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Le Dojo de Jean-Pierre Vignau

Jean-Pierre Vignau, à l’entrée du Fair Play Sport, ce 5 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

Le Dojo de Jean-Pierre Vignau

 

Jean-Pierre Vignau, 77 ans, Maitre d’Arts Martiaux, et en particulier de Karaté, est une des personnes les plus libres que je connaisse. Mais pour cela, il lui faut un dojo.

 

Le dojo est un jardin. On y cultive celles et ceux qui sont volontaires pour venir y prendre racine en tant qu’élèves auprès d’un Maitre. Lorsque l’on a la possibilité et la chance d’avoir un Maitre disponible et qui nous accepte.

 

Dans un commerce, on « trouve » et on achète des outils, des produits ou des objets. Certains sont utiles et indispensables. D’autres pas.  Il est des outils dont il faut aussi apprendre à se servir et d’autres qui se révèlent défectueux.

 

Un Maitre est le contraire d’un commerce : Dans un commerce, tout est fait pour nous donner envie de tout acheter ou de vouloir « toujours » plus. Un Maitre, lorsqu’on le rencontre, a déja commencé à faire une grosse partie du tri. Et, il réserve ce qui est utile ou selon lui indispensable à ses élèves selon ce qu’il a compris d’eux afin qu’ils vivent au mieux dans le monde qui les entoure.

Couverture du journal « Le Parisien » du lundi 4 juillet 2022.

 

Je crois aussi que l’on choisit son Maitre. On choisit le commerce, le bling-bling, la carrière, la carotide, la vitrine ou le souffle. On peut réussir plus ou moins à concilier le tout mais, selon moi, un Maitre, c’est au minimum un souffle. Un souffle qui perdure et qui sert de socle alors que d’autres s’évaporent ou disparaissent.

 

Il y a des Maitres de l’abîme. Il ne faut pas hésiter à le penser ou à le dire. Puisque, de toutes façons, ils et elles existent. Ces Maitres de l’abîme, ainsi que leurs intermédiaires, ont leurs attraits et peuvent être irrésistibles. Qu’ils nous séduisent ou qu’ils soient fort présents en nous. Car l’être humain est multiple.

 

Dans le journal « Le Parisien » de ce 4 juillet 2022.

J’ai choisi Jean-Pierre Vignau pour ses vies. Pour son âge. Pour sa personnalité. ( Sensei Jean-Pierre Vignau : ” Mon but, c’est de décourager !” ) Pour son souhait de donner  à ses élèves de quoi se défendre sans s’illusionner. Pour ses cours du matin. Pour aller à Paris, moi qui n’ai été qu’un banlieusard de passage à Paris depuis ma naissance.

 

Cela fait soixante ans que Jean-Pierre Vignau est dans les Arts Martiaux. Et plus de vingt ans qu’il a ce dojo, le Fair Play, à Cité Champagne, dans le 20ème arrondissement de Paris. Auparavant, il avait eu un autre dojo, plus grand,  dans Paris. Plusieurs de ses élèves, présents avec lui depuis plus de dix ans, m’en ont parlé.

 

La pandémie du Covid nous a beaucoup fait parler depuis plus de deux ans. Et même lorsque l’on se tait à son sujet, elle réapparait. Elle, aussi, est un Maitre à sa façon et fait le tri ou nous oblige à le faire. Ces deux années de pandémie, nous a expliqué Jean-Pierre, ont fait chuter le nombre de pratiquants et d’adhérents. A 4500 euros le loyer, multiplié par deux ans, Jean-Pierre a à s’acquitter d’une somme proche de 100 000 euros. Il ne les a pas.

Annonce immobilière vue dans Paris ce 27 juin 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

 

Jean-Pierre a donc dû annoncer il y a quelques semaines aux enfants à qui il enseigne que le dojo allait devoir fermer. Certains de ces enfants en ont parlé à leurs parents. Les mères de ces enfants ont entrepris des démarches pour empêcher cette fermeture.

 

Photo©️Franck.Unimon

 

Jean-Pierre n’est pas le seul Maitre d’Arts Martiaux concerné par ce risque économique. Avant lui, Maitre Léo Tamaki, avait dû trouver un autre lieu pour continuer d’enseigner ses cours d’Aïkido. Et, j’étais allé le voir enseigner l’année dernière, lors d’un stage d’été l’année dernière dans ce nouveau lieu d’enseignement : le Dojo 5. ( Dojo 5 ).

Les conséquences économiques de la pandémie du Covid (et, depuis six mois, de la guerre en Ukraine) ont aussi fait augmenter le prix d’un certain nombre de matières premières telles que le blé, la farine, le  pétrole,  mais aussi le papier…

 

Avant hier, Jean-Pierre m’a appelé pour me prévenir que son dojo, le Fair Play, serait fermé demain matin. Pour dépôt de bilan.  Et qu’il m’informerait dès qu’un autre endroit aurait pu être trouvé pour pratiquer de nouveau.

 

Un dojo est un endroit qui ne parle pas ou qui ne parle plus à beaucoup de gens. Le mot est aussi étranger donc extérieur à l’expérience de la vie courante de beaucoup de personnes. J’imagine donc que parmi les personnes qui ont pu passer devant ces banderoles ou qui ont lu cet article du journal Le Parisien, que cette « histoire » de dojo qui ferme évoque au mieux quelques souvenirs de judo ou de karaté dans l’enfance ou l’adolescence (« j’ai fait du judo ») ou qu’il est estimé qu’il y a des sujets plus prioritaires. Tels que le manque de personnel dans les hôpitaux ou dans les écoles publiques.

 

Si c’est le cas, en tant qu’infirmier en soins psychiatriques et en tant que père d’une enfant encore scolarisée dans une école publique, je peux témoigner du fait que pratiquer un Art martial auprès d’un Maitre contribue à la salubrité publique. C’est sans doute ignoré ou oublié mais pratiquer un Art Martial auprès d’un Maitre ne se résume pas à faire des gestes ou à répéter des formules comme on peut faire machinalement un certain nombre d’actions dans sa vie courante.

 

Finalement, si nous nous sentons de plus en plus oppressés et opprimés, c’est aussi parce-que ferment des endroits où une certaine liberté est accessible. Et que nous sont de plus en plus accessibles des endroits et des moyens où nos libertés sont supprimées.

 

Selon les circonstances et les étapes de notre vie, un dojo a des vertus complémentaires avec une médiathèque, une école publique, un lieu de soins ou d’action sociale et culturelle, un club de sport, une salle de danse, un cours de musique ou de dessin…

 

Soit des endroits où l’on apprend, où l’on se remet, où l’on s’éduque, où l’on se rencontre et où l’on vit.  

Photo©️Franck.Unimon

 

Franck Unimon, ce jeudi 21 juillet 2022.

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Sensei Jean-Pierre Vignau :  » Mon but, c’est de décourager ! »

Sensei Jean-Pierre Vignau, dans son dojo, le Fair Play Sport, en mars 2022.

Sensei Jean-Pierre Vignau : « Mon but, c’est de décourager ! »

 

Il y a plus d’un an maintenant, j’allais rencontrer Jean-Pierre, pour la première fois, à son domicile. ( ( Arts Martiaux) A Toute épreuve : une interview de Maitre Jean-Pierre Vigneau )

 

Nous étions encore en plein confinement du fait de la pandémie du covid et tenus par un périmètre kilométrique. Nous ne devions pas dépasser les cinquante kilomètres à partir de notre domicile. Et nous devions fournir un justificatif écrit en cas de contrôle de police.

 

J’étais venu acheter son livre (co-écrit avec Jean-Pierre Leloup) qui avait été publié récemment :

Construire sa légende : Croire en soi, ne rien lâcher et aller jusqu’au bout.  

 

« Au lieu de le commander sur Amazon…. » m’avait dit Jean-Pierre au téléphone.

 

Une fois sur place, réflexe de journaliste cinéma et de blogueur, j’en avais profité pour interviewer Jean-Pierre.

 

 Puis, j’étais revenu chez lui une seconde fois.

 

Je me souviens bien de cette phrase et y repense de temps en temps :

 

« Mon but, c’est de décourager ! ».

 

Après l’avoir entendue la première fois, il m’a fallu quelques mois supplémentaires avant de commencer à la compléter.

 

Décourager quoi ?! Décourager l’ego.

 

Jean-Pierre m’avait par exemple parlé de ces séances où il fait faire 1000 « coups de pieds ». Je lui avais demandé pour quelle raison.

« Pour que l’on se rende compte que c’est possible…. » m’avait répondu Jean-Pierre.

 

Je me suis inscrit à son dojo vers le mois de février de cette année.

 

Lorsque je dis que je viens d’Argenteuil pour me rendre à ses cours dans le 20ème arrondissement de Paris, il arrive que l’on s’étonne. Il arrive que l’on trouve que ça fait beaucoup de trajet. Il est arrivé que l’on m’en demande la raison.

 

Je réponds alors que je viens pour Jean-Pierre. Pour sa personnalité. Parce-que son enseignement est rempli de vécu.  Parce-qu’il concilie pratique du karaté et pratique de l’Aïkido et aussi parce qu’il connaît le judo.

Pour les horaires, aussi. Car Jean-Pierre donne également des cours le mardi et le jeudi matin à 9h30. Et cela me convient bien. Il m’arrive de prendre part à ces cours du matin après avoir travaillé la nuit.

 

Je pourrais ajouter que, tous les jours, et pendant des années, beaucoup de personnes passent entre une heure  et deux heures dans des trajets qui les mènent vers un travail ou vers une vie qui leur déplait. Alors que moi, je me rends à des cours de karaté que j’ai choisis.

Plusieurs des élèves de Jean-Pierre se rendent à ses cours depuis plus de dix ans. Cela est notable à une époque où, désormais, les salles de sport, de fitness ou de crossfit, avec leurs horaires extensibles et leurs divers forfaits, ont capté ou « détourné » une certaine partie des anciens adhérents ou des adhérents potentiels des clubs d’arts martiaux.

 

Il arrive aussi que certaines personnes trouvent que 9h30, le mardi et le jeudi, ça fait tôt pour s’entraîner au karaté.

Mais il existe encore plus tôt.

Entre 6h et 6h30 en semaine, 8h le week-end, et pas très loin du dojo de Sensei Jean-Pierre Vignau, même si ce sont deux mondes très différents et semblant très éloignés l’un de l’autre, il y’a l’école Itsuo Tsuda de Sensei Régis Soavi. Ecole où celui-ci, avec l’une de ses filles, Manon Soavi,  enseigne l’Aïkido en première intention. ( Dojo Tenshin-Ecole Itsuo Tsuda/ séance découverte ).

Et, si les horaires de l’école Itsuo Tsuda étaient compatibles avec mes horaires de travail et l’âge de ma fille, il est possible que je ferais en sorte de cumuler les deux. Ou les trois et les quatre en incluant les enseignements de Sensei Léo Tamaki et d’autres Maitres d’Arts martiaux….

 Cela fait des années que les Arts Martiaux m’attirent. Et j’en ai une expérience plus que superficielle en comparaison avec ma « curiosité » et mon attirance pour eux. Bien des pratiquants, avec les années, ont su aller vers différentes disciplines martiales.

 

 

« J’ai rêvé cette nuit » aime régulièrement nous dire Jean-Pierre, 77 ans depuis quelques semaines, avec un air rigolard, au début du cours. Dès lors, nous savons, qu’à un moment ou à un autre, il va nous donner une consigne de déplacement ou un enchaînement de mouvements que nous aurons du mal à reproduire. Mais c’est normal. Au début, « tout le monde se trompe » nous rappelle-t’il.

 

Nous nous appliquons néanmoins. Et nous nous trompons plus d’une fois. Alors, Jean-Pierre nous regarde et nous adresse en souriant un :

 

« C’est la merde,  hein ? ».

 

Ses gestes sont précis. Il nous explique à quoi correspond tel geste dans la vie réelle. Il nous rappelle régulièrement qu’il existe tant de combinaisons en karaté.

 

Jean-Pierre aime nous surprendre que ce soit en nous demandant de faire le même déplacement mais en marche arrière. Ou en répétant le même kata en partant des différents points cardinaux du dojo…

 

J’ai cité l’âge de Jean-Pierre tout à l’heure. Lorsque nous avons du mal à reproduire un mouvement, il nous demande d’avancer sur lui afin de « l’attaquer ». Sa technique est effective et pleine.  Pour autant, je ne m’imagine pas être devenu un bon karatéka en à peine quelques mois. Et, je ne cours pas particulièrement après la ceinture. Plus qu’à la ceinture, j’essaie de m’attacher aux moments vécus ainsi qu’à ce que je vois et ce que j’entends.  Car la couleur d’une ceinture peut aussi rendre aveugle, sourd, narcissique, théorique, subordonné, rigide et amnésique :

Rouler des mécaniques parce-que l’on se sent très sûr de soi, en cas de combat physique, n’est pas mon projet. Car il existe bien des obstacles devant lesquels rouler des mécaniques ne suffira pas :  devant la vie comme devant la mort, pour préserver des amitiés, rencontrer les autres, avoir une vie de couple satisfaisante, éduquer ses enfants correctement, obtenir un conseil avisé et sincère….

Jean-Pierre, pour moi, ne roule pas des mécaniques. Il est concret. Simplifié. Cela peut heurter ou déranger. Pour moi qui ai souvent tendance à théoriser comme à me compliquer l’existence,  j’ai  donc l’impression que venir pratiquer avec Jean-Pierre et me rendre à son dojo me fait emprunter des trajets, et des directions, qui peuvent m’aider à mieux vivre et aussi à encore mieux me trouver.

 

Franck Unimon, ce samedi 7 Mai 2022.

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Cinéma self-défense/ Arts Martiaux

Les Maîtres de l’Aïkido

Photo de couverture : Morihei Ueshiba au Kobukan Dojo en 1931 à 48 ans. Photo en médaillon : Morihei Ueshiba à l’Aïkikai Hombu Dojo en 1967 à l’âge de 84 ans.

 

Les Maîtres de l’Aïkido (élèves de Maître Ueshiba Période d’Avant Guerre) : Interviews recueillies par Stanley A.Pranin

 

Il existe un contraste saisissant entre l’admiration très haute encore portée à Maître Morihei Ueshiba ( décédé en 1969), fondateur de l’Aïkido, art martial créé au vingtième siècle, par les pratiquants ou les adeptes de l’Aïkido. Et l’image publique de l’Aïkido au moins dans le monde du « combat » sous ses diverses déclinaisons :

 

« Ce n’est pas efficace ». « C’est de la danse ».

 

Ces propos pour définir l’Aïkido sont devenus tellement banals qu’ils sont pratiquement devenus l’équivalent d’un sixième sens. C’est une évidence. Sans même avoir particulièrement pratiqué l’Aïkido, si l’on doit s’orienter vers un art martial ou un sport de combat efficace en matière de self-défense, on choisira plutôt une discipline aux rapports et contacts explosifs, directs, frontaux, brutaux et incapacitants qui nous convaincra, à condition bien-sûr de survivre à l’entraînement comme à son intensité cardiaque, qu’avec quelques coups bien placés, on pourra (se) sauver la mise en cas de rencontre avec un ou plusieurs agresseurs.

 

 Aucun des grands champions actuels ou de ces vingt à trente dernières années, femme ou homme confondus, ne se réclame de l’Aïkido. Que ces combattants évoluent dans des épreuves « traditionnelles » pour un match de boxe, sur un tatamis ou en Free Fight, on entendra souvent formulées dans leur CV des disciplines telles, dans le désordre, que le Ju-Jitsu brésilien, le Pancrace, la Boxe Thaï, la boxe anglaise ou française, le Judo, la lutte, le Sambo, le Pancrace, le Penchak silat, peut-être le Krav Maga ou le Sistema, peut-être le Karaté, peut-être le Kung-Fu.

 

Mais rarement, voire jamais, l’Aïkido.

 

Regards sur l’Aïkido dans la rue et au cinéma

 

 

Si l’on parle du Judo, on peut tomber sur un stade portant le nom du judoka Teddy Riner, judoka français, plusieurs fois champion olympique, multiple champion du monde, et encore en activité. J’ai fait cette découverte cette semaine, alors que j’ai dû changer d’itinéraire pour me rendre au travail vu qu’il se trouvait un colis suspect dans un train à la gare d’Argenteuil. Après avoir pris le bus 140 depuis la gare d’Argenteuil, j’ai ensuite dû me rabattre vers la ligne 13 du métro à Asnières pour me rendre au travail. Là, j’ai découvert ce stade Teddy Riner.

 

 

Je ne connais pas, pour l’instant, de stade Multisports ou de gymnase qui porte le nom de Morihei Ueshiba.

 

Si l’on parle Kung-Fu, plusieurs années après sa mort ( en 1973, soit « seulement » quatre ans après celle de Morihei Ueshiba) l’aura de Bruce Lee reste intacte. Même des journalistes intellectuels émargeant dans les Cahiers du cinéma pourraient raconter dans un livre l’émotion qu’a constituée, plus jeune, pour eux, le fait de voir Bruce Lee au cinéma. En outre, depuis son décès, d’autres personnalités ont perpétué ce prestige du Kung-Fu. Jackie Chan, Jet Li,  Donnie Yen ou des productions cinématographiques américaines telles que Matrix ou Kill Bill voire « françaises » ( Crying Freeman, 1995, par Christophe Gans avec l’acteur/artiste martial Mark Dacascos). Sans oublier bien-sûr d’innombrables productions asiatiques telles The Grandmaster ( 2013) de Wong-Kar WaiThe Assassin ( 2015) de Hsou Hsia Hsien ou encore The Blade ( 1996) de Tsui Hark. Et bien d’autres.

 

Le Karaté ne semble pas souffrir d’une trop grosse décote dans la perception que le grand public en a. En outre, souvent, Kung Fu et Karaté se confondent dans l’esprit de beaucoup de personnes.

 

Le Penchak Silat, art martial indonésien, effectue une percée depuis quelques années au moins depuis le film The Raid ( 2011) avec l’acteur  Iko Uwais. Acteur/artiste martial que l’on peut revoir dans 22 Miles ( 2018) de Peter Berg aux côtés de Mark Whalberg, John Malkovich, Ronda Rousey ( ex championne du monde Free Fight, mais aussi ex-médaillée olympique de Judo auparavant…), Iko Uwais sera apparemment dans Expandables 4 en 2022.

 

 

S’il existe des modes qui poussent davantage le grand public vers certains styles de combat, disons que certaines méthodes de combat déjà « connues » telles que la boxe (thaï, anglaise, française), le judo voire le karaté restent des expériences incontournables au moins pour débuter.

 

Alors que du côté de l’Aïkido, cela se passe différemment. D’abord, d’un point de vue cinématographique, il faut peut-être remonter jusqu’à Steven Cigale ( Seagal, bien-sûr) dans les années 90 pour avoir un héros d’un film à grand succès, adepte de l’Aïkido. Mais Seagal a laissé bien moins de souvenirs qu’un Bruce Lee, qu’un Jackie Chan, qu’un Jet Lee ou qu’un Jean-Claude Vandamme. Donc, concernant la perception de l’Aïkido au cinéma, il y a un déficit grandiose en termes d’images. Aujourd’hui, même l’acteur Jason Statham, que ce soit dans Le Transporteur ou dans Expendables, est bien plus connu que Steven Seagal. Idem pour Keanu Reeves/ John Wick ou Tom Cruise/ Jack Reacher. Aucune de ces grandes vedettes anglo-saxonnes ne pratique devant la caméra un art martial permettant d’identifier ou de penser à l’Aïkido.

 

Par ailleurs, Steven Seagal a peu œuvré pour la crédibilité de l’Aïkido en tant qu’art martial mais aussi comme art….de vivre. Et en parlant « d’art de vivre », on se rapproche de ce qui explique sans doute, aussi, en partie, ce qui peut rebuter dans l’apprentissage mais aussi dans la découverte de l’Aïkido.

 

On peut se battre mais on ne peut pas se battre

 

L’art de vivre, c’est autant la façon de combattre. Que la façon de percevoir le monde et son entourage. Et, dans ces quelques domaines, on peut dire que l’Aïkido tranche beaucoup avec la plupart des arts martiaux, disciplines et formes de combats citées précédemment. Puisqu’à la percussion et au rentre-dedans de ces autres disciplines où le KO ou le Ippon peut être recherché de façon compulsive, l’Aïkido préfère « l’harmonisation » avec l’opposant. Mais, aussi, l’absence de compétition. Donc, on peut se battre. Mais on ne peut pas se battre. Dans un monde où il s’agit d’être le meilleur ou de dominer, l’Aïkido détonne. Surtout lorsqu’on le connaît très mal.

