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La Guerre au féminin un livre de Dorothée Olliéric

La Guerre au fĂ©minin un livre  de DorothĂ©e OlliĂ©ric

 DrĂ´les de dames

Hier, j’ai donc terminé la lecture de cet ensemble de témoignages de femmes militaires recueilli par la grande reporter Dorothée Olliéric.

J’ai lu les dernières pages dans ce foyer de psychiatrie adulte oĂą il m’arrive de faire occasionnellement des vacations de 12 heures en plus de mon poste d’infirmier psychiatrique Ă  temps plein. Dans la ligne 14 du mĂ©tro, il y a quelques semaines, j’ai entendu une femme au tĂ©lĂ©phone dire face Ă  moi Ă  quelqu’un :

« En dessous de 5000 euros par mois, je ne m’en sors pas ! Â».

Après plus de trente annĂ©es en psychiatrie et en pĂ©dopsychiatrie, mon salaire d’infirmier psychiatrique est bien Ă©loignĂ© de ce chiffre. Je ne cherche pas Ă  l’atteindre. Mais mon salaire ne me prĂ©serve pas de la nĂ©cessitĂ© de devoir faire, de temps Ă  autre, des vacations ou des heures sup. Pour atteindre ce salaire mensuel de 5000 euros, il faudrait que, chaque mois, en plus de mon temps complet d’infirmier, « j’effectue » huit Ă  neuf vacations infirmières  de jour de douze heures chacune ou huit vacations infirmières de  nuit de douze heures.

Je connais un infirmier qui a touchĂ© ce salaire ou davantage tous les mois pendant les annĂ©es. Il m’avait dit lors d’une de nos première rencontres :  » J’ai besoin de gagner beaucoup d’argent ». Il occupait un poste de cadre infirmier de nuit dans le privĂ© en soins somatiques. Il  avait un contrat Ă  mi-temps dans un laboratoire d’analyses mĂ©dicales en journĂ©e. Et il faisait environ quatre Ă  cinq vacations infirmières de nuit en plus tous les mois dans une clinique de pĂ©dopsychiatrie. Lui et sa femme, infirmière Ă©galement, travaillaient beaucoup chacun de leur cĂ´tĂ©. Ils n’ont pas d’enfant. Il Ă©tait en surpoids. Il avait dĂ©jĂ  plus de cinquante ans. Il m’avait expliquĂ© que jusqu’Ă  ses 25-30 ans, il avait surtout beaucoup profitĂ© de la vie. Qu’il avait fait la fĂŞte. 

Il y a plus d’une trentaine d’annĂ©es, intĂ©rimaire, j’avais connu une infirmière qui gagnait sans doute plus que lui, en Ă©quivalent en francs. Elle travaillait entre 25 Ă  30 nuits par mois en soins somatiques . Elle avait près d’une trentaine d’annĂ©es, vivait seule bien qu’elle ait un copain qu’elle voyait de temps en temps. Elle n’avait pas d’enfant. 

Mon mĂ©tier d’infirmier, dans son ensemble, qu’il s’agisse de l’exercer en soins somatiques ou en santĂ© mentale ( psychiatrie, pĂ©dopsychiatrie, addictologie ) n’est pas un mĂ©tier que l’on « dĂ©cide » de faire dans l’intention de devenir rapidement millionnaire.  Si le fric est le premier objectif lorsque l’on choisit un emploi ou une carrière, on se dirige plutĂ´t vers le commerce ou des secteurs connus pour rapporter.

Le mĂ©tier d’infirmier fait partie de ces mĂ©tiers oĂą l’on donne de soi. Et parfois ou souvent oĂą l’on donne plus de soi que demandĂ© ou nĂ©cessaire. Ce n’est pas un travail administratif ou un travail ou l’on peut se contenter de larguer et de donner des chiffres et des algorithmes. Puis de partir en sortant d’un service ou d’un bureau pour aller dĂ©jeuner dans un restaurant. 

Puisque c’est un mĂ©tier oĂą, selon les spĂ©cialitĂ©s et notre façon toute personnelle et morale de nous impliquer, on ne peut pas se contenter de rĂ©pĂ©ter des actes de manière standardisĂ©e, des protocoles ou des fonctions Ă  la chaine sans se prĂ©occuper des rĂ©actions des  personnes que l’on a en face de soi ou des interactions que l’on a avec elles dans le service oĂą l’on se trouve avec elles. C’est un mĂ©tier, qui , le plus souvent, ne connait pas d’heures de fermeture. Mais ce n’est pas un commerce. On n’y vend pas la dernière console Switch, le dernier smartphone de Apple ou de Samsung ou la dernière montre connectĂ©e. Sauf peut-ĂŞtre, bientĂ´t, dans certaines cliniques privĂ©es. 

En psychiatrie et en pĂ©dopsychiatrie par exemple, les spĂ©cialitĂ©s que je connais le mieux, au lieu d’essayer de vendre une console switch ou le dernier smartphone dernier prix, on essaie autant que possible d’ĂŞtre Ă  l’Ă©coute. Ce qui implique de notre part au moins une certaine disponibilitĂ© psychique et une prĂ©sence concrète pour l’autre. A mon sens, il est un certain nombre de circonstances oĂą on ne peut pas juste faire acte de prĂ©sence ou dĂ©biter des phrases toutes faites ou des protocoles. Ou parler plus que l’autre.  

Cela ne signifie pas que l’on doit et que l’on peut tout accepter et tout faire avec lui ou elle ou pour elle. Mais de tenter de savoir. Et de pouvoir ĂŞtre lĂ  si la ou les personnes concernĂ©es ont besoin d’ĂŞtre aidĂ©(es) ou accompagnĂ©es pour mettre ou remettre le pied Ă  l’Ă©trier pour ce qu’elles ont Ă  accomplir ou Ă  accepter.

Je n’y arrive pas toujours. Je ne suis pas toujours persuadĂ© d’ĂŞtre un « bon » professionnel. MĂŞme si je peux aussi ĂŞtre satisfait. MĂŞme si je sais que j’ai de l’expĂ©rience et que je peux ĂŞtre critique aussi envers d’autres professionnels quels qu’ils soient, quelle que soit leur hiĂ©rarchie et leur fonction.

Mais j’ai une certaine exigence envers moi-mĂŞme qui n’a pas besoin des autres pour ĂŞtre active. Je fais des erreurs. J’ai certaines insuffisances et certaines lacunes. Peu m’importe que cela ne se remarque pas ou peu. Moi, je le remarque et je m’en rappelle ou je sais m’en rappeler. Par moments, je m’adoucis envers moi-mĂŞme, d’autres fois, moins. 

 » C’Ă©tait la guerre ! » m’a dit il y a deux ans Ă  peu près, lors d’une vacation de nuit infirmière, une jeune infirmière d’Ă  peine trente ans Ă  me parler de la pandĂ©mie du Covid dans le service de rĂ©animation oĂą elle avait Ă©tĂ© titulaire auparavant. Un service qu’elle aimait et qu’elle avait quittĂ© dès qu’elle l’avait pu, après quatre ou cinq annĂ©es. EreintĂ©e par les conditions de travail  qu’elle y avait connues durant la pandĂ©mie du Covid. Devenue intĂ©rimaire ( ou vacataire) afin de pouvoir souffler et travailler quand elle le voulait Ă  des conditions qu’elle pouvait accepter et supporter. Elle aussi, elle n’avait pas d’enfant.

Même s’il s’est masculinisé, je fais un métier de femmes et cela a, je crois, une certaine incidence tant dans la façon de le rémunérer que dans la manière de prendre en compte depuis une trentaine d’années sa pénibilité, ses contraintes, ainsi que les diverses revendications et manifestations de la profession infirmière qui doivent beaucoup faire sourire un certain nombre de décideurs (hommes ou femmes). Puisque le travail continue d’être fait et les mouvements de contestation infirmière ont toujours été indolores politiquement.

Récemment, une de mes amies, infirmière en pédopsychiatrie, était assez en colère. Elle allait peut-être devoir se résoudre à recommencer à faire des vacations (une amie lui avait parlé d’une maison de retraite ou d’un EHPAD) car son salaire ne suffisait pas. Elle était obligée assez régulièrement de puiser dans son épargne.

Dans ce foyer psychiatrique adulte ou j’étais hier, des femmes et des hommes sont surtout porteurs, eux, de certaines entraves psychologiques et psychiatriques depuis des années.

« Mais Â» ils ont acquis ou conservĂ© une certaine autonomie. Certaines et certains d’entre eux sont Ă©tudiants, ont un travail ou se rendent Ă  un hĂ´pital de jour ou dans une autre institution d’accueil psychiatrique. Elles et ils peuvent sortir facilement du service.

Au foyer, hier, une des patientes a aperçu le livre de Dorothée Olliéric.

Je croyais que personne ne l’avait vu. Il n’est pas- encore- interdit de lire en public à notre époque où la plupart du temps, nous sommes perchés juste au au dessus de notre écran de téléphone portable.

Mais je pensais avoir été suffisamment discret.

Elle m’a demandĂ© si c’était moi qui lisais le livre. J’ai oubliĂ© si elle a dit « le livre sur les femmes Â». Il y avait le mot « femme Â» dans sa phrase. Il n’y avait pas le mot « guerre Â». Nous en avons alors un peu discutĂ©.

Je lui ai répondu que j’essaie autant que possible de lire des ouvrages d’après un point de vue féminin. J’ai expliqué que cela me permettait d’apprendre et de voir un peu autrement. Je lui ai donné l’exemple de l’ouvrage qu’avait pu écrire la navigatrice Ellen Mc Arthur. Cet ouvrage lui disait quelque chose.

J’aurais pu citer d’autres ouvrages que j’ai lus :

 Femmes puissantes un ensemble d’interviews pratiquĂ©es par la journaliste LĂ©a SalamĂ© qui avait plutĂ´t tendance Ă  m’excĂ©der avant de lire ces interviews. Mais aussi Les couilles sur la table  Les couilles sur la table, un livre de Victoire Tuaillon. Premières partieset Le cĹ“ur sur la table de Victoire Tuaillon ;  La vie sans fard de Maryse CondĂ© ; et La chair est triste hĂ©las d’Ovidie La Chair est triste, hĂ©las ! un livre d’Ovidie dont j’ai vu l’adaptation théâtrale deux fois rĂ©cemment au théâtre de l’Atelier Ă  Paris dans le 18ème.

Je n’ai pas parlé à cette patiente de ces ouvrages. Ni des articles consacrés dans le journal L’Equipe ou Le Parisien au Footballeur Ousmane Dembelé, joueur du PSG, récemment devenu le nouveau Ballon d’Or, nouvelle fierté nationale.

Mes réponses ont satisfait la patiente. Une jeune femme qui doute beaucoup d’elle et qui est rapidement très anxieuse. Mais qui est néanmoins parvenue à faire des études supérieures et à décrocher un emploi à responsabilités. Hier, elle faisait du télétravail depuis le foyer.

Dans mes réponses à la question de cette patiente, j’aperçois de très loin que nous donnons souvent des réponses dont le hors champ est beaucoup plus fourni.

Mais comme notre interlocuteur ou notre interlocutrice se satisfait de ce que nous lui montrons, lui avons donnĂ© ou rĂ©pondu, nous nous en tenons gĂ©nĂ©ralement lĂ . A la surface. Au bord du rivage. LĂ  oĂą nous avons pied.  Nous sommes un peu des illusionnistes sociaux. Nous partons rarement loin.

Il y aura peut-être un plus tard. Mais il n’y aura peut-être rien aussi plus tard.

Appartenir Ă  un groupe

Les femmes rencontrées par Dorothée Olliéric ont refusé de s’en remettre à un vague plus tard. Elles ont refusé de se satisfaire d’illusions et de peut-être plus tard.

Elles avaient un but ou se sont données un but et, pour y parvenir, elles ont décidé de s’adresser à l’armée et de s’y engager.

Leur décision de s’engager dans l’armée s’est faite en moyenne entre l’âge de 16 et 22 ans. Un âge où beaucoup de personnes, la majorité d’entre nous, hommes comme femmes, se cherche encore à tous les points de vue.

Si le titre du livre de Dorothée Olliéric, La Guerre au féminin, suggère la question du genre dans l’armée française mais aussi dans la guerre, les doutes que l’on peut avoir sur soi-même, lorsque l’on a entre 16 et 22 ans ou même plus, n’ont pas de genre.

Lorsque j’avais 22 ans, j’avais obtenu mon diplôme d’Etat d’infirmier depuis un an. Aujourd’hui, j’ai plus de 22 ans, je suis un homme, et j’ai encore des doutes.

Je crois qu’il faut conserver une certaine aptitude au doute. C’est peut-être une des raisons pour lesquelles, bien qu’attiré par l’armée et tout ce qui peut y ressembler dans la vie civile, je n’appartiens jamais totalement à un groupe. J’éprouve toujours le besoin, à un moment ou à un autre, de penser par moi-même mais aussi d’agir seul. C’est peut-être une force. C’est aussi une faiblesse.

Mais ces femmes, elles, ont choisi l’armĂ©e, s’y sont trouvĂ©es, s’y sont Ă©panouies, voire, pour certaines, y ont aussi rencontrĂ© leur mari ou leur compagne. 

Lorsque l’on entre dans l’armée, on appartient à un groupe.

Je n’ai pas de jugement sur les femmes qui « font Â» la guerre ou qui se sont engagĂ©es dans l’armĂ©e. J’ai lu rĂ©cemment dans le journal Les Echos que l’armĂ©e ukrainienne avait dĂ©cidĂ© rĂ©cemment de nommer davantage de femmes militaires Ă  des postes plus avancĂ©s. DĂ©sormais, certaines « (….) opèrent des drones en première ligne Â» ( Le journal Les Echos de ce jeudi 25 septembre 2025, page 6 et 7, article Kiev fait monter en grade les femmes dans son armĂ©e du journaliste Guillaume Ptak).

Etre dirigé/managé par une femme

Au travail, je n’ai pas de problème particulier, Ă  ĂŞtre « commandĂ© Â» ou dirigĂ© par une femme.

Femme ou homme, ce qui va m’importer, c’est d’abord la façon dont on s’adresse à moi.

La lĂ©gitimitĂ© et le bien-fondĂ© de ce qui peut ĂŞtre exigĂ© de moi. Et par qui ? Une personne que je trouve plus bavarde, dispersĂ©e et occupĂ©e Ă  faire du copinage que compĂ©tente ? Une personne affolĂ©e et psychorigide pour un rien ? Une personne fausse ? Ou une personne qui connait son sujet, capable de pragmatisme, qui connait les personnes avec lesquelles elle travaille ainsi que leurs capacitĂ©s et qui a suffisamment confiance en elles ?

Je ne pensais pas que je parlerais de ma conception du management en commentant ce livre. Cependant, la plupart de ces femmes interrogées, lorsqu’elles sont interrogées par Dorothée Olliéric, occupent – après plusieurs années d’expérience sur le terrain-des postes à responsabilités au sein de l’Armée française.

Formatage

Pour y parvenir, ces femmes ont acceptĂ© un certain nombre de conditionnements et d’entraĂ®nements. Elles ne sont plus ou beaucoup moins celles qu’elles Ă©taient en entrant dans l’armĂ©e. Ou elles ont potentialisĂ© ce qui germait en elles en termes d’aptitudes spĂ©cifiques ou hors normes :

DĂ©mineuse, pilote d’hĂ©licoptère, pilote d’avion de chasse, apprendre Ă  manier des armes et s’en servir, apprendre Ă  survivre dans le froid, dans la jungle, pouvoir se contenter de peu ou de très peu tout en Ă©tant capable d’être au maximum de ses capacitĂ©s de soldat, se dĂ©placer dans des pays en guerre oĂą certaines personnes engagĂ©es (des camarades, des amis, des collègues) se font tuer et mutiler par les mines artisanales, les roquettes, les balles, assister Ă  leur dĂ©part dans un cercueil alors qu’ils n’avaient « que Â» et/ou qu’ils avaient des enfants de tel âge. Ce sont des expĂ©riences que ces femmes militaires vivent concrètement, de face, de manière condensĂ©e, brutalement, rapidement.

Pas de filtre. Pas de préliminaire. La guerre reste la même que l’on y aille en tant que femme ou en tant qu’homme.

Par provocation, j’ai nommĂ© cette partie « formatage Â» car on peut bien-sĂ»r plutĂ´t remplacer ce mot par « conditionnement Â» et «entraĂ®nement».

Le terme « formatage Â» est un terme pĂ©joratif. Et on l’utilise gĂ©nĂ©ralement pour parler de personnes qui n’ont pas leur libre arbitre, qui l’ont perdu lors de leur entraĂ®nement et de leur formation ou qui ont profitĂ© de cet entraĂ®nement et de cette formation pour se « dĂ©lester Â» et se dĂ©barrasser de leur libre arbitre. C’est dans la dernière interview, celle de la militaire pilote de chasse, bien enceinte de son premier enfant et Ă  quelques jours de son accouchement, que cela se voit le mieux.

Celle-ci, qui a effectuĂ© des hautes Ă©tudes supĂ©rieures, et qui vient d’un milieu très Ă©duquĂ© en matière d’études supĂ©rieures, explique ĂŞtre le « bras armĂ© Â» et seulement exĂ©cuter ce qui a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© en plus haut lieu. Lorsqu’elle lâche des bombes, c’est seulement parce-que, auparavant, il y a tout une chaine de direction et de rĂ©flexion au dessus d’elle qui a dĂ©cidĂ© que, lĂ  oĂą elle va se rendre, il faut lâcher des bombes.

Selon le contexte politique et l’importance qui nous est accordĂ© en tant que citoyen, ce mĂŞme raisonnement a pu ou peut ĂŞtre reprochĂ© Ă  certains militaires ou Ă  des employĂ©s qui s’efforcent ensuite de rĂ©pondre « Je n’ai fait que faire mon travail Â» et qui constatent, alors, lors de leur jugement, soit qu’on ne les croit pas, soit que l’on estime qu’ils auraient pu ou dĂ» faire autrement.

Cette femme militaire n’est pas plus formatĂ©e que la plupart d’entre nous lorsqu’elle dĂ©clare simplement faire ce pour quoi elle a Ă©tĂ© formĂ©e et missionnĂ©e. Car nous sommes tous formatĂ©s dans nos domaines respectifs. Tant dans nos domaines professionnels que personnels. Sauf que, contrairement Ă  elle, nous avons moins la « possibilitĂ© Â» ou la volontĂ© de pouvoir tuer ou dĂ©truire quelqu’un d’autre ou quelque chose de manière aussi dĂ©contractĂ©e et lĂ©gitime.

Parce-que nous n’avons pas, pour la plupart d’entre nous, été formatés ou conditionnés et entraînés, comme elle et les autres femmes militaires interviewées. Ce formatage militaire, spécifique, leur est nécessaire pour supporter aussi bien leurs entraînements que les environnements dans lesquels elles/ils évoluent.

Cependant, la résultante de cette adaptation et de ce formatage/conditionnement, c’est une certaine absence d’empathie.

Une certaine absence d’empathie :

Je trouve à la plupart de ces femmes militaires une certaine absence d’empathie. Mais je peux le penser aussi pour les militaires dans leur ensemble et les forces de l’ordre.

Ils/ Elles sont entraînés. C’est la guerre. Donc, il faut mener à bien la mission. Mettre en pratique ce que l’on a appris à faire, c’est-à-dire, tuer, détruire et faire régner l’ordre, notre ordre, nos lois.

Les autres, en face, sont des terroristes, des violeurs ou des barbares.  Et, nous, nous sommes les civilisĂ©s.

Lors d’une mission, une des femmes militaires raconte avoir vu un homme manger le membre d’un rival. A d’autres endroits, cela pouvait ĂŞtre les parties gĂ©nitales d’un rival avec lesquelles tel « barbare Â» se baladait. Ailleurs, encore, une femme enceinte tuĂ©e dont le bĂ©bĂ©, mort, avait Ă©tĂ© dĂ©logĂ©.

Et lorsque des camarades meurent, on les pleure parce qu’ils sont jeunes, qu’ils ont femme et enfants, lorsqu’ils en ont, parce-que l’on a vécu des moments très forts avec eux. On s’attache à celles et ceux que l’on connait et avec lesquels on a enduré et c’est normal. Mais on ne perçoit pas qu’en face, « les barbares » peuvent avoir vécu les mêmes processus.

Lorsque j’ai vu ce passage où cette femme militaire relate cette scène dans un pays d’Afrique noire, j’ai un moment revu passer devant moi le standard colonial raciste selon lequel, en Afrique, c’est des sauvages !

La barbarie et la violence des quelques scènes qu’elle dĂ©crit sont incontestables. La douleur de la perte des camarades militaires est Ă©galement incontestable et parfaitement comprĂ©hensible. Pour moi. 

Pourtant, en actes de barbarie, Ă  peu près tout le monde conviendra que l’Allemagne nazie Ă©tait allĂ©e particulièrement loin il y a plus d’un demi siècle.

Mais  il est vrai que c’était une barbarie de « Supermarché ».  Très bien organisĂ©e, optimisĂ©e et très bien industrialisĂ©e. Un modèle de planning de la barbarie, de gestion d’entreprise et de management. C’était en fait une barbarie très « propre », très quadrillĂ©e, presque Ă©cologique,  avec ses camps de concentration, ses quotas de production.

Cette barbarie-là ne débordait pas dans la rue.

On ne faisait pas brûler ou gazer son juif, son homosexuel, son noir, son résistant, sa prostituée, son anarchiste ou son communiste en pleine rue devant tout le monde. C’est très bien montré dans le film The Zone of interest réalisé en 2023 par Jonathan Glazer.

Je parle «d’une certaine absence d’empathie » parce-que, a posteriori, cette femme militaire et d’autres, parmi celles qui tĂ©moignent, n’en expriment aucune ou très peu a posteriori concernant ces « autres » qu’elles ont pu croiser ou auxquels elles ont dĂ» se confronter durant leurs missions. 

Il y a « nous ». Et les « autres ». Les autres font partie du hors champ. Tant qu’ils y restent et qu’ils n ‘essaient pas de nous barrer par le chemin ou le regard, on ne cherche pas Ă  en savoir plus sur eux. 

« On fait »  ou  » on a fait » l’Afghanistan parce-que l’on y a passĂ© et vĂ©cu quatre mois ( ou plusieurs annĂ©es) en mission dans des conditions militaires très dangereuses. Comme si ce pays, d’autres rĂ©gions du monde et leurs Histoires pouvaient se « faire » et se « vivre » -et se limiter- Ă  quatre mois ou quelques annĂ©es sur place en tant que militaire. 

Lors de la mission, je sais très bien que l’on ne va pas aller faire des bisous aux mines artisanales ou à l’ennemi. Nous ne sommes pas là non plus pour faire de l’ethnologie et de la sociologie.

Mais, après ?  Des annĂ©es plus tard, on est capable d’avoir un point de vue personnel et un peu critique ou autocritique ?

Très peu.

Pour une raison assez simple, ces femmes militaires, comme beaucoup de celles et ceux qui s’engagent dans l’armée, dans les forces de l’ordre ou ailleurs, veulent principalement de l’action et de l’adrénaline.

Adrénaline et vie normale

C’est le mot qui a été le plus employé par ces femmes militaires jusqu’au stéréotype. L’ adrénaline. Je suis étonné qu’aucune d’elle n’ait nommé sa fille ou son fils Adrénaline.

La quête de l’adrénaline.

On leur présente de l’adrénaline à profusion et elles sautent, tête la première. Elles y vont. Elles partent. Comme des assoiffées d’adrénaline. Sauf qu’elles ont un alibi militaire pour mettre en pratique toutes leurs forces et toutes les capacités logistiques, aussi bien mentales, physiques que techniques, pour tuer, détruire et sécuriser un endroit sans se censurer puisque l’on a déjà pensé pour elles. Et que l’on fait tout ça en groupe, donc en famille, ou tout le monde est d’accord, ce qui nous conforte dans le fait que l’on fait- toujours- ce qu’il faut.

Avec une telle quête de l’adrénaline, le retour à la vie « normale » et à peu près solitaire ou civile – corrélé avec l’extraction du groupe de la mission militaire- est d’autant plus difficile à supporter ou peut devenir difficile à supporter.

Cela arrive Ă  plusieurs d’entre elles. Cela arriverait Ă  n’importe qui d’autre dans des conditions similaires. Aussi bien dans la vie militaire que civile. 

Ces femmes militaires  vivent donc dans un mĂ©lange assez explosif de risque Ă©levĂ© de stress post-traumatique, de burn out, de dĂ©cès prĂ©maturĂ©, de blessures corporelles dĂ©finitives, de sentiment exacerbĂ© d’existence ou d’extase, de trĂŞves…et de dĂ©pression.

Car on ne peut pas toujours partir en mission. Toutes les missions ne se valent pas. Et puis, on perd des sœurs ou des frères d’armes car c’est la vraie guerre. Celle où l’on meurt vraiment. Celle dont on revient aussi amputé. Le livre ne parle pas des militaires amputés qui ne peuvent plus partir en mission. « Seulement » des morts. Alors que toute attaque subie laisse forcément des séquelles.

Puisque lorsque l’on parvient Ă  revenir vivant soi-mĂŞme, la vie ne peut plus ĂŞtre comme avant au vu de ce que l’on a vĂ©cu. Puisque une partie de notre vie est restĂ©e engagĂ©e – ou marquĂ©e- dans ce que l’on a connu ailleurs.

 » Quand tu regardes l’abĂ®me, il te regarde aussi... ». 

Les personnes qui ont Ă©tĂ© victimes d’un attentat racontent bien ce que cela a pu changer pour elles et dans leurs relations avec leur entourage. Je trouve que c’est un peu pareil pour certaines de ces femmes (ça peut ĂŞtre pareil pour les hommes) militaires lorsqu’elles « reviennent ». MĂŞme si elles ont Ă©tĂ© plus armĂ©es et plus entraĂ®nĂ©es que les civils victimes d’attentats. Simplement, cela prend un peu plus de temps pour elles pour ĂŞtre rattrapĂ©es par les mĂŞmes tourments. Et lorsque j’Ă©cris « elles », ces tourments se postent Ă©galement, Ă©videmment, chez les hommes. Il n’existe pas vraiment de murs, ici, entre les genres pour ces tourments. Seuls les individus se diffĂ©rencient entre eux indĂ©pendamment de leur sexe ou de leur genre. 

La vie normale et quotidienne, celle de la plupart d’entre nous, c’est plutôt un antidote de l’adrénaline. Un arrêt sur image. Une détention répétée dans nos limites et certaines de nos contrariétés et frustrations :

Les dĂ©marches administratives, les embouteillages, les heures de pointe, faire les courses, assez peu de variĂ©tĂ©, assez peu d’action, assez peu de panache ou d’aventure, l’impression d’être sous employĂ©(e), de subir, de vĂ©gĂ©ter ou de pourrir sur pied et d’avoir, en contrepartie, des distractions de merde ou celles de tout le monde. Alors que, nous, ce que l’on veut, c’est s’illustrer, ĂŞtre des hĂ©ros ou des hĂ©roĂŻnes. Des vrais. Comme dans les films.

Comme dans les films

Deux ou trois des femmes militaires se qualifient de « gosses » ou qualifient les militaires de « gosses » qui partent à la guerre. C’est pareil dans d’autres professions (policiers, pompiers et autres, et pas seulement les représentants des forces de l’ordre).

Deux ou trois, aussi, disent vivre certains moments dans leurs missions comme « dans un film ». DĂ©mineurs  et Zero Dark Thirty ( voir l’article  Zero Dark Thirty/ Un film de Kathryn Bigelow ) de K. Bigelow, Le Chant du loup ( voir  l’article Le Chant du Loup ) et la sĂ©rie Le Bureau des lĂ©gendes font partie des Ĺ“uvres cinĂ©matographiques citĂ©es.

Elles, elles vivent ou ont vĂ©cu « pour de vrai » ce qui peut ĂŞtre racontĂ© dans ces films. Elles font alors partie du film. D’un film, qu’elles pourront se raconter ou raconter plus tard. Soit Ă  des militaires comme elles qui peuvent les comprendre. Ou Ă  certains proches. C’est tout de mĂŞme mieux que de raconter ses courses Ă  Auchan ou dans un magasin Picard SurgelĂ©s. 

Nous sommes nombreux Ă  aspirer Ă  avoir une vie de « film » ou « comme dans un film ». Sauf que, elles, elles se sont donnĂ©es les moyens pour y parvenir et ce qu’elles disent, aussi, c’est que, Ă  l’armĂ©e, on a plus de chances de voir tous nos efforts et nos sacrifices rĂ©compensĂ©s comparativement Ă  la vie civile qui, Ă  la fois, offre moins d’opportunitĂ©s d’expĂ©riences hors du commun mais ne garantit pas pour autant le meilleur Ă  celles et ceux qui le mĂ©ritent ou l’ont mĂ©ritĂ© Ă  force d’efforts et de sacrifices.

Féminisme

Malgré les écueils rencontrés par quelques unes à l’armée avec des gradés ou d’autres simples militaires qui ne veulent pas des femmes ou seulement pour leur passer dessus ou les dénigrer, elles sont plusieurs à dire que l’armée française a évolué, qu’elles ont su se faire respecter et que cela a été plus facile pour elles d’être des femmes militaires qu’il y a trente ou quarante ans.

Elles vivent plutôt comme une injustice le fait qu’avoir un enfant en bas âge a pu les priver de certaines missions. Peut-être parce-que, socialement, cela reste souvent la carrière du père ou de l’homme qui reste prioritaire tandis que la mère/la femme est celle qui reste à la maison pour s’occuper des enfants. Elles ont peut-être raison de le voir de cette façon. Je crois pourtant qu’il faut aussi parler davantage de la figure du héros sans distinction de genre.

Le hĂ©ros et la fiertĂ© :

Bien avant de lire La Guerre au fĂ©minin, j’ai dĂ©jĂ  plusieurs fois rĂ©flĂ©chi au fait d’être « un hĂ©ros Â», «une hĂ©roĂŻne Â». Et aussi Ă  propos de « la fiertĂ© Â». J’aurais dĂ» aussi rajouter le terme « sacrifice Â» dans ce titre.

Cela fait plusieurs fois que, devant la statue d’un « hĂ©ros », ou devant le nom de rue d’un « hĂ©ros », je me fais la remarque que, moi, en tant qu’enfant, je n’en n’aurais rien eu Ă  faire que mon père ou ma mère soit un hĂ©ros ou une hĂ©roĂŻne et ait sa statue ou une rue Ă  son nom. Car tout ce que j’aurais voulu, en tant qu’enfant, c’est que ma mère et mon père soient prĂ©sents pour m’aimer, me conseiller, me protĂ©ger. Ce qu’une statue, un nom de rue ou des « Ton père Ă©tait un hĂ©ros, tu peux ĂŞtre fier de lui »/  » Ta mère Ă©tait une hĂ©roĂŻne, tu peux ĂŞtre fière d’elle » n’apportera jamais.

Si nos parents sont des héros, pourquoi sont-ils absents pour nous, lorsque nous sommes enfants puis adolescents ?

Dans les faits, ma mère et mon père sont encore vivants et autonomes. Ils vivent chez eux et non dans un EHPAD. Je ne suis pas orphelin alors que je suis aujourd’hui adulte. Cependant,  je ne comprends pas cette espèce « d’aviditĂ© » pour le sacrifice et le fait de devenir un hĂ©ros/une hĂ©roĂŻne en mourant au besoin.

Je parle « d’avidité » pour le fait d’être volontaire afin de se jeter de soi-même dans le vide. Lorsque personne ne nous le demande ou ne nous y oblige.

Alors que plusieurs de ces femmes militaires, d’elles-mĂŞmes, demandent avec insistance Ă  pouvoir partir se jeter dans l’action militaire alors que leurs mĂ´mes ont quelques mois, un an ou deux ans. J’ai le mĂŞme raisonnement vis-Ă -vis des hommes militaires ou autres qui font un mĂ©tier particulièrement risquĂ© :

Tu es devenu jeune père. Pour qui te prends-tu Ă  continuer Ă  te croire si invincible lorsque tu pars Ă  la guerre alors que ton enfant de quelques mois ou de deux ou trois ans ne te reverra peut-ĂŞtre pas car tu vas mourir lĂ  oĂą tu pars, pour satisfaire ton appĂ©tence en adrĂ©naline ?

La fierté est importante pour ces femmes ( et hommes) militaires. A plusieurs reprises, l’une d’entre elles évoque le fait que dans le regard des autres (la famille ou d’autres militaires), elles voient qu’elles ont changé de dimension et qu’elles suscitent fierté et admiration. Ou une certaine crainte.

Je n’ai rien contre la fiertĂ© ou le fait d’être un hĂ©ros. Mes buts dans la vie ne se rĂ©sument pas Ă  ĂŞtre un lâche, Ă  passer mon temps Ă  fuir et Ă  faire le rĂ©cit de mes courses au magasin de surgelĂ©s Picard ou sur le marchĂ© d’Argenteuil.  Mais le prix que ces femmes et ces hommes sont prĂŞts Ă  payer pour leur adrĂ©naline, pour ĂŞtre des hĂ©ros, pour ĂŞtre fiers d’eux-mĂŞmes, me parait trop Ă©levĂ©. Et il est en plus très difficile voire impossible de pouvoir tout bien concilier :

Etre des hĂ©ros, ĂŞtre fier de soi, avoir son quota d’adrĂ©naline, avoir une vie de couple ou de famille Ă©panouie….

Aussi, leur engagement admirable dans l’armĂ©e me laisse malgrĂ© tout avec des doutes sur la façon dont elles et ils s’engagent dans leur humanitĂ©, leur façon d’ĂŞtre des ĂŞtres humains, mais aussi sur leurs rĂ©elles facultĂ©s et leur rĂ©elle volontĂ© afin (re)devenir une femme, un homme, une mère, un père…dans la vie civile et par temps de paix.

Je crois que ces femmes vivent l’exceptionnel en tant que militaires mais qu’elles passent Ă  cĂ´tĂ© de certains aspects de la vie qui sont tout autant exceptionnels.  Mais qu’elles l’ignorent car l’armĂ©e n’entraine pas Ă  ça. Sauf si elles ont la chance de croiser certaines personnes dans l’armĂ©e qui sont suffisamment capables d’empathie, de clairvoyance ( il y en a) et qui leur font relativiser certaines de leurs certitudes acquises durant leur carrière.

