauf que j’ai du mal à concevoir que l’on puisse plaire à quelqu’un si on se met à fermer les yeux alors qu’on lui parle ou que l’on entame une conversation avec elle ou lui.
Alors que pour d’autres personnes, séduire, plaire, est un jeu. C’est une action légère et agréable qui agrémente le quotidien. J’ai connu quelqu’un, plutôt séducteur, qui m’avait raconté avoir plaisir à aller se balader dans le quartier du Marais, à Paris, afin d’être dragué et regardé par des homos. J’aime plutôt plaire. Mais chaque fois que je me suis rendu dans le Marais, cela n’a jamais été afin d’espérer allumer quelques homos de passage pour le « fun ».
Lorsque le site de rencontres Meetic s’est imposé comme la référence des sites de rencontres au début des années 2000, célibataire ayant du mal à rencontrer, j’avais fini par accepter l’expérience. Encouragé en cela par un copain qui en était très content et qui avait su me donner les arguments me permettant de me décider. J’avais d’abord eu honte de m’inscrire sur un tel site. Et si quelqu’un que je connaissais m’y voyait ?
« Mais dans ce cas-là, qu’est-ce qu’elle fait là, sur le site, cette personne ?! » m’avait répondu, ce copain, très pragmatique.
J’avais parlé plus tard de cette expérience Meetic à une copine. Pour moi, c’était tellement novateur. Aussitôt, cette copine m’avait alors exprimé sa désapprobation envers cette façon de rencontrer quelqu’un. Elle m’avait aussi parlé de sa plus jeune sœur qui avait eu la même attitude que moi. S’inscrire à Meetic ! Et, cela, aussi, elle ne le comprenait pas. Pour, elle, elle suffisait de rencontrer les gens. Je parle de quelqu’un qui évolue depuis des années dans le spectacle vivant : le théâtre. Comédienne, metteure en scène, prof de théâtre.
J’avais compris ce jour-là et essayé de lui expliquer, je crois, que, elle, n’avait pas de problème pour séduire. Et, cela s’est depuis vérifié à mon avis. Cette copine, devenue mère de deux enfants par la suite, s’est plus tard séparée du père de ses deux enfants. Non seulement, elle a pu quitter la région où elle avait vécu avec lui, au soleil, avec son ancien compagnon et père de ses deux enfants. Mais, aux dernières nouvelles, elle avait rencontré un autre homme, lui même également père.
Je « sais » que ce type de famille recomposée existe. Seulement, je crois aussi que certaines personnes savent mieux s’y prendre que d’autres pour faire des rencontres amoureuses opportunes. Alors que leur situation personnelle (mère ou père d’un ou de plusieurs enfants) lorsqu’elle est vécue à l’identique par d’autres, constitue un obstacle frontal à une nouvelle histoire amoureuse.
L’âge peut sans doute, aussi, influer, sur les attentes exprimées envers le couple et une histoire d’Amour.
Une question d’âge :
On dit que l’Amour n’a pas d’âge. Je veux bien le croire. Mais notre époque a son âge. Et notre façon d’aimer se modifie aussi sans doute un peu avec notre époque. Comme avec le pays et la culture dans lesquels on vit et grandit.
Dans la première partie de mon article, j’ai parlé de l’âge de Victoire Tuaillon. 30 ans lors de la parution de son livre Les Couilles sur la table. 21 ans de moins que moi.
On a peut-être trouvé paternalistes certains de mes propos lorsque je parle de son livre ou lorsque j’évoque Victoire Tuaillon ou certaines femmes de son âge ou plus jeunes.
Là aussi, je ne vais pas essayer de me disculper de mon paternalisme s’il est avéré. Sans doute suis-je paternaliste par moments dans cet article :
Je suis le reflet de mon époque et des valeurs qui m’ont été transmises. Même si j’ai fait et fais des efforts pour essayer d’évoluer.
Néanmoins dans le spécial dossier – le numéro 164 de juillet 2022- du journal Le Canard Enchainé dont le titre est L’amour à tout prix ( Marché du mariage, boom des applis de rencontre, coachs de drague ou de sexe, love hotels, etc…) , je suis tombé sur cet article, page 22 et 23 :
Le Mariage, Une Affaire de sous Comptes et Mécomptes du conte de Fées (Vouées à disparaître à la fin du XXème siècle, les noces sont redevenues à la mode et génèrent un bizness très lucratif).
Plusieurs des articles de ce nouveau spécial dossier du journal Le Canard Enchainé m’ont bien plu. Mais dans cet article, il y a un passage qui m’a aussitôt fait penser à ce que traite Victoire Tuaillon dans son livre Les Couilles sur la table.
Je retranscris le passage de cet article, page 23 :
« (….) L’ascenseur social qu’il ( le mariage) constituait pour les candidates à l’hypergamie féminine ( fait de s’unir à un homme de la classe supérieure pour gagner en niveau de vie) ne fonctionne plus. Plus diplômées que les hommes depuis 2000, les femmes revendiquent surtout l’égalité. Le vieux mariage à la papa est mort, vive le mariage-association ! (….) ».
Je ne connaissais pas le terme « hypergamie » avant la lecture de cet article. En apprenant que depuis 2000, les femmes sont devenues « plus diplômées que les hommes », j’ai repensé à ce que Victoire Tuaillon mais aussi Mona Chollet disent elles-mêmes dans les premières pages de leur ouvrage. Elles ont fait de bonnes études et ont grandi dans un milieu socio-culturel mais aussi économique plutôt confortable.
Si Mona Chollet est ma « petite sœur » de cinq ans, Victoire Tuaillon, elle, encore plus, est pile dans cette époque à partir de laquelle les femmes sont devenues « plus diplômées que les hommes ».
Et pour corser un peu plus le constat de cet article, je fais partie de ces personnes (hommes comme femmes) qui auraient bien voulu faire des études longues mais qui, pour des raisons « familiales », n’ont pas pu les faire. Les études longues, le fait de ne pas avoir pu être « bien diplômé », constituent pour moi une blessure personnelle encore ouverte. Même si c’est sûrement du fait de la persistance de cette blessure, et de la présence de ce sentiment de manque, que j’écris comme je le fais depuis des années.
Bien-sûr, on peut faire des études à tout âge. Mais je n’ai pas pu devenir ce jeune homme diplômé après des études longues comme je n’ai pas pu obtenir la reconnaissance sociale et éventuellement économique qui va avec. J’ai bien compris que Mona Chollet et Victoire Tuaillon, même bien diplômées, ont dû aussi se frayer leur chemin dans le monde du travail. Cependant, comme le dit, je crois, Mona Chollet dans les premières pages de son ouvrage Réinventer l’Amour, elle a longtemps cru que ses très bons résultats à l’école étaient tout ce qu’il y a de plus logique. Avant de s’apercevoir que si elle avait certes travaillé pour obtenir ses bonnes notes, qu’elle avait aussi toujours pu évoluer dans un univers socio-culturel univers, toujours entourée de livres et de certaines facilités d’accès à la culture. Et Victoire Tuaillon ne dit pas autre chose lorsqu’elle explique que même si elle a eu à vivre jeune le divorce de ses parents, qu’elle a toujours connu chez l’un comme chez l’autre, une demeure plutôt sécurisante…où il y avait des livres.
J’insiste sur ces points non par jalousie ou aigreur envers Mona Chollet et Victoire Tuaillon ou d’autres qui n’y sont pour rien dans ma trajectoire personnelle à propos des études. Mais pour rappeler que le sentiment de sécurité, de confiance en soi, de légitimité à se lancer dans certaines entreprises s’acquiert dès l’enfance. Et que ce sentiment de sécurité, de confiance en soi, de légitimité pour se lancer dans certaines entreprises nous incite, ensuite, à aller vers certains types de rencontres. Vers certaines personnes. Vers certaines expériences.
Je ne suis pas en train de dire qu’il suffit, lorsque l’on a fait de bonnes études, d’aller à la rencontre de quelqu’un qui a également fait de longues études (ou des études similaires aux nôtres) pour être heureux en Amour avec cette personne. Mais que cela nous « oriente » vers certaines rencontres plutôt que vers d’autres. J’ai cru comprendre que l’on rencontrait souvent son partenaire ou sa partenaire au moment de nos études, dans nos cercles amicaux et familiaux ou sur notre lieu de travail. Les sites de rencontres et les associations sportives ou culturelles peuvent ou pourraient un peu modifier la donne. Mais encore faut-il savoir comment s’y prendre pour rencontrer quelqu’un d’autre comme pour la séduire ou le séduire. Et, il faut apprendre à faire le tri sur le site des rencontres ou la mise en scène de la candidate ou du candidat pour se présenter peut être ce qu’elle ou qu’il a de mieux à proposer. Je n’ai pas encore lu les ouvrages de Judith Duportail ( L’Amour sous algorithme, Dating Fatigue) citée peut-être autant par Mona Chollet que Victoire Tuaillon mais j’ai prévu de le faire. Notons que Judith Duportail, née en 1986, a pratiquement le même âge que Victoire Tuaillon.
Il y a quelques mois, maintenant, alors que j’ignorais que je lirais un jour un ouvrage de Mona Chollet et de Victoire Tuaillon, j’ai revu un extrait ou deux du film Extension du Domaine de la lutte de Philippe Harel d’après l’ouvrage de Michel Houellebecq. Lors de la sortie du film (1999, je crois), Houellebecq n’avait pas le statut qu’il a aujourd’hui. L’année 1999, c’est aussi l’année de la sortie du premier film Matrix des ex-frères Wachowski. Si l’on peut trouver asexué le héros joué par l’acteur Keanu Reeves mais aussi une absence totale d’érotisme dans Matrix où, finalement, tout est aseptisé et maitrisé et où aucun poil ne dépasse (serait-ce, déjà, une des diverses manifestations de la mentalité militaire que je citais un peu plus tôt ?), les deux univers sont quand même très opposés.
Dans Extension du domaine de la lutte, chaque jour de plus et chaque tentative de vie sentimentale, sociale et sexuelle est une corvée.
Dans Matrix, les héros se battent contre le totalitarisme. D’un côté, on déprime et on est vaincu d’avance. De l’autre côté, on se démène pour rattraper son retard sur l’existence après s’être aperçu que, pendant des années, on s’est fait balader. Et, qu’en plus, on l’avait accepté.
Sauf que dans Extension du domaine de la lutte, l’horizon est réservé à d’autres depuis longtemps. On a beau s’acquitter de ses diverses obligations, espérer, essayer de survivre, on est et on reste insignifiant. Indésirable.
Mais ce qui m’a touché, c’est certains commentaires en bas d’un des extraits du film Extension du domaine de la lutte sur Youtube.
Trop souvent, et trop facilement, certain(es) internautes, comme certain(es ) automobilistes sur la route, en viennent à avoir des propos et des intentions très agressives et très dégradantes envers leurs contemporains pour peu que ceux-ci ait émis un avis différent. C’est à la fois très risible de lire à quel point ça peut déraper très vite. Et pathétique.
Cette fois-ci, j’ai lu des commentaires ou quelqu’un disait qu’il n’avait jamais vu une scène aussi « violente ». De quoi parlait cet internaute ? De la scène, dans la boite de nuit, où Raphaël (le personnage joué par José Garcia), un cadre commercial de classe moyenne plutôt beauf, pas très « Francky Vincent », croit qu’il va pouvoir avoir ses chances avec une femme au moment des slows. Puis, il se fait éjecter par un autre homme ( un homme noir -sans doute antillais ou africain- puisque tout le monde sait que les noirs ont la musique « dans la peau » et leur sexe, ensuite, c’est la suite logique, dans le corps de toutes les femmes du monde…. ).
En lisant ce genre de commentaire, j’ai à nouveau vu, devant moi, ce sous-monde ou ce quart monde dépeint par Houellebecq et d’autres. Certes, Houellebecq dans Extension du domaine de la lutte parle surtout de la misère sexuelle et sentimentale de deux mâles. Mais cette misère sexuelle et sentimentale concerne aussi les femmes. Et lorsque je parle de « quart monde » et de « sous-monde », je me reprends tout de suite :
Cette misère sentimentale et sexuelle touche aussi des personnes (des femmes comme des hommes) de milieux sociaux et économiques très favorisés. On peut être d’un très bon niveau social et économique et connaître une affreuse misère sentimentale et sexuelle. Et pas parce-que l’on est moche et stupide. Mais plutôt parce-que l’on ne sait pas séduire. On ne sait pas « bien » choisir ses rencontres. On ne sait pas avoir une relation de bonne « qualité » avec quelqu’un d’autre.
Avoir un handicap
Parce-que l’on est très handicapé au moins affectivement et émotionnellement.
On croit souvent que le handicap est un handicap qui se voit. Un handicap physique. Un handicap mental. Un handicap intellectuel.
Mais il est d’autres handicaps plus graves qui passent sous les radars. Parce-que compensés par ce que l’on appelle la réussite sociale, économique ou politique.
Si l’on retirait à bon nombre des Puissants -ou des personnes modèles- que nous côtoyons ou que nous regardons via les media, les innombrables femmes et hommes de mains, conseillers et intermédiaires qui les entourent, on s’apercevrait rapidement que beaucoup d’entre eux (femmes comme hommes) une fois sortis du domaine où ils excellent, sont de grands handicapés. Ou qu’ils sont à peu près aussi handicapés que nous dans bien des secteurs de la vie courante.
Pourquoi est-ce que j’insiste autant sur tous ces sujets ?
Parce-que je crois que lorsque l’on se rappelle de ces sujets, il est plus facile de comprendre la raison pour laquelle certaines personnes, féministes, militantes, et brillantes acceptent ensuite de vivre des relations intimes avec des personnes dont, pourtant, elles condamnent les comportements et les jugements à propos des femmes…..
Notre rapport à la solitude :
C’est l’autre grand sujet, selon moi, trop oublié dans l’ouvrage de Victoire Tuaillon. Etre féministe, c’est très bien. Je l’ai écrit dans la première partie de mon article :
Je suis évidemment contre les injustices et les violences diverses faites aux femmes. Féminicides, viols, surcharge mentale et physique quant aux tâches ménagères, salaire moindre qu’un homme pour un travail égal…..
Mais, en pratique, si être féministe, que l’on soit une femme ou un homme, cela aboutit à vivre seul ( e ) ou à terminer sa vie seul ( e) , cela ne vaut peut-être pas le coup. Lorsque j’écris ça comme ça, j’ai l’impression de décrire un combat juste que certaines et certains trahiraient à un moment donné malgré leurs engagements. On retrouve ça dans certains combats politiques et idéologiques. Et le féminisme fait partie de ces combats politiques et idéologiques bien-sûr. Mais aussi dans le milieu artistique. Dans d’autres domaines. Untel est « pur » et « intègre » au début du combat, de sa carrière, et puis, finalement, bifurque, met de l’eau dans son vin, s’assagit, devient « commercial » et « vend » son âme.