 

La cérémonie du thé

 

Ainsi, Maitre Takako Kunigoshi, née en 1911, la seule femme interviewée parmi les Maitres, a arrêté de pratiquer et d’enseigner l’Aïkido depuis des années lorsque Stanley A. Pranin vient la rencontrer à son domicile d’abord en 1981 puis en 1992. Elle vit alors dans une semi-retraite et donne des cours de Cérémonie du Thé. Une activité qui n’a a priori rien de martiale pour le profane. Jusqu’à ce qu’elle affirme au cours de l’interview :

 » Je passe la plus grande partie de mon temps à pratiquer la cérémonie du thé, mais quand je tiens la louche en bambou, c’est comme si je tenais un sabre. J’ai cette sensation et je me souviens de ce que O-Sensei nous disait. Que ce soit la cérémonie du thé ou l’arrangement floral, il existe des points communs avec l’Aïkido car le ciel et la terre sont faits de mouvement et de calme, de lumière et d’ombre. Si tout était continuellement en mouvement il y aurait un complet chaos ». 

Et, plus tard, Maitre Takako Kunigoshi conclut :

 

 » (….) je suis persuadée que toutes les nations du globe ont accès à la même vérité. Quand le soleil brille, il y a forcément des ombres. Je pense que l’on peut dire la même chose des arts martiaux ».

 

Kendo et Aïkido 

 

Le Kendo, art martial à la pratique assez confidentielle qui a des points communs avec l’Aïkido, a pour lui  les assauts physiques visibles, audibles et puissants. Alors qu’avec l’Aïkido, on a l’impression que tout se passe ou se passerait en douceur. Comme si l’Aïkido consistait à tomber d’un arbre en se détachant d’une branche à la façon d’une feuille. Ce qui est difficile à faire concilier avec la soudaineté et la violence des attaques et des agressions du monde.

 

Un temps d’apprentissage fastidieux

 

Et puis, il y aussi un autre aspect qui rebute dans l’Aïkido. Et tout enfant en nous a sans doute connu ça, si, un jour, il a eu à choisir entre le judo, le karaté, la boxe thaï ou l’Aïkido. L’Aïkido prend du temps. Il est assez difficile de sortir du premier cours en se disant que l’on a maitrisé une technique. Autant, en judo, en karaté ou en boxe thaï, on peut avoir l’illusion d’apprendre très vite et de voir rapidement nos progrès, autant en Aïkido, le temps d’apprentissage peut devenir fastidieux. Décourageant. Frustrant. Très technique, très exigeant, l’Aïkido refuse sans doute durement les erreurs de placement comme d’intention. Alors que dans d’autres disciplines, on peut plus facilement  masquer ou compenser – ou essayer de le faire- nos lacunes techniques par notre engagement physique et notre « combativité ».

 

Quelques Maitres actuels qui s’y « connaissent » en Aïkido

 

Je parle d’Aïkido mais je n’en n’ai jamais pratiqué. J’ai lu à son sujet. J’ai croisé deux ou trois personnes, deux ou trois Maitres, encore vivants, qui, eux, le pratiquent et l’enseignent chacun à leur manière à Paris et ailleurs :

Maitre Jean-Pierre Vignau ( Arts Martiaux : un article inspiré par Maitre Jean-Pierre Vignau), Maitre Régis Soavi ( Dojo Tenshin-Ecole Itsuo Tsuda/ séance découverte), Maitre Léo Tamaki (Dojo 5).

C’est du reste en lisant une des interviews réalisées par Maitre Léo Tamaki que j’ai fait la connaissance de Maitre Jean-Pierre Vignau avec lequel j’ai commencé à pratiquer depuis deux semaines. Et c’est en lisant ou en regardant, je crois, une interview de Maitre Léo Tamaki que j’ai entendu parler pour la première fois de Stanley A. Pranin et de cet ouvrage. C’est aussi en regardant une vidéo d’une rencontre entre Greg MMA et Léo Tamaki et en écoutant celui-ci faire un peu l’historique de l’Aïkido que j’ai commencé à avoir une autre perception de l’Aïkido et à davantage le voir pour ce qu’il est à l’origine : un Art martial. 

L’association de la pratique d’un haut niveau, d’une bonne culture concernant la discipline enseignée et d’un goût pour la pédagogie me semble bien définir Maitre Léo Tamaki.

C’est ce que je recherche chez un Maitre ou un enseignant. Aptitudes que j’ai aussi trouvées chez Maitre Jean-Pierre Vignau ainsi que chez Maitre Régis Soavi. Mais aussi chez Yves,  Jean-PierreCarmelo et d’autres moniteurs d’apnée ( ou de plongée) rencontrés dans le club d’apnée – et ailleurs- où je m’entraîne aussi. Ou chez Jean-Luc Ponthieux, mon ancien prof de guitare basse au conservatoire d’Argenteuil. Lorsque je croyais encore pouvoir apprendre à en jouer. Sans pratiquer régulièrement et avec les autres….

 

Quelques enseignements de ce livre de Stanley A. Pranin

 

Ce livre d’interviews paru en 1993 dans sa version anglaise puis en 1995 dans sa version française est désormais assez difficile à trouver. On le trouve en seconde main à un prix assez élevé. J’ai acheté le mien environ 60 euros. Je ne le regrette pas.

 

La plupart des personnes, pour ne pas dire pratiquement toutes celles interviewées et impliquées dans cet ouvrage, ainsi que l’intervieweur, Stanley A. Pranin, sont désormais décédées ce vendredi 11 février 2022 alors que débute la rédaction de cet article.

 

Et ces personnes sont décédées depuis plusieurs années. ( Stanley A. Pranin, né en 1945, est lui-même décédé en 2017). Elles n’entendront jamais parler de la pandémie du Covid, de Gérald Darmanin, du pass vaccinal….

 

Mais grâce à Stanley A.Pranin, à son abattage et à sa culture considérables au moins dans le domaine de l’Aïkido, abattage et culture dont ce livre rend très bien compte, on apprend un peu mieux ce qu’est ou peut-être l’Aïkido. Car l’Aïkido, finalement, reste un art mystérieux. Voire « fantôme ». 

 

 

Premier enseignement : une certaine polyvalence martiale.

 

Cela m’a pris du temps pour le comprendre et cela se vérifie à nouveau avec ces Maitres interviewés (une seule femme parmi ces Maitres, Maitre Takako Kunigoshi, c’est dommage et cela rend aussi son témoignage d’autant plus important) qui ont été élèves de Maitre Ueshiba avant la Seconde Guerre Mondiale :

 

Tous les Maitres d’Arts martiaux, quelle que soit la discipline ou l’Art martial qu’ils décident ensuite d’enseigner, ont souvent un gros bagage d’expériences dans plusieurs arts martiaux ou techniques de combats. « Gros bagage », cela signifie qu’ils ont souvent un bon voire un très bon niveau dans d’autres disciplines martiales. Niveau obtenu au moins grâce à une certaine quantité d’entraînements. Dans ce livre, on apprend par exemple que les Uchideshis s’entraînaient…quatre fois par jour. Et on ne parle là que de leur pratique de l’Aïkido avec Maitre Ueshiba. On ne parle pas du vécu martial qu’avaient déjà ces uchideschis avant de rencontrer Maitre Ueschiba. La plupart de ces Maitres avaient souvent débuté enfants leur apprentissage martial. Et on parle d’un peu plus que deux à trois séances d’entraînement.

Ainsi, Maitre Ueshiba, avant de faire la rencontre de Maitre Sokaku Takeda qui allait lui enseigner le Daito-Ryu, un art martial six fois centenaire et secret, qui, en grande partie, allait lui inspirer l’Aïkido, avait auparavant vécu diverses expériences martiales soutenues. Un des Maitres interviewés décrivant Maitre Ueshiba comme une personne qui écumait en quelque sorte les lieux d’enseignement martial. Tant il aimait ça ! Par ailleurs, Maitre Ueshiba avait pu compter sur le soutien moral mais aussi financier de son père et d’un de ses oncles. Tant pour faire venir et  héberger un professeur de judo émérite et réputé à la maison pour des cours particuliers. Que pour faire construire un dojo pouvant permettre à Maitre Ueshiba, devenu adulte, de pratiquer et d’enseigner dans de bonnes conditions.

 

A cette ferveur martiale, Maitre Ueshiba allait ajouter une ferveur religieuse au travers de la secte religieuse Omoto suite à sa rencontre avec le prédicateur Onisaburo Deguchi. A la lecture de cet ouvrage, on comprend que les deux ferments de cette ferveur ont beaucoup contribué à transformer Maitre Ueshiba en ce futur fondateur de l’Aïkido qu’il est ensuite devenu. 

 

Second enseignement : une ferveur martiale et spirituelle.

 

Car tous ces Maitres interviewés par Stanley A. Pranin se caractérisent par un engagement profond dans l’apprentissage de leur pratique. Non seulement, elles et ils s’entraînaient régulièrement. Mais, en plus, avec implication. L’esprit « il fait froid et il pleut aujourd’hui, je n’ai pas trop envie de sortir m’entraîner » ne faisait pas partie d’eux. On parle ainsi, au moins, de Maitre Gozo Shioda ( également interviewé dans ce livre) qui venait au cours « religieusement ». Mais aussi du même, qui, comme d’autres Uchideshis, avait « les larmes aux yeux » – tant l’entraînement pouvait être douloureux- lorsqu’il servait de Uké à Maitre Noriaki Inoue dont l’interview ouvre le livre.

 

Le jour du « Shinaï »

 

Par ailleurs, les élèves étaient incités à donner constamment le meilleur d’eux-mêmes. L’entraînement pouvait être sévère, sans doute militaire, voire humiliant. Un des Maitres (Maitre Kiyoshi Nakakura )raconte comment il avait été brutalement puni pour, négligemment, peut-être sous l’effet de la fatigue, avoir marché sur le shinaï d’un de ses camarades. On est donc très loin d’une expérience du sport loisirs ou du sport Fitness ou Crossfit telle qu’elle s’est développée dans les pays occidentaux depuis les années 80. Ou il s’agit principalement de perdre des calories, de sculpter sa silhouette pour des raisons esthétiques et narcissiques. Et non d’apprendre à vivre ou à se connaître, en quelque sorte.

 

Pour se faire une idée du quotidien d’un Uchideshi, un élève qui reste sur place auprès du Maitre qui l’accepte et le forme, on peut se procurer le livre de Maitre Jacques Payet, Uchideshi ( Dans les pas du Maître), paru en 2021. Maitre Jacques Payet a été un des élèves de Maitre Gozo Shioda pendant cinq ans dans les années 80 durant cinq ans au Japon. Pour cela, Jacques Payet avait quitté La Réunion, son île natale, alors qu’il ne parlait pas ou très peu Japonais. J’ai aimé lire son livre il y a plusieurs mois. Un livre que je n’ai malheureusement pas-encore- pris le temps de chroniquer pour l’instant. Car j’avais alors opté pour parler d’un livre consacré à l’actrice… Béatrice Dalle ( Que Dalle un livre sur l’actrice et comédienne Béatrice DalleBéatrice DalleBéatrice Dalle, trois fois..)

 

Espérons que cette distraction ne me portera pas préjudice. Et que je n’aurai pas à connaître pour cela le même châtiment que Maitre Kiyoshi Nakakura «  le jour du Shinaï ».

Pour l’instant, à Paris, pour le peu que j’ai vu, c’est au Dojo Tenshin-Ecole Itsuo Tsuda de Maitre Régis Soavi, que l’on se rapproche le plus, de manière atténuée, du quotidien d’un Uchideshi « traditionnel ». Pour les horaires matinaux des cours ( à 6h30, en semaine, à 8h les week-end)du lundi au vendredi. Pour l’implication personnelle des pratiquants dans l’entretien et la vie du lieu. ( Dojo Tenshin-Ecole Itsuo Tsuda/ séance découverte et Trois Maitres + Un).

 

Enfin, dans Les Maitres de l’Aïkido, on comprend facilement en lisant les réponses et les témoignages de ces Maitres- et de Maitre Takako Kunigoshi– que l’Aïkido qu’ils pratiquaient n’avait strictement rien à voir avec cette « danse » à laquelle il peut être aujourd’hui régulièrement associé. Et que c’est un art martial « efficace » pour qui le maitrise et le comprend.

 

Un ami des chiens

 

Dans son interview, Maitre Gozo Shioda raconte par exemple comment, à une époque, il allait s’entraîner au petit matin, en allant en quelque sorte défier des chiens sauvages du voisinage. Il évoque le fait d’avoir été mordu quelques fois et parle aussi de ce moment où les yeux des chiens deviennent « vitreux », expliquant que cela signifie qu’ils vont attaquer. Et, lorsqu’ensuite, Maitre Gozo Shioda regrette la mort de ces chiens, il est difficile de savoir s’il est triste d’avoir perdu des « compagnons » d’entraînement. Ou s’il regrette d’avoir dû les tuer lors d’un de ses entraînements. Quoiqu’il en soit, ce genre d’anecdote, racontée en toute simplicité, contredit la vision de l’Aïkido comme étant un art martial inoffensif. Car, à ce jour, je n’ai pas encore entendu parler d’un pratiquant de boxe anglaise, de Krav Maga, de Pancrace, de Ju-jitsu brésilien ou autre qui serait régulièrement parti au petit matin afin de s’entraîner à combattre, seul et à mains nues apparemment, des chiens errants.

 

 

Aïkido et Zen

 

L’interview de Maitre Kisshomaru Ueshiba, un des fils de Maitre Ueshiba, clôture l’ouvrage. Maitre Kisshomaru Ueshiba est celui qui a prolongé l’œuvre de son père et a contribué à la reconnaissance internationale de l’Aïkido. Que ce soit par des enseignements, des ouvrages ou en autorisant le départ d’instructeurs japonais à l’étranger.

Dans son interview, pleine de franchise, franchise également présente dans les autres interviews, Maitre Kisshomaru Ueshiba souligne l’importance de la spiritualité dans la pratique de l’Aïkido.

 

Ainsi, il dit vers la fin de son interview (synthèse d’interviews réalisées à son domicile entre 1978 et 1988) :

 

« Mon Aïkido insiste sur l’esprit ( Kokoro). En Aïkido, le mental est important. Mon père avait crée cette discipline comme une voie chevaleresque qui ne comprenait aucune compétition ».

 

(….) « D’une certaine manière, il existe une correspondance entre l’Aïkido et le Zen. Notre discipline implique un complet changement des formes mentales (….) ».

 

J’aimerais que cet article puisse contribuer à restaurer l’image de l’Aïkido mais aussi à mieux comprendre l’un des buts des Arts Martiaux qui consiste aussi à apprendre que : Toujours chercher à être ou à devenir le plus fort ou la plus forte, c’est aller à sa perte.

 

 

Franck Unimon, ce vendredi 11 février 2022.

 

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Je cours depuis longtemps

Spot 13, samedi 15 janvier 2022. Paris 13ème.

                               Je cours depuis longtemps

 

Plus jeune, je courais après les bus et les trains que je voyais arriver. Puis, j’ai arrêté et j’ai cru que j’avais arrêté de courir. Lorsqu’ensuite, j’en voyais d’autres qui couraient après des moyens de transports, j’ai pu sourire. Bien-sûr, cela me permettait aussi d’oublier qu’entre-temps, j’avais vieilli. Mais comme j’arrivais généralement à destination et honorais mes rendez-vous les plus importants, je n’y ai pas accordé d’attention particulière.

 

Je n’ai rien contre le fait de courir, de faire du sport et de transpirer. Mais je n’aime pas courir pour rien. Je n’aime pas m’inquiéter pour rien non plus. Ou, du moins, de fournir beaucoup d’efforts pour, après, devoir m’apercevoir que je me suis éreinté pour très peu de résultats. Les travaux d’Hercule tous les jours seulement pour arriver à l’heure, cela ne vaut pas le clou.

 

 

Alors, j’ai arrêté de courir. Soit je suis à l’heure ou très en avance. Soit je suis en retard. Mais je suis moins en retard qu’avant. On parlera de sagesse, d’expérience, d’économie de moyens, d’anticipation, de maturité, de meilleure perception de soi-même comme de son environnement proche et lointain.  Ou de meilleur système d’évacuation sudoripare. Peut-être. Si on veut.

 

Car, par ailleurs, j’ai continué de courir. Je n’avais jamais véritablement arrêté. En pensées, en actions, en projets, en regrets, en illusions, en désirs, en devoirs, en écriture.

 

Prenons mon blog. Prenons les films qui sortent au cinéma.

 

A ce jour, mes cinq articles les plus lus sont consacrés aux Arts Martiaux. A ma rencontre avec deux Maitres d’Arts Martiaux : respectivement, par ancienneté, à Maitre Jean-Pierre Vignau et à Maitre Léo Tamaki. ( Dojo 5 et Arts Martiaux : un article inspiré par Maitre Jean-Pierre Vignau)

 

Puis suit un article sur le métier infirmier, celui que je pratique depuis quelques années en psychiatrie et en pédopsychiatrie : Crédibilité

 

Devant un article qui raconte ma rencontre avec l’acteur Steve Tientcheu et son co-scénariste et co-réalisateur Tarik Laghdiri dans leur ville en Seine Saint Denis : Le cinema-A ciel ouvert avec Steve Tientcheu et Tarik Laghdiri

Et, enfin….un article que j’avais écrit après avoir écouté un podcast sur l’ex-actrice française de porno Brigitte Lahaie : Brigitte Lahaie en podcast

 

Je n’ai pas choisi cette chronologie. Comme je ne choisis pas la fréquence de sortie des films dans les salles de cinéma. Malgré ou en dépit des différentes plateformes sur internet qui permettent de voir des films ou des séries chez soi.

 

Plus jeune, j’allais voir autant de films que possible. J’ai aimé ça. Au festival de Cannes, où j’ai pu aller deux fois en tant que journaliste de cinéma, j’ai aussi aimé bouffer du film de manière très rapprochée. Aujourd’hui, je regarde tous ces films sortir en salles. Dont certains en avant-premières lors de projections de presse. Si, auparavant, il m’était impossible de tous les voir, c’est encore plus vrai aujourd’hui.

Si, auparavant, il m’était possible d’écrire sur les films que je voyais en avant-premières, c’est moins vrai aujourd’hui.

 

Abdel, un copain de lycée m’avait dit un jour : «  Si tu veux te battre contre le Temps, c’est perdu d’avance ». C’était à la fac de Nanterre. Je sortais du bassin de la piscine où je venais de terminer mes longueurs. Il arrivait. Abdel devait être en fac de Droit ou d’Economie. J’étais alors en Fac d’Anglais. Pourtant, j’avais parfaitement compris son langage.

 

Le Temps peut faire penser à des arbres ou à ces êtres qui nous entourent que l’on abat et bouscule en permanence. Mais on ne s’en aperçoit pas. Car ces arbres et ces êtres ne crient pas, restent passifs et, aussi, parce qu’on ne les voit pas. Ils font partie du décor. Et lorsqu’ils disparaissent, on ne le voit pas tout de suite.

 

Nous prenons davantage en compte celles et ceux qui crient et réagissent. Qui nous font réagir. Ou qui sont mobiles.

Sauf que le Temps, lui, a cette particularité, qu’il nous repousse toujours vers nous mêmes. Pas besoin de crier ou de s’agiter. Pas besoin d’être vu, non plus. Il s’impose. C’est tout. Tels tous ces films qui sortent, toutes ces pensées et ces expériences qui défilent par bobines et qu’il est impossible de retranscrire exactement.

 

Il faut choisir. Il faut trancher. Il faut écouter. Ecrire. Parfois, c’est réussi. Du titre au contenu. D’autres fois, c’est moins bien. Mais on ne peut jamais savoir avant d’avoir effectué le geste. Et avant de l’avoir publié. Ce que l’on sait, c’est que l’on ne peut pas courir éternellement et après tout ce qui se passe autour de nous. C’est perdu d’avance.

 

 

Lors de mon dernier entraînement d’apnée, ce samedi matin, notre moniteur d’apnée, Maitre Yves (il sera gêné d’apprendre que je le vois comme un Maitre) m’a rappelé l’importance du relâchement :

Alors que j’effectuais une de mes longueurs sous l’eau, mon partenaire qui assurait ma sécurité, au dessus de moi à la surface, avait été dans l’impossibilité de me suivre. J’avais accéléré. J’avais accéléré parce-que je manquais d’air et que je voulais arriver au bout des vingt cinq mètres. Yves m’a alors répondu que, dans ce cas, il fallait se relâcher, et permettre à celui qui est en surface, de pouvoir suivre. Puisque l’on va bien plus vite sous l’eau qu’en surface. Maitre Léo Tamaki, aussi, insiste sur le relâchement en Aïkido.

 

Cela doit être pareil pour mes articles. Au lieu de chercher à aller vite afin de voir le plus de films possibles qui sortent, ou de traiter le maximum de sujets, je vais ralentir.

Hier ou avant hier, ma fille m’a demandé s’il y avait des journaux où j’avais écrit. Je lui ai répondu :

« Oui, dans un mensuel de cinéma papier qui s’appelait Brazil ».

