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Cinéma

Le Gangster, le flic et l’assassin

 

 

Le Gangster, le flic et l’assassin, film du réalisateur Kim Jee-Woon (en salles depuis ce 14 aout 2019)

 

Wallace Marsellus n’est pas mort. (Voir Pulp Fiction réalisé en 1994 par Quentin Tarantino, Palme d’or à Cannes). Après avoir déposé le bilan de sa petite entreprise de massage de pieds et avoir échoué à se reconvertir en secouriste spécialisé dans les massages cardiaques (le massage est chez lui une obsession aussi flagrante que le postillon) Wallace a fait un passage dans le cabinet Volte-Face du chirurgien John Woo et il est ressorti Coréen du nom de Jang Dong-Su (l’acteur Ma Dong-Seok).

Toute personne qui a essayé de lui marcher sur les pieds ou s’est moquée de son accent de « chinois marrant » s’est retrouvée avec les poumons tuméfiés. Alors, les gens ont commencé à se méfier et l’ont laissé s’installer. C’est comme ça que Jang Dong-Su a mis la main sur des machines à sous trafiquées et d’autres marchés à propos desquels je préfère me taire au risque de me retrouver débranché de mes tubes. Car, oui, je vous écris aujourd’hui non depuis la plage où je me fais bronzer mais depuis l’îlot de ma chambre de réanimation où les seuls rayons que je perçois sont ceux des radios que l’on dépose régulièrement sur ma peau afin de surveiller la bonne réduction des dizaines de mètres de fractures dont Maitre Jang Dong-Su m’a fait l’honneur de me gratifier. Pour Maitre Jang Dong-Su, les coups ont une enveloppe quasi-mystique :

Ils se doivent « d’avoir un but et une émotion ».

 

Malheureusement, le flic Jung Tae-Seok (l’acteur Kim Moo-Yul) se comporte tel un moustique en rut autour des affaires de Maitre Jang Dong-Su. Notre Maitre a beau activer sa moustiquaire préférée, le patron corrompu et incompétent du petit Jung Tae-Seok. Mais Jung Tae-Seok est à la pensée de Jung ce qu’un ver de terre est au fruit. Alors Jung Tae-Seok, peut être aussi maso qu’il recherche son père à travers de consécutives mandales, continue d’harceler notre Maitre et de lui déblatérer dessus avec ses petites mandibules faites de dents au lait de coco.

 

Pendant ce temps, un mec blafard ( l’acteur Kim Sung-Kyu), sorte de croisement bâtard originel entre Michael Jackson, Le Ninja et un garçon qui aurait toujours été allergique au soleil et au cheval, se balade en voiture et percute d’autres automobilistes façon Crash de David Cronenberg. C’est sa méthode de drague. Fuck les réseaux sociaux et les sites de rencontre en ligne ! Mais tout ça pour faire partir en sushis celui qui a eu le malheur de descendre de sa caisse pour vérifier le niveau de la tôle et s’assurer que l’argus continuera de suivre.

Jusque là, Le Gangster, le flic et l’assassin est un film très bateau jusque dans sa planification millimétrée depuis les premières images à hauteur d’hélico. Et puis, le tueur en série (J’espère que vous avez suivi autre chose que le pelvis de Michaël Jackson depuis les dernières lignes) essaie de se faire Notre Maitre Jang Dong-Su. Voilà qui est original. Sauf que ça lui a rappelé de très mauvais souvenirs à Wallace Marsellus. Pardon, à Maitre Jang Dong-Su. Et tout cela alors qu’il est déjà sous pression pour cause de grande résistance d’un autre Mafieux de ses connaissances qui refuse les plats avariés qu’il voudrait lui faire passer pour du Nem de la plus haute félicité.

 

La suite est malheureusement moins rutilante. On s’habitue vite aux tourments répétitifs des autres surtout lorsque l’on regarde ailleurs. En revanche, « Le » Jung Tae-Seok reste pénible. Heureusement que Maitre Jang Dong-Su et « Sushi Man » sauvent la mise. Mais l’infirmière vient d’entrer dans ma chambre et voilà que, déjà, je sens mes lèvres éclore dans la Tamise.

 

Franck Unimon, ce jeudi 22 aout 2019.

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Puissants Fonds/ Livres

La Peur a changé de camp 2ème partie

 

 

 

La peur a changé de camp, un livre de Frédéric Ploquin paru en 2018.

 

« Ceux qui disent qu’ils n’ont pas peur sont des menteurs » a affirmé l’ancien boxeur français, Fabrice Bénichou, ancien champion du monde. Ces propos sont dans le documentaire Noble Art réalisé en 2004 par Pascal Deux.

La vie de Fabrice Bénichou a aussi été faite de faillites personnelles et économiques tranchées par des dépressions, des tentatives de suicides, des hospitalisations, des addictions et par une interpellation par les forces de police.

Le film coréen Le Gangster, le flic et l’assassin du réalisateur Kim Jee-Woon, en salles depuis ce 14 aout, nous montre trois mâles dominants, un Mafieux, un flic intrépide et un tueur en série dont la sécrétion toute personnelle de testostérone et d’adrénaline transforme diabète, coma, blessures à l’arme blanche, fractures, hémorragies, fatigue, stress, empathie et peur en eau minérale facile à avaler et à éliminer ensuite par les voies naturelles.

Dans Le Canard Enchaîné de ce mercredi 21 aout 2019, en première page, on peut lire l’article Des chirurgiens dissèquent le LBD, qui relate la gravité des blessures causées par l’usage des balles de défense (LBD) par les policiers :

« Fractures graves » ; « Les mêmes blessures que l’on retrouve chez des individus qui se font frapper à coups de batte de base-ball » ; « L’impact est si fort qu’il est comparable au coup de poing d’un boxeur professionnel ».

Des manifestants participant au mouvement des gilets jaunes ont été blessés par ces balles de défense.

L’auteur de l’article, S. Chalandon, grand reporter, écrivain, a entre-autres réalisé des reportages dans des zones de « conflit » en Irlande du Nord ainsi qu’au Liban. Il est cité dans le livre Sans Blessures apparentes ( Sans Blessures Apparentes ) ainsi que dans le documentaire du même nom du grand reporter Jean-Paul Mari où celui-ci parle du stress post-traumatique longtemps caché parmi les grands reporters. Parce-que parler de sa douleur morale et de ses cauchemars en revenant d’un reportage où l’on avait été le témoin de scènes de guerre, ça faisait « chochotte » :

On passait pour une faible ou un faible.

Dans son livre hautement détaillé La peur a changé de camp, Frédéric Ploquin, également grand reporter, parle de la peur qui, désormais, et de plus en plus, menotte les femmes et les hommes policiers à leur fonction. En particulier dans les zones fortement urbanisées.

En lisant La peur a changé de camp, j’ai très vite perçu le très grand professionnalisme de Frédéric Ploquin. Professionnalisme que j’avais déja un peu découvert à la faveur d’articles lus à propos de certains de ses documentaires sur le grand banditisme. Le but de mon article est d’essayer- en assez peu de pages- de me montrer à peu près aussi nuancé et complet qu’a pu l’être son ouvrage. Tout en le rendant un peu personnel. Ce qui m’a amené à parler de l’ancien champion de boxe Fabrice Bénichou, du film coréen Le Gangster, le flic et l’assassin, de l’article de Le Canard Enchaîné sur lequel je suis tombé et, où, cette fois-ci, S. Chalandon parle du sujet préoccupant de l’usage des balles de défense.

L’article de S.Ch, cette fois-ci, confirme ce que nous savons et ce que Frédéric Ploquin aborde également dans son livre :

La police a mauvaise presse. Et les médias dénoncent régulièrement des exemples de bavures policières ou des manquements de la police aux droits élémentaires des citoyens : le respect, l’attention à autrui….

S. Chalandon est aussi un très grand professionnel. J’aime la plupart de ses articles dans Le Canard Enchainé. Mon but n’est donc ni de nier la gravité du contenu de son article et encore moins d’organiser dans ma tête ou ailleurs un combat de boxe foireux entre son article de quelques lignes et les plus de trois cents pages représentatives de plusieurs mois d’enquête de l’ouvrage de Frédéric Ploquin.

L’article de S. Chalandon résume où nous en sommes de plus en plus en France, en tant que citoyens , avec la police, chaque fois que nous manifestons ou exprimons notre mécontentement envers un gouvernement ou  une hiérarchie dans la rue et en nombre.

Le livre de Ploquin plonge , lui,  directement dans la société française et dans son évolution ainsi que dans celle du monde politique depuis environ ces trente dernières années.

Si l’on détourne la phrase de l’ancien boxeur Fabrice Bénichou, on peut affirmer que la peur n’a pas de camp. Tout le monde a peur à un moment ou à un autre dans sa vie personnelle ou professionnelle. Et les personnes qui vont affirmer le contraire mentent ou se mentent à elles-mêmes. Même si cela dure quelques secondes. Dire que l’on n’a jamais peur, c’est comme dire que l’on est immortel. Tout le monde va mourir un jour. Ce qui nous différencie les uns des autres, c’est ce moment où la peur va nous saisir. Et notre façon de réagir à son influence voire à son « charisme ». Nous pouvons être paralysés et subir. Ou, au contraire, être « catapultés » par notre adrénaline, nos réflexes, notre instinct de survie ou notre sens du devoir. Osciller entre le statut de victime, de survivant, de héros…ou d’agresseur.

La police est enfermée dans l’image et le tiroir de l’agresseur. Ploquin fait remonter des faits qui accréditent cette vision de la police.

Et ça commence déja entre policiers. Si aujourd’hui, environ un quart des effectifs policiers est de sexe féminin, la misogynie et la suspicion, au sein de la police, quant aux compétences réelles, sur le terrain, des femmes policiers sont encore actives. Mais dans un métier où la force physique et frontale revient comme un élément indispensable, cela peut aussi , dans certaines situations, se comprendre.