Sauf si un burn out, un stress post-traumatique et/ou un divorce leur casse la route, ce qui arrive à deux ou trois d’entre elles au moins.

Mais je suis peut-ĂŞtre aussi dĂ©routĂ© par les choix de ces femmes  parce-qu’elles accordent avant tout une grande importance Ă  leur carrière.

 

Faire carrière et prendre la décision parfaite

Ces femmes militaires sont d’indĂ©niables compĂ©titrices. Et lorsque l’on a un tempĂ©rament de compĂ©titrice ou de compĂ©titeur, on aspire sans cesse au meilleur. Et rien ne doit ou ne peut entraver notre parcours. Je me rappelle seulement ce matin ( nous sommes le 27 septembre 2025) alors que je complète cet article depuis sa publication hier, du film Volontaire rĂ©alisĂ© en 2018 par HĂ©lène Fillières dans lequel elle joue elle-mĂŞme un rĂ´le de femme militaire gradĂ©e. Un film qui m’avait beaucoup plu lorsque je l’avais vu au cinĂ©ma.

Dans ce film, Volontaire, l’actrice Diane Rouxel interprète la jeune Laure Baer qui donne tout pour rĂ©ussir dans l’armĂ©e. Y compris se faire prescrire un traitement -en se servant de son copain « civil » qu’elle finit par quitter- pour bloquer ses règles. 

Dans l’esprit de ces femmes militaires rencontrĂ©es par DorothĂ©e OlliĂ©ric, on est plus proche de cet Ă©tat d’esprit ou de celui de l’actrice Jennifer Lawrence dans les films Hunger Games que du mien. J’ai un Ă©tat d’esprit sans doute trop spontanĂ©ment ou trop rapidement sentimental,  gogo-naĂŻf et trop gentil envers autrui.

Cet Ă©tat d’esprit- le mien- qui s’applique, autant que possible, Ă  d’abord chercher Ă  prĂ©server l’autre et Ă  faire le moins de mal  possible Ă  autrui. A bien ou comprendre au mieux ses Ă©ventuels besoins. A s’assurer qu’il ou qu’elle va bien ou qu’il ou qu’elle est en lieu sĂ»r avec des personnes de confiance avant de pouvoir m’adonner vĂ©ritablement Ă  ma quĂŞte personnelle. Soit un Ă©tat d’esprit plutĂ´t « maternant » conjuguĂ© avec un Ă©tat d’esprit qui peut ĂŞtre  plus agressif,  froid, qui peut surprendre, dont on peut douter de l’existence,  car Ă  l’opposĂ© de ce cĂ´tĂ©  gentil, rassurant et maternant. 

Soit un Ă©tat d’esprit ou une ambivalence ( chez moi) difficile Ă  concilier, par moments, avec certaines compĂ©titions et certaines situations oĂą il faut d’abord penser Ă  soi avant tout. Et ĂŞtre le plus rapide possible pour agir ou dĂ©cider sans se prĂ©occuper des consĂ©quences ou des dĂ©sagrĂ©ments pour les autres ou notre entourage. Ces femmes militaires, de toute Ă©vidence, sont moins ambivalentes et moins tourmentĂ©es que moi devant ce genre de choix ou de dilemme. C’est peut-ĂŞtre ce qui nous diffĂ©rencie le plus psychologiquement, et ce qui fait d’elles des guerrières et des militaires « accomplies », des soldats ou des compĂ©titrices plus que des « femmes » et  des « personnes ». Tandis que je persiste, moi, dans une espèce d’entre-deux tantĂ´t rassurant et tantĂ´t satisfaisant, tantĂ´t insatisfaisant.  Entre ĂŞtre un soldat ou un compĂ©titeur ou ĂŞtre une personne.

A ceci près que ces femmes militaires exercent sur des terrains de guerre en tant que soldats  au service de l’Etat français lĂ  oĂą, moi, j’exerce par temps de paix, en tant que soignant Ă©galement au service de l’Etat français mais dans la vie civile.

Si nous pouvons nous ressembler, ces femmes militaires et moi, les contextes dans lesquels nous avons Ă  agir,  les moyens d’actions dont nous disposons et les buts que nous visons pour nos missions respectives sont diffĂ©rents. 

Mais il n’existe pas de dĂ©cision parfaite. Il existe plutĂ´t des choix et des consĂ©quences que nous sommes prĂŞts ou capables d’accepter.

Ou incapables.

Des conséquences que nous ne pouvons pas toujours prévoir ni maitriser.

Et,  j’ai sans doute eu besoin de lire ce livre pour continuer d’apprendre qu’il faut se faire confiance et donc apprendre Ă   moins tergiverser. Apprendre Ă  accepter aussi l’irrĂ©parable comme l’inconcevable.  

Cette conclusion efface tout ce qui suivait ensuite dans cet article lors de sa première publication.

 

Franck Unimon, ce vendredi 26 septembre 2025 puis ce samedi 27 septembre 2025. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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La Chair est triste, hĂ©las ! un livre d’Ovidie

La Chair est triste, hĂ©las ! un livre d’Ovidie

Nous sommes faits de défaites.

 De dĂ©faites relationnelles, Ă©motionnelles, affectives, cognitives et charnelles.

Certaines de ces défaites nous servent d’amphéts et nous galvanisent pour le meilleur par la suite.

Mais nous n’échappons pas aux règles du casting. Nous sommes quelques fois retenus pour des rôles dont beaucoup d’autres seront privés. Et d’autres fois, c’est nous qui choisirons le mauvais rôle ou qui interprèteront mal celui qui nous est apporté ou réservé.

Ce soir, j’irai voir avec une copine, plutĂ´t sur ma proposition, l’adaptation théâtrale du livre La Chair est triste, hĂ©las !d’Ovidie par Ovidie avec l’actrice Anna Mouglalis.

Un livre dont j’avais oubliĂ© la commande. Et que j’ai rĂ©cupĂ©rĂ© il y a quelques jours par hasard avec d’autres livres Ă  la librairie qui me « connaĂ®t Â» bien dans la ville oĂą j’habite.

Un livre que j’ai lu rapidement. Je m’attendais à un livre plus long et plus difficile à lire et à comprendre.

Deux hommes ou deux personnes au moins en moi rĂ©digent cet article. J’espère qu’il sortira le meilleur de ces personnes qui me composent Ă  parler de ce dernier livre d’Ovidie.

Il m’a été très facile de comprendre en le lisant que je suis l’ennemi d’Ovidie et de beaucoup de femmes. Puisque je suis un homme standardisé qui, depuis l’enfance, a été entraîné à détraquer la météo des femmes qui l’environnent.

Un homme hĂ©tĂ©ro de plus qui va raconter qu’il aime les livres, qu’il sait qu’Ovidie a pu ĂŞtre actrice porno il y a longtemps mais qu’il n’a jamais vraiment regardĂ© un seul des films concernĂ©s.  Qu’il n’accorde pas ou plus beaucoup d’importance Ă  ce qui a trait Ă  la pornographie, cette anthropophagie des chairs qui s’exerce au moins sur Ă©cran. Et que, de temps Ă  autre, il suit/je suis ce qu’elle et d’autres figures fĂ©ministes peuvent dire, faire ou Ă©crire.

Cependant, je ne suis pas féministe. Je tiens régulièrement à le rappeler.

Je n’aspire pas à passer pour un homme attentif, particulièrement ouvert, évolué ou émotionnellement très intelligent.

Je ne suis pas plus intelligent qu’une autre ou une autre. Je suis plutôt psychorigide à plus d’un titre. Je crois que les personnalités féministes comme Ovidie décryptent des faits, assurent des témoignages qui m’obligent à voir et à apprendre, peut-être à comprendre, ce qui ne va pas dans les relations inter-humaines entre les femmes et les hommes et entre divers genres de personnes et de personnalités.

Mais je crois aussi qu’il ne faut pas toujours suivre à la lettre tout ce que peuvent dire les féministes aussi rigoureuses et brillantes soient-elles dans leurs recherches, leurs observations et autres.

J’ai bien sĂ»r eu ou ai certains des travers masculins dĂ©crits pas Ovidie et d’autres. Il serait vain d’essayer de le nier. Car les seuls moyens que je peux imaginer pour Ă©chapper Ă  ces travers « masculins hĂ©tĂ©ros Â» est d’être mort, d’avoir Ă©tĂ© Ă©duquĂ© depuis ma naissance et de vivre peut-ĂŞtre dans une autre sociĂ©tĂ©, une autre Ă©poque et une autre culture que les nĂ´tres ( j’ai deux cultures, une française et une antillaise) , d’être une femme ou de faire partie des minoritĂ©s trans ou homosexuelles. Ces moyens ne font pas encore partie de mes projets conscients.

Et, je ne crois pas que si je m’adonnais Ă  une espèce de catĂ©chisme fĂ©ministe consistant Ă  rĂ©citer des propos, des actions et des pensĂ©es apprises par cĹ“ur, mĂŞme avec la sincĂ©ritĂ© d’un enfant de chĹ“ur, que cela suffirait Ă  faire de moi un homme beaucoup plus frĂ©quentable et plus bienveillant envers les femmes. Je ne crois pas que cela ferait de moi un homme plus dĂ©sirable ou plus admirable que je ne le suis. Cela m’enfermerait ou m’immobiliserait tout simplement dans un autre carcan ou dans la caricature d’une certaine normativitĂ© en « Ă©change » du carcan et de la caricature de normativitĂ© dans lesquels je suis sans aucun doute installĂ© depuis des annĂ©es mais dont j’apprends peut-ĂŞtre Ă  mieux percevoir les trompe-l’œil et les impasses Ă  mesure que je « m’informe » et fais certaines rencontres.  

Je crois que comparativement Ă  mes grands-mères ou mĂŞme Ă  ma mère, que les femmes Ă©duquĂ©es comme Ovidie et d’autres fĂ©ministes nĂ©es après Simone de Beauvoir, après la loi Simone Veil pour l’avortement, sont Ă  la fois plus autonomes, peut-ĂŞtre plus « indĂ©pendantes Â», et aspirent Ă  d’autres idĂ©aux relationnels et d’autres formes d’engagement personnel avec les hommes qu’elles aiment et dĂ©sirent ou sont capables de dĂ©sirer.

Je peux Ă©crire ça autrement : RĂ©cemment ou peut-ĂŞtre en ce moment, on peut apercevoir une vidĂ©o de quelques secondes de l’actrice Salma Hayek, presque 60 ans, en maillot de bain deux pièces. Salma Hayek a toujours Ă©tĂ© une très belle femme dès son rĂ´le dans le film Desperado rĂ©alisĂ© en 1995 par Robert Rodriguez il y a…30 ans !

Il est évident ou a sûrement toujours été évident que Salma Hayek, jeune femme issue d’un milieu social plutôt bourgeois qui a pu être scolarisée dans des très bonnes écoles au Mexique, pays dont elle est originaire, n’allait pas se contenter pour mari d’un ébéniste qui vit dans la Nièvre ou d’un éboueur qui travaille dans la ville d’Argenteuil aussi sensibles et féministes soient-ils tous les deux.

Et, je constate, coĂŻt et coĂŻncidence, que François Pinault, milliardaire et homme d’affaires français, un des hommes les plus riches du monde,  son mari, n’est ni Ă©bĂ©niste ni Ă©boueur si j’ai Ă©tĂ© bien renseignĂ©. Mais il est sĂ»rement obstinĂ©ment très fĂ©ministe.  

Beaucoup d’hommes hĂ©tĂ©ros se rĂ©vèleraient, du reste, très fĂ©ministes avec Salma Hayek, tout au moins au dĂ©but….

Je crois que bien des idéaux des femmes féministes se heurtent à des défaites diverses. Mais aussi que le fait d’être des personnes et des femmes brillantes ne les dispensent pas de faire des erreurs comme celle, je trouve, de régulièrement oublier que dans une relation, l’autre ne peut pas toujours nous suivre, être au diapason de nos sensations, deviner et prévoir avant nous ce qui nous transfigurera.

Une autre erreur, Ă  mon avis, consiste Ă  croire en l’égalitĂ©. Je sais qu’en France, on est supposĂ©  vivre dans le pays de la LibertĂ©, EgalitĂ©, FraternitĂ©.

L’ égalité.

Ovidie souhaiterait qu’il y ait davantage d’égalité entre les femmes et les hommes. Je comprends qu’elle – et d’autres- en parlent au vu d’un certain nombre d’inégalités dans le monde.

Toutefois, après quelques annĂ©es d’expĂ©riences tant personnelles que professionnelles, et je ne me focalise pas ici sur les relations femmes/hommes, je me dis qu’il existe et peut exister des moments d’égalitĂ©. Mais je ne crois pas Ă  une Ă©galitĂ© constante et permanente entre les ĂŞtres humains. D’abord, s’il existe des règles et des lois pour cela, c’est que l’être humain a besoin d’être encadrĂ© rĂ©gulièrement pour qu’il y ait une forme d’égalitĂ© ou d’attention Ă  ce qui l’environne. Ensuite, ces lois et ces règles ne sont pas toujours respectĂ©es pas toutes et tous. Que ce soit dans l’intimitĂ©, dans la vie sociale et familiale mais aussi dans notre vie professionnelle et amicale.

 

Je crois donc plus Ă  une complĂ©mentaritĂ© entre les personnes avec des moments d’égalitĂ© dans les mesures de la lĂ©galitĂ©, lorsque cela est possible,  qu’à une Ă©galitĂ© effective et irrĂ©versible entre les femmes et les hommes. D’autant que j’ai plutĂ´t l’impression que chez l’être humain, l’extrĂŞme est la norme. L’ĂŞtre humain, spontanĂ©ment, me paraĂ®t très modestement inspirĂ© par la modĂ©ration.

Je n’en suis pas encore Ă  affirmer, comme je l’ai lu,  dans le journal LibĂ©ration je crois, que le livre d’Ovidie ou son adaptation théâtrale est « un plaidoyer peu nuancĂ© ». Par contre, le contenu de son livre est plutĂ´t extrĂŞme. Aussi argumentĂ© et documentĂ© soit-il.

Nous restons des ĂŞtres limitĂ©s quelles que soient nos volontĂ©s et notre potentiel supposĂ©. Et, cela, nous avons tous, Ă  un moment ou Ă  un autre Ă  l’accepter. Et les femmes fĂ©ministes, Ovidie l’admet elle-mĂŞme pour elle Ă  un moment dans son ouvrage, ne sont pas du tout dispensĂ©es de certains travers qui, s’ils Ă©taient le fait des hommes passeraient au minimum pour de l’indĂ©licatesse, de l’Ă©goĂŻsme, de l’inhumanitĂ© ou de l’inĂ©lĂ©gance. Et, je repense maintenant Ă  l’ouvrage autobiographique de l’écrivaine Maryse CondĂ©, une femme plutĂ´t pionnière, indĂ©pendante, admirable et combattive. Dans La vie sans fards Maryse CondĂ© raconte aussi ne pas avoir toujours Ă©tĂ© une femme très exemplaire d’un point de vue relationnel et moral vis-Ă -vis d’un de ses maris.

Mais comme beaucoup d’hommes, on aura remarqué que je suis surtout très autocentré. Car j’ai déjà beaucoup plus parlé de moi que du livre d’Ovidie.

L’ouvrage d’Ovidie parle aussi Ă©videmment de ce carcan et de cette caricature de la femme dans lesquelles, elle, ne supporte plus d’avoir Ă©tĂ© cloisonnĂ©e, engourdie, « brĂ»lĂ©e Â» et maltraitĂ©e avec son consentement pendant des annĂ©es pour plaire aux hommes.

Aux hommes hétéros.

On peut donc dire que son livre est un coming out. Celui d’une femme qui n’en peut plus de s’astreindre à certains critères de la féminité désirable pour les hommes hétéros. Celui d’une femme qui a refusé de continuer de participer aux sprints et aux castings de la séduction selon les critères normatifs et violents de la gente masculine hétéro.

. Sur le livre achetĂ©,  j’avais lu le commentaire suivant :

« ElĂ©ctrisant Â».

Ce livre convie peut-ĂŞtre en effet beaucoup d’hommes Ă  se rendre d’eux-mĂŞmes Ă  la chaise Ă©lectrique. Il existe peut-ĂŞtre un pays ou une rĂ©gion qui s’appelle « Chaise Ă©lectrique rĂ©servĂ©e aux hommes Â» oĂą il convient de se rendre par le premier vol en classe affaires en tant qu’homme hĂ©tĂ©ro.

Je le comprends seulement maintenant. Sauf que Ovidie ne nous donne pas d’indications prĂ©cises concernant le lieu exact oĂą se trouve le pays ou la rĂ©gion de la « Chaise Ă©lectrique – Ă©masculatrice- rĂ©servĂ©es aux hommes Â».

« Avant Â», quand Ovidie Ă©tait encore gentille, avant la rĂ©daction de ce livre, peut-ĂŞtre nous l’aurait-elle dit. Mais, lĂ , elle ne nous dit rien Ă  ce sujet. Elle est peut-ĂŞtre en train d’y rĂ©flĂ©chir sĂ©rieusement et nous en parlera, je l’espère, dans son prochain livre.

De mon cĂ´tĂ©, je comprends seulement maintenant cette invitation Ă  la chaise Ă©lectrique sans doute parce qu’on me l’a « soufflĂ©e Â». Ou parce-que je me la suis auto-suggĂ©rĂ©e.

Peut-être parce-que cette nuit, j’ai fini de regarder la série La Flamme co-créée par l’acteur Jonathan Cohen et qu’à la suite, presque subitement, j’ai eu besoin de lire les trois quarts du livre L’ Affaire Alexia Daval ( La vraie histoire). Un livre que j’avais emprunté depuis plusieurs semaines et dont j’avais repoussé la lecture, intrigué par la persistance de mon « attrait » pour ce qui a trait à la criminologie dans son ensemble. Au lieu de lire des ouvrages fictionnels, légers. Ou féministes.

Mais la série La Flamme et ce livre sur l’affaire Alexia Daval donnent des portraits des hommes qui confirment le principal du livre d’Ovidie.

D’un cĂ´tĂ©, on a un homme crĂ©tin, irresponsable, mĂ©galomane, bornĂ©, intolĂ©rant, violent et dangereux. De l’autre, un homme selon moi plus proche du profil d’un « Mr Ripley Â» qui a fait tout son possible pour coller Ă  l’image du gendre et de l’homme idĂ©al en s’en rĂ©vĂ©lant « incapable Â» dans l’intimitĂ©.

Peut-être aussi parce qu’il ( Jonathan Daval) ignorait que cela était tout simplement impossible. Car, dans la vraie vie, on ne peut pas coller très longtemps avec l’image de l’homme parfait, original ou idéal comme dans les films ou…les contes de fée.

Alors que j’écris cet article avec deux hommes ou deux parties en moi, et malgré mes limites, j’espère ne pas être un mix de ces deux hommes, le personnage interprété par l’acteur Jonathan Cohen dans La Flamme et…Jonathan Daval, l’homme qui a assassiné sa femme Alexia fin octobre 2017.

 

L’autre homme en moi :

L’autre homme en moi ( peut-ĂŞtre l’homme-eau après l’homme-terre et l’homme-air)  ne voit pas dans le livre d’Ovidie un scalpel ou un tesson de bouteille. Mais plutĂ´t un appel Ă  l’aide ou un message glissĂ© dans une bouteille de lettres.

D’une façon ou d’une autre, je crois que Ovidie ne pouvait ĂŞtre que « triste Â» car elle entretient, Ă  mon avis, une certaine attitude d’absolu et de perfection qui la rend captive.

Il y a dans son titre La chair est triste, hĂ©las !  un « regard Â» mĂ©taphysique.

Elle a dĂ©passĂ© ou semble avoir dĂ©passĂ© les illusions des promesses de la chair.  Celle-ci a Ă©chouĂ© Ă  lui convoyer l’extase mystique ou spirituelle Ă  laquelle elle aspire.

Ou, en tout cas, les hommes qu’elle a aimés ne l’ont pas convaincue que son épanouissement personnel pouvait véritablement passer par le corps. Un corps, son corps, qui est un vaisseau dont elle entend en quelque sorte moins dépendre selon les critères qui conviennent et plaisent aux hommes. Puisque tous les efforts- les sacrifices- et les souffrances auxquelles elle a pu consentir afin de permettre aux vaisseaux de son corps d’être conformes aux goûts et aux exigences de ses hommes hétéros ne lui ont pas autorisé le voyage existentiel qu’elle espérait ou qu’elle attend.

Sa quête d’absolu, dans son livre, s’exprime quand elle évoque à deux ou trois reprises sa tentation ou son envie de vivre comme les religieuses. Ou son attirance pour le suicide.

Une expérience de vie qu’elle fera peut-être. Une envie que je peux comprendre. Et je pense alors à des films comme La Bonzesse réalisé par François Jouffa en 1974 pour partir de l’érotisme. Ensuite, je pense à plusieurs films du réalisateur Bruno Dumont qui parle du rapport à la foi tels Hadewijch, Hors Satan ou même L’Empire.

 

NĂ©anmoins, je crois que Ovidie idĂ©alise – il me semble que c’est le propre de beaucoup de fĂ©ministes d’être aussi plus ou moins idĂ©alistes/irrĂ©alistes- les religieuses et leur vie en communautĂ©.

En effet, le monde des sœurs religieuses est aussi un monde violent. Les sœurs religieuses ne sont pas que des bonnes sœurs entre elles même débarrassées en principe de l’acte de la pénétration phallique et du viol masculin.

Je me rappelle encore du témoignage d’une des personnalités féminines interrogées par la journaliste Léa Salamé dans son livre Femmes puissantes. Cette personnalité relatait son amertume à propos du sadisme de certaines sœurs religieuses qu’elle avait pu connaître plus jeune.

Et puis, affirmer que les religieuses sont toutes bienveillantes entre elles reviendrait à croire que toutes les femmes mais aussi toutes les féministes sont bienveillantes et solidaires entre elles.

 

Si je suis bien obligĂ© de reconnaitre que l’homme est gĂ©nĂ©ralement le plus grand prĂ©dateur et profanateur de la femme, je n’oublie pas que les dictateurs ont des Ă©pouses et qu’elles s’en portent gĂ©nĂ©ralement très bien. Je n’aimerais pas ĂŞtre sous les ordres de ces femmes ou ĂŞtre Ă  leur merci d’une façon ou d’une autre.

Je n’oublie pas non plus qu’une Monique Olivier a fidèlement et « brillamment » servi de rabatteuse mais aussi d’assistante à son mari ou compagnon Olivier Fourniret violeur et tueur en série de jeunes mineures.

Je n’oublie pas non plus qu’ailleurs certaines femmes adultes ont assez peu de scrupules Ă  attirer des jeunes femmes naĂŻves et vulnĂ©rables dans des rĂ©seaux de prostitution.

Suicide et décès

EpuisĂ©e et dĂ©couragĂ©e dans sa quĂŞte d’Amour et d’Ă©galitĂ© avec les hommes hĂ©tĂ©ros, Ovidie suggère aussi son suicide.

 On « sait » qu’il arrive qu’un certain nombre de personnes en arrivent un jour Ă  cette conclusion sans que les proches ou l’entourage ne puissent l’empĂŞcher. J’espère donc qu’Ovidie  trouvera nĂ©anmoins l’apaisement sans avoir « besoin » de se tourner vers le suicide ou la destruction physique de sa personne.

Et le fait qu’elle « pose » la question du suicide, de son suicide, sur la table, cela me rappelle d’autres suicides et morts de personnalitĂ©s publiques qui m’ont marquĂ©es et dont j’avais très peu parlĂ© jusqu’alors tant par Ă©crit qu’oralement. Car je ne voyais pas avec qui je pouvais le faire. Qui, dans mon entourage tant professionnel que personnel aurait pu comprendre ma « peine » pour ces suicides et ces morts de personnalitĂ©s publiques que je n’ai jamais rencontrĂ©es mais dont ce que j’avais aperçu d’eux, sur des Ă©crans ou dans des lignes m’a concernĂ© particulièrement d’une manière ou d’une autre.

Je pense d’abord au suicide en 2005 Ă  32 ans de l’ex actrice porno Karen Lancaume, un des premiers rĂ´les du film Baise-moi sorti en 2000 et adaptĂ© du livre de Virginie Despentes par elle-mĂŞme et Coralie Trinh Thi. Le seul livre que j’ai lu Ă  ce jour de Virginie Despentes. J’avais vu le film au cinĂ©ma Ă  sa sortie et l’avais bien aimĂ©. J’avais aimĂ© qu’il nous montre autre chose que ce Ă  quoi on Ă©tait habituĂ© dans bien des rĂ©alisations françaises. 

J’avais trouvĂ© que Karen Lancaume jouait très bien dans le film. J’avais Ă©tĂ© ensuite touchĂ© d’apprendre des bouts de sa vie personnelle et affective sur le net. 

J’ai Ă©tĂ© touchĂ© par le dĂ©cès Ă  42 ans de l’actrice Katrin Cartlidge en 2002 dont le rĂ´le de call-girl dans le film Claire Dolan rĂ©alisĂ© en 1998 par Lodge Kerrigan m’avait marquĂ©. 

TouchĂ© aussi par le dĂ©cès par suicide en 2003 de l’acteur Leslie Cheung Ă  46 ans. Si ses rĂ´les dans les films de John Woo et Wong-Kar Wai comptent, sa prestation dans Adieu ma concubine rĂ©alisĂ© par Chen Kaige en 1993 est inoubliable.

TouchĂ© par la mort de Sotigui KouyatĂ© en 2010 Ă  73 ans et dont le rĂ´le de père Ă  la recherche de son fils tuĂ© dans un attentat terroriste dans le film London River rĂ©alisĂ© par Rachid Bouchareb en 2009 ne m’a pas dĂ©sertĂ©. 

TouchĂ© par la mort de l’acteur Marcelo Mastroianni en 1996 Ă  72 ans. 

J’ai Ă©tĂ© très très touchĂ© par la mort de l’humoriste Bun Hay Mean ce 10 juillet 2025 Ă  l’âge de 43 ans. 

Il n’y a pas que des suicides dans ces fins mais il s’agit de morts « publiques » dans lesquelles on peut piocher ou trouver un peu de soi pour des raisons diverses. Il est d’autres morts privĂ©es ou publiques qui m’ont bien sĂ»r affectĂ©. On ne peut pas toutes les lister. Mais certaines morts peuvent aussi servir de boucliers pour divertir et dĂ©tourner certains Ă©lans qui nous poussent, par moments, davantage vers l’abattement que la vie. Et, je souhaite Ă  Ovidie, comme Ă  d’autres, qu’elle trouve ou retrouve l’inspiration Ă  mĂŞme de la sortir de ce genre d’Ă©lans dĂ©pressifs ou mortifères. 

Plaie et gouffre

Car, par ailleurs, je trouve qu’elle a encore du mal à cicatriser de son « passé » ou de son « vécu » d’actrice porno. Si elle ne le regrette pas comme elle l’écrit, je constate néanmoins que ce passé exerce sur elle l’attrait du gouffre ou de la plaie qu’elle ne peut s’empêcher fréquemment de regarder ou de gratter alors, qu’à mon avis, mais je ne suis pas dans sa peau bien-sûr, elle s’attarde plus et trop sur ce passé que ne le font véritablement celles et ceux qui se réfèrent à cela.

Parler de la « peau » de Ovidie me rappelle aussi le film Dans ma peau de et avec Marina De Van rĂ©alisĂ© en 2002…. 

Néanmoins, bien-sûr, comme Ovidie le dit dans son livre, il se « trouve » des hommes ( ou peut-être des femmes) contents de pouvoir se vanter ensuite de l’avoir ajoutée sexuellement sur leur tableau de chasse.

Je plains ces hommes qui mettent leur vie ou leur « valeur » dans cet acte. Comme je peux plaindre d’une façon gĂ©nĂ©rale les personnes qui se contentent uniquement de tirer des coups. Mais peut-ĂŞtre, qu’ici, je deviens ici de plus en plus moralisateur.

Mais la Morale, ou une certaine morale, est une toile d’araignĂ©e qui souvent nous entoure ou nous sert d’Ă©charpe autour du cou mĂŞme lorsqu’on l’oublie ou qu’on ne la voit plus. Car on s’y habitue Ă  force d’y ĂŞtre exposĂ©.

Par ailleurs, il faut se rappeler qu’Ă  une Ă©poque et dans certains pays, on jugeait d’ailleurs moralement très durement ou l’on condamnait moralement une femme parce-qu’elle n’Ă©tait plus vierge. Parce-qu’elle avait dĂ©jĂ  couchĂ© ou parce-qu’elle avait dĂ©jĂ  des enfants. C’est quand mĂŞme moins vrai maintenant en France et dans d’autres pays. Mais ça dĂ©pend pour qui. Et quand.  

Mais je suis  sĂ»r qu’il existe des hommes qui ne se bornent pas et ne bornent pas Ovidie Ă  son court passĂ© d’actrice porno/travailleuse du sexe d’il y a plus de vingt ans.

J’avais cru comprendre il y a quelques annĂ©es que l’ancienne actrice amĂ©ricaine de porno Traci Lords, mineure au dĂ©but de sa carrière, avait par la suite fait un mariage heureux. Celle-ci ne m’a pas donnĂ© de ses nouvelles rĂ©cemment mais si « Traci »  a pu faire un mariage heureux, je ne vois pas pour quelle raison cela serait impossible pour une Ovidie. A condition, bien-sĂ»r, qu’elle parvienne Ă  surmonter certaines contradictions que je trouve assez courantes chez les femmes fĂ©ministes. Comme s’attacher Ă  des « machos hyper-virils » comme le reconnait Ovidie elle-mĂŞme dans son livre.

Il y a peu, en scrollant, je crois, je suis tombé sur quelques secondes d’une émission où se trouvaient la chanteuse Theodora ( 22 ans), très en vogue en ce moment, et l’actrice Ludivine Sagnier (46 ans) qui a été durant un certain temps ( il y a environ vingt ans maintenant ou un peu plus) la petite préférée du cinéma d’auteur français chez François Ozon par exemple.

Je ne sais pas si Theodora est dĂ©jĂ  mère. Par contre, je « sais Â» que Ludivine Sagnier a eu au moins une fille lorsqu’elle Ă©tait en couple avec l’acteur Nicolas Duvauchelle.

Dans l’émission, l’animatrice ou la journaliste a demandĂ© Ă  Theodora quel Ă©tait son homme idĂ©al. Grand sourire de Theodora très jolie, bien maquillĂ©e, bien coiffĂ©e ( tous ces efforts qu’Ovidie, 45 ans, mère d’une fille,  ne peut plus voir en peinture depuis quatre ans maintenant)  avant de rĂ©pondre.

Voici ce dont je me souviens de la rĂ©ponse de Theodora :

« Un homme aux p’tits soins, mystĂ©rieux, qui est passionnĂ© lorsqu’il parle de ce qu’il aime et un peu macho ( ou viril, j’ai oubliĂ©) Â».

A cĂ´tĂ© d’elle, tout sourire, Ludivine Sagnier a alors dit :

« On dirait qu’elle parle de mon mec… Â». Theodora, se tournant alors vers Ludivine Sagnier lui a alors rĂ©pondu en souriant/riant :

« Oui, mais je vais me le garder pour moi ! Â».

Je crois que je n’avais pas encore lu le livre d’Ovidie, La chair est triste, hĂ©las ! avant de tomber sur ces images et ces propos. Mais en voyant et en Ă©coutant Theodora et Ludivine Sagnier, je me suis dit qu’il n’y avait pas que les hommes qui devaient « changer », ou « Ă©voluer ».

Je vais ici prendre le « risque » modĂ©rĂ© d’écrire, qu’à mon avis, jamais une femme qui a le profil d’une Theodora, une Ludivine Sagnier, une Salma Hayek, Une Maryse CondĂ©, ou une Ovidie, lorsqu’elle a entre 20 et 40 ans, soit cette pĂ©riode de la vie oĂą, comme l’avait dit Jeanne Moreau une femme peut avoir « la beautĂ© du diable » n’aurait pris pour amant ou compagnon un mec comme moi lorsque j’avais leur âge ou cet âge-lĂ .

Car mĂŞme si je crois ĂŞtre un peu plus attractif que les personnages jouĂ©s par Philippe Harel et JosĂ© Garcia dans l’adaptation cinĂ©matographique du livre Extension du domaine de la lutte de Michel Houellebecq, mĂŞme si je crois avoir toujours Ă©tĂ© sans doute moins terne et moins soumis qu’un Jonathan Daval Ă  une certaine orthodoxie de la « normalitĂ© Â» sociale, je n’ai jamais fait partie  et je ne ferai jamais partie du cercle, du pĂ©rimètre et du carcan oĂą une Theodora, Ludivine Sagnier, une Ovidie et d’autres fĂ©ministes posent leur regard lorsqu’elles sont en Ă©tat de dĂ©sirer un homme. Ou une femme.

Et je ne crois pas être plus responsable ou avoir été plus responsable de ce cloisonnement relationnel et affectif que toutes ces femmes. A moins de considérer que j’aurais dû bousculer les hiérarchies, les codes, les usages, les règles, faire tomber les cloisons, m’imposer d’une manière ou d’une autre. Et, dans ce cas, on ne peut pas vraiment parler d’égalité.

Car s’il faut faire cela pour se faire remarquer et que cela marche ou a marchĂ©, pourquoi ensuite s’arrĂŞter Ă  plaire Ă  une Theodora, une Ludivine Sagnier, une Ovidie, une Maryse CondĂ©, une Salma Hayek, une Mona Chollet, une Victoire Tuaillon ou d’autres ?

Mais ce soir au théâtre, pas plus que d’autres fois, je ne ferai tomber de cloisons ou ne chercherai à m’imposer en particulier. Je resterai sans doute à ma place comme d’autres fois tel un poisson rouge dans son bocal et sans doute comme beaucoup trop de fois. Parce-que, malgré mes travers, je suis surtout un garçon poli, patient, obéissant, finalement très scolaire et plutôt gentil malgré certaines de mes bizarreries.