Ce matin, je lui ai montré quelques articles de Brazil en bas desquels se trouvaient mon prénom et mon nom. C’était en 2009. Il y avait d’abord l’interview de Reda Kateb, Lucide à Paris, à la Place d’Italie. Pour le film Qu’un seul tienne et les autres suivront de Léa Fehner.

 

 

 

Puis, je suis tombé sur l’interview que j’avais faite du réalisateur philippin Brillante Mendoza pour son film Kinatay ( Massacre). Kinatay avait eu un prix à Cannes mais avait également choqué pour sa violence. Le film avait fait réagir. Mais aujourd’hui, qui s’en rappelle ?

 

 

 

 J’ai relu quelques bouts de l’interview de Brillante Mendoza. Les piles de mon enregistreur numérique avaient capitulé dès le début. J’avais fait l’erreur de mal les recharger et de ne pas avoir prévu de piles de rechange. En rentrant chez moi, je m’étais empressé de tout restituer de tête.

 

C’était en 2009. Il y a 13 ans. On peut se dire que c’est très ancien. Que c’est ressasser le passé, et les souvenirs de nos « réussites ». Mais en quoi, le passé et l’ancien sont-ils nécessairement des camouflets ? En quoi, la nouveauté est-elle obligatoirement et, toujours, meilleure ?

 

Ce week-end, je me suis demandé la raison pour laquelle, par moments, ou souvent, nous nous tenons régulièrement éloignés de ce qui nous fait du bien ou le plus de bien ?

 

Par soumission ? Par Devoir ? Par lâcheté ? Par idiotie ? Par illogisme ? Par sacrifice ?

 

J’ai commencé hier la lecture de l’ouvrage de Stanley Pranin, paru en 1993, Les Maîtres de l’Aïkido ( Elèves de Maître Ueshiba Période d’Avant Guerre). Un livre d’interviews que j’avais acheté d’occasion, il y a déjà plusieurs mois. A un prix assez élevé (environ 60 euros) car devenu difficile à trouver.

 

 

1993, c’est encore plus ancien que 2009. Et, la période d’Avant Guerre ( avant la Seconde Guerre Mondiale), c’est encore pire. Pourtant, qu’est-ce que la lecture de ces interviews m’a fait du bien ! Cela fait des mois, voire des années, que je cours. Que je m’abreuve à des informations anxiogènes en continu par devoir ou par masochisme. Et que je passe à côté de nourritures bien plus saines qui se trouvent près de moi et qui, comme les arbres et le Temps, ne font pas de bruit et gesticulent très peu.

 

En lisant une partie de l’interview de Brillante Mendoza, pour son film Kinatay, je me suis dit :

 

C’est plaisant à lire. Tout ce travail que j’avais initié avec Brazil mais aussi tous ces films que j’ai pu voir dans le passé, qui m’ont marqué et dont j’ai les dvds et les blu-rays, doivent me servir pour mes articles cinéma. Je ne peux pas et ne veux pas courir après tout ce qui sort à la vitesse d’un Ball-trap, au cinéma ou ailleurs. Par contre, je peux prendre le temps de m’arrêter sur des expériences qui ont été particulières pour moi. Ce qui signifie prendre le contre-pied de cette furie dans laquelle, trop souvent, notre vie prend souche. Comme si nous étions toujours condamnés à mourir.

 

Franck Unimon, ce lundi 17 janvier 2022.

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Servir

Gare de Paris St-Lazare, septembre ou octobre 2021.

 

                                                          Servir

Le Cerveau humain

 

 

Au cours de mon article Trois Maitres + Un , je me suis escrimé à expliquer que je recherchais des Maitres qui pourraient me permettre de me bonifier. Et, que je n’étais pas un esclave recherchant son Maitre esclavagiste.

 

Si, en tant qu’homme à peau noire et de condition sociale moyenne et commune,  je préfère sans hésitation vivre aujourd’hui plutôt qu’il y a deux cents ans en France, en repensant un tout petit peu tout à l’heure à l’article Trois Maitres + Un , j’en suis arrivé à la conclusion que, quoique nous pensions, souhaitions et affirmions, nous servons des régiments de Maitres depuis le commencement de notre existence.

 

Et, cela a sans doute toujours été pour l’être humain. Quelle que soit sa couleur de peau, sa culture, ses rites, son ethnie ou sa géographie. Au point que, rapidement, on s’y perd parmi tous ses Maitres que l’on sert.

 

D’abord, en nommant mon précédent article Trois Maitres + Un, je me suis trompé. Officiellement, si je me réfère avec exactitude à des Maitres d’Arts martiaux que je suis allé rencontrer, ou avec lesquels j’ai pratiqué une séance sous leur responsabilité, c’est plutôt Quatre Maitres + Un que mon article aurait dû avoir pour titre.

 

Car j’avais oublié de mentionner Sifu Roger Itier qui est le premier Maitre que j’avais fait la démarche d’aller rencontrer. Avant Sensei Jean-Pierre Vignau.

 

Je n’oublie pas mon premier prof de Judo, Pascal Fleury, désormais Sensei. Sauf que, comme je l’ai expliqué, Pascal n’était pas Sensei quand j’ai débuté le judo, il y a trente ans, sous son égide. D’abord à l’université de Nanterre après mes études d’infirmier puis, très vite, sur sa suggestion, dans le club où il enseignait- et enseigne toujours- le judo à Paris, au gymnase Michel Lecomte, à la suite de sa « petite » sœur, la championne olympique de judo, Cathy Fleury.

 

 

Et, je vais aussi me servir de cet « oubli » de Sifu Roger Itier pour constituer mon article.

 

Le cerveau humain, notre cerveau, tel que nous l’utilisons généralement, peut se concentrer sur un nombre limité d’opérations. Des neurologistes pourront l’expliquer. Des magiciens ou des arnaqueurs, aussi. Pour ma part, c’est la lecture récente d’une interview d’un magicien, qui utilise aussi l’hypnose lors de ses spectacles, qui me l’a rappelé. Mais certains réalisateurs de cinéma savent aussi jouer avec les angles morts de notre regard et de notre cerveau pour mieux nous surprendre et nous «manipuler», avec notre consentement, pour nous divertir.

 

Dans mon article Trois Maitres + Un , j’ai oublié de citer Sifu Roger Itier parce qu’au delà d’un certain nombre d’informations, notre cerveau fait le tri pour se fixer sur celles que nos pensées et nos émotions distinguent comme prioritaires en fonction de la situation. Et, aussi, parce-que, d’un point de vue affectif, si je reconnais l’expertise de Sifu Roger Itier, sa très grande culture, sa maitrise pédagogique et sa très bonne qualité d’accueil, je me sens plus attiré par des arts martiaux « japonais ». Même si j’ai un peu appris que certains arts martiaux « japonais », tels que le karaté, doivent beaucoup à des arts martiaux chinois. Mais, aussi, simplement, que les arts martiaux, d’où qu’ils  « sortent », peuvent se compléter ou complètent l’éducation et la formation de ces mêmes Maitres d’Arts martiaux que j’ai pu citer ou que je peux regarder.

 

Je sais par exemple que Sensei Jean-Pierre Vignau, Sensei Léo Tamaki, Sensei Régis Soavi et sans doute Sifu Roger Itier ont tâté, pratiqué, de plusieurs arts martiaux et sports de combats, souvent en parallèle, pendant environ une dizaine d’années à chaque fois avant de « s’arrêter » à un moment donné sur un Art martial plus spécifiquement. Je ne connais pas suffisamment le parcours martial de Sensei Manon Soavi pour en parler. 

 

Le spectateur ou l’admirateur lambda, devant des Maitres d’arts martiaux ou devant des pratiquants émérites de sports de combats, va peut-être principalement retenir l’éclat physique ou sportif de la performance réalisée. Sauf que cette « performance » physique ou cette espèce d’alchimie martiale devient possible techniquement,tactiquement et d’un point de vue fonctionnel du fait  d’une pratique régulière et multipliée.

 

Grâce à cette pratique régulière multipliée, voire démultipliée, le cerveau de l’auteur ou de l’autrice de la « performance » a évolué au point de pouvoir se permettre des connexions et des créations de solutions psychomotrices quasi-instantanées. Lesquelles solutions quasi-instantanées sont adaptées à des situations de danger et d’impasse que le spectateur ou l’admirateur lambda, placé devant dans les mêmes situations, aurait peut-être autant de possibilités de réussir que nous n’en n’avons de gagner au loto lorsque nous y jouons pour la première fois.

 

Ces connexions et créations cérébrales quasi-instantanées « harmonisées » avec les aptitudes physiques et émotionnelles de leur autrice ou auteur ne sont pas des analyses d’ordre économique ou philosophique qui découlent de statistiques ou de modélisations préétablies. Mais bien des adaptations humaines en temps réel. Une situation se présente avec son lot de stimuli et d’informations diverses et pressantes, le pratiquant « élargi » par ses expériences- et son évolution qui en a résulté- réagit et s’adapte assez vite. La pratiquante ou le pratiquant « élargi » et qui s’est bonifié ne tergiverse pas pour prendre telle décision. Pour réaliser et s’engager dans telle action- adéquate- à tel moment. Elle ou il ne se dit pas : «  Oh, non, si je fais ça, je vais rater mon métro qui arrive à  telle heure » ; « Oh, non, je vais salir mon beau pantalon blanc tout neuf que j’ai pris beaucoup de temps  à repasser ».

 

Cette façon de s’adapter à des situations de plus en plus délicates, à mesure que l’expérience du pratiquant augmente, se transpose dans notre vie de tous les jours. Et dans tous les métiers où dans tous ces moments où nous avons certaines responsabilités. Une motarde régulière- et prudente– depuis une dizaine d’années aura certainement plus d’aptitudes à garder son sang froid et à prendre les bonnes décisions si un automobiliste déboite subitement devant elle comparativement à un jeune motard chien fou persuadé d’être un champion du monde de moto. D’un côté, vous aurez une personne compétente qui saura déjà respecter les bonnes distances et se rappeler qu’elle est mortelle. D’un autre côté, vous aurez un meurtrier ou un suicidaire qui s’ignore.

 

Avec cette illustration, il serait facile de résumer en se disant que ce jeune motard est l’esclave de son ego. S’il n’y avait que l’ego qui soit notre Maitre….

Car si nous avons des Maitres assez permanents tels que notre ego, nous avons aussi, je trouve, d’autres Maitres, seulement transitoires, mais néanmoins persistants dans notre existence.

Point de vue depuis la butte d’Orgemont, à Argenteuil, septembre 2021.

 

En emmenant ma fille à l’école, ce matin

 

Nous sommes un lundi. Comme beaucoup d’adultes, ce lundi matin, j’ai emmené ma fille à son école. La pandémie du Covid semble derrière nous. Même s’il reste encore bien des gestes (port du masque à certains endroits, rappels de l’obligation du pass sanitaire ou de la nécessité de la vaccination contre le Covid sur des écrans de la ville ou dans des spots d’informations dans les trains ou dans les gares…) l’ambiance générale, depuis fin aout, début septembre, consiste sans ambiguïté à « tourner la page ». Aujourd’hui, dans les journaux, il faut chercher – quand il y en a- des articles relatifs au Covid et aux vaccins ou traitements anti Covid. En France, dans les média, on ne parle pas trop non plus de la catastrophe sanitaire aux Antilles ou dans les Dom du fait du Covid parce-que la majorité des gens n’y sont pas vaccinés contre le Covid. En abordant à nouveau le sujet de la pandémie, alors que la majorité des gens l’a aujourd’hui délaissé, je « montre » que la pandémie du Covid est en partie restée Maitre de certains endroits de ma mémoire. Même si, hier, chez moi, je n’ai rien fait de délibéré pour, parmi plusieurs piles de journaux, retomber sur un ancien exemplaire du journal gratuit 20 Minutes daté du 9 juin 2021.

La première page du journal gratuit  » 20 minutes » du 9 juin 2021.

 

Dans cet exemplaire du journal gratuit 20 minutes, en première page, on faisait allusion de façon décontractée à la fin  fin du confinement. Plusieurs pages plus loin, le sujet portait sur la réouverture des terrasses et des restaurants dans l’article Une forme de libération pour les relations.  Et un ou deux autres articles traitaient aussi du Covid et de ses à côtés : les relations amoureuses (l’article Un vaccin pour avoir sa dose « d’amour et de sexe » ), une infirmière «  soupçonnée de fournir des certificats de vaccination…sans avoir vacciné ».

 

 

Un autre article, « Le télétravail entraîne un vrai changement de culture » abordait, lui, la stratégie suivie par certaines entreprises pour remédier au confinement de ses employés. La veille, le 8 juin, «  au cours d’un déplacement à Tain-l’Hermitage »  (dans la Drôme), le Président Emmanuel Macron s’était fait «  gifler par un homme présent dans la foule ». L’article La Classe politique encaisse les claques en parle.

 

C’était seulement il y a quatre mois. Cela m’a paru très très loin.

 

La perception du temps et des événements  par notre cerveau nous permet aussi d’évacuer plus facilement certaines expériences, ultra sensibles il y a quelques mois, anecdotiques quelques mois plus tard. C’est souvent pareil avec les histoires d’amour ou chargées d’affectivité et d’émotions particulières. Sauf lorsque l’issue a été trop douloureuse.

 

Le cerveau des personnes victimes d’un stress post-traumatique, telles que celles victimes des attentats du 13 novembre 2015 dont le jugement se poursuit à Paris, lui, continue de vivre et de revivre l’événement traumatique comme s’il était toujours présent et, aussi, comme s’il pouvait à nouveau se reproduire.  Pour certaines de ces victimes, leur cerveau a comme perdu de sa plus grande capacité à recevoir de nouvelles informations, plus apaisantes, de la vie et du monde. Le 9 juin 2021, pour beaucoup de personnes et moi, cela paraît déjà très loin. Le 13 novembre 2015, pour les personnes qui ont vécu ces attentats ou qui en ont été traumatisées, c’est encore tout « frais » ou encore « trop chaud ».

 

 

Comme il n’y a pas eu d’incident ou de surprise extraordinaire pour moi alors que j’ai emmené ma fille à son école, mon cerveau a déjà oublié une bonne partie de ce qui a pu se passer durant le trajet pour retenir certains aspects du réveil de ma fille, de ses préparatifs et de ce qui s’est passé ou dit jusqu’à l’école. Ma fille, bien-sûr, aura sûrement une mémoire différente de ce qui s’est passé. Et, elle m’en parlera peut-être un jour ou peut-être cette après-midi lorsque je retournerai la chercher.

 

Il est néanmoins un « événement » qui m’a marqué alors que je revenais de l’école.

Photo prise à Cergy-St-Christophe, début octobre 2021.

 

L’événement qui m’a marqué :

 

En revenant de l’école, j’ai cru faire une bonne affaire en déplaçant ma voiture afin de la rapprocher de chez nous, dans la rue. J’ai donc pris ma voiture, me suis retrouvé derrière une file d’autres véhicules qui attendaient au feu rouge. Puisque c’était l’heure de pointe où beaucoup de personnes partaient au travail. Alors que je reprendrai le travail demain, de nuit.  

Dans la rue, plus proche, où je croyais avoir vu deux bonnes places, en fait, il n’y avait pas de quoi se garer. Il y avait bien un espace vide les deux fois entre deux voitures. Lorsque j’avais aperçu ces deux espaces à une vingtaine de mètres au minimum en emmenant ma fille à l’école, j’avais cru qu’il y avait de quoi se garer. Ordinairement, je ne me trompe pas. Ce matin, je me suis trompé. J’ai donc dû repartir et me garer ailleurs. Presque aussi loin que là où j’avais garé ma voiture initialement. Puisqu’entre-temps, une automobiliste ou un automobiliste avait rangé sa voiture là où était encore la mienne avant que je ne décide de la déplacer. Ce genre de déconvenue arrive. Il y a pire. Même si j’aurais pu me contenter de laisser ma voiture là où elle était au départ, bien garée. Mais un peu loin de chez moi.

 

Avant de rentrer, je me suis décidé pour aller m’acheter des lames de rasoir. Je me suis rasé hier soir. Et, j’avais envie de prévoir. Lorsque j’éprouverai à nouveau le besoin de me raser, c’est agréable de savoir que l’on a ce qu’il faut sous la main. C’est ici que ça commence.

 

Des lames de rasoir, j’en achète depuis des années. Il n’y a pas de risque mortel à aller acheter des lames de rasoir. Il n’est pas encore nécessaire de pratiquer un art martial ou un sport de combat, ou de courir très vite, pour aller acheter des lames de rasoir au péril de sa vie.

Mais, ce matin, j’ai eu soudainement besoin de me demander :

 

« Et, si, un jour, il n’y a plus de lames de rasoir, je ferais comment ? ». Aussitôt, je me suis dit. Hé bien, je ferais sans doute sans. Je porterais davantage la barbe. Mais comme il y a les lames de rasoir que je recherche près de chez moi en attendant, j’y vais. C’est là où j’ai retrouvé un de mes très nombreux Maitres. Un supermarché.

 

Pendant que j’y étais pour m’acheter des lames de rasoir, j’en ai « profité », aussi, pour m’acheter un peu de chocolat.

 

J’en ai profité ? Qui en a véritablement le plus profité ?

 

Le supermarché est un Maitre qui, comme chaque Maitre, a ses particularités. Lui, ses particularités, c’est qu’il est  toujours au même endroit. Ou très facilement reconnaissable, comme ses « jumeaux », lorsque je vais dans un autre endroit, une autre ville. A certaines heures ouvrables.

Ce supermarché, près de chez moi, je l’ai aperçu un jour, comme une de ces places de parking vides ou que j’ai crues vides, près de chez moi. Mon cerveau l’a localisé et mémorisé. Et, dès que j’ai besoin de quelque chose en particulier que je sais pouvoir trouver chez lui, j’y vais. Aux heures ouvrables que j’ai aussi mémorisées. Elles sont souvent faciles à retenir pour mon cerveau.

 

On peut bien mettre une petite musique d’ambiance choisie, modifier la disposition des rayons, changer en partie le personnel (j’ai appris ce matin qu’un des vigiles sympathiques qui me demandait assez régulièrement «  Et, comment, elle va, la petite ? » est parti depuis au moins six mois, du jour au lendemain, et qu’il travaille maintenant à Paris), j’y retournerai. Je suis un client que l’on pourrait appeler « fidélisé » ou suffisamment fidélisé. 

 

Je « viens » moins souvent qu’auparavant. Parce qu’entre temps, j’ai commencé à fréquenter d’autres Maitres, un peu plus éloignés, qui me donnent le sentiment d’être moins chers et de me faire  économiser lorsque je réalise de « grandes courses ». Mais, aussi, peut-être, parce-que ma fille ayant grandi, je m’autorise plus facilement, aujourd’hui, à augmenter mes distances de déplacement lorsque je pars faire des courses.

 

Néanmoins, dès que je veux effectuer de petites courses rapides près de chez moi, surtout aux heures assez creuses, je retourne chez ce Maitre. Ainsi que chez un ou deux autres, dont un petit marché, pas très loin de chez moi. Et ça tourne comme ça.

Paris 20ème, octobre 2021.

 

« Mon but, c’est de décourager ! »

 

 

J’ai bien sûr plus d’estime personnelle pour les Maitres d’Arts martiaux que j’ai cités récemment que pour les supermarchés. Néanmoins, ma vie, telle que je l’ai choisie et telle que je la pratique depuis des années, depuis mon enfance, me rend mes Maitres supermarchés ou marchés indispensables. On parlera de la société de consommation, et dans ce domaine, mes Maitres supermarchés et marchés, en connaissent des rayons, c’est vrai.

 

Et, malgré les travers que ces Maitres entretiennent en moi, je ne me rêve pas encore vivant isolé à cinquante kilomètres de la première bourgade où je pourrais acheter un peu de pain et un peu de beurre. Car nous  avons tellement d’autres Maitres par ailleurs que nous avons adoptés avec les années dont certains ont déjà pris le relais de plusieurs de nos Maitres « traditionnels » ou « classiques ». La télévision, nos téléphones portables, nos ordinateurs, internet, nos employeurs. Certaines de nos relations et de nos habitudes. Notre ego.

 

Sensei Jean-Pierre Vignau m’avait dit, lors d’une de nos premières rencontres :

 

« Mon but, c’est de décourager ». Plusieurs mois plus tard, je continue de repenser à cette phrase de temps à autre. Pour moi, le but de Jean-Pierre est de décourager l’ego. Pourquoi viens-tu pratiquer ? Tes intentions sont elles sincères ? As-tu vraiment besoin de pratiquer avec moi ? Pourquoi ?! Si tes intentions sont profondes et que c’est le moment pour toi, tu tiendras. Autrement, tu partiras.

Jean-Pierre peut être décrit comme « un personnage » ou perçu comme un « malade mental » du fait de certaines de ses positions. Mais, jusqu’alors, Jean-Pierre m’a toujours bien accueilli. Je suis allé le rencontrer les deux premières fois chez lui. C’était en plein confinement. J’ai lu sa biographie ainsi que le dernier livre sorti à son propos.