D’autres fois, la femme flic peut être perçue par ses collègues masculins comme un expédient sexuel. Il lui faut donc aussi savoir se faire respecter de ses collègues « Ne perds pas ton temps ! » comme en témoigne une des femmes flics.

Etre Arabe et musulman peut être un atout quand on est flic et que l’on veut se faire passer pour un consommateur et infiltrer un trafic de drogue car les clichés persistent aussi du côté des délinquants :

Car Etre Arabe et flic, « ça ne matche pas » ( ça ne colle pas). Encore faut-il que les collègues flics (blancs) avec lesquels on travaille pour la même maison ( la police) et pour les mêmes raisons ( la Loi, la Justice)  sachent s’y retrouver entre les délinquants noirs et arabes, une minorité. Et tous les autres noirs et arabes, citoyens honnêtes et paisibles, la majorité.

« Encore des Arabes ! » a conclu un des policiers blancs en s’adressant à une de ses collègues policières, d’origine arabe, après les attentats de Mohammed Merah. Comme si celui-ci était son frère ou son cousin.

« Qu’est-ce qu’il y’a comme Bougnoules ! » dit un autre policier dans la voiture de fonction alors que lui et ses collègues flics circulent, à l’affût. Sauf que l’équipe dans le véhicule est constituée de deux flics blancs, d’un flic antillais et d’un flic arabe. Lequel flic antillais, quelques minutes plus tôt, a aussi eu droit à une nouvelle ration de pop-corn raciste le concernant en observant la faune alentour. Ces réactions racistes de certains flics, devenues instinctives, sont tellement caricaturales qu’en les lisant j’ai eu envie de rire. Comme j’avais pu d’abord rire devant le film Dupont Lajoie (1974) d’Yves Boisset en découvrant ce que pouvait être une parole raciste décomplexée (« Ce sont des Arabes, ils nous envahissent ! »). Le meurtre qui arrive rend ensuite le film beaucoup moins drôle. Et, si j’étais flic,  j’aurais sûrement peu rigolé si, jour après jour, patrouille après patrouille, j’avais entendu tel collègue policier         ( peu importe sa couleur de peau, son sexe, ses croyances religieuses ou ses origines sociales et culturelles ou son grade ) vider sa bile en matière d’anthropologie raciste sur les Noirs, les Antillais et les Africains et m’infliger quasi-quotidiennement ce qu’il faut bien voir comme du harcèlement.

Ce même « harcèlement » sans doute mais sous une autre forme dont, sur la voie publique, ensuite, certaines personnes -délinquantes ou innocentes- s’estiment victimes.

Et je n’ai pas du tout rigolé en voyant le film Un Français (2014) réalisé par Diastème.

Quarante ans séparent ces deux très bons films. Et chacun parle du racisme en France d’une façon différente. Dans le film de Boisset, on est plutôt dans le racisme beauf de l’après guerre d’Indochine et d’Algérie. Dans le souvenir transi et palpitant de la « Grandeur » (splendeur ?) coloniale de la France. Dans le film de Diasteme, le racisme, sûrement pour partie l’héritier du précédent, s’est structuré sous la forme d’une milice qui peut être autonome et vaporiser la peur et le ressentiment dans les quartiers immigrés apparus depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale.

Dans le film de Diasteme, le racisme se politise, devient agile, et peut agir en toute légalité donc en toute impunité. Ploquin ne va pas jusqu’à aborder ces sujets de cette manière tant son enquête est vaste et a nécessité- déjà- beaucoup de rencontres et de travail sur le terrain. Aussi, ce matin, en relisant mon article, c’est moi qui complète avec cette petite touche cinématographique. Un film comme Les Misérables de Ladjy Ly , primé à Cannes cette année et bientôt en salles, apportera sans aucun doute, après et avant d’autres films,  un autre regard complémentaire et documenté  sur un certain type de rapports entre la police et certains quartiers de banlieue. Et à travers eux, sur certains aspects de la société française d’aujourd’hui. Ou l’inverse.

 

Concernant l’électorat d’extrême droite dans la police, dans La Peur a changé de camp, il y’a plusieurs versions. Des flics sont pro-extrême droite. Ce qu’ils voient et vivent de manière répétée dans certains quartiers où les rapports de force sont devenus la norme les acculturent à leurs idées racistes de départ ou d’arrivée. Et pour eux, le « vivre ensemble » est une supercherie compte-tenu de leurs expériences dans les quartiers sensibles où ils interviennent. D’autant qu’en dehors des heures de travail, on reste plutôt entre flics. Ou en famille plutôt tranquillement chez soi. A essayer de se remettre de la violence du métier. Car malgré la carapace que l’on se crée, peu à peu, certaines expériences traumatiques et impossibles à raconter à son supérieur, au « quidam » voire à sa famille ou à son conjoint ou à sa conjointe, s’incrustent dans les pensées et les rêves ( des cauchemars).  Voir ou revoir Mel Gibson ou Sylvester Stallone en traumatisés de guerre dans les films L’Arme Fatale ou Rambo ou des films ou des séries policières récentes telles True Détective, ça peut encore être très télégénique et donner du plaisir au spectateur. A vivre,  d’un point de vue fantasmatique et physique, c’est une toute autre expérience. Et elle peut être très désagréable jusqu’à l’insupportable.

Selon La Peur a changé de camp, d’autres policiers ont voté pour l’Extrême-Droite par dépit et colère.

Ps :  j’ai été étonné d’apprendre que de plus en plus d’infirmières et d’infirmiers votaient pour l’Extrême droite. Si j’accepte l’idée que l’on peut, malheureusement, être infirmière ou infirmier et être raciste ( l’Allemagne nazie nous a bien tristement « enseigné » que l’on pouvait être médecin et nazi ), je crois aussi à la possibilité d’un vote de colère, de déception et de mécontentement qui peut s’exprimer en votant pour l’Extrême Droite.

Et, l’Extrême droite serait le seul parti politique qui soutient officiellement la police et saurait véritablement en quoi consiste, aujourd’hui, le travail d’un flic en France. Les discours de Marine Le Pen concernant la police seraient écrits par un flic au vu de la bonne connaissance du sujet et des problèmes bien des fois rencontrés sur le terrain par les femmes et les hommes policiers.

Il est néanmoins un certain nombre de flics antifascistes. Mais qui obéissent aux ordres. Pourtant dans la police, il y’a pire qu’être Arabe, Noir, femme et musulman :

Etre flic et homo. Ça a du mal à passer. Donc, si la police, dans la diversité de ses rangs, se fait aussi le reflet de la société française, l’intégration et les promotions s’obtiennent beaucoup plus difficilement pour certaines et certains. Et il faut aussi se taire sur son homosexualité et savoir la cacher quand on est flic.

 

 

Parmi les autres causes de désagréments internes à la profession policière, Il y’a aussi… les vols entre collègues dans le vestiaire des flics. Argent, VTT, parfum….

Il est aussi quelques flics ripoux : on informe ses copains cambrioleurs que certaines maisons seront vides de leurs propriétaires durant les vacances. On vole les codes d’accès à certains fichiers sensibles concernant un trafic de drogue.

Il y’a des flics rugueux. Et à une époque, il pouvait être courant de donner une baffe « thérapeutique » à quelqu’un qui se rebiffait et parlait mal alors qu’on l’interpelait. Ou parce qu’il s’était abstenu de signaler qu’il portait sur lui une lame ou des stupéfiants lors d’un contrôle.

Il y’a des bavures policières.

 

Au total, « Sur les vingt trois mille policiers que comptent Paris et la petite couronne, une centaine passe ainsi chaque année au conseil de discipline, dont un tiers pour des faits de corruption ou de consommation de stupéfiants (pour détecter la « mauvaise graine », l’administration a développé ces dernières années des tests inopinés dans les écoles) les autres pour conduite en état d’ivresse ou violences conjugales. Les vrais bandits restent heureusement assez rares dans la police mais ces cas isolés font d’autant plus mal que les médias , fans de ripoux, ces personnages souvent rocambolesques qui fascinent tant ils osent tout, leur font une publicité inversement proportionnelle à celle qui entoure les petits vols au quotidien ».

 

Il est aussi des fois où des policiers interviennent suite à un appel et tombent dans un guet-apens préparé. Il est d’autres fois où ils se retrouvent en infériorité numérique en terrain hostile alors qu’ils font leur travail : Poursuivre jusqu’à chez lui un délinquant qui a arraché une tablette numérique à son propriétaire après l’avoir tabassé. Et se retrouver, à trois ou quatre flics dans l’appartement de l’auteur de l’agression. Alors que de l’autre côté de la porte, un « gros noir » se présente et dit :

« Ouvre-moi la porte, j’habite ici ! » Derrière cet habitant qui veut « simplement » s’en retourner dans son logis, dans l’immeuble, « trente lutins, torse nu » attendent.

 

Au sein de la police, s’il y’a un problème, il vaut mieux fermer sa gueule afin d’être bien vu. Et, si possible, régler ça proprement et discrètement. Ou digérer le tout. Le fait de devoir justifier pratiquement chaque action. Le temps allongé pour s’acquitter de la paperasse. Les contrariétés variées, personnelles et professionnelles, ainsi que les contradictions :

Si la gendarmerie, la rivale, a un type de commandement unifié, la police, elle, compte plusieurs directions et plusieurs services et presque autant de motifs de défiance et de concurrence.

Pourtant, il faut bien qu’à un moment ou à un autre, les flics parlent et se parlent entre eux. Ils ont très peu la possibilité de s’épancher devant des psychologues ou des oreilles discrètes, disponibles et bienveillantes :

« Notre quotidien, ce n’est pas de s’amuser à frapper les gens, c’est de ramasser la cervelle d’un jeune percuté par une voiture et d’embarquer du pochtron » rappelle utilement une gardienne de la paix. Qui peut mieux comprendre ce que tu vis qu’un autre flic ? ».