 

Ce soir au théâtre

Ce soir, au théâtre ou nous nous rendrons physiquement, avec la copine dont j’ai appris tout à l’heure que c’est l’anniversaire aujourd’hui, nous serons dans les premiers rangs.

C’était les places les plus pratiques qui restaient. Je prends peut-ĂŞtre le risque, Ă  un moment donnĂ©, d’être un peu pris « pour exemple masculin Â» lorsque l’actrice Anna Mouglalis sera sur scène.

Je me demande aussi s’il y aura beaucoup d’hommes dans la salle et où ils seront placés. A mon avis, ils éviteront d’être aux premiers rangs.

 Mais je m’avise aussi que l’on peut « jouer Â» ce livre sur scène en France alors que dans d’autres pays, ce serait impossible. C’est peut-ĂŞtre bon signe.

Concernant l’actrice Anna Mouglalis, je me souviens surtout d’elle dans les films Romanze Criminale et J’ai toujours rêvé d’être un gangster. C’était en 2007-2008 pour ce dernier film.

Depuis, la voix de Mouglalis est entrée dans l’empire des graves. Je me demande ce que cela me fera de l’entendre dire le texte d’Ovidie sur scène.

Je crois avoir utilisé le meilleur préservatif mental possible en lisant le livre d’Ovidie auparavant.

Il me sera impossible ensuite de discuter telle quelle de cette pièce avec ma fille, encore trop jeune. Et, je ne vois pas non plus ce que je pourrais raconter de cette pièce à ma compagne et mère de ma fille au vu de ses convictions et de sa pratique religieuse catholique survenue sur le tard que je vois comme plutôt bigote.

Je suis donc plutĂ´t content d’aller « voir » ça avec une copine. Autrement, j’y serais allĂ© seul. Bien-sĂ»r. 

 

Franck Unimon, mercredi 17 Septembre 2025.

 

 

 

 

 

 

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Plus rien ne pourra me blesser un livre de David Goggins

Plus rien ne pourra me blesser un livre de David Goggins.

 

« Tu as des drĂ´les de lectures…. Â».

 

Dans le nouveau service où je travaille depuis le début de l’année, les toilettes sont un des endroits où l’on y croise ses collègues bien plus souvent que devant la machine à café ou dans les vestiaires.

C’est la première fois que cela m’arrive.

En passant par les toilettes, on quitte pour quelques secondes ou quelques minutes, cette sorte d’open space où nous pouvons être trente ou quarante, ou davantage, à travailler dans notre coin, à discuter avec certains de nos collègues les plus proches, à écouter ce que répondent les autres et à nous figurer la situation qu’ils rencontrent comme à nous concentrer sur les appels que nous recevons nous-mêmes. En restant dans la quête de prendre la meilleure décision possible selon le caractère d’urgence.

Peu de personnes mentent lorsqu’elles se rendent aux toilettes ou quand elles en sortent. Et nous ne mentons pas davantage lorsque nous recevons des appels. Mais les toilettes, c’est une sorte de sas – et pas seulement du fait de la chasse d’eau- oĂą les menottes de l’urgence mĂ©dicale ou psychiatrique nous sont retirĂ©es pour ĂŞtre remplacĂ©es par celles de certaines nĂ©cessitĂ©s physiologiques bien connues de tous, petits et grands.

Durant la poignée de secondes où l’on se croise après un passage devant le lavabo et les miroirs, on peut bien-sûr y échanger des banalités, un sourire, de l’embarras. Mais de brèves confidences peuvent aussi venir s’ajouter à celles que l’on a laissées derrière soi dans notre plus stricte intimité.

On peut aussi malgré soi laisser des indices. Tel ce livre de Laurence Beneux, Brigade d’intervention, que j’avais emmené avec moi dans les toilettes non pour l’y lire en cachette, il est possible de lire entre les appels, mais parce-que je revenais de ma pause dans un bureau en accord avec mon collègue direct ce jour-là.

Ce collègue qui a trouvĂ© « drĂ´le Â» ma lecture, je peux le comprendre. Nous travaillons Ă  des postes diffĂ©rents lui et moi. Et, la dernière fois- et première fois Ă  ce jour- que nous avions eu une conversation personnelle, c’était quelques jours plus tĂ´t, lors de l’anniversaire d’un autre de nos collègues. Il m’avait racontĂ© un peu sa vie professionnelle d’avant, dans la pub, lorsqu’il existait encore de la vraie pub m’avait-il expliquĂ© et qu’il s’épanouissait dans sa partie crĂ©ative. Jusqu’à ce qu’il dĂ©cide de se mettre Ă  son compte et que la pandĂ©mie du Covid n’arrive, le contraignant Ă  se reconvertir dans ce nouveau mĂ©tier qui nous a fait nous rencontrer.

 

A partir de lĂ , il est facile de comprendre que, pour lui, tomber sur ce genre d’ouvrage est dĂ©concertant. Il existe un monde entre une fĂŞte anniversaire durant laquelle on a pu entendre des tubes du Top 50 des annĂ©es 80 telles que Banana split et subitement ce titre :

Brigade d’intervention.

Pourtant, ce livre, pour moi, Ă©tait dans la continuitĂ© de celui que j’avais terminĂ© quelques jours auparavant, Plus rien ne pourra me blesser de David Goggins, ancien Navy seal et athlète rompu aux Ă©preuves d’endurance extrĂŞmes. Sans compter que je n’ai pas abordĂ© avec mon collègue ou d’autres personnes mon intĂ©rĂŞt pour l’évĂ©nement Survival Expo auquel  je m’étais rendu en juin dernier au parc floral de Vincennes sans avoir encore pris le temps d’en parler dans mon blog. J’ai par ailleurs appris rĂ©cemment l’annulation de l’édition de Survival Expo prĂ©vue Ă  Lyon cette annĂ©e pour cause de Jeux Olympiques en France :

L’organisation des Jeux Olympiques en France a tellement fait monter les prix de diverses prestations que cela n’était pas soutenable économiquement pour la survival expo.

« Verser Â» plus ou moins dans le survivalisme comme dans la lecture d’ouvrages relatifs Ă  l’armĂ©e, Ă  la brigade d’intervention, Ă  la police, Ă  toutes sortes de corps d’Etats d’interventions, Ă  la criminologie, aux sports de combat et aux Arts martiaux pourrait suffire Ă  me portraiturer comme un dangereux extrĂ©miste ou un illuminĂ©. Pourtant, il est d’autres aspects de l’existence dont je me prĂ©occupe et dont j’aime(rais) aussi rendre compte. Sauf que mon temps est limitĂ©. La preuve :

Nous sommes à la fin de ce mois de février et je n’ai ou n’avais encore rien publié ce mois-ci dans mon blog. Malgré divers sujets en tête dont, par exemple, ma visite de la Tour Eiffel en ce début d’année. Ou les films L’Empire de Bruno Dumont et Dune 2ème partie de Denis Villeneuve, sorti aujourd’hui, et que je suis allé voir ce matin dès la première séance de 9 heures.

J’aurais aussi voulu parler un peu plus de mon séjour de quelques jours en Guadeloupe à la fin de l’année dernière mais aussi de mes préparatifs pour mon séjour au Japon cet été en profitant de la proposition de Léo Tamaki, expert en Aïkido, de nous faire découvrir le Japon tant au travers de certains des Maitres d’Arts martiaux qu’il va nous permettre de rencontrer comme de certains endroits du Japon. Mais je dois me contenter de faire allusion à ces projets afin de faire mon possible pour réussir au mieux cet article qui, je crois, justifie une certaine attention.

Ce soir, pour mieux faire comprendre mon intérêt pour des livres comme celui de David Goggins, je crois utile de préciser ou de rappeler que dès lors qu’une personne, femme ou homme, est attachée à une pratique sportive assidue, que ce soit du fait de son mode de vie, de son éducation, de ses valeurs ou par recherche de la compétition, qu’elle trouvera dans ce genre d’ouvrages des indications, un état d’esprit ou des exemples qui lui parleront.

On l’oublie souvent mais l’une des particularités de la pratique sportive, c’est de nous permettre de développer des capacités d’adaptation à notre environnement. Ne serait-ce que d’un point de vue topographique.

Parce-que nous sommes devenus majoritairement des citadins et que nous bénéficions plutôt facilement de moyens de transports développés ou de véhicules nous permettant de nous déplacer, nous sommes devenus quelque peu amnésiques, fainéants ou ignorants concernant ce genre de faits. Des faits pas si lointains pourtant.

 

Il y a quelques jours, je suis retombé sur des notes que j’avais prises en lisant un ouvrage consacré au sport. Il y était rappelé que dans la première moitié du vingtième siècle, en athlétisme, la Finlande, avec des champions comme Lasse Viren, dominait les courses de demi-fond et de fond mondial. Mais à cette époque, la Finlande était… un pays pauvre et principalement…rural.

Aujourd’hui, lorsque l’on constate que les coureurs Kenyans sont souvent les premiers des marathons, on oublie assez régulièrement de souligner que ce sont souvent des coureurs d’origine sociale modeste qui sont capables et prêts à s’entrainer- dur- plusieurs fois par jour pour être les meilleurs.

A mon niveau, j’ai su que mes deux grands pères avaient beaucoup marché pour se déplacer. Ma mère m’a beaucoup fait marcher, petit. Et, elle marchait vite.

A la fin de l’annĂ©e dernière, dans notre appartement, nous avons eu la mauvaise surprise de dĂ©couvrir des souris. C’était la première fois que cela nous arrivait et cela nous a quelque peu dĂ©stabilisĂ© voire angoissĂ©. Des souris ! Ces petits animaux qui, si nous avions toujours vĂ©cu Ă  la campagne, auraient Ă©tĂ© pour nous des banalitĂ©s voire les terrains de jeux de nos pulsions sadiques primaires ou infantiles. Lorsque l’on commence Ă  se rappeler qu’il existe des « tonnes Â» de rats vivants dans nos Ă©goĂ»ts, on peut sourire de cette inquiĂ©tude qu’ont pu susciter quelques souris.

`Enfin, il y a quelques jours, j’ai eu à connaître une courte panne d’électricité rapidement résolue au bout de quelques heures. Là, aussi, l’habitude, le fait d’être installé dans un certain confort m’avait donné l’illusion que tout cela était dû et immuable étant donné que je paie mes factures.

Nous sommes nombreux à connaître ou à avoir connu ce genre d’anecdotes.

Cependant, nous vivons en grande majoritĂ© dans nos repaires intĂ©rieurs en nous reposant rĂ©gulièrement et constamment sur un socle d’illusions et d’habitudes nous concernant mais aussi Ă  propos de notre environnement ou de notre entourage. Nous pensons que dans telle situation, nous ferions ceci, nous ferions cela. Nous pensons que ce que nous vivons est acquis alors que cela l’est beaucoup moins ou peut l’être beaucoup moins que prĂ©vu. Et lorsque arrive la confrontation avec le rĂ©el, certaines nouvelles ou certaines situations imprĂ©vues qui durent plus ou moins, qui sont plus ou moins difficiles ou inconfortables, subitement, nous sommes moins beaux Ă  voir et Ă  entendre. Nous  peinons Ă  adopter la bonne action ou la bonne dĂ©cision.

Chacune et chacun s’arrange ensuite comme elle/il le peut avec ce genre de moment désagréable où il a à se voir moins valeureuse et moins valeureux ou simplement moins bien inspiré (e) qu’elle ou qu’il le croyait.

Je n’ai pas oublié, quelques mois après les attentats terroristes que nous avions connus à partir de 2015, comment, dans une rame de métro remplie, personne n’avait réagi en plein Paris lorsqu’une jeune femme s’était faite aborder de manière plus insistante et déplacée que véritablement dangereuse par un grand gaillard, assez bien constitué, mais aussi alcoolisé (l’homme avait une canette ou une bouteille de bière à la main).

Personne n’avait réagi à part un homme et moi. Cet homme qui avait réagi avec moi était plutôt du genre quelconque d’un point de vue physique et, à ce que j’ai vu, très peu porté sur la bagarre. Et, moi, je ne suis pas un soldat. Je fais de mon mieux et j’essaie de faire de mon mieux.

David Goggins, lui, c’est un guerrier. Du genre frontal, militaire. Tout n’est pas beau chez lui. J’ai tendance à croire que l’on aurait pu aussi bien donner comme titre à son livre Plus rien ne pourra m’angoisser. Je le perçois aussi egocentrique, psychorigide, assez masochiste, vraisemblablement nationaliste.

Je pense qu’en tant que père, il a complètement ratĂ© ou nĂ©gligĂ© ce qu’il a pu rĂ©ussir ailleurs. Et qu’en tant que fils, il a finalement Ă©tĂ© au-delĂ  de ce que son père, dont il s’est Ă©loignĂ©, a pu souhaiter ( «  Je ne veux pas que vous deveniez des fiottes ! Â»). Je trouve aussi qu’il y a une absurditĂ© et une tristesse dans le fait qu’il puisse ĂŞtre aussi populaire de par ses exploits sportifs et ses interventions mĂ©diatisĂ©es et sa vie solitaire.

 Mais je crois aussi que quelqu’un comme moi peut apprendre quelque chose de ce genre de personne. En filtrant bien-sĂ»r. En prenant ce que je peux.

Et, c’est ce qui m’a amenĂ© Ă  lire ce livre sur lequel je suis tombĂ© « par hasard Â», alors que j’étais entrĂ© avec ma fille dans une librairie du 7 ème arrondissement que je ne connaissais pas, afin, au dĂ©part, de lui acheter des livres pour l’école. Jusqu’à ce que je voie le livre de Goggins, lĂ , Ă  l’entrĂ©e, plutĂ´t bien en Ă©vidence parmi d’autres ouvrages.

La librairie où j’ai acheté le livre de Goggins n’a rien de militaire. Si la station de métro Ecole Militaire se trouve à une bonne dizaine de minutes à pied, les personnes que j’ai croisées ce jour-là que ce soit dans la librairie ou dans les rues m’ont plutôt fait l’effet de bobos ou de bourgeois parisiens d’un âge certain ou adulte. Et, rien de particulier chez eux m’a fait penser qu’ils pouvaient avoir la rage ou l’envie de s’engager dans la légion étrangère. Ça, ce seraient plutôt les muses de Goggins, ancien enfant maltraité par son père, ancien obèse, ancien élève en échec scolaire et noir victime du racisme aux Etats-Unis. Mais aussi ancien pauvre ou presque pauvre mais aussi ancien employé affecté à la tâche qui consistait à tuer -la nuit- des cafards dans les lieux de restauration.

J’ai aimé que dans son livre, Goggins, relate aussi certains de ses échecs. S’il élude la raison de son échec conjugal avec sa compagne Kate ( qu’il ne cite même pas à la fin du livre dans ses remerciements ! ) qui l’a pourtant soutenu et souligne l’importance de la présence et du soutien de sa mère, et de quelques autres ( pas nombreux), il raconte aussi comment certains de ses excès lui ont nui. En particulier à propos de sa carrière militaire. Mais aussi à propos de sa santé.

Pour le reste, ce sont ses propos qui sont les plus Ă©loquents et qu’il faut prendre, bien-sĂ»r, comme on le peut, c’est-Ă -dire, en tenant compte de nos propres limites. Goggins n’a pas de vie de famille Ă  proprement parler lorsqu’il s’exprime et il partait de tellement loin qu’il n’avait en quelque sorte plus rien Ă  perdre. Et, rappelons-nous, aussi, que Goggins est AmĂ©ricain et que cela peut expliquer, aussi, en partie, ce cĂ´tĂ© « Tout ou rien Â» puisqu’aux Etats-Unis, il n’y a pas l’équivalent de la sĂ©curitĂ© sociale que nous avons encore en France.

Voici quelques extraits du livre de David Goggins, Plus rien ne pourra me blesser :

« Vous courez le risque de mener une vie si confortable et si ramollie que vous allez mourir sans avoir jamais atteint votre plein potentiel Â».

« Ne vous arrĂŞtez pas quand vous serez fatiguĂ©. ArrĂŞtez-vous quand vous aurez fini Â».

 Â« Tout le monde connaĂ®t son lot d’échecs et la vie n’est vraiment pas censĂ©e ĂŞtre juste, encore moins se plier Ă  chacune de vos lubies.

La chance est une chose capricieuse. Elle n’ira pas toujours dans votre sens, alors ne vous laissez pas piĂ©ger par l’idĂ©e selon laquelle vous mĂ©riteriez d’avoir de la chance au simple motif que vous avez imaginĂ© la faisabilitĂ© de quelque chose. La propension Ă  croire que quelque chose vous est dĂ» est un handicap. DĂ©barrassez-vous en. Ne vous focalisez pas sur ce que vous pensez mĂ©riter. Attaquez-vous Ă  ce que vous avez la volontĂ© de conquĂ©rir ! Â».

« (….)je me pris aussi en pleine gueule pas mal de remarques nĂ©gatives(….). Cependant, tout cela n’avait rien de bien nouveau. A-t’on jamais rĂŞvĂ© de quelque chose pour soi sans que des amis, des collègues ou la famille ne viennent tout remettre en question ? Nous sommes en gĂ©nĂ©ral motivĂ©s Ă  l’extrĂŞme pour faire l’impossible afin de rĂ©aliser nos rĂŞves, jusqu’à ce que notre entourage nous mette en garde contre les dangers, les inconvĂ©nients ou nos limites en nous rappelant tous ceux qui, avant nous, ont Ă©chouĂ© dans leur quĂŞte. Ces conseils viennent parfois de personnes bien intentionnĂ©es. Elles pensent sincèrement agir pour votre bien, mais si vous les laissez faire, ces mĂŞmes personnes finiront par vous faire renoncer Ă  vos rĂŞves- aidĂ©es en cela par votre rĂ©gulateur Â».

 

« (……) PrĂ©parez-vous !

Nous savons que la vie peut ĂŞtre dure, et pourtant nous nous apitoyons sur notre sort quand elle s’avère injuste. A partir de maintenant, acceptez les règles qui suivent comme Ă©tant les lois de la nature selon Goggins :

On se moquera de vous.

Vous serez inquiet.

Vous ne serez sans doute pas le meilleur tout le temps.

Vous pourrez ĂŞtre le seul, ou la seule, Ă  ĂŞtre noir, blanc, asiatique, latino, femme, homme, gay, lesbienne ou  (indiquez ici votre identitĂ©) dans une situation donnĂ©e.

Il y aura des moments où vous vous sentirez très seul.

Passez outre ! Â».

« Notre esprit est sacrĂ©ment puissant. C’est mĂŞme notre arme la plus puissante, mais nous avons cessĂ© de l’utiliser. Nous avons accès Ă  plus de ressources aujourd’hui que nous n’en n’avons jamais eues, et pourtant nous nous rĂ©vĂ©lons moins capables que tous ceux qui nous ont prĂ©cĂ©dĂ©s. Si vous voulez ĂŞtre l’un des rares Ă  contrarier cette tendance au sein de notre sociĂ©tĂ© ramollie, il faudra que vous partiez en guerre contre vous-mĂŞme et que vous vous façonniez une nouvelle identitĂ©, ce qui nĂ©cessite une ouverture d’esprit. C’est bizarre, mais ĂŞtre ouvert d’esprit est souvent associĂ© avec le fait d’être « New Age Â» ou mou. Qu’ils aillent se faire foutre. Etre suffisamment ouvert d’esprit pour trouver la bonne solution n’a rien de nouveau. C’est ce que faisaient les hommes prĂ©historiques. Et c’est exactement ce que je fis (…) Â».

 

Un article de Franck Unimon/ Balistiqueduquotidien, ce mercredi 28 février 202

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L’Amour sous algorithme, un livre de Judith Duportail

L’Amour sous algorithme, un livre de Judith Duportail.

 

 

Appât ou état, son apparition change la donne. Seconde peau de première main, l’Amour est une assez vieille croyance que, quel que soit l’âge, un jour, beaucoup mangent.

 

La journaliste indépendante Judith Duportail a 28 ans lorsqu’elle télécharge en 2014 l’application de rencontres Tinder. On apprend dans son livre que cette application, disponible en France en 2013, a été cofondée par Sean Rad – qui voulait être acteur initialement- en 2012 aux Etats Unis.

 

Judith Duportail est une jeune parisienne qui, lorsqu’elle Ă©crit ce livre, pourrait ĂŞtre dĂ©crite comme « Ă©mancipĂ©e Â», urbaine, Ă©duquĂ©e (un niveau d’études plutĂ´t Ă©levĂ©, Anglais courant) et pourvue d’humour.

 

Sur le papier, Judith Duportail est une personne suffisamment armée pour être aimée.

 

Cela pourra Ă©tonner de voir rapprochĂ©, ici, le terme « arme Â» de celui qui consiste Ă  trouver ou Ă  ĂŞtre trouvĂ© par l’âme sĹ“ur… mais lorsqu’il s’agit de sĂ©duire la personne qui s’aventure Ă  nous plaire, un simple sourire pour elle  est dĂ©jĂ  une tentative de capture. MĂŞme si sourire n’empĂŞche pas la rupture. Hollie Cook hante cette vĂ©ritĂ© dans son titre 99 :

 

« Please, don’t give me your smile I Adore cause I can’t touch you no more…. Â» (« Je t’en supplie, ne m’adresse plus ce sourire que j’adore car je ne peux plus me rapprocher de  toi Â»).

 

 

Hollie Cook passe cette semaine en concert au Trabendo ce vendredi 28 octobre. Il est possible que j’aille la voir.

 

Le fait que L’Amour sous algorithme ait été écrit par une femme (apparemment en 2019) et ait été cité par d’autres femmes (Mona Chollet et Victoire Tuaillon) préoccupées également par les relations amoureuses entre les êtres humains a son importance. Car officiellement, les hommes hétérosexuels sont des larves de l’Amour.

Et, en tant que larves des sentiments et de l’engagement, ils font beaucoup souffrir les femmes qui sont des ĂŞtres beaucoup plus Ă©voluĂ©s en matière d’engagement et de sentiment. Je l’écris ici avec un peu de provocation misogyne. Mais je rĂ©sume aussi, je crois, une partie du sujet principal. Parce qu’il y a l’algorithme.  Puis il y a celles et ceux qui l’utilisent et qui sont, en principe, tous, des ĂŞtres responsables.

 

Une Digital Native

 

La spécificité de Judith Duportail, qui a écrit L’Amour sous algorithme est d’être, sans doute comme Victoire Tuaillon (conceptrice du podcast et auteure du livre Les couilles sur la table, un livre de Victoire Tuaillon. Premières partiesLes Couilles sur la table, un livre de Victoire Tuaillon. 2ème partie. Ego Trip.) qui a à peu près le même âge, ce que l’on appelle une Digital Native.

 

Soit une personne née à partir des années 80 et très tôt familiarisée avec les environnements numériques et qui, par conséquent, peut être quotidiennement rivée à un écran d’ordinateur, de tablette numérique, de smartphone ou attachée à une console de jeux donnant généralement accès à internet avec un débit illimité.

 

Pour une personne Digital Native, télécharger une application telle que Tinder pour faire des rencontres fait partie du décor de son quotidien. Mais cela fait aussi partie de la norme sociale.

Paris, Place de la Concorde. Début octobre 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

 

L’Après Meetic

 

Lorsque le site de rencontres Meetic fut créé en 2001, cela fut davantage un événement d’un point de vue sociétal que de s’y inscrire. Car c’était nouveau de s’y prendre de cette manière pour faire des rencontres. C’était plutôt une pratique secrète et honteuse. Il pouvait être plus facile de s’afficher comme une personne célibataire dans la vie ordinaire que de raconter que l’on avait passé plusieurs heures de sa journée ou de sa nuit à écluser un site de rencontres.

 

Dans les annĂ©es 2000, le site Meetic Ă©tait le site de rencontres dont on parlait le plus. Le site existe toujours et serait toujours un site de rencontres qui compte. Sauf que, depuis 2001, les sites de rencontres, les rĂ©seaux sociaux, la technologie informatique mais aussi la tĂ©lĂ©phonie mobile se sont beaucoup dĂ©veloppĂ©s et ont transformĂ© la façon de se rencontrer mais aussi d’interagir avec les autres tant d’un point vue professionnel, administratif, Ă©conomique, amical qu’amoureux. En 2001, par exemple, il Ă©tait impossible de consulter son compte bancaire sur son smartphone. Et, il Ă©tait plutĂ´t rare d’organiser des rĂ©unions ou des « rencontres Â» Ă  distance sur Skype.

 

Judith Duportail, amatrice de Tinder

 

 

Judith Duportail, née en 1986, Digital Native, a voulu en savoir plus sur ce qu’il y avait dans le ventre de l’application Tinder qui a le pouvoir de retourner les tripes de ses usagers. Célibataire et en perte d’amour lorsqu’elle télécharge l’application Tinder, elle a ce réflexe à la fois féministe, personnel mais aussi journalistique.

 

Quand paraĂ®t son livre, nous sommes aussi dans l’ère des « lanceurs d’alerte Â». Et, Judith Duportail a sans aucun doute eu connaissance de l’affaire mondialement mĂ©diatisĂ©e en 2013 de l’AmĂ©ricain Edward Snowden (son aĂ®nĂ© de 3 ans) ou de l’affaire Wikileaks, d’abord, en 2006 avec Julian Assange.

 

Des « affaires Â» comme l’affaire Wikileaks et l’affaire Snowden mais aussi des Ĺ“uvres cinĂ©matographiques comme Matrix ( rĂ©alisĂ© en 1999) qui ont eu des retentissements mĂ©diatiques mondiaux auront dĂ©montrĂ© que le monde numĂ©rique a non seulement des failles mais peut aussi servir des intentions malveillantes.

 

Une personne Digitale Native un peu soucieuse et critique vis à vis de cet environnement numérique qui lui est aussi familier que peut l’être une forêt pour un garde champêtre, peut avoir à cœur de mieux connaître ce site de rencontres à qui elle confie sa vie sentimentale mais aussi son avenir. Mais aussi disposer de suffisamment de compétences et de culture technique pour mieux comprendre comment cette entreprise numérique et commerciale marche.

 

En plus de ces compĂ©tences et de cette culture numĂ©rique, Judith Duportail, devenue journaliste indĂ©pendante après avoir travaillĂ© pour Le Figaro, fait aussi montre d’une grande crĂ©ativitĂ© tant relationnelle que journalistique pour rencontrer certains reprĂ©sentants de Tinder France. Elle  rĂ©ussira mĂŞme Ă  obtenir une interview-prĂ©-programmĂ©e- mĂŞme le cofondateur de Tinder, Sean Rad, qui est encore alors le PDG de Tinder.  Mais aussi de Whitney Wolfe, ex-cofondatrice de Tinder. Celle qui, «  a eu l’idĂ©e d’appeler l’application Tinder, qui se traduirait par « allume-feu Â» en Français Â». (L’Amour sous algorithme, page 183).

 

Judith Duportail nous apprend que Whitney Wolfe, après avoir dĂ» quitter Tinder a créé Bumble «  une application de rencontre qui se prĂ©sente comme fĂ©ministe. Avec ses 36 millions d’utilisateurs, l’appli est maintenant le principal concurrent de Tinder, et le groupe Match cherche Ă  la racheter. Sur Bumble, ce sont les femmes seulement qui peuvent prendre l’initiative d’engager la conversation avec les hommes Â». ( page 181, de L’Amour sous algorithme).

 

La salle ovale de la Bibliothèque Nationale Richelieu, octobre 2022. Photo©️Franck.Unimon

Le rĂŞve sous algorithme

 

 

Si Duportail nous parle de Tinder et de la façon dont ce site de rencontres peut collecter une quantitĂ© invraisemblable d’informations personnelles de ses usagers, puis les revendre Ă  d’autres entreprises, on comprend ( ou l’auteure nous l’explique) que cette « mĂ©thode Â» de siphonage des informations personnelles est aussi utilisĂ©e par un certain nombre des sites de rencontres et des rĂ©seaux sociaux qu’il est dĂ©sormais courant d’utiliser quel que soit notre âge, notre sexualitĂ©, notre poids, notre religion, notre catĂ©gorie socio-professionnelle ou nos origines.

 

Le titre du livre de Judith Duportail s’appelle L’Amour sous algorithme mais il aurait pu aussi s’intituler Le rĂŞve sous algorithme. Et le mot « algorithme Â» peut bien des fois se faire remplacer par le mot « cloche Â».

 

Car l’auteure nous dĂ©montre comment sur Tinder, qui se veut dĂ©mocratique,  les rencontres sont orientĂ©es et quadrillĂ©es selon les rĂ©sultats de certains « Ă©changes Â» entre usagers mais aussi selon certaines valeurs plutĂ´t…conventionnelles.

MalgrĂ© la prĂ©sentation « jeune Â» et « dĂ©contractĂ©e Â» affichĂ©e par les reprĂ©sentants et le discours de la « boite Â» Tinder, les entrailles des algorithmes, lorsque passĂ©es au scalpel de l’enquĂŞte de Duportail se montrent beaucoup moins novatrices.

 

Lorsque l’auteure questionne Sean Rad, alors PDG de Tinder, quant à la tendance consumériste des rencontres sur le site d’applications, celui-ci répond que beaucoup de personnes leur écrivent pour les remercier de leur avoir permis de trouver leur bonheur sur Tinder. Ce genre d’histoires existe bien-sûr. Mais pas pour d’autres et, cela, dans une proportion difficile à définir. Car des millions d’usagers persistent à se connecter telles des souris de laboratoire enfermées dans une cage- ou sous une cloche- qui continuent de faire tourner la même roue qui est la route du cash pour un site comme Tinder.

 

« Chaque jour, se produisent 2 milliards de matchs sur Tinder. L’application, prĂ©sente dans 190 pays revendique ĂŞtre Ă  la base d’un million de dates par semaine. Un million ! Le succès de Tinder est indĂ©niable. C’est un outil incroyable Â». ( page 219 de L’Amour sous algorithme ).

 

L’addiction à la connexion

 

 

 

Dans L’Amour sous algorithme, Duportail nous parle de l’addiction à la connexion au site qu’elle compare entre-autres à celle des joueurs de casino. Très vite, elle nous a parlé, lors de ses débuts sur Tinder, du fait que son ego a pu être rapidement boosté à recevoir un certain nombre de matches. Avant ensuite de déchanter devant ce besoin recomposé de recevoir de nouveaux shoots de matches mais aussi devant la désillusion que lui font vivre ses rencontres. Lorsqu’elle nous raconte certaines de ses rencontres et déconfitures, on se croit par moments dans un mauvais sketch de Blanche Gardin, de Tania Dutel ou de Marina Rollman.

 

Boire, fumer, draguer et coucher avec qui, quand et comme on veut, plus ou moins bien  gagner sa vie, vivre chez soi ou en coloc, conduire une moto ou une voiture, avoir son rĂ©seau d’amis, sortir la nuit, dĂ©coucher, danser, voyager, dire des gros mots ou ce que l’on pense quand on le pense, bien s’exprimer, avoir de la rĂ©partie et un humour supersonique, avoir un très bon niveau d’études, une certaine rĂ©ussite sociale, cela ressemble Ă  une vie d’adulte Ă©mancipĂ©e. Mais cela n’empĂŞche pas la claudication alternative devant l’alerte de La rencontre.

  

La dépendance affective

 

Après nous avoir parlĂ© de l’addiction au site,  Judith Duportail fait bien de souligner  l’engrenage de la dĂ©pendance affective qu’entretient un site (tout site ?) de rencontres. Car les comportements d’addiction et la dĂ©pendance affective sont attachĂ©s. Et, lorsque l’on se retrouve imbriquĂ© entre les deux, on peut avoir du mal Ă  rĂ©ellement s’émanciper de certaines conduites d’échecs lors de nos rencontres sentimentales :

 

« (….) Selon John Bowlby, la moitiĂ© des adultes dans le monde occidental souffrent d’un trouble de l’attachement plus ou moins prononcĂ©. Certains arriveront Ă  bien vivre avec, ou n’en seront pas trop handicapĂ©s. Car attention, toute relation sentimentale Ă  un autre, tout attachement, induit une forme de dĂ©pendance. On dit bien Ă  ses amis :

« Je peux compter sur toi Â» ou « Je suis lĂ  pour toi Â», ce qui signifie qu’on a besoin les uns des autres, qu’on se fĂ©licite d’honorer cette interdĂ©pendance. Une dĂ©pendance consentie, cadrĂ©e. Dans le cas des dĂ©pendants affectifs, le regard de l’autre prend trop de place, trop d’importance. Car ils cherchent Ă  l’extĂ©rieur d’eux-mĂŞmes comment soigner leur blessure initiale Â». (page 139 de L’Amour sous algorithme).

 

 

A ce jour, je n’ai pas lu d’ouvrage de John Bowlby. Mais j’aimerais bien savoir quelles sont les causes, selon lui, de ce « trouble de l’attachement plus ou moins prononcĂ© Â» dont « la moitiĂ© des adultes dans le monde occidental souffrent Â». J’imagine que certains modes de vie doivent y ĂŞtre pour quelque chose. MĂŞme si le trouble de l’attachement « plus ou moins prononcĂ© Â» a sans doute toujours existĂ© en occident mais aussi ailleurs.

 

La salle ovale de la Bibliothèque nationale Richelieu, octobre 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Faire le ménage dans nos méninges et nos névroses

 

 

Le mirage des sites de rencontres et des rĂ©seaux sociaux, qui sont des mĂ©dia plutĂ´t extraordinaires Ă  l’origine, c’est de nous abonner Ă  la croyance qu’ils peuvent très facilement « nous aider Â» Ă  gommer ce qui nous dĂ©range dans notre vie ordinaire et nous faire vivre des miracles rĂ©pĂ©tĂ©s. En nous offrant leurs « services Â».

 

Alors qu’il faudrait d’abord, au prĂ©alable, vĂ©rifier dans quelle disposition mentale et affective on se trouve, et faire le mĂ©nage dans nos mĂ©ninges et nos nĂ©vroses, lorsque l’on se rend dans ce genre d’endroits :

 

Les sites de rencontres et les réseaux sociaux.