 Si j’ai cru percevoir une première pointe d’animosité ou de contrariété chez lui, mais qu’il a vite réfrénée, c’était au téléphone il y a quelques semaines. Quand je venais de lui apprendre que je n’étais pas – alors- vacciné contre le Covid et que, de ce fait, je ne pouvais pas pour l’instant, prendre des cours avec lui. Le Jean-Pierre que je suis allé saluer la semaine dernière- j’étais alors doublement vacciné contre le Covid- après avoir passé du temps au Dojo Tenshin- Ecole Itsuo Tsuda était à nouveau un Jean-Pierre, disposé et simple. S’absentant de son cours quelques instants pour venir me saluer. Visiblement touché par ma visite. Paraissant aminci. Ce qu’il m’a confirmé, me répondant simplement :

 

« J’ai perdu cinq kilos car je voulais maigrir ».

 

Sensei Jean-Pierre Vignau a 75 ans peut-être un peu plus. Sensei Régis Soavi, 71. Souvent, je trouve, les Maitres d’Arts martiaux vivent vieux. Au delà de 80 ans. Néanmoins, le Temps est un de nos Maitres. Et, si nous avons tous des Maitres, il est des périodes dans notre vie où nous avons la possibilité de choisir de servir certains de nos Maitres plutôt que d’autres.

 

Servir

 

Choisir sa ou son Maitre, c’est, aussi savoir la servir ou le servir. Ce verbe, « Servir », est virulent dans une démocratie. Servir/Maitre, là, aussi, on a de quoi avoir peur. On peut penser à la servilité, à la servitude. Et, pourtant, nous servons tous quelqu’un ou quelque chose. Mais, là, aussi, il importe de savoir qui, quand et pourquoi.

 

J’aurai pris beaucoup de temps, deux ou trois mois, pour lire la biographie de l’ancien officier légionnaire parachutiste Helie de Saint Marc, écrite par un de ses neveux, l’historien Laurent Beccaria.

 

 

Beccaria, mon aîné de cinq ans, est né en 1963. Helie de Saint Marc, décédé aujourd’hui, était encore vivant lorsque Laurent Beccaria, historien de formation, lui a consacré cette biographie en 1988. Beccaria avait alors 25 ans lorsqu’il a confronté Helie de Saint Marc à plusieurs épisodes de sa vie. De Saint Marc, né en 1922, avait 66 ans en 1988. Il est décédé en 2013.

 

 Beccaria, pour la rédaction de cet ouvrage, avait aussi rencontré diverses personnes, dont des militaires de carrière, qui avaient connu Hélie de Saint Marc. A l’époque, où, à peine majeur, celui-ci était devenu résistant sous l’occupation nazie. Pendant sa déportation au camp de concentration à Buchenwald. Pendant la guerre d’Indochine. Pendant la guerre d’Algérie où Hélie de Saint Marc avait fait partie des officiers militaires qui, sur sollicitation du Général Challe,  avaient organisé le putsch contre le Général de Gaulle en Algérie en avril 1961 afin que celle-ci reste française.

Les intentions de Helie de Saint Marc (lesquelles intentions n’étaient pas partagées par d’autres « putschistes » qui, eux, voulaient surtout garder l’Algérie au bénéfice exclusif de la France et des Français) étaient de sauver les harkis de l’exécution qui les attendait en cas d’indépendance de l’Algérie. De donner plus de droits aux Algériens à égalité avec les Français. Ainsi que d’assurer la victoire militaire de l’armée française. Helie de Saint Marc fut ensuite jugé pour avoir participé à ce putsch, condamné, puis réhabilité dans ses droits dix à quinze ans après sa condamnation.

 

La vie et la carrière militaire d’un Helie de Saint Marc, qui a aussi écrit des livres plutôt reconnus pour leur valeur de témoignage comme pour leur valeur littéraire, sont faites d’un engagement et d’une loyauté qui dépassent largement ceux de l’individu lambda, qui, comme moi, tout à l’heure, est allé tranquillement s’acheter ses lames de rasoir dans un pays en paix.

 

Helie de Saint Marc avait choisi cette vie de militaire puis de légionnaire parachutiste. Avant cela, il avait été déporté, avait failli mourir deux ou trois fois pendant sa déportation à Buchenwald. Sans ce vécu de déporté, donné à la faim, à la maladie et à l’impuissance,  peut-être n’aurait-il pas eu, ensuite, cette volonté de s’engager comme il l’a fait dans l’armée. Ou en tant que militaire et légionnaire, il a ensuite tué. Ainsi que commandé dont des légionnaires de nationalité allemande, qui, quelques années plus tôt, au camp de Buchenwald, auraient pu faire partie de ses tortionnaires.

En tant que militaire, il s’est aussi lié avec des populations indigènes. Il a également été blessé. Il a vu mourir. Puis, sur ordre, en Indochine, Il a dû abandonner des personnes qui s’étaient engagées pour la France tout en sachant, comme d’autres, que toutes ces personnes qui s’étaient dévouées à la France, allaient être exécutées par les vainqueurs du conflit.

 

En Algérie, De Saint Marc a à nouveau commandé, sans doute tué et fait tuer. Vu à nouveau mourir. De Saint Marc était opposé à la torture. Et, s’il a connu ou croisé le lieutenant Le Pen, le père « de », leurs opinions politiques et humanitaires étaient différentes. Dans la biographie de Laurent Beccaria, témoignages à l’appui de militaires mais aussi de journalistes, De Saint Marc est décrit comme un « idéaliste » mais aussi comme le contraire d’un fanatique. 

 

Toutes les personnes qui, aujourd’hui, demain ou hier, en France ou ailleurs, militaires ou non, ressemblent à Helie de Saint Marc et qui sont prêtes à mourir pour servir un pays ou des valeurs sont à mon avis plus libres que l’individu que je suis qui a peur de se faire mal mais aussi de la mort.  

 

Pourtant, à mon niveau, comme chaque individu lambda, je sers aussi quelqu’un ou quelque chose. La loyauté et l’engagement, on les retrouve aussi chez toute personne impliquée et consciencieuse dès lors qu’elle va chercher à assumer une responsabilité qui lui est confiée. Un Maitre d’Art martial, un militaire, un pompier, un policier, un gendarme évoluent dans ces activités humaines où des femmes et des hommes engagent ou peuvent engager directement leur corps et leur vie en poussant la loyauté et l’engagement plus loin que l’individu lambda. Le terroriste et le fanatique, aussi.

 

 

D’où l’importance de savoir choisir ses Maitres lorsque l’on commence à servir. Mais pour pouvoir choisir ses Maitres, il faut déjà comprendre que nous avons besoin de Maitres. Or, comme l’a dit Sensei Jean-Pierre Vignau, «  avant de m’appeler Maitre, il faut déjà en avoir connu plusieurs ».

 

Connaître un Maitre, le fréquenter, et apprendre à se connaître, puisque c’est souvent pour cela que l’on va vers un Maitre, cela prend du temps. Cela ne se fait pas en quelques clics, quelques flirts et quelques sms. Donc, connaître plusieurs Maitres, plusieurs vies….

 

Servir, ensuite. Un militaire, un pompier, un policier ou un gendarme n’ont pas beaucoup de latitude pour ce qui est de décider de choisir qui elles ou ils vont servir. Que ce soit leurs supérieurs directs ou politiques. Elles et ils ont le choix entre obéir. Mourir. Vivre. Réussir. Echouer ou démissionner. L’employée ou l’employé lambda qui part tranquillement faire ses courses au supermarché….

 

 

Franck Unimon, lundi 18 octobre 2021.

 

 

 

 

 

Catégories
self-défense/ Arts Martiaux

Trois Maitres + Un

 

Paris, station Opéra, octobre 2021.

                                               Trois Maitres + Un

 

Le Contexte :

Trouver l’album de musique qui va nous faire bien débuter la journée correspond peut-être à la profession de certaines personnes. De ce choix  peut découler une ribambelle d’incidences et d’influences.

Ce matin, mon choix se porte finalement sur l’album Live at Hammersmith en 1979 de Ted Nugent. Un cd emprunté hier. Je n’ai jamais écouté d’album de Ted Nugent mais j’ai entendu son nom il y a des années. Peut-être dans les années 80. Ted Nugent, ce matin, a supplanté l’album Celebration des Simple Minds. Dont j’ai trouvé le premier titre trop « dansant ». Une danse froide. Mais aussi l’album Addiction de Robert Palmer ainsi que le Cd The Best of Bond…James Bond sur lequel ne figure pas le titre interprété par la chanteuse Adele que j’aurais aimé réentendre.

Si Ted Nugent avait « échoué » au casting, j’aurais alors essayé l’album Live de The Clash From Here to Eternity. Mais Ted Nugent l’a emporté. En écoutant plusieurs de ses titres alors que j’effectuais des étirements, je me suis avisé que lui, comme bien des artistes qui ont « réussi », sont souvent des personnes qui, malgré bien des difficultés souvent adverses, sont parvenues à leur substituer le succès. Economique, artistique, social. Un artiste qui « réussit » est souvent une personne qui su conserver une certaine liberté ( même si celle-ci tient à coups de substances, de désagréments, de compromissions, d’opérations de communication ou de publicités, de trahisons) qui, le plus souvent, manque à celles et ceux qui l’écoutent, le  désirent,  le « dévorent » ou le regardent, et qui, près ou loin de la scène « communient » avec lui le temps d’un concert ou d’une représentation publique de quelques minutes ou de quelques heures.  

 

Comme tant d’autres, je ne suis pas Ted Nugent. Et, demain, je vais reprendre « le travail » : celui que l’on désigne le plus souvent en premier du fait de ses caractéristiques obligatoires. Tant d’un point de vue financier que moral. Si mon travail a peut-être plus de points communs que je ne le crois avec celui d’un artiste comme Ted Nugent, mon travail bénéficie de beaucoup moins d’aura. C’est celui d’un employé comme il en existe des millions.

 

Au cours de la durée d’une certaine activité professionnelle et personnelle, comme des millions d’autres individus, j’accepte d’être l’employé de quelqu’un, de plusieurs interlocuteurs ou d’une institution, et de partager avec eux un certain nombre de valeurs et d’objectifs à atteindre. Je m’appliquerai à faire de mon mieux en vue d’être, quelles que soient les circonstances rencontrées lors de l’exercice de mes fonctions, conforme à ces valeurs mais aussi attaché à la réalisation des objectifs définis, prédéfinis lors de mon embauche. Ou redéfinis après mon embauche. 

 

J’offre ou donne une partie de ma disponibilité, de ma bonne volonté comme de mes capacités et compétences en vue de percevoir un salaire ou une rémunération. Laquelle rémunération me permet et me permettra, ensuite, de continuer de satisfaire ou de faire face à d’autres obligations. Mais, aussi, de m’accorder quelques plaisirs ou de préparer certains projets ( comme, peut-être, prendre une place dans une machine à remonter le temps afin d’aller assister en direct à ce concert de Ted Nugent). De manière immédiate ou différée. En pouvant m’acquitter rapidement de la somme financière attendue. Ou en demandant et en obtenant un crédit que je m’engagerai, après signature d’un contrat, à rembourser régulièrement pendant un  certain laps de temps.

 

Il est d’autres sortes de travail que nous effectuons régulièrement en parallèle ou, aussi, un peu en même temps. Au « travail », nous continuons de penser à notre vie personnelle. Sauf si nous sommes trop absorbés par notre tâche ou notre « travail » par choix ou par contrainte.

 

Afin de vivre au mieux ce travail, il est préférable que celui-ci corresponde au mieux à nos croyances comme à la plus grande partie de nos valeurs. C’est encore plutôt le cas pour moi là où je travaille actuellement. Même si rien n’est parfait dans le monde du travail comme ailleurs.

Paris, octobre 2021.

 

 

Cependant, avant de reprendre « ce » travail demain, dois-je ranger tous les journaux que j’ai accumulés depuis plusieurs semaines et qui font plusieurs piles près de mon lit ? Alors que je les ai parcourus comme une souris grignoterait tous les rebords ( et un peu le cœur ) du pain sans s’attaquer aux tranches elles-mêmes.

Dois-je retranscrire au propre – et trier- les nombreuses notes que j’ai prises la semaine dernière lors de deux jours de formation professionnelle pour lesquelles j’ai choisi de revenir sur mes jours de vacances ? Deux jours de congés que je récupèrerai plus tard.

Dois-je d’ores et déjà commencer à préparer mon sac pour partir au travail demain vu que j’effectue une partie de mon trajet avec mon vélo ?

Pourrais-je, ce soir, me rendre à Paris, du côté de Mouffetard, à la dernière représentation d’une très grande artiste lors d’un spectacle de marionnettes ?

Pourrai-je rapidement, et correctement, écrire au moins deux autres articles après celui-ci :

Embrigadement  et Les principales vertus du combattant dont les idées me sont aussi advenues ce matin ? Sachant que je n’ai toujours pas rédigé d’article sur le ciné débat avec Jean-Gabriel Périot ; que je n’ai pas écrit d’article sur le dernier James Bond, Mourir peut attendre que je suis allé voir lundi matin ?

 

Dans les informations récentes que j’ai lues dans des journaux ( Le Monde, Le Figaro, Les Echos, Le Canard Enchainé, Charlie Hebdo, Le Parisien…) j’ai retenu qu’il y a aujourd’hui plus de 800 postes d’infirmières et d’infirmiers vacants dans les hôpitaux publics de la région parisienne. Le manque infirmier se fait beaucoup sentir sur les postes de nuit. Le Plan Ségur décidé par le gouvernement qui a accordé 183 euros de plus par mois à un certain nombre d’infirmières et d’infirmiers et la prochaine augmentation salariale qui devrait être effective à partir de la fin de ce mois dans les établissements de soins (et concerner aussi le personnel aide-soignant) n’a pas suffi à atténuer la dégradation des conditions de travail lancée il y a plus de vingt ans après des décisions gouvernementales et managériales successives et répétées.

 

Trois vaccins contre le Covid, d’après des études réalisées sur plus de vingt millions de personnes, ont démontré leur efficacité réelle contre le Covid ainsi que contre ses formes graves : les vaccins à ARN messager Pfizer et Moderna. Mais aussi le vaccin Astrazeneca , pourtant techniquement moins avancé et aussi moins bien réputé en raison de quelques effets secondaires graves reconnus ( thromboses…..). Cette information concernant l’efficacité avérée des vaccins anti-covid m’a néanmoins rassuré. Reste cette histoire de passe sanitaire désormais installée telle une ancre ou une enclume de plus en plus lourde, au fur et à mesure des jours, et qu’il va être de plus en plus difficile de soulever et de faire sortir de nos vies.

 

Au moins trois témoignages m’ont marqué parmi les parties civiles qui ont témoigné lors du procès des des attentats du 13 novembre 2015 qui continue de se dérouler.

Une femme qui, d’abord, s’est sentie illégitime en tant que victime, car non blessée physiquement, puis qui finit par dire qu’après l’attentat, elle n’a plus été en mesure de vivre comme auparavant et qui conclu, à propos des meurtriers des attentats :

« Ils m’ont tout pris ».

Le deuxième témoignage est celui d’une autre victime, un homme, au concert au bataclan avec son fils, qui a expliqué qu’avant de tirer- et de tuer- les terroristes avaient parlé du Président François Hollande, de la Syrie, pour justifier le fait de tirer ensuite sur les spectateurs du concert de ce jour-là. Mais que leur discours, toujours selon cet homme qui témoigne, sonnait faux. Les terroristes donnant l’impression d’être des « mauvais acteurs » récitant un texte appris par cœur mais auquel ils ne croyaient pas eux-mêmes comme s’ils étaient « sous captagon ».

Le troisième témoignage est celui d’un autre homme qui, s’adressant aux accusés, leur a dit que les terroristes s’étaient attaqués à des personnes qui n’avaient rien à voir avec les horreurs qui leur étaient reprochées (la guerre en Syrie ou autre). Mais, aussi que les terroristes s’en étaient pris à des personnes qui n’étaient pas des militaires (entraînés et armés). Et, il a demandé aux accusés s’il leur était arrivé, de rester couchés, pendant des heures, au milieu de cadavres dont les yeux les regardaient ?

 

Au milieu de tout ça, l’industrie nucléaire, malgré Fukushima, malgré Tchernobyl, malgré le livre La Supplication de Svetlana Alexievitch, prix Nobel de littérature il y a moins de cinq ans pour l’ensemble de son œuvre, a les faveurs du Président Macron afin de préparer  notre avenir en anticipant le tarissement  des gisements de pétrole prévu d’ici un demi-siècle.

 

En ce moment, sur certaines plages de Bretagne, les algues vertes toxiques dues à l’usage et au rejet intensif de certains engrais chimiques destinés à l’élevage, continuent d’abonder.  En pleine mer, suffisamment loin de tout ça, plusieurs de mes moniteurs de mon club d’apnée, avec quelques membres du club dont j’aurais pu faire partie comme lors des deux stages précédents, sont partis faire de la chasse sous-marine. Ils ont dû se mettre à l’eau vers 8h30 ou 9h avec leurs combinaisons de 5 à 7 mm de néoprène. Et, maintenant, ils ont dû rentrer et commencé à préparer leur repas fait d’une partie de leur pêche.

 

 

Voici pour le contexte.

 

 

 

Trois Maitres + Un

 

J’ai officiellement rencontré trois Maitres d’Arts Martiaux depuis la fin de l’année dernière :

 

Sensei Jean-Pierre Vignau. Sensei Léo Tamaki. Sensei Régis Soavi. Trois hommes. Trois vies différentes.  L’un, particulièrement chétif à sa naissance mais aussi lors des premières années de son enfance a été placé à l’assistance publique. Puis, a été adopté par un frère et une sœur agriculteurs. Le second, mi-Japonais, mi-européen a aussi un frère qui enseigne l’Aïkido dans le Val d’Oise et qui participe à ses divers projets avec martiaux ainsi que d’autres enseignants de son école : Aikido Kinshikai dont une antenne se trouve à quelques minutes à pied de mon domicile.

J’ai toujours le projet d’interviewer Sensei Léo Tamaki L’Apparition). 

 

Je connais « moins », pour l’instant, la biographie de Sensei Régis Soavi. Toutefois, des trois Maitres rencontrés, il est celui que j’ai rencontré avec une de ses filles. Laquelle,  Manon Soavi, est cet autre Maitre que je suggère dans le titre de cet article. Sensei Soavi, m’a aussi particulièrement interpellé en tant que père.

Parce-que je suis père d’une fille bien plus jeune que Manon, aujourd’hui mère et en couple. Mais aussi parce-que Sensei Soavi m’a appris que Manon n’avait pas été scolarisée.

Mais… comment a-t’elle fait pour apprendre à lire ? ai-je alors demandé. Sensei Soavi d’interpeller alors sa fille Manon:

 » Manon, tu sais lire ? ». Celle-ci, située alors à plusieurs mètres de nous, en pleine discussion, a répondu :  » Quoi ?! ». 

Sensei Soavi de m’apprendre ensuite en souriant que Manon savait non seulement lire et écrire, parler Italien mais, qu’en plus, elle écrivait « même des livres ». Soit exactement l’inverse du modèle d’éducation et d’apprentissage que j’ai toujours connu. J’ai souvent eu besoin de prendre des cours avec un prof certifié pour débuter un nouvel apprentissage. Une amie m’en avait fait un jour la remarque. Il n’y a que pour écrire et la photographie ( mais je serais bien incapable de tirer mes propres photos avec un appareil photo non numérique) que je n’ai pas pris de cours. Et, à ce jour, je ne vis toujours pas économiquement, grâce à ces deux activités.  

Selon Sensei Soavi, « quand on aime son enfant », on y arrive. C’était aussi simple et aussi évident que cela à l’entendre. J’aurais bien aimé avoir sa confiance. Une confiance d’autant plus établie que, concrètement, je voyais et vivais le résultat en temps réel. Ce dojo où je me trouvais. Et une de ses filles qui m’avait guidé durant ma séance de découverte. Alors que moi, je ne suis qu’au début de tout ça. Et, encore, si je m’y prends « bien ». Car, en tant que père, on peut beaucoup rater en se montrant trop volontaire.  

Même si je suis très loin de ce qu’a pu réaliser Sensei Soavi en tant que père,  je crois que la capacité de se conformer au système scolaire et social est un atout dont certaines et certains sont dépourvus. Plus pour des raisons de « comportement » ou d’histoire personnelle et émotionnelle que pour des raisons d’aptitude cognitive. Et, bien même si je suis  plus conformiste en tan que père que Sensei Soavi , je ne crois pas que toute la vie s’apprenne à l’école, dans les écoles, dans les livres ou dans les études.