Il y a un peu de ça, lorsque vers la fin de son livre, Victoire Tuaillon, « salue » les femmes féministes qui, paradoxalement, se « mettent » et restent avec des hommes qui ont les comportements qu’elles condamnent et combattent :
Les chaussettes sales qui traînent ; la machine à laver qui reste une terra incognita pour le compagnon ; le compagnon qui se sert de sa compagne comme d’un agenda, l’éducation des enfants ( et les devoirs) qui sont esquivés ; le mec macho et misogyne dont on s’entiche….
Pour partie, je me dis que certains hommes contribuent plus que d’autres quand même aux tâches domestiques et ménagères. Même si je ne conteste pas les chiffres. Même dans le dossier spécial du Journal Enchainé, j’ai lu un article qui, comme l’affirme Victoire Tuaillon dans son livre, dit aussi que les hommes participent toujours aussi peu à l’effort de guerre des tâches ménagères. Et, à titre personnel, je sais très bien que je passe nettement moins le balai que ma compagne ; que je cuisine nettement moins qu’elle ; que j’ai exceptionnellement (deux ou trois fois) lavé des fenêtres dans ma vie ; que je repasse très peu ( y compris mes propres vêtements). Et que lorsque nous partons en vacances avec notre fille, que c’est elle qui se charge généralement de préparer ses affaires et celles de notre fille.
Je ne peux que l’admettre. Comme je me rappelle aussi de ce jour où ma compagne a tenté de me proposer (ou de m’imposer ) un emploi du temps répartissant plus équitablement les tâches ménagères. J’ai alors rigolé et me suis étonné qu’à la place, elle ne me propose pas, plutôt, un emploi du temps d’activités que nous ferions ensemble, elle et moi. Cela n’a pas fait rire ma compagne. Et, depuis, elle s’est résignée à être celle qui passe le balai, qui cuisine et qui repasse plus que moi. Et moi, aussi.
Cette remarque peut soit beaucoup mettre en colère ou faire rire. Mais il n’y a aucune provocation de ma part. Et je ne perçois pas ma compagne comme ma domestique. Plus tôt, je parlais de militarisation de la vie affective et sentimentale.
La militarisation de la vie affective et sentimentale
Les attentes et les exigences envers le couple et l’Amour « d’une » Victoire Tuaillon et d’une Mona Chollet nées en 1989 et en 1973, diplômées, indépendantes économiquement, socialement et sexuellement, sans doute citadines, bien insérées, et que je devine (et je le leur souhaite) bien entourées par un certain nombre d’amis et de collègues réellement bienveillants et disponibles sont évidemment différentes de celles qu’a pu avoir ma mère née en 1948 comme de moi-même, né en 1968.
Ce n’est pas uniquement une question d’époque. Même des personnes nées avant 1948 ou nées la même année que moi ont évidemment pu avoir des attentes et des exigences plus grandes que ma mère et moi vis-à-vis de l’Amour et du couple. Comme celles qu’expriment Victoire Tuaillon et Mona Chollet ainsi que celles-et ceux qui se retrouvent dans leurs réflexions.
Dans son ouvrage Réinventer l’Amour, je me rappelle que Mona Chollet a pu citer en exemple le couple formé par le peintre et écrivain Serge Rezvani ( né en 1928) avec sa compagne Lula. Ceux-ci ont vécu ensemble pendant des années, dans leur maison, La Béate, sans eau ni électricité, dans le midi de la France. J’ai oublié l’autre couple cité par Mona Chollet. Mais je me suis alors aperçu que le couple d’Amour Rezvani-Lula cité en exemple par Mona Chollet vivait sans enfant. Je n’ai rien contre les couples amoureux sans enfant. Mais moi, j’ai une enfant. Et la naissance d’un enfant (ou de plusieurs) peut ajouter, avec la tournure du quotidien, certaines tensions bien caractéristiques dans un couple.
Plus récemment, j’ai pu tomber sur des propos attribués à Mona Chollet où celle-ci ne regrettait pas ses engagements féministes mais déplorait, en quelque sorte, le manque d’amour dans sa vie personnelle. J’ai cru comprendre que sa vie sentimentale et amoureuse subissait les contrecoups de ses engagements féministes. J’ai trouvé ça assez triste. Autant d’engagement pour bénéficier, en retour, d’une vie amoureuse déficitaire.
Mona Chollet n’est pas la seule femme devant ce constat. Dans son ouvrage Les Couilles sur la table, Victoire Tuaillon écrit aussi que devant l’énormité de la surcharge de travail domestique et invisible qui échoit à la femme lorsque celle-ci a une histoire d’Amour, qu’elle avait en quelque sorte décidé de refuser de se « mettre en ménage » pour une durée indéterminée. Je ne peux que comprendre sa décision si, pour elle, la décision de vivre dans le même logement que son compagnon l’oblige à se transformer en femme de ménage, d’intérieur et en coach émotionnel.
Ensuite, je m’interroge. Je ne fais, bien-sûr, que des suppositions. Puisque je ne connais pas personnellement Victoire Tuaillon et ne la rencontrerai probablement jamais. Comme je ne rencontrerai probablement jamais Mona Chollet.
Je ne prétends pas détenir la formule magique qui permet de rencontrer la personne avec laquelle on pourra vivre heureux jusqu’à la fin de sa vie. Je ne possède pas cette formule.
Mais je me dis que l’Amour, le sujet de l’Amour, est, je crois, un idéal « très » féminin.
Par Amour et tant qu’une femme a de l’Amour pour sa compagne ou son compagnon, il semble qu’elle puisse tout ou trop accepter d’elle ou de lui. Qu’elle puisse tout ou trop espérer. Par Amour.
Dans les années 80, la chanteuse du groupe Kassav’, Jocelyne Béroard a chanté le titre Siwo. Dans cette chanson, qui avait bien marché, Jocelyne Béroard raconte- en Créole-, qu’elle cherche un homme « doux comme le sirop ». Et, elle détaille que celui-ci n’est pas obligé d’être beau. Par contre, elle souhaite ( elle exige) qu’il soit régulièrement de bonne humeur, qu’il soit constamment en train de danser tout en étant capable par ailleurs de l’écouter lorsqu’elle lui parle mais aussi de s’affirmer lorsque la vie le nécessite. Jocelyne Béroard conclut sa chanson en disant qu’elle a déjà cherché cet homme partout dans le Monde mais ne l’a jamais trouvé. Et qu’elle « sait » qu’elle ne pourra le trouver qu’aux Antilles. Dans sa chanson, Jocelyne Béroard ne parle pas de la répartition des tâches domestiques et ménagères, des fenêtres à laver ni des devoirs des enfants. Alors que j’écoutais une nouvelle fois le titre Siwo avec entrain chez un de mes oncles, celui-ci, marié et déjà père, avait alors déclaré :
« Mais ce qu’elle dit-là, c’est impossible…. ». Je devais avoir 17 ou 18 ans. ( Le titre Siwo est sorti en 1986). Le commentaire de mon oncle m’avait arrêté pile. Je ne voyais pas de quoi il pouvait bien parler. Je me concentrais sur la musique et le rythme. Les paroles de la chanteuse tombaient directement dans le champ vide de mon inexpérience. Et j’étais incapable, comme mon oncle venait de le faire, de prendre la mesure concrète de ce qui était dit. Jocelyne Béroard aurait pu raconter tout autre chose, cela m’aurait tout autant convenu. Dans les faits, en tant que l’un des membres permanents du groupe Kassav’ depuis une quarantaine d’années dans le Monde entier, et en tant que femme, j’ai l’impression que Jocelyne Béroard n’a pas eu de vie couple au long cours.
Un homme me semble regarder l’Amour d’un autre œil. Comme il me semble l’exprimer autrement. J’emploie sans doute des clichés mais j’ai l’impression qu’un homme sera moins expressif même s’il aime sa compagne. Ou, il semblerait, à lire Victoire Tuaillon et Mona Chollet, que l’homme, par Amour, fasse moins d’efforts que sa compagne.
L’Amour, selon les chiffres et les constatations de Mona Chollet et Victoire Tuaillon, est une promotion principalement pour les hommes. Et un traquenard pour les femmes. Plus besoin de nous occuper de nos chaussettes sales, de nos repas, des devoirs et des vêtements des enfants si nous en avons, du repassage de nos vêtements. Et, en plus, même si nous frappons et violons notre compagne, il se pourrait qu’elle reste avec nous jusqu’à ce que mort s’ensuive. Je deviens ici un peu provocateur. Mais ce n’est pas mon but, pourtant.
Le travail invisible des hommes
Victoire Tuaillon nous informe du travail invisible des femmes. Des chiffres le démontrent.
Mais je me demande si les hommes fournissent aussi un travail invisible dont Victoire Tuaillon ne parle pas et ne peut parler. Soit parce-que peu d’hommes en ont témoigné. Soit parce qu’elle reste depuis une perspective de femme. En faisant un peu d’ironie, on dirait, en lisant l’ouvrage de Victoire Tuaillon, que le principal travail invisible des hommes consiste à saper le moral de leurs compagnes.
Lorsque je me décrivais en « militaire de la vie affective et amoureuse », je me moquais bien-sûr de moi-même. Il y a sûrement une part de vrai. Mais je crois aussi être un peu plus fréquentable que cela au quotidien et dans la vie réelle.
En « bon » élève qui a lu les ouvrages des Mona Chollet et de Victoire Tuaillon, Réinventer l’Amour et Les Couilles sur la Table ( elles ont écrit d’autres ouvrages), j’ai confirmé partager certains travers reprochés à beaucoup d’hommes dans la sphère conjugale.
Mais il est quelques uns de ces « travers » que je n’ai pas. Ma compagne a pu me dire que je faisais plus que d’autres hommes. Pour me dire cela, il a bien fallu qu’elle ait certaines discussions avec d’autres femmes qui ont un homme « à la maison ».
Je vais m’abstenir de faire la « liste » de courses des tâches domestiques auxquelles je prends spontanément part régulièrement. Car j’aurai trop l’impression de déposer ici une sorte d’annonce. Mais je peux écrire, je crois, que j’ai été présent dès la naissance de notre fille. Pour à peu près tout. Notre fille nous a beaucoup sollicité la nuit, bébé. Nous n’avons pas connu ce paradis qui consiste à avoir un enfant qui « fait ses nuits » au bout de deux mois. Je ne connais pas cette utopie. Je travaillais alors uniquement de nuit. Lorsque j’étais au travail, ma compagne s’occupait de notre fille. Mais lorsque j’étais de repos, ma compagne pouvait dormir tranquille. Plus d’une fois, j’ai entendu notre fille pleurer et suis allé m’occuper d’elle avant que ma compagne n’ait eu le temps de s’en apercevoir.
Certains parents parlent de temps à autre de la « super nounou » sur qui ils ont pu toujours compter. Pour la garde de leur enfant. Nous, c’est la nounou qui a pu compter sur nous à plusieurs reprises pour que nous gardions notre fille parce-que là, « Excusez-moi, excusez-moi de vous déranger mais… ». Et, c’est moi qui gardais notre fille que je sois de repos ou que je vienne de terminer une nuit de travail. A ce jour, je crois que ma compagne peut encore compter sur ses dix doigts le nombre de jours où elle a eu à s’arrêter pour cause de « enfant malade ». Moins de dix jours.
Ça, c’était pour donner un ou deux exemples concrets qui, je crois, peuvent parler à tout parent comme à toute compagne ou tout compagnon. Ou futur parent. Je ne prétends pas être un papa ou un conjoint parfait pour autant.
Le travail invisible d’un compagnon, cela peut être, aussi, de supporter la personnalité de sa compagne…..
La juste répartition des tâches ménagères et domestiques, c’est un souhait louable. Mais si cela prend trop d’importance dans un couple, c’est peut-être aussi, certaines fois, parce-que cela devient une priorité qui n’a pas de raison d’être.
Je m’explique : faire le ménage, repasser, faire la cuisine, c’est important. Même si j’avais beaucoup aimé lire Truisme de Marie Darrieussecq, mon but dans la vie n’est pas de proclamer : « Chérie, vivons dans une porcherie comme des cochons et tout ira bien ! ».
Sauf que, il y a propreté et propreté. Je n’ai aucun problème avec le fait de passer le balai ou l’aspirateur. Ou de faire le repassage. Je comprends le principe qui consiste à faire le ménage régulièrement pour que cela prenne moins de temps et pour empêcher que la poussière ne s’entasse. Et, j’avais bien perçu l’incrédulité de ma compagne lorsque j’avais essayé de lui expliquer que je n’ai pas de problème avec le fait de passer le balai. Seulement, je ne me rends pas compte qu’il faut le passer. Je ne vois pas. J’ai d’autres priorités. Devant moi, ma compagne a manifestement cru que je la prenais pour une tarte et que je lui racontais des bobards. Mais non.
Je crois qu’il y a un sentiment d’urgence dans la réalisation de certaines tâches et de certaines actions que je ne partage pas avec ma compagne. Hier soir, nous sommes allés dîner chez des amis. Chez mon meilleur ami et sa compagne. Je connais mon meilleur ami depuis le collège. Il y a maintenant 40 ans. Je m’étais douché, habillé pour aller à ce dîner. Alors que nous partions, ma compagne m’a fait remarquer qu’il y avait un trou près du col de mon maillot de corps. Un maillot de corps propre, non repassé parce-que j’ai arrêté de le repasser. Mais propre. Ma compagne n’a pas insisté après sa remarque car, sans doute, a-t’elle compris que cela n’aurait rien changé. Que j’aurais gardé ( et j’ai gardé) mon maillot de corps. Mais il est très vraisemblable qu’à ma place, ma compagne se serait mise dans tous ses états et aurait changé illico de vêtement. Comme il est vraisemblable qu’une autre personne, à la place de ma compagne, m’aurait fait toute une histoire pour ce trou dans mon maillot de corps. Ou n’aurait pensé qu’à ça et aurait eu le sentiment d’effectuer une cascade périlleuse, toute la soirée, en faisant comme si ce trou n’existait pas alors qu’elle aurait continué d’y penser toute la soirée entre deux plats ou deux remarques.
On croit que j’exagère ? Hé bien, je pense que certaines femmes se comportent avec le ménage et certaines tâches domestiques comme d’autres auraient pu le faire avec ce trou dans mon maillot de corps. En insistant. En faisant un pataquès. En oubliant que le principal, c’est le moment détendu que l’on va passer avec ses amis.
Je n’invite pas les femmes qui se mettent en ménage à accepter que leur compagnon les laisse se charger de leurs chaussettes sales et plus si affinités. N’exagérons rien. Mais je me demande si, certaines fois, qui se répètent, il est vrai, trop d’importance est accordée aux tâches domestiques plutôt qu’à d’autres.
Par ailleurs, je ne crois pas du tout que le fait d’être un homme « parfait » question ménage, tâches domestiques, préparation du repas, éducation des enfants, courses et autres suffise pour que l’histoire d’Amour du couple soit absolument épanouissante. Autrement, il suffirait à beaucoup de femmes se mettre en couple avec des hommes de ménage.