 

Après tout, toute personne qui va se lancer dans une aventure vĂ©rifie d’abord son matĂ©riel, sa condition physique et mentale, mais aussi la viabilitĂ© de son projet auparavant. Et, pour cela, le plus souvent, mĂŞme si ensuite elle dĂ©cide de tenter l’aventure, elle sait d’abord se faire entourer et conseiller par des spĂ©cialistes, des professionnels ou par des personnes qui ont tentĂ©  cette aventure avant elle.

 

C’est pourtant le contraire qui se passe avec les sites de rencontres. Appâtés par le miracle qui nous attend après quelques mouvements de doigts, nous nous muons en Indiana Jones de la rencontre et sautons les étapes.

 

Lorsque j’avais connu l’expérience du site de rencontres Meetic à la fin des années 2000, j’étais célibataire, plus ou moins déprimé et en recherche d’une histoire d’Amour. Mais j’allais bien mieux que d’autres. Je n’étais ni sous anti dépresseurs et pas sous le coup d’une rupture toute fraiche de quelques minutes. J’avais besoin d’élargir mon cercle de rencontres. Et Meetic était une nouvelle façon pour peut-être élargir ce cercle.

En outre, le fait d’être actif dans la recherche, avait au dĂ©part quelque chose de sans doute valorisant. Agir plutĂ´t que subir. Essayer cette nouvelle façon de faire au lieu de la dĂ©nigrer d’emblĂ©e. Pour ces raisons, au dĂ©part, l’expĂ©rience Meetic fut une expĂ©rience d’ouverture. Car toutes mes rencontres jusqu’alors s’étaient faites sans passer par un  site.

 

J’ai oublié combien de temps j’étais resté inscrit sur Meetic. Peut-être à peu près deux ans. A l’époque, le site de rencontres était exclusivement payant pour les hommes. Et gratuit pour les femmes. Cela m’a toujours paru injustifié.

 

J’ai toujours eu le sentiment que le fait de pouvoir s’inscrire gratuitement maintenait la plupart des femmes du site dans la position passive des princesses qui passaient leur temps  Ă  attendre le prĂ©tendu prince charmant. Car j’avais Ă©tĂ© Ă©difiĂ© de lire sur bien des annonces de femmes inscrites, qui se prĂ©sentaient comme des femmes ayant la trentaine tout au plus, qu’elles recherchaient le « prince charmant Â».

 

Que ce soit dans la vraie vie ou sur un site de rencontres, pour moi, celle ou celui qui recherche le prince charmant, consciemment ou inconsciemment, ne le trouvera pas.

En tout cas, moi, je ne me vois pas comme un prince charmant. Et, je perçois cette attente comme une dictature. Une telle attente me donne plutôt envie de me comporter de manière très provocante.

 

Et, j’avais peut-ĂŞtre eu tort alors, mais chaque fois que j’avais vu mentionnĂ©e cette quĂŞte ou cette attente du « prince charmant Â», j’avais fui. Je ne correspondais ni au portrait-robot ni au portrait-mental d’un prince charmant. Et, c’est toujours le cas aujourd’hui. 

 

Pourtant, je cherchais véritablement une histoire d’Amour sur Meetic. Et je sais qu’il y a des hommes qui cherchent aussi à vivre une sincère histoire d’Amour avec des femmes. Il reste donc énigmatique pour moi que des femmes instruites comme Duportail, Tuaillon et Chollet, et celles qui leur ressemblent, puissent avoir eu tant de mal à croiser ces hommes qu’elles ont cherché ou cherchent.

 

Pour moi, l’explication ne tient pas uniquement dans le patriarcat. Mais aussi dans le fait que certaines femmes dites Ă©mancipĂ©es le sont bien moins qu’elles ne le croient ou l’affirment. Et, un certain nombre d’entre elles continuent de suivre celle ou celui qui sera le mieux douĂ©(e) pour leur jouer la comĂ©die. Puisque dès lors que quelqu’un nous « fait quelque chose Â» ou nous « fait vibrer Â», on aime bien se raconter, mĂŞme si assez vite cette personne honore très mal ses promesses ou ses engagements, que, malgrĂ© tout, cela vaut le coup. Et que cela vaut aussi le cul, par la mĂŞme occasion.

 

 

Le grand remplacement

 

 

Sur Meetic, j’avais connu une histoire de cinq mois qui m’a fait un effet durable puisque je me rappelle toujours du prénom et du nom de cette personne comme de certains moments vécus avec elle près de quinze ans plus tard.

 

Mais j’avais aussi été très influencé par le côté supermarché du site.

 

Et, lorsque Ă©taient apparues des tensions entre elle et moi, j’avais Ă©tĂ© rapidement agacĂ© par ce que je voyais comme des caprices de petite fille. Me disant que si notre relation se terminait que je retrouverais rapidement- sur le site- quelqu’un d’autre de « bien Â» qui me ferait moins chier. Ma future ex de Meetic s’était sĂ»rement comportĂ©e comme une personne capricieuse, quelque peu immature et tyrannique, exigeant de moi des gages d’Amour qui me dĂ©concertaient mais aussi mettant en doute la sincĂ©ritĂ© de mon attachement. Peut-ĂŞtre que notre relation Ă©tait-elle rĂ©ellement privĂ©e de futur. NĂ©anmoins, si elle et moi nous Ă©tions rencontrĂ©s dans mes conditions de vie habituelles (ce qui aurait Ă©tĂ© assez peu probable Ă©tant donnĂ© que nous Ă©voluions et avons sans doute continuĂ© d’évoluer dans des univers culturels, Ă©conomiques et professionnels très diffĂ©rents ), je crois que j’aurais Ă©tĂ© plus tolĂ©rant.

Je n’aurais pas eu ce rĂ©flexe, très vite acquis en Ă©tant inscrit sur le site alors que je n’avais pas rencontrĂ© tant de personnes que ça avant elle, de me dire que je pourrais très vite la remplacer. Et, lorsqu’elle m’avait fait sa « crise Â» d’autoritĂ© ou de caprice, je l’avais dĂ©posĂ©e en voiture lĂ  oĂą elle me l’avait demandĂ©/exigĂ©. Afin de lui laisser cette assurance que, oui, je la considĂ©rais vraiment. Elle, qui aurait voulu qu’à notre retour de Normandie, je la dĂ©pose devant chez elle, Ă  Paris, rue du Bac, en voiture. Pour qu’ensuite, je retourne chez moi toujours en voiture chez moi Ă  Cergy le Haut oĂą j’habitais alors. J’avais refusĂ© de me retrouver infĂ©odĂ© au rĂ´le de l’homme qui conduit sa compagne jusqu’au pas de sa porte et qui ne compte pas les kilomètres, le temps et l’essence pour ensuite retourner chez lui. Cette erreur-lĂ , en plus de celle d’avoir refusĂ© de rencontrer sa mère, me fut fatale.

 

Ma future ex de Meetic eut quelques pleurs. M’affirma sans doute que je n’avais pas de sentiments pour elle. De mon cĂ´tĂ©, je refusais que nous restions « amis Â» comme elle me le proposait. Nouvelle erreur stratĂ©gique de ma part. On croit que je parle d’une jeune femme d’Ă  peine 18 ans ? Si j’avais bien 7 ou 8 ans de plus qu’elle, ma future ex avait alors près de trente ans. Ce qui n’excluait pas, visiblement, de pouvoir se comporter en certaines circonstances comme une adolescente d’Ă  peine 18 ans.

 

Notre sĂ©paration devint dĂ©finitive. Sans doute par orgueil, ainsi que dans la douleur, elle s’emmura dans sa dĂ©cision, « conseillĂ©e », je crois, au moins par certaines de ses amies qui pensaient comme elle.  Nous nous revĂ®mes elle et moi au moins deux fois, dont une fois dans cet appartement qu’elle avait achetĂ© dans le 14ème arrondissement et qui faisait deux fois la superficie de mon studio de banlieue. Une autre fois, lorsque nous allâmes ensemble au festival de musique Rock en Seine clĂ´turĂ© avec maestria par Björk, elle avait rencontrĂ© quelqu’un.

Plusieurs années plus tard, j’appris par hasard sur Facebook qu’elle s’était mariée. Elle me répondit une première fois pour ne plus me répondre.

 

Hors bord relationnel

 

Après elle, je ne connus pas d’autre relation aussi notable d’un point de vue affectif en passant par Meetic. J’en avais aussi assez de passer mon temps sur le site telle une personne en recherche permanente d’emploi devant adresser d’innombrables CV qui ne débouchaient sur rien.

Pour ĂŞtre suffisamment inspirĂ© et susciter l’intĂ©rĂŞt d’une femme, il me fallait avoir le moral et ĂŞtre inspirĂ© lorsque j’écrivais un message que je devais multiplier pour pouvoir, mathĂ©matiquement, provoquer une rĂ©action ou deux favorables. Or, pour cela, il fallait passer du temps sur le site. Et, plus je passais du temps sur le site,  plus je me dĂ©moralisais devant le vide numĂ©rique qui revenait constamment Ă  ma rencontre. En prenant son temps, c’est Ă  dire le mien.  Mon temps qui Ă©tait associĂ© Ă  mon espoir de « trouver Â» quelqu’un.

 

Je peux imaginer que mon ex de Meetic, apprenant cela, aurait vu dans mes dĂ©boires un châtiment juste et mĂ©ritĂ© pour mon « comportement Â» Ă  son Ă©gard. Alors que je crois qu’il y a surtout eu de l’incomprĂ©hension entre elle et moi. Mais aussi, pour moi, une sorte de dĂ©calage, ou une forme de sentiment de dissociation, entre la rĂ©alitĂ© de cette relation sentimentale, car j’avais des sentiments pour elle contrairement Ă  ce qu’elle a cru ou eu besoin de croire, et sa soudainetĂ©.

 

Les rencontres via les sites abrègent beaucoup la durĂ©e du temps de rencontre. Si certaines personnes sont des adeptes du coup de foudre ou des rencontres flash, j’ai plutĂ´t besoin d’une certaine « maturation Â» de la rencontre et du sentiment pour ĂŞtre « dans Â» l’histoire. Si j’avais Ă©tĂ© bien sĂ»r content de rencontrer mon ex de Meetic et que nous avions une rĂ©elle connivence, je crois, sur certains sujets, le fait d’avoir « obtenu Â» cette rencontre aussi improbable, aussi « facilement Â», m’a empĂŞchĂ© de me mettre dans les vraies conditions de la rencontre. Pour employer une image grossière, une fois la rencontre faite, j’avais sans doute l’impression que notre relation Ă©tait une pĂ©niche, qu’il y avait le temps. Alors que j’étais sur un hors bord.

 

Je fus aussi très étonné par le gâchis fait par ces usagères du site soit par manque de sincérité ou par manque de maturité. Car le côté supermarché des sites de rencontre vaut aussi pour les femmes. Ce ne sont pas seulement certains hommes qui vont sur les sites de rencontres comme on se rend dans un supermarché.

Paris. Photo©️Franck.Unimon

Les croyances d’un vieux à propos des rencontres

 

Près de quinze années environ après mon expérience Meetic, la lecture facile et plaisante de l’ouvrage de Judith Duportail confirme mes anciennes impressions. Et, cela ne me donne pas du tout envie de retourner faire le mur un jour sur un site de rencontres.

Aujourd’hui, pour rencontrer quelqu’un, je recommanderais plutĂ´t le cercle de connaissances et d’amis ; la dĂ©couverte de nouvelles associations ou de clubs culturels sportifs ; le lieu de travail ou les voyages ; ou la frĂ©quentation rĂ©pĂ©tĂ©e de tout endroit qui permet des rencontres sociales et personnelles viables, agrĂ©ables et autres que celles que l’on connaĂ®t dĂ©ja.

Je connais par exemple un couple qui s’est formé dans mon club d’apnée. Tous deux séparés de leur côté, chacun mère et père. Je sais qu’elle, qui faisait au départ de la plongée dans le club a ensuite rejoint la section apnée lorsqu’elle l’a aperçu. C’est elle qui me l’a raconté.

 

 

Mais avant toute rencontre, il y a d’abord le prĂ©alable indispensable d’être d’abord vĂ©ritablement « disposĂ© Â» pour s’engager dans une relation intime. Parce-que si l’on a peur de partager son intimitĂ© ou si l’on prĂ©fère conserver exclusivement son territoire Ă  soi et pour soi, on peut rencontrer un certain nombre de personnes tout Ă  fait recommandables et très bien s’arranger pour leur tourner leur dos ou les dissuader de s’approcher.  

 

Je crois que ces dernières précautions restes valables même si l’on préfère ou si l’on ajoute les sites de rencontres, les forums ou les réseaux sociaux pour accroître ses chances de rencontrer quelqu’un et ainsi déjouer l’algorithme de l’accablement sentimental.

 

Franck Unimon, ce lundi 24 octobre 2022. 

 

 

 

 

 

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Rien ne dure vraiment longtemps, un livre de Matthieu Seel

Rien ne dure vraiment longtemps, un livre de Matthieu Seel.

 

Matthieu Seel, le métis adopté, a été la voix de la série podcast Crackopolis. Dans cette série, il racontait le hijack que peut-être le crack en plein Paris, en outre dans le 19ème arrondissement où il a d’ailleurs grandi et où, plus jeune, il avait eu Peter Chérif et les frères Kouachi comme copains de primaire et de collège.

 

Certains veulent voir, Matthieu Seel a tout vu sauf l’histoire de ses origines dont les barreaux, par condensation, lui résistent. C’est peut-être pour cette histoire qu’il ne connaît pas qu’il commence par fumer des paquets de joints dès l’âge de dix puis qu’il finit, plus tard, par consulter le caillou.

 

Matthieu Seel ne nous raconte pas tout. Pour cela, il faudrait absolument se souvenir et il a aussi besoin d’oublier. Mais il y en a assez pour dix dans ce qu’il nous dit. Celle ou celui dont la vie dĂ©vie pour dealer et pour attraper du caillou se surpasse jusqu’à un point culminant qui se dĂ©place sans cesse et qui est Ă  peine imaginable.  

 

Il y a des existences beaucoup plus simples et beaucoup plus reposantes. Mais pour cela, il faut ĂŞtre assez robot. Matthieu Seel n’en n’est pas un et il connaĂ®t difficilement le repos depuis assez tĂ´t. Artiste photo un temps, vivant la nuit, il finit par vendre son appareil et par connaĂ®tre des journĂ©es de 96 heures sans dormir lorsque le crack est devenu son mĂ©tronome. Combien de personnes, ou plutĂ´t de formes, a-t’il rencontrĂ©es parmi lui et qui, comme lui, pointaient vers les mĂŞmes usages ? De toute façon, ces formes de rencontres ne tenaient pas.

 

Sa mère ( adoptive) fait partie de celles et ceux qui ont tenu. Et, je comprends qu’une Virginie Despentes ait cru en lui pour ce livre car il aurait pu avoir un rôle dans son film Baise moi. Comme je comprends aussi qu’une personnalité comme Slimane Dazi soit ce parrain qu’il remercie, ainsi que beaucoup d’autres, à la fin de son livre. J’aurais été beaucoup plus étonné si Guillaume Canet ou André Dujardin l’avait parrainé.

 

Dans Rien ne dure vraiment longtemps , sorti en septembre 2022, Seel raconte les mauvais passeurs d’histoires, les arnaques, les guet-apens, l’entraide, la survie dans la rue, les Ă©checs sentimentaux, la paranoĂŻa, sa famille, l’hĂ´pital, les tentatives de sevrage Ă  Pierre Nicole, le centre thĂ©rapeutique de la Croix Rouge, et Ă  Marmottan ( La ferveur de Marmottan). EduquĂ©, autodidacte, il est loin d’être idiot. D’autres sont comme Matthieu Seel mais leurs mots, leur nom et leur visage ne nous parviendront pas.

 

 

Franck Unimon, ce mardi 18 octobre 2022.

 

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Les Argonautes, un livre de Maggie Nelson

Les Argonautes, un livre de Maggie Nelson.

 

 

Maggie Nelson est une femme de l’être. Debout dans mon train, que j’ai attrapé de justesse, alors que je suis en transit entre ma ville de banlieue parisienne et la gare de Paris St Lazare, je me répète cette phrase.

 

Maggie Nelson est une femme de l’être.

 

D’après sa photo en mĂ©daillon au dĂ©but du livre, Maggie Nelson est l’AmĂ©ricaine « typique Â», blonde, yeux clairs, regard direct, sourire Ă©vident, plutĂ´t jolie, svelte, fit.

 

Cette fille, née en 1973, respire la vie.

 

Mais les Etats-Unis, c’est de lĂ  que « vient Â» Maggie Nelson, est aussi le pays des positions extrĂŞmes. Et, Maggie nous jette dans le refrain de ses extrĂŞmes dès la première page de son livre coupĂ©e en deux. Une partie autobiographique oĂą elle nous encule en nous parlant de son Amour pour son compagnon Harry, nĂ©e femme, père d’un petit garçon. Puis, une autre, thĂ©orique ou conceptuelle, oĂą elle nous parle de Wittgenstein :

 

« Avant notre rencontre, j’avais consacrĂ© ma vie Ă  l’idĂ©e de Wittgenstein selon laquelle l’inexpressible est contenu – d’une manière inexpressible ! dans l’exprimĂ© (….) Â».

 

C’est ce que l’on appelle ĂŞtre une fille bordĂ©e par une cĂ©rĂ©bralitĂ© plutĂ´t exacerbĂ©e. Et, dès ce passage, l’intellectualitĂ© poing fermĂ© de Maggie Nelson me bouscule. Son compagnon Harry a donc vraiment quelque chose de particulier pour avoir non seulement pu la rendre hautement amoureuse mais aussi pour ĂŞtre capable de lui donner la rĂ©partie lors de leurs dĂ©bats. Car, durant son livre de plus de deux cents pages, Maggie Nelson va alterner avec des passages de sa vie et des rĂ©fĂ©rences poussĂ©es aux Ĺ“uvres de diverses personnalitĂ©s pour nous parler d’identitĂ©, de « genre Â», du « queer Â», de « binaritĂ© Â», « non-binaritĂ© Â» mais aussi de la famille, de la norme, l’Amour, de la solitude, du deuil, de la sexualitĂ©, du couple, du mariage, de la parentalitĂ©, de la grossesse et de la maternité… :

 

Eula Biss, Deleuze, Eve Kosofsky Sedgwick, Susan Fraiman, Lee Edelman, Michel Foucault, Judith Butler, Anne Carson, Luce Irigaray, D.W Winicott, Pema Chödrön, Leo Bersani, Elizabeth Weed, Susan Sontag, Jane Gallop, Rosalind Krauss, Jacques Lacan, Janet Malcolm, Kaja Silverman, Eileen Myles, Beatriz Preciado, Alice Notley, Audre Lord, Deborah Hay, Sara Ahmed, Roland Barthes ….

 

Les travaux mais aussi les noms de ces auteurs et de ces personnalités sont sûrement familiers à des universitaires comme Maggie Nelson entraînés à les triturer ainsi qu’à celles et ceux dont la vie personnelle requiert la compréhension et la connaissance des ouvrages de ces personnalités. Maggie Nelson et son compagnon Harry sont de ces personnes qui possèdent cette double caractéristique.

 

Pour ma part, jusqu’à maintenant, j’ai plutĂ´t vĂ©cu Ă  cĂ´tĂ© de l’expĂ©rience de toutes ces personnalitĂ©s. Aussi, en lisant  Les Argonautes, j’ai connu bien des absences de comprĂ©hension. Bien des fois, il m’aurait presque fallu, comme lorsque l’on fait des mots croisĂ©s, un endroit oĂą l’on peut trouver et vĂ©rifier les bonnes rĂ©ponses.  Cela ne figure pas dans Les Argonautes. Pour cette raison, sa lecture m’a Ă©tĂ© difficile et m’a pris du temps.

 

Plus de deux mois. Et, je préfère (me) dire que j’ai peu compris ce que Maggie Nelson a pu extraire des diverses réflexions de ces auteurs qu’elle cite plutôt que de me ridiculiser en affirmant m’y être senti comme chez moi. Et d’ouvrir le gaz alors que je crois allumer la lumière. Première conclusion immédiate, jamais, je n’aurais pu convenir à une Maggie Nelson et la séduire.

 

La tranche autobiographique de Les Argonautes, elle, m’a par contre Ă©tĂ© plus « facile Â» Ă  suivre, page 37 :

 

« (….) Mon beau-père avait ses dĂ©fauts, mais tout ce que j’avais pu dire contre lui est revenu me hanter, maintenant que je sais ce que c’est que de se tenir dans cette position, d’être tenue par elle.

Quand tu es une belle-mère, peu importe Ă  quel point tu es merveilleuse, peu importe l’amour que tu as Ă  donner, peu importe Ă  quel point tu es mĂ»re ou sage ou accomplie ou intelligente ou responsable, tu es structurellement vulnĂ©rable Ă  la haine ou au mĂ©pris ; et il y a si peu de choses que tu puisses faire contre ça, sinon endurer et t’employer Ă  cultiver le bien-ĂŞtre et la bonne humeur malgrĂ© toute la merde qui te sera balancĂ©e Ă  la gueule Â».

 

Je lisais encore Les Argonautes, je crois, lorsque je suis allé voir le film Les enfants des autres de Rebecca Zlotowski. Le personnage interprété par l’active actrice Virginie Efira ( inspiré de la vie personnelle de la réalisatrice) se reconnaîtrait dans ce passage.

 

Le rôle joué par Virgine Efira dans Les enfants des autres est celui d’une femme qui ne peut pas ou ne peut plus enfanter mais qui est disposée à (se) donner son amour maternel à la fille de celui qu’elle aime, interprété par l’acteur Roschdy Zem.

 

Maggie Nelson, elle, est aimĂ©e de Harry qu’elle n’a pas Ă  partager avec un ex ou une ex. Et, elle est aussi une Ĺ“uvre d’endurance et de bien-ĂŞtre. Entre son rĂ´le de fille qui a perdu son père, de belle-mère du fils de Harry, de compagne amoureuse qui entoure son mari (Harry) « en cours de transition Â», de personne et d’universitaire queer qui refuse de faire la retape de la norme patriarcale et hĂ©tĂ©rosexuelle puis de femme qui, la trentaine passĂ©e, aspire Ă  devenir mère en recourant Ă  l’insĂ©mination artificielle, Maggie Nelson porte beaucoup.

 

Y compris, je trouve, une partie de la « masculinitĂ© Â» de son mari, Harry Dodge, un artiste, qui est pourtant avant leur rencontre une personne qui s’affirme dĂ©jĂ  comme un homme.

Cependant, Maggie Nelson nous parle de Harry de telle façon que nous voyons un homme, chaque fois qu’elle le mentionne. Avant mĂŞme que celui-ci ne soit opĂ©rĂ© et lorsqu’elle nous raconte ensuite lui faire ses injections de testostĂ©rone. En cela, et je peux imaginer que cela pourrait dĂ©plaire au couple que forment Harry et Maggie, il me semble que Maggie Nelson, en tant que « femme Â», contribue aussi Ă  faire de sa moitiĂ© un homme. Son regard et sa pensĂ©e de femme sur sa moitiĂ© (Harry) me fait un peu l’effet du pollen sur la fleur.

 

PhĂ©nomène plutĂ´t courant, finalement, car la biologie ne peut se suffire Ă  elle-mĂŞme pour former ou Ă©tablir des rĂ´les durables entre ĂŞtre humains :

Il ne suffit pas d’être une femme et un homme biologiquement fertiles pour ĂŞtre instinctivement mère et père lorsque le bĂ©bĂ© naĂ®t. Il faut aussi suffisamment de volontĂ©  mais aussi la capacitĂ© ou la soliditĂ© Ă©motionnelle et affective pour l’être.

 

A la fin de son livre, Maggie Nelson nous le démontrera autrement que théoriquement en nous parlant des parents biologiques de Harry que celui-ci recherchera. Harry, vers la trentaine, retrouvera sa mère biologique, lesbienne séparée de son père, ainsi qu’un de ses frères resté vivre avec leur père, décrit comme un homme violent. On apprendra qu’Harry, née fille, éduquée avec amour par ses parents adoptifs, s’en est bien mieux sorti, que son frère ( élevé par leur père biologique) devenu toxico cumulant les incarcérations, et, sans doute, leur propre mère biologique.

 

 

La pensée très technique de Maggie Nelson, lorsqu’elle cite certains auteurs, m’a plusieurs fois distancé mais elle m’a, aussi, plus d’une fois averti.

Lorsqu’elle parle du film X-Men, le commencement, regardĂ© avec Harry, on voit par exemple ce film commercial grand public, inspirĂ© de comics amĂ©ricains lus par des millions d’enfants et d’adolescents de par le monde depuis plusieurs gĂ©nĂ©rations, autrement que comme nous pousse gĂ©nĂ©ralement Ă  le faire, la pensĂ©e « mainstream Â», superficielle et hĂ©tĂ©ro.

 

A la fin de Les Argonautes, l’autobiographique et un certain humour prennent le dessus comme elle nous raconte sa grossesse puis son accouchement et sa maternitĂ©, concomitante, avec  la « testostĂ©ronisation Â» d’Harry. Il est alors très drĂ´le de voir Harry adopter certains traits caricaturaux prĂŞtĂ©s aux hommes. Des traits dont bien des femmes « fĂ©ministes Â» se plaignent.

 

Et, paradoxalement, alors que Maggie Nelson, durant tout son livre,  s’est opposĂ©e- avec Harrry- Ă  certaines normes de genre, on peut se demander si ĂŞtre une femme et un homme se rĂ©sume Ă  une somme d’hormones, page 206 :

 

« (….) J’ai une phobie de la salle de bain. Jessica veut sans cesse que je fasse pipi, mais m’asseoir ou m’accroupir est impensable. Elle me rĂ©pète que je ne peux pas arrĂŞter les contractions en restant immobile, mais je pense que je peux. Je suis allongĂ©e sur le cĂ´tĂ©, je serre la main de Harry ou celle de Jessica. Debout comme pour danser un slow avec Harry, je fais pipi sans le vouloir, puis encore une fois dans le bain, oĂą des secrĂ©tions de mucus rouge sombre commencent Ă  flotter. Incroyable : Harry et Jessica se commandent de la nourriture et mangent Â».

 

Les Argonautes, paru en 2015 dans sa version originale, publié en Français en 2017, est un livre qu’il faut prendre le temps de lire et de relire.

 

Franck Unimon, ce mardi 18 octobre 2022.

 

 

 

 

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Jeux de pouvoir, un livre de Mathieu Gallet ( ancien dirigeant de Radio France en 2014-2018)

                                             Jeux de pouvoir un livre de Mathieu Gallet

 

 

C’est un livre à relire.

 

Pour qui a entendu parler des PrĂ©sidents de la RĂ©publique François Hollande, Emmanuel Macron ( et sa femme Brigitte Macron), des Ministres Fleur Pellerin, AurĂ©lie Filippeti, FrĂ©dĂ©ric Mitterrand, Manuel Valls, François Bayrou. De l’ancien maire de Marseille (et sĂ©nateur) Jean-Claude Gaudin. D’autres personnalitĂ©s politiques et mĂ©diatiques françaises. Des notes de taxi G7 de l’affaire « Saal Â». Du journal Le Canard EnchainĂ©. De MĂ©diapart.

 

Pour qui veut ou voudrait « rĂ©ussir Â».

 

Mathieu Gallet nous était devenu très familier lorsqu’il était alors le jeune dirigeant (même pas 40 ans) de Radio France de 2014 à 2018. Laquelle Radio France connaissait une grave crise sociale sans précédent dont Mathieu Gallet avait été tenu pour le principal responsable.

 

Gallet avait le « profil Â» de ces jeunes ambitieux arrivĂ©s vite Ă  de très hautes fonctions et dont le principe actif est de promouvoir leur carrière avant tous et malgrĂ© tout.

 

Dans son Jeux de pouvoir, Mathieu Gallet nous parle de tout « Ă§a Â» et de ces Ă  cĂ´tĂ©s que nous ne connaissons pas. « Nous Â», c’est officiellement le grand public. Et aussi, un  « peu Â», certaines personnes qui ont Ă©tĂ© directement concernĂ©es par ces sujets abordĂ©s par lui dans son ouvrage. Des personnes qu’il cite par leur nom et leur prĂ©nom. Ce qui nous permet rapidement d’identifier la plupart d’entre eux en 2022 en lisant son ouvrage considĂ©rĂ© comme un document par les Ă©ditions Bouquins.  

 

 

Jeux de pouvoir est paru en Mai 2022. J’avais Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© d’apprendre que la librairie de ma ville de banlieue pourtant proche de Paris (Argenteuil) Ă©tait dans l’impossibilitĂ© de m’en commander un exemplaire. Je me suis alors imaginĂ© que son livre dĂ©rangeait encore certaines « personnes Â» quelques annĂ©es plus tard. Et qu’il y avait donc, dedans, un Savoir peu courant. Puisqu’aujourd’hui, Mathieu Gallet fait beaucoup moins parler de lui que lorsqu’il Ă©tait jeune dirigeant de Radio France sous la prĂ©sidence de François Hollande puis au dĂ©but de la prĂ©sidence d’Emmanuel Macron.

 

Aujourd’hui, Mathieu Gallet n’évoque plus grand chose pour le grand public  comme entre 2014 et 2018.

 

A « l’époque Â», entre 2014 et 2018, pour moi, Mathieu Gallet aurait tout aussi bien pu ĂŞtre… Martin Hirsch. Dans son Jeux de pouvoir, Gallet ne mentionne pas, je crois, ( il me reste 90 pages Ă  lire pour le terminer) Martin Hirsch. Puisque lui, Gallet, exerce alors dans la Culture tandis que Hirsch (Ă  partir de fin 2013 jusqu’en juin 2022) exerce dans « la Â» SantĂ©.

Mais le portrait de Gallet dans Le Canard EnchainĂ© (dont je lis des articles depuis des annĂ©es) me le rendait proche de ces Ă©nièmes dirigeants de l’AP-HP ( ce qu’était alors Martin Hirsch) quittant leurs fonctions paisiblement en laissant plein de gravats après leurs entreprises de dĂ©molition ainsi que beaucoup de merde dans les chiottes sans tirer la chasse. 

 

L’ouvrage de Gallet est-il une entreprise de dĂ©molition dĂ©livrant plein de merde, aussi, sur la tĂŞte de certaines des personnalitĂ©s qu’il nomme ?

 

Je peux comprendre que certaines de ces personnalitĂ©s (au sens oĂą ce sont des personnes « connues Â», « rĂ©putĂ©es Â»,  mĂ©diatisĂ©es et dont l’image que l’on se fait d’elles peut assurer ou dĂ©truire la suite de leur carrière) voient Jeux de pouvoir de cette manière. Gallet donne ses explications et celles-ci sont lisibles et plutĂ´t bien argumentĂ©es. Il lui a Ă©tĂ© ou sera reprochĂ© de « donner Â» certains noms de ces personnalitĂ©s qu’il critique. Mais, pour moi, c’est aussi parce qu’il donne ces noms et prend donc le risque d’être attaquĂ© en justice en cas de diffamation que son livre acquiert d’autant plus de valeur et de lĂ©gitimitĂ©.

 

Son Jeux de pouvoir est donc un livre à relire. Car ce qu’il écrit est selon moi une photographie de ce qui peut exister dans tout milieu policé, instruit et privilégié où se déroulent….des jeux de pouvoir qui échappent complètement à l’entendement du citoyen lambda.

 

Des jeux de pouvoir, pourtant, qui se répliquent ou peuvent se répliquer à l’infini, dans toutes les institutions d’une société.

 

A mon avis, ce que Mathieu Gallet raconte, existe aussi dans d’autres milieux dont on parle beaucoup moins ou peu. Quotidiennement. Là où évoluent tous les gens lambda, très éloignés et très oubliés de celles et ceux que l’on n’oublie pas.

 

Gallet parle de son homosexualitĂ© assumĂ©e ( il revendique seulement le droit Ă  l’indiffĂ©rence). Et du tort qu’a pu lui causer la rumeur de sa liaison avec Emmanuel Macron, alors candidat aux PrĂ©sidentielles avant sa première Ă©lection (nous sommes dĂ©sormais sous le deuxième mandat prĂ©sidentiel d’Emmanuel Macron). En le lisant, on remarque Ă  nouveau Ă  quel point certaines Ă©preuves très difficiles ne durent pas. Aujourd’hui, je me demande qui pense encore Ă  cette rumeur. Et, pour ma part, j’avais assez peu fait attention Ă  cette rumeur lorsqu’elle Ă©tait mĂ©diatisĂ©e. Mais je comprends que pour Gallet, alors très mĂ©diatisĂ©, dont la vie privĂ©e et professionnelle Ă©tait très exposĂ©e, cette rumeur se soit muĂ©e en supplice supplĂ©mentaire. Et du supplice, on arrive assez vite au prĂ©cipice.

 

Son livre m’a t’il rendu Mathieu Gallet plus sympathique et plus humain ?

 

Plus humain et plus proche, oui. Sympathique ? Je ne rencontrerai probablement jamais Mathieu Gallet pour savoir s’il m’est sympathique.

 

Car lui et moi, nous ne sommes pas du même monde. Moi, je me suis coupé du monde, d’un certain monde de la « réussite », là où lui a décidé, puis su et pu s’y propulser. C’est aussi ça que je lis dans son livre et que je me suis pris, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, en pleine figure. Même si Gallet (comme beaucoup d’autres) n’y est pour rien.

 

Dans Jeux de pouvoir, Gallet dit, aussi, avoir dĂ» surmonter le fait d’avoir des origines sociales moyennes et de venir de province. Mais aussi que son homosexualitĂ© a pu ĂŞtre un obstacle Ă  sa rĂ©ussite. Mais je constate, que mĂŞme en province, Ă  Bordeaux, il a fait « les Â» bonnes voire les «très bonnes Â» Ă©tudes :

Hypôkhagne. Sciences Po…

 

Bordeaux, ce n’est pas Paris, c’est vrai. Surtout que Gallet a Ă©tudiĂ© dans le Bordeaux d’avant le TGV qui emmène Ă  Paris en deux heures. Et qu’il existe Ă  Paris une concentration d’élites dans des univers fermĂ©s oĂą beaucoup se dĂ©cide et se choisit. Des univers concentrĂ©s, exclusifs et fermĂ©s dont, moi, le banlieusard parisien de naissance et d’extraction, de classe moyenne, noir et d’origine antillaise, je n’ai aucune idĂ©e. Donc, les principes de LibertĂ©, EgalitĂ©, FraternitĂ©, pour moi et beaucoup d’autres, se sont sans doute souvent, dès mon enfance, rĂ©sumĂ©s Ă  l’équivalent de ces annonces publicitaires ou de ces bandes annonces que l’on regarde dans les salles de cinĂ©ma avant la projection du film. Il n’est pas nĂ©cessaire de venir de province pour vivre ça. 