Mais j’ai assez peu de mérite pour « savoir » cela. D’une part, j’ai grandi en prenant quelques mandales et semonces au moins paternelles qui réfutent totalement le théorème selon lequel il suffirait d’être poli, sérieux et gentil pour que nos quelques erreurs et bêtises supposées ou réelles nous soient magiquement pardonnées. D’autre part, être poli, sérieux et seulement gentil nous expose dans la vie à bien des retournements de situation défavorables. Enfin, mes études puis mon métier d’infirmier m’a un petit peu instruit quant au fait que le bonheur est une activité très concrète. Et qu’il ne se décide pas à nous choisir juste parce-que l’on aurait fait de très bonnes études ou que l’on disposerait du bon algorithme. Mais aussi, que l’on peut avoir des très bonnes notes lors de ses études d’infirmier, de médecine ou autres, et, en pratique, se révéler être une personne irascible, tyrannique, dispensable ou incompétente malgré le poste à haute responsabilité ou toute l’ancienneté qui peut être le nôtre ou la nôtre. 

Paris, Octobre 2021.

Pour ces raisons, ce que m’a laissé entrevoir Sensei Soavi de l’évolution de Manon depuis son enfance, ne pouvait que m’interpeller. En tant qu’individu mais aussi en tant que père. Car si je veux bien-sûr le meilleur pour ma fille, je me comporte aussi avec elle comme un militaire. La vie n’est pas que jolies licornes, douceur et gentillesse immédiates et sans arrières pensées où le temps s’est arrêté et nous laisse tout loisir d’inventer et de compter les jolies couleurs dans le ciel. Même s’il faut, évidemment, aussi, savoir s’offrir de tels moments. Mais pas n’importe comment. Pas n’importe quand. Et pas avec n’importe qui. 

 

Dans mon article Dojo Tenshin-Ecole Itsuo Tsuda/ séance découverte , je me demande si  Manon Soavi est déjà un Maitre.

 

 

Qu’il n’y ait aucune méprise :

 

Je ne connais pas le rituel, la cérémonie, le protocole ou le processus par lequel un être humain devient un Maitre. Je suis totalement ignorant de ce « passage » vers le statut de Maitre et, bien-sûr, des responsabilités que cela peut incomber. Car il ne suffit pas d’avoir le titre de Maitre. Il faut être Maitre. Et, cela est vrai pour toute responsabilité que l’on « incarne » ou que l’on prend.

 

Lorsque je parle de celui par lequel j’ai découvert et pratiqué le judo, Pascal Fleury, je dis mon « prof  de judo ». Cependant, je suis déjà retourné le saluer par affection dans son club ou ai pu participer à une ou deux séances de reprise et ai pu alors constater que, désormais, plusieurs – ou la plupart- de ses élèves l’appellent Sensei. Y compris Des élèves désormais plus avancés et plus gradés que moi en judo. Mais lorsque je l’ai connu, il y a plus de vingt ans, personne dans le club ne l’appelait Sensei. Tout en reconnaissant évidemment son autorité, son Savoir et son expérience.

 

 

J’écris, qu’à mon avis, Manon Soavi est aussi un Maitre car elle est beaucoup plus avancée que moi dans différents domaines. Même si j’ai arrêté de pratiquer le judo pendant une vingtaine d’années, j’ai néanmoins continué à apprendre à vivre. Mon regard et ma façon de penser, sur moi-même et sur les autres, a un petit peu évolué.

Gare de Cergy st-Christophe, octobre 2021.

 

 

L’âge, le sexe, la condition sociale d’origine, la formation universitaire ou scolaire reconnue ou officielle,  ni même l’habilité à savoir s’exprimer par écrit, par l’image ou par oral, n’est pas, pour moi, le critère le plus important pour définir un Maitre. Ces aspects ont leur importance ou peuvent en avoir une au départ, bien-sûr. Pour d’autres comme pour moi. Mais, ensuite, vient la pratique. Les faits. C’est ce que je vais « regarder » ou retenir pour me dire que telle personne est un Maitre ou en a, selon moi, les particularités. Que j’en parle ou non. Pour moi, un de mes moniteurs d’apnée, Y…actuellement en Bretagne, est l’équivalent d’un Maitre dans cette discipline qu’est l’apnée. Je ne lui en parlerai pas. Car il me répondrait qu’il n’en n’est pas question. Qu’il trouve ça exagéré. Ou qu’il n’a pas cette prétention. Pourtant, lorsque j’en ai parlé il y a quelques jours à une copine du club, elle a aussitôt abondé dans mon sens.

 

 

On ne dit et l’on n’écrit pas toujours ce qui peut nous marquer. Parce-que l’on n’y pense pas. Ou que l’on se concentre sur d’autres sujets que l’on voit comme plus importants à dire.

 

Par exemple, dans mon article Dojo Tenshin- Ecole Itsuo Tsuda/ Séance découverte, je n’ai pas écrit ces moments où, venant me corriger aimablement, Sensei Régis Soavi, a pu me montrer comment, par un tout petit changement d’attitude corporelle ( a very very little change), une attaque apparaissait inoffensive. Et, une autre, alarmante, appelant aussitôt une façon différente, plus précise, de réagir.

 

Il en est de même avec Sensei Manon Soavi avec qui j’ai participé à la séance avant hier matin. Je n’ai pas tout écrit. Et, cet article et les deux autres que j’écrirai peut-être

( Embrigadement  et Les principales vertus du combattant ) doivent autant une partie de mon inspiration à ma « rencontre » avec Sensei Jean-Pierre Vignau, Sensei Léo Tamaki, Sensei Régis Soavi. Qu’à Sensei Manon Soavi.

 

Lors d’une de mes rencontres avec lui, Jean-Pierre Vignau m’avait répondu :

 

« Appelle-moi, Jean-Pierre. Parce-que, pour m’appeler Sensei, il faut déjà que tu aies connu plusieurs Maitres ».

 

 

Paris, octobre 2021.

Lorsque j’étais allé assister  à un de ses stages, Léo Tamaki m’avait dit que je pouvais l’appeler Léo. (Dojo 5 ). 

 

Régis et Manon Soavi ne m’ont pas demandé de les appeler Sensei. Parmi tout ce qu’il m’a dit, Régis Soavi m’a aussi expliqué qu’il n’exigeait pas de ses élèves qu’ils portent d’emblée le Hakama. Que cela relevait de leur propre décision. Mais que, par contre, du jour où ils décidaient de le porter, qu’ils s’engageaient d’une façon particulière et qu’il ne pouvait y avoir de retour en arrière.

Concernant la ceinture, Sensei Régis Soavi m’a dit qu’il y avait pour lui deux ceintures. Une blanche. Une noire. Et, qu’à un moment donné, sans que cela soit tenu par une évaluation d’ordre didactique, il attribuait la ceinture noire. Ou pas sans doute…..

Lorsque Régis Soavi m’a expliqué ça, sûrement lors du petit-déjeuner d’après la séance, où, comme nous tous, il avait alors quitté sa tenue martiale, redevenant ainsi un simple civil, je n’ai pas eu besoin de sous-titres pour comprendre que c’était toujours  le Maitre d’Aïkido qui continuait de me parler au travers de la simple enveloppe civile et décontractée de Régis.

 

 

Sensei Manon Soavi , elle, est la seule avec laquelle, à ce jour, dans mon expérience très limitée, j’ai un peu pratiqué directement l’Aïkido. Le temps d’une séance. Ce n’est ni une débutante ni une inconnue de l’Aïkido.

 

 

Alors, je suis là à donner du Maitre. Et on peut se demander si je suis en pleine extase tel le pèlerin ou l’alpiniste se trouvant au pied d’une montagne sacrée dont il a pu rêver depuis des années. En outre, avec le réchauffement du permafrost, il y a plutôt intérêt à ne pas trop traîner pour débuter l’apprentissage de l’escalade. Après tant d’années passées à errer. Et, c’est là où je reprends la phrase de Sensei Jean-Pierre Vignau. Si je jouais sur ses termes, je pourrais me dire :

 

« ça y’est ! J’ai rencontré trois ou quatre Maitres, donc, maintenant, je peux dire Maitre ! ».

 

En fait, se hâter à dire Maitre revient un peu à se dépêcher de se châtrer et de se châtier soi-même. A prendre le mot « Maitre » dans son sens le plus avilissant pour l’Humanité. L’esclave devait et doit dire Maitre à celle ou celui qui le domine et qui a droit de vie et de mort sur lui et sa descendance. Or, les Maitres d’Arts martiaux que je désigne dans cet article- ainsi que les autres – seraient sûrement horrifiés si les élèves ou les disciples qui les appellent Maitre se comportaient d’eux-mêmes comme des esclaves devant leur pharaon. Ou comme des fans devant  leur Ted Nugent.

 

Aussi, que cela soit officiel : lorsque j’écris « Maitre », je ne parle pas de pharaons, d’empereurs ou de Cléopâtre devant lesquels, je devrais baisser les yeux et lécher le sol  où ils marchent. En remerciant une force supérieure de m’avoir autorisé à vivre cette expérience suprême. Et, en faisant de moi un peu l’équivalent du personnage particulièrement bien joué par l’acteur Samuel Jackson  dans le film Django Unchained de Quentin Tarantino. Soit un esclave noir si fervent de son Maitre esclavagiste (également très bien interprété par l’acteur  Léo Dicaprio) qu’il est prêt à mourir pour lui en dépit des multiples sévices que celui-ci et d’autres ont pu lui infliger dès sa naissance.

 

Cergy St-Christophe, fin septembre 2021, lors de la manifestation Cergy, soit !

 

La liberté :

 

 

Ce qui me marque beaucoup à parler de ces Maitres, c’est leur liberté. Chacun a bien sûr sa personnalité. Et, celle-ci tranche par rapport à celle des autres. Mais ces Maitres, d’une façon ou d’une autre, sont plus libres et semblent aussi plus épanouis que la majorité.

 

Une minorité d’individus, sur terre, concentre la majorité des richesses économiques et politiques sur terre. Les Maitres d’Arts martiaux font plutôt partie de ces minorités d’individus qui concentrent ou semblent concentrer, elles et eux, une « quantité », peut-être une majorité, de richesses morales, spirituelles et physiques sur terre. Mais ces derniers ( les Maitres d’Arts martiaux) peuvent être assez « ignorés » au profit de coaches, de consultations de « bien-être » les plus diverses, de salles de sport, de magazines, souvent féminins ou considérés comme du ressort de la presse dite féminine type Psychologie ou Biba ou autres, ou de « sorties » entre copains ou entre copines. Ce mode de vie a bien-sûr ses justifications. Sauf qu’il a une certaine tendance, à un moment donné, à tourner autour du pot lorsqu’il s’agit de vivre ou d’être une personne. Je vais prendre mon exemple :

 

Je peux continuer d’aller voir des quantités indénombrables de films et écrire ensuite à leur sujet. D’autant que depuis hier, par exemple, en m’inscrivant dans une médiathèque d’une autre ville que la mienne, j’ai un nouvel accès – illimité- à un certain nombre de prêts de dvds, de cds et de livres. Et, j’ai commencé par en emprunter 39 articles car il fallait bien « amortir » le coût de l’inscription à l’année, pour un « étranger » : 50 euros. Je savais très bien qu’un mois de prêt serait largement insuffisant pour regarder tous ces films et ces quelques séries télévisées. Mais, aussi, pour écouter avec présence cette dizaine de cds.

Cependant, même si j’y parviens, voir tous ces films, écrire à leur sujet, lire le plus possible de journaux et de livres (empruntés comme achetés) cela va-t’il suffire pour me rendre plus libre et plus épanoui ?

 

Même si j’ai la chance, par rapport à d’autres, de pouvoir prendre le temps de regarder des dvds et d’écouter des cds. Ainsi que, d’avoir  pu faire le nécessaire, en décidant de chercher un poste avec certains horaires de travail, pour pouvoir bénéficier de ce temps personnel. Mais aussi en décidant du nombre d’enfants pour lequel je serai père et à partir de quand dans ma vie.  

 

Donc, être Maitre, c’est sûrement, déjà, être suffisamment Maitre de son temps afin de pouvoir l’employer à ce qui nous importe le plus. Et, cela, de manière suffisamment satisfaisante pour soi et pour celles et ceux qui, ensuite, viennent régulièrement chercher et vivre ce temps commun.

 

Près de la gare d’Argenteuil, octobre 2021.

 

La difficulté

 

 

Toutefois, si je parle de Maitres d’Arts martiaux qui sont, pour tout pratiquant d’Art martial, les modèles ou les pionniers dont on s’inspire (j’aime, dans la traduction du mot Sensei lire que le Sensei est « celle ou celui qui est né(e ) avant), il faut aussi parler de celles et ceux qui les entourent. Les autres pratiquantes et pratiquants.

 

Face au sensei, on est un peu comme face à un miroir. Sauf que le reflet, la silhouette, l’idéal, la personnalité que l’on voit n’est pas le nôtre, pas la nôtre. Et, cela ne sera jamais. Car chaque personne est unique.  Néanmoins, on peut avoir tendance, si l’on admire un peu trop une Maitre ou un Maitre, si l’on colle beaucoup trop à son reflet ou à sa personnalité, à ne voir qu’elle ou lui ou à ne voir que par elle ou par lui. Et à négliger celles et ceux qui nous entourent. Plus avancés que nous, plutôt exemplaires. Mais aussi celles et ceux donnant à voir une pratique peu flatteuse et peu avantageuse  de la discipline. Il y a les pratiquantes et les pratiquants doués et expérimentés. Leur inverse existe aussi : peu doué, peu expérimenté, mais aussi expérimenté et pourtant peu doué. Ou très doué alors que peu expérimenté.

 

Etre un Maitre, ou aspirer à en devenir un, cela consistera sans doute à apprendre à accepter de composer avec au moins ces trois « difficultés ».

 

Celle du Maitre. Celle des autres pratiquantes et pratiquants qui « réussissent » mieux que nous ou qui sont « meilleurs » que nous. Celle des pratiquantes et pratiquants qui « patinent », qui « rament».

Et soi-même. Avec nos propres difficultés et facilités qui varient selon les périodes.

 

 

Je cite trois difficultés + une. Ces difficultés peuvent aussi être perçues comme les trois angles différents d’un problème ou d’une situation. On peut aussi remplacer le terme « difficultés » par le terme «  dimension ».  Nous vivons souvent dans à peine une dimension, voire deux. Et, encore. Je l’écris ici, assez intuitivement, et, aussi, pour l’avoir lu ou entendu.

 

Le titre de cet article est Trois Maitres + Un. Soit quatre possibilités, parce qu’une difficulté peut aussi devenir une possibilité,  que l’on peut rencontrer, que l’on rencontre, que l’on a rencontré, de vivre autrement, d’être autrement. Selon que l’on  décide. De Ranger des piles de journaux. De Préparer son sac de travail pour le lendemain. D’ écrire un article ou plusieurs. Ou de ne pas le faire. L’école Itsuo Tsuda de Sensei Régis Soavi enseigne le Non-Faire. Le Non-Faire, c’est le contraire de notre société. Il y a beaucoup de personnes de par le monde, en France comme ailleurs, pour lesquels ne rien faire est particulièrement violent. Cela reviendrait presque à vomir ses tripes après plusieurs cuites répétées.

 

Franck Unimon, ce jeudi 14 octobre 2021.

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self-défense/ Arts Martiaux

Dojo Tenshin-Ecole Itsuo Tsuda/ séance découverte

                                              

                                  Dojo Tenshin- Ecole Itsuo Tsuda/ séance découverte 

 

Un manga pour un dojo

 

 

Je dois au manga Le Garçon et la bête ( article   Ou aller ? Le Garçon et la bête )sorti au cinéma en 2015- de m’être rendu ce mardi 12 octobre 2021 au Dojo Tenshin- Ecole Itsuo Tsuda afin de le découvrir.

 

Cela les a fait marrer, ce matin, au Dojo Tenshin-Ecole Itsuo Tsuda, lorsque je leur ai expliqué ça. Nous étions alors plusieurs à être assis autour des tables basses rectangulaires.

 

La veille, P…, membre du dojo depuis cinq ans, m’avait rappelé suite au message que j’avais laissé. Afin de donner des explications et de répondre à mes questions.

 

On pourrait me prêter un kimono. Si la séance débute à 6h45, idéalement, ce serait bien de pouvoir être là entre 6h et 6h15 afin de prendre le temps de boire un café, de discuter un peu avant.  

 

Cet été, ou lors d’une période plus floue qu’aujourd’hui, pour cause de pandémie, nous devions sortir de chez nous à partir d’une certaine heure et y rentrer au plus tard à une autre heure également prédéterminée par notre gouvernement. Pour les mêmes raisons, pendant plusieurs mois, notre périmètre de déplacement kilométrique avait pu être restreint.  Et, certains lieux étaient fermés au public. Provisoirement ou définitivement à la suite des conséquences économiques de ces fermetures.

 

 

J’avais cherché cet été. Des endroits, sur Paris ou dans la région parisienne, où il serait possible, un jour, de suivre des cours d’arts martiaux le matin.

 

J’avais relevé plusieurs « organisations » que j’ai notées avec application sur un de mes petits carnets. Tant de sports de combats que d’Arts martiaux. J’avais ainsi « regardé » un club ou deux de sistema.

 

Parmi tous ces « clubs » ou « organisations », j’avais découvert le Dojo Tenshin-Ecole Itsuo Tsuda par une photo en noir et blanc montrant des pratiquants parfaitement alignés en position de salut.

 

Les cours y débutaient à 6h45 du matin plusieurs jours de suite en semaine.

 

C’était la première fois que je voyais ça. Je n’avais jamais entendu parler du Dojo Tenshin. Beaucoup de séances d’entrainement se déroulent le plus souvent le soir, quelques fois le matin ou à l’heure du déjeuner afin de permettre aux adultes travailleurs et aux plus jeunes scolarisés ou en formation d’être disponibles pour les entraînements . Hormis lors des stages où les horaires peuvent ressembler aux horaires de bureau conventionnels de 9h à 17 ou 18h. 

 

Le dojo Tenshin-Ecole Itsuo Tsuda prenait le contrepied de tout ça. Mais qui étaient-ils ? Evidemment, dans mon entourage direct, je ne pouvais consulter personne pour m’en parler.

 

Un passage sur leur site m’a confirmé le caractère déjà très sérieux imposé par la photo initiale. Puis, je me suis demandé s’il s’y déroulait des événements étranges. Car ce dojo m’était totalement inconnu. Et le fait qu’il propose autant de séances, plus que d’autres, rajoutait au mystère.

 

Régis et Manon Soavi, le père et la fille ?  C’est seulement hier soir, la veille de ma venue, en discutant avec P… que j’ai commencé à faire le rapprochement.

 

J’avais lu leurs noms et sans doute certains de leurs articles dans des magazines tels que Yashima  ou Dragon Magazine . Je peux même dire maintenant que j’avais vu la photo de Maitre Régis Soavi. Mais ma culture martiale, d’abord, est débutante et très parcellaire.  Ensuite, elle est principalement théorique ainsi qu’assez isolée.

 

 

La Pêche à la ligne

 

 

Ce matin,  depuis Argenteuil, j’ai pris le train de 5h32 direct pour Paris St Lazare. Le réveil, un peu avant 5 heures, n’a pas été trop difficile. J’avais choisi de venir. Je savais pourquoi je venais. Contrairement peut-être à quelques unes et quelques uns des passagers convoyés comme moi vers Paris. J’ai pu être comme eux lorsqu’il a pu m’arriver d’aller en stage ou au travail aux mêmes horaires sans autre motivation que de remplir des obligations. Les écrans de plusieurs téléphones portables hypnotisaient déjà leurs propriétaires. Néanmoins, j’ai aimé ce calme dans les transports en commun. Sortir alors qu’il faisait encore nuit m’a donné l’impression de me rendre aux avant postes d’un grand projet.

 

Puis, j’ai pris le métro, ligne 9, sans me presser. A la sortie d la station Maraichers, je me suis rappelé que le dojo de Maitre Jean-Pierre Vignau , que j’étais allé rencontrer deux fois chez lui ( Arts Martiaux : un article inspiré par Maitre Jean-Pierre Vignau )ainsi que dans son dojo avec ma fille,  se trouvait non loin de là. Dans le sens opposé.

Ce mardi 12 octobre 2021, après être sorti du métro à la station Maraîchers.

Dans la rue, une femme africaine, une maman, m’a facilement guidé. La rue des Grands Champs, c’était la prochaine, sur la droite. Cependant, pour moi, pour aller au dojo, le numéro 120 partait vers la gauche.

 

Vu le numéro 120, je m’attends à marcher un moment. Mais ça arrive très vite. Moins de cinq minutes après être sorti de la bouche du métro, je m’approche. Les rues sont calmes. Sur ma gauche, une voiture garée aux phares arrières allumés. Rapidement, j’aperçois l’enseigne Dojo Tenshin. Mais je vois d’abord des rideaux de fer baissés. P… m’avait pourtant dit que le dojo était ouvert à partir de 6h.  Or, il est plus près de 6h10.