Ensuite, je l’ai aussi dit : je ne partage pas certains des « travers » attribués à une majorité d’hommes. Et, je ne me vois pas comme un homme exceptionnel.
Donc, je me dis qu’il doit y avoir d’autres hommes qui, comme moi, participent régulièrement, en partie, aux tâches domestiques, éducatives et ménagères.
J’ai l’impression que le niveau d’exigence et d’attente de certaines femmes a beaucoup augmenté et peut-être trop. Pas uniquement dans le domaine des tâches domestiques, éducatives et ménagères d’ailleurs. Parce-que si je prends à la lettre certains critères féministes, les femmes ont intérêt à changer de modèle d’homme idéal :
Il va falloir qu’elles se fassent à des multitudes d’Abbés Pierre et de Omar Sy. Or, je ne suis pas convaincu que toutes les femmes aimeraient vivre avec un Abbé Pierre ou un Omar Sy même si ce sont deux personnalités plutôt ou particulièrement sympathiques.
Cette amélioration du niveau de vie et de l’éducation des femmes a aussi une conséquence sur les relations hommes-femmes. Je ne la critique pas. Peut-être que c’est le fait d’être dans une société patriarcale et d’être un des nombreux rejetons de cette pensée patriarcale qui me fait d’abord souligner la conséquence plutôt que le bienfait de ce changement. Mais ce changement a divers effets. Bons et mauvais. Comme beaucoup de changements. Ce serait facile de dire pour simplifier que ce changement rompt un équilibre entre les femmes et les hommes : cependant, d’un point de vue légèrement féministe, on pourrait facilement répondre, et prouver, qu’il n’y a jamais eu de relation équilibrée entre les femmes et les hommes. Puisque c’est le principe même du patriarcat que d’imposer aux femmes une société dans laquelle elles sont inférieures aux hommes.
Mais j’ai l’impression que dans un couple, que l’on soit un homme ou une femme, il y aura toujours ce rapport de dominé-dominant. Même si l’équilibre relationnel se transforme. Parce qu’un équilibre parfait entre êtres humains, est-ce possible ?
Dans le domaine de la séduction, je ne vois pas d’équilibre entre les êtres humains. Il est des personnes qui savent séduire. Et d’autres pas.
Vis à vis de la solitude, il est des personnes capables de bien vivre la solitude, voire de la rechercher. Et il en est d’autres qui en souffrent et qui feront leur possible pour essayer de s’en débarrasser presque par tous les moyens. Là aussi, je ne vois pas d’équilibre. Et il ne s’agit pas d’une opposition entre des femmes et des hommes. Ou alors, il faut, comme le disent aussi Mona Chollet et Victoire Tuaillon, un autre type de société. Mais pour faire en sorte que de manière à peu près équilibrée, tout le monde soit à même de plaire et de séduire mais aussi de composer avec sa solitude…j’ai quand même l’impression que l’on se rapproche là d’un mode de vie militaire et totalitaire.
Je ne vois pourtant pas le livre de Victoire Tuaillon comme un manifeste militaire et totalitaire. Certes, elle s’est attardée sur nos couilles plus longuement que cela ne se fait d’habitude. Pour faire parler plusieurs personnes et témoins qui ont affaire à elles. Mais aussi pour les faire parler d’Amour. C’est une prouesse qui vaut le détour.
Les couilles sur la table un livre de Victoire TuaillonPremières parties
C’est ma première surprise partie
Il s’agit d’une espèce de pieuvres qui ne lève jamais l’ancre et que l’on retrouve partout où il peut y avoir des hommes sur la Terre. De multiples fois millénaires, transportée, ballotée, sous diverses latitudes, y compris dans les pires conditions, elle a connu l’âge de pierre, du fer, du bronze, du nucléaire et, désormais, celui du réchauffement de l’atmosphère.
Très fragile, sans volonté propre, elle peut néanmoins s’imposer à celle des autres et se faire bienfaitrice, réconfortante, ou, au contraire, envahissante et destructrice.
Nous parlons bien d’une paire de couilles. S’il y en avait une seule peut-être que l’Histoire serait-elle différente. Mais habitué depuis ma naissance à en avoir deux, je n’ai pas envie d’essayer de finir ma vie avec une seule. Deux couilles, un jour, deux couilles, toujours.
Nos couilles seraient et sont des grandes prédatrices, agissant et disparaissant, en plein jour comme par temps de brouillard. Et, Victoire Tuaillon, avec cet ouvrage (publié en 2019), a décidé de se lancer dans l’étude de cette espèce particulière à laquelle beaucoup d’hommes sont rattachés comme bien des femmes peuvent être très rattachées à leur poitrine ou à leur chevelure.
J’ai entendu parler de Victoire Tuaillon et de ce livre en lisant Réinventer l’Amour de Mona Chollet qu’une collègue, Chamallow, m’a prêté il y a quelques mois. Un livre que j’ai eu plaisir à lire et à propos duquel j’ai écrit ensuite. ( J’ai lu Réinventer l’Amour de Mona Chollet ).
Pour son ouvrage, Réinventer l’Amour,Mona Chollet a fourni un très gros travail de recherche et de réflexions et donne, aussi, une abondante bibliographie. Dont cet « objet » de Victoire Tuaillon que j’ai d’abord emprunté à la médiathèque puis finalement acheté afin de pouvoir le lire tranquillement.
Depuis, Warda, une collègue à peu près du même âge que Chamallow, m’a appris avoir déjà offert ce livre à plusieurs hommes qui l’ont ensuite remerciée. Sans qu’elle-même n’ait jamais lu une seule ligne de cet ouvrage. Warda, si tu lis cet article, sache donc que ce clin d’œil est pour toi. Je pense que tu sauras te reconnaître car tu m’avais demandé, amusée « Tu crois que je ne sais pas lire ?! » lorsque j’avais tenu à te prévenir que mon article sur le livre de Mona Chollet, Réinventer l’Amour, est « très » long. J’espère que tu as pu le lire, depuis. Warda n’est pas ton vrai prénom. Peut-être Nabilla….
Je ne connaissais pas du tout Victoire Tuaillon avant de lire Réinventer l’Amour de Mona Chollet. Alors que dans l’univers « féministe », Victoire Tuaillon compte parmi les jeunes auteures dont le travail engagé est d’importance. Victoire Tuaillon avait trente ans lors de la parution de son livre Les Couilles sur la table, en 2019. En 2019, j’avais 51 ans et, à ce jour, malgré mes prétentions et aspirations artistiques et littéraires, je n’ai pas publié un seul livre. Donc, bravo, aussi, pour avoir réussi à être publiée !
Les Couilles sur la table a d’abord été un podcast décliné en plusieurs épisodes. Victoire Tuaillon l’explique au début de son livre. Je n’avais jamais entendu parler de ce podcast bien que devenu un adepte des podcast : ( La Clinique de l’Amour ( version courte)
Je trouve que l’écoute d’un sujet que l’on a cherché et choisi est bien plus « éducatif » et nourrissant que lorsque l’on se laisse attraper puis gaver comme des oies par des fleuves ininterrompus d’images sans but.
Actuellement, plus de 70 gigas de podcast m’attendent sur mon smartphone sur divers sujets. Mais je ne connaissais pas celui de Victoire Tuaillon. Et, lorsque j’ai fait la réservation de son livre dans une des médiathèques où je suis inscrit, j’ai eu le plaisir de voir la surprise monter sur le visage des trois bibliothécaires ( une femme et deux hommes) en leur donnant le titre, tout en ayant pris soin, au préalable, avec le sourire, de m’excuser pour ce que j’allais dire.
Victoire Tuaillon explique aussi au début de son livre que certaines personnes ont été choquées par ce titre et le lui ont en quelque sorte reproché. Je sais qu’il faut trouver un titre accrocheur pour attirer un public et que, régulièrement, nos instincts de voyeur (femme et homme) sont sollicités par différents média. Mais le titre Les Couilles sur la table m’a surtout et me fait surtout sourire et plutôt rire. Peut-être parce-que j’aime assez l’humour noir ( Desproges, la bonne époque de Dieudonné, Blanche Gardin, Fabrice Eboué, Thomas N’Gigol, le philosophe Cioran, le réalisateur Jean-Pierre Mocky, le réalisateur Joao César Monteiro, l’auteur Jean-Patrick Manchette…) autant comme spectateur, lecteur que comme auteur.
Peut-être parce-que, dès mon enfance, j’ai eu recours à la dérision et à l’autodérision.
Pour autant, je refuse de me voir comme un « féministe ».
Je ne suis pas féministe
Je ne suis pas féministe et je m’aperçois maintenant que quelques unes des personnalités que j’ai citées plus haut sont sûrement diversement appréciées dans le milieu féministe :
Jean-Pierre Mocky ? Qui avait pu se targuer de ne s’être jamais masturbé. Et qui, ouvertement, avait pu revendiquer le droit de pouvoir « baiser » dans une interview !
Mais il est vrai que Mocky était très provocateur.
J’ai aussi quelques doutes sur le féminisme d’un Cioran. Peu, importe, je ne suis et ne me sens pas féministe. Au moins pour ces raisons :
Même si, aujourd’hui, je « sais » qu’en France, tous les trois jours, une femme meurt sous les coups de son conjoint ; que des femmes sont bien souvent les principales victimes de viols ( pas uniquement lors des guerres comme en Ukraine depuis plusieurs mois), qu’à travail égal, les femmes touchent un salaire moindre que les hommes ; que les femmes sont bien plus surchargées, que les hommes, lorsqu’elles se mettent en ménage, par ces travaux invisibles que peuvent être les tâches ménagères, l’éducation des enfants, la cuisine, la présence émotionnelle….
Je suis évidemment désolé d’apprendre ces faits, ces chiffres, et je suis contre ces injustices.
Même si je suis plus proche de ma mère que de mon père. Et que dès l’enfance, celle-ci, ainsi que mon père, m’ont mis à contribution pour faire la vaisselle, pour aller faire des courses. Pour garder et emmener à l’école ma petite sœur et mon petit frère nettement plus jeunes que moi. Même si, en Guadeloupe (j’aime raconter cette anecdote), à Pointe A Pitre, ma mère m’avait envoyé lui acheter une paire de collants. Ce que j’étais allé faire, comme d’autres courses auparavant, et que tout cela m’apparaissait parfaitement normal jusqu’à ce que certaines personnes, dans la rue, alors que je marchais, commencent à me regarder « bizarrement » :
Le sac en plastique dans lequel je transportais mon achat était transparent. Et, un jeune homme (j’avais environ 18 ans, je crois) se baladant là-bas avec une paire de bas était susceptible d’être un makoumé (un pédé). Ce qui, au pays du Zouk, des plages de rêve et du soleil, est plutôt une tare.
Je ne suis pas féministe même si, depuis des années, maintenant, j’évolue dans un milieu professionnel dans lequel j’ai souvent été entouré par une majorité de femmes. Dont certaines ont pu et sont mes supérieures hiérarchiques. Et, lorsqu’il a pu m’arriver d’avoir certains conflits avec quelques unes d’entre elles (collègues ou supérieures hiérarchiques), c’est, selon moi, plus en raison de leur personnalité que de leur appartenance au sexe dit féminin. Actuellement, où j’évolue dans un milieu professionnel majoritairement masculin, c’est avec quelques collègues masculins que j’ai quelques désaccords et conflits : ceux-ci me reprochent…de manquer de couilles. Je serais trop gentil, trop doux et incapable de me défendre tout seul.
Il y a quelques semaines, j’ai posé l’ouvrage de Victoire Tuaillon, bien en évidence, en m’asseyant à la table dans la salle à manger du service, près d’un de ces collègues ( alors assis) qui estime que je manque de couilles pour le travail que nous faisons….
Ce collègue, je le sais, par réflexe, a jeté un coup d’œil sur la couverture et le titre.Sans rien dire. Toujours sans rien dire, quelques secondes plus tard, il s’est levé et a quitté la pièce.
Peut-être, un jour, apprendrai-je que ce collègue, par ailleurs plutôt réputé pour être un «homme à femmes » et qui aime raconter certains de ses exploits sexuels, qui a aimé me raconter certains de ses exploits à l’époque (l’année dernière) où nous étions « amis », a peu goûté ma petite provocation. C’est pourtant un mec très cool et très souvent souriant en général. Pour la galerie.
Couverture des Inrockuptibles dans lequel on peut trouver, aussi, des suggestions de lectures telle celle du livre « Les Argonautes » de Maggie Nelson que je n’ai pas encore lu.
Je ne suis pas féministe même si, en apprenant que j’allais être père d’une fille, née depuis, à aucun moment, je ne me suis catastrophé en me disant :
« Quel malheur ! Une fille ! Qu’est-ce que je vais pouvoir en faire ?! ».
Il est pour moi parfaitement normal d’avoir commencé à montrer à ma fille certains petits gestes d’Aïkido, de lui avoir acheté une paire de gants de boxe, des protèges tibias et un protège dents, et, certaines fois, de m’amuser à me battre avec elle.
Je ne suis pas féministe même si, visiblement, il a pu arriver que certaines amies femmes puissent se confier à moi. Et, même s’il a pu arriver ou peut sans doute encore arriver que l’on se demande, voire que l’on me demande, si je suis homo. Et je ne me sens pas insulté en particulier par ce genre de question. Mais plutôt amusé.
Je ne suis pas féministe même si je n’ai jamais été un « queutard » ou un de ces hommes capables d’embobiner une femme ou de jouer un rôle devant elle afin de pouvoir me vider les couilles et, ensuite, me glorifier auprès d’autres hommes de ma dernière « conquête ». Si, bien-sûr, je trouve bien des femmes désirables et que j’ai des besoins affectifs et sexuels, je ne comprends pas la satisfaction que je pourrais tirer à recourir à des stratagèmes pour « lever » une fille.
Ce n’est pas une position morale de ma part. Je ne me dis pas forcément que c’est « vilain » ou « pas beau ». Ou « pas bien ». Mais simplement :
Que ce n’est pas moi. Que cela ne me correspond pas….à moins de me retrouver sur une île déserte, ou enfermé dans un ascenseur ou un endroit clos pour une durée indéterminée. Là, je veux bien croire que je puisse trouver spécifiquement désirable celle qui se trouvera avec moi. La sexualité se réduisant alors totalement à une sorte d’incantation ou de forme d’échappatoire en vue de tenter de se soustraire, de manière éphémère, aux barreaux de notre vaine condition humaine.
En dehors de ces circonstances extrêmes, je crois qu’il faut avoir la personnalité qui va avec, lorsque l’on est un séducteur ou un queutard « certifié ». On a une image particulière à donner de soi, un rôle à tenir, dès lors que l’on est un « sex machine ». Afin de vendre du rêve à celles et ceux qui ne demandent qu’à croire à cette arnaque et à essayer d’attraper ce rêve factice qui va, de toute façon, leur échapper. Et c’est ce qui, précisément sans doute, va les attirer et leur procurer excitation et adrénaline.