 

Mais, pour moi, Gallet ( qui ne s’en rend peut-ĂŞtre pas toujours compte ) a d’autres atouts qui lui ont permis de « rĂ©ussir Â». MĂŞme s’il vit- encore- mal le fait d’avoir dĂ» quitter la direction de Radio France et les divers avantages qui vont avec  :

 

Je ne perçois pas dans son livre le fait qu’il ait dĂ» se battre contre sa famille pour faire ses hautes Ă©tudes, peu courantes dans sa famille. Et, il fait bien, aussi, de nous apprendre « qu’un »  Emmanuel Macron ( « Notre » PrĂ©sident de la RĂ©publique pour la deuxième fois de suite) a grandi dans une famille de catĂ©gories sociales professionnelles supĂ©rieures. Emmanuel Macron Ă  qui Gallet a pu ĂŞtre comparĂ© : Des jeunes ambitieux qui font de très bonnes carrières. Comme Gallet fait bien de souligner qu’il a fait de moins bonnes Ă©tudes que Macron. 

Mais je n’ai pas l’impression que Gallet ait eu Ă  travailler Ă  cĂ´tĂ© dans un mĂ©tier Ă©reintant pendant qu’il Ă©tudiait. J’ai plutĂ´t l’impression, aussi, qu’il a toujours Ă©tĂ© aimĂ© chez lui et eu une enfance et une adolescence plutĂ´t « libre Â» y compris d’un point de vue amoureux. Ses histoires d’Amour ne me font pas penser Ă  celle que j’ai pu apercevoir, un jour, d’une jeune fille et d’un jeune garçon, obligĂ©s de se cacher, dans ma ville, Ă  Argenteuil, ville situĂ©e Ă  une dizaine de kilomètres de paris, en haut d’un toboggan, alors qu’il faisait nuit, pour se parler en cachette.

 

Enfin, Gallet, pour moi, c’est aussi un homme qui sait sĂ©duire. Si Gallet Ă©voque son lĂ©ger strabisme ( perceptible sur la couverture de son livre) qui lui a sans doute valu des quolibets et des humiliations, dans l’enfance et plus tard, Gallet sait indĂ©niablement sĂ©duire.

Et, la sĂ©duction, qui plus est si elle est adossĂ©e Ă  l’ambition mais aussi Ă  une certaine combattivitĂ©,  pour moi, c’est un atout supplĂ©mentaire pour « rĂ©ussir », Ă©tudes ou non. HomosexualitĂ© ou pas.

Car, mise au service de l’ambition et escortĂ©e par une certaine combativitĂ© ( voire par une colère enfouie peut-ĂŞtre pour avoir vĂ©cu, plus jeune, certaines humiliations) la capacitĂ© de sĂ©duire, le fait de sĂ©duire, de plaire, la sĂ©duction, n’a ni âge, ni sexe, ni genre, ni frontière, ni parti politique, ni date, ni règle, ni principe, ni limite.

Si l’on sait sĂ©duire, et que l’on est ambitieux et combattif, on peut arriver Ă  des endroits ou Ă  des postes qui, « en principe Â», auraient dĂ» ou auraient pu Ă©choir Ă  d’autres.

 

Et, je crois que Gallet est une très bonne illustration de ce que la capacitĂ© de sĂ©duction sociale, dans ces conditions, peut permettre d’obtenir.

 

Je ne remets pas en question l’étudiant ou le gros travailleur qu’est Mathieu Gallet. Je souligne simplement que ses « compĂ©tences Â» personnelles pour sĂ©duire lui ont aussi permis d’aller au delĂ  de ce qu’il avait sans doute pu imaginer lui-mĂŞme au dĂ©part de son existence et de sa conscience.

Comme Emmanuel Macron. Comme beaucoup d’autres. En politique ou ailleurs.

 

Jusqu’au moment oĂą l’on plait moins Ă  d’autres et que ceux-ci disposent, aussi, de suffisamment de pouvoir pour nous faire descendre de notre piĂ©destal. Ce n’est pas une question de compĂ©tences. Ni de droiture morale. Et surtout pas de Justice.  Mais d’avoir su plaire Ă  qui il fallait au bon moment, de la bonne façon et au bon endroit.

 

Dans son livre, Gallet nous parle aussi de toutes ces personnes importantes Ă  qui il a su plaire. Dont il s’est fait des amis. Cela fait du « monde Â». Il est difficile de faire moins mondain que Gallet lorsqu’il nomme certaines personnalitĂ©s qu’il compte parmi ses proches. Mais, aussi, lorsqu’il narre certains de ses voyages et visites. Au passage, il nous fait bien comprendre, aussi, qu’en matière de Culture, il s’y connaĂ®t. Contrairement Ă  une Fleur Pellerin, ancienne Ministre- peu probante- de la Culture, avec laquelle il a Ă©tĂ© en conflit alors qu’il Ă©tait dirigeant de Radio France.

 

 

Même si je n’ai pas encore terminé Jeux de pouvoir, sa lecture me plait. Mais je doute que mon plaisir de lecture n’apporte quoique ce soit de plus à un Mathieu Gallet ainsi qu’à celles et ceux qui lui ressemblent étant donné ce qu’ils savent déjà et ont appris bien avant moi.

 

Aussi, j’espère que ce livre m’apportera quelque chose et qu’il apportera aussi à d’autres.

 

Franck Unimon, ce dimanche 21 aout 2022.

 

 

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Les Couilles sur la table, un livre de Victoire Tuaillon. 2ème partie. Ego Trip.

Au Spot 13, 15 janvier 2022. Photo©️Franck.Unimon

Les couilles sur la table, un livre de Victoire Tuaillon, 2ème partie : ego trip.

 

Cet article est la suite de Les couilles sur la table, un livre de Victoire Tuaillon. Premières parties

 

Ego Trip :

 

Je crois que nous aimons ces instants où nous retrouvons en nous des endroits faits sur mesure où l’on se sent à l’abri de tout. Ces endroits sont ce qui restent des meilleurs moments de nos origines. Et nous sommes contents, ou heureux, qu’ils soient toujours là malgré les épreuves et le temps passé ou traversé.

 

Il n’est pas nécessaire d’aller très loin, de soulever de très lourdes haltères ou d’avoir recours à des substances chimiques pour parvenir à ce genre d’endroit, ce genre d’état et d’instant.

 

Ecouter ou entendre un titre de musique. Une simple promenade. Un « voyage Â» dans un mĂ©tro ou dans un train. Un parfum. Un regard. Une impression. Un sentiment.

Au Spot 13, 15 janvier 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

 

Chacun a sa « recette Â» ou ses « trucs Â». Certains y arrivent plus facilement et plus frĂ©quemment que d’autres. Nous sommes souvent des exilĂ©s de nous-mĂŞmes. AmenĂ©s Ă  faire certaines compromissions. ObligĂ©s d’accepter de multiples contraintes. Et la « rĂ©compense Â» n’est pas toujours au bout de nos – très nombreux et très oubliables â€“ efforts.

 

On pourrait penser que notre existence consiste Ă  pousser de bout en bout afin d’accoucher de nous-mĂŞmes. Sauf que la date prĂ©vue pour notre accouchement et notre vĂ©ritable dĂ©livrance est un mystère et peut, finalement, se rĂ©sumer Ă  l’heure et Ă  la date du constat de notre mort cĂ©rĂ©brale et mĂ©dicale :

 

On peut très bien satisfaire à nos très nombreuses obligations de toutes sortes. Etre une personne plus ou moins impliquée et exemplaire compte-tenu de toutes ces obligations familiales, économiques et sociales et, dans les faits, ne jamais avoir véritablement accouché de soi-même.

 

Une histoire d’Amour nous offre la possibilitĂ©, pendant quelques temps «  de retrouver en nous ces endroits faits sur mesure oĂą l’on se sent Ă  l’abri de tout…. Â». Et, pendant un temps, nous allons vivre ça avec quelqu’un d’autre, le plus longtemps possible, nous l’espĂ©rons.

 

Au spot 13, l’artiste ClĂ©ment Herrmann, ce 22 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Ce que j’écris, là, n’a rien d’exceptionnel. D’autres l’ont écrit et vont l’écrire beaucoup mieux que moi.

 

Selon moi, Ă  condition bien-sĂ»r de rencontrer d’abord quelqu’un dont les sentiments et le dĂ©sir sont rĂ©ciproques, il n’y a rien de plus de simple que de tomber amoureux de quelqu’un et de ressentir du dĂ©sir pour lui ou elle, peu importe son genre. Pourtant, ce sujet de la « rencontre Â» est, Ă  mon avis, un des thèmes qui manque dans l’ouvrage de Victoire Tuaillon ainsi que dans celui de Mona Chollet (RĂ©inventer l’Amour) : J’ai lu RĂ©inventer l’Amour de Mona Chollet . 

 

Je trouve que l’une comme l’autre escamote un peu trop ce sujet de la rencontre. Car avant toute histoire d’Amour, il y a nécessité d’une rencontre. Que celle-ci soit spirituelle, physique ou autre. Il me semble que notre rapport à la rencontre de quelqu’un d’autre a de grandes incidences pour la suite d’une histoire d’Amour.

 

 

Le sujet de la rencontre

 

Dans le film documentaire Inna de Yard : The Soul of Jamaica  rĂ©alisĂ© en 2018 par Peter Webber, Ken Boothe, une des grandes vedettes du Reggae JamaĂŻcain montrĂ©es dans le film, dit Ă  un moment  qu’il s’est longtemps comportĂ© comme un « campagnard Â» alors qu’il avait dĂ©jĂ  du succès ( un succès mondial).

Ken Boothe est originaire d’un milieu social modeste, voire pauvre en JamaĂŻque. Lors de sa première compĂ©tition de chant toujours en JamaĂŻque, il Ă©tait très timide. Au point de fermer les yeux pour chanter face au public. La compĂ©tition Ă©tait très dure. Se retrouver face Ă  un public. Et, cette compĂ©tition comptait d’autres candidats, qui, comme lui, espĂ©raient pouvoir s’extraire de la misère, mais aussi de la violence, par le chant et la musique. Aujourd’hui, ce sont les Rappeuses et les rappeurs qui s’en « sortent Â» qui ont ce genre de parcours. Comme bien des chanteuses et des chanteurs de Rock avant eux.

 

En se qualifiant de « Campagnard Â», Ken Boothe Ă©voquait en fait ses grandes difficultĂ©s pour pratiquer les urbanitĂ©s sociales :

 

Cette aptitude nĂ©cessaire, lorsque l’on veut rĂ©ussir, Ă  entrer en relation avec les personnes qui comptent dans un certain milieu. A Ă©tablir avec elles une sorte de contact ou de « connexion Â» qui va leur donner envie de nous aider Ă  dĂ©velopper notre carrière.

 

Pour l’anecdote, et pour rester encore un peu en Jamaïque, l’athlète jamaïcain Usain Bolt, plusieurs fois recordman du monde et plusieurs fois champion olympique- et du monde- du 100 mètres et du 200 mètres, aujourd’hui à la retraite (alors que Ken Boothe continue de chanter) lui, est le contraire du garçon timide.

L’ancien athlète Usain Bolt, en plus d’avoir été le sprinteur le plus rapide du monde pendant plusieurs années, était à l’aise, lui, pour entrer en contact avec les personnes qui comptent parmi les officiels importants de l’Athlétisme mondial.

 

38 ans sĂ©parent Ken Boothe de Usain Bolt.  

 

On ne voit pas oĂą je veux en venir ? Je connais bien plus la carrière de Usain Bolt ( nĂ© en 1986) que celle de Ken Boothe dont j’avais dĂ©jĂ  entendu parler avant ce documentaire de Peter Webber. Pourtant, lorsque j’ai entendu Ken Boothe s’exprimer et se taxer de « campagnard Â», je me suis subitement beaucoup reconnu en lui.

Problème : nous Ă©tions alors en 2019. AnnĂ©e oĂą a Ă©tĂ© publiĂ© le livre Les Couilles sur la Table de Victoire Tuaillon, trentenaire. J’avais alors « dĂ©jĂ  Â» 51 ans, Ă©tais mariĂ© et père depuis quelques annĂ©es.

 

Je suis nĂ© Ă  Nanterre en 1968. Donc, on lit bien :

 

1968, annĂ©e en France de la « rĂ©volte Ă©tudiante Â», de la « rĂ©volution des mĹ“urs Â», du très profond bouleversement qui s’est opĂ©rĂ© dans la sociĂ©tĂ© française Ă  cette Ă©poque. En pleine pĂ©riode de dĂ©colonisation de l’Afrique et de l’Asie, des mouvements de contestation noire aux Etats-Unis, du mouvement hippie, des mouvements de libĂ©ration de la femme ; de la croissance Ă©conomique- et du plein emploi- dont on nous parle dans les manuels d’histoire.

Et si la ville de Nanterre, en 1968, a aussi Ă©tĂ© la ville des bidonvilles, elle n’en n’était dĂ©jĂ  pas moins une ville, du dĂ©partement des Hauts de Seine (le dĂ©partement le plus riche de France !) proche de Paris et du futur ou du dĂ©jĂ  existant quartier d’affaires de la DĂ©fense prĂ©sentĂ© comme un des plus grands, si ce n’est le plus grand quartier d’affaires d’Europe !

 

 

Ajoutons à cela que Ken Boothe, né en 1948, en Jamaïque, sûrement dans un quartier pauvre, donc dans des conditions nettement plus défavorisées que celles que j’ai pu connaître à ma naissance à Nanterre (de mes parents qui s’étaient exilés de leur Guadeloupe natale en 1966 et en 1967) a ni plus ni moins…l’âge de ma mère, également née en 1948.

 

Au spot 13, Paris, ce vendredi 22 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Par quel tour de passe-passe, moi, nĂ© en 1968 Ă  Nanterre, qui ai toujours vĂ©cu en ville, et qui a ensuite, après mes Ă©tudes d’infirmier, obtenu un DEUG d’Anglais Ă  la fac de Nanterre ( celle de 1968 !), j’ai pu, en 2019, m’identifier Ă  Ken Boothe nĂ© en 1948 dans un quartier dĂ©favorisĂ© de la JamaĂŻque plutĂ´t qu’à Usain Bolt, nĂ© en 1986 en JamaĂŻque, mais ( Ă  ce que j’ai compris) dans un environnement plus favorable que Ken Boothe ?!

 

 

La rĂ©ponse est simple et connue : la transmission. L’hĂ©ritage familial. Inconscient et conscient.

HĂ©ritage conscient : je sais d’oĂą viennent mes parents. Je suis dĂ©jĂ  allĂ© en Guadeloupe avec eux mais aussi sans eux. Je connais et comprends leur langue natale, le CrĂ©ole. Je mange antillais. J’écoute la musique antillaise de mes parents et danse sur la musique antillaise. Ces derniers jours, j’écoute rĂ©gulièrement des titres de musique Kompa datant des annĂ©es 70, une des fonderies de mon enfance.

HĂ©ritage inconscient : je n’imagine pas Ă  quel point les enseignements de mes parents, leurs modèles relationnels et leur façon de voir la vie et le monde, mĂŞme si j’ai pu et peux les critiquer ont pu et peuvent m’influencer. Voire, me conforter dans mes idĂ©es mais aussi dans mes prĂ©jugĂ©s et mes apprĂ©hensions.

 

Et nous sommes nombreux Ă  ĂŞtre dans ce genre de situation. On parle de « conflit de loyautĂ© Â». De « double lien Â». D’ambivalence. Tout cela fait partie du genre humain. Et cela nous conditionne beaucoup lors de nos rencontres avec les autres. Peu importe la sincĂ©ritĂ© de nos sentiments amoureux pour quelqu’un d’autre.

 

Au cinéma, j’ai pensé au film Nocturnal Animals réalisé en 2016 par Tom Ford. Dans ce film, Susan Morrow, galeriste d’Art à Los Angeles (l’actrice Amy Adams) a une position sociale forte dans le prolongement de son éducation et de ses origines sociales. Elle vit mariée avec un homme qui a également une situation sociale forte. Sauf que quelques années, plus tôt, Susan s’était détourné de son Amoureux de l’époque, Edward (l’acteur Jake Gyllenhaal) qui était plutôt du genre fauché et sans avenir économique bien défini….

 

Au spot 13, fin mars 2022. La deuxième oeuvre est de ClĂ©ment Herrmann en hommage Ă  l’Ukraine attaquĂ©e par l’armĂ©e militaire russe le 24 fĂ©vrier 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Concrètement, pour moi, une femme « française Â», c’est souvent une femme blanche, citadine qui fume des cigarettes ou/ et qui boit de l’alcool.

J’ai des amies françaises blanches, citadines, qui fument des cigarettes et qui boivent de l’alcool. J’ai pu ĂŞtre amoureux de femmes françaises qui fumaient des cigarettes (et ou/ du shit). Pourtant, le tabac et la consommation de l’alcool ne font pas du tout partie de mon « idĂ©al Â» fĂ©minin en termes de pratiques. Ni de mon Ă©ducation.

 

Comme on dit, on « s’adapte Â», on « s’accommode Â», on « Ă©volue Â». Par Amour. C’est vrai. Mais jusqu’à un certain point, seulement, Ă  mon avis. Car si, de notre cĂ´tĂ©, on est prĂŞt Ă  faire certains efforts vers l’autre qui diffère de nous. L’autre, elle ou lui, peut avoir moins d’aplomb pour faire le « grand Ă©cart Â» entre ses origines et nous.

Au spot 13, Paris, 28 avril 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Ce que je raconte est-il hors sujet ? Suis-je, ni plus, ni moins, en train de raconter ma vie une fois de plus alors que cela ne regarde personne et n’a aucun rapport avec le sujet du livre de Victoire Tuaillon ?

 

Moi, je crois que je suis bien dans le sujet du livre de Victoire Tuaillon comme de celui de Mona Chollet. Celui de la relation, celui du couple, celui de l’Amour. Seulement, si on « oublie Â» de parler de certaines de ces –grandes- Ă©tapes qui prĂ©cèdent une relation d’Amour, je me dis que c’est comme si on voulait envoyer une fusĂ©e dans l’espace en oubliant tout ce qui peut permettre la meilleure mise Ă  feu possible avec la meilleure trajectoire possible.

 

 

Le sujet de la rencontre est vaste. Dans la première partie de mon article, je revendiquais mon droit Ă  ĂŞtre, aussi, « Beauf Â», « pĂ©nible Â» et « lourdaud Â». Maintenant, je revendique mon droit Ă  ĂŞtre « campagnard Â» dans son sens pĂ©joratif :

Celui qui est vraiment « vieux jeu Â», conservateur, pas dans le coup,  terre Ă  terre, qui a des idĂ©es arrĂŞtĂ©es, rigide, pas drĂ´le. DĂ©primant.

 

Rien Ă  voir avec le profil festif, souriant et sautillant de plusieurs de mes compatriotes antillais ou de mes cousins africains et latins. Avec eux, au moins, on s’amuse bien. Bon, c’est vrai, ils ne sont pas très sĂ©rieux. Mais, au moins, c’est fun. Ils mettent de l’ambiance. Avec eux, c’est carnaval. On ne se prend pas la tĂŞte !

 

Alors qu’avec moi, on rĂ©flĂ©chit. On s’analyse et on se scrute en temps rĂ©el. Pas un fantasme inconscient ne doit Ă©chapper Ă  notre vigilance !

Au Spot 13, Paris, 22 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

 

Je suis un militaire de l’affectif et de la vie amoureuse. Le champ-adverse- est localisé. Et délimité. J’effectue des rondes régulières autour de lui.

 

Que l’on se rappelle bien de cette expression :

 

« Un militaire de l’affectif et de la vie amoureuse Â».

 

Parce-que cette expression va me servir plus tard.

 

 

Dans les faits, rencontrer quelqu’un n’est pas si simple que cela pour tout le monde.

 

 

Rencontrer quelqu’un : Aussi simple que lire une bande dessinĂ©e ?

 

Cet article doit avoir une fin pour des sujets qui, eux (l’Amour, les rencontres amoureuses, la vie amoureuse, la vie à deux ou à plus) sont sans fin pour un être humain. Je serai donc obligé de trancher et de passer sur certaines idées.

Mais je tiens à faire un petit retour en arrière.

 

 

En 2009, je dĂ©couvrais le monde de Riad Sattouf en allant voir comment il avait transposĂ© au cinĂ©ma sa bande dessinĂ©e :

 

Les Beaux Gosses.

 

J’avais déja 41 ans en 2009. Pourtant, dès les premières images, son film m’avait parlé. Et plu. Et fait rire. Parce-que j’ai eu l’âge de ses personnages ainsi que leurs inquiétudes.

J’écris « j’ai eu Â». Mais cette formulation au passĂ© est un piège cachĂ©. Ne l’oubliez pas. Car j’en reparlerai un peu plus tard.

 

En pensant Ă  la deuxième partie de cet article, je me suis rappelĂ© mes 13-14 ans lorsqu’avec un copain, j’avais discutĂ© de la bonne façon d’embrasser une fille. Je ne l’avais jamais fait. Du moins pas comme les « grands Â». J’avançais en âge et, Ă  13-14 ans, je me devais de dĂ©passer l’étape des bisous. Mais comment bien rouler une pelle Ă  une fille ? Comment savoir ? D’autant qu’il y avait cette certitude (qui persiste encore aujourd’hui, je trouve) que le garçon se doit de savoir.

 

Je me souviens encore de ce copain, X…., près d’une des grandes tours de notre citĂ© HLM Fernand LĂ©ger, Ă  Nanterre me dire que, lui, il savait ! Alors, je l’ai enviĂ©.

 

Moi, je ne savais pas. Evidemment, il n’allait pas me mettre sa langue dans la bouche pour me montrer. Il y avait comme une dĂ©faite pour moi, ce jour-lĂ . A me retrouver devant ce copain qui avait ce Savoir inestimable et indestructible. Alors que moi, je ne voyais pas comment faire pour l’obtenir Ă  mon tour. Apprendre Ă  rouler une pelle Ă  une fille, finalement, c’était un peu devenu l’équivalent d’apprendre Ă  faire du feu. Ne pas savoir le faire revenait Ă  se diriger vers une sorte de vie de perdition, de dĂ©chĂ©ance et de clochardisation. Comme si en parlant de quelqu’un que l’on avait connu dans le passĂ©, on  disait de lui :

 

«Lui, il a vraiment très très mal tournĂ©. Il ne sait mĂŞme pas comment emballer une fille. Le pauvre ! Â».

Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Aujourd’hui, je maintiens que même des adultes (femmes et hommes) peuvent être aussi embarrassés que je l’avais été à 13 ou 14 ans pour savoir comment embrasser une fille. Même avec ma mentalité de campagnard, j’ai appris que nos parcours personnels vers notre intimité corporelle mais aussi vers l’intimité de l’autre sont loin d’être aussi évidents que cela pour tout le monde. Malgré toutes les pubs ou peut-être justement parce-que toutes ces pubs dénudées, toutes ces images et ces œuvres visuelles érotiques, pornographiques ou suggestives pullulent dans notre environnement quotidien.

 

S’il était si simple que cela de rencontrer quelqu’un et de partager avec elle ou lui une intimité charnelle, émotionnelle, sentimentale et morale, toutes ces images érotico-pornographiques-suggestives, toutes ces discussions qui tournent autour de ces sujets et de ces fantasmes disparaîtraient d’eux-mêmes.

 

J’ai repensĂ© tout Ă  l’heure  Ă  une ancienne collègue, plus jeune que moi de quelques annĂ©es. Alors qu’elle allait bientĂ´t se marier, celle-ci m’avait appris qu’elle ne savait plus comment rencontrer quelqu’un. Alors que plus jeune, avant d’être en couple, Ă  l’écouter, elle « savait Â» comment faire pour rencontrer un homme. J’avais Ă©tĂ© intriguĂ© par sa remarque. Car je n’ai jamais eu l’impression de « savoir Â» en particulier comment m’y prendre pour rencontrer quelqu’un d’autre. J’ai connu ou connais des personnes qui « savent Â» rencontrer. Des personnes qui, foncièrement, restent rarement seules ou savent ne pas rester seules. Peu importe leur âge, leur sexe ou leur situation personnelle.

 

Spot 13, Paris, 15 juin 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Séduire

 

Car il y a le fait de rencontrer. Et le fait de séduire et de savoir séduire. Je ne connais pas la situation personnelle de Victoire Tuaillon ou de Mona Chollet dans le domaine de la séduction. Mais séduire et savoir séduire n’est pas donné à tout le monde. Et, comme le fait d’embrasser, de (bien) faire l’amour, de se donner du plaisir, l’action de séduire et de plaire ne s’apprend ni dans les manuels, ni à l’école. On peut bien avoir quelques conseils, certaines lectures. Mais c’est quand même toujours avec l’expérience que l’on apprend à bien le faire.

 

On se rappelle de Ken Boothe qui fermait les yeux lorsqu’il s’agissait de chanter devant un public pour sa première participation à une compétition de chant tant il avait peur d’échouer mais aussi des moqueries. On peut imaginer que bien des personnes peuvent être dans le même état de stress lorsqu’il s’agit d’essayer de séduire quelqu’un. Sauf que j’ai du mal à concevoir que l’on puisse plaire à quelqu’un si on se met à fermer les yeux alors qu’on lui parle ou que l’on entame une conversation avec elle ou lui.

 

Alors que pour d’autres personnes, sĂ©duire, plaire, est un jeu. C’est une action lĂ©gère et agrĂ©able qui agrĂ©mente le quotidien. J’ai connu quelqu’un, plutĂ´t sĂ©ducteur, qui m’avait racontĂ© avoir plaisir Ă  aller se balader dans le quartier du Marais, Ă  Paris, afin d’être draguĂ© et regardĂ© par des homos. J’aime plutĂ´t plaire. Mais chaque fois que je me suis rendu dans le Marais, cela n’a jamais Ă©tĂ© afin d’espĂ©rer allumer quelques homos de passage pour le « fun Â».

 

Lorsque le site de rencontres Meetic s’est imposĂ© comme la rĂ©fĂ©rence des sites de rencontres au dĂ©but des annĂ©es 2000, cĂ©libataire ayant du mal Ă  rencontrer, j’avais fini par accepter l’expĂ©rience. EncouragĂ© en cela par un copain qui en Ă©tait très content et qui avait su me donner les arguments me permettant de me dĂ©cider. J’avais d’abord eu honte de m’inscrire sur un tel site. Et si quelqu’un que je connaissais m’y voyait ?

 

« Mais dans ce cas-lĂ , qu’est-ce qu’elle fait lĂ , sur le site, cette personne ?! Â» m’avait rĂ©pondu, ce copain, très pragmatique.

 

Au Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

J’avais parlĂ© plus tard de cette expĂ©rience Meetic Ă  une copine. Pour moi, c’était tellement novateur. AussitĂ´t, cette copine m’avait alors exprimĂ© sa dĂ©sapprobation envers cette façon de rencontrer quelqu’un. Elle m’avait aussi parlĂ© de sa plus jeune sĹ“ur qui avait eu la mĂŞme attitude que moi. S’inscrire Ă  Meetic !  Et, cela, aussi, elle ne le comprenait pas. Pour, elle, elle suffisait de rencontrer les gens. Je parle de quelqu’un qui Ă©volue depuis des annĂ©es dans le spectacle vivant : le théâtre. ComĂ©dienne, metteure en scène, prof de théâtre.

 

J’avais compris ce jour-lĂ  et essayĂ© de lui expliquer, je crois, que, elle, n’avait pas de problème pour sĂ©duire. Et, cela s’est depuis vĂ©rifiĂ© Ă  mon avis. Cette copine, devenue mère  de deux enfants par la suite, s’est plus tard sĂ©parĂ©e du père de ses deux enfants. Non seulement, elle a pu quitter la rĂ©gion oĂą elle avait vĂ©cu avec lui, au soleil, avec son ancien compagnon et père de ses deux enfants. Mais, aux dernières nouvelles, elle avait rencontrĂ© un autre homme, lui mĂŞme Ă©galement père.

 

Je « sais Â» que ce type de famille recomposĂ©e existe. Seulement, je crois aussi que certaines personnes savent mieux s’y prendre que d’autres pour faire des rencontres amoureuses opportunes. Alors que leur situation personnelle (mère ou père d’un ou de plusieurs enfants) lorsqu’elle est vĂ©cue Ă  l’identique par d’autres, constitue un obstacle frontal Ă  une nouvelle histoire amoureuse.

 

L’âge peut sans doute, aussi, influer, sur les attentes exprimées envers le couple et une histoire d’Amour.

 

 

Une question d’âge :

 

On dit que l’Amour n’a pas d’âge. Je veux bien le croire. Mais notre époque a son âge. Et notre façon d’aimer se modifie aussi sans doute un peu avec notre époque. Comme avec le pays et la culture dans lesquels on vit et grandit.

 

 

Dans la première partie de mon article, j’ai parlé de l’âge de Victoire Tuaillon. 30 ans lors de la parution de son livre Les Couilles sur la table. 21 ans de moins que moi.

On a peut-être trouvé paternalistes certains de mes propos lorsque je parle de son livre ou lorsque j’évoque Victoire Tuaillon ou certaines femmes de son âge ou plus jeunes.

 

LĂ  aussi, je ne vais pas essayer de me disculper de mon paternalisme s’il est avĂ©rĂ©. Sans doute suis-je paternaliste par moments dans cet article :

 

Je suis le reflet de mon époque et des valeurs qui m’ont été transmises. Même si j’ai fait et fais des efforts pour essayer d’évoluer.

Au Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

NĂ©anmoins dans le spĂ©cial dossier – le numĂ©ro 164 de juillet 2022- du journal Le Canard EnchainĂ©  dont le titre est L’amour Ă  tout prix ( MarchĂ© du mariage, boom des applis de rencontre, coachs de drague ou de sexe, love hotels, etc…) , je suis tombĂ© sur cet article, page 22 et 23 :

 

Le Mariage, Une Affaire de sous Comptes et Mécomptes du conte de Fées (Vouées à disparaître à la fin du XXème siècle, les noces sont redevenues à la mode et génèrent un bizness très lucratif).

 

Plusieurs des articles de ce nouveau spécial dossier du journal Le Canard Enchainé m’ont bien plu. Mais dans cet article, il y a un passage qui m’a aussitôt fait penser à ce que traite Victoire Tuaillon dans son livre Les Couilles sur la table.

 

Je retranscris le passage de cet article, page 23 :

 

« (….) L’ascenseur social qu’il ( le mariage) constituait pour les candidates Ă  l’hypergamie fĂ©minine ( fait de s’unir Ă  un homme de la classe supĂ©rieure pour gagner en niveau de vie) ne fonctionne plus. Plus diplĂ´mĂ©es que les hommes depuis 2000, les femmes revendiquent surtout l’égalitĂ©. Le vieux mariage Ă  la papa est mort, vive le mariage-association ! (….) Â».

 

 

Je ne connaissais pas le terme « hypergamie Â» avant la lecture de cet article. En apprenant que depuis 2000, les femmes sont devenues « plus diplĂ´mĂ©es que les hommes Â», j’ai repensĂ© Ă  ce que Victoire Tuaillon mais aussi Mona Chollet disent elles-mĂŞmes dans les premières pages de leur ouvrage. Elles ont fait de bonnes Ă©tudes et ont grandi dans un milieu socio-culturel mais aussi Ă©conomique plutĂ´t confortable.

 

Si Mona Chollet est ma « petite sĹ“ur Â» de cinq ans, Victoire Tuaillon, elle, encore plus, est pile dans cette Ă©poque Ă  partir de laquelle les femmes sont devenues « plus diplĂ´mĂ©es que les hommes Â».

Au Spot 13, Paris, fin mars 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

 

Et pour corser un peu plus le constat de cet article, je fais partie de ces personnes (hommes comme femmes) qui auraient bien voulu faire des Ă©tudes longues mais qui, pour des raisons « familiales Â», n’ont pas pu les faire. Les Ă©tudes longues, le fait de ne pas avoir pu ĂŞtre « bien diplĂ´mĂ© Â», constituent pour moi une blessure personnelle encore ouverte. MĂŞme si c’est sĂ»rement du fait de la persistance de cette blessure, et de la prĂ©sence de ce sentiment de manque, que j’Ă©cris comme je le fais depuis des annĂ©es. 

 

Bien-sûr, on peut faire des études à tout âge. Mais je n’ai pas pu devenir ce jeune homme diplômé après des études longues comme je n’ai pas pu obtenir la reconnaissance sociale et éventuellement économique qui va avec. J’ai bien compris que Mona Chollet et Victoire Tuaillon, même bien diplômées, ont dû aussi se frayer leur chemin dans le monde du travail. Cependant, comme le dit, je crois, Mona Chollet dans les premières pages de son ouvrage Réinventer l’Amour, elle a longtemps cru que ses très bons résultats à l’école étaient tout ce qu’il y a de plus logique. Avant de s’apercevoir que si elle avait certes travaillé pour obtenir ses bonnes notes, qu’elle avait aussi toujours pu évoluer dans un univers socio-culturel univers, toujours entourée de livres et de certaines facilités d’accès à la culture. Et Victoire Tuaillon ne dit pas autre chose lorsqu’elle explique que même si elle a eu à vivre jeune le divorce de ses parents, qu’elle a toujours connu chez l’un comme chez l’autre, une demeure plutôt sécurisante…où il y avait des livres.