 

 

Je sors mon appareil photo. J’appuie deux fois. Je continue. Je pousse une porte en fer sur la droite. Je regarde en haut. Là où il y a de la lumière à la fenêtre. Ça doit être là. Je me retourne. Un homme derrière moi. Je le salue, lui explique que je viens découvrir. A son air, je présume qu’il a pu me croire mal intentionné. Sitôt que je lui dis ce qui m’amène, il se propose aussitôt de m’emmener. Je le suis. Oui, c’était lui dans la voiture que j’ai vu, phares allumés, me confirme-t’il.

 

 

Nulle part ou aller :

 

Dans Le Garçon et la bête, ce moment où le jeune Ren/Kyuta a nulle part où aller m’a beaucoup marqué lorsque je l’ai revu ce samedi avec ma fille.

 

C’est parce-que nous n’avons nulle part où aller que nous pouvons passer notre temps à faire des magasins et à remplir nos sacs de courses ou nos caddies. Parce que ce nulle part nous remplit de vide. Nous faisons des achats comme nous essayons de nous payer de nouvelles destinations.

 

Je n’ai rien contre les achats alimentaires, de plaisir ou nécessaires. De toute façon, je me vautre aussi dedans encore régulièrement. A l’heure où j’écris cet article un nouveau tic-tac s’est d’ailleurs enclenché dans ma tête concernant des dépenses futures. Sur un tapis roulant imaginaire, je vois passer et repasser un ou deux articles que j’aimerais bien m’acheter.

Je pense bien-sûr davantage à toutes ces dépenses et à tous ces objets qui nous encombrent plus qu’ils ne nous servent. Quand ils ne sont pas en toc.

 

C’est aussi parce-que nous n’avons nulle part où aller que nous nous blottissons contre certains comportements. En espérant y trouver un peu de chaleur et de présence alors que plus nous nous y enfouissons et plus cette chaleur et cette présence que nous recherchons  se diluent.

 

Je ne devrais pas l’écrire car, souvent, ce genre de propos désole. Mais j’ai des regrets. Ainsi que des souhaits.

 

Des Regrets

 

 

Je regrette d’avoir manqué de curiosité. De m’être trop de fois contenté de ce que je savais ou croyais savoir. D’avoir pu très facilement me satisfaire de mes théorisations et d’une certaine intellectualisation.

Bien-sûr, je suis dur avec moi-même et il me faut aussi faire acte d’indulgence. Etre et pouvoir vivre avec bonheur et certitude en permanence comme un bourrin requiert des capacités largement supérieures à ma moyenne. Cependant, il me faudra du temps pour améliorer mon indulgence envers moi-même.

 

Le Dojo Tenshin- Ecole Itsuo Tsuda se trouve à cet endroit depuis 2000 ai-je appris ce matin. Autrement, l’association existe depuis 1985. Ce matin, après la séance, Maitre Régis Soavi et Manon Soavi m’ont répondu qu’il restait encore des anciens de cette toute première époque. Autrement, il y  avait des « jeunes » pratiquants présents depuis les années 2000.

 

L’an 2000 est l’année où j’avais arrêté de pratiquer le judo. Je plafonnais. J’avais alors essayé de bifurquer vers une autre pratique, le Jujitsu brésilien. Les Frères Gracie  étaient la référence alors que le MMA se développait mais aussi connaissait son Boom médiatique ;

 

Dans une bien moindre mesure, j’avais fait une séance de découverte de Kick boxing.

 

« Pour apprendre à donner des coups de pieds et des coups de poing ! ».

 

Cela nous avait été recommandé un jour, à nous, judokas, au dojo d’été. Nous avions trop tendance à rester dans le judo et à ne rien apprendre d’autre. 

 

J’avais aussi essayé un tout petit peu la lutte contact.  Je me rappelle d’un club où l’esprit était ouvertement « guerrier ». En tout cas, je n’oublierai pas ce jour où j’avais aperçu son fondateur et président remonter le Boulevard de l’Oise d’un pas martial. On aurait dit que même marcher le mettait en colère. Ou que cela l’énervait d’autant plus que personne ne vienne le titiller. J’ai aperçu cet homme il y a deux ou trois mois, sur le quai de la gare St Lazare. Il portait un de ses bras en écharpe. Dix à vingt ans plus tard, j’en ai déduit qu’il n’avait pas beaucoup décoléré.

 

Mon prof de Jujitsu brésilien, lui, était un très très bon pratiquant. Technique, puissant  et souple. Il s’entraînait tous les jours, avait bien sûr tâté de différentes formes de combat. Je garde un très bon souvenir de ces quelques fois où nous avons combattu ensemble. Comme de son accueil ouvert et sympathique. Cependant, il aimait trop la bagarre ou avait peut-être trop besoin de prouver. Quelques adeptes de ses cours avaient une revanche à prendre sur la vie ou sur toute personne un peu gradée. Or, moi, je venais avec ma ceinture de couleur du judo. Je me suis plus blessé en un an de pratique de jujitsu brésilien qu’en dix ans de judo. J’en avais assez des blessures physiques dues au sport. Qui plus est si une de ces blessures survenait parce-que l’éducation élémentaire d’un pratiquant n’avait pas été faite en matière de prévention envers un de ses partenaires. Et, je dois admettre que j’avais alors commencé à éprouver une sourde animosité contre ce pauvre type-  un adhérent  du club comme moi- qui s’y était trop cru lors d’un simple randori.

 

Pourtant, à aucun moment, en l’an 2000, je n’ai pensé à l’Aïkido. Il y avait un cours d’Aïkido au gymnase où j’avais « fait » du judo. Peut-être même dispensé par Maitre Léo Tamaki à l’époque, au gymnase Michel Lecomte, si je me fie à ce qu’a pu me dire depuis mon ancien prof de Judo, Pascal Fleury.

 

Pendant plusieurs années, j’ai arrêté les sports de combats. Je ne faisais pas particulièrement la distinction entre un sport de combat  et un art martial. Si ce n’est que je savais que certaines disciplines relevaient du sport de combat et d’autres de l’Art martial. Sans vraiment chercher à connaître la raison de cette différence.

 

Quelques années plus tard, j’ai essayé la boxe française. Jusqu’à la rupture du tendon d’Achille après à peine deux mois d’entraînement. On dira que c’était l’âge. Les hommes, à peu près sportifs, vers un certain âge, surtout après avoir pris un peu de poids, se rompent le tendon d’Achille, c’est bien connu. Mon tour était venu. Perfide, car il me fallait bien faire l’intelligent, j’avais aussi noté que cette rupture était arrivée à un moment de changement ou de besoin de changement profond dans ma vie. J’avais quitté la ville où j’avais vécu pendant près de vingt ans pour une nouvelle. Et, j’essayais de tout garder ensemble, l’ancienne ville, la nouvelle et Paris.

Le fait d’être alors célibataire et sans enfant ne m’avait pas posé de limites. Mon tendon d’Achille s’était chargé de me rappeler certaines de ces limites…fonctionnelles.

 

On croit peut-être que je raconte ma vie seulement pour faire joli et pour dribbler les esprits. Mais, non. Le sport peut se résumer à une performance et nous donner un sentiment d’importance ou de soulagement aléatoire. Si l’on passe à côté de soi.

En « faisant » du judo, j’ai connu des plaisirs d’athlète. De l’explosivité, de la tonicité, une certaine combativité et un début d’apprentissage de la technicité. Mais il y avait beaucoup d’autosatisfaction. Au point que j’avais presque réussi à me sentir pousser une supposée culture asiatique. Une copine de judo, un jour, nous avait remis à notre place à ce sujet, verbalement, un jour, un ami et moi.  

 

« Vous n’êtes pas des Japonais ! ».

 

Mais j’avais surtout enfilé le kimono d’une assez profonde lassitude pour le judo et n’avais pas trouvé son équivalent ou son suivant que ce soit dans un sport de combat ou un art martial. Même si les arts martiaux et les sports de combat dans leur ensemble, ainsi que l’Asie, ont continué de débrider mes pensées.

 

Si l’idée du combat ou de la confrontation, ainsi que leur réalité ou leur possibilité, voire leur nécessité, font partie de ce qui « m’attire » dans les sports de combat et les arts martiaux, je me suis de plus en plus senti attaché au fait d’acquérir une certaine maitrise. L’économie. Le ou les gestes justes. Et puis, surtout, il y a trois ou quatre ans, environ, j’ai commencé à me demander ce qu’était un Maitre. La baston, c’est « bien ». Savoir « bien » se battre, c’est bien. Mais après ? On va cumuler des armoires de techniques d’étranglement, de clés de bras, de coups de pied sautés, de crochets ou autres, être content de les appliquer et de voir que tout cela est efficace. Mais ensuite ?

 

 

Des souhaits

 

 

Si j’ai des regrets, j’ai aussi des souhaits. Dont, celui, de prendre le temps d’aller rencontrer des Maitres, dont des Maitres d’Arts martiaux. Il en est quelques uns qui sont assez accessibles. D’abord, parce qu’ils sont encore vivants. Ensuite, parce-que certains se trouvent en région parisienne. Du vivant de Maitre Henry Plée, j’avais fait l’erreur de me contenter de lire des courts extraits de ses pensées sans chercher à le rencontrer ou à le voir. Depuis la fin de l’année dernière, j’ai commencé à avoir l’attitude inverse. D’où ma rencontre avec Maitre Jean-Pierre Vignau, puis avec Maitre Léo Tamaki et ce mardi 12 octobre avec Maitre Régis Soavi mais aussi avec Manon Soavi dont je ne sais si elle est déja Maitre mais qui l’est sûrement déjà, en pratique, beaucoup plus que moi, de bien des façons.  

 

 

La séance de ce mardi 12 octobre 2021

 

Muni de mon kimono d’emprunt et de la ceinture blanche que m’avait remis P…, j’ai rejoint le groupe sur le tatami.

Manon, qui s’était déjà présentée, m’a fait un résumé du déroulé de la séance. Elle m’a appris qu’elle serait derrière moi au moment du salut. Puis que nous travaillerions ensemble. Elle m’a dit, qu’au début, on « imite » les autres, on essaie de faire comme eux. Et ce qui est important, c’est de suivre le rythme du groupe. J’acquiesce. A ce stade de la séance, je comprends encore ce qui m’est dit.

 

Nous sommes tous assis en seiza. En deux colonnes alignées. Manon Soavi est à un ou deux mètres derrière moi. Elle peut déjà voir beaucoup de moi. Comment je me tiens. Comment je respire. Si je suis relâché. Ou tendu.

Un certain silence dans le dojo. Maitre Régis Soavi est sur notre gauche. Nous respirons. Il se passe une minute ou deux. Peut-être plus.

 

 « Il » entre. Se pose face au centre du groupe. Une voix gutturale s’élève et prononce des mots en Japonais. C’est la voix, ou l’autre voix, de Maitre Régis Soavi. Je ne sais pas de quoi il parle. De qui il parle. A qui il s’adresse. Peut-être à des divinités. En pareille situation, on pourrait être mal à l’aise, se dire que l’on est dans une secte. Se mettre à rire nerveusement. Mais je ne suis pas venu pour rire nerveusement ni pour être embarrassé. C’est le processus. Je ne vais pas lever la main et dire :

 

« Excusez-moi, mais qu’est-ce que vous faites exactement ? ».

 

 

Cela fait partie du rituel. De l’entrée en matière. Le tatami est un lieu sacré. Le dojo, aussi, d’ailleurs. Lorsque la séance débute, il faut marquer son début par certaines attitudes. On n’entre pas là comme dans un moulin ou un supermarché où les portes automatiques s’ouvrent dès que l’on avance. On se met dans un certain état. On entre dans une autre dimension. C’est ce que je comprends. C’est ce que je crois.

 

Arrive l’échauffement. Pendant une quinzaine de minutes, balancements, mouvements, on tape dans ses mains ; le rôle pivot du bassin et des hanches ; de la position des pieds ; de la respiration. Quelques fois, on crie ou on souffle fort.

 

De temps à autre  ( c’est à dire souvent car je suis très vite à côté du rythme ou en décalage ) Manon vient me guider. Je m’applique mais j’estime que le résultat est peu probant.

 

Après environ 15 minutes, Maitre Régis Soavi pousse son Kiai, signal pour nous de nous lever et de nous mettre à courir autour du dojo. Ça, j’ai compris facilement. Me lever et courir, je comprends. Le moment venu, je me lève et je cours. Je suis derrière Manon et les autres. Je suis intrigué par sa façon de mettre sa main gauche sur le côté, à l’horizontale. Cela a sûrement une signification mais je ne la connais pas. Moi, évidemment, je cours comme toujours. Comme un athlète. Je suis parti pour faire deux kilomètres comme cela s’il le faut. Mais on s’arrête au bout d’à peine un tour ou deux. Même pas le temps de faire des lignes droites.

 

La Partie technique :

 

Nous en arrivons à la partie technique de la séance. Maitre Régis Soavi nous fait à chaque fois les démonstrations. Avec précision, décontraction, mais aussi avec humour.

 

Nous sommes environ une vingtaine de participants.

 

Un geste, cela est constitué de plusieurs points, de plusieurs axes. Dans un mouvement, combien de gestes ? Je n’en n’ai aucune idée. Par contre, je sais que lorsque je regarde Maitre Régis Soavi, l’exemple est bien sûr fluide et facile à regarder. Et que sa démonstration est à peine terminée que j’ai déjà perdu, oublié, un bon nombre des points utiles à la reproduction. Qu’est-ce qui me gêne le plus ? De ne pas avoir suffisamment mémorisé ? De ne pas sentir assez le mouvement que je fais ?

 

Qu’est-ce que je suis maladroit, raide. En outre, je suis partagé entre mon envie de réussir et ma peur de faire mal. Pour parachever le tout, je me sens embarrassé envers Manon. Tout le travail que je lui impose. Le pied se met là. Le poignet plus haut que le coude.

 

Régulièrement, Maitre Régis Soavi passe nous voir et me montre à nouveau.

Nous travaillons d’abord sans tanto puis avec tanto. Deux fois de chaque côté. Puis l’on change de rôle. Manon insiste plusieurs fois sur le fait de bien respirer lors de telle phase du mouvement. Respirer. Même ça, il faut me le dire. En judo, tel que je l’ai connu et tel que je l’ai pratiqué c’est « assez simple » :

 

On s’attrape, on se pousse, on se projette, on s’esquive. On « lutte » ou le moins possible. On peut être « bourrin », ça peut passer, ça pourrait passer, si on est à peu près bien placé, que l’on met de la vitesse ou de la force. Bien-sûr, je caricature ma description du judo. Mais, en Aïkido, c’est quand même très vite plus exigeant. Ça peut être fantastique mais il faut être plus précis. L’à peu près est moins possible.

 

 

A la fin de la séance, devant mon dépit, Manon se montre encourageante. « Il faut bien commencer » me dit-elle en souriant. Plus tard, elle m’apprendra avoir commencé l’Aïkido alors qu’elle avait 6 ou 7 ans. Il y a trente ans. En effet, trente ans de pratique, ça forme.

 

 

 

Le petit-déjeuner :

 

Après avoir pris ma douche, je rejoins celles et ceux qui ont pu rester pour le petit-déjeuner dans la pièce attitrée. Autour des tables basses.  J’aurais été idiot de partir dès la fin de la « séance ». A la fois pour des raisons sociales mais aussi parce-que le petit déjeuner fait aussi partie de la séance. Avant celle-ci sur le tatamis, Maitre Régis Soavi avait commencé de m’expliquer que l’association est locataire du lieu et ne le partage avec aucune autre association. Et que chaque membre du Dojo Tenshin est « locataire ». Si je choisissais de rester en tant que membre, comme tout un chacun, j’aurais à participer aux diverses tâches d’entretien du dojo : ménage, vaisselle, participation aux frais du petit déjeuner, réunions…

 

J’ai retrouvé là une partie de ce que raconte Maitre Jacques Payet dans son livre Uchideschi ( Dans les pas du Maitre). Sauf que le dojo Tenshin-Ecole Itsuo Tsuda, je crois, est le seul dojo sur Paris, à être aussi proche de cet état d’esprit.

 

 

Lorsque j’avais appris à ma compagne que le cours débutait à 6h45, celle-ci s’en était étonnée. Elle m’avait demandé si c’était pour ensuite permettre aux gens d’aller au travail. J’avais répondu que c’était peut-être ça. Puis, j’avais ajouté, parce-que cela m’arrangeait :

« Un horaire aussi matinal permet aussi de faire une sorte de tri indirect. Lorsque c’est trop facile, un peu n’importe qui peut se présenter. Si tu viens pour un cours à 6h45, c’est que tu es volontaire ».

Maitre Régis Soavi, ce mardi 12 octobre 2021 après la séance.

Maitre Régis Soavi m’a appris qu’au début, la séance démarrait à 6h30. Soit l’horaire où les Maitres débutent leurs cours au Japon. Mais c’était un horaire peu pratique pour celles et ceux qui viennent en métro.  

 

A table, près de nous, Manon m’explique que le coût de l’adhésion est élevé car l’association propose beaucoup de séances. Il y a celles du matin, à 6h45 en semaine du lundi au vendredi.  Et à 8h le samedi et le dimanche. Et trois séances le soir en semaine. Lors d’une de ces trois séances, le lundi, Manon dirige la séance du maniement des armes.

 

 

Le coût de l’adhésion s’explique aussi par le nombre d’adhérents. Plus il y aura d’adhérents, plus le coût de l’adhésion pourra diminuer.

 

 

Lorsque je suis parti du dojo Tenshin, deux réunions se tenaient. Une concernant la lecture et l’analyse d’un ouvrage. Une autre peut-être plus portée sur la logistique du dojo.

Quelques minutes plus tôt, Maitre Régis Soavi avait pris congé afin de se préparer pour des cours d’Aïkido à destination d’enfants non-scolarisés âgés de 8 ans ou plus. Des cours qu’il donne avec plusieurs uchideschis.

 

 

Mes impressions générales :

 

On détecte facilement dans cet article que j’ai aimé vivre cette expérience au dojo Tenshin-Ecole Itsuo Tsuda ce matin. L’accueil qui m’a été donné a été plus que bon.

Pendant le petit déjeuner, j’ai raconté que j’avais prévu de tout bien faire dès la première séance. Ce qui était très loin de ce qui s’était passé. J’allais donc repartir très énervé et très frustré. Ma remarque a fait sourire. Maitre Régis Soavi m’a alors raconté ce qu’il avait pu vivre avec un Maitre auprès duquel il avait pratiqué. Alors qu’il avait déjà à son actif plusieurs années de pratique de judo et d’Aïkido, il n’arrivait pas à comprendre ce que faisait ce Maitre. Et ça l’énervait aussi.

 

Je peux beaucoup apprendre de l’Aïkido si je parviens à prendre suffisamment congé de mon ego. 

 

A côté de l’ ambiance décontractée de ce matin, le dojo Tenshin-Ecole Itsuo Tsuda a un caractère militant affirmé. A table, toujours lors du petit déjeuner, Maitre Régis Soavi a bien souligné que le dojo, de par l’implication qui était attendue de ses membres, se différencie d’un club où l’on vient en consommateur ».

 

J’ai aussi aimé le fait que le pratiquant puisse laisser son kimono au dojo dans le  vestiaire collectif attribué aux hommes. Ce qui le dispense de devoir venir régulièrement avec son sac chargé, ce qui est une de mes caractéristiques.

 

Le calme que j’avais trouvé en arrivant avant 6h30 s’est maintenu tout le temps que je suis resté au dojo.

 

Dans mon ancien club de judo, j’avais eu l’occasion de combattre une fois avec une copine judokate dont la dextérité technique et l’expérience avaient surpassé mon engagement. Lors de cette séance où j’ai uniquement travaillé avec Manon Soavi, j’ai de nouveau fait l’expérience que la technique et une bonne connaissance des divers équilibres du corps humain peuvent tout faire basculer.

 

 

Franck Unimon, ce mardi 12 octobre 2021.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Ou aller ? Le Garçon et la bête

 

                                          Ou aller ?/ Le Garçon et la bête

 

Le Garçon et la bête

 

Finalement, hier après-midi, j’ai proposé à ma fille de voir le manga Le Garçon et la bête de Mamoru Hosoda. A défaut, comme je souhaite le faire depuis plusieurs semaines, de l’emmener faire du vélo jusqu’à la Tour Eiffel. Eiffel Tower

 

 

J’avais vu Le Garçon et la bête au cinéma à sa sortie.  En 2015.

 

Hier après-midi, je me rappelais l’histoire de façon assez floue :

 

Au Japon, le jeune Ren a neuf ans lorsque sa mère décède suite à un accident. Son père les a quittés, lui et sa mère, des années plus tôt et ne les a plus revus. Un oncle désire l’adopter. De cette façon, Ren, selon ce « plan d’adoption » pratique, pourra bénéficier d’une bonne situation économique et sociale et, en contrepartie, devenir cet enfant que cet oncle et sa femme n’ont pas pu avoir…ou obtenir.