Je me sens incapable, mais aussi non volontaire, pour être comme le personnage de Tony ( très bien joué par l’acteur Salim Kechiouche) dans le film Mektoub, my love : canto uno ( sorti en 2018) du réalisateur abdellatif Kechiche.
Pourtant, le personnage de Amin (joué par l’acteur Shaïn Boumedine) censé être le véritable personnage principal du film ainsi que le double du réalisateur, m’exaspère pour son incapacité manifeste à séduire. Ou, d’abord, à vivre. Il est là, avec son sourire constant, dominé par les événements. Peut-être qu’il m’exaspère parce qu’il me ressemble un peu trop et que je sais, par expérience, que le gentil garçon poli, doux, sympathique, passif et « romantique » est plutôt voué à rester le spectateur puissant et impuissant de ses amours.
Je ne suis pas féministe tout simplement parce qu’aujourd’hui, en 2022, cela fait « bien », cela fait « hype », « branché », « cool », « Yes ! », » Super ! » et engagé de se dire féministe.
Je ne remets aucunement en cause, par contre, le féminisme de Victoire Tuaillon. J’écris simplement, à ma manière, que je n’ai pas envie de rejoindre toutes ces personnes pour lesquelles se dire « féministe », « cool », « ouvert », « tolérant » ou « gay friendly » sont principalement des expressions qui font joli. Ce sont peut-être des affirmations très sincères. Et puis, dans les faits, ces mêmes personnes prétendument « féministes », « cool », « ouvertes », « tolérantes » ou « gay friendly » peuvent se montrer beaucoup moins « open » que d’autres personnes a priori estimées comme très conservatrices ou de « l’ancien régime ».
Cette réclame pour un promoteur immobilier a bien été prise en juillet de cette année 2022 dans la ville de Cormeilles en Parisis, à une vingtaine de kilomètres de Paris, une ville pas particulièrement en retard sur son époque ! On notera néanmoins le côté assez vieux jeu dans ces rôles dévolus à la femme et à l’homme sur l’affiche.
Je veux bien passer pour quelqu’un de « l’ancien régime », de « old school », de « traditionnaliste » ou pour quelqu’un de « rigide » et « paternaliste ». De toutes façons, je suis sans doute un peu tout ça. Et même davantage.
J’aime dans le film de Ken Loach, Raining Stones (réalisé en 1993) ce passage où un prêtre, absout Bob, catholique pratiquant, un père au chômage, culpabilisé, parce qu’il a utilisé de l’argent qui ne lui appartenait pas afin de pouvoir offrir à sa fille une très belle robe pour sa communion. Si le réalisateur Ken Loach, en tant que communiste, est sans doute athée, j’ai envie de croire que de tels prêtres puissent exister ou ont existé. Pourtant, au départ, on pourrait penser que n’importe quel prêtre catholique (ou d’une autre religion), devant une telle situation, aurait dénoncé ce père à la police ou contraint Bob de rendre la robe de sa fille au vendeur.
Certainement que des prêtres catholiques ont aussi aidé certaines femmes à avorter clandestinement au vu des circonstances dans lesquelles elles sont tombées enceintes. Et, je ne parle pas, ici, de femmes qui auraient été ou ont été les maitresses consentantes ou forcées de certains prêtres. Même si ces femmes existent ou ont existé.
Et puis, je ne suis pas féministe, parce-que, d’une certaine manière, je revendique presque le fait d’avoir été ou d’être, parfois, ou souvent, ou quelques fois, encore, le beauf, le lourdaud, le mec décrit dans l’ouvrage de Victoire Tuaillon.
Je revendique presque le fait d’avoir été ou d’être, parfois, ou souvent, le beauf, le lourdaud, le mec pénible
Les hommes « féministes » ou qui se disent comme tels sont un peu trop parfaits pour moi. Un peu trop artificiels. Un peu trop beaux pour être vrais. Un peu trop « bios ».
Ces hommes ont le droit de se croire irréprochables et impeccables concernant les droits des femmes. Des femmes ont le droit de trouver ces hommes « féministes » exemplaires. Sauf que, moi, en pratique, je ne crois pas à cette exemplarité de tous les instants. De même que je ne crois pas que les femmes « féministes » soient, elles mêmes, exemptes de certaines contradictions ou exemplaires en toutes circonstances.
Dans son ouvrage, Victoire Tuaillon évoque bien certaines de ces contradictions rencontrées chez certaines femmes féministes. J’ai néanmoins l’impression qu’il est deux ou trois sujets qui sont oubliés dans son ouvrage, très documenté, que j’ai aimé lire.
Même si certains passages de son ouvrage sont plutôt à charge pour un « homo erectus » beauf comme moi.
Plusieurs couches, plusieurs étapes et plusieurs strates chez l’ homme, pour vous, spécialement, les filles :
Pour conclure cette première partie de mon article, je dirais que je ne suis pas féministe et revendique presque le fait de faire partie, certaines fois, ou souvent, des mecs lourds parce-que je sais, aussi, que je suis différent de celui que j’ai pu être :
On est un homme différent selon que l’on vit chez papa et maman, que l’on est puceau, que l’on se regroupe entre garçons pour parler des filles qui nous attirent mais que l’on on a aussi plus ou moins peur de rencontrer dans l’intimité. C’est alors, à se demander, qui a le plus peur de se faire violer….
On est un homme différent selon que l’on a la possibilité, ou non, de discuter avec des personnes plus âgées que soi, mariées, divorcées, infidèles ou non.
On est un homme différent selon que l’on a connu quelques histoires d’amour, que l’on ait été amant d’une femme mariée et récemment maman, ou non.
On est un homme différent selon que l’on décide de rester uniquement dans un milieu hétéro cloisonné ou que l’on accepte, à certains moments, de s’en affranchir un peu pour rencontrer d’autres personnes différentes de nos « habitudes ».
On est un homme différent selon que l’on est célibataire, que l’on vit en célibataire chez soi pendant plusieurs années, que l’on a du mal à s’engager ou que l’on vit marié, sous le même toit que quelqu’un d’autre, avec ce quelqu’un d’autre avec lequel, après en avoir discuté et un peu hésité, on décide de devenir parent.
J’ai connu et continue de connaître ces différentes étapes. Ces différentes strates de moi-même me font avoir, je crois, un certain regard sur l’ouvrage de Victoire Tuaillon. Ce regard peut être féministe ou plus ou moins beauf.
Par exemple, Victoire Tuaillon, au départ, me fait sourire :
Aujourd’hui, il est très facile de trouver sur le net des photos de personnes un peu connues. On peut aussi avoir besoin de se faire une idée de la personne dont on va lire l’ouvrage.
A voir une photo ou deux de Victoire Tuaillon, à deviner aussi un peu ses aptitudes pour l’humour, et tout en songeant, toujours, au titre de son ouvrage Les Couilles sur la table, je suis tombé sur une de ses photos où on la voit, souriante, charmante, avec sa poitrine qui a commencé à m’opérer la tête.
Voilà le beauf ou le mec lourdaud en moi. Celui que les féministes, dont Victoire Tuaillon, en ont assez de se coltiner. Et, je les comprends dans une certaine mesure.
Je ne suis, hélas, et ne serai jamais que le 157 000ème homme ou garçon à m’émouvoir ou à faire des commentaires sur cette particularité de son anatomie.
Pourtant, quoi de plus « simple » et de plus « normal » que de remarquer ce caractère sexuel secondaire avantageux que constitue, aussi, cette belle poitrine ? Serait-il plus normal, plus sain et plus sincère de faire comme si on ne l’avait pas remarqué ?
C’est un des sujets, à propos duquel, en tant que beauf, mec lourdaud ou autre adjectif défavorable à la gente masculine, j’ai beaucoup de mal avec les féministes qu’ils soient hommes ou femmes.
Alors, Victoire Tuaillon, si elle ou d’autres, prennent très mal mes propos concernant sa poitrine, ne me fait plus sourire. Mais me fait peur. Même si, dans les premières pages, elle se veut rassurante et affirme :
« J’aime les hommes ».
Voici ce qu’il en est pour la première partie de cet article que j’ai préféré couper afin qu’il soit plus facile à lire.
J’ai luRéinventer l’Amour ( Comment le Patriarcat sabote les relations hétérosexuelles) de Mona Chollet
« On va tellement vous violer que vous ne pourrez plus avoir d’enfants » auraient dit des militaires russes à des femmes ukrainiennes. Depuis le 24 février 2022, l’armée militaire russe a commencé à envahir l’Ukraine. Et la guerre, qui était « prévue » pour être courte, continue entre les deux pays.
Il y a quelques années, j’ai envisagé d’aller travailler dans un CMP ( Centre Médico- psychologique) pour adultes en banlieue parisienne, dans une ville assez proche d’Argenteuil, ville où j’habite.
Lors du trajet en voiture depuis Gennevilliers vers ce CMP , situé à Villeneuve la Garenne, la cadre infirmière m’avait un peu raconté quelques unes de ses missions humanitaires passées. Dont une durant la guerre en ex-Yougoslavie. Dans la voiture de service, tout en me conduisant, cette infirmière expérimentée, à quelques années de la retraite, m’avait parlé de sa peur. De sa peur du viol. Et de deux sœurs bosniaques qu’elle avait alors connues. L’aînée des soeurs lui avait servi d’interprète.
Après la guerre, l’aînée, avec laquelle elle était restée en contact, était demeurée célibataire et avait développé un cancer. La plus jeune, femme très coquette à l’origine, s’était mariée et radicalisée religieusement.
Chaque fois qu’il y a des guerres, des femmes mais aussi des enfants se font violer. Si, en temps de « paix », certains viols peuvent être- difficilement- condamnés, en temps de guerre, il peut être encore plus difficile de les faire condamner comme de faire condamner leurs auteurs.
D’autant plus que la « Paix », comme la Santé, ont des définitions très variables. Puisque l’on peut, aussi, être victime d’un viol dans un pays en « Paix » et riche comme la France.
Paris, mars 2022.
Les multiples guerres du quotidien
Car, si certaines guerres militaires sont plus médiatisées que d’autres, il existe bien d’autres déclinaisons de la guerre :
Des guerres domestiques, sociales, économiques, relationnelles, professionnelles, culturelles. Et, ces multiples guerres du quotidien, directes ou indirectes, propulsent plus facilement certaines et certains aux avants postes tandis que d’autres, «progressivement », et malgré leurs efforts, régressent, stagnent ou piétinent dans leur évolution personnelle.
Récemment, à la gare de Paris St Lazare, j’ai aperçu un patient que j’avais d’abord « croisé » une première fois deux ou trois ans plus tôt dans un service d’addictologie où j’avais effectué quelques remplacements. Puis, au début de la pandémie du Covid, je l’avais reconnu aux abords de la gare St Lazare.
Au début de la pandémie du Covid, il présentait bien, avait même une perception assez critique concernant la pandémie . Quand je l’ai revu à la gare St Lazare, la semaine dernière, il était en train de fumer, sans masque, et ressemblait à un clochard. La première fois que je l’avais recroisé près de la gare de Paris St Lazare, il faisait la manche. Il y a quelques jours, j’imagine qu’il était encore dans la gare de Paris St Lazare pour continuer de faire la manche. Sauf que son état personnel s’était aggravé. Pourtant, depuis des années, cet homme qui a connu l’emploi, comme d’autres femmes et d’autres hommes, a essayé et aura essayé de s’en sortir.
Je ne peux pas affirmer que, par son livre, Mona Chollet, vise aussi ces sujets puisque le titre de son ouvrage est : Réinventer l’Amour. Mais voilà ce qu’il commence par m’inspirer, ce matin, alors que j’ai terminé sa lecture dans un jardin des Tuileries ensoleillé il y a plus d’une semaine désormais.
Mona Chollet parle d’Amour et avec son titre rajoute :
Comment le Patriarcat sabote les relations sexuelles. Et, moi, je commence par parler de viols de femmes par temps de guerre et de paix. Puis d’un homme en voie de clochardisation.
« On va tellement vous violer que vous ne pourrez plus faire d’enfants… ».
« On va tellement vous violer que vous ne pourrez plus vous exprimer ».
Réinventer l’Amour : un livre de « fille » et d’intello favorisée
Je n’aurais pas lu ce livre de Mona Chollet, si, une de mes jeunes collègues internes, Chamallow, en stage dans mon service, ne m’en avait parlé il y a plusieurs semaines. Après que j’aie eu la curiosité de lui demander ce qu’elle lisait ou avait lu récemment.
J’avais entendu parler de ce livre. Mais je l’avais pris pour un sujet ou un livre de « fille ».
Moi, qui, depuis des années, évolue dans un milieu professionnel qui a souvent été majoritairement féminin ; moi qui exerce un métier de soignant (infirmier en soins psychiatriques et pédopsychiatriques ou en Santé Mentale ), métier auquel on attribue plutôt des « qualités » ou des vertus féminines ; moi, qui, en tant qu’aîné, a, à partir de mon adolescence jusqu’à mes trente ans, joué un rôle de substitut parental jusqu’au sacrifice de mon intimité et de mon célibat, j’ai d’abord pensé, en entendant parler de ce livre de Mona Chollet : « C’est un truc de fille ! » ou « Encore une intello favorisée qui a les moyens de vivre de ses concepts ».
Mona Chollet est en effet une femme, après avoir été une fille. Et, elle vient bien d’un milieu social et intellectuel favorisé, voire privilégié, en tant que femme blanche, même si ses parents se sont séparés alors qu’elle était enfant, comme elle le mentionne. Néanmoins, son livre m’a rapidement plu.
Depuis, j’ai déjà remercié plusieurs fois Chamallow de m’avoir prêté ce livre. A la fois pour le plaisir que j’ai eu à le lire. Mais, aussi, à le lire certaines fois dans mon service actuel : avant de lire Réinventer l’Amour de Mona Chollet, j’ignorais que l’on pouvait prendre d’autant plus de plaisir à lire un livre que son contenu contraste avec l’état d’esprit ou la culture plutôt générale dans le service où l’on travaille.
Le plaisir de lire Réinventer l’Amour, la nuit, dans mon service actuel où, pour certains collègues, un homme, et un bon infirmier, c’est d’abord quelqu’un qui s’impose.
Mon service actuel n’est pas un service de collègues violeurs et de collègues femmes violées. Peut-être, qu’un jour, lorsque je me déciderai vraiment à prendre le temps d’écrire que j’inventerai des histoires de ce genre. Mais, pour l’instant, j’en suis encore à décrire le fait que dans mon service actuel, certaines valeurs « viriles » font office de table de Loi. Dans mon service actuel, plus que dans les services et les établissements précédents où j’ai travaillé, pour certains de mes collègues, un homme (et je suis un homme, c’est certain) et un bon infirmier (et je suis infirmier), c’est d’abord quelqu’un qui s’impose.
En particulier, physiquement. Pour faire des injections à un patient agité ou opposant à la prise de son traitement par voie orale (sous forme de gouttes le plus souvent).