« Alors que les militaires disposent de 15 800 personnels de santé pour 140 000 personnes, les 150 000 policiers n’ont à leur disposition que 284 médecins et infirmiers ».

Les commissaires à « l’ancienne » qui allaient boire un coup avec leur équipe et prenaient le temps de s’enquérir de la vie personnelle de leurs troupes sont de plus en plus rares. L’obsession du chiffre et de la promotion qui y est associée les a soit poussés vers la retraite, envoyés sur une autre planète où l’administration/l’administratif et le monde politique sont oppressants.

Si les flics sont souvent des femmes et des hommes qui s’engagent par idéal de Justice, ils sont régulièrement déçus par le manque de considération de leur hiérarchie. Les flics qui sont intervenus lors des attentats terroristes « du » Bataclan ont reçu une médaille « deux ans et deux mois plus tard ». Des promotions sont accordées à la tête du client. La direction s’adresse aux flics principalement pour les recadrer et les engueuler. Très rarement pour les féliciter. La Justice rendue par les juges est perçue comme laxiste et méprisante à leur encontre. Une certaine solidarité et un sens du devoir demeurent entre flics mais l’esprit du collectif serait moins fort qu’ « avant ».

 

Les hommes politiques se servent de la police comme d’une bonne à tout faire. Comme tout faire pour donner une bonne image de leurs décisions ministérielles et gouvernementales. Nicolas Sarkozy, Maitre Karcher, les a par exemple karchérisés et les a entubés :

Il a pris leur vote électoral pour devenir Président de la République. Il a réduit leurs effectifs. Désormais, il faudrait faire aussi bien voire mieux mais avec moins de personnel. Sarkozy a accentué le règne du chiffre et du rendement- qui lui préexistait- au sein de la police en réservant une prime aux « meilleurs» flics :

Celles et ceux qui ramèneront le plus de « baballes » de chiffres.

Un des Maitres à penser de Nicolas Sarkozy, Claude Guéant, lui, s’est servi dans les caisses de la police.

François Hollande, une fois élu Président de la République,  les a désavoués en prenant par exemple médiatiquement position pour le jeune « Théo » sans prendre le temps de tout comprendre et de tout savoir du déroulement de l’interpellation.  Il aurait suffi de regarder et d’interpréter certaines images vidéos de l’intervention au préalable.

Après les attentats terroristes, il a fallu combler un manque de personnel de toute urgence. Le président de la République, précédent, Nicolas Sarkozy, ayant décidé de diminuer les effectifs policiers. La formation d’un policier, ordinairement d’un an, est alors passée ( exceptionnellement ?) à six mois. Si au cours de sa formation, un flic s’entraîne au tir en moyenne une fois par semaine, dès lors qu’il est diplômé et en activité, ce chiffre tombe à environ trois entraînements de tir par an en raison de son emploi du temps chargé. Il est difficile dans ces conditions- selon un moniteur de tir de la police- d’être serein et maitre de soi lorsque l’on est flic, que l’on porte une arme et que l’on doit s’en servir alors que l’on est devenu la cible de jeunes délinquants (cocktail molotov, aquarium avec poisson, réfrigérateur, pavés….) et des terroristes capables de venir vous agresser jusqu’à votre domicile.

Ce qui, « avant » ne se produisait pas.

 

« Avant », c’était aussi lorsque les anciens prenaient le temps de former les nouveaux flics, qui, au sortir de l’école, ne savent pas grand chose du métier. En pratique. Comme dans bien d’autres métiers. Cette passation entre anciens et nouveaux flics se fait de moins en moins.

Même le casting d’origine des flics a changé : « Avant », une bonne majorité des flics de la région parisienne était d’origine ouvrière. Aujourd’hui, il y’a de plus en plus de jeunes provinciaux d’un milieu social assez confortable dont certains sont accompagnés à leur entrée à l’école de police par leurs parents.

Les jeunes flics de « maintenant » supporteraient moins bien les contraintes du métier (horaires, conditions de travail) que leurs prédécesseurs. Ils sont aussi plus à l’aise avec les réseaux sociaux et ont sûrement contribué à cette manifestation de flics- qui ont dû dissimuler leur visage pour éviter d’être reconnus par leur hiérarchie ainsi que par de potentiels agresseurs- autour de l’Arc de Triomphe à l’automne 2016 pour exprimer le mécontentement de la profession malgré leur devoir de réserve.

 

En face, aussi, ça a changé : les délinquants vont délibérément au contact des flics. Ils sont plus durs et plus agressifs que leurs anciens.

Les hommes politiques, eux aussi, ont changé. Le dernier Ministre de l’Intérieur qui a eu une bonne cote auprès de la police s’appelle Pierre Joxe et il était socialiste. Apparemment, Charles Pasqua ensuite avait été assez bien vécu. Et, récemment, Bernard Cazeneuve était , contrairement aux apparences, plutôt bon avec la police. Autrement, les hommes politiques s’y connaissent principalement en médias et en plan de carrière. Ils sont aussi en poste pour une durée courte. Par contre, ils ne connaissent rien au travail sur le terrain. Ils n’y connaissent rien au travail qui se fait dans la police au même titre qu’ils n’y connaissent rien en ce qui concerne le bon fonctionnement d’une centrale nucléaire. Par contre, ils savent parler, se faire filmer avec le beau costume, la belle lumière. Et, ils savent écouter les directeurs généraux et les conseillers qui leur assurent que tout va bien sur le terrain. Pour le prouver, ils ont des chiffres. On leur fournit des chiffres. Sachant que, désormais, on privilégie le nombre d’intervention pour faire du chiffre.

Plus on fait d’interventions, plus on fait du chiffre et plus on « démontre » que l’on est efficace. Et plus on augmente ses chances d’être bien vu de sa hiérarchie, donc d’être promu. Mais aussi de toucher une prime :

195 euros par trimestre lorsque l’on est « en bas de l’échelle ». « Entre 15 000 et 20 000 euros par an pour un patron d’arrondissement parisien ».

Dans le livre de Ploquin, j’ai aussi lu que certains commissaires avaient demandé – et obtenu- d’être payés davantage en étant moins nombreux. ça me fait penser à ces collègues infirmières et infirmiers qui acceptent d’être mieux payés en clinique en étant moins nombreux et en faisant des journées de travail plus longues. Et aussi plus nombreuses. Dans une clinique, on pourrait travailler un certain nombre de jours d’affilée sans prendre de jour de congé. Dans un hôpital public, la législation du travail nous impose, pour notre santé, de prendre un jour de congé à partir d’un certain nombre de jours et de nuits travaillées. A ce jour, et pour l’instant, j’estime que le travail qui se pratique dans une clinique psychiatrique (où l’on est très bon pour faire du chiffre et de l’abattage) est par exemple de moins bonne qualité relationnelle avec le patient qu’à l’hôpital public. Lequel hôpital public est de plus en plus sommé de s’aligner sur le modèle de l’entreprise et de la clinique privée.

Dans la police, on fait plus de chiffre en interpellant des personnes en situation irrégulière pour leurs papiers ou en interceptant un fumeur de joint qu’en dirigeant une enquête qui prend deux à trois mois avant d’obtenir un éventuel résultat. J’imagine que le flic qui m’a intercepté après mon passage de la porte de validation qui m’avait tant contrarié (voir mon article C’est Comportemental !) était soit puni par sa hiérarchie ou faisait du chiffre.

 

Le chiffre devance la compétence. C’est vrai pour les résultats à la fin des formations dans la police : si l’on a une très bonne note, on peut choisir l’affection que l’on souhaite. Et fuir les commissariats qui craignent sur des secteurs où les délinquants multirécidivistes se sentent chez eux car peu sanctionnés par la Justice quels que soient leurs états de fait : vols, menaces, agressions physiques sur agent, injures, dégradations….

 

Pour les politiciens, tout va bien puisque c’est « qu’on » leur dit et c’est aussi ce qu’ils brûlent d’entendre. Pour les politiciens, les syndicats policiers exagèrent les faits. Et les flics sont des trouillards. Ou des canidés qu’il faut bien tenir en laisse afin d’éviter de nouvelles émeutes dans les quartiers, ce qui serait mauvais pour l’image de la police et désastreux pour n’importe quel candidat à l’approche des élections.

 

A mesure de cet article, d’agresseur, le flic est devenu victime. Entre les deux, il est aussi héros mais cela est peu exposé dans les médias. Par choix de certains médias. Par intermittence aussi : Ploquin rappelle qu’après les attentats terroristes, pendant un temps, les flics et les CRS étaient vus comme des héros par les Français. Puis, cette « histoire d’amour » pour les forces de l’ordre s’est à nouveau ternie.

Il est une autre raison pour laquelle les faits héroïques policiers disparaissent de la circulation : la jalousie entre collègues. La jalousie entre services d’intervention. Tel collègue qui brille dans les médias est susceptible de susciter la jalousie d’un ou plusieurs collègues gradés. Ou d’une autre institution qui a mal digéré une affaire passée et qui peut profiter d’une «opportunité » pour salir la réputation d’un professionnel jusque là approuvé officiellement.

 

En conclusion, les agents de police souffrent souvent de manque de respect et d’attention de la part de leur hiérarchie (du commissaire au Ministre), de leurs collègues et des citoyens. De leur côté, bien des citoyens, gratuitement ou à raison, leur reprochent les mêmes exactions.

« Aux yeux de l’administration, le flic doit être bon à tout faire ou alors il n’est bon à rien ».

Je crois que beaucoup de citoyens, s’ils remplacent le mot « flic » par la fonction professionnelle qu’ils occupent peuvent aussi se retrouver dans cette phrase. Sauf que le flic, lui, est entre deux. Autant je plains évidemment les victimes de bavures policières, autant j’ai aussi l’impression qu’il est bien des fois où la femme et l’homme flic, même bien disposé à l’égard de l’humanité et du citoyen, est à la place du con dès lors qu’au dessus de lui un supérieur pond un ordre ou une directive sans queue ni tête.