 

Mais Ren, contre « toute logique », refuse, se révolte et s’enfuit dans la rue jusqu’à devenir un possible SDF.

 

 

Rien que ce début pourrait suffire pour débattre. Que vaut-il mieux privilégier ? La sécurité économique et sociale ? Ou la loyauté et la mémoire de l’affection de celles et ceux que nous avons perdus ?  Nos valeurs morales et affectives ou les valeurs matérielles ?

 

Jusqu’à quand ? Et à quel prix ? L’attitude de Ren peut être facile à comprendre si l’on part du principe qu’à son âge, 9 ans, l’individu que l’on est peut être plus ou moins encore assez « animal » , viscéral, spontané. Avant que l’éducation, les règles, les valeurs, les sanctions, les modèles et les interdits, d’abord de nos parents, de notre famille, de notre entourage, de notre culture, de l’école, des institutions que nous rencontrons et de la société dans laquelle nous vivons ne nous ordonnent et ne nous fasse comprendre à quel endroit et quel poste elle nous tolère ou nous « veut ». Et à quel prix. Mais aussi pour une certaine durée plus ou moins déterminée.

 

Se voiler la face « à la Française »

 

En France, on peut se voiler la face devant Le Garçon et la bête et se dire que l’histoire se passe au Japon. Et qu’il est bien « connu » que le Japon est une société rigide.

 

Cependant, un assez petit effort d’introspection, de mémorisation et d’observation peut nous permettre de remarquer que, même en France, la plupart des enfants connaissent exactement le même « processus » à la Française de socialisation, de domestication, de dressage, de conditionnement. Pour employer un autre mot que celui de « formatage ».

Dès la maternelle où ma fille avait été scolarisée, dans une école publique, j’avais été étonné de voir le nombre rapidement croissant d’enfants qui avait été placés à l’école privée voisine et réputée par leurs parents. Si d’autres enfants avaient quitté l’école pour des raisons dues à des déménagements, cette urgence de certains parents à placer, dès que possible, leurs enfants dans une école privée m’avait beaucoup touché. Et, je me rappelle encore de la mère de deux jeunes filles, une de l’âge de ma fille et sa sœur ainée, avec lesquelles il nous arrivait, au début, de faire ensemble le trajet jusqu’à l’école publique. Lorsque celle-ci, une fois que les deux jeunes filles avaient été inscrites et mises en lieu sûr dans l’école privée voisine, avait gentiment insisté pour me faire comprendre que ce serait mieux , pour le « bien » de ma fille, je fasse de même.

 

Dans Le Garçon et la bête, les parents qui souhaitent adopter Ren pourraient représenter l’assurance de l’école privée où, à ce jour, ma fille, n’est pas scolarisée.

Sauf que ces parents qui veulent adopter Ren, même s’ils ont sans doute de bonnes intentions, se comportent avec Ren comme s’il était un animal, oui. Mais un animal domestique ou déjà domestiqué. Et, au Japon comme en France, on peut être un enfant déjà domestiqué avant ses six ans.

Ce sont ces enfants souvent « parfaits », « sages » et exemplaires  qui ne font pas de vagues. Qui travaillent bien.  Qui parlent bien. Qui sont polis et aimables. Qui sont « propres » dès deux ans. 

Qu’il suffit de regarder avec un peu d’insistance ou en élevant un tout petit peu la voix devant eux dès que leur comportement ne nous convient pas. Et, avec lesquels, très vite, tout « rentre dans l’ordre » :

 

L’enfant se ravise, se « calme », se tait, se conforme ou se soumet à ce que l’adulte (parent ou autre) souhaite. Décide. Désire. Ou semble vouloir.

 

Une des actualités du moment :

 

Je profite de cette dernière phrase pour bifurquer vers une des actualités des moments :

Les actes aujourd’hui reconnus de pédophilie au sein de l’église catholique.

Première page du journal  » Le Monde » de ce mercredi 6 octobre 2021.

 

Si les mômes dont certaines autorités catholiques ont abusé avaient eu la capacité d’un Ren de se révolter, je crois qu’il y aurait eu moins de victimes d’actes de pédophilie au sein de l’église catholique. Mais aussi ailleurs.

Le film Mystic River adapté en 2003 au cinéma par Clint Eastwood d’après le roman de Dennis Lehanne dit exactement la même chose :

La victime (jouée à l’âge adulte par l’acteur Tim Robbins) des deux adultes pédophiles n’est autre que le plus fragile et le plus gentil des trois jeunes garçons qu’ils croisent. Celui dont on « pressent » qu’il se dominera tellement lui-même, qu’il s’interdira toute révolte comme toute fuite, qu’il sera d’autant plus facile d’en faire ce que l’on en veut.

 

Pas ce genre d’enfant :

 

Ren/Kyuta n’est pas ce genre d’enfant. Ou de personne. Cela est peut-être du à sa colère et à sa tristesse. Une colère et une tristesse qu’il se permet et qui le motorisent. Mais une colère et une tristesse auxquelles, déjà, il sait donner des limites. Cela peut être dû à son tempérament. Ou à ce qu’il a eu le temps de vivre de « bon » et de « bien » avec des êtres humains : la bienveillance, la constance, la douceur…

J’ai lu récemment que le rôle principal des parents est d’apporter de l’amour à leurs enfants. Or, en tant que citoyens et adultes, nous recevons tellement d’injonctions que nous pouvons l’oublier. Puis, en arriver à croire qu’en tant que parents, la priorité est d’abord de faire en sorte que notre enfant entre dans le moule et de lui assurer une aisance matérielle suffisante. Et que le reste, l’épanouissement et la reconnaissance de notre enfant, suivra automatiquement. Mécaniquement.

 

Stabilité émotionnelle et maturité affective

 

Ren/Kyuta, à ses 9 ans, a sûrement reçu beaucoup ou suffisamment d’amour et de bienveillance. Car,  après la mort de sa mère et la disparition précoce de son père, même seul, il n’est pas que colère et tristesse. Il est aussi capable d’anticiper, de réfléchir pour construire et pour grandir. Pour avoir envie et besoin de continuer d’apprendre. Il sait pratiquer l’introspection. Il est capable d’écouter. Il sait observer. Ce qui le différencie de l’animal total et a priori sans règles qu’est Kumatetsu qui propose de l’adopter. Et que Ren va accepter comme « père » spirituel ou Maitre. Certains spécialistes de l’enfance diraient sans doute que Ren, du haut de ses neuf ans, a une bien meilleure stabilité émotionnelle ainsi qu’une plus grande maturité affective que son…Maitre Kumatetsu qui est pourtant un adulte ainsi qu’un guerrier exceptionnel et redoutable. Car, du haut de ses neuf ans, Ren/Kyuta ( ce second prénom est celui que lui donne Kumatetsu) a reçu plus d’amour et d’affection que son Maitre/Sensei Kumatetsu et est, dans ce domaine, son aîné.

 

 

 Le Garçon et la bête nous rappelle ainsi que l’on peut être devenu un adulte reconnu et imposant et être resté….un enfant inconnu de tous. 

 

 

J’avais prévenu que, rien que le début de ce manga pourrait suffire pour provoquer un débat.

Autre débat : Aujourd’hui, le succès de stars de téléréalité ou d’autres domaines (cinéma, musique….) impose sous toutes ses formes la dictature de l’image. L’image que l’on donne de soi a toujours eu de l’importance. Dans le pire des cas, même les personnes criminelles font, au départ, en sorte d’offrir d’elles l’image de personnes fréquentables et « normales ». Cependant, aujourd’hui, cette norme et cette nécessité de l’image a encore plus renforcé son emprise sur nous. 

 

Des stratégies et des mondes contraires

 

Qui veut réussir aujourd’hui doit être « vu » et « revu » un certain nombre de fois. Ou pouvoir être « vu » et « revu » plutôt rapidement au moment où il fait sa promotion ou se met sur le « marché ».

On peut critiquer cette norme ou cette habitude. La regretter. Mais on doit aussi la constater. On doit aussi apprendre à soupeser ce que l’on est prêt à concéder à cette norme et habitude. En fonction du résultat et du type de popularité que l’on recherche. Et de ce que l’on peut accepter de rendre public de soi.

 Ainsi, une artiste telle la chanteuse Angèle qui peut porter des messages très lucides et très louables sur différents sujets doit de s’être faite connaître au début, assez rapidement, grâce à Instagram, je crois. 

 

Tel autre artiste, français ou étranger, en mettant des vidéos sur Youtube.

 

Avant hier, en plein Paris, j’entendais une jeune femme, sans doute encore adolescente, s’engueuler dans la rue au téléphone avec son père en lui disant :

 

« Mais, papa, aujourd’hui, beaucoup de monde peut trouver du travail grâce à Facebook ! ».

Mais il n’y a pas que les nouveaux moyens de communications qui peuvent permettre de réussir. Il y a aussi certaines niches, de nouveautés encore, où il faut savoir s’engager au « bon » moment. Avant que le marché ne soit saturé et la concurrence trop importante.

Il y a une vingtaine d’années, ou un peu plus, se lancer dans le Rap pouvait être un moyen plus facile de se faire connaître si cela « marchait ». Aujourd’hui, la personne qui décide de se lancer dans le Rap en France a intérêt à être plus que bon et d’avoir une patte originale. Car en plus d’un héritage solide en matière de Rap avec des groupes précurseurs, connus et moins connus du grand public, il y a aujourd’hui plus d’artistes de Rap en activité en France qu’au début des années 90- 2000. 

Je me rappelle aussi de l’acteur Daniel Auteuil, alors déja reconnu, disant que s’il avait jeune acteur à l’époque la première saison de Loft Story, une émission de télé réalité donc une émission plutôt considérée comme moins noble d’un point de vue culturel ( Nabilla ou Loana ont des prétentions culturelles, sociales intellectuelles autres qu’Anne Sinclair et Léa Salamé  même si leurs ambitions peuvent se rejoindre sur certains points ) qu’il aurait tout fait pour y participer. Le Daniel Auteuil de Manon des Sources et d’autres films d’auteur mais aussi de comédies qui lui ont donné un statut de comédien et d’artiste indiscutable. Au contraire de Nabilla ou de Loana dont on peut surtout regarder la plastique- déferlante ou obéissante- et admirer soit le sens des affaires. Soit l’aptitude à rester malgré tout l’invitée de certains cercles télévisés et médiatisés. 

 

Aussi, pour celles et ceux, jeunes et moins jeunes, qui ont pu trouver leur emploi, leur conjoint, leur conjointe, leur coup du soir, leur co-voiturage, leur médecin ou leur appartement,  via des applications où il s’agit de se faire voir mais, surtout, de se faire connaître, reconnaître et joindre très vite, l’attitude d’un Ren (sans jeu de mot avec «  un renne ») apparaîtra sûrement comme vieillote, suicidaire. Ou inapplicable.

 

Parce-que, pour réussir, Ren choisit exactement le contraire. D’abord de disparaître. Alors que nous sommes dans une époque où, désormais, il est très difficile d’accepter de disparaître. Puisque disparaître, c’est angoissant, c’est la solitude, c’est ne pas exister. Et, nous bénéficions de tout un tas de prothèses et de tocs qui nous permettent d’éviter de nous sentir noyés dans ça :

 

Le téléphone portable constamment allumé ; être en permanence sur internet ;  l’envoi constant de sms, mms, liens ou mails.

 

Alors que le manga Le Garçon et la bête fait plutôt table rase de toute cette modernité high-tech dont le Japon a longtemps été, et reste, l’un des fleurons mondiaux.

 

Pire, Le Garçon et la bête fait l’apologie de la patience. De la discrétion ( le fait de disparaître) et de pouvoir accepter de travailler durement et quotidiennement pendant près de dix ans avant de, peut-être, atteindre l’excellence dans un certain domaine. Mais pour pouvoir être patient, il faut pouvoir disposer de suffisamment de confiance en soi, avoir reçu suffisamment d’amour, se sentir donc suffisamment en sécurité. Il faut aussi avoir un don ou avoir le sentiment d’avoir un don pour soi ou pour les autres qui nous permet de nous distinguer ou qui pourra le permettre un jour. Enfin, il faut être suffisamment optimiste. 

Si Ren, sans jeu de mots, a sans doute ça pour lui. Beaucoup de personnes, enfants et adultes, manquent de ces « aptitudes » et n’ont pour elles « que » la volonté, la rage ou l’ambition de s’en sortir. Donc, Ren/Kyuta est un enfant en colère et orphelin. Malgré tout, à ses neuf ans, il a sans doute reçu plus que beaucoup, enfants et adultes lors du début de l’histoire. Et, bien qu’en colère, il était sans doute ou peut-être, aussi, un de ces enfants « modèles » évoqués plus tôt avant que le malheur de la mort de sa mère ne lui tombe dessus. Décès qui peut « suffire » pour que des enfants, même « modèles », se laissent envahir  » par les ténèbres ». Car Ren/Kyuta a aussi sa vulnérabilité et a , comme tout un chacun, des choix à faire à divers moments de son existence. Mais sa « réussite » si elle se produit, part du principe qu’il faut « donner du temps au temps ». Et que la réussite se « mérite » si l’on travaille dur, quotidiennement et assez longtemps. Sans savoir au départ combien de temps il va falloir oeuvrer avant de « réussir ». Si l’on « réussit »…..

Nous sommes ici plutôt aux antipodes des exemples de réussite diverses qui nous sont donnés assez régulièrement.

Le journal gratuit  » 20minutes » de ce lundi 4 octobre 2021, page 4.

 

La mort récente d’ un Bernard Tapie nous vaut des retours de flamme médiatiques pour bien nous expliquer comme il était quelqu’un d’attachant, de méritant et de «sympa» .Car c’est lui, qui, le premier, avait réussi à mettre à mal Le Pen père, Président alors du FN, lors d’un débat télévisé. Mais aussi lui, qui, à la tête de l’équipe de Foot de l’OM ( j’avais regardé le match en direct à la télé. But de la tête du joueur Basile Boli) avait permis à une équipe de française de devenir championne d’Europe. La seule à ce jour, encore, je crois.  Tapie incarne aussi encore cette époque où un Président socialiste dirigeait la France, François Mitterrand. Et où, pas grand monde, parmi ses Ministres, ou parmi les élus socialistes, ne se serait permis de le regarder de haut ou d’essayer de fronder. Une époque irréalisable aujourd’hui.

 

Cependant, la chronologie de la réussite de Tapie correspondait aussi à son époque. Et n’a rien à voir avec celle d’un rappeur comme Jul, aujourd’hui, un des plus grands vendeurs de Rap en France et qui doit beaucoup de son succès, à son travail et à son originalité comme un Tapie à son époque…  ainsi qu’à à sa très grande maitrise d’internet et des réseaux sociaux. Et du genre musical dans lequel il s’exprime, avec le marché que représente aujourd’hui celui du Rap en France depuis plusieurs années. Aujourd’hui, le Rap est le genre musical qui se vend le plus en France. Ce n’était pas le cas à l’époque de l’OM de Bernard Tapie. A cette époque, un Jul ou d’autres, avec la même capacité de travail et la même originalité,  n’auraient pas pu avoir la carrière, la même réussite économique, sociale et artistique, qu’ils ont aujourd’hui. 

 

Nulle part où aller :

 

Donc, vieillot, le petit Ren que l’on ne voit très peu avec un smartphone et qui sait à peine lire le Japonais à 18 ans ?

 

Seulement pour l’esthétique.

 

Car, pour le fond, ce qu’il vit est intemporel. Et toute personne, Geek ou non, à plusieurs moments de son existence, vit ce que vit Ren. Ou a vécu ce qu’a vécu Ren. Le fait de devoir trouver sa propre réponse à cette question qui se pose à tout être humain mais, aussi, à toute espèce humaine :

 

Où aller ? Trouver sa place.

 

Au début du manga, d’ailleurs, cette simple phrase m’a marqué alors que Ren hésite encore sur ce qu’il va faire après avoir fugué et commencé à errer dans la rue :

 

Il n’a « nulle part où aller ».

 

Et, hier, pour la première fois, cette simple phrase m’a parlé d’une autre façon. Bien-sûr, les thèmes martiaux du manga m’ont plu. Dans Le Garçon et la bête, on reconnaîtra le Kendo et l’Aïkido comme les arts martiaux de référence. Ce qui m’a rappelé que je n’avais toujours pas fait le compte rendu de ma lecture du livre de Sensei Jacques Payet :

 

Uchideschi ( Dans les pas du Maitre ).  

 

Me rappeler de cet « oubli » m’a un peu culpabilisé. J’ai eu l’impression de m’être dispersé depuis sa lecture il y a bientôt deux mois. Alors, que peut-être, à ma façon, suis-je malgré tout resté dans la voie de ce que j’avais lu. 

 

Sauf que, contrairement au jeune Ren qui se concentre sur un seul but, depuis ma lecture du témoignage de Sensei Jacques Payet, j’ai recommencé à m’impliquer dans plusieurs directions.

 

J’ai donc à prendre des décisions devant plusieurs directions qui s’offrent à moi. Ou à trouver le moyen de les unifier. Unifier ou sacrifier.

Ren n’a plus rien au début de l’histoire. Ren a donc un deuil à faire. Là où j’en ai en quelques sortes plusieurs à faire.

Ren n’a personne sous sa responsabilité. J’ai ma fille sous ma responsabilité. N’importe quel parent impliqué dans le quotidien et l’avenir de son enfant sait qu’il faut régulièrement disposer d’au moins trois cerveaux afin de pouvoir mener plusieurs actions en même temps. Les actions pour son enfant. Celles pour soi et avec son entourage immédiat. Et, tout ce qui concerne l’anticipation, travail que votre enfant ne peut pas faire à votre place. Au milieu de tout ça, dans l’idéal, il faut réussir à lui rendre la plupart de ces actions suffisamment intelligibles afin qu’il les comprenne mais aussi afin qu’il apprenne leur nécessité. Car, plus tard, selon les situations et les circonstances,  il aura à effectuer un certain nombre de ces actions pour lui-même, peut-être pour vous ou son entourage immédiat etc….

 

Evidemment, un enfant n’est pas de la matière inerte. Un enfant est souvent là où on ne l’attend pas. Là où on ne le pense pas. Et, un enfant, ça conteste aussi votre belle organisation mais aussi vos pouvoirs de logique. Donc, j’estime il faut bien avoir à peu près trois cerveaux au minimum lorsque l’on est attaché à faire de son mieux pour son enfant et avec lui.

 

Donc, si Ren est au départ plus vulnérable que moi du fait de son jeune âge et de son statut, son emploi du temps et ses obligations au regard de la société sont aussi moindres que les miennes.

 

Il ne s’agit pas, pour moi, néanmoins, de dire que la vie est belle pour le petit Ren. Alors que, contrairement à lui, j’ai toujours vécu avec ma mère et n’ai jamais eu, enfant, à essayer de survivre dans la rue. Mais, plutôt de dire que chacune et chacun d’entre nous a ses obstacles personnels. Et qu’il lui faut fournir et trouver des efforts particuliers ou des solutions à leur mesure afin de les surmonter. Moi, par exemple, j’ai sans aucun doute constitué un ensemble de mauvaises habitudes qui, aujourd’hui, m’empêchent. Donc, soit, je les accepte et vis avec. Car, après tout, si ces habitudes sont là, c’est qu’elles me servent à quelque chose.

 

 Soit, je tranche.

Ren tranche en décidant de suivre et de rejoindre Kumatetsu dans le monde des bêtes. L’intellect, alors, n’est pas sa priorité au sens de l’éducation scolaire et sociale avec la mise sous uniforme, sous chloroforme et sous cloche de ce qu’il peut ressentir. Ren décide de délaisser l’image et certains codes de conduite protocolaires considérés comme « respectables » et « normaux ».

 

Ren opte plutôt pour ce ce qu’il a dans les tripes, d’instinctif, d’enfantin. Il ne joue pas à l’homme contrairement à d’autres de son âge ou un peu plus vieux qui récupèrent ce qui leur vient de leurs parents, de leur entourage et l’adoptent. Comme une décalcomanie. Sans voir et sans comprendre que cela ne leur correspond peut-être pas autant qu’ils le croient. Même si, à l’extérieur, ils font illusion et qu’on les regarde ou que l’on semble les considérer pour eux-mêmes. Alors que celles et ceux qui les regardent et les considèrent ne savent peut-être même pas eux-mêmes qui ils sont véritablement…..

 

 

Mais ce « nulle part où aller », hier après-midi, m’a beaucoup parlé.  On entend régulièrement ce sujet.

Je pense à la chanson de Tiken Jah Fakoly qui parle des migrants. Où aller où ? 

Je pense aussi au titre de Mc Solaar. Bouge de là.