Dans mon service actuel, pour certains de mes collègues, être un homme et un bon infirmier, c’est pratiquer la contention physique. Et, aussi, sans doute, parler fort ou plus ou moins fort, faire connaître ses exploits physiques, les raconter, parler de certains sujets d’une certaine façon ( le Foot, les femmes, parler de sa vie etc….).
Peu importe que, lorsque je l’estime justifié et inévitable, je puisse, aussi, faire des injections, de la contention physique, ou y participer avec d’autres collègues lorsque nous devons le faire. Mon personnage, ma personnalité, ne cadre pas avec la conception que se font certains de mes collègues actuels de ce qu’est ou doit être un homme mais, aussi, un bon infirmier. Ou, tout simplement, un être humain dit « normal ». Alors que moi, sans m’en apercevoir, car c’est ma normalité, sans doute que je me comporte « bizarrement ». C’est à dire pas comme tout le monde.
Sans doute aussi, parais-je un petit peu trop « intello » pour être honnête.
Et, vu que, paradoxalement, je parle peu de ma vie conjugale et de ma fille au travail, cela doit vraisemblablement signifier que je dissimule des projets, des pensées et des moeurs fort peu recommandables : j’attends presque ce moment ( ce suspense devient un peu insoutenable) où certains de mes collègues décideront ( c’est peut-être déja fait) que je suis probablement pédé ou homosexuel.
Pour moi, ce n’est pas une insulte d’être confondu avec un homosexuel. Je trouve ça plutôt drôle. Mais je sais, aussi, que dans certains milieux et dans certains groupes, être perçu comme un homosexuel peut revenir à être considéré comme un sous-homme ou comme une sorte de perversion. Ce qui peut susciter, de la part de certaines personnes, une agressivité et une violence particulières, redoublées, ou un rejet, à l’encontre de celle ou de celui qui est suspecté(e) d’homosexualité.
J’ai donc compris, que, pour certains de mes collègues actuels, je suis un baltringue; un con; quelqu’un à qui « on ne fait pas confiance » ; quelqu’un qui se « débine » ou se « débinerait » lorsque cela se tend avec un patient ou lorsque cela est susceptible de se tendre. Et que je suis quelqu’un, c’est une certitude pour certains de ces collègues, ou cela l’a été !, que je n’ai rien à faire dans mon service actuel où je travaille, maintenant depuis un peu plus d’un an. Et, cela, malgré plus de vingt ans d’expériences en soins psychiatriques et pédopsychiatriques, de jour, comme de nuit, dans des services intra comme extra hospitaliers où j’ai eu, aussi, à vivre des situations de tension avec des patients et des patientes. Ainsi que certaines confrontations physiques.
Je manquerais de « couilles ». Si on ne l’a pas bien compris. Et si j’ai bien décodé certains messages que m’ont adressé certains de mes collègues assez peu courageux, qui marchent et pensent souvent par deux au minimum.
Je ne compte déja plus le nombre de fois où en me disant bonjour certains de ces collègues virils , et très assurés, ont rapidement évité ou évitent mon regard alors que nous nous retrouvons face à face. Le dégout de ma personne sans doute ou un sentiment proche de la pitié pour l’irrémédiable merde que je suis.
Je serais « trop gentil ». Je « discuterais trop ». Peu importe que, plusieurs fois, cette « gentillesse », cette « discussion » de quelques minutes mais aussi cette « patience » de quelques minutes, aussi, ont déjà permis de désamorcer certaines situations. Dans mon service actuel, avoir certaines aptitudes pour la modération serait plutôt un aveu de faiblesse d’après le point de vue de certains de mes collègues.
Le parallèle avec le livre de Mona Chollet, Réinventer l’Amour ?
Si l’on parle de l’Amour, d’une façon ou d’une autre, on en arrive à parler du Pouvoir sur le corps d’autrui.
Si l’on parle d’Amour, d’une façon ou d’une autre, on en arrive à parler du Pouvoir. Du Pouvoir dont on dispose mais aussi du Pouvoir que l’on peut, ou pourrait, en certaines circonstances, pour certaines raisons, bonnes ou mauvaises, choisies ou involontaires, exercer sur quelqu’un d’autre.
Et si l’on parle d’Amour, même si l’Amour spirituel, parental, filial, cérébral ou platonique existe, on parle aussi, du corps. De ce Pouvoir qu’une personne peut exercer, à qui l’on donne cette autorisation ou cette possibilité, sur notre corps.
Lorsque l’on aime quelqu’un ou lorsque l’on est malade (d’Amour ou d’autre chose), il arrive un moment où l’on se confond avec l’autre. Avec son désir, sa volonté.
Où l’on s’abandonne à lui. Où l’on se confie à elle ou à lui.
Où il arrive un moment, aussi, où, malgré l’intimité ou la proximité, on résiste ou s’oppose. Soit parce-que l’on a peur. Soit parce-que l’on perçoit l’autre comme un agresseur dont on veut se défaire ou se défendre.
Parfois, nous avons encore la possibilité de nous défaire ou de nous défendre de l’autre. Parfois, il est trop tard ou un peu trop tard lorsque nous réagissons :
Les victimes d’un viol, d’une agression, à moins d’avoir été surprises dès le début par leur agresseur (e) ont souvent, au début, laissées celle-ci ou celui-ci s’approcher de leur espace personnel. Elles (les victimes) ont souvent « cohabité » ou « coexisté » un temps avec leur futur(e) agresseur ( e). Que cette agression se répète ou qu’elle soit unique.
Mona Chollet parle-t’elle de cela dans son livre ? Pas de cette façon.
Récemment, j’ai écouté un podcast dans lequel était interviewée l’humoriste Caroline Vigneaux. En l’écoutant, j’ai appris que ses spectacles étaient très documentés (comme pour beaucoup d’humoristes) mais, aussi, qu’elle visait à faire passer des messages.
Parmi ces messages, bien qu’ouvertement féministe, lors de cette interview, Caroline Vigneaux confirmait aussi s’être accrochée violemment- et verbalement- avec des femmes, sûrement des victimes d’agressions, pour lesquelles « Tous les hommes sont des prédateurs ».
S’il est un fait que, le plus souvent, les victimes de viols sont des femmes ( et des enfants filles ou garçons), fermer la boucle par un « Tous les hommes sont des prédateurs » ne permettra pas de….réinventer l’Amour.
J’ai parlé du corps, tout à l’heure. Parler du corps, c’est aussi, bien-sûr, parler de la sexualité. Nous n’avons pas tous le même rapport à la sexualité. Notre rapport à la sexualité peut être différent selon l’âge que l’on a. Selon nos croyances. Selon notre éducation.
Dans mon éducation de petit antillais né en France, la musique et la danse, qui sont des dogmes sociaux et culturels aux Antilles, m’ont indiscutablement préparé ou initié, sans pour autant faire de moi, un Rocco Siffredi antillais, à un certain éveil corporel et sexuel. Danser le Compas et le Zouk dès l’enfance, que ce soit en France et en Guadeloupe, mais aussi voir toutes les générations, des enfants aux grands parents, danser de cette manière lors de festivités (baptêmes, mariages, communions…) permet sans aucun doute une approche assez précoce et concrète de son propre corps comme du corps de l’autre, qui plus est en rythme ( un rythme binaire pour comparer avec le rythme ternaire du Maloya par exemple qui me semble moins dansable à deux) comparativement à une éducation où, à la maison ou en famille, on va écouter de la variété française, du Rock ou de la musique classique.
On a bien sûr une sexualité et un éveil à la sexualité et au corps même lorsque l’on écoute de la variété française, du Rock, de la musique classique, de la techno ou du Rap ou un tout autre genre musical. Autrement, un certain nombre de lectrices et de lecteurs de cet article ne pourraient pas le lire aujourd’hui et demain.
Mais on comprendra facilement, je crois, que lorsque l’on danse « collés-serrés » sur du Zouk ou du Compas, que la composante sexuelle de la musique et de la danse, est facile à détecter de façon implicite ou explicite. Et si, malgré cela, on danse en toute « innocence », certaines paroles en Créole ( pas uniquement du bien connu Francky Vincent ) de certaines chansons nous signalent assez « bien » que la sexualité et le coït sont envisagés. Ou suggérés.
Il y a quelques années, maintenant, un copain enseignant avait voulu traduire en Français, à sa classe, les paroles du tube Angela du groupe Saïan Supa Crew mais dans des termes châtiés. Il m’avait donc sollicité. J’aurais tellement voulu lui rendre ce service mais même en faisant tourner dans ma tête diverses correspondances, j’avais été obligé de lui dire qu’il n’y avait rien à faire :
Si je traduisais, honnêtement, une des phrases phares de la chanson, cela donnait quelque chose comme, sur un air enjoué, « Angela, je vais te défoncer (sexuellement, s’entend) pendant l’absence de ton père ». Ce qui est quand même plus « rentre-dedans » que les sous-entendus de La Sucette à l’Anis composée par Gainsbourg pour la naïve France Gall et que, plus tard (car je suis plus jeune que Gainsbourg et France Gall, aujourd’hui disparus) des mômes de 12 à 13 ans, chantaient avec amusement, et en toute lucidité concernant ces sous-entendus sexuels, dans une des colonies de vacances où je fus assistant sanitaire.
Depuis mon enfance, que je m’en souvienne ou non, j’ai entendu des chansons à caractère sexuel à peine camouflé dans des festivités antillaises. Et j’ai dansé dessus, en toute simplicité, comme la majorité des personnes présentes. Sans y penser plus que ça.
Mais, avant la sexualité, le corps, cela commence par la peau. La peau du nouveau né que l’on a été. Et que l’on est resté d’une certaine façon quel que soit notre âge. Comme une part de notre enfance et de notre adolescence reste en nous, même à l’âge adulte.
La peau, aussi, a une mémoire. Une mémoire surpuissante qui dépasse, je crois, notre intellect et notre raisonnement.
Alice Miller, psychanalyste bien connue, a écrit un livre que j’ai emprunté mais que je n’ai pas encore lu et dont le titre est :
Notre corps ne ment jamais.
Malgré toutes nos expériences, toutes nos prétentions et nos certitudes, toutes nos applications high tech, toutes nos « victoires », tous nos titres et toutes nos conquêtes, je crois qu’il est des vérités incontestables ou assez incontestables comme le titre de ce livre d’Alice Miller.
Que l’on parle de la torture, d’un viol, d’une blessure, d’un traumatisme, d’un harcèlement, d’un burn out, d’un désespoir ou d’un plaisir consenti, il m’apparaît très difficile d’échapper à la vérité de ce titre d’Alice Miller. C’est pourtant une vérité à laquelle, quotidiennement, nous tournons le dos ou que nous ignorons.
Et, sans être psychanalyste, je suis resté marqué par cette découverte que j’ai faite lors de ma formation en massage bien-être il y a quelques années :
Pour asseoir cette formation en massage bien-être, très concrète, je me suis fait masser par différents stagiaires, femmes et hommes de différentes histoires et horizons. Y compris par un homosexuel, à son domicile.
Et j’ai aussi massé des stagiaires en formation massage bien-être comme moi, femmes et hommes. J’ai aussi massé certains de mes proches et moins proches (famille, amis, connaissances).
J’ai appris que quelques personnes, une minorité, en se faisant masser au cours de cette formation en massage bien-être, dans un climat de réelle bienveillance, s’était effondrée en larmes. Des émotions douloureuses, anciennes et ancrées en elles (j’ai plutôt entendu parler de femmes à qui cette expérience est arrivée), aspirées par les mains qui les massaient, avaient en quelque sorte « fracassé » ces barrages mentaux qu’elles soutenaient de toutes leurs forces pour juguler une certaine souffrance intérieure et très forte. Cela pouvait être parce-que, jamais, dans leur enfance, on ne les avait touchées avec une telle « bienveillance ». Ou pour toute autre raison…
De mon côté, je me rappelle de mon effarement en massant deux amis de longue date. Deux amis que je connais depuis le collège. Bien qu’officiellement volontaires tous les deux pour que je les masse, ces deux amis (masculins, donc) se sont révélés particulièrement indisponibles pour profiter du massage.
L’un expliquant à sa compagne (j’étais venu le masser chez eux) un peu comme s’il s’agissait d’aborder un problème de mathématiques, que, pour se faire masser, il « faut se laisser aller ». Pour me montrer, ensuite…comme il avait particulièrement du mal à se laisser aller.
Lorsque l’on se laisse aller lors d’un massage, on peut soit se mettre à pleurer si certaines émotions douloureuses font surface ou, au contraire, se détendre jusqu’à l’endormissement. Et il s’agit d’un endormissement réparateur et très agréable. Même si cet endormissement ne dure que quelques minutes.
Je me demande si j’ai le droit de faire un parallèle pour cet ami, qui est quand même mon meilleur ami, entre le fait qu’il ait eu autant de mal à recevoir mon massage et le fait que lorsqu’il a tenté de faire une thérapie, il a pu dire qu’il ne s’y passait « rien », car ne parvenant pas, j’imagine, à « s’ouvrir » suffisamment ou à se « laisser » aller ou porter…..
J’ignore si le fait que mes deux amis se connaissent a joué. Néanmoins, à plusieurs jours ou plusieurs semaines d’intervalle, le second ami a fait encore « mieux » que le précédent :
Alors que je le massais, chez moi, subitement, cet ami s’est avisé qu’il lui fallait absolument consulter son téléphone portable. Je l’ai donc vu étendre son bras pour attraper son téléphone portable….
Mon propre père a refusé ma proposition de se faire masser. Tandis que ma mère, ma jeune sœur et mon jeune frère se sont faits masser avec plaisir. Mon frère allant jusqu’à rester endormi dix bonnes minutes après la fin du massage.
Lors d’une autre expérience, alors que, dans un centre de plongée et d’apnée en banlieue parisienne, je le massais à même la peau, un moniteur de plongée ( également motard ) celui-ci, plutôt sympathique, et volontaire également, parlait sans discontinuer. Me racontant qu’il avait « déja fait » des massages. S’amusant aussi quant au fait que j’avais peut-être prévu de » la musique indienne » etc….
Il faut savoir que je fais plutôt partie des personnes, qui, lorsqu’elles sont « dans » le massage, en tant que masseur ou massé, entrent dans une sorte de méditation :
Un peu sans doute comme dans la lecture d’un livre ou lorsque j’écris. Il m’est arrivé d’être appelé alors que j’étais en pleine écriture. Et, souvent, la personne que j’ai eue au téléphone a eu l’impression de me réveiller. J’étais tout simplement encore » en moi-même » en répondant au téléphone.
Lorsque je masse, si la personne massée peut « entrer en elle », j’entre aussi en moi-même, tout en étant attentif à la personne que je masse comme au temps que je mets. C’est un voyage à la fois commun mais aussi individuel. Le corps de l’autre et le contact de nos mains reliées bien sûr à notre être, donc, également à notre corps et à notre propre vie intérieure permettent ce voyage.