Dans le film coréen Le gangster, le flic et l’assassin, le flic intrépide (et aussi très tête à claques) réussit facilement à se soustraire aux ordres de son patron incompétent et corrompu et conserve sa liberté d’action et de commandement. Mais il s’agit d’une fiction où la société coréenne apparaît néanmoins si réglée et si cadenassée, que dans les faits, en Corée comme en France, je crois qu’un tel flic aurait été démis de ses fonctions, ou muté avant que l’assassin soit identifié.

Mais concernant l’enquête de Ploquin, il est étonnant de voir comme ces femmes et ces hommes flics qui- malgré eux- voient l’envers du décor d’une société et ses travers sont aussi vus à l’envers -et de travers- par celles et ceux qu’ils se sont aussi voués à défendre et à protéger :

« Une grappe de jeunes filles légèrement alcoolisées trinquent et multiplient les selfies à la terrasse d’une brasserie de la place de Clichy, à Paris. L’humeur est gaie et légère, la vie presque belle, mais dans leur voiture, à quelques encablures, trois policiers de la BAC de nuit ne voient pas le monde en rose : voilà des victimes idéales pour ces arracheurs de portables qui frôlent en coup de vent les terrasses et disparaissent avec leur butin. A l’affût, les « Baceux » guettent le premier mouvement suspect, une posture, un regard, un type qui ferait tache dans le décor, capuche sur la tête, pas vraiment là pour boire un coup ».

« Au petit jour, l’équipage devra encore sécuriser les clients des boîtes homos du Marais, proies sur mesure pour toutes sortes de prédateurs ».

« Entre les mauvais regards qui débouchent sur un œil en moins, les coups de couteau pour une cigarette, les vols avec violence, ceux qui finissent dans les eaux d’un fleuve pour n’en pas remonter, la vie nocturne donne au flic une image assez radicale de l’âme humaine. Tout au moins une idée assez précise de ce que le peuple urbain compte de déjantés et d’agresseurs. Il y’a la face visible de l’iceberg et le reste, poursuit ce brigadier que ses amis surnomment « Le Hibou », nuiteux depuis plus de dix ans. En surface, tout le monde il est beau et gentil ».

 

Ces extraits de La Peur a changé de camp impose l’idée qu’à faire ce métier de flic, on « devient » plus ou moins ce milieu inversé, tordu et bizarre dans lequel on évolue. Puisqu’il faut s’y adapter en permanence avant d’en revenir. Ce milieu que le citoyen lambda peut se permettre d’ignorer,  dont il perçoit parfois une infime surface, et qu’il peut être tenté d’expérimenter au risque de se faire briser.

Regardés comme celles et ceux qui se risquent dans ce milieu de vie et de mort, et même s’ils sont volontaires, les femmes et les hommes flics sont aussi des êtres sacrifiés. Bien plus que ce qu’eux mêmes ou leurs proches avaient pu prévoir en entrant dans la police. Car comme le dit un des témoins lors de cette enquête, le point fort de la police, c’est sa réactivité. Pas sa capacité d’anticipation. Et celles et ceux qui devraient faire montre d’anticipation, les décideurs, sont sur d’autres plans.

« La culture de la maison, c’est la réactivité. Elle est tellement ancrée que l’on frise l’aberration. J’ai toujours martelé l’idée qu’il fallait faire preuve d’anticipation mais la police ne sait pas faire ». (un ancien policier, fils de policier).

 

Je regarde évidemment la police d’un autre œil depuis la lecture La Peur a changé de camp. Mais il n’est pas certain que tous les agents de police le sachent.

Il y’a quelques jours, lorsque j’ai traversé la route avec ma fille près de notre immeuble, une voiture de police était arrêtée au feu rouge. Assez régulièrement dans ma ville, Argenteuil, je vois ou entends une voiture de police. Au cours de ma lecture de La Peur a changé de camp, j’ai repensé à un ancien copain, d’origine indienne, qui vivait  à Sarcelles il y’a plus de dix ans. Goguenard, il m’avait dit une de ces  fois où j’étais allé chez lui,  entendre « tous les jours » la sirène d’une voiture de police. Son rêve était alors d’aller vivre en Polynésie et de se rendre régulièrement à la mer afin de pratiquer palmes, masque et tuba. Il est finalement parti s’installer et se marier à Pondichéry.

Le livre de Ploquin m’a permis de relativiser encore davantage le climat de vie à Argenteuil. Même si celle-ci, malgré ses divers atouts, conserve généralement une mauvaise image dans la presse par exemple en raison, sûrement, du nombre d’incivilités qui s’y pratiquent et auxquels j’assiste quelques fois malgré moi et de certains trafics qui y sont à l’oeuvre. Mais la réputation d’une ville, d’une personne, comme de la carrière d’un flic, quels que soient ses mérites, peut être sévèrement et durablement entachée par certains événements et quelques éléments.

 

Nous nous sommes avancés sur le passage piétons, ma fille et moi. Nous étions tous les deux porteurs de notre casque à vélo et d’une paire de lunettes noires. Je tenais le siège enfant que j’allais ensuite installer à l’arrière de mon vélo. Ma fille, quant à elle, portait la pompe à vélo. La femme flic au volant de la voiture a un moment regardé dans notre direction. Elle aussi portait des lunettes noires. Je me suis demandé si elle avait pu, un moment, nous suspecter d’un délit quelconque. Même si cette femme flic ainsi que ses collègues ne m’inspiraient pas de peur particulière, j’ai été étonné par l’absence de sourire sur son visage. Mais elle a peut-être aussi été étonnée de me voir la regarder sans un sourire. Ou se demander la raison pour laquelle je la regardais tout en traversant la route.

Franck Unimon, jeudi 22 aout 2019.

Pour compléter, on peut aussi lire dans l’ordre que l’on souhaite les articles Tenir le rythmeLa Peur a changé de campMes rêves avaient un goût de sel.

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Tenir le rythme

 

 

Tenir le rythme :

Hier, j’étais avec ma fille. Sa mère travaillait. Au retour de ma compagne, j’ai eu le sentiment d’avoir été un bon père. Hier.

Quelques heures plus tôt, nous allions déjeuner notre fille et moi lorsqu’elle avait voulu négocier :

Ce qu’elle allait manger. Ainsi que la quantité. Des pâtes. Et une demie-cuillère de petits pois. Je lui ai répondu :

« Tu sais ce que je vais te donner ? A manger ! ».

Et, je lui ai servi environ deux à trois cuillères à soupe de petits pois cuisinés la veille par sa maman.  Ainsi qu’un peu de riz. La suite viendrait après.

Si on écoutait notre fille, elle mangerait du riz et des pâtes ou des pâtes et du riz à tous les repas. Et des frites. Il faut parvenir à se faufiler dans la file active de ses préférences alimentaires. Chacun son style entre sa maman et moi.

Mon style est de ne pas laisser le choix. Et de servir d’abord ce que je veux qu’elle mange. Sa mère aussi essaie de faire pareil. Mais il doit y avoir une habitude entre notre fille et sa mère : sur certains sujets, notre fille doit déjà savoir, à son âge, qu’elle peut en quelque sorte faire fléchir sa mère. Ou lui résister.

Mais j’aurais tort de fanfaronner : Notre fille a ses limites. Elle a mangé hier les petits pois servis parce qu’ils faisaient néanmoins sans doute partie de sa juridiction alimentaire et de celles de ses humeurs. Il y’a d’autres fois où sa mère s’en sort mieux que moi avec elle : avec calme.

Après le déjeuner, nous sommes partis chercher mon vélo.

La veille ou le matin, ma fille m’avait fait savoir qu’elle souhaitait sortir :

Au cinéma, dans un parc ou ailleurs. Assez souvent, elle me formule ce genre de demande. Faire une sortie à un moment de la journée. Cela peut consister à aller faire des courses, passer à la médiathèque, aller à la librairie puis rentrer au bout d’environ deux heures.

Hier, je n’étais pas inspiré pour l’emmener à la piscine. Les températures se sont un peu rafraîchies. Elle s’est enrhumée.

Elle a rapidement choisi d’aller faire une promenade à vélo derrière moi, le long de la Seine.

Ce genre de promenade faisait partie de ce que j’avais prévu de faire cet été avec elle :

La piscine et ce genre de promenade à vélo.

Nous avons donc fait une promenade à vélo à partir de 14h30, heure où nous sommes partis de chez nous. Pour rentrer vers 18h30. Bien-sûr, nous n’avons pas roulé durant quatre heures. Mais nous avons fait une bonne promenade jusqu’à Nanterre, jusqu’au Chemin de l’île, je pense. Un coin où, ado, il m’était arrivé de me rendre  à pied depuis l’ancien domicile de mes parents situé au 17, allée Fernand Léger, près du grand parc de Nanterre, pour aller chez un copain de lycée : Lakhdar. Celui chez qui j’allais écouter de la musique et qui m’avait fait découvrir des titres de James Brown, de Soul. Celui avec lequel j’avais écouté du Reggae en buvant du lait de vache frais. Celui que j’avais accompagné un jour, par curiosité, non loin de mon ancien collège, afin d’acheter du shit pour un de ses bons copains.

Lakhdar m’avait demandé :

« Tu veux venir avec moi ? ». J’étais disponible et j’avais accepté. Je voyais bien où se trouvait l’endroit où il avait rendez-vous.

La double particularité de cet achat est que Lakhdar connaissait bien la vendeuse. C’était une de ses ex-copines de classe que je connaissais de vue. Plutôt mignonne, plus âgée et plus grande que moi donc intimidante et intouchable. Vêtue à cette époque et ce jour-là avec des vêtements de couleur noire, un Jeans, un genre plutôt Hard-Rock. Une jeune femme blanche, souriante, plutôt « cool » à sa façon, et visiblement à l’aise.  En tout cas plus que  moi.

En ce sens où j’étais un puceau qui marchait droit.