 

 

C’est parce-que Ren n’a nulle part où aller, qu’il n’a plus d’attache,  qu’il peut se permettre de disparaître du monde des vidéos surveillances ; de l’obligation de se conformer à certaines images sociales ; du monde des humains.

Pour, pendant neuf ans, choisir d’accomplir un travail quotidien, approfondi, intérieur mais aussi socialisant, libérateur et apaisant avec plusieurs personnes de confiance.

 

Les sectes, les religions, les groupes terroristes et autres organisations humaines peuvent aussi jouer ce rôle selon les intentions de celles et ceux qui décident de les rejoindre. Selon le « vide » que ces prétendantes et prétendants ont en eux et espèrent combler.

D’autres espèrent combler ce vide par un mariage, par le fait de faire des enfants, en multipliant les expériences professionnelles, relationnelles ou autres.  Ou en acquérant un certain statut social ou économique. Pour moi,  Le Garçon et la bête parle de tout ça.

 

Si Ren était toujours seul face à Kumatetsu, sans doute serait-il aussi devenu une bête ou qu’il aurait aussi fugué pour ne pas repartir. Mais il existe des tuteurs ou des tiers reconnus et tolérés tant par Kumatetsu que Ren. Ce qui évite la fusion, la confusion mais aussi la confrontation meurtrière entre l’enfant et l’adulte, mais aussi entre la bête et l’animal. Ren n’est pas seul face à Kumatetsu. D’autres adultes, d’abord des hommes aux caractères différents, sont constamment présents et raisonnent tant l’un et l’autre. Puis, Ren rencontre d’autres garçons qui, dans le monde des bêtes, ont l’équivalent de son âge, et ont des codes d’intégration assez proches de ceux que l’on peut trouver dans le monde des humains.

 

Quitter son île natale

 

En  revoyant Le Garçon et la bête, j’ai compris comment le jeune adulte Jacques Payet, avait pu trouver l’aplomb de quitter son île natale de la Réunion pour partir vivre pendant huit ans au Japon, dans les années 80, afin de devenir l’Uchideschi d’un grand Maitre d’Aïkido :

 

Sensei Gozo Shioda.

 

 Comme Ren, Jacques Payet en était passé par certaines étapes et épreuves.  Et, comme Ren, dans plusieurs de nos expériences de débutants, nous en sommes aussi passés par là, à différents degrés. En acceptant diverses difficultés car, nous savons que nous n’avions nulle part d’autre où aller.  Retourner là d’où nous venions ? Pas question. On retrouve là, la phrase prononcée par l’acteur Daniel Craig (que j’ai cité dans mon article précédent Moderna J + 5 ) lorsqu’il a annoncé ne plus vouloir interpréter le personnage de James Bond :

 

« Je préfère m’ouvrir les veines ».

 

Et, l’on retrouve aussi, sans aucun doute ce qui pousse, aujourd’hui aussi, à notre époque de la dictature de l’image et des réseaux sociaux, sûrement le même genre de détermination chez celles et ceux qui ont réussi, réussissent ou réussiront à leur façon. Ce refus de poursuivre tel que l’on a été. Ce besoin et cette volonté de changement personnel qui sont un engagement et une démarche intimes et non des promesses sans lendemain équivalentes à des  bravades lancées après avoir bu plusieurs verres ou après avoir fumé un certain nombre de joints.

 

Sans domicile fixe

 

 

Enfin, pour conclure. Toujours inspiré par cette phrase « Nulle part où aller » mais aussi par ce court passage où Ren risque de vivre dans la rue avec tout ce à quoi ce mode de vie l’aurait exposé (déréliction, addictions, prostitution, prison, maladies et vieillissement précoces…), j’ai pensé à ces SDF que nous croisons souvent. Et dont un certain nombre « s’adonne » à la boisson.

 

SDF, cela signifie Sans domicile fixe. Par extension, j’ai aussi pensé que leur élixir est leur domicile, l’endroit, le moment et la sensation dans lesquels elles et ils se sentent bien. A la fois protégés mais aussi perméables au monde et à la vie, dans une sorte de cocon ou de fœtus artificiel recréé où, pensent-ils, et sentent-ils, il ne peut plus rien leur arriver.

 

Mais ces effets ne durent pas. Les « propriétés » de l’alcool s’évaporent. L’organisme, ce « traitre »,  se débarrasse aussi de ces bordées d’alcool.  De ce fait, un ou une Sans domicile fixe est aussi une personne Sans élixir fixe. Là aussi, même si l’on rencontre des SDF qui sont à peu près souvent au même endroit, nous avons affaire à des personnes qui n’ont nulle part où aller. Même si, avant de devenir SDF, elles ont pu beaucoup voyager, avoir eu un foyer, un emploi y compris très bien payé et très bien valorisé. Jusqu’à finir par opter pour l’alcool comme lieu de domicile. Car leur ailleurs, de toute façon, ont-ils fini par conclure, n’existe ou ne subsiste pas. Est instable ou ne dure pas. De même que certains ailleurs que nous recherchons et que nous défendons, dans certaines de nos rencontres, de nos expériences, de nos décisions ou de nos croyances. 

 

Hier soir, j’ai dû me pousser pour écrire mon article Moderna J + 5.  Cet article-ci m’a poussé.

 

Franck Unimon, ce dimanche 10 octobre 2021.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Corona Circus self-défense/ Arts Martiaux

Dojo 5

Intérieur du salon de thé Tencha à Angers.

 

                                                       Dojo 5

Le Dojo 5 se trouve près d’une piscine de 33 mètres de longueur. Celle-ci est en rénovation, rue de Pontoise.

 

Pour beaucoup, la rue de Pontoise se trouve à Paris. Pour moi, Pontoise est soit une ville soit une couleur où j’ai vécu et travaillé.

 

Ce samedi 17 juillet, j’arrive au dojo 5 afin d’assister au stage d’Aïkido dispensé par Sensei Léo Tamaki. J’ai appris la tenue de ce stage à Paris, ce 17 et ce 18 juillet un peu par hasard il y a deux ou trois jours. A la fin de son interview de Franck Ropers dans le magazine Yashima de ce mois de juillet 2021, on tombe sur plusieurs dates de ses stages cet été en France.  

 

J’ai croisé une fois Léo Tamaki dans la rue. C’était par hasard il y a quelques mois près des Galeries Lafayette. Lors des préparatifs des fêtes de Noël de l’année dernière.  Après être allé rencontrer Sensei Jean-Pierre Vignau à son domicile. Autrement, Léo Tamaki et moi avons principalement communiqué par mails. C’était en vue d’une interview pour mon blog. Cet été, ce serait plus simple avec la pandémie du Covid.

 

J’arrive sans prévenir au dojo 5. J’ai bien envoyé un mail à Léo Tamaki il y a quelques jours. Il ne m’a pas répondu. Il doit être très occupé. Je ne sais pas comment il va réagir. Afin de m’aider à appréhender au mieux cette inconnue, je suis assez fraîchement imprégné par ma lecture de l’ouvrage Uchideschi ( dans les pas du Maitre) de Jacques Payet, Sensei d’Aïkido 8ème Dan.

 

Lors de mon trajet en train pour Paris St Lazare, afin de me rendre à ce stage, je n’ai pas pu m’empêcher de rire lorsque Jacques Payet (page 79) raconte la mésaventure de Yamada, l’un de ses partenaires lors de sa formation particulièrement difficile d’UCHIDESHI  dans les années 80 :

 

« Mais nous n’osions pas nous effondrer au risque d’affronter la fureur des instructeurs. C’est ce qui est arrivé à Yamada. Il n’était pas très fort physiquement et il avait du mal à rester si bas sur ses jambes pendant une si longue période. L’instructeur lui a crié dessus une fois, puis deux fois, puis a commencé à lui donner des coups de pied. Lorsqu’ils ont réalisé qu’il n’en pouvait plus, ils l’ont séparé du groupe et l’ont mis devant un miroir pour qu’il puisse voir son propre visage et savoir à quel point c’était humiliant d’être un lâcheur. Au bout d’un moment, il a rejoint la classe, mais seulement après avoir été sévèrement réprimandé devant ses pairs ».

 

Mais impossible pour moi de savoir si je rirai autant lorsque je ferai face à Léo Tamaki dans le dojo 5. Surtout que j’ai quelques minutes de retard. A St Lazare, en me dirigeant vers la ligne 14, j’ai reconnu une amie dont je n’avais pas eu de nouvelles depuis environ deux ans. Nous avons été contents de nous revoir.

 

Après avoir fait le code d’accès, la lourde porte s’ouvre. Une cour intérieure et, au bout, le dojo avec la silhouette de Léo Tamaki parmi ses élèves. Aucune possibilité de laisser mon vélo pliant. J’ai bien fait de le laisser chez moi.

 

Le cours a débuté. Je me rapproche. Je suis à un ou deux mètres de l’entrée du dojo que Léo Tamaki vient vers moi en souriant. Il semble bien se souvenir de moi. Ne paraît pas plus surpris que ça.

Lorsque je lui demande si je peux assister au cours, il accepte aussitôt. Et m’invite à me mettre dans un coin sur le tatami.

 

Instinctivement, je m’installe en seiza. Prévenant, il m’informe que je peux me mettre à l’aise. Puis, il repart.

 

Il y a une vingtaine de stagiaires. Dont une majorité d’hommes. Deux ou trois pratiquants peut-être ont la cinquantaine. Autrement, la fourchette d’âge est entre 25-28 ans et 45 ans, je dirais. Il y a des pratiquants expérimentés. Et des débutants.

 

 Le stage a débuté ce matin mais je n’ai pas pu venir. Le travail s’effectue alors avec le bokken. Léo Tamaki passe régulièrement parmi les élèves. Corrige en montrant à nouveau. Fait parfois de l’humour. Laisse travailler quelques minutes. Puis interpelle le groupe et refait sa démonstration ou insiste sur telle particularité avant de demander :

« Recommencez s’il vous plait ».

 

Nous sommes très loin de l’ambiance japonaise décrite par Jacques Payet.

 

Léo Tamaki parle de « dissocier ». Et de « structure ». Ce sont des mots qui lui sont assez familiers, je crois. Un autre moment, il souligne : « Par défaut, considérez toujours que votre adversaire peut sortir une arme ». Il a à cœur de rendre la pratique aussi réaliste que possible, fait des parallèles avec d’autres pratiques martiales. Je regarde celles et ceux qui s’entraînent. Les déplacements. Je me dis que cela doit être difficile de rester concentré sur une si longue durée pour porter des atemis. Mais « j’aime » que la main remplace le sabre lors de certaines attaques.

 

Certaines techniques me semblent plutôt hors de ma portée. Je réfléchis à la solution à trouver face à un adversaire plus grand. Je me dis que cela doit être un bon apprentissage que de s’entrainer à voir un bokken s’abattre sur soi ou sur sa tête. Mais Léo Tamaki insiste :

« C’est lui que tu dois regarder. Pas le sabre ».

 

Lorsque j’ai pratiqué un peu le judo, je venais seulement pour « faire » et pour « jaillir ». Trop peu pour regarder. C’est une erreur que j’ai beaucoup répétée. Peut-être que quelques participants ont été intrigués par ma présence.

 

Les deux heures sont passées. A la fin du cours, j’attends que Léo Tamaki soit disponible pour lui parler un peu. Il me dit alors « Tu ». Même si je n’ai fait « que » regarder, je comprends qu’il m’a vu durant son cours. Et, il m’a vu sans détour. Mon ego et mes ruminations étaient au repos sur le tatami.

 

Je croyais que ce dojo était un dojo de circonstance pour le stage. Il m’a appris que le lieu où il enseignait auparavant a « fait faillite ». Une de ces nombreuses conséquences, pour l’instant invisibles,  dues à la pandémie du covid.

 

Il est convenu que je reviendrai fin aout pour l’interview. J’ai prévu de venir avec un caméraman et une photographe. Le premier m’a été recommandé par une amie, journaliste et productrice, spécialiste du cinéma africain. J’ai connu et joué avec la seconde lorsque j’avais repris des cours d’interprétation théâtrale au conservatoire d’Argenteuil.

 

En aout, si je peux, je participerai aussi à un cours ou deux d’Aïkido.

 

Je me sens bien en quittant le dojo 5.

 

 

Franck Unimon, ce lundi 19 juillet 2021.

 

 

 

 

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self-défense/ Arts Martiaux

L’aspiration à l’excellence de Franck Ropers

 

L’aspiration à l’excellence « de » Franck Ropers

 

 

Eclats

Il peut se passer des années, parfois plusieurs vies, avant que ne nous parviennent certains éclats.

Cet éclat peut être un souvenir, une blessure, une rencontre ou un objet que l’on avait rangé quelque part, délaissé, et puis que l’on « retrouve ».

 

Un objet, un souvenir, une blessure ou une rencontre où, pour nous, le temps s’est arrêté.

 

A ce jour, je n’ai jamais rencontré Sensei Franck Ropers. Mais j’ai rencontré au moins une ou deux personnes qui l’ont rencontré. La dernière de ces personnes n’est autre que Sensei Léo Tamaki que j’ai revu hier après-midi, lors du stage d’Aïkido qu’il donnait au 26 rue de Pontoise, en plein Paris, au Dojo 5. Stage auquel j’ai pu assister et auquel je me suis rendu afin de me faire une idée de l’endroit où, fin août, avec son autorisation, je reviendrai pour l’interviewer. Et, peut-être aussi pour participer à un ou deux de ses cours lors du stage qu’il redonnera fin août au même endroit.

 

 

J’ai oublié, quand, pour la première fois, j’ai entendu parler de Franck Ropers. Sans doute par des vidéos de lui sur Youtube il y a quatre ou cinq ans. Pourtant, Franck Ropers est actif dans le domaine des arts martiaux et de la Self-Défense depuis une bonne trentaine d’années. Il s’est passé des années avant que son éclat…ne me parvienne. Sans doute parce qu’avant d’être réceptif à ses « états de service », j’étais plus axé sur d’autres disciplines et sur d’autres centres d’intérêt.

 

Pour cette interview de Franck Ropers par Léo Tamaki, dans le Yashima de ce mois de juillet 2021, j’ai été plus réceptif.

 

Lorsque je pense au Penchak Silat– Dont Ropers est le plus haut gradé en France, je crois- je ne peux m’empêcher de penser au film The Raid du réalisateur Gareth Evans. En particulier à The Raid 2 (2014) qui a pour l’instant ma préférence.

 

Même si le premier The Raid, réalisé en 2011, avait marqué les esprits.

 

En écoutant Franck Ropers dans des vidéos, j’avais été très vite marqué par sa très bonne aptitude et sa très grande aisance pour s’exprimer face à une caméra. Par sa grande maitrise corporelle bien-sûr.  Ainsi que par sa très bonne pédagogie. Car on peut être un très bon pratiquant, quel que soit notre domaine professionnel, et être mal à l’aise face à une caméra comme sur scène ou face à un public. Et, à travers mes propos, ici, c’est autant l’élève, que le spectateur ou l’intervenant et le comédien, qui s’exprime.

 

Les propos de Franck Ropers sont pointus, concrets et faciles à comprendre. Convaincants.

 

Quel que soit l’interlocuteur en face de lui, journaliste ou représentant d’une discipline martiale dite « efficace » ou « réaliste » type MMA, Franck Ropers m’a toujours semblé légitime dans ses propos et bien au fait de ce qui se passe dans la « vraie » vie. Et, par « vraie vie », ici, je pense bien-sûr au combat de rue dans des conditions réelles.

 

Même si Franck Ropers « présente bien », il n’est pas un animateur de télévision qui, parce qu’il porte un costume, du maquillage et une oreillette devant plusieurs caméras à des heures de grande écoute et qu’il perçoit un très haut salaire, finit par se croire plus beau, plus intelligent et plus fort qu’il ne l’est véritablement.

 

Non. A ce que je vois, quotidiennement, Franck Ropers continue de rester dans la juste note de sa grille d’accords. Et cette grille tient dans son corps et dans ce qu’il a compris et comprend, avec lucidité, des sports de combat mais aussi du monde, ou des mondes, dans lesquels nous vivons. Et, si cela était faux,  et n’était qu’une mise en scène ?

 

Il suffit de disposer d’un tout petit peu d’expérience de sport de combat ou d’art martial pour comprendre que Franck Ropers dispose d’un niveau de pratique – et d’une détermination- qui ne repose pas sur une simple effervescence cosmétique, sur de l’illusion ou de la prestidigitation.

 

 

Conquis avant même le combat ou la rencontre ?

 

On pourrait se dire que je suis conquis avant même- je ne l’ai jamais rencontré- d’avoir rencontré Franck Ropers. Et que c’est de cette manière que l’on perd, d’avance, un combat.

 

D’abord, j’ai bien d’autres aspirations dans la vie que de devoir me bagarrer constamment avec tout le monde afin de prouver ou de me prouver quoique ce soit.

 

J’ai appris cette semaine- dans un livre que j’ai retrouvé chez moi- que « feu » Bruce Lee, lors du tournage du film Opération Dragon, avait donné une bonne partie de son temps- et de son influx- à répondre à des défis que lui lançaient des figurants.

 

Au point d’être en permanence sous tension. Entre le tournage du film, ces défis permanents et – pour ce que j’avais lu ailleurs- les menaces de certaines triades chinoises qui le voyaient désormais comme une poule aux œufs d’ors alors qu’il était devenu une vedette internationale.

 

Si bien que Bruce Lee trouvait du réconfort, entre-autres, dans des space cakes composés de Marijuana. La consommation répétée et conséquente de ces space cakes aurait provoqué sa mort prématurée. Plus récemment, Michaël Jackson et d’autres vedettes ou personnalités, ont bien été retrouvées mortes après l’abus courant de certaines substances stupéfiantes ou médicamenteuses.

 

Enfer ou aliénation :

 

Ensuite, devenir une star et une référence martiale et passer son temps à répondre à des défis, des ultimatums et des exigences, pour devoir prouver que l’on est bien toujours le « meilleur », dans « le coup » ou le plus « fort », cela ressemble pour moi à l’enfer ou, au minimum, à de l’aliénation.

 

Devenir aussi fort pour être prisonnier ?  Je n’envie pas du tout ce genre de vie et d’apothéose. Même si, un demi-siècle plus tard, Bruce Lee reste une référence pour beaucoup de monde, combattants, spectateurs ou admirateurs.

 

Il est d’autres combattants, et d’autres célébrités, aujourd’hui, qui sont également plus enfermés que libres grâce à leur « réussite ». Prenons Conor McGregor, vedette de MMA. Même si McGregor « aime » le spectacle, comme Mohamed Ali avant lui, peut-il ou a-t’il la possibilité d’être autrement que le McGregor qui « provoque » en plus d’être un très bon combattant ?

 

Celles et ceux qui courent sans relâche après le buzz prennent aussi le risque d’être rattrapés par cet effet qui consiste à être ensuite poursuivi sans relâche par le même genre de tourments sans fin : Etre bon ou le meilleur. Ou rien.

 

Pour ces quelques raisons, aussi, je ne chercherai pas à mettre en doute ou à « challenger » les compétences de Franck Ropers ou d’autres dans les Arts martiaux ou dans tout autre domaine. Je préfère plutôt essayer de m’en approcher et de m’en inspirer dans des proportions, je l’espère, préventives et thérapeutiques. Vers mon bien-être. Mais, pour cela, encore faut-il savoir ce qu’est le bien-être.

 

Franck Ropers et « le bien-être » :

Franck Ropers sait-il c’est qu’est le bien-être ? Il s’y emploie en tout cas. Et, pour moi, c’est une (très) bonne nouvelle qu’une personnalité comme lui (un million d’abonnés  sur yourtube) se préoccupe de son propre bien-être. Ce qu’un Bruce Lee avait sûrement perdu de vue avant sa mort.

 

Voici quelques extraits de son interview réalisée par Sensei Léo Tamaki pour le Yashima de ce mois de juillet.

 

« Nous créons nos propres limites. Nous avons tous un passé et, parfois, ce vécu mal compris ou interprété nous bloque dans nos aspirations ».

 

« (…) Il y a aussi le rapport à l’échec. Si on entreprend quoi que ce soit, l’échec est inévitable à un moment ou à un autre et il ne faut pas le redouter (….) ».

 

« Pour moi, l’essence des arts martiaux est le développement personnel et on y apprend à s’engager, savoir changer de direction, développer et entretenir son physique (……) j’ai suivi diverses formations et je suis notamment devenu sophrologue et hypnothérapeute. Comprendre son fonctionnement et comment le modifier de façon positive peut se faire seul, avec un psy, un coach ou un sensei. Les chemins ont leurs particularités mais l’objectif de bien-être et d’évolution est identique ». ( Extraits de l’interview L’aspiration à l’excellence de Franck Ropers par Léo Tamaki dans le Yashima de ce mois de juillet 2021. Interview d’une dizaine de pages).

 

Franck Unimon, ce dimanche 18 juillet 2021.