Dans ces circonstances, être en présence de quelqu’un qui se met à parler pour « meubler » ou sans doute parce-qu’il est finalement mal à l’aise, casse en quelque sorte l’ambiance. Un massage, de mon point de vue, est pour beaucoup un voyage intérieur même si l’on part de « l’extérieur » ( le corps, des mains, de l’huile, un environnement et un moment particulier….).
Néanmoins, ce jour-là, s’il était particulièrement bavard lors du massage à l’huile de son dos, ce « cobaye » moniteur de plongée, qui était déja descendu à soixante mètres et plus profond en plongée bouteille, s’était soudainement tu. Lorsque j’étais ensuite passé à une forme d’étirements et de balancements plus fermes mais aussi plus toniques qui détendent également. J’en avais déduit que c’était cela qui convenait le mieux à cet homme. Un homme que je n’ai jamais revu par la suite car en revenant plus tard, en accord avec le directeur de ce centre aquatique, pour masser et relaxer des plongeuses et des plongeurs volontaires avant leur séance ( et il y’en eut), j’appris que ce moniteur de plongée s’était tué quelques semaines plus tard à moto.
Un autre ami, toujours vivant, lui, que j’ai massé deux ou trois fois, m’avait aussi surpris à chaque fois. Plutôt réservé quant à ses émotions et assez dur au mal, très travailleur, perfectionniste, et plus que reconnu dans sa profession, chaque fois que j’avais commencé à le masser, cet ami s’était mis subitement à me parler – lui qui est plutôt du genre à voir toute forme de thérapie comme une absurdité- et à se confier à moi sans que je ne m’y attende.
Je me rappelle aussi d’une fois, en particulier, où, après l’avoir massé, j’avais « ramassé » beaucoup de ses tensions intérieures.
Enfin, bien-sûr, plus d’une fois, des personnes m’ont dit ouvertement qu’elles voyaient le massage comme un préliminaire à l’acte sexuel. Et que, de ce fait, il était pour elles hors de question que je les masse. Cela a pu prendre des proportions très comiques avec mon beau-frère. Ainsi qu’avec un ami, Raguse.
Alice Miller a donc raison : Notre corps ne ment jamais. Et, selon l’état de confiance et de méfiance, d’attirance ou de répulsion dans lequel on se trouve, on accepte, à tort ou à raison, de s’en remettre à l’autre. Et, il me semble que l’Amour, c’est, à un moment ou à un autre, s’en remettre à l’autre dans une certaine intimité.
Il est courant de considérer qu’une personne nous inspire de la méfiance parce-que son attitude nous apparaît « louche » ou « suspecte ». Et cela peut être vrai. Sauf que l’on parle moins souvent de ces fois où l’on attribue à quelqu’un des défauts ou des vices, mais aussi des qualités extraordinaires, qui existent principalement dans le décor de notre imaginaire.
J’ai plusieurs fois été marqué d’entendre des femmes se plaindre d’histoires malheureuses qu’elles avaient pu connaître avec des hommes. Alors que, parallèlement à cela, ces mêmes femmes avaient pu se détourner ou se montrer impitoyables avec d’autres hommes sincèrement attentionnés à leur égard.
Pas plus tard qu’il y a quelques jours, une interne qui faisait sa dernière garde dans mon service, en tant que stagiaire, me parlait d’une conférence ou d’un colloque où elle s’était rendue et où elle avait eu l’impression de se trouver « dans une secte » :
Un médecin chef (psychiatre, je crois) y était admiré par plusieurs de ses autres collègues médecins. Des femmes, exclusivement. Et, à un moment donné, l’une d’elle, a pris la parole pour s’exprimer sur un sujet donné. Sauf que son point de vue n’a pas été partagé par le médecin chef qui, devant tout le monde (environ une cinquantaine de personnes) lui a dit : « Tu dis n’importe quoi ! ».
La jeune interne qui me racontait ça m’a ensuite appris, médusée, que la femme médecin humiliée en public avait trouvé des circonstances à ce médecin chef qu’elle estimait si « génial ! ».
J’en ai rajouté une couche en disant à cette jeune interne :
Peut-être ou sans doute que toutes ces femmes qui admirent ce médecin chef aimeraient s’autoriser à être comme lui. Et j’ai en quelque sorte conclu en disant que, sans aucun doute, d’ici quelques années, plusieurs de ces femmes médecins diront que travailler avec ce médecin chef a constitué ou aura constitué l’une des meilleures périodes de leur vie professionnelle mais aussi personnelle.
Mona Chollet, dans son livre, Réinventer l’Amour, parle de ces sujets autrement. Avec d’autres exemples. En citant Marlon Brando et Serge Gainsbourg, deux hommes, deux Personnalités et deux artistes, encore adulés. Des modèles pour bien des femmes et des hommes encore aujourd’hui.
Lorsque l’on lit l’ouvrage de Mona Chollet, on rit jaune en découvrant l’envers du décor conjugal de Marlon Brando et Serge Gainsbourg. Pareil pour Miles Davis, mon musicien préféré malgré ce que je savais déja de lui en tant que père plus qu’absent et déplorable.
Dans le livre de Mona Chollet, cela m’a fait rire de lire ce passage où Miles, jaloux et paranoïaque, persuadé qu’un rival amoureux se cachait à la maison, s’est mis à dévaler les escaliers, un couteau de cuisine à la main.
Je peux me permettre de rire, d’une part, parce que Cicely Tyson, je crois, sa compagne de l’époque, est toujours en vie. Mais, aussi, parce-que, plusieurs années après la mort de Miles (en 1991, la même année que Serge Gainsbourg) Mona Chollet nous apprend dans son livre que Cicely Tyson affirme encore que Miles est « son homme ».
La grande chanteuse de Blues, Billie Holliday, finalement, ne chantait pas autre chose. Et Edith Piaf ?
Je peux rire jaune concernant Miles et son couteau de cuisine. Pourtant, concrètement, il y a à peine deux semaines, avec deux de mes collègues, nous avons transféré un homme, dans un service d’hospitalisation en psychiatrie, parce-que, Monsieur, après avoir pris de la cocaïne avec sa compagne, et chez elle, a commencé à être persuadé que quelqu’un se cachait dans l’appartement. Et que celle-ci lui mentait. Alors, Monsieur a violenté sa compagne, a confisqué ses deux téléphones portables. Il a fallu l’intervention de la police, appelée par des voisins, pour sortir la compagne de cet embarras. Lors du transfert, que nous avons effectué de nuit, après une nuit passée par ce patient dans notre service, ce Monsieur ne m’a pas semblé plus culpabilisé que cela concernant son comportement. Il ne m’a pas non plus donné l’impression de douter plus que cela de pouvoir renouer avec sa compagne. Laquelle, si elle avait confirmé les faits devant la police, avait refusé de porter plainte contre lui.
Cette ambivalence toute autant féminine que masculine vis à vis de l’Amour permet de s’apercevoir que le livre de Mona Chollet traite d’un sujet bien plus sérieux et difficile qu’il n’y paraît. Et Mona Chollet a fourni un gros travail de recherche. Son livre est facile et agréable à lire. J’ai aimé la façon, dont, par moments, elle entremêle, sans trop en rajouter, des bouts de ses expériences personnelles qui complètent son livre et en font un objet à cœur ouvert qui tranche avec ces livres pleins de dialectiques alambiquées et théoriques.
J’ai aussi aimé toutes ces références qu’elle nous donne en termes d’ouvrages ou de personnalités portées sur ce sujet des relations entre les femmes et les hommes. C’est en lisant ce livre que j’ai ainsi découvert Victoire Tuaillon dont j’ai emprunté le livre Les Couilles sur la Table que je n’ai pas encore lu. Préférant d’abord lire Retour de flammes ( les pompiers, des héros fatigués ?) de Romain Pudal dont le titre peut faire penser que j’ai eu besoin de me rassurer en me réfugiant dans un sujet « bien viril » alors que, finalement, je trouve que plusieurs caractéristiques des valeurs que l’on trouve chez les pompiers convergent très bien avec ce que je vis- en partie- dans mon service actuel. Et, donc, avec le sujet du livre de Chollet.
Mona Chollet, dans ce livre-ci, parle aussi de l’image de la femme. Des contraintes vestimentaires que la femme peut s’infliger pour plaire. Dans cet article, j’ai inséré des photos- très courantes- de publicités montrant des femmes dénudées. Ces photos ont plu à mon regard tant d’un point de vue esthétique qu’érotique. Mais il m’a semblé que parler du livre de Mona Chollet en l’illustrant, aussi, avec ces photos, peut aussi permettre de se rappeler du monde dans lequel nous vivons comme de la façon dont, souvent, des jeunes femmes, nous sont présentées. Même si, par ailleurs, pour ma part, je sais très bien que je ne rencontrerai jamais, dans la vraie vie, des femmes aussi avantagées physiquement. Et même si cela arrivait, cela ne suffira pas forcément pour devenir intime avec elles ou « amis ».
On dira donc que je regarde ces photos pour « l’art », car ce sont souvent de belles photos ainsi que pour le plaisir des yeux. Et qu’en lisant un ouvrage comme celui de Chollet, je m’aperçois un peu plus de ce que ces mêmes photos peuvent avoir de brutal et d’oppressant pour l’identité de certaines femmes. Et, évidemment, en tant que père d’une fille, je m’inquiète sans doute aussi un peu plus de la portée de ce genre de clichés photographiques, quasi-pornographiques, sur certains enfants mais aussi sur d’autres personnes plus âgées.
A propos de la pornographie, on peut peut-être lire cet article que je découvre de plus en plus lu sur mon blog : Brigitte Lahaie en podcast . Un article que j’avais écrit au mois de Mai de l’année dernière.
Mais j’ai néanmoins bien parlé de l’ambivalence « autant féminine que masculine » vis à vis à de l’Amour.
L’ambivalence « autant féminine que masculine » vis à vis de l’Amour :
Certaines œuvres, comme certaines rencontres ou expériences, nous marquent encore plusieurs années plus tard.
Le film Mystic River de Clint Eastwood fait partie de ces œuvres et expériences pour moi. A la fin du film, nous savons que Sean Penn, a été persuadé que son ami d’enfance, interprété par l’acteur Tim Robbins, est celui qui avait assassiné sa fille.
Alors, Sean Penn, devenu, adulte, plus ou moins un caïd dans son quartier, a fait « avouer » à son ancien ami d’enfance que c’est bien lui qui avait assassiné sa fille ( la fille de Sean Penn). Une fois que l’ami d’enfance ( Tim Robbins), brutalisé et intimidé par Sean Penn et ses hommes, a « avoué », Sean ( qui porte bien-sûr un autre prénom dans le film) applique ce qu’il considère être la justice d’un père vengeant l’assassinat immonde de sa fille . Et il exécute son ami d’enfance. Car les « aveux » de celui-ci ont balayé ses derniers doutes.
Pourquoi Sean Penn croit-il plausible que son ami d’enfance ait pu assassiner sa fille ? Parce-que, plus jeunes, alors que Sean Penn, Tim Robbins et Kevin Beacon, jouaient ensemble dans leur quartier, le jeune Tim, perçu, en le regardant, comme le plus fragile psychologiquement du trio, avait été kidnappé par deux adultes se déplaçant en voiture. Puis violé.
Ce qui veut dire qu’un prédateur ne choisit pas n’importe quelle proie. Et qu’une fois que l’on a été la proie ou la victime de quelqu’un, qu’il peut rester en nous, la trace de ce passé qui peut être retrouvée- et utilisée- par quelqu’un d’autre. Si, entre-temps, on n’a pas appris à se défendre en cas d’agression ou à mieux reconnaître, et plus vite, de véritables agresseurs et prédateurs, lorsqu’il s’en présente.
On peut être un homme et avoir été, plus jeune, le souffre-douleur attitré de certaines personnes parce-que l’on a été identifié comme celui qui est « faible » ou qu’il est facile de malmener pour s’amuser. C’est ce que j’ai compris lorsque le combattant français Patrice Quarteron, né en 1979, dont je découvre le surnom « Le Rônin sombre », pratiquant du Muay Thaï, a pu dire dans une interview que, plus jeune, malgré ou à cause de sa grande taille, qu’il était souvent celui que l’on venait frapper. Quarteron allant, alors, jusqu’à ironiser en se remémorant ce passé en disant quelque chose comme :
« C’était drôle, c’était toujours Patrice Quarteron que l’on venait frapper…. ». On revenait « toujours » le frapper, comme on revenait souvent frapper à une même porte, parce qu’à cette époque, révolue, Quarteron était « connu » comme celui sur lequel on pouvait facilement venir se défouler. Pour faire passer le temps.
Comme on peut le faire pour certaines femmes sexuellement ou physiquement. Ou, sur certains enfants.
Dans Mystic River, face aux trois jeunes garçons dont les personnages sont joués, adultes, par Sean Penn, Tim Robbins et Kevin Beacon, les deux hommes prédateurs, âgés d’une quarantaine d’années, établissent que le « jeune » Sean Penn est un dur à cuire qui va leur donner du mal. Et que le « jeune » Kevin Beacon est trop malin. Cela semble se « voir » ou se deviner en regardant ces trois jeunes garçons qui doivent avoir alors 12 ans tout au plus.
Alors, les deux prédateurs se rabattent sur le « jeune » Tim Robbins. Le plus docile, le plus vulnérable et sans doute aussi le plus poli et le plus gentil. Celui qui est, ici, trop pétri de bonnes manières. Celui, qui, plus tard, sans doute aurait été un homme galant, attentionné etc est celui qui est sacrifié.
Etant donné que les apparences peuvent être trompeuses, les deux prédateurs auraient pu tomber sur un jeune « Tim », finalement bien plus combattif qu’ils ne l’avaient cru. Mais il se trouve que le jeune « Tim » s’est révélé être la victime « idéale » pour ces deux hommes. Peut-être du fait de leur déja grande « expérience » mais aussi de leur instinct de « chasseurs ».
A la fin du film Mystic River, Sean Penn apprend qu’il s’est trompé sur son ancien ami d’enfance. Et que celui-ci n’était pas l’assassin de sa fille. Sean Penn a alors un moment d’effondrement face à sa femme. Et, là, celle-ci, le « remonte » et lui dit, ou plutôt lui assène, qu’il a fait ce qu’il fallait faire ! Qu’il s’est comporté comme un chef de tribu doit le faire ! Nous avons donc, là, une mère, et une femme, qui considère qu’un homme, en tant que chef de famille, même s’il se trompe, doit être capable de s’imposer physiquement et de tuer pourprotéger ou défendre sa famille. Nous sommes donc ici très loin du discours selon lequel il est attendu d’un homme qu’il soit aux petits soins avec sa femme et sa progéniture ; qu’il fasse des bons petits plats ; qu’il invite sa femme au restaurant, lui déclame des poèmes, change les couches des enfants, aille faire les courses et participe aux tâches ménagères comme aux devoirs scolaires des enfants etc….
Parce-que, même si un homme peut cumuler certaines aptitudes domestiques avec celles d’un Sean Penn dans Mystic River, il m’apparaît peu plausible qu’un même homme puisse et à la fois être l’équivalent d’un Sean Penn dans Mystic River mais, aussi, être un compagnon doux et attentionné selon certains critères d’égalité officiels entre les femmes et les hommes, et qu’il soit recherché pour cela par la majorité des femmes.