J’ai oublié si elle consommait. Mais par Lakhdar, j’avais su que cette ex-copine de classe au lycée était une revendeuse régulière. Elle avait été aperçue vendant du shit à des gamins à la sortie d’un collège. Ce qui avait bien déplu à un des bons copains de Lakhdar, Ali, qui était un militant en faveur de la jeunesse.

La seconde particularité de cette course tout de même, c’était que ni Lakhdar ni moi n’étions fumeurs. Nous étions donc deux idiots qui, s’ils s’étaient faits « gauler » avec la barrette de shit, auraient eus quelques difficultés à expliquer ce qu’ils  faisaient avec ce genre de produit. Et le coin de vente était plus proche de chez moi que du domicile de la famille de Lakhdar. Puisque c’était près de mon ancien collège que j’avais quitté pour le lycée où j’avais rencontré Lakhdar. Aujourd’hui, je peux en sourire. C’était il y’a plus de trente ans. Après le Bac, nous vivons une accélération du temps qui nous éloigne d’un certain nombre de personnes. Soit de notre fait. Soit suite à la décision des autres. Je n’ai pas revu Lakhdar depuis environ trente ans. Et cette revendeuse, je n’ai pas essayé de mesurer son trajet ou de savoir de quoi il avait pu être fait par la suite. Aujourd’hui, je pencherais plutôt pour une trajectoire moins « cool » qu’elle me paraissait alors en la voyant. Mais on peut être- agréablement-surpris.

Hier, ma fille a bien aimé notre sortie. Moi aussi. J’avais prévu ce qu’il fallait question sandwich, eau. Au retour, nous nous sommes arrêtés à une aire de jeux où se trouvaient quelques enfants et leurs parents.   Prenant exemple sur une adulte qui venait de faire de la balançoire à côté d’elle, Je lui ai montré comment faire de la balançoire toute seule. Puis,  elle s’est entraînée alors que je l’encourageais. En pratiquant, elle y arrivera. Je l’ai aussi un peu poussée.

Alors que nous allions partir pour rentrer, j’ai entendu de la musique qui venait d’un peu plus haut, dans le parc Lagravère que nous longions. Les gens que nous apercevions n’avaient pas l’air de s’en préoccuper plus que cela. Mais pour moi, il était évident que c’était un « groupe » qui jouait en Live. Nous nous sommes rapprochés de l’endroit à vélo.

Un jeune avait installé sa batterie devant l’entrée du parc Lagravère et jouait du Police ou du Sting. A la batterie. Seul. C’était bien. Quelques personnes étaient là. Deux ou trois adultes. Cinq ou six enfants.

Après quelques minutes, le batteur a permis à un enfant noir de faire de la batterie.

Le « petit » s’est installé avec ses tongs aux pieds, son short et son tee-shirt à manches courtes. Je m’attendais à ce qu’il découvre l’instrument grâce à la gentillesse du batteur qui devait avoir une vingtaine d’années à peine.

Le môme de 8 ans s’est avéré très doué. L’Afrique. L’Afrique et ses paradoxes. Dans le livre La peur a changé de camp, Frédéric Ploquin révèle au cours de son enquête que dans certaines cités et certains quartiers, selon l’expérience de certains flics, des Noirs et des Arabes sont les principaux fauteurs de troubles. D’où un certain racisme de certains flics qui doivent se farcir les infractions à répétition, ainsi que les insultes, les agressions et les provocations des mêmes délinquants souvent très vite relâchés- donc abonnés à un sentiment d’impunité- et qui voient leur cité ou leur quartier comme leur territoire. Et les flics comme un gang ou une autre bande rivale qu’il convient de débouter.

Ce môme de 8 ans, hier, rappelait que l’Afrique, noire ou du Maghreb, a aussi autre chose à offrir au monde et à la vie, pour peu qu’on lui en donne les moyens.

Je me suis tourné vers ma fille, toujours assise derrière moi. A la fin, je lui ai demandé si cela lui avait plu. Elle a acquiescé à voix basse. Avec ses lunettes de soleil aux verres noir, son casque à vélo sur la tête et son air sérieux, j’avais du mal à percevoir si cela lui avait véritablement plu. Même si, quelques minutes plus tôt, elle m’avait demandé de nous rapprocher. Alors que moi, par prudence pour ses oreilles, j’avais opté pour nous tenir à une distance de sécurité.

Devant mon insistance pour savoir, elle m’a alors répondu :

« J’ai envie de pleurer tellement c’était bien ».

Après son solo, le jeune noir a pris sa trottinette et s’est dirigé vers le parc Lagravère, c’est-à-dire dans notre direction. Il était suivi par deux filles noires un peu plus âgées que j’avais vues danser un peu plus tôt. J’ai appris par ces deux filles un peu plus âgées qui le suivaient (ses sœurs ?) qu’il avait commencé seul. En tapant sur des casseroles et des branches d’arbre. Et que, maintenant, il en en avait  » un… ». Un vrai instrument de musique. Une batterie.

J’ai été étonné en écoutant ces deux filles de comprendre que le Français semblait être leur seconde langue.

Le batteur, lui, à deux ou trois mètres, est resté silencieux. Il m’a regardé et écoutait tandis que les deux filles me répondaient avec le sourire. On aurait dit, déjà, deux agents s’occupant de leur artiste. Mais elles avaient 12 ans tout au plus, les deux agents d’artistes. L’Afrique, encore, et cette belle précocité qui nous livre à de si grandes perplexités, nous, les occidentaux, moi, dont les ancêtres, comme le reste de l’Humanité ( jusqu’à preuve du contraire) viennent de là-bas. De ce continent que je ne connais pas et qui contient pourtant tant d’échecs et aussi tant de Savoirs.

Je n’ai pas entendu la voix de ce môme. Lorsque j’ai restitué à ces trois gamins les propos de ma fille, ce sont les deux jeunes filles qui ont réagi en s’émouvant. Le môme, lui, n’a rien répondu. Mais lorsque j’ai dit :

« C’est bien ! Il faut continuer ! ». J’ai bien vu qu’il m’a écouté avec attention. Et que mes mots comptaient pour lui, moi l’adulte qui, à ce moment-là, question musique aurait pu, tout aussi bien, être son élève, très peu doué, malgré les quarante années qui nous séparaient.

Puis, je les ai laissés partir. En pensant malgré moi que j’espérais que ce gamin tiendrait le rythme. Qu’il ne s’égarerait pas en cours de route dans la délinquance.

Il n’existe sans doute aucune statistique, ou alors occulte, de ce genre, mais il est vraisemblable que parmi tous ces gamins délinquants multirécidivistes dont se « plaignent » certains flics dans le livre de Frédéric Ploquin, qu’il en est un certain nombre dont la courbe des dons a été stoppée ou braquée à un moment ou à un autre. « Who knows » ? Comme aurait pu dire Jimi Hendrix.

Who knows ?

Dans le livre de Ploquin, j’ai appris que des gamins de 12 ans pouvaient toucher 150 euros par jour pour faire les guetteurs. Afin d’avertir les trafiquants de drogue ou les dealers de l’arrivée de la police.

150 euros par jour, ça peut faire jusqu’à 4500 euros par mois. Pour des gamins qui ne savent rien du trafic de drogue en lui-même. D’où il vient, quelle quantité….

150 euros par jour, c’est une somme largement suffisante pour détourner un gamin de 12 ans de l’école. Qui plus est s’il est déjà en échec scolaire. 4500 euros par mois pour accepter d’être un simple exécutant. Je crois que beaucoup de personnes, même adultes (on serait surpris) accepteraient ce genre de job moyennant une telle somme.

En reprenant la route, j’ai dit à ma fille que j’aurais dû demander au môme son prénom. C’est une mauvaise habitude, lorsque l’on s’adresse amicalement à un inconnu, de ne pas se présenter. Et « d’oublier » de lui demander son prénom.

Ma fille m’a demandé pourquoi j’aurais voulu connaître son prénom. J’ai essayé de lui expliquer. Elle m’a écouté. Mais pendant que je pédalais, j’avais l’impression que ce que je disais se perdait dans le vent. Mais le principal, sans doute, c’était que, pour le moment, elle soit encore bien attachée derrière moi tandis que je nous ramenais à la maison. Et que le retour se déroule sans encombre.

Franck Unimon, mardi 20 aout 2019.

Ps : La photo de cet article n’est pas une erreur. Compte tenu de l’âge des protagonistes principaux croisés hier dont je parle dans  cet article, j’ai préféré m’abstenir de montrer un cliché les représentant. Et, ce, afin de les préserver de certains aléas de notre vie « moderne » et « civilisée ».

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La Peur a changé de camp

 

 

 

 

La peur a changé de camp, un livre de Frédéric Ploquin paru en 2018.

 

 

C’est en commençant à travailler dans un service de pédopsychiatrie que j’ai- frontalement et dès le début- découvert la « conviction » de territoire :

 

Cette attitude ferme et de défi qui consiste à vous faire comprendre que vous êtes le nouveau venu. Que vous êtes incompétent pour représenter la Loi, l’autorité et la connaissance, ici. Que vous devez en quelque sorte la fermer et vous soumettre, ici. Car vous n’êtes pas sur votre territoire. Vous êtes un étranger. Un outsider. A moins que vous ne parveniez à faire vos preuves.

 

C’est une jeune de 15 ou 16 ans qui m’avait fait ressentir ça. Elle pouvait être insolente mais pas forcément si méchante que cela. Plusieurs années plus tard ( c’était fin 2000) je crois pouvoir encore me rappeler de son prénom.

Cependant, ce n’est pas avec elle que par la suite, mes collègues et moi avions eu le plus de difficultés relationnelles. Cette jeune était ensuite  définitivement « sortie » du service quelques jours plus tard et nous ne l’avions plus revue.