 

 

J’insiste sur ces points non par jalousie ou aigreur envers Mona Chollet et Victoire Tuaillon ou d’autres qui n’y sont pour rien dans ma trajectoire personnelle à propos des études. Mais pour rappeler que le sentiment de sécurité, de confiance en soi, de légitimité à se lancer dans certaines entreprises s’acquiert dès l’enfance. Et que ce sentiment de sécurité, de confiance en soi, de légitimité pour se lancer dans certaines entreprises nous incite, ensuite, à aller vers certains types de rencontres. Vers certaines personnes. Vers certaines expériences.

 

Je ne suis pas en train de dire qu’il suffit, lorsque l’on a fait de bonnes Ă©tudes, d’aller Ă  la rencontre de quelqu’un qui a Ă©galement fait de longues Ă©tudes (ou des Ă©tudes similaires aux nĂ´tres) pour ĂŞtre heureux en Amour avec cette personne. Mais que cela nous « oriente Â» vers certaines rencontres plutĂ´t que vers d’autres. J’ai cru comprendre que l’on rencontrait souvent son partenaire ou sa partenaire au moment de nos Ă©tudes, dans nos cercles amicaux et familiaux ou sur notre lieu de travail. Les sites de rencontres et les associations sportives ou culturelles peuvent ou pourraient un peu modifier la donne. Mais encore faut-il savoir comment s’y prendre pour rencontrer quelqu’un d’autre comme pour la sĂ©duire ou le sĂ©duire. Et, il faut apprendre Ă  faire le tri sur le site des rencontres ou la mise en scène de la candidate ou du candidat pour se prĂ©senter peut ĂŞtre ce qu’elle ou qu’il a de mieux Ă  proposer. Je n’ai pas encore lu les ouvrages de Judith Duportail ( L’Amour sous algorithme,  Dating Fatigue)  citĂ©e peut-ĂŞtre autant par Mona Chollet que Victoire Tuaillon mais j’ai prĂ©vu de le faire. Notons que Judith Duportail, nĂ©e en 1986, a pratiquement le mĂŞme âge que Victoire Tuaillon.

 

 

Au Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

La lutte Ă  la place de la turlutte  

 

 

Il y a quelques mois, maintenant, alors que j’ignorais que je lirais un jour un ouvrage de Mona Chollet et de Victoire Tuaillon, j’ai revu un extrait ou deux du film Extension du Domaine de la lutte de Philippe Harel d’après l’ouvrage de Michel Houellebecq. Lors de la sortie du film (1999, je crois), Houellebecq n’avait pas le statut qu’il a aujourd’hui. L’annĂ©e 1999, c’est aussi l’annĂ©e de la sortie du premier film Matrix des ex-frères Wachowski. Si l’on peut trouver asexuĂ© le hĂ©ros jouĂ© par l’acteur Keanu Reeves mais aussi une absence totale d’érotisme dans Matrix oĂą, finalement, tout est aseptisĂ© et maitrisĂ© et oĂą aucun poil ne dĂ©passe (serait-ce, dĂ©jĂ , une des diverses manifestations de la mentalitĂ© militaire que je citais un peu plus tĂ´t ?), les deux univers sont quand mĂŞme très opposĂ©s.

 

Dans Extension du domaine de la lutte, chaque jour de plus et chaque tentative de vie sentimentale, sociale et sexuelle est une corvée.

Dans Matrix, les héros se battent contre le totalitarisme. D’un côté, on déprime et on est vaincu d’avance. De l’autre côté, on se démène pour rattraper son retard sur l’existence après s’être aperçu que, pendant des années, on s’est fait balader. Et, qu’en plus, on l’avait accepté.

Sauf que dans Extension du domaine de la lutte, l’horizon est rĂ©servĂ© Ă  d’autres depuis longtemps. On a beau s’acquitter de ses diverses obligations, espĂ©rer, essayer de survivre, on est et on reste insignifiant. IndĂ©sirable.  

 

Mais ce qui m’a touché, c’est certains commentaires en bas d’un des extraits du film Extension du domaine de la lutte sur Youtube.

 

Trop souvent, et trop facilement, certain(es) internautes, comme certain(es ) automobilistes sur la route, en viennent Ă  avoir des propos et des intentions très agressives et très dĂ©gradantes envers leurs contemporains  pour peu que ceux-ci ait Ă©mis un avis diffĂ©rent. C’est Ă  la fois très risible de lire Ă  quel point ça peut dĂ©raper très vite. Et pathĂ©tique.

 

Cette fois-ci, j’ai lu des commentaires ou quelqu’un disait qu’il n’avait jamais vu une scène aussi « violente Â». De quoi parlait cet internaute ? De la scène, dans la boite de nuit, oĂą RaphaĂ«l (le personnage jouĂ© par JosĂ© Garcia), un cadre commercial de classe moyenne plutĂ´t beauf, pas très « Francky Vincent Â», croit qu’il va pouvoir avoir ses chances avec une femme au moment des slows. Puis, il se fait Ă©jecter par un autre homme ( un homme noir -sans doute antillais ou africain- puisque tout le monde sait que les noirs ont la musique « dans la peau Â» et leur sexe, ensuite, c’est la suite logique, dans le corps de toutes les femmes du monde…. ).

 

 

En lisant ce genre de commentaire, j’ai Ă  nouveau vu, devant moi, ce sous-monde ou ce quart monde dĂ©peint par Houellebecq et d’autres. Certes, Houellebecq dans Extension du domaine de la lutte parle surtout de la misère sexuelle et sentimentale de deux mâles. Mais cette misère sexuelle et sentimentale concerne aussi les femmes. Et lorsque je parle de « quart monde Â» et de « sous-monde Â», je me reprends tout de suite :

 

Cette misère sentimentale et sexuelle touche aussi des personnes (des femmes comme des hommes) de milieux sociaux et Ă©conomiques très favorisĂ©s. On peut ĂŞtre d’un très bon niveau social et Ă©conomique et connaĂ®tre une affreuse misère sentimentale et sexuelle. Et pas parce-que l’on est moche et stupide.  Mais plutĂ´t parce-que l’on ne sait pas sĂ©duire. On ne sait pas « bien Â» choisir ses rencontres. On ne sait pas avoir une relation de bonne « qualitĂ© Â» avec quelqu’un d’autre.

 

Avoir un handicap

 

Parce-que l’on est très handicapé au moins affectivement et émotionnellement.

On croit souvent que le handicap est un handicap qui se voit. Un handicap physique. Un handicap mental. Un handicap intellectuel.

Mais il est d’autres handicaps plus graves qui passent sous les radars. Parce-que compensés par ce que l’on appelle la réussite sociale, économique ou politique.

Si l’on retirait à bon nombre des Puissants -ou des personnes modèles- que nous côtoyons ou que nous regardons via les media, les innombrables femmes et hommes de mains, conseillers et intermédiaires qui les entourent, on s’apercevrait rapidement que beaucoup d’entre eux (femmes comme hommes) une fois sortis du domaine où ils excellent, sont de grands handicapés. Ou qu’ils sont à peu près aussi handicapés que nous dans bien des secteurs de la vie courante.

 

 

Pourquoi est-ce que j’insiste autant sur tous ces sujets ?

Au spot 13, 28 avril 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

 

Parce-que je crois que lorsque l’on se rappelle de ces sujets, il est plus facile de comprendre la raison pour laquelle certaines personnes, féministes, militantes, et brillantes acceptent ensuite de vivre des relations intimes avec des personnes dont, pourtant, elles condamnent les comportements et les jugements à propos des femmes…..

 

 

 

Notre rapport Ă  la solitude :

C’est l’autre grand sujet, selon moi, trop oubliĂ© dans l’ouvrage de Victoire Tuaillon. Etre fĂ©ministe, c’est très bien. Je l’ai Ă©crit dans la première partie de mon article :

 

Je suis évidemment contre les injustices et les violences diverses faites aux femmes. Féminicides, viols, surcharge mentale et physique quant aux tâches ménagères, salaire moindre qu’un homme pour un travail égal…..

 

Au Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

 

Mais, en pratique, si ĂŞtre fĂ©ministe, que l’on soit une femme ou un homme, cela aboutit Ă  vivre seul ( e ) ou Ă  terminer sa vie seul ( e) , cela ne vaut peut-ĂŞtre pas le coup. Lorsque j’écris ça comme ça, j’ai l’impression de dĂ©crire un combat juste que certaines et certains trahiraient Ă  un moment donnĂ© malgrĂ© leurs engagements. On retrouve ça dans certains combats politiques et idĂ©ologiques. Et le fĂ©minisme fait partie de ces combats politiques et idĂ©ologiques bien-sĂ»r. Mais aussi dans le milieu artistique. Dans d’autres domaines. Untel est « pur Â» et « intègre Â» au dĂ©but du combat, de sa carrière, et puis, finalement, bifurque, met de l’eau dans son vin, s’assagit, devient « commercial Â» et « vend Â» son âme.

 

 

Il y a un peu de ça, lorsque vers la fin de son livre, Victoire Tuaillon, « salue Â» les femmes fĂ©ministes qui, paradoxalement, se « mettent Â» et restent avec des hommes qui ont les comportements qu’elles condamnent et combattent :

 

Les chaussettes sales qui traĂ®nent ; la machine Ă  laver qui reste une terra incognita pour le compagnon ; le compagnon qui se sert de sa compagne comme d’un agenda, l’éducation des enfants ( et les devoirs) qui sont esquivĂ©s ; le mec macho et misogyne dont on s’entiche….

 

 

Les hommes domestiques

Gare du Nord, Paris, lundi 25 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

 

Pour partie, je me dis que certains hommes contribuent plus que d’autres quand mĂŞme aux tâches domestiques et mĂ©nagères. MĂŞme si je ne conteste pas les chiffres. MĂŞme dans le dossier spĂ©cial du Journal EnchainĂ©, j’ai lu un article qui, comme l’affirme Victoire Tuaillon dans son livre, dit aussi que les hommes participent toujours aussi peu  Ă  l’effort de guerre des tâches mĂ©nagères. Et, Ă  titre personnel, je sais très bien que je passe nettement moins le balai que ma compagne ; que je cuisine nettement moins qu’elle ; que j’ai exceptionnellement (deux ou trois fois) lavĂ© des fenĂŞtres dans ma vie ; que je repasse très peu ( y compris mes propres vĂŞtements). Et que lorsque nous partons en vacances avec notre fille, que c’est elle qui se charge gĂ©nĂ©ralement de prĂ©parer ses affaires et celles de notre fille.

 

Je ne peux que l’admettre. Comme je me rappelle aussi de ce jour où ma compagne a tenté de me proposer (ou de m’imposer ) un emploi du temps répartissant plus équitablement les tâches ménagères. J’ai alors rigolé et me suis étonné qu’à la place, elle ne me propose pas, plutôt, un emploi du temps d’activités que nous ferions ensemble, elle et moi. Cela n’a pas fait rire ma compagne. Et, depuis, elle s’est résignée à être celle qui passe le balai, qui cuisine et qui repasse plus que moi. Et moi, aussi.

 

Cette remarque peut soit beaucoup mettre en colère ou faire rire. Mais il n’y a aucune provocation de ma part. Et je ne perçois pas ma compagne comme ma domestique. Plus tôt, je parlais de militarisation de la vie affective et sentimentale.

 

 

La militarisation de la vie affective et sentimentale

 

Les attentes et les exigences envers le couple et l’Amour  Â« d’une Â» Victoire Tuaillon et d’une Mona Chollet nĂ©es en 1989 et en 1973, diplĂ´mĂ©es, indĂ©pendantes Ă©conomiquement, socialement et sexuellement, sans doute citadines, bien insĂ©rĂ©es, et que je devine (et je le leur souhaite) bien entourĂ©es par un certain nombre d’amis et de collègues rĂ©ellement bienveillants et disponibles sont Ă©videmment diffĂ©rentes de celles qu’a pu avoir ma mère nĂ©e en 1948 comme de moi-mĂŞme, nĂ© en 1968.

 

Ce n’est pas uniquement une question d’époque. Même des personnes nées avant 1948 ou nées la même année que moi ont évidemment pu avoir des attentes et des exigences plus grandes que ma mère et moi vis-à-vis de l’Amour et du couple. Comme celles qu’expriment Victoire Tuaillon et Mona Chollet ainsi que celles-et ceux qui se retrouvent dans leurs réflexions.

 

Dans son ouvrage RĂ©inventer l’Amour, je me rappelle que Mona Chollet  a pu citer en exemple le couple formĂ© par le peintre et Ă©crivain Serge Rezvani ( nĂ© en 1928) avec sa compagne Lula. Ceux-ci ont vĂ©cu ensemble pendant des annĂ©es, dans leur maison, La BĂ©ate, sans eau ni Ă©lectricitĂ©, dans le midi de la France. J’ai oubliĂ© l’autre couple citĂ© par Mona Chollet. Mais je me suis alors aperçu que le couple d’Amour Rezvani-Lula citĂ© en exemple par Mona Chollet vivait sans enfant. Je n’ai rien contre les couples amoureux sans enfant. Mais moi, j’ai une enfant. Et la naissance d’un enfant (ou de plusieurs) peut ajouter, avec la tournure du quotidien, certaines tensions bien caractĂ©ristiques dans un couple.

 

Plus récemment, j’ai pu tomber sur des propos attribués à Mona Chollet où celle-ci ne regrettait pas ses engagements féministes mais déplorait, en quelque sorte, le manque d’amour dans sa vie personnelle. J’ai cru comprendre que sa vie sentimentale et amoureuse subissait les contrecoups de ses engagements féministes. J’ai trouvé ça assez triste. Autant d’engagement pour bénéficier, en retour, d’une vie amoureuse déficitaire.

Mona Chollet n’est pas la seule femme devant ce constat. Dans son ouvrage Les Couilles sur la table, Victoire Tuaillon Ă©crit aussi que devant l’énormitĂ© de la surcharge de travail domestique et invisible qui Ă©choit Ă  la femme lorsque celle-ci a une histoire d’Amour, qu’elle avait en quelque sorte dĂ©cidĂ© de refuser de se « mettre en mĂ©nage Â» pour une durĂ©e indĂ©terminĂ©e. Je ne peux que comprendre sa dĂ©cision si, pour elle, la dĂ©cision de vivre dans le mĂŞme logement que son compagnon l’oblige Ă  se transformer en femme de mĂ©nage, d’intĂ©rieur et en coach Ă©motionnel.

Au Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Ensuite, je m’interroge. Je ne fais, bien-sûr, que des suppositions. Puisque je ne connais pas personnellement Victoire Tuaillon et ne la rencontrerai probablement jamais. Comme je ne rencontrerai probablement jamais Mona Chollet.

 

Je ne prétends pas détenir la formule magique qui permet de rencontrer la personne avec laquelle on pourra vivre heureux jusqu’à la fin de sa vie. Je ne possède pas cette formule.

 

Mais je me dis que l’Amour, le sujet de l’Amour, est, je crois, un idĂ©al « très Â» fĂ©minin.

Par Amour et tant qu’une femme a de l’Amour pour sa compagne ou son compagnon, il semble qu’elle puisse tout ou trop accepter d’elle ou de lui. Qu’elle puisse tout ou trop espérer. Par Amour.

 

Dans les annĂ©es 80, la chanteuse du groupe Kassav’, Jocelyne BĂ©roard a chantĂ© le titre Siwo. Dans cette chanson, qui avait bien marchĂ©, Jocelyne BĂ©roard raconte- en CrĂ©ole-,  qu’elle cherche un homme « doux comme le sirop Â». Et, elle dĂ©taille que celui-ci n’est pas obligĂ© d’être beau. Par contre, elle souhaite ( elle exige) qu’il soit rĂ©gulièrement de bonne humeur, qu’il soit constamment en train de danser tout en Ă©tant capable par ailleurs de l’écouter lorsqu’elle lui parle mais aussi de s’affirmer lorsque la vie le nĂ©cessite. Jocelyne BĂ©roard conclut sa chanson en disant qu’elle a dĂ©jĂ  cherchĂ© cet homme partout dans le Monde mais ne l’a jamais trouvĂ©. Et qu’elle « sait Â» qu’elle ne pourra le trouver qu’aux Antilles. Dans sa chanson, Jocelyne BĂ©roard ne parle pas de la rĂ©partition des tâches domestiques et mĂ©nagères, des fenĂŞtres Ă  laver ni des devoirs des enfants. Alors que j’écoutais une nouvelle fois le titre Siwo avec entrain chez un de mes oncles, celui-ci, mariĂ© et dĂ©jĂ  père, avait alors dĂ©clarĂ© :

« Mais ce qu’elle dit-lĂ , c’est impossible…. Â». Je devais avoir 17 ou 18 ans. ( Le titre Siwo est sorti en 1986). Le commentaire de mon oncle m’avait arrĂŞtĂ© pile. Je ne voyais pas de quoi il pouvait bien parler. Je me concentrais sur la musique et le rythme. Les paroles de la chanteuse tombaient directement dans le champ vide de mon inexpĂ©rience. Et j’étais incapable, comme mon oncle venait de le faire, de prendre la mesure concrète de ce qui Ă©tait dit. Jocelyne BĂ©roard aurait pu raconter tout autre chose, cela m’aurait tout autant convenu. Dans les faits, en tant que l’un des membres permanents du groupe Kassav’ depuis une quarantaine d’annĂ©es dans le Monde entier, et en tant que femme, j’ai l’impression que Jocelyne BĂ©roard n’a pas eu de vie couple au long cours.

 

 

Un homme me semble regarder l’Amour d’un autre œil. Comme il me semble l’exprimer autrement. J’emploie sans doute des clichés mais j’ai l’impression qu’un homme sera moins expressif même s’il aime sa compagne. Ou, il semblerait, à lire Victoire Tuaillon et Mona Chollet, que l’homme, par Amour, fasse moins d’efforts que sa compagne.

 

L’Amour, selon les chiffres et les constatations de Mona Chollet et Victoire Tuaillon, est une promotion principalement pour les hommes. Et un traquenard pour les femmes. Plus besoin de nous occuper de nos chaussettes sales, de nos repas, des devoirs et des vêtements des enfants si nous en avons, du repassage de nos vêtements. Et, en plus, même si nous frappons et violons notre compagne, il se pourrait qu’elle reste avec nous jusqu’à ce que mort s’ensuive. Je deviens ici un peu provocateur. Mais ce n’est pas mon but, pourtant.

 

Le travail invisible des hommes

 

Victoire Tuaillon nous informe du travail invisible des femmes. Des chiffres le démontrent.

Au Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

 

Mais je me demande si les hommes fournissent aussi un travail invisible dont Victoire Tuaillon ne parle pas et ne peut parler. Soit parce-que peu d’hommes en ont témoigné. Soit parce qu’elle reste depuis une perspective de femme. En faisant un peu d’ironie, on dirait, en lisant l’ouvrage de Victoire Tuaillon, que le principal travail invisible des hommes consiste à saper le moral de leurs compagnes.

 

Lorsque je me dĂ©crivais en « militaire de la vie affective et amoureuse Â», je me moquais bien-sĂ»r de moi-mĂŞme. Il y a sĂ»rement une part de vrai. Mais je crois aussi ĂŞtre un peu plus frĂ©quentable que cela au quotidien et dans la vie rĂ©elle.

 

En « bon Â» Ă©lève qui a lu les ouvrages des Mona Chollet et de Victoire Tuaillon, RĂ©inventer l’Amour et Les Couilles sur la Table ( elles ont Ă©crit d’autres ouvrages), j’ai confirmĂ© partager certains travers reprochĂ©s Ă  beaucoup d’hommes dans la sphère conjugale.

 

Mais il est quelques uns de ces « travers Â» que je n’ai pas. Ma compagne a pu me dire que je faisais plus que d’autres hommes. Pour me dire cela, il a bien fallu qu’elle ait certaines discussions avec d’autres femmes qui ont un homme « Ă  la maison Â».

Je vais m’abstenir de faire la « liste Â» de courses des tâches domestiques auxquelles je prends spontanĂ©ment part rĂ©gulièrement. Car j’aurai trop l’impression de dĂ©poser ici une sorte d’annonce. Mais je peux Ă©crire, je crois, que j’ai Ă©tĂ© prĂ©sent dès la naissance de notre fille. Pour Ă  peu près tout. Notre fille nous a beaucoup sollicitĂ© la nuit, bĂ©bĂ©. Nous n’avons pas connu ce paradis qui consiste Ă  avoir un enfant qui « fait ses nuits Â» au bout de deux mois. Je ne connais pas cette utopie. Je travaillais alors uniquement de nuit. Lorsque j’étais au travail, ma compagne s’occupait de notre fille. Mais lorsque j’étais de repos, ma compagne pouvait dormir tranquille. Plus d’une fois, j’ai entendu notre fille pleurer et suis allĂ© m’occuper d’elle avant que ma compagne n’ait eu le temps de s’en apercevoir.

 

Certains parents parlent de temps Ă  autre de la « super nounou Â» sur qui ils ont pu toujours compter. Pour la garde de leur enfant. Nous, c’est la nounou qui a pu compter sur nous Ă  plusieurs reprises pour que nous gardions notre fille parce-que lĂ , « Excusez-moi, excusez-moi de vous dĂ©ranger mais… Â». Et, c’est moi qui gardais notre fille que je sois de repos ou que je vienne de terminer une nuit de travail. A ce jour, je crois que ma compagne peut encore compter sur ses dix doigts le nombre de jours oĂą elle a eu Ă  s’arrĂŞter pour cause de « enfant malade Â». Moins de dix jours.

 

Ça, c’était pour donner un ou deux exemples concrets qui, je crois, peuvent parler à tout parent comme à toute compagne ou tout compagnon. Ou futur parent. Je ne prétends pas être un papa ou un conjoint parfait pour autant.

 

Le travail invisible d’un compagnon, cela peut être, aussi, de supporter la personnalité de sa compagne…..

Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

La juste répartition des tâches ménagères et domestiques, c’est un souhait louable. Mais si cela prend trop d’importance dans un couple, c’est peut-être aussi, certaines fois, parce-que cela devient une priorité qui n’a pas de raison d’être.

 

Je m’explique : faire le mĂ©nage, repasser, faire la cuisine, c’est important. MĂŞme si j’avais beaucoup aimĂ© lire Truisme de Marie Darrieussecq, mon but dans la vie n’est pas de proclamer : « ChĂ©rie, vivons dans une porcherie comme des cochons et tout ira bien ! Â».

 

Sauf que, il y a propreté et propreté. Je n’ai aucun problème avec le fait de passer le balai ou l’aspirateur. Ou de faire le repassage. Je comprends le principe qui consiste à faire le ménage régulièrement pour que cela prenne moins de temps et pour empêcher que la poussière ne s’entasse. Et, j’avais bien perçu l’incrédulité de ma compagne lorsque j’avais essayé de lui expliquer que je n’ai pas de problème avec le fait de passer le balai. Seulement, je ne me rends pas compte qu’il faut le passer. Je ne vois pas. J’ai d’autres priorités. Devant moi, ma compagne a manifestement cru que je la prenais pour une tarte et que je lui racontais des bobards. Mais non.

 

Je crois qu’il y a un sentiment d’urgence dans la réalisation de certaines tâches et de certaines actions que je ne partage pas avec ma compagne. Hier soir, nous sommes allés dîner chez des amis. Chez mon meilleur ami et sa compagne. Je connais mon meilleur ami depuis le collège. Il y a maintenant 40 ans. Je m’étais douché, habillé pour aller à ce dîner. Alors que nous partions, ma compagne m’a fait remarquer qu’il y avait un trou près du col de mon maillot de corps. Un maillot de corps propre, non repassé parce-que j’ai arrêté de le repasser. Mais propre. Ma compagne n’a pas insisté après sa remarque car, sans doute, a-t’elle compris que cela n’aurait rien changé. Que j’aurais gardé ( et j’ai gardé) mon maillot de corps. Mais il est très vraisemblable qu’à ma place, ma compagne se serait mise dans tous ses états et aurait changé illico de vêtement. Comme il est vraisemblable qu’une autre personne, à la place de ma compagne, m’aurait fait toute une histoire pour ce trou dans mon maillot de corps. Ou n’aurait pensé qu’à ça et aurait eu le sentiment d’effectuer une cascade périlleuse, toute la soirée, en faisant comme si ce trou n’existait pas alors qu’elle aurait continué d’y penser toute la soirée entre deux plats ou deux remarques.

 

On croit que j’exagère ? HĂ© bien, je pense que certaines femmes se comportent avec le mĂ©nage et certaines tâches domestiques comme d’autres auraient pu le faire avec ce trou dans mon maillot de corps. En insistant. En faisant un pataquès. En oubliant que le principal, c’est le moment dĂ©tendu que l’on va passer avec ses amis.

 

Au Spot 13, Paris, 15 juin 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Je n’invite pas les femmes qui se mettent en ménage à accepter que leur compagnon les laisse se charger de leurs chaussettes sales et plus si affinités. N’exagérons rien. Mais je me demande si, certaines fois, qui se répètent, il est vrai, trop d’importance est accordée aux tâches domestiques plutôt qu’à d’autres.

 

Par ailleurs, je ne crois pas du tout que le fait d’être un homme « parfait Â» question mĂ©nage, tâches domestiques, prĂ©paration du repas, Ă©ducation des enfants, courses et autres suffise pour que l’histoire d’Amour du couple soit absolument Ă©panouissante. Autrement, il suffirait Ă  beaucoup de femmes se mettre en couple avec des hommes de mĂ©nage.

 

 

Ensuite, je l’ai aussi dit : je ne partage pas certains des « travers Â» attribuĂ©s Ă  une majoritĂ© d’hommes. Et, je ne me vois pas comme un homme exceptionnel.

 

Donc, je me dis qu’il doit y avoir d’autres hommes qui, comme moi, participent régulièrement, en partie, aux tâches domestiques, éducatives et ménagères.

J’ai l’impression que le niveau d’exigence et d’attente de certaines femmes a beaucoup augmentĂ© et peut-ĂŞtre trop. Pas uniquement dans le domaine des tâches domestiques, Ă©ducatives et mĂ©nagères d’ailleurs. Parce-que si je prends Ă  la lettre certains critères fĂ©ministes, les femmes ont intĂ©rĂŞt Ă  changer de modèle d’homme idĂ©al :

 

Il va falloir qu’elles se fassent à des multitudes d’Abbés Pierre et de Omar Sy. Or, je ne suis pas convaincu que toutes les femmes aimeraient vivre avec un Abbé Pierre ou un Omar Sy même si ce sont deux personnalités plutôt ou particulièrement sympathiques.

 

 

Cette amĂ©lioration du niveau de vie et de l’éducation des femmes a aussi une consĂ©quence sur les relations hommes-femmes. Je ne la critique pas. Peut-ĂŞtre que c’est le fait d’être dans une sociĂ©tĂ© patriarcale et d’être un des nombreux rejetons de cette pensĂ©e patriarcale qui me fait d’abord souligner la consĂ©quence plutĂ´t que le bienfait de ce changement. Mais ce changement a divers effets. Bons et mauvais. Comme beaucoup de changements. Ce serait facile de dire pour simplifier que ce changement rompt un Ă©quilibre entre les femmes et les hommes : cependant, d’un point de vue lĂ©gèrement fĂ©ministe, on pourrait facilement rĂ©pondre, et prouver, qu’il n’y a jamais eu de relation Ă©quilibrĂ©e entre les femmes et les hommes. Puisque c’est le principe mĂŞme du patriarcat que d’imposer aux femmes une sociĂ©tĂ© dans laquelle elles sont infĂ©rieures aux hommes.

 

 

Mais j’ai l’impression que dans un couple, que l’on soit un homme ou une femme, il y aura toujours ce rapport de dominĂ©-dominant. MĂŞme si l’équilibre relationnel se transforme. Parce qu’un Ă©quilibre parfait entre ĂŞtres humains, est-ce possible ?

Au Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Dans le domaine de la séduction, je ne vois pas d’équilibre entre les êtres humains. Il est des personnes qui savent séduire. Et d’autres pas.

Vis Ă  vis de la solitude, il est des personnes capables de bien vivre la solitude, voire de la rechercher. Et il en est d’autres qui en souffrent et qui feront leur possible pour essayer de s’en dĂ©barrasser presque par tous les moyens. LĂ  aussi, je ne vois pas d’équilibre. Et il ne s’agit pas d’une opposition entre des femmes et des hommes. Ou alors, il faut, comme le disent aussi Mona Chollet et Victoire Tuaillon, un autre type de sociĂ©tĂ©. Mais pour faire en sorte que de manière Ă  peu près Ă©quilibrĂ©e, tout le monde soit Ă  mĂŞme de plaire et de sĂ©duire mais aussi de composer avec sa solitude…j’ai quand mĂŞme l’impression que l’on se rapproche lĂ  d’un mode de vie  militaire et totalitaire.

 

 

Je ne vois pourtant pas le livre de Victoire Tuaillon comme un manifeste militaire et totalitaire. Certes, elle s’est attardée sur nos couilles plus longuement que cela ne se fait d’habitude. Pour faire parler plusieurs personnes et témoins qui ont affaire à elles. Mais aussi pour les faire parler d’Amour. C’est une prouesse qui vaut le détour.

 

 

Franck Unimon, ce mercredi 27 juillet 2022.

 

 

 

 

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Les couilles sur la table, un livre de Victoire Tuaillon. Premières parties

Affiches aperçues ce 10 juillet 2022, sur les quais entre la gare d’austerlitz et la gare de Lyon. Photo©️Franck.Unimon

Les couilles sur la table un livre de Victoire Tuaillon Premières parties

 

 C’est ma première surprise partie

 

Il s’agit d’une espèce de pieuvres qui ne lève jamais l’ancre et que l’on retrouve partout où il peut y avoir des hommes sur la Terre. De multiples fois millénaires, transportée, ballotée, sous diverses latitudes, y compris dans les pires conditions, elle a connu l’âge de pierre, du fer, du bronze, du nucléaire et, désormais, celui du réchauffement de l’atmosphère.

 

Très fragile, sans volontĂ© propre,  elle peut nĂ©anmoins s’imposer Ă  celle des autres et se faire bienfaitrice, rĂ©confortante, ou, au contraire, envahissante et destructrice.

 

Nous parlons bien d’une paire de couilles. S’il y en avait une seule peut-être que l’Histoire serait-elle différente. Mais habitué depuis ma naissance à en avoir deux, je n’ai pas envie d’essayer de finir ma vie avec une seule. Deux couilles, un jour, deux couilles, toujours.

 

Nos couilles seraient et sont des grandes prédatrices, agissant et disparaissant, en plein jour comme par temps de brouillard. Et, Victoire Tuaillon, avec cet ouvrage (publié en 2019), a décidé de se lancer dans l’étude de cette espèce particulière à laquelle beaucoup d’hommes sont rattachés comme bien des femmes peuvent être très rattachées à leur poitrine ou à leur chevelure.

 

J’ai entendu parler de Victoire Tuaillon et de ce livre en lisant RĂ©inventer l’Amour de Mona Chollet qu’une collègue, Chamallow, m’a prĂŞtĂ© il y a quelques mois. Un livre que j’ai eu plaisir Ă  lire et Ă  propos duquel j’ai Ă©crit ensuite. ( J’ai lu RĂ©inventer l’Amour de Mona Chollet ). 

 

Pour son ouvrage, RĂ©inventer l’Amour, Mona Chollet a fourni un très gros travail de recherche et de rĂ©flexions et donne, aussi, une abondante bibliographie. Dont cet « objet Â» de Victoire Tuaillon que j’ai d’abord empruntĂ© Ă  la mĂ©diathèque puis finalement achetĂ© afin de pouvoir le lire tranquillement.

 

Depuis, Warda, une collègue Ă  peu près du mĂŞme âge que Chamallow, m’a appris avoir dĂ©jĂ  offert ce livre Ă  plusieurs hommes qui l’ont ensuite remerciĂ©e. Sans qu’elle-mĂŞme n’ait jamais lu une seule ligne de cet ouvrage. Warda, si tu lis cet article, sache donc que ce clin d’œil est pour toi. Je pense que tu sauras te reconnaĂ®tre car tu m’avais demandĂ©, amusĂ©e « Tu crois que je ne sais pas lire ?! Â» lorsque j’avais tenu Ă  te prĂ©venir que mon article sur le livre de Mona Chollet, RĂ©inventer l’Amour, est « très Â» long. J’espère que tu as pu le lire, depuis. Warda n’est pas ton vrai prĂ©nom. Peut-ĂŞtre Nabilla….

 

Je ne connaissais pas du tout Victoire Tuaillon avant de lire RĂ©inventer l’Amour de Mona Chollet. Alors que dans l’univers « fĂ©ministe Â», Victoire Tuaillon compte parmi les jeunes auteures dont le travail engagĂ© est d’importance. Victoire Tuaillon avait trente ans lors de la parution de son livre Les Couilles sur la table, en 2019. En 2019, j’avais 51 ans et, Ă  ce jour, malgrĂ© mes prĂ©tentions et aspirations artistiques et littĂ©raires, je n’ai pas publiĂ© un seul livre. Donc, bravo, aussi, pour avoir rĂ©ussi Ă  ĂŞtre publiĂ©e !

Pub aperçue Ă  la gare St Lazare en juin ou juillet 2022. On parle de parfum, mais ça fait un peu penser Ă  une orgie, non ? Et puis, une pub pour un parfum qui s’appelle Diesel, alors que le prix de l’essence et du diesel a augmentĂ© depuis la guerre en Ukraine, ça fait un peu drĂ´le. MĂŞme si c’est une coĂŻncidence. Photo©️Franck. Unimon

Les Couilles sur la table a d’abord Ă©tĂ© un podcast dĂ©clinĂ© en plusieurs Ă©pisodes. Victoire Tuaillon l’explique au dĂ©but de son livre. Je n’avais jamais entendu parler de ce podcast bien que devenu un adepte des podcast : ( La Clinique de l’Amour ( version courte)

 

Je trouve que l’écoute d’un sujet que l’on a cherchĂ© et choisi est bien plus « Ă©ducatif Â» et nourrissant que lorsque l’on se laisse attraper puis gaver comme des oies par des fleuves ininterrompus d’images sans but.