Il me semble que tout en recherchant plus d’égalité avec les hommes, que bien des femmes vont préférer avoir un Sean Penn tel qu’il est dans Mystic River soit comme amant, soit pour mari et père de leurs enfants. Tandis que d’autres femmes ne pourront pas accepter de vivre avec un homme pareil car elles se sentiront incapables de « rivaliser » ou avec lui ou ne pourront pas le « maitriser » ( le dominer)….
Je me rappelle qu’il y a plusieurs années, un ami guadeloupéen, né en Guadeloupe et y résidant toujours, m’avait dit qu’il était du genre romantique. Et qu’il s’était vite aperçu qu’il ne correspondait pas du tout au type d’homme recherché par les femmes du pays.
Il s’est ensuite marié avec une Polonaise avec laquelle il vit en Guadeloupe depuis des années avec leurs enfants.
Dans un podcast écouté récemment, dans l’émission Les pieds sur terre, une jeune femme raconte comment elle aime soumettre les hommes. Peu m’importe qu’elle soit adepte de relations BDSM dès l’instant où celles ci sont consenties entre adultes. Ce qui m’a dérangé, c’est que cette femme a ouvertement dit être attirée par des femmes plutôt que par des hommes. Et, je n’ai pu m’empêcher de voir de la perversion et une très grande satisfaction personnelle de sa part dans ce qui, pour moi, était le contraire absolu d’unerelation. Même si les hommes qu’elle soumettait étaient et sont consentants. Car pour qu’il y ait Amour, il faut déjà qu’il y ait un minimum de relation entre deux personnes. Ce qui implique, à mon avis, une certaine égalité, à un moment donné. Si l’on parle d’une relation. Alors que dans le témoignage de cette jeune femme, assez contente d’elle, je ne voyais pas où était cette égalité et cette réciprocité. Cette jeune femme racontait simplement comment elle prenait son pied à humilier et à soumettre avec le consentement de « ses » hommes.
Enfin, dans un autre podcast, une femme raconte qu’à un moment de sa vie, elle avait besoin de faire l’Amour tous les jours. En changeant de partenaire régulièrement. Pourquoi pas ? Sauf que sa libido n’était pas au rendez-vous et elle s’est demandée comment elle pouvait y remédier. D’où son podcast dans lequel elle raconte comment elle s’y est prise pour accroître sa libido. Ce faisant, elle a entendu parler de la poudre de Maca qui, sur elle, a eu peu d’effets. Alors que, toujours dans ce podcast, elle interviewe une femme pour qui la poudre de Maca a eu l’effet aphrodisiaque recherché.
J’en profite pour dire que, depuis, je suis allé acheter de la poudre de Maca. Non pour gonfler ma libido. Mais parce-que je me sens fatigué en ce moment et que j’ai découvert, grace à ce podcast, que la poudre de Maca pouvait faire du bien lorsque l’on est fatigué. J’en suis à trois jours de prise quotidienne à raison d’une cuillère à café le matin et j’ai tendance à confirmer pour l’instant les propriétés requinquantes de la poudre de Maca. Et tant mieux, car ces 200 grammes de poudre de Maca m’ont quand même coûté près de 30 euros !
Par contre, alors que j’écoutais ce podcast centré sur la recherche de moyens pour maintenir ou remettre une libido à flot, j’ai été étonné que la personne autrice de ce podcast oublie, selon moi, l’essentiel :
Le but est d’avoir une remontée de libido ? Alors, peut-être faut-il d’abord commencer par avoir une relation sincère avec quelqu’un et s’attacher à cette personne. Cela me semble aussi simple que cela. Et je crois – ou espère- que le livre de Mona Chollet va aussi dans ce sens-là. Même si, comme on s’en doute, le sujet de l’Amour peut durer une vie entière.
Le petit fantôme bleu, Mona Chollet-Réinventer L’Amour
Cette nuit, j’ai retravaillé. Une de mes collègues m’a rendu la trilogie Pusher (Pusher III : Journée de merde pour papa-poule ) de Nicholas Winding Refn que je lui avais prêtée. Trilogie qu’elle a bien aimé. Elle m’a même dit qu’elle s’attendait à « plus violent ». Qu’elle ne connaissait pas le cinéma danois.
Toujours disponible, avec son sourire, ma jeune collègue ne dit « rien » de plus au point que l’on peut croire que c’est à dessein. Car on peut percevoir comme elle est observatrice des autres. Se met-elle en colère ? C’est difficile à savoir.
A la réflexion, et je le lui ai dit, j’ai trouvé ça assez « provocateur » qu’elle me prête ce livre dans un service aussi « testostéroné » que celui où nous travaillons. Elle a alors….souri et m’a répondu qu’elle me prêtait ce livre car je lui avais demandé ce qu’elle lisait en ce moment. Une réponse imparable.
Cette nuit, entre 3 heures et 5 heures du matin, j’ai lu les cinquante premières pages de Réinventer l’Amour. Avec d’autant plus d’intérêt que je savais que son contenu dénotait dans le service. Dans notre service, pour diverses raisons historiques mais aussi pour certaines nécessités concrètes, certaines valeurs et actions « viriles » ou dites « masculines » peuvent s’exprimer et prédominer. Mais aussi s’agripper à une certaine façon de penser. Moi, j’apparais sans aucun doute encore comme suspect selon certains de ces critères et pour certains collègues :
Je serais « trop gentil » ; « trop patient » ; « je discuterais trop » et manque, ou manquerais, vraisemblablement de « poigne ». Ou de réalisme. Tant physique que verbal.
Si j’ai d’abord dit à ma collègue que, dans le service, j’avais soigneusement dissimulé son livre sous des magazines plus virils consacrés à l’Aïkido et aux Arts Martiaux, je n’exclue plus de m’y montrer avec ce bouquin. Cela pourrait être drôle.
Pourtant, alors que je lisais Réinventer l’Amour, je commençais à faire provision, aussi, de quelques réserves. Dont certaines se sont un peu confirmées chez moi.
Ce matin, en rentrant du travail, je rangeais mes affaires lorsque j’ai aperçu ma fille qui se cachait derrière la veste polaire bleue de ma compagne qui est aussi sa maman.
Je l’ai vue pratiquement tout de suite. Je me suis dit que tant que ma fille continuerait de se cacher de cette façon lorsque je rentre, et à jouer à être découverte et recherchée, que ce serait bon signe. Mais aussi, peut-être, que tant que je remarquerais aussi vite en rentrant qu’elle se cache afin d’être vue.
Que je n’ai pas tout raté. Que je ne rate pas tout dans ma relation avec elle, au travers de l’éducation que je lui « donne » mais, aussi, lui impose.
Dans son livre, Réinventer L’Amour, Mona Chollet cite deux exemples de couples « réussis » où l’Amour a tenu toute la vie.
Celui d’André Gorz et celui de Serge Rezvani dont je ne connais pas les œuvres.
Le sujet de Réinventer l’Amour porte sur L’Amour entre deux adultes consentants. Et non sur l’Amour filial.
Et, Mona Chollet, elle-même, relate sa joie à avoir réussi à garder une relation apaisée avec son ex-compagnon. Je peux l’envier. Je me suis déjà demandé comment faisaient les autres pour garder des relations apaisées avec leurs ex. A ce jour, je n’ai pas réussi.
Toutefois, je remarque qu’elle comme André Gorz et Serge Rezvani n’ont pas eu d’enfant.
Pas le moindre enfant. Par choix. Un choix que je peux comprendre. Si en tant que personne adulte, je considère le fait d’être père comme une expérience extraordinaire à vivre en tant qu’être humain, je comprends que d’autres puissent décider de s’abstenir de vivre cette expérience. Car pour extraordinaire que soit cette expérience, elle est aussi très personnelle.
Cependant, j’ai l’impression qu’il manque « quelque chose » dans Réinventer l’Amour, lorsque Chollet parle d’Amour dans le couple, alors qu’elle cite sa propre expérience et deux couples exemplaires en matière d’Amour. Sans aucun enfant à proximité de ces expériences de couple.
On peut raconter tout ce que l’on veut, de sensé, sur le couple et l’atteinte du couple par le patriarcat. Et de ce qu’il faudrait faire pour éviter la destruction de l’Amour dans le couple. Mais, pour l’instant, si je lis à la lettre son livre, je constate que pour Chollet, les premiers couples dont l’histoire d’Amour a été aboutie qu’elle cite sont des couples sans enfants.
Même si je peux avoir des « choses » à corriger dans ma perception du couple et de la vie, le fait d’être parent change donc la donne dans la « durée d’action de l’Amour » au sein d’un couple.
Que l’on n’essaie pas de me convaincre qu’un couple avec enfant dispose exactement des mêmes atouts et de la même disponibilité pour l’autre, qu’un couple sans enfant.
Que l’on n’essaie pas.
Même si le fait d’avoir un enfant peut être un atout.
Je ne regrette pas, par exemple, malgré certains efforts, certaines difficultés et certains de mes doutes, d’être le père de ma fille. Même si je suis insatisfait assez régulièrement de « mes états de services » en tant que père. Même si je suis contrarié de constater mes infirmités en tant que père et que je m’inquiète de leurs retombées sur ma fille.
Pour ces quelques raisons, aussi, pour essayer de conjurer les éventuelles retombées de mes infirmités, je tenais, ce matin, à parler un peu de ce petit fantôme bleu qui m’attendait, ce matin, à la maison, en rentrant.
Petit fantôme bleu, qui, ensuite, m’a présenté/imposé le menu de son restaurant.
Comme je n’ai pas réagi tout de suite lorsqu’elle l’a déposé près de moi dans la salle de bain, alors que je récupérais mes affaires de piscine et d’apnée, ma fille a déplacé le dit menu et l’a rapproché de moi. J’ai compris qu’il fallait que je le voie. J’ai donc demandé à ma fille :
« C’est pour que je commande à manger ? ».
Près de moi, elle a alors acquiescé avec un sourire d’évidence.
On est adulte, contrarié, fatigué ou simplement concentré sur diverses pensées qui n’ont rien à voir avec notre enfant ou qui ont simplement à voir avec notre monde intérieur (penser à ranger telles affaires pour se préparer à notre nuit de travail suivante, penser à écrire tel article, ou telles idées d’articles, faire quelques étirements pour le dos car on a fait du vélo en rentrant du travail…).
Et votre enfant est là, immédiatement devant vous. Tel un génie dont vous avez rendu l’existence concrète. Car vous avez œuvré pour cela. Personne a priori ne vous a forcé à le faire venir. Et, désormais, pour quelques années, ce génie apparaît souvent. Vous regarde et vous écoute, sans que vous vous y attendiez toujours.
Et ce génie vous sollicite. Que votre enfant vous gratifie ou vous contrarie, votre enfant est un génie. Vous n’êtes peut-être pas – toujours- au courant. Car ce génie s’exprime parfois ou souvent sans répit en dehors des heures ouvrables de votre tolérance et de…de votre imagination. Peu importe ce qui s’est passé la veille ou ce que vous venez de vivre. Vous avez travaillé douze heures, dehors en rentrant à vélo, il faisait 7 degrés. Tout cela n’existe pas, ne compte pas, pour lui. Il n’est pas au courant. Lui, il sait qu’il ne vous a pas vu depuis la veille, plus de 12 heures auparavant. Pour lui, c’est tout ce qui compte. Et, ça y ‘est, vous êtes là devant lui, en chair et en os. C’est le moment où jamais. Vous êtes donc disponible. Et cherche donc à renouer avec vous. Pour lui, c’est la normalité. L’anormalité pour lui, c’est d’avoir été séparé de vous. Entre adultes, il existe parfois ce rituel préliminaire, ou, avant de vous solliciter, ce qui est de toute son intention prioritaire, l’autre vous demande :
« ça va ? Tu as passé une bonne journée ? ». Alors qu’en fait, l’autre n’attend qu’une chose. Vous solliciter ou vous parler d’un sujet précis qui, pour elle ou pour lui, nécessite votre pleine et immédiate attention et adhésion. L’enfant, lui, s’il va bien et se trouve dans un environnement familial où il se sent en confiance, s’épargne- et vous épargne- ce genre de salamalecs et de faux-semblant. Plus tard, peut-être, il apprendra à le faire.
Quoi de plus facile à comprendre. Pourtant, ça, vous qui êtes évolué, adulte, intégré, réfléchi, vous ne le comprenez pas tout le temps. Vous, pas forcément malheureux de votre nuit de travail, pas nécessairement rejetant, vous avez néanmoins besoin d’un certain sas entre le monde dont vous venez ; le monde, les humeurs, les diverses transhumances que vous portez en vous et dans lesquelles vous vagabondez encore. Et l’immédiateté de la demande spontanée de votre enfant que vous ne prévoyez pas. Que, malgré votre « expérience » de lui, une fois de plus, vous n’avez pas vu venir. Pour lui, ce sas dont vous avez peut-être besoin, est une abstraction ou une absurdité d’adulte.
Il (votre enfant, bien-sûr, nous ne parlons pas de celui des autres) semble régulièrement croire que vous avez l’aptitude de lire l’avenir. Mais aussi à lire dans ses pensées. Cette demande et cette croyance renouvelées sont à la fois bon signe. Et résultent aussi du fait et de l’évidence que vous faites partie de l’Histoire de votre enfant. Mais aussi que votre enfant fait partie de la vôtre. Et que c’est comme ça. Un cercle qui semble alors infini. Et cette Histoire, ce cercle en mouvement, durant quelques heures, vous vous en êtes extrait, vous l’avez en partie oublié. Alors que votre enfant, loyal, et toujours magnétisé par le cercle de cette Histoire, s’en souvient. Il vous en rappelle à la fois le conte, l’existence mais aussi la naissance. Votre naissance.
Donc, penser ou croire qu’un couple sans enfant et un couple avec enfant – qui a pourtant conçu cet enfant par amour- ont les mêmes aptitudes, ou les mêmes volontés, pour réinventer l’Amour est une erreur. Mais comme je n’en suis qu’aux cinquante premières pages du livre de Mona Chollet, il est trop tôt pour que j’affirme qu’elle laisse sous entendre ça. Cet article aura bien-sûr une suite.
La couverture découvre deux mains l’une dans l’autre. C’est un geste simple. On pourrait se dire qu’il concerne un adulte et un enfant. Mais il s’adresse à tous. Les derniers mots du livre de la psychologue et psychothérapeute Marianne Kédia sont « détermination et bienveillance ».
Une détermination et une bienveillance dont elle entoure son livre et celles et ceux qui le touchent. Un livre paru en 2016. 2016, cela paraît loin maintenant. Il y a quelques jours encore, nous fêtions Noël 2021. Puis a suivi la nouvelle année, 2022.