Fin 2000, j’avais pourtant la trentaine. Soit le double de l’ âge de cette jeune. Mais ça n’était pas un problème :

Avec son assurance- et l’Intelligence– de celle qui était déja sur les lieux avant mon arrivée, et le fait que je prenais mes marques dans le service, elle avait réussi en une remarque à prendre un certain ascendant sur moi.

Je venais d’arriver par mutation en tant que titulaire dans ce service. Auparavant, néanmoins, j’avais fait des études d’infirmier dès ma sortie du lycée. Cela m’avait donc quelque peu déniaisé. J’avais aussi déjà un peu voyagé à l’étranger, fait quelques études dans d’autres domaines. J’avais aussi au préalable exercé dans divers établissements de soins en tant qu’infirmier intérimaire, vacataire. Mais aussi en tant qu’infirmier titulaire : dans un service fermé d’hospitalisation en psychiatrie adulte et, cela, dès mon service militaire alors obligatoire.

Dans mes 20 ans, j’avais découvert le travail de nuit en tant que soignant vacataire dans le service d’une clinique privée. Les patients avaient en moyenne l’âge de mes grands-parents soit le triple de mon âge. Lors de mes nuits de douze heures, j’étais responsable d’eux, seul soignant sur deux étages. En cas de problème, je pouvais solliciter mes collègues du dessus, également seuls dans leur service. Cela était une règle assez implicite : car je ne me souviens pas que la direction qui m’avait employé pour ces vacations ait beaucoup insisté pour me le faire savoir. Le médecin d’astreinte, lui, arriverait de chez lui au bout d’une heure ou deux si on l’appelait. J’en ai fait l’expérience. Je me rappelle encore de lui débouchant tranquillement dans le service en espadrilles, avec sa cigarette maïs allumée dans la bouche, alors que je m’inquiétais pour une grand-mère tombée sur la tête depuis son lit. Elle avait une belle bosse.

Trente ans plus tard, cette clinique existe toujours. Elle fait aujourd’hui partie d’un groupe privé florissant qui possède plusieurs cliniques : Orpéa ou Korian. Pour certaines entreprises privées, ou laboratoires, le secteur de la santé est un marché juteux en termes de bénéfices.  Aujourd’hui, plus qu’hier et moins que demain, les hôpitaux publics ont pris pour modèle ces entreprises privées. Les hôpitaux publics se sont donc mis sur les rails afin de se rapprocher le plus possible de ces modèles de réussite et de profit économique.

Je me sens tenu de rappeler que l’on décide rarement de devenir infirmier dans le but de devenir millionnaire ou afin de se faire de l’argent sur le dos, la souffrance et le désespoir des autres, soignants inclus.  Ou alors, il s’agit très certainement d’infirmiers que j’ai peu côtoyés, qui représentent à mon avis une minorité ou qui se sont en quelque sorte reconvertis ou quelque peu éloignés de cette temporalité particulière où nous « sommes » vraiment avec les patients et les autres. Et non le temps de quelques secondes et de quelques formules interchangeables faites d’ éléments de langage impersonnels.

 

 

Enfin, à titre personnel, un an avant d’arriver dans ce nouveau service de pédopsychiatrie, pour permettre à ma sœur (de neuf ans ma cadette) et à notre frère (de 14 ans mon benjamin) d’avoir un toit et de poursuivre leurs études et de s’installer dans leur vie d’adulte, j’avais rendu mon appartement de célibataire et obtenu de la mairie de notre ville un appartement non loin de notre ancienne maison familiale, vendue pour cause de mutation de notre père dans notre pays d’origine : la Guadeloupe.

 

Plusieurs de mes ex-collègues de psychiatrie adulte, pourtant des professionnels plus expérimentés que moi pour certaines et certains, de l’infirmier au médecin chef, m’avaient regardé partir pour l’aventure de la pédopsychiatrie ( dans un service fermé de soins et d’accueil urgents) avec une certaine réserve polie voire avec une admiration qui m’avait étonné :

j’étais un novice en tant qu’infirmier en pédopsychiatrie. On aurait presque dit que c’était comme si j’avais annoncé à mes anciens collègues de psychiatrie adulte que j’allais descendre en rappel au fond d’un gouffre dont j’ignorais tout. Et, il est vrai qu’à mes débuts dans ce service, j’ai dû apprendre beaucoup. Et aussi, rapidement, apprendre à affirmer mon autorité. Cette jeune de 15 ou 16 ans, et d’autres jeunes, me l’avaient très vite fait comprendre d’une façon ou d’une autre. Peu importait ce à quoi on ressemblait et ce que l’on avait pu vivre et connaître auparavant ni ce que l’on était dans notre vie personnelle par ailleurs. Il importait, dans ce service, de savoir s’affirmer en tant qu’adulte et en tant que représentant de l’Autorité. Que l’on soit une femme ou un homme. Que l’on mesure 1m60 ou 1m80. Que l’on porte des lunettes ou non. Que l’on soit blanc, arabe ou noir. Que l’on soit musulman pratiquant, catholique ou athée. Que l’on soit homo ou hétéro. Que l’on ait 20 ou 35 ans. Pigé ? Et, cela était une règle implicite, instinctive. Immuable. Incontournable.

Ce que je raconte là semble très bien s’appliquer à l’univers de la police dont parle Frédéric Ploquin dans son livre. Même si, évidemment, il est d’autres univers professionnels avec lesquels on pourra trouver des points communs.

 

 

 

Aujourd’hui alors que j’ai quitté ce service de pédopsychiatrie (après quatre années de pratique), je garde de cette expérience intense un souvenir fait de considération et d’attachement. Pour cette époque. Pour mes anciens collègues. Pour les jeunes rencontrés et un certain nombre de situations faciles et difficiles. Mais je me souviens, aussi, que c’est dans ce service où j’avais fait l’expérience, comme la plupart de mes collègues d’alors, de ces tests et rapports de force répétés, usants et blessants entre certains jeunes difficiles- que nous essayions pourtant « d’aider »- et nous :

Insultes, menaces de mort, agressions physiques, intimidations, crachats et destruction des lieux avaient été le moyeu de certaines de nos relations avec quelques jeunes qui étaient heureusement une minorité. A ce jour, je n’ai pas connu d’équivalent devant cette forme « d’avalanches » d’insultes, de menaces de mort, d’agressions physiques, d’intimidations, de crachats et de destruction des lieux vécues dans ce service. Ainsi qu’à propos de cette nécessité de savoir rappeler constamment un certain cadre et certaines limites. Même lorsque tout se passait « bien ».

Il est vrai qu’en quittant ce service, je me suis dispensé de rechercher un poste  présentant les mêmes caractéristiques ou d’y rester aussi « longtemps » : quatre années dans un tel service étant une durée plus longue que dans d’autres. Même si ces troubles du comportement étaient le fait, je le rappelle, d’une minorité des jeunes hospitalisés. Et qu’il y’a eu aussi des périodes calmes et avec moins d’accrocs relationnels- ou plus supportables- avec la majorité des jeunes rencontrés.

 

Mais cette minorité difficile suffisait un certain nombre de fois à tout oblitérer ou à nous déstabiliser lorsque la violence et l’affrontement se faisaient les principaux modes de relations.

Car nous étions soignants et pas matons, CRS, vigiles, gardes du corps et encore moins là pour pratiquer la boxe, du MMA ou du Ju-jitsu brésilien ou du judo.

Car nous étions dans un hôpital et pas dans la rue ou dans une famille dysfonctionnelle.

Pendant ce temps-là, d’autres patients, plus « calmes » et plus faciles, devaient certaines fois être un peu délaissés afin que nous puissions nous concentrer sur cette patiente ou ce patient difficile. La répétition de ces actes ou de ces propos volontaires et violents étaient d’autant plus déconcertants qu’ils émanaient, pour la plupart, de mômes âgés en moyenne de 10 à 13 ou 14 ans, parfois plus. Un âge que nous avions eus et où, jamais, nous ne nous serions permis d’avoir le même genre d’attitudes envers nos pairs, envers des adultes et des lieux, quelles que puissent être nos difficultés et nos impasses émotionnelles et personnelles. Et je parle ici « uniquement » des actes de violence que ces jeunes ont pu porter contre autrui (patients ou soignants) ou contre les locaux. Il y’avait aussi les actes violents que certains de ces jeunes réalisaient contre eux-mêmes et que nous nous efforcions de canaliser ou de prévoir. Il y’avait aussi ces comportements à risque tels que la fugue que d’autres pouvaient avoir en raison de leurs troubles du discernement.

 

Certaines situations frontales vécues avec plusieurs de ces  jeunes  » violents » ont donc été des chocs. Culturels, moraux, intellectuels, psychologiques. Et physiques. Plusieurs collègues ont ainsi été en arrêt de travail suite à une agression. Ces situations ont aussi été l’occasion d’apprentissages de part et d’autres. Elles ont aussi sans aucun doute amené le fondement d’une solidarité particulière entre collègues. Ce qui explique sûrement le fait qu’à ce jour, même si pour la plupart nous travaillons désormais dans d’autres services voire dans d’autres régions, il nous reste un quelque chose de cette unité ou de cette amitié. Et nos retrouvailles le temps d’un pique-nique l’an passé par exemple, pour celles et ceux qui y étaient, une dizaine d’années après avoir quitté ce service, en atteste.

Ce matin, c’est ce que m’inspire à l’écriture le livre La Peur a changé de camp de Frédéric Ploquin. Ce livre, que je n’ai pas fini de lire, parle…de la dégradation générale et progressive des conditions de travail des flics. On me dira sans doute- y compris parmi mes pairs infirmières et infirmiers- qu’il n’y’a aucun rapport entre le travail d’un flic et celui d’une infirmière ou d’un infirmier en soins psychiatriques ou pédopsychiatriques. Et que mon goût pour le cinéma m’aura fait perdre pied ainsi que le contact avec la bobine du réel.