 

Actuellement, plus de 70 gigas de podcast m’attendent sur mon smartphone sur divers sujets. Mais je ne connaissais pas celui de Victoire Tuaillon. Et, lorsque j’ai fait la réservation de son livre dans une des médiathèques où je suis inscrit, j’ai eu le plaisir de voir la surprise monter sur le visage des trois bibliothécaires ( une femme et deux hommes) en leur donnant le titre, tout en ayant pris soin, au préalable, avec le sourire, de m’excuser pour ce que j’allais dire.

Juin ou juillet 2022, Paris. Photo©️Franck.Unimon

 

Victoire Tuaillon explique aussi au début de son livre que certaines personnes ont été choquées par ce titre et le lui ont en quelque sorte reproché. Je sais qu’il faut trouver un titre accrocheur pour attirer un public et que, régulièrement, nos instincts de voyeur (femme et homme) sont sollicités par différents média. Mais le titre Les Couilles sur la table m’a surtout et me fait surtout sourire et plutôt rire. Peut-être parce-que j’aime assez l’humour noir ( Desproges, la bonne époque de Dieudonné, Blanche Gardin, Fabrice Eboué, Thomas N’Gigol, le philosophe Cioran, le réalisateur Jean-Pierre Mocky, le réalisateur Joao César Monteiro, l’auteur Jean-Patrick Manchette…) autant comme spectateur, lecteur que comme auteur.

Peut-être parce-que, dès mon enfance, j’ai eu recours à la dérision et à l’autodérision.

 

 

Pour autant, je refuse de me voir comme un « fĂ©ministe Â».

 

Je ne suis pas féministe

 

Je ne suis pas fĂ©ministe et je m’aperçois maintenant que quelques unes des personnalitĂ©s que j’ai citĂ©es plus haut sont sĂ»rement diversement apprĂ©ciĂ©es dans le milieu fĂ©ministe :

 

Jean-Pierre Mocky ? Qui avait pu se targuer de ne s’être jamais masturbĂ©. Et qui, ouvertement, avait pu revendiquer le droit de pouvoir « baiser Â» dans une interview !

Mais il est vrai que Mocky était très provocateur.

Ces photos de pubs montrant des femmes dĂ©nudĂ©es sont bien-sĂ»r lĂ  pour reflĂ©ter la façon dont nous sommes constamment entourĂ©s de certaines images qui, mĂŞme si, elles semblent ne pas nous toucher ont sans aucun doute une incidence sur nous ( femmes ou hommes). La couverture de l’hebdomadaire Le Point et son titre peut s’appliquer Ă  cette normalisation de la nuditĂ© publique fĂ©minine. NuditĂ© supposĂ©e ĂŞtre lĂ  pour attester de la « libĂ©ration » de la femme…. ces images de femmes dĂ©nudĂ©es sont supposĂ©es me flatter. Elles me flattent. Mais pas comme un ĂŞtre humain. PlutĂ´t comme si j’Ă©tais un gentil chien-chien et que, rĂ©gulièrement, on me caressait le museau ainsi que ma paire de couilles….avec des images. Pour continuer de me tenir en laisse. Photo©️Franck.Unimon

 

 

J’ai aussi quelques doutes sur le fĂ©minisme d’un Cioran. Peu, importe, je ne suis et ne me sens pas fĂ©ministe. Au moins pour ces raisons :

 

MĂŞme si, aujourd’hui, je « sais Â» qu’en France, tous les trois jours, une femme meurt sous les coups de son conjoint ; que des femmes sont bien souvent les principales victimes de viols ( pas uniquement lors des guerres comme en Ukraine depuis plusieurs mois), qu’à travail Ă©gal, les femmes touchent un salaire moindre que les hommes ; que les femmes sont bien plus surchargĂ©es, que les hommes, lorsqu’elles se mettent en mĂ©nage, par ces travaux invisibles que peuvent ĂŞtre les tâches mĂ©nagères, l’éducation des enfants, la cuisine, la prĂ©sence Ă©motionnelle….

 

 

Je suis évidemment désolé d’apprendre ces faits, ces chiffres, et je suis contre ces injustices.

 

Pourtant, je ne suis pas féministe.

Je trouve cette photo aussi aguichante que comique pour son caractère caricatural. Paris, près de la Gare du Nord, juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

 

MĂŞme si je suis plus proche de ma mère que de mon père. Et que dès l’enfance, celle-ci, ainsi que mon père, m’ont mis Ă  contribution pour faire la vaisselle, pour aller faire des courses. Pour garder et emmener Ă  l’école ma petite sĹ“ur et mon petit frère nettement plus jeunes que moi. MĂŞme si, en Guadeloupe (j’aime raconter cette anecdote), Ă  Pointe A Pitre, ma mère m’avait envoyĂ© lui acheter une paire de collants. Ce que j’étais allĂ© faire, comme d’autres courses auparavant, et que tout cela m’apparaissait parfaitement normal jusqu’à ce que certaines personnes, dans la rue, alors que je marchais, commencent Ă  me regarder « bizarrement Â» :

Le sac en plastique dans lequel je transportais mon achat était transparent. Et, un jeune homme (j’avais environ 18 ans, je crois) se baladant là-bas avec une paire de bas était susceptible d’être un makoumé (un pédé). Ce qui, au pays du Zouk, des plages de rêve et du soleil, est plutôt une tare.

 

 

Je ne suis pas fĂ©ministe mĂŞme si, depuis des annĂ©es, maintenant, j’évolue dans un milieu professionnel dans lequel j’ai souvent Ă©tĂ© entourĂ© par une majoritĂ© de femmes. Dont certaines ont pu et sont mes supĂ©rieures hiĂ©rarchiques. Et, lorsqu’il a pu m’arriver d’avoir certains conflits avec quelques unes d’entre elles (collègues ou supĂ©rieures hiĂ©rarchiques), c’est, selon moi, plus en raison de leur personnalitĂ© que de leur appartenance au sexe dit fĂ©minin. Actuellement, oĂą j’évolue dans un milieu professionnel majoritairement masculin, c’est avec quelques collègues masculins que j’ai quelques dĂ©saccords et conflits : ceux-ci me reprochent…de manquer de couilles. Je serais trop gentil, trop doux et incapable de me dĂ©fendre tout seul.

Il y a quelques semaines, j’ai posĂ© l’ouvrage de Victoire Tuaillon, bien en Ă©vidence, en m’asseyant Ă  la table  dans la salle Ă  manger du service, près d’un de ces collègues ( alors assis) qui estime que je manque de couilles pour le travail que nous faisons….

Ce collègue, je le sais, par réflexe, a jeté un coup d’œil sur la couverture et le titre.Sans rien dire. Toujours sans rien dire, quelques secondes plus tard, il s’est levé et a quitté la pièce.

Peut-ĂŞtre, un jour, apprendrai-je que ce collègue, par ailleurs plutĂ´t rĂ©putĂ© pour ĂŞtre un «homme Ă  femmes Â» et qui aime raconter certains de ses exploits sexuels, qui a aimĂ© me raconter certains de ses exploits Ă  l’Ă©poque (l’annĂ©e dernière) oĂą nous Ă©tions « amis »,  a peu goĂ»tĂ© ma petite provocation. C’est pourtant un mec très cool et très souvent souriant en gĂ©nĂ©ral. Pour la galerie.

Couverture des Inrockuptibles dans lequel on peut trouver, aussi, des suggestions de lectures telle celle du livre « Les Argonautes » de Maggie Nelson que je n’ai pas encore lu.

 

Je ne suis pas fĂ©ministe mĂŞme si, en apprenant que j’allais ĂŞtre père d’une fille, nĂ©e depuis, Ă  aucun moment, je ne me suis catastrophĂ© en me disant :

 

« Quel malheur ! Une fille ! Qu’est-ce que je vais pouvoir en faire ?! Â».

 

Il est pour moi parfaitement normal d’avoir commencé à montrer à ma fille certains petits gestes d’Aïkido, de lui avoir acheté une paire de gants de boxe, des protèges tibias et un protège dents, et, certaines fois, de m’amuser à me battre avec elle.

 

 

Je ne suis pas féministe même si, visiblement, il a pu arriver que certaines amies femmes puissent se confier à moi. Et, même s’il a pu arriver ou peut sans doute encore arriver que l’on se demande, voire que l’on me demande, si je suis homo. Et je ne me sens pas insulté en particulier par ce genre de question. Mais plutôt amusé.

 

Je ne suis pas fĂ©ministe mĂŞme si je n’ai jamais Ă©tĂ© un « queutard Â» ou un de ces hommes capables d’embobiner une femme ou de jouer un rĂ´le devant elle afin de pouvoir me vider les couilles et, ensuite, me glorifier auprès d’autres hommes de ma dernière « conquĂŞte Â».  Si, bien-sĂ»r, je trouve bien des femmes dĂ©sirables et que j’ai des besoins affectifs et sexuels, je ne comprends pas la satisfaction que je pourrais tirer Ă  recourir Ă  des stratagèmes pour « lever Â» une fille.

 

Ce n’est pas une position morale de ma part. Je ne me dis pas forcĂ©ment que c’est « vilain Â» ou « pas beau Â». Ou « pas bien Â». Mais simplement :

 

Que ce n’est pas moi. Que cela ne me correspond pas….Ă  moins de me retrouver sur une Ă®le dĂ©serte, ou enfermĂ© dans un ascenseur ou un endroit clos pour une durĂ©e indĂ©terminĂ©e. LĂ , je veux bien croire que je puisse trouver spĂ©cifiquement dĂ©sirable celle qui se trouvera avec moi. La sexualitĂ© se rĂ©duisant alors totalement Ă  une sorte d’incantation ou de forme d’Ă©chappatoire en vue de tenter de se soustraire, de manière Ă©phĂ©mère, aux barreaux de notre vaine condition humaine.

 

En dehors de ces circonstances extrĂŞmes, je crois qu’il faut avoir la personnalitĂ© qui va avec, lorsque l’on est un sĂ©ducteur ou un queutard « certifiĂ© Â». On a une image particulière Ă  donner de soi, un rĂ´le Ă  tenir, dès lors que l’on est un « sex machine Â». Afin de vendre du rĂŞve Ă  celles et ceux qui ne demandent qu’à croire Ă  cette arnaque et Ă  essayer d’attraper ce rĂŞve factice qui va, de toute façon, leur Ă©chapper. Et c’est ce qui, prĂ©cisĂ©ment sans doute, va les attirer et leur procurer excitation et adrĂ©naline.

 

Je me sens incapable, mais aussi non volontaire, pour ĂŞtre comme le personnage de Tony ( très bien jouĂ© par l’acteur Salim Kechiouche) dans le film Mektoub, my love : canto uno ( sorti en 2018) du rĂ©alisateur abdellatif Kechiche.

Pourtant, le personnage de Amin (jouĂ© par l’acteur ShaĂŻn Boumedine) censĂ© ĂŞtre le vĂ©ritable personnage principal du film ainsi que le double du rĂ©alisateur, m’exaspère pour son incapacitĂ© manifeste Ă  sĂ©duire. Ou, d’abord, Ă  vivre. Il est lĂ , avec son sourire constant, dominĂ© par les Ă©vĂ©nements. Peut-ĂŞtre qu’il m’exaspère parce qu’il me ressemble un peu trop et que je sais, par expĂ©rience, que le gentil garçon poli, doux, sympathique, passif et « romantique Â» est plutĂ´t vouĂ© Ă  rester le spectateur puissant et impuissant de ses amours.

 

Paris, juin ou juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Je ne suis pas fĂ©ministe tout simplement parce qu’aujourd’hui, en 2022, cela fait « bien Â», cela fait « hype Â», « branchĂ© Â», « cool Â», « Yes ! »,  » Super ! »  et  engagĂ© de se dire fĂ©ministe.

 

Je ne remets aucunement en cause, par contre, le fĂ©minisme de Victoire Tuaillon. J’écris simplement, Ă  ma manière, que je n’ai pas envie de rejoindre toutes ces personnes pour lesquelles se dire « fĂ©ministe Â», « cool Â», « ouvert Â», « tolĂ©rant Â» ou « gay friendly Â» sont principalement des expressions qui font joli. Ce sont peut-ĂŞtre des affirmations très sincères. Et puis, dans les faits, ces mĂŞmes personnes prĂ©tendument « fĂ©ministes Â», « cool Â», « ouvertes Â», « tolĂ©rantes Â» ou « gay friendly Â» peuvent se montrer beaucoup moins « open Â» que d’autres personnes a priori estimĂ©es comme très conservatrices ou de « l’ancien rĂ©gime Â».

 

Cette rĂ©clame pour un promoteur immobilier a bien Ă©tĂ© prise en juillet de cette annĂ©e 2022 dans la ville de Cormeilles en Parisis, Ă  une vingtaine de kilomètres de Paris, une ville pas particulièrement en retard sur son Ă©poque ! On notera nĂ©anmoins le cĂ´tĂ© assez vieux jeu dans ces rĂ´les dĂ©volus Ă  la femme et Ă  l’homme sur l’affiche.

 

Je veux bien passer pour quelqu’un de « l’ancien rĂ©gime Â», de « old school Â», de « traditionnaliste Â» ou pour quelqu’un de « rigide Â» et « paternaliste ». De toutes façons, je suis sans doute un peu tout ça. Et mĂŞme davantage. 

 

 

J’aime dans le film de Ken Loach, Raining Stones (réalisé en 1993) ce passage où un prêtre, absout Bob, catholique pratiquant, un père au chômage, culpabilisé, parce qu’il a utilisé de l’argent qui ne lui appartenait pas afin de pouvoir offrir à sa fille une très belle robe pour sa communion. Si le réalisateur Ken Loach, en tant que communiste, est sans doute athée, j’ai envie de croire que de tels prêtres puissent exister ou ont existé. Pourtant, au départ, on pourrait penser que n’importe quel prêtre catholique (ou d’une autre religion), devant une telle situation, aurait dénoncé ce père à la police ou contraint Bob de rendre la robe de sa fille au vendeur.

 

Certainement que des prêtres catholiques ont aussi aidé certaines femmes à avorter clandestinement au vu des circonstances dans lesquelles elles sont tombées enceintes. Et, je ne parle pas, ici, de femmes qui auraient été ou ont été les maitresses consentantes ou forcées de certains prêtres. Même si ces femmes existent ou ont existé.

 

 

Et puis, je ne suis pas féministe, parce-que, d’une certaine manière, je revendique presque le fait d’avoir été ou d’être, parfois, ou souvent, ou quelques fois, encore, le beauf, le lourdaud, le mec décrit dans l’ouvrage de Victoire Tuaillon.

 

Je revendique presque le fait d’avoir été ou d’être, parfois, ou souvent, le beauf, le lourdaud, le mec pénible

 

 

Les hommes « fĂ©ministes Â» ou qui se disent comme tels sont un peu trop parfaits pour moi. Un peu trop artificiels. Un peu trop beaux pour ĂŞtre vrais. Un peu trop « bios Â».

 

 

Ces hommes ont le droit de se croire irrĂ©prochables et impeccables concernant les droits des femmes. Des femmes ont le droit de trouver ces hommes « fĂ©ministes Â» exemplaires. Sauf que, moi, en pratique, je ne crois pas Ă  cette exemplaritĂ© de tous les instants. De mĂŞme que je ne crois pas que les femmes « fĂ©ministes Â» soient, elles mĂŞmes, exemptes de certaines contradictions ou exemplaires en toutes circonstances.

 

Dans son ouvrage, Victoire Tuaillon évoque bien certaines de ces contradictions rencontrées chez certaines femmes féministes. J’ai néanmoins l’impression qu’il est deux ou trois sujets qui sont oubliés dans son ouvrage, très documenté, que j’ai aimé lire.

 

MĂŞme si certains passages de son ouvrage sont plutĂ´t Ă  charge pour un « homo erectus Â» beauf comme moi.

Si je prends Ă  la lettre ce que je vois, je pourrais croire qu’en prenant les bus 56 et 96, mais aussi en me rendant dans la rue J-P Timbaud, que je vais tomber sur ces plages oĂą de jeunes et charmantes femmes s’Ă©tirent. En sortant du mĂ©tro, je n’ai rien trouvĂ© de cela. Une nouvelle fois, je me suis fait avoir…. Photo prise dans le mĂ©tro Ă  Paris, en juillet 2022. ©️Franck.Unimon

 

Plusieurs couches, plusieurs Ă©tapes et plusieurs strates chez l’ homme, pour vous, spĂ©cialement, les filles :

 

 

Pour conclure cette première partie de mon article, je dirais que je ne suis pas fĂ©ministe et revendique presque le fait de faire partie, certaines fois, ou souvent, des mecs lourds parce-que je sais, aussi, que je suis diffĂ©rent de celui que j’ai pu ĂŞtre :

 

 

On est un homme différent selon que l’on vit chez papa et maman, que l’on est puceau, que l’on se regroupe entre garçons pour parler des filles qui nous attirent mais que l’on on a aussi plus ou moins peur de rencontrer dans l’intimité. C’est alors, à se demander, qui a le plus peur de se faire violer….

 

On est un homme différent selon que l’on a la possibilité, ou non, de discuter avec des personnes plus âgées que soi, mariées, divorcées, infidèles ou non.

 

On est un homme différent selon que l’on a connu quelques histoires d’amour, que l’on ait été amant d’une femme mariée et récemment maman, ou non.

 

On est un homme diffĂ©rent selon que l’on dĂ©cide de rester uniquement dans un milieu hĂ©tĂ©ro cloisonnĂ© ou que l’on accepte, Ă  certains moments, de s’en affranchir un peu pour rencontrer d’autres personnes diffĂ©rentes de nos « habitudes Â».

 

On est un homme différent selon que l’on est célibataire, que l’on vit en célibataire chez soi pendant plusieurs années, que l’on a du mal à s’engager ou que l’on vit marié, sous le même toit que quelqu’un d’autre, avec ce quelqu’un d’autre avec lequel, après en avoir discuté et un peu hésité, on décide de devenir parent.

 

J’ai connu et continue de connaître ces différentes étapes. Ces différentes strates de moi-même me font avoir, je crois, un certain regard sur l’ouvrage de Victoire Tuaillon. Ce regard peut être féministe ou plus ou moins beauf.

Paris, juillet 2022 sans doute. Photo©️Franck.Unimon

 

Par exemple, Victoire Tuaillon, au dĂ©part, me fait sourire :

 

Aujourd’hui, il est très facile de trouver sur le net des photos de personnes un peu connues. On peut aussi avoir besoin de se faire une idée de la personne dont on va lire l’ouvrage.

A voir une photo ou deux de Victoire Tuaillon, à deviner aussi un peu ses aptitudes pour l’humour, et tout en songeant, toujours, au titre de son ouvrage Les Couilles sur la table, je suis tombé sur une de ses photos où on la voit, souriante, charmante, avec sa poitrine qui a commencé à m’opérer la tête.

 

Voilà le beauf ou le mec lourdaud en moi. Celui que les féministes, dont Victoire Tuaillon, en ont assez de se coltiner. Et, je les comprends dans une certaine mesure.

 

Je ne suis, hélas, et ne serai jamais que le 157 000ème homme ou garçon à m’émouvoir ou à faire des commentaires sur cette particularité de son anatomie.

 

Pourtant, quoi de plus « simple Â» et de plus « normal Â» que de remarquer ce caractère sexuel secondaire avantageux que constitue, aussi, cette belle poitrine ? Serait-il plus normal, plus sain et plus sincère de faire comme si on ne l’avait pas remarquĂ© ?

 

C’est un des sujets, à propos duquel, en tant que beauf, mec lourdaud ou autre adjectif défavorable à la gente masculine, j’ai beaucoup de mal avec les féministes qu’ils soient hommes ou femmes.

Alors, Victoire Tuaillon, si elle ou d’autres, prennent très mal mes propos concernant sa poitrine, ne me fait plus sourire. Mais me fait peur. MĂŞme si, dans les premières pages, elle se veut rassurante et affirme :

 

« J’aime les hommes Â».

 

 

Voici ce qu’il en est pour la première partie de cet article que j’ai préféré couper afin qu’il soit plus facile à lire.

 

Franck Unimon, ce dimanche 24 juillet 2022.

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Puissants Fonds/ Livres

J’ai lu RĂ©inventer l’Amour de Mona Chollet

 

 

 

Au spot 13, en mars 2022. Oeuvre de l’artiste ClĂ©ment Herrmann. Photo©️Franck.Unimon

 

 J’ai lu RĂ©inventer l’Amour ( Comment le Patriarcat sabote les relations hĂ©tĂ©rosexuelles) de Mona Chollet

« On va tellement vous violer que vous ne pourrez plus avoir d’enfants Â» auraient dit des militaires russes Ă  des femmes ukrainiennes. Depuis le 24 fĂ©vrier 2022, l’armĂ©e militaire russe a commencĂ© Ă  envahir l’Ukraine. Et la guerre, qui Ă©tait « prĂ©vue Â» pour ĂŞtre courte, continue entre les deux pays.

 

Il y a quelques annĂ©es, j’ai envisagĂ© d’aller travailler dans un CMP ( Centre MĂ©dico- psychologique) pour adultes en banlieue parisienne, dans une ville assez proche d’Argenteuil, ville oĂą j’habite.

 

Lors du trajet en voiture depuis Gennevilliers vers ce CMP , situé à Villeneuve la Garenne, la cadre infirmière m’avait un peu raconté quelques unes de ses missions humanitaires passées. Dont une durant la guerre en ex-Yougoslavie. Dans la voiture de service, tout en me conduisant, cette infirmière expérimentée, à quelques années de la retraite, m’avait parlé de sa peur. De sa peur du viol. Et de deux sœurs bosniaques qu’elle avait alors connues. L’aînée des soeurs lui avait servi d’interprète.

 

Après  la guerre, l’aĂ®nĂ©e, avec laquelle elle Ă©tait restĂ©e en contact,  Ă©tait demeurĂ©e cĂ©libataire et avait dĂ©veloppĂ© un cancer. La plus jeune, femme très coquette Ă  l’origine, s’était mariĂ©e et radicalisĂ©e religieusement.

 

Chaque fois qu’il y a des guerres, des femmes mais aussi des enfants se font violer. Si, en temps de « paix Â», certains viols peuvent ĂŞtre- difficilement- condamnĂ©s, en temps de guerre, il peut ĂŞtre encore plus difficile de les faire condamner comme de faire condamner leurs auteurs.

 

 

D’autant plus que la « Paix Â», comme la SantĂ©, ont des dĂ©finitions très variables. Puisque l’on peut, aussi, ĂŞtre victime d’un viol dans un pays en « Paix Â» et riche comme la France.

Paris, mars 2022.

 

Les multiples guerres du quotidien

 

 

Car, si certaines guerres militaires sont plus mĂ©diatisĂ©es que d’autres, il existe bien d’autres dĂ©clinaisons de la guerre :

 

Des guerres domestiques, sociales, Ă©conomiques, relationnelles, professionnelles, culturelles. Et, ces multiples guerres du quotidien, directes ou indirectes, propulsent plus facilement certaines et certains aux avants postes tandis que d’autres, «progressivement Â», et malgrĂ© leurs efforts, rĂ©gressent, stagnent ou piĂ©tinent dans leur Ă©volution personnelle.

 

RĂ©cemment, Ă  la gare de Paris St Lazare, j’ai aperçu un patient que j’avais d’abord « croisé » une première fois deux ou trois ans plus tĂ´t dans un service d’addictologie oĂą j’avais effectuĂ© quelques remplacements. Puis, au dĂ©but de la pandĂ©mie du Covid, je l’avais reconnu aux abords de la gare St Lazare.

Au dĂ©but de la pandĂ©mie du Covid, il prĂ©sentait bien, avait mĂŞme une perception assez critique concernant la pandĂ©mie . Quand je l’ai revu Ă  la gare St Lazare, la semaine dernière, il Ă©tait en train de fumer, sans masque, et ressemblait Ă  un clochard. La première fois que je l’avais recroisĂ© près de la gare de Paris St Lazare, il faisait la manche. Il y a quelques jours, j’imagine qu’il Ă©tait encore dans la gare de Paris St Lazare pour continuer de faire la manche. Sauf que son Ă©tat personnel s’était aggravĂ©. Pourtant, depuis des annĂ©es, cet homme qui a connu l’emploi, comme d’autres femmes et d’autres hommes, a essayĂ© et aura essayĂ© de s’en sortir.

 

 

Je ne peux pas affirmer que, par son livre, Mona Chollet, vise aussi ces sujets puisque le titre de son ouvrage est : RĂ©inventer l’Amour. Mais voilĂ  ce qu’il commence par m’inspirer, ce matin, alors que j’ai terminĂ© sa lecture dans un jardin des Tuileries ensoleillĂ© il y a plus d’une semaine dĂ©sormais.

Au jardin des Tuileries, Paris, avril 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Mona Chollet parle d’Amour et avec son titre rajoute :

 

Comment le Patriarcat sabote les relations sexuelles. Et, moi, je commence par parler de viols de femmes par temps de guerre et de paix. Puis d’un homme en voie de clochardisation.

 

« On va tellement vous violer que vous ne pourrez plus faire d’enfants… Â».

« On va tellement vous violer que vous ne pourrez plus vous exprimer Â».

 

RĂ©inventer l’Amour : un livre de « fille Â» et d’intello favorisĂ©e

 

Je n’aurais pas lu ce livre de Mona Chollet, si, une de mes jeunes collègues internes, Chamallow, en stage dans mon service, ne m’en avait parlĂ© il y a plusieurs semaines. Après que j’aie eu la curiositĂ© de lui demander ce qu’elle lisait ou avait lu rĂ©cemment. 

( voirLe petit fantĂ´me bleu, Mona Chollet-RĂ©inventer l’Amour ).

 

 

J’avais entendu parler de ce livre. Mais je l’avais pris pour un sujet ou un livre de « fille Â».

 

Moi, qui, depuis des annĂ©es, Ă©volue dans un milieu professionnel qui a souvent Ă©tĂ© majoritairement fĂ©minin ; moi qui exerce un mĂ©tier de soignant (infirmier en soins psychiatriques et pĂ©dopsychiatriques ou en SantĂ© Mentale ), mĂ©tier auquel on attribue plutĂ´t des « qualitĂ©s Â» ou des vertus fĂ©minines ; moi, qui, en tant qu’aĂ®nĂ©, a, Ă  partir de mon adolescence jusqu’à mes trente ans, jouĂ© un rĂ´le de substitut parental jusqu’au sacrifice de mon intimitĂ© et de mon cĂ©libat, j’ai d’abord pensĂ©, en entendant parler de ce livre de Mona Chollet : « C’est un truc de fille ! Â» ou « Encore une intello favorisĂ©e qui a les moyens de vivre de ses concepts Â».

 

Mona Chollet est en effet une femme, après avoir été une fille. Et, elle vient bien d’un milieu social et intellectuel favorisé, voire privilégié, en tant que femme blanche, même si ses parents se sont séparés alors qu’elle était enfant, comme elle le mentionne. Néanmoins, son livre m’a rapidement plu.

 

Depuis, j’ai dĂ©jĂ  remerciĂ© plusieurs fois Chamallow de m’avoir prĂŞtĂ© ce livre. A la fois pour le plaisir que j’ai eu Ă  le lire. Mais, aussi, Ă  le lire certaines fois dans mon service actuel : avant de lire RĂ©inventer l’Amour de Mona Chollet, j’ignorais que l’on pouvait prendre d’autant plus de plaisir Ă  lire un livre que son contenu contraste avec l’état d’esprit ou la culture plutĂ´t gĂ©nĂ©rale dans le service oĂą l’on travaille.

 

 

Le plaisir de lire Réinventer l’Amour, la nuit, dans mon service actuel où, pour certains collègues, un homme, et un bon infirmier, c’est d’abord quelqu’un qui s’impose.

 

 

Mon service actuel n’est pas un service de collègues violeurs et de collègues femmes violĂ©es. Peut-ĂŞtre, qu’un jour, lorsque je me dĂ©ciderai vraiment Ă  prendre le temps d’écrire que j’inventerai des histoires de ce genre. Mais, pour l’instant, j’en suis encore Ă  dĂ©crire le fait que dans mon service actuel, certaines valeurs « viriles Â» font office de table de Loi. Dans mon service actuel, plus que dans les services et les Ă©tablissements prĂ©cĂ©dents oĂą j’ai travaillĂ©, pour certains de mes collègues, un homme (et je suis un homme, c’est certain) et un bon infirmier (et je suis infirmier), c’est d’abord quelqu’un qui s’impose.

 

En particulier, physiquement. Pour faire des injections à un patient agité ou opposant à la prise de son traitement par voie orale (sous forme de gouttes le plus souvent).

 

Dans mon service actuel, pour certains de mes collègues, ĂŞtre un homme et un bon infirmier, c’est pratiquer la contention physique. Et, aussi, sans doute, parler fort ou plus ou moins fort, faire connaĂ®tre ses exploits  physiques, les raconter, parler de certains sujets d’une certaine façon ( le Foot, les femmes, parler de sa vie etc….).

 

Paris, mars-avril 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Peu importe que, lorsque je l’estime justifiĂ© et inĂ©vitable, je puisse, aussi, faire des injections, de la contention physique, ou y participer avec d’autres collègues lorsque nous devons le faire. Mon personnage, ma personnalitĂ©, ne cadre pas avec la conception que se font certains de mes collègues actuels de ce qu’est ou doit ĂŞtre un homme mais, aussi, un bon infirmier. Ou, tout simplement, un ĂŞtre humain dit « normal ». Alors que moi, sans m’en apercevoir, car c’est ma normalitĂ©, sans doute que je me comporte « bizarrement ». C’est Ă  dire pas comme tout le monde.

 

Sans doute aussi, parais-je un petit peu trop « intello » pour ĂŞtre honnĂŞte. 

 

Et, vu que, paradoxalement,  je parle peu de ma vie conjugale et de ma fille au travail, cela doit vraisemblablement signifier que je dissimule des projets, des pensĂ©es et des moeurs fort peu recommandables : j’attends  presque ce moment ( ce suspense devient un peu insoutenable)  oĂą certains de mes collègues dĂ©cideront ( c’est peut-ĂŞtre dĂ©ja fait) que je suis probablement pĂ©dĂ© ou homosexuel.

Pour moi, ce n’est pas une insulte d’être confondu avec un homosexuel. Je trouve ça plutôt drôle. Mais je sais, aussi, que dans certains milieux et dans certains groupes, être perçu comme un homosexuel peut revenir à être considéré comme un sous-homme ou comme une sorte de perversion. Ce qui peut susciter, de la part de certaines personnes, une agressivité et une violence particulières, redoublées, ou un rejet, à l’encontre de celle ou de celui qui est suspecté(e) d’homosexualité.

 

J’ai donc compris, que, pour certains de mes collègues actuels, je suis un baltringue; un con; quelqu’un Ă  qui « on ne fait pas confiance Â» ; quelqu’un qui se « dĂ©bine Â» ou se « dĂ©binerait Â» lorsque cela se tend avec un patient ou lorsque cela est susceptible de se tendre. Et que je suis quelqu’un, c’est une certitude pour certains de ces collègues,  ou cela l’a Ă©tĂ© !, que je n’ai rien Ă  faire dans mon service actuel oĂą je travaille, maintenant depuis un peu plus d’un an. Et, cela, malgrĂ© plus de vingt ans d’expĂ©riences en soins psychiatriques et pĂ©dopsychiatriques, de jour, comme de nuit, dans des services intra comme extra hospitaliers oĂą j’ai eu, aussi, Ă  vivre des situations de tension avec des patients et des patientes. Ainsi que certaines confrontations physiques.

 

Je manquerais de « couilles ». Si on ne l’a pas bien compris. Et si j’ai bien dĂ©codĂ© certains messages que m’ont adressĂ© certains de mes collègues assez peu courageux, qui marchent et pensent souvent par deux au minimum.  

Je ne compte dĂ©ja plus le nombre de fois oĂą en me disant bonjour certains de ces collègues virils , et très assurĂ©s, ont rapidement Ă©vitĂ© ou Ă©vitent mon regard alors que nous nous retrouvons face Ă  face. Le dĂ©gout de ma personne sans doute ou un sentiment proche de la pitiĂ© pour l’irrĂ©mĂ©diable merde que je suis. 

 

Paris, avril 2022. Photo©️Franck.Unimon

Je serais « trop gentil Â». Je « discuterais trop Â». Peu importe que, plusieurs fois, cette « gentillesse Â», cette « discussion Â» de quelques minutes mais aussi cette « patience Â» de quelques minutes, aussi, ont dĂ©jĂ  permis de dĂ©samorcer certaines situations. Dans mon service actuel, avoir certaines aptitudes pour la modĂ©ration serait plutĂ´t un aveu de faiblesse d’après le point de vue de certains de mes collègues. 

 

Le parallèle avec le livre de Mona Chollet, RĂ©inventer l’Amour ?

 

Si l’on parle de l’Amour, d’une façon ou d’une autre, on en arrive à parler du Pouvoir sur le corps d’autrui.

 

 

Si l’on parle d’Amour, d’une façon ou d’une autre, on en arrive à parler du Pouvoir. Du Pouvoir dont on dispose mais aussi du Pouvoir que l’on peut, ou pourrait, en certaines circonstances, pour certaines raisons, bonnes ou mauvaises, choisies ou involontaires, exercer sur quelqu’un d’autre.

 

Et si l’on parle d’Amour, même si l’Amour spirituel, parental, filial, cérébral ou platonique existe, on parle aussi, du corps. De ce Pouvoir qu’une personne peut exercer, à qui l’on donne cette autorisation ou cette possibilité, sur notre corps.

 

Paris, mars 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Lorsque l’on aime quelqu’un ou lorsque l’on est malade (d’Amour ou d’autre chose), il arrive un moment où l’on se confond avec l’autre. Avec son désir, sa volonté.

 

Où l’on s’abandonne à lui. Où l’on se confie à elle ou à lui.

 

 OĂą il arrive un moment, aussi, oĂą, malgrĂ© l’intimitĂ© ou la proximitĂ©, on rĂ©siste ou s’oppose. Soit parce-que l’on a peur. Soit parce-que l’on perçoit l’autre comme un agresseur dont on veut se dĂ©faire ou se dĂ©fendre.