L’année 2016, c’est loin alors que la pandémie du Covid reflue lors de l’hiver. Avec le variant Omicron, ses plus de trente mutations- contre moins de dix pour le variant Delta encore présent du Covid. Alors que plus de cent mille personnes attrapent le Covid tous les jours, que le gouvernement, après le passe sanitaire, aspire désormais à imposer le passe vaccinal et sans doute la vaccination anti-Covid pour les enfants de moins de 11 ans.
La mort kilométrique
En 2016, nous étions « ailleurs ». L’assassinat par un terroriste de l’enseignant Samuel Paty, a eu lieu le 16 d’octobre 2020. Mais, déjà, en 2020, les attentats terroristes nous semblaient plus loin qu’ en 2016. Peut-être aussi parce-que, comme l’explique également Marianne Kédia dans son livre, avec le principe de la « mort kilométrique », notre perception de l’assassinat de Samuel Paty a t’elle été influencée par notre distance avec l’événement :
Plus la mort est donnée loin de nous, moins elle nous terrorise. Conflans Ste Honorine, où Samuel Paty a été assassiné, c’est une ville de banlieue distante de vingt kilomètres de Paris. Conflans Ste Honorine est une ville de banlieue parisienne moins connue que d’autres.
Bien que située dans les Yvelines, la ville de Conflans Ste Honorine est moins connue que Versailles ou St Germain en Laye, lesquelles, déjà, font sans doute plus partie de l’histoire- ancienne- ou du Patrimoine de France. Même si, ces derniers temps, au travers de la candidate aux élections Présidentielles de 2022, Valérie Pécresse, on entend peut-être un petit peu plus parler de ces deux villes des Yvelines :
Saint Germain en Laye et Versailles.
Pour ma part, je connais la ville de Conflans Ste Honorine au moins pour y avoir travaillé. Mais aussi pour y avoir vu le guitariste John McLaughlin en concert. Et, une de mes ex y vit sans doute encore. Donc, pour moi, la ville de Conflans Ste Honorine est bien plus qu’un simple nom sur une carte. Je sais également comment m’y rendre. D’ailleurs, j’y suis passé avant hier en train. Mais je fais ici partie d’une minorité même si cette minorité se compte en milliers de personnes.
Alors que les attentats du 13 novembre 2015- dont le procès se déroule encore pendant quelques mois, à Paris- avaient eu lieu en plein Paris. Ou à Saint-Denis.
Contrairement à la ville de Conflans Ste Honorine ou de Magnanville (ville située dans l’agglomération de Mantes la Jolie, à 60 kilomètres de Paris, ou en juin 2016, un policier et sa compagne s’étaient faits assassiner par un terroriste islamiste) Saint Denis, déjà, est une ville de banlieue proche de Paris.
Le 13 novembre 2015, les attentats avaient débuté dans un endroit où peuvent se retrouver beaucoup de personnes de tous les environs dont Paris : Au Stade de France qui peut accueillir un peu plus de 80 000 personnes et où se déroulent des événements sportifs de masse. Le Stade de France reçoit des événements sportifs qui bénéficient d’un retentissement médiatique mondial. C’est donc un lieu sans doute plus connu dans le monde que Conflans Ste Honorine ou Magnanville.
Puis, après le Stade de France, le 13 novembre 2015, les attentats avaient essaimé en plein Paris. Je me rappelle encore où j’étais cette nuit-là : au travail, dans le 18 ème arrondissement de Paris. J’avais appris la « nouvelle » des attentats par ma collègue de nuit, qui, elle-même, l’avait appris par son compagnon. Autrement, de notre côté, tout était calme. Tant dans le service que dans le quartier.
Le lendemain matin, vers 7 heures du matin, j’était rentré chez moi. On rentre chez soi différemment lorsque l’on sait que durant la nuit ont eu lieu des attentats dans la ville où l’on se trouve.
Photo prise ce 22 décembre 2021 au Spot 13, à Paris.
En 2016, quand paraît ce livre de Marianne Kédia, notre attention, tant géographiquement, psychologiquement que chronologiquement, est davantage happée par les attentats- rapprochés– comparativement à aujourd’hui, en 2022.
Rappelons aussi qu’à Nice, le 14 juillet 2016, un attentat terroriste effectué » au camion-bélier » sur la promenade des Anglais- donc pendant les réjouissances nationales du 14 juillet- avait fait 86 morts et plus de 400 blessés.
Détermination et bienveillance
En 2016, ces attentats semblaient partis pour muter sans s’arrêter. C’est dans ce contexte que Marianne Kédia a écrit ce livre, Panser les attentats. En psychologue et psychothérapeute dont les armes sont faites de….détermination et de bienveillance. Il faut bien se rappeler que les deux termes- détermination et bienveillance– sont ici rassemblés et clôturent le livre. C’est qu’ils prononcent l’intention principale de l’ouvrage. Une personne terroriste, peu importe son idéologie, islamiste ou autre, est également déterminée. Mais elle est rarement ou exceptionnellement bienveillante pour autrui lorsqu’elle passe à l’action.
Selon le dernier ouvrage de Hugo Micheron, Le Jihadisme Français : Quartier, Syrie, Prisons paru en 2020 (cité comme l’ouvrage actuel de référence sur le sujet par Charlie Hebdo dans son numéro de cette semaine), la stratégie des jihadistes serait désormais de privilégier davantage l’infiltration dans la société française par le biais de l’action sociale, politique et culturelle surnommée le « soft power ». Par ailleurs, d’autres attentats auraient été désamorcés à temps par les services dont c’est la fonction.
Mais cela ne nous préserve pas pour autant définitivement d’autres attentats. Notre monde continue de se transformer. Et, ce qui se déroule par exemple en Afghanistan avec les Talibans qui ont repris le Pouvoir, ou ailleurs, peut avoir pour conséquence la réalisation d’autres attentats.
Les atouts et attraits de cette lecture
La prévention
Souvent, nous attendons que certains événements nous heurtent. Comme s’ils étaient à jamais improbables ou disparus pour toujours. Comme si nous devions constamment ou régulièrement découvrir ou redécouvrir que certaines violences et certaines catastrophes subsistent et existent. Alors que nous avons la possibilité mais aussi la capacité, en nous informant mais aussi en nous formant, de le savoir voire de nous y préparer.
Aujourd’hui, en 2022, on peut aussi lire cet ouvrage à titre préventif pour diverses situations – extrêmes- de notre vie courante. La prévention est une précaution dont on fait trop souvent l’économie. Je pars du principe qu’il y a de fausses économies :
A être trop sûrs de soi, certaines fois, on néglige certains domaines. Et, ensuite, il arrive de se retrouver dans l’embarras, du genre en panne sèche sur l’autoroute à cinquante kilomètres de la première station d’essence, ou en état de panique face à une situation réellement inquiétante qui, pourtant, s’était déjà produite. Dans certains pays tels le Japon, sujet aux tremblements de terre, la population est éduquée ou entraînée de façon à savoir comment réagir lorsque la terre tremble.
Marianne Kédia le rappelle bien : le terrorisme a pour but de détruire la cohésion sociale.
Vu comme ça, la « cohésion sociale », peut faire penser à une chose abstraite, floue et générale, donc très distante de soi. La « cohésion sociale », on peut penser que c’est les autres à vingt ou trente kilomètres de soi. Ou que cela concerne l’assistante sociale. Même si c’est vrai, ce qui va se passer à vingt ou trente kilomètres de soi- ou plus proche de soi- aura des effets, d’une façon ou d’une autre, sur nous.
Si le but du terrorisme, c’est de détruire la cohésion sociale, ce qui nous tue, aussi, d’abord, tous les jours, c’est d’être de plus en plus, chacun dans son camp, étrangers les uns aux autres. Cela a ses avantages : une certaine liberté hors du jugement des autres. Sauf que si nous sommes étrangers les uns ou autres, il arrive aussi que nous soyons aussi des étrangers pour nous-mêmes.
Dans la vie sociale, nous sommes souvent plus superposés ou amenés à occuper un espace et un moment qu’ensemble. Donc, déjà, nous sommes plus ou moins quelque peu extérieurs à une certaine cohésion sociale :
Si une personne dans les transports en commun, ou ailleurs, se fait agresser devant plusieurs témoins qui restent passifs. Alors que ces témoins sont numériquement plus nombreux que le ou les agresseurs, c’est aussi parce-que cette personne qui se fait agresser devant eux leur est « inconnue ». Distante et inconnue. Etrangère. Le destin de cette victime leur semble d’abord n’avoir aucun rapport avec leur propre destin ou ne serait-ce qu’avec leur réputation.
Cependant, je ne passe pas mes jours et mes nuits à guetter l’attentat qui rôde. Je continue de préférer d’autres occupations que celles de « chasseur » ou de « pisteur » d’attentats. Et puis, je n’ai pas de compétences ou de dons pour détecter les attentats.
Par contre, j’ai trouvé dans les propos de Marianne Kédia des réponses qui peuvent s’appliquer, aussi, à bien d’autres situations que des attentats.
Trop souvent, la tendance est à cloisonner les disciplines comme les expériences. Alors que ce que l’on apprend dans une discipline ou dans une expérience peut se transposer dans d’autres domaines. C’est pour cela que j’ai lu l’ouvrage de Kédia autant en tant que personne qu’en tant que soignant.
Par exemple, lors de la nuit des attentats du 13 novembre 2015, après avoir appris par son compagnon que des attentats avaient lieu en plein Paris, où notre service d’hospitalisation pédopsychiatrique pour adolescents se trouve , ma collègue de nuit m’avait alors dit :
« J’ai envie d’allumer la télé pour regarder les infos…. »
Ma réaction avait été instinctive :
« Tu peux. Mais sans moi ! ».
Avant même d’allumer la télé, je savais ce sur quoi nous allions tomber. Regarder la télé, à ce moment-là, c’était se faire gaver comme des oies, en continu, avec des informations anxiogènes. Je ne voyais pas en quoi cela allait ou pouvait m’apporter quoique ce soit de bénéfique. Cette certitude me venait sans aucun doute de mes souvenirs de ces heures passées, chez mes parents, à rester cramponné, pendant des heures, à des programmes télé de plus en plus débiles à mesure que je les regardais. Je m’apercevais que je m’avançais de plus en plus sur l’autoroute du néant de la pensée. Pourtant, je restais fixé, crucifié, devant l’écran.
Mes souvenirs des spots d’informations répétitifs de la radio France Info, écoutés à une époque où j’ambitionnais ainsi de m’informer et me cultiver, sont sans doute aussi remontés la nuit du 13 novembre 2015. Lorsque j’ai répondu à ma collègue et amie.
A la fin de son livre, Marianne Kédia, donne entre-autres, comme recommandation, de limiter notre exposition à la télé en période d’attentats précisément pour éviter de connaître une anxiété galopante qui pourrait franchir toutes les frontières. A la place, elle préconise, à juste titre, de s’informer en lisant des journaux voire, en écoutant la radio (en évitant les radios qui répètent les mêmes flashes en continu). Car la surinformation fait des dégâts comme le surarmement. Marianne Kédia fait ainsi cette analyse :
Le plus souvent, lorsque des informations nous sont « données »à chaud par rapport à un événement catastrophique ou choquant, ces informations, masquent leur vide par leur répétition industrielle. Elles nous injectent principalement du bruit sonore, des suppositions, de l’agitation et du parasitage qui mettent et maintiennent en alerte. Alors que cet état d’hyper-vigilance, de peur et d’alerte maximale n’a aucune utilité pour la majorité des personnes qui écoutent ou regardent ces informations.
Marianne Kédia considère que les média, lorsqu’ils se comportent de cette manière, agissent comme un « cerveau traumatisé » qui répète en boucle la même information. Je me dis ce soir qu’à comparer alors certains média à un « cerveau traumatisé » que Kédia est encore trop indulgente. Et qu’elle pense encore en soignante bienveillante et optimiste qui peut aider à guérir.
Je suis peut-être moins bienveillant ou moins optimiste qu’elle car, moi, devant cette banalisation et cette hyperproduction de bruit sonore, de suppositions, d’agitation et de parasitage, je vois surtout ce avec quoi notre civilisation et notre société nous éduque, nous nourrit et nous dirige régulièrement. Et, il faut des événements plus marquants que d’autres, tel un attentat, une pandémie ou les fêtes de Noël avec toute sa mise en scène avec les illuminations, les promotions et les réclames où, d’un seul coup, on se doit d’être joyeux coûte que coûte pour s’apercevoir de certains aspects disproportionnés et pathologiques de notre mode de vie.
Pedigree, pédagogie
Je n’avais jamais entendu parler de Marianne Kédia avant ma lecture récente de Ricochets-Un livre de Camille Emmanuelle qui la cite, entre autres. Dans son livre, Camille Emmanuelle cite aussi Patrick Pelloux, lequel avait également écrit sur son deuil après les attentats de Charlie Hebdo ( voir L’instinct de vie ).
Marianne Kédia, spécialisée dans le traitement des psycho-traumas (ou PTSD dans son appellation anglaise) a également écrit Dissociation et mémoire traumatique et participé à la rédaction de L’aide-mémoire psycho-traumatique.
Par ailleurs, elle cite entre autres Bessel A. Van Del Kolk qu’elle présente comme l’un des plus grands spécialistes actuels du syndrome post-traumatique. Lequel a écrit l’ouvrage Le corps n’oublie rien.
Diplômée en 2003, Marianne Kédia compte déjà une certaine expérience clinique dans plusieurs univers. Dans le monde de l’entreprise, dans l’Humanitaire, dans des associations et à l’hôpital.
J’ai été marqué par son engagement dans son travail. Je me demande comment on peut maintenir un tel engagement, sur la durée, comme elle le fait, là où elle le fait. Son métier est autrement plus éprouvant que d’autres. Pour moi, le métier de soignant consiste à « manger de la violence et de la souffrance ».
Son très grand engagement vient-il de son « jeune » âge ou d’une passion comme elle le dit ?
Quoiqu’il en soit, dans une période de grande violence et de grande souffrance, les personnes qui savent nous divertir, nous faire rêver mais aussi celles qui visent à nous rassurer et nous soigner jouent un rôle prépondérant dans une société. On l’oublie souvent- même des soignants l’oublient- mais un soignant joue également un rôle fondateur, pacificateur, égalitaire, démocratique et stabilisateur dans une société. Soit l’opposé du terrorisme qu’il soit religieux, intellectuel, économique ou politique. Ou de l’inquisition.
L’ouvrage, Panser les attentats (sans doute aussi un jeu de mot avec le verbe « penser ») de Marianne Kédia est paré de ces vertus fondatrices, pacificatrices, égalitaires, démocratiques et stabilisatrices.
Son livre se parcourt plutôt facilement. Il est très pédagogique. L’humour le ponctue dans certains passages. La fin me donne un peu l’impression d’avoir été écrite plus rapidement que les trois premiers quarts. Je trouve aussi qu’elle insiste beaucoup pour orienter vers son corps de métier, en cas de besoin, les psychologues. Mais elle connaît son sujet. Son livre est à avoir, à lire et à appliquer. Avec détermination.