Alors, je commencerai par rappeler qu’il arrive que soit reproché à la psychiatrie d’une manière générale d’être abusive et coercitive au détriment de la liberté et de la santé de personnes vulnérables :

Et, j’invite chacune et chacun à se remémorer certains documentaires, reportages, expériences personnelles ou faits divers montrant la psychiatrie sous un visage tragique, choquant et défavorable. Ou sensationnel.

Je rappellerai aussi que certains modes d’hospitalisation en psychiatrie sous contrainte mettent le soignant, qu’il le veuille ou non, dans la position de celle ou celui qui doit faire respecter la Loi et qui a, aussi, un certain Pouvoir :

Parce-que le patient (et/ ou son entourage et sa famille) est un danger pour autrui et/ou pour lui. Mais aussi parce-que le patient (et/ ou son entourage et sa famille), d’après la situation rencontrée et son comportement, a démontré un manque de discernement qui l’empêche de reconnaître la gravité de ses troubles du comportement et/ou de jugement. Et de donner son consentement pour recevoir certains soins.

 

Il me semble qu’après ces deux rappels, on commence déjà à mieux comprendre en quoi, par moments, le travail d’une infirmière ou d’un infirmier en soins psychiatriques, peut ressembler ou donner l’impression de ressembler à un travail de « flic ». Surtout si l’on exerce dans un service de soins fermé et que certaines restrictions sont imposées – même si elles sont généralement expliquées au préalable- aux patients :

Pas de téléphone ou alors des appels téléphoniques limités et parfois en présence des soignants ; pas de sortie du service pendant quelques temps ou sous condition et accompagné d’un ou de plusieurs soignants lorsque cela est possible ; le droit de fumer à certaines heures et en certains lieux ; relations sexuelles interdites dans le service etc…..

Cette analogie apparente entre le métier de flic, voire de maton,  et celui d’infirmier voire d’éducateur en soins psychiatriques et pédopsychiatriques peut expliquer certains « affrontements » avec le patient et/ou son entourage :

Fort heureusement, ces « affrontements » entre patient et soignants peuvent être provisoires et minoritaires. Le temps de faire connaissance et d’apprendre à connaître les soignants qui sont des individus inconnus dont on ignore au début, quel que puisse être leur discours de présentation, les réelles intentions. Le temps de décider si l’on va faire alliance ou non avec les soignants ou si l’on va rester « fidèle » ou « loyal » aux codes de conduite que l’on a toujours suivi jusque là et qui nous ont permis jusqu’alors d’exister, d’être accepté, de nous affirmer et de survivre dehors. Le temps de certaines crises qui permettent au patient d’exprimer un mal-être, une impuissance ou un désespoir, plus ou moins longtemps contenus, et dont le corps soignant présent devient alors…le récepteur.

Et ce qui différencie un soignant d’un flic ou d’un individu lambda non-préparé ou non-formé, c’est le type de relation.  Le type d’action et de rôle face à la violence exprimée.  C’est le fait que le soignant va essayer de comprendre cette violence. Il va essayer de la retraduire et d’amener le patient à saisir que cette violence qui lui échappe, alors qu’il croit sans doute la contrôler, le handicape plus qu’elle ne lui sert. Il va essayer – quand c’est possible- de la « divertir », de la détourner voire de la  canaliser.

Il va aussi essayer d’encourager le patient à employer son énergie vers d’autres projets que ceux menant à la destruction.

Cela est évidemment bien plus facile à théoriser qu’à réaliser : puisqu’il arrive que ces patients que l’on veut « aider » agressent les soignants fautifs d’être ces interlocuteurs imparfaits et constants. Fautifs de rappeler certaines règles et certaines limites. Fautifs de rappeler certains faits. Fautifs d’être celles et ceux qui détiennent la clé qui ouvrent et ferment les portes.

Il est aussi des personnes de la société civile, ni infirmiers, ni éducateurs, ni psychologues, ni médecins, qui excellent à aider et soutenir bien des personnes en difficulté morale et sociale. Mais cela se passe alors en dehors de l’enceinte de l’hôpital et dans  un certain angle mort de la connaissance et de l’expérience hospitalière. Pour le pire ( sectes, groupuscules extrémistes,  et autres) ou pour le meilleur.

 

Fort malheureusement, aussi, à l’hôpital, certains de ces « affrontements » avec certains patients et/ou leur entourage et famille, peuvent plus ou moins durer, plus ou moins « planer » dans l’atmosphère d’un service et peser en restant à la limite du supportable.

Un des autres points communs du travail de flic avec le métier de soignant en psychiatrie mais aussi dans d’autres disciplines de soins (somatiques comme mentales) est de voir l’envers du décor d’une société. Dans cet envers du décor, il n’y’a nul maquillage, campagne de communication ou de place pour la mise en scène. On s’y révèle avec nos viscères, nos faiblesses, nos limites, nos mauvais profils comme avec nos forces morales et autres. Pratiquement sans faux semblant. On pourra dire de même avec les métiers de pompiers ou d’assistante sociale pour citer quelques unes de ces professions où l’on est au contact, à visage découvert, avec la vie et l’intimité des gens. Et c’est, ici, le but principal de cet article :

 

Lire, en plein mois d’août, La peur a changé de camp , de Frédéric Ploquin, grand reporter, spécialiste du grand banditisme, de sujets ayant trait à la police et au renseignement, mais aussi réalisateur de reportages ?!

Il est  des lectures plus relaxantes et plus ensoleillées. Et, j’ai hésité à en commencer la lecture (il me reste deux cents pages à lire) avant ce samedi où il pleut. D’autant qu’avec le mouvement des gilets jaunes mais aussi du fait de certaines bavures policières, les flics, comme souvent, voire comme toujours, ont une très mauvaise image. Surtout si l’on ajoute, une ou deux (voire beaucoup plus) expériences personnelles désagréables que l’on a pu vivre soi- même ( je relate une de mes expériences personnelles assez récente dans l’article Tenant du titre et, surtout, dans l’article C’est Comportemental ! ) ou dont on a été le témoin ou dont on a entendu parler.

 

Le livre de Frédéric Ploquin explique aussi les raisons de certaines erreurs et dérives policières. Lesquelles raisons sont bien-sûr multiples et aussi personnelles :

De même qu’il y’a de très bons flics, il y’a aussi des très mauvais flics.

Mais celles et ceux qui décident, au dessus de leurs têtes, ont aussi leur part de responsabilité. Sauf que ces décideurs et décideuses, même lorsqu’ils font des erreurs ou font certains choix politiques délétères, peuvent tranquillement poursuivre leur carrière en restant à l’abri contrairement aux policiers qui restent sur le terrain et doivent en rendre compte.

Je me doute bien que pour certaines et certains, les flics resteront des ennemis et « doivent » rester ces femmes et ces hommes responsables de tous les travers ou ces « fourmis » qu’il faudrait écraser et démembrer une à une. Je me doute aussi que pour certaines et certains, nuancer l’image de la police, c’est trahir et passer pour un gogo sans honneur et amnésique tout prêt de se faire enrôler comme boy ou serviteur bénévole au service du Rassemblement National ( ex-Front National) ou autre nostalgique nazi et esclavagiste.

Pourtant, à mesure que je lis ce livre où Frédéric Ploquin parle pourtant de la police, et rien que de la police, je m’aperçois que les conditions de travail dégradées de la police dont il parle, ressemblent à ces mêmes conditions de travail dégradées que connaissent depuis plusieurs années les services publics de l’école et des hôpitaux dans une société de plus en plus inégalitaire. Pour ne parler que de la dégradation des conditions de travail dans les écoles publiques et dans les hôpitaux publics.

D’autres services publics sont sans doute touchés par les mêmes dégradations des conditions de travail : qu’il s’agisse des transports ou de certaines entreprises publiques aujourd’hui privatisées….

Comment continuer de s’abstenir de faire le rapprochement en lisant La Peur a changé de camp ?

Nous sommes au mois d’août. C’est encore les vacances. Le livre de Frédéric Ploquin détaille et explique les raisons pour lesquelles, la rentrée et le retour de vacances seront suivis, comme souvent depuis plusieurs années, malheureusement, de certaines crises sociales et autres.

Parce que certaines de nos élites continuent de mépriser et de méconnaître l’avenir. Ainsi que toute ou partie de nos histoires, de nos valeurs et de nos espoirs. Ce qui explique l’ascension sans filtre et apparemment sans frein de certains extrémismes et de certaines peurs. Pendant le mois d’août mais aussi lors des autres mois de l’année.

En attendant d’autres articles sur des thèmes différents, et je l’espère plus légers,  on pourra trouver à celui-ci une continuité avec mon article sur le livre Mes rêves avaient un goût de sel.

Franck Unimon, ce samedi 17 aout 2019.

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Puissants Fonds/ Livres

Mes rêves avaient un goût de sel

 

 

 

 

 

Tandis que ma fille faisait sa sieste hier après-midi, j’ai terminé le livre Mes rêves avaient un goût de sel , publié en 2013, de J-Pierre Roybon, ancien nageur de combat. Il me restait à peine vingt ou trente pages à lire.

 

Dans les débuts de son livre, J-P Roybon, 65 ans en 2013 lorsque son livre a été publié, se sent obligé de prévenir, page 9 :

« Je ne suis ni écrivain, ni bardé de diplômes universitaires mais seulement détenteur d’un certificat d’études primaires ». Sans doute des restes du « mauvais » élève qu’il était, dans une autre vie, dans cette école obligatoire qu’il n’avait pas choisie et qui ne lui correspondait pas comme à tant d’autres hier, aujourd’hui et demain.

Je soussigné, moi, Franck Unimon, l’apprenti-écrivain anonyme connu seulement de lui-même, le plus ou moins universitaire avorté, le littéraire, et sans doute aussi l’artiste raté, je déclare avoir eu plaisir à lire son Mes rêves avaient un goût de sel comme je peux avoir plaisir à écouter certaines personnes qui ne sont pas de mon monde extérieur et immédiat. A première vue.