 

Parfois, nous avons encore la possibilitĂ© de nous dĂ©faire ou de nous dĂ©fendre de l’autre. Parfois, il est trop tard ou un peu trop tard lorsque nous rĂ©agissons :

 

Les victimes d’un viol, d’une agression, Ă  moins d’avoir Ă©tĂ© surprises dès le dĂ©but par leur agresseur (e) ont souvent, au dĂ©but, laissĂ©es celle-ci ou celui-ci s’approcher de leur espace personnel. Elles (les victimes) ont souvent « cohabitĂ© Â» ou « coexistĂ© Â» un temps avec leur futur(e) agresseur ( e). Que cette agression se rĂ©pète ou qu’elle soit unique.

 

 

Mona Chollet parle-t’elle de cela dans son livre ? Pas de cette façon.

 

Paris, 2 Mai 2022. Gare St Lazare, près de la ligne 14. Photo©️Franck.Unimon

 

 PrĂ©dation et sexualitĂ©

 

Récemment, j’ai écouté un podcast dans lequel était interviewée l’humoriste Caroline Vigneaux. En l’écoutant, j’ai appris que ses spectacles étaient très documentés (comme pour beaucoup d’humoristes) mais, aussi, qu’elle visait à faire passer des messages.

Parmi ces messages, bien qu’ouvertement fĂ©ministe, lors de cette interview, Caroline Vigneaux confirmait aussi s’être accrochĂ©e violemment- et verbalement- avec des femmes, sĂ»rement des victimes d’agressions, pour lesquelles « Tous les hommes sont des prĂ©dateurs Â».

 

S’il est un fait que, le plus souvent, les victimes de viols sont des femmes ( et des enfants filles ou garçons), fermer la boucle par un « Tous les hommes sont des prĂ©dateurs Â» ne permettra pas de….rĂ©inventer l’Amour.

 

 

J’ai parlé du corps, tout à l’heure. Parler du corps, c’est aussi, bien-sûr, parler de la sexualité. Nous n’avons pas tous le même rapport à la sexualité. Notre rapport à la sexualité peut être différent selon l’âge que l’on a. Selon nos croyances. Selon notre éducation.

Dans mon éducation de petit antillais né en France, la musique et la danse, qui sont des dogmes sociaux et culturels aux Antilles, m’ont indiscutablement préparé ou initié, sans pour autant faire de moi, un Rocco Siffredi antillais, à un certain éveil corporel et sexuel. Danser le Compas et le Zouk dès l’enfance, que ce soit en France et en Guadeloupe, mais aussi voir toutes les générations, des enfants aux grands parents, danser de cette manière lors de festivités (baptêmes, mariages, communions…) permet sans aucun doute une approche assez précoce et concrète de son propre corps comme du corps de l’autre, qui plus est en rythme ( un rythme binaire pour comparer avec le rythme ternaire du Maloya par exemple qui me semble moins dansable à deux) comparativement à une éducation où, à la maison ou en famille, on va écouter de la variété française, du Rock ou de la musique classique.

On a bien sĂ»r une sexualitĂ© et un Ă©veil Ă  la sexualitĂ© et au corps mĂŞme lorsque l’on Ă©coute de la variĂ©tĂ© française, du Rock, de la musique classique, de la techno ou du Rap ou un tout autre genre musical. Autrement, un certain nombre de lectrices et de lecteurs de cet article ne pourraient pas le lire aujourd’hui et demain.

Mais on comprendra facilement, je crois, que lorsque l’on danse « collĂ©s-serrĂ©s Â» sur du Zouk ou du Compas, que la composante sexuelle de la musique et de la danse, est facile Ă  dĂ©tecter de façon implicite ou explicite. Et si, malgrĂ© cela, on danse en toute « innocence Â», certaines paroles en CrĂ©ole ( pas uniquement du bien connu Francky Vincent ) de certaines chansons nous signalent assez « bien Â» que la sexualitĂ© et le coĂŻt sont envisagĂ©s. Ou suggĂ©rĂ©s.  

Il y a quelques annĂ©es, maintenant, un copain enseignant avait voulu traduire en Français, Ă  sa classe, les paroles du tube Angela du groupe SaĂŻan Supa Crew mais dans des termes châtiĂ©s. Il m’avait donc sollicitĂ©. J’aurais tellement voulu lui rendre ce service mais mĂŞme en faisant tourner dans ma tĂŞte diverses correspondances, j’avais Ă©tĂ© obligĂ© de lui dire qu’il n’y avait rien Ă  faire :

Si je traduisais, honnĂŞtement, une des phrases phares de la chanson, cela donnait quelque chose comme, sur un air enjouĂ©, Â« Angela, je vais te dĂ©foncer (sexuellement, s’entend) pendant l’absence de ton père Â». Ce qui est quand mĂŞme plus « rentre-dedans Â» que les sous-entendus de La Sucette Ă  l’Anis composĂ©e par Gainsbourg pour la naĂŻve France Gall et que, plus tard (car je suis plus jeune que Gainsbourg et France Gall, aujourd’hui disparus) des mĂ´mes de 12 Ă  13 ans, chantaient avec amusement, et en toute luciditĂ© concernant ces sous-entendus sexuels, dans une des colonies de vacances oĂą je fus assistant sanitaire.

 

 

Depuis mon enfance, que je m’en souvienne ou non, j’ai entendu des chansons à caractère sexuel à peine camouflé dans des festivités antillaises. Et j’ai dansé dessus, en toute simplicité, comme la majorité des personnes présentes. Sans y penser plus que ça.

 

Le corps, ça commence par la peau.

 

Paris, avril 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Mais, avant la sexualité, le corps, cela commence par la peau. La peau du nouveau né que l’on a été. Et que l’on est resté d’une certaine façon quel que soit notre âge. Comme une part de notre enfance et de notre adolescence reste en nous, même à l’âge adulte.

 

La peau, aussi, a une mémoire. Une mémoire surpuissante qui dépasse, je crois, notre intellect et notre raisonnement.

Alice Miller, psychanalyste bien connue, a Ă©crit un livre que j’ai empruntĂ© mais que je n’ai pas encore lu et dont le titre est :

 

Notre corps ne ment jamais.

 

MalgrĂ© toutes nos expĂ©riences, toutes nos prĂ©tentions et nos certitudes, toutes nos applications high tech, toutes nos « victoires Â», tous nos titres  et toutes nos conquĂŞtes, je crois qu’il est des vĂ©ritĂ©s incontestables ou assez incontestables comme le titre de ce livre d’Alice Miller.

 

 

Que l’on parle de la torture, d’un viol, d’une blessure, d’un traumatisme, d’un harcèlement, d’un burn out, d’un dĂ©sespoir ou d’un plaisir consenti, il m’apparaĂ®t très difficile d’Ă©chapper Ă  la vĂ©ritĂ© de ce titre d’Alice Miller. C’est pourtant une vĂ©ritĂ© Ă  laquelle, quotidiennement, nous tournons le dos ou que nous ignorons.

 

Des expériences de massage bien-être

 

Osny, dans le parc du château de Grouchy, avril 2022. Photo©️Franck.Unimon

Et, sans ĂŞtre psychanalyste, je suis restĂ© marquĂ© par cette dĂ©couverte que j’ai faite lors de ma formation en massage bien-ĂŞtre il  y a quelques annĂ©es :

 

Pour asseoir cette formation en massage bien-être, très concrète, je me suis fait masser par différents stagiaires, femmes et hommes de différentes histoires et horizons. Y compris par un homosexuel, à son domicile.

Et j’ai aussi massé des stagiaires en formation massage bien-être comme moi, femmes et hommes. J’ai aussi massé certains de mes proches et moins proches (famille, amis, connaissances).

 

J’ai appris que quelques personnes, une minoritĂ©, en se faisant masser au cours de cette formation en massage bien-ĂŞtre, dans un climat de rĂ©elle bienveillance, s’était effondrĂ©e en larmes. Des Ă©motions douloureuses, anciennes et ancrĂ©es en elles (j’ai plutĂ´t entendu parler de femmes Ă  qui cette expĂ©rience est arrivĂ©e), aspirĂ©es par les mains qui les massaient, avaient en quelque sorte « fracassĂ© Â» ces barrages mentaux qu’elles soutenaient de toutes leurs forces pour juguler une certaine souffrance intĂ©rieure et très forte. Cela pouvait ĂŞtre parce-que, jamais, dans leur enfance, on ne les avait touchĂ©es avec une telle « bienveillance Â». Ou pour toute autre raison…

 

 

De mon cĂ´tĂ©, je me rappelle de mon effarement en massant deux amis de longue date. Deux amis que je connais depuis le collège. Bien qu’officiellement volontaires tous les deux pour que je les masse, ces deux amis (masculins, donc) se sont rĂ©vĂ©lĂ©s particulièrement indisponibles pour profiter du massage.

 

L’un expliquant Ă  sa compagne (j’étais venu le masser chez eux) un peu comme s’il s’agissait d’aborder un problème de mathĂ©matiques, que, pour se faire masser, il « faut se laisser aller Â». Pour me montrer, ensuite…comme il avait particulièrement du mal Ă  se laisser aller.

Lorsque l’on se laisse aller lors d’un massage, on peut soit se mettre à pleurer si certaines émotions douloureuses font surface ou, au contraire, se détendre jusqu’à l’endormissement. Et il s’agit d’un endormissement réparateur et très agréable. Même si cet endormissement ne dure que quelques minutes.

 

Je me demande si j’ai le droit de faire un parallèle pour cet ami, qui est quand mĂŞme mon meilleur ami, entre le fait qu’il ait eu autant de mal Ă  recevoir mon massage et le fait que lorsqu’il a tentĂ© de faire une thĂ©rapie, il a pu dire qu’il ne s’y passait « rien Â», car ne parvenant pas, j’imagine, Ă  « s’ouvrir Â» suffisamment ou Ă  se « laisser Â» aller ou porter…..

 

J’ignore si le fait que mes deux amis se connaissent a jouĂ©. NĂ©anmoins, Ă  plusieurs jours ou plusieurs semaines d’intervalle, le second ami a fait encore « mieux Â» que le prĂ©cĂ©dent :

Alors que je le massais, chez moi, subitement, cet ami s’est avisĂ© qu’il lui fallait absolument consulter son tĂ©lĂ©phone portable. Je l’ai donc vu Ă©tendre son bras pour attraper son tĂ©lĂ©phone portable…. 

 

Mon propre père a refusé ma proposition de se faire masser. Tandis que ma mère, ma jeune sœur et mon jeune frère se sont faits masser avec plaisir. Mon frère allant jusqu’à rester endormi dix bonnes minutes après la fin du massage.

Lors d’une autre expĂ©rience, alors que, dans un centre de plongĂ©e et d’apnĂ©e en banlieue parisienne, je le massais Ă  mĂŞme la peau, un moniteur de plongĂ©e ( Ă©galement motard ) celui-ci, plutĂ´t sympathique, et volontaire Ă©galement,  parlait sans discontinuer.  Me racontant qu’il avait « dĂ©ja fait » des massages. S’amusant aussi quant au fait que j’avais peut-ĂŞtre prĂ©vu de  » la musique indienne » etc….

Il faut savoir que je fais plutĂ´t partie des personnes, qui, lorsqu’elles sont « dans » le massage, en tant que masseur ou massĂ©, entrent dans une sorte de mĂ©ditation :

Un peu sans doute comme dans la lecture d’un livre ou lorsque j’Ă©cris. Il m’est arrivĂ© d’ĂŞtre appelĂ© alors que j’Ă©tais en pleine Ă©criture. Et, souvent, la personne que j’ai eue au tĂ©lĂ©phone a eu l’impression de me rĂ©veiller. J’Ă©tais tout simplement encore  » en moi-mĂŞme » en rĂ©pondant au tĂ©lĂ©phone.

Lorsque je masse,  si la personne massĂ©e peut « entrer en elle », j’entre aussi en moi-mĂŞme, tout en Ă©tant attentif Ă  la personne que je masse comme au temps que je mets. C’est un voyage Ă  la fois commun mais aussi individuel. Le corps de l’autre et  le contact de nos mains reliĂ©es bien sĂ»r Ă  notre ĂŞtre, donc, Ă©galement Ă  notre corps et Ă  notre propre vie intĂ©rieure permettent ce voyage.

Dans ces circonstances, ĂŞtre en prĂ©sence de quelqu’un qui se met Ă  parler pour « meubler » ou sans doute parce-qu’il est finalement mal Ă  l’aise, casse en quelque sorte l’ambiance. Un massage, de mon point de vue, est pour beaucoup un voyage intĂ©rieur mĂŞme si l’on part de « l’extĂ©rieur » ( le corps, des mains, de l’huile, un environnement et un moment particulier….).

 

NĂ©anmoins, ce jour-lĂ , s’il Ă©tait particulièrement bavard lors du massage Ă  l’huile de son dos, ce « cobaye » moniteur de plongĂ©e, qui Ă©tait dĂ©ja descendu Ă  soixante mètres et plus profond en plongĂ©e bouteille, s’Ă©tait soudainement tu. Lorsque j’Ă©tais ensuite passĂ© Ă  une forme d’Ă©tirements et de balancements plus fermes mais aussi plus toniques qui dĂ©tendent Ă©galement. J’en avais dĂ©duit que c’Ă©tait cela qui convenait le mieux Ă  cet homme. Un homme que je n’ai jamais revu par la suite car en revenant plus tard, en accord avec le directeur de ce centre aquatique, pour masser et relaxer des plongeuses et des plongeurs volontaires avant leur sĂ©ance ( et il y’en eut), j’appris que ce moniteur de plongĂ©e s’Ă©tait tuĂ© quelques semaines plus tard Ă  moto. 

Un autre ami, toujours vivant, lui, que j’ai massĂ© deux ou trois fois, m’avait aussi surpris Ă  chaque fois. PlutĂ´t rĂ©servĂ© quant Ă  ses Ă©motions et assez dur au mal, très travailleur, perfectionniste, et plus que reconnu dans sa profession, chaque fois que j’avais commencĂ© Ă  le masser, cet ami s’Ă©tait mis subitement Ă  me parler – lui qui est plutĂ´t du genre Ă  voir toute forme de thĂ©rapie comme une absurditĂ©- et Ă  se confier Ă  moi sans que je ne m’y attende.

Je me rappelle aussi d’une fois, en particulier, oĂą, après l’avoir massĂ©, j’avais « ramassé » beaucoup de ses tensions intĂ©rieures. 

 

Enfin, bien-sĂ»r, plus d’une fois, des personnes m’ont dit ouvertement qu’elles voyaient le massage comme un prĂ©liminaire Ă  l’acte sexuel. Et que, de ce fait, il Ă©tait pour elles hors de question que je les masse. Cela a pu prendre des proportions très comiques avec mon beau-frère. Ainsi qu’avec un ami, Raguse

 

 

Alice Miller a donc raison : Notre corps ne ment jamais. Et, selon l’état de confiance et de mĂ©fiance, d’attirance ou de rĂ©pulsion dans lequel on se trouve, on accepte, Ă  tort ou Ă  raison, de s’en remettre Ă  l’autre. Et, il me semble que l’Amour, c’est, Ă  un moment ou Ă  un autre, s’en remettre Ă  l’autre dans une certaine intimitĂ©.

 

Il est courant de considĂ©rer qu’une personne nous inspire de la mĂ©fiance parce-que son attitude nous apparaĂ®t « louche Â» ou « suspecte Â». Et cela peut ĂŞtre vrai. Sauf que l’on parle moins souvent de ces fois oĂą l’on attribue Ă  quelqu’un des dĂ©fauts ou des vices, mais aussi des qualitĂ©s extraordinaires, qui existent principalement dans le dĂ©cor de notre imaginaire.

 

Couple se parlant, dans le métro. Paris, avril 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Le Décor de notre imaginaire

 

J’ai plusieurs fois été marqué d’entendre des femmes se plaindre d’histoires malheureuses qu’elles avaient pu connaître avec des hommes. Alors que, parallèlement à cela, ces mêmes femmes avaient pu se détourner ou se montrer impitoyables avec d’autres hommes sincèrement attentionnés à leur égard.

 

Pas plus tard qu’il y a quelques jours, une interne qui faisait sa dernière garde dans mon service, en tant que stagiaire, me parlait d’une confĂ©rence ou d’un colloque oĂą elle s’était rendue et oĂą elle avait eu l’impression de se trouver « dans une secte Â» :

 

Un mĂ©decin chef (psychiatre, je crois) y Ă©tait admirĂ© par plusieurs de ses autres collègues mĂ©decins. Des femmes, exclusivement.  Et, Ă  un moment donnĂ©, l’une d’elle, a pris la parole pour s’exprimer sur un sujet donnĂ©. Sauf que son point de vue n’a pas Ă©tĂ© partagĂ© par le mĂ©decin chef qui, devant tout le monde (environ une cinquantaine de personnes) lui a dit : « Tu dis n’importe quoi ! Â».

La jeune interne qui me racontait ça m’a ensuite appris, mĂ©dusĂ©e, que la femme mĂ©decin humiliĂ©e en public avait trouvĂ© des circonstances Ă  ce mĂ©decin chef qu’elle estimait si « gĂ©nial ! Â».

 

J’en ai rajoutĂ© une couche en disant Ă  cette jeune interne :

 

Peut-être ou sans doute que toutes ces femmes qui admirent ce médecin chef aimeraient s’autoriser à être comme lui. Et j’ai en quelque sorte conclu en disant que, sans aucun doute, d’ici quelques années, plusieurs de ces femmes médecins diront que travailler avec ce médecin chef a constitué ou aura constitué l’une des meilleures périodes de leur vie professionnelle mais aussi personnelle.

 

Mona Chollet, dans son livre, Réinventer l’Amour, parle de ces sujets autrement. Avec d’autres exemples. En citant Marlon Brando et Serge Gainsbourg, deux hommes, deux Personnalités et deux artistes, encore adulés. Des modèles pour bien des femmes et des hommes encore aujourd’hui.

 

Lorsque l’on lit l’ouvrage de Mona Chollet, on rit jaune en découvrant l’envers du décor conjugal de Marlon Brando et Serge Gainsbourg. Pareil pour Miles Davis, mon musicien préféré malgré ce que je savais déja de lui en tant que père plus qu’absent et déplorable.

 

Dans le livre de Mona Chollet, cela m’a fait rire de lire ce passage oĂą Miles, jaloux et paranoĂŻaque, persuadĂ© qu’un rival amoureux se cachait  Ă  la maison, s’est mis Ă  dĂ©valer les escaliers,  un couteau de cuisine Ă  la main.

Je peux me permettre de rire, d’une part, parce que Cicely Tyson, je crois, sa compagne de l’époque, est toujours en vie. Mais, aussi, parce-que, plusieurs annĂ©es après la mort de Miles (en 1991, la mĂŞme annĂ©e que Serge GainsbourgMona Chollet nous apprend dans son livre que Cicely Tyson affirme encore que Miles est « son homme Â».

La grande chanteuse de Blues, Billie Holliday, finalement, ne chantait pas autre chose. Et Edith Piaf ?

 

 

Je peux rire jaune concernant Miles et son couteau de cuisine. Pourtant, concrètement, il y a à peine deux semaines, avec deux de mes collègues, nous avons transféré un homme, dans un service d’hospitalisation en psychiatrie, parce-que, Monsieur, après avoir pris de la cocaïne avec sa compagne, et chez elle, a commencé à être persuadé que quelqu’un se cachait dans l’appartement. Et que celle-ci lui mentait. Alors, Monsieur a violenté sa compagne, a confisqué ses deux téléphones portables. Il a fallu l’intervention de la police, appelée par des voisins, pour sortir la compagne de cet embarras. Lors du transfert, que nous avons effectué de nuit, après une nuit passée par ce patient dans notre service, ce Monsieur ne m’a pas semblé plus culpabilisé que cela concernant son comportement. Il ne m’a pas non plus donné l’impression de douter plus que cela de pouvoir renouer avec sa compagne. Laquelle, si elle avait confirmé les faits devant la police, avait refusé de porter plainte contre lui.

 

 

Cette ambivalence toute autant fĂ©minine que masculine vis Ă  vis de l’Amour permet de s’apercevoir que le livre de Mona Chollet traite d’un sujet bien plus sĂ©rieux et difficile qu’il n’y paraĂ®t. Et Mona Chollet a fourni un gros travail de recherche. Son livre est facile et agrĂ©able Ă  lire. J’ai aimĂ© la façon, dont, par moments, elle entremĂŞle, sans trop en rajouter, des bouts de ses expĂ©riences personnelles qui complètent son livre et en font un objet Ă  cĹ“ur ouvert qui tranche avec ces livres pleins de dialectiques alambiquĂ©es et thĂ©oriques.

J’ai aussi aimĂ© toutes ces rĂ©fĂ©rences qu’elle nous donne en termes d’ouvrages ou de personnalitĂ©s portĂ©es sur ce sujet des relations entre les femmes et les hommes. C’est en lisant ce livre que j’ai ainsi dĂ©couvert Victoire Tuaillon dont j’ai empruntĂ© le livre Les Couilles sur la Table que je n’ai pas encore lu. PrĂ©fĂ©rant d’abord lire Retour de flammes ( les pompiers, des hĂ©ros fatiguĂ©s ?) de Romain Pudal dont le titre peut faire penser que j’ai eu besoin de me rassurer en me rĂ©fugiant dans un sujet « bien viril Â» alors que, finalement, je trouve que plusieurs caractĂ©ristiques des valeurs que l’on trouve chez les pompiers convergent  très bien avec ce que je vis- en partie- dans mon service actuel. Et, donc, avec le sujet du livre de Chollet.

 

Mona Chollet, dans ce livre-ci, parle aussi de l’image de la femme. Des contraintes vestimentaires que la femme peut s’infliger pour plaire. Dans cet article, j’ai insĂ©rĂ© des photos- très courantes- de publicitĂ©s montrant des femmes dĂ©nudĂ©es. Ces photos ont plu Ă  mon regard tant d’un point de vue esthĂ©tique qu’Ă©rotique. Mais il m’a semblĂ© que parler du livre de Mona Chollet en l’illustrant, aussi, avec ces photos, peut aussi permettre de se rappeler du monde dans lequel nous vivons comme de la façon dont, souvent, des jeunes femmes, nous sont prĂ©sentĂ©es. MĂŞme si, par ailleurs, pour ma part, je sais très bien que je ne rencontrerai jamais, dans la vraie vie, des femmes aussi avantagĂ©es physiquement. Et mĂŞme si cela arrivait, cela ne suffira pas forcĂ©ment pour devenir intime avec elles ou « amis ».

On dira donc que je regarde ces photos pour « l’art », car ce sont souvent de belles photos ainsi que pour le plaisir des yeux. Et qu’en lisant un ouvrage comme celui de Chollet, je m’aperçois un peu plus de ce que ces mĂŞmes photos peuvent avoir de brutal et d’oppressant pour l’identitĂ© de certaines femmes. Et, Ă©videmment, en tant que père d’une fille, je m’inquiète sans doute aussi un peu plus de la portĂ©e de ce genre de clichĂ©s photographiques, quasi-pornographiques, sur certains enfants mais aussi sur d’autres personnes plus âgĂ©es. 

A propos de la pornographie, on peut peut-ĂŞtre lire cet article que je dĂ©couvre de plus en plus lu sur mon blog : Brigitte Lahaie en podcast . Un article que j’avais Ă©crit au mois de Mai de l’annĂ©e dernière.

 

Mais j’ai nĂ©anmoins bien parlĂ© de l’ambivalence « autant fĂ©minine que masculine Â» vis Ă  vis Ă  de l’Amour.

Photo©️Franck.Unimon

L’ambivalence « autant fĂ©minine que masculine Â» vis Ă  vis de l’Amour :

 

Certaines œuvres, comme certaines rencontres ou expériences, nous marquent encore plusieurs années plus tard.

 

Le film Mystic River de Clint Eastwood fait partie de ces œuvres et expériences pour moi. A la fin du film, nous savons que Sean Penn, a été persuadé que son ami d’enfance, interprété par l’acteur Tim Robbins, est celui qui avait assassiné sa fille.

Alors, Sean Penn, devenu, adulte, plus ou moins un caĂŻd dans son quartier, a fait « avouer Â» Ă  son ancien ami d’enfance que c’est bien lui qui avait assassinĂ© sa fille ( la fille de Sean Penn). Une fois que l’ami d’enfance ( Tim Robbins), brutalisĂ© et intimidĂ© par Sean Penn et ses hommes, a « avouĂ© Â», Sean ( qui porte bien-sĂ»r un autre prĂ©nom dans le film) applique ce qu’il considère ĂŞtre la justice d’un père vengeant l’assassinat immonde de sa fille . Et il exĂ©cute son ami d’enfance. Car les « aveux Â» de celui-ci ont balayĂ© ses derniers doutes.

 

Pourquoi Sean Penn croit-il plausible que son ami d’enfance ait pu assassiner sa fille ? Parce-que, plus jeunes, alors que Sean Penn, Tim Robbins et Kevin Beacon, jouaient ensemble dans leur quartier, le jeune Tim, perçu, en le regardant, comme le plus fragile psychologiquement du trio, avait Ă©tĂ© kidnappĂ© par deux adultes se dĂ©plaçant en voiture. Puis violĂ©.

 

Ce qui veut dire qu’un prédateur ne choisit pas n’importe quelle proie. Et qu’une fois que l’on a été la proie ou la victime de quelqu’un, qu’il peut rester en nous, la trace de ce passé qui peut être retrouvée- et utilisée- par quelqu’un d’autre. Si, entre-temps, on n’a pas appris à se défendre en cas d’agression ou à mieux reconnaître, et plus vite, de véritables agresseurs et prédateurs, lorsqu’il s’en présente.

 

On peut ĂŞtre un homme et avoir Ă©tĂ©, plus jeune, le souffre-douleur attitrĂ© de certaines personnes parce-que l’on a Ă©tĂ© identifiĂ© comme celui qui est « faible Â» ou qu’il est facile de malmener pour s’amuser. C’est ce que j’ai compris lorsque le combattant français Patrice Quarteron, nĂ© en 1979, dont je dĂ©couvre le surnom « Le RĂ´nin sombre Â», pratiquant du Muay ThaĂŻ, a pu dire dans une interview que, plus jeune, malgrĂ© ou Ă  cause de sa grande taille, qu’il Ă©tait souvent celui que l’on venait frapper. Quarteron allant, alors, jusqu’à ironiser en se remĂ©morant ce passĂ© en disant quelque chose comme :

 

« C’était drĂ´le, c’était toujours Patrice Quarteron que l’on venait frapper…. Â». On revenait « toujours Â» le frapper, comme on revenait souvent frapper Ă  une mĂŞme porte, parce qu’à cette Ă©poque, rĂ©volue, Quarteron Ă©tait « connu Â» comme celui sur lequel on pouvait facilement venir se dĂ©fouler. Pour faire passer le temps.

Comme on peut le faire pour certaines femmes sexuellement ou physiquement. Ou, sur certains enfants.

Dans Mystic River, face aux trois jeunes garçons dont les personnages sont jouĂ©s, adultes, par Sean Penn, Tim Robbins et Kevin Beacon, les deux hommes prĂ©dateurs, âgĂ©s d’une quarantaine d’annĂ©es, Ă©tablissent que le « jeune Â» Sean Penn est un dur Ă  cuire qui va leur donner du mal. Et que le « jeune Â» Kevin Beacon est trop malin. Cela semble se « voir Â» ou se deviner en regardant ces trois jeunes garçons qui doivent avoir alors 12 ans tout au plus.

Alors, les deux prĂ©dateurs se rabattent sur le « jeune Â» Tim Robbins. Le plus docile, le plus vulnĂ©rable et sans doute aussi le plus poli et le plus gentil. Celui qui est, ici, trop pĂ©tri de bonnes manières. Celui, qui, plus tard, sans doute aurait Ă©tĂ© un homme galant, attentionnĂ© etc est celui qui est sacrifiĂ©. 

Etant donnĂ© que les apparences peuvent ĂŞtre trompeuses, les deux prĂ©dateurs auraient pu tomber sur un jeune « Tim », finalement bien plus combattif qu’ils ne l’avaient cru. Mais il se trouve que le jeune « Tim » s’est rĂ©vĂ©lĂ© ĂŞtre la victime « idĂ©ale » pour ces deux hommes. Peut-ĂŞtre du fait de leur dĂ©ja grande « expĂ©rience » mais aussi de leur instinct de « chasseurs ». 

 

A la fin du film Mystic River, Sean Penn apprend qu’il s’est trompĂ© sur son ancien ami d’enfance. Et que celui-ci n’était pas l’assassin de sa fille. Sean Penn a alors un moment d’effondrement face  Ă  sa femme. Et, lĂ , celle-ci, le « remonte Â» et lui dit, ou plutĂ´t lui assène, qu’il a fait ce qu’il fallait faire ! Qu’il s’est comportĂ© comme un chef de tribu doit le faire ! Nous avons donc, lĂ , une mère, et une femme, qui considère qu’un homme, en tant que chef de famille, mĂŞme s’il se trompe, doit ĂŞtre capable de s’imposer physiquement et de tuer pour protĂ©ger ou dĂ©fendre sa famille. Nous sommes donc ici très loin du discours selon lequel il est attendu d’un homme qu’il soit aux petits soins avec sa femme et sa progĂ©niture ; qu’il fasse des bons petits plats ; qu’il invite sa femme au restaurant, lui dĂ©clame des poèmes, change les couches des enfants, aille faire les courses et participe aux tâches mĂ©nagères comme aux devoirs scolaires des enfants etc….

 

Parce-que, mĂŞme si un homme peut cumuler certaines aptitudes domestiques avec celles d’un Sean Penn dans Mystic River, il m’apparaĂ®t peu plausible qu’un mĂŞme homme puisse et Ă  la fois ĂŞtre l’équivalent d’un Sean Penn dans Mystic River mais, aussi, ĂŞtre un compagnon doux et attentionnĂ© selon  certains critères d’égalitĂ© officiels entre les femmes et les hommes, et qu’il soit recherchĂ© pour cela par la majoritĂ© des femmes.

Il me semble que tout en recherchant plus d’Ă©galitĂ© avec les hommes, que bien des femmes vont prĂ©fĂ©rer avoir un Sean Penn tel qu’il est dans Mystic River soit comme amant, soit pour mari et père de leurs enfants. Tandis que d’autres femmes ne pourront pas accepter de vivre avec un homme pareil car elles se sentiront incapables de « rivaliser » ou avec lui ou  ne pourront pas le « maitriser » ( le dominer)….

Je me rappelle qu’il y a plusieurs années, un ami guadeloupéen, né en Guadeloupe et y résidant toujours, m’avait dit qu’il était du genre romantique. Et qu’il s’était vite aperçu qu’il ne correspondait pas du tout au type d’homme recherché par les femmes du pays.

Il s’est ensuite marié avec une Polonaise avec laquelle il vit en Guadeloupe depuis des années avec leurs enfants.

 

Dans un podcast Ă©coutĂ© rĂ©cemment, dans l’émission Les pieds sur terre, une jeune femme raconte comment elle aime soumettre les hommes. Peu m’importe qu’elle soit adepte de relations BDSM dès l’instant oĂą celles ci sont consenties entre adultes. Ce qui m’a dĂ©rangĂ©, c’est que cette femme a ouvertement dit ĂŞtre attirĂ©e par des femmes plutĂ´t que par des hommes. Et, je n’ai pu m’empĂŞcher de voir de la perversion et une très grande satisfaction personnelle de sa part dans ce qui, pour moi, Ă©tait le contraire absolu d’une relation. MĂŞme si les hommes qu’elle soumettait Ă©taient et sont consentants. Car pour qu’il y ait Amour, il faut dĂ©jĂ  qu’il y ait un minimum de relation entre deux personnes. Ce qui implique, Ă  mon avis, une certaine Ă©galitĂ©, Ă  un moment donnĂ©. Si l’on parle d’une relation. Alors que dans le tĂ©moignage de cette jeune femme, assez contente d’elle, je ne voyais pas oĂą Ă©tait cette Ă©galitĂ© et cette rĂ©ciprocitĂ©. Cette jeune femme racontait simplement comment elle prenait son pied Ă  humilier et Ă  soumettre avec le consentement de « ses Â» hommes.

 

Enfin, dans un autre podcast, une femme raconte qu’à un moment de sa vie, elle avait besoin de faire l’Amour tous les jours. En changeant de partenaire rĂ©gulièrement. Pourquoi pas ? Sauf que sa libido n’était pas au rendez-vous et elle s’est demandĂ©e comment elle pouvait y remĂ©dier. D’oĂą son podcast dans lequel elle raconte comment elle s’y est prise pour accroĂ®tre sa libido. Ce faisant, elle a entendu parler de la poudre de Maca qui, sur elle, a eu peu d’effets. Alors que, toujours dans ce podcast, elle interviewe une femme pour qui la poudre de Maca a eu l’effet aphrodisiaque recherchĂ©.

J’en profite pour dire que, depuis, je suis allĂ© acheter de la poudre de Maca. Non pour gonfler ma libido. Mais parce-que je me sens fatiguĂ© en ce moment et que j’ai dĂ©couvert, grace Ă  ce podcast, que la poudre de Maca pouvait faire du bien lorsque l’on est fatiguĂ©. J’en suis Ă  trois jours de prise quotidienne Ă  raison d’une cuillère Ă  cafĂ© le matin et j’ai tendance Ă  confirmer pour l’instant les propriĂ©tĂ©s requinquantes de la poudre de Maca. Et tant mieux, car ces 200 grammes de poudre de Maca m’ont quand mĂŞme coĂ»tĂ© près de 30 euros !  

 

Par contre, alors que j’écoutais ce podcast centrĂ© sur la recherche de moyens pour maintenir ou remettre une libido Ă  flot, j’ai Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© que la personne autrice de ce podcast oublie, selon moi, l’essentiel :

 

Le but est d’avoir une remontĂ©e de libido ? Alors, peut-ĂŞtre faut-il d’abord commencer par avoir une relation sincère avec quelqu’un et s’attacher Ă  cette personne. Cela me semble aussi simple que cela. Et je crois – ou espère- que le livre de Mona Chollet va aussi dans ce sens-lĂ . MĂŞme si, comme on s’en doute, le sujet de l’Amour peut durer une vie entière.

 

 

Franck Unimon, ce lundi 2 Mai 2022.