 

Je me suis retrouvé dans certaines de ces valeurs qui tiennent J-Pierre Roybon en tant qu’homme et militaire :

J’ai déjà pensé que mon père aurait pu être militaire compte-tenu de sa rigidité et de sa « rusticité ». Dans son récit, J-Pierre Roybon , alias Royco, insiste à plusieurs reprises sur le point qu’un bon nageur de combat se doit d’être « rustique ». En plus de démontrer de sérieuses aptitudes physiques, mentales, morales, techniques ainsi qu’ à la pratique de la solidarité et…obéissance aux ordres.

 

Dans les faits, mon père (de la même génération que J-Pierre Roybon et de quatre ans son aîné) avait été exempté de son service militaire car il était devenu « fou » au moment de le faire ou après avoir échoué au bac. J’ai un peu oublié la chronologie aujourd’hui. Par contre, j’ai fait mon service militaire même si j’ai passé la plus grande partie de mon service militaire à exercer en tant qu’infirmier diplômé d’Etat…en psychiatrie : pas mal pour quelqu’un dont le père était devenu « fou » une génération plus tôt au moment de faire son service militaire ou après avoir échoué au bac !

Pendant mon service militaire- encore obligatoire alors- je me suis un moment demandé si j’allais m’engager. En tant qu’infirmier. Non pour des raisons patriotiques ou guerrières. Je n’ai jamais été séduit par les attraits du clairon nous commandant de servir de chair à canon pour quelques décideurs protégés et dont les motivations profondes m’étaient étrangères. Peut-être aussi que ma filiation antillaise ainsi qu’avec l’histoire de l’esclavage m’a fait grandir dans une certaine méfiance envers la Nation française et blanche. Et je reste sceptique devant le sacrifice (« oscarisé » pour Denzel Washington) lors de la guerre de sécession de certains esclaves noirs américains dans le film Glory réalisé en 1989 par Edward Zwick.

 

A Lourdes, pendant mon service militaire en 1993, on nous avait ainsi servi des défilés militaires de différents pays et des images montées afin de nous sensibiliser à l’horreur- réelle- de la guerre au Kosovo. Si d’autres appelés venus comme moi à Lourdes avaient alors manifesté leur bruyant et enthousiaste patriotisme ainsi que leur émotion, j’étais resté discrètement perplexe devant la mise en scène de ces défilés militaires comme devant les images- et la musique- que l’on nous avait présentées.

Néanmoins, en lisant le livre de J-P Roybon, il m’est apparu que j’étais aussi attaché à ce qu’il décrit en matière d’abnégation de soi, d’efforts, d’entrainement physique et mental intense, d’éducation personnelle, de rite initiatique et d’apprentissage de la vie d’adulte et de la rencontre d’amis véritables et durables. Comme on peut le dire quelques fois crument :

Lorsque l’on en chie avec quelqu’un, on apprend à se connaître et il est impossible de se mentir à soi-même comme aux autres. Et J-P Roybon, lors de ses diverses formations, en a « chié » avec d’autres.

Dans son récit, on retrouve donc de manière amplifiée ces valeurs- et d’autres- que l’on peut admirer et courtiser lorsque l’on regarde la figure des samouraï ou de toutes ces femmes et ces hommes combattants qui sont au rendez-vous de certains codes d’honneur et actes héroïques. Quelle que soit leur place vis-à-vis de la « Loi » :

Qu’il s’agisse d’une femme ou d’un homme résistant lors de la Seconde guerre Mondiale ou lors de la guerre d’Algérie, côté algérien. Qu’il s’agisse d’une femme ou d’un homme esclave qui marronne. D’une personne déportée qui s’échappe d’un camp de concentration. D’une victime qui se soustrait à son agresseur. Qu’il s’agisse d’un soldat ou d’un Samouraï.

Bien-sûr, au cinéma, on peut penser aux yakuzas tels que nous les a montrés un réalisateur comme Takeshi Kitano dans ses films Sonatine, Hana-Bi , Aniki, mon frère ou autres. Mais on peut aussi penser au personnage interprété par De Niro dans Heat de Michael Mann. Au personnage de garde du corps puis de tueur tenu par Denzel Washington dans Man on Fire de Tony Scott. Ou au rôle tenu par l’acteur Mads Mikkelsen dans le film Michael Kholhaas réalisé en 2013 par Arnaud des Pallières. On peut aussi penser à la première heure du film Jeanne d’Arc de Luc Besson. On peut également penser à certains intellectuels qui, à certains moments de l’Histoire, ont fait entendre leur voix, leur conscience et leur identité : Les Aimé Césaire, Gilbert Gratiant, Dany Laferrière et d’autres dont les musiciens et chanteurs Arthur H et Nicolas Repac ont mis en musique certains des textes et poèmes dans le très bel album L’Or noir sorti en 2012.

 

 

 

On peut bien-sûr penser à beaucoup d’autres figures féminines, masculines, historiques, contemporaines ou « fictives » qu’elles soient connues, oubliées ou inconnues, consensuelles, contrastées ou transgenres, chacun et chacune choisissant ses modèles selon ses propres critères, besoins et urgences personnelles et morales. Certaines personnes penseront à l’exemple de Simone Veil, d’autres à la navigatrice Ellen Mac Arthur, à la militante Angela Davis, à l’artiste Nina Simone, ou à PJ Harvey, Lady Gaga, Madonna, Beyoncé….

 

 

Ma vie personnelle et ma personnalité ont connu, connaissent et accomplissent un engagement moins extrême que ces exemples réels ou fictifs. J’ai pourtant connu des moments de ma vie où je me dirigeais vers ce genre d’engagement ou de rapport à la vie. Et où j’étais plus « rustique ». Plus engagé. Plus dur au mal. Je pense par exemple à ces deux ou trois années de ma vie, ou, adolescent, je m’entraînais avec assiduité à l’athlétisme avec certains copains. Et où j’aurais été capable- sans dopage- de donner encore plus de ma personne si mes résultats m’y avaient encouragé et que ma forme physique et morale me l’avaient permis.

Je pense aussi évidemment au moins à mes études d’infirmier d’Etat qui, dès la sortie du lycée, avant mes 18 ans, m’ont fait rentrer dans la tête une vision et une expérience du Monde et de la vie bien différente de celle que l’on peut s’en faire en allant au lycée, à l’université ou en effectuant des études où sang, viscères, éliminations de l’organisme et diverses maladies et états de santé restent, sauf drame familial et personnel, une expérience limitée dans l’espace et le temps ou circonscrite à la lecture d’un livre, la vision d’un film, d’un reportage ou à la découverte d’un fait divers dans les média et les réseaux sociaux.

Pour avoir passé trois ans à la Fac après l’obtention de mon diplôme d’Etat d’infirmier, je peux témoigner que mon regard sur le monde et sur la vie était assez différent de celui d’un certain nombre de mes sympathiques camarades de DEUG d’Anglais. J’avais pourtant à peine deux ou trois ans de plus que la majorité d’entre eux. Et si j’étais sorti du lycée comme eux en arrivant à la fac, j’aurais sans aucun doute été dans le même état d’esprit que la plupart d’entre eux. Même si j’avais pu y côtoyer un camarade se rendant avec ses parents au Kénya pour y faire un safari durant les vacances de Noël, une autre dont le rêve était que ses parents lui achètent un cheval avec le box qui va avec. Même si j’avais pu voir une étudiante engueuler – telles de vulgaires gouvernantes- deux secrétaires de l’âge de sa mère au motif que lors des dates de partiels de rattrapage elle serait…en vacances !

 

Je crois que mon « décalage » mental avec mes camarades de l’université, sans doute déjà à l’œuvre en sourdine bien avant, m’a en fait poursuivi, rattrapé et s’est accentué à mesure de mes années d’exercice infirmier et de ma vie d’adulte. Dans mes relations personnelles mais aussi professionnelles :

Signe que je suis encore un naïf et un « gentil », je reste étonné devant la vanité de certaines relations et rencontres dont je parle un peu dans mon article Paranoïa Sociale.

 

Il est aussi vrai qu’à mon niveau, je me suis « embourgeoisé ». Je me suis détendu avec les années et « laissé aller ». Je le vois à des indices très simples qui pourraient faire sourire mais qui, moi, me gênent un peu :

J’estime avoir entre trois et cinq kilos en trop et avoir un peu de ventre. Et j’ai beaucoup de mal à les perdre. La solution, pourtant simple, qui consiste à se dépenser physiquement, intensivement, de manière régulière, me résiste. Pourtant, j’aime faire du sport. Et je suis capable d’en faire seul, peu importe la température extérieure. Avec une préférence, quand même, pour les températures basses lorsqu’il s’agit de courir à l’extérieur.

J’ai aussi un découvert bancaire chronique. Avec les années, j’ai accumulé des objets dont je ne me sers pas ou très peu. Si je m’étais dispensé de la moitié voire du quart d’entre eux, mon solde bancaire serait sans doute créditeur et cela jusqu’à ma mort voire au-delà.

Je continue pourtant assez régulièrement de me trousser de jolies petites histoires où il est question de nouveaux objets à acquérir.

Nous avons dû obtenir un crédit immobilier pour l’achat de notre appartement.

 

« Avant », j’aurais sans doute déjà perdu ces kilos et ce ventre. « Avant », je me serais habillé comme un chien. J’aurais mangé du pain industriel et acheté les paquets de gâteaux ou de biscuits les moins chers au kilo.

« Avant », je serais demeuré locataire de mon appartement. Je n’aurais pas fait d’enfant. Je ne me serais pas marié.

 

Mais j’aurais quand même été incapable de supporter les entraînements et les risques que J-P Roybon nous décrit lors de sa formation de nageur de combat. Comme j’aurais été incapable d’obtenir la multitude de qualifications qu’il a obtenues. Et je n’aurais pas pu, je crois, désirer comme lui mettre en pratique ce qu’il a appris pour son « métier des armes ». Car contrairement à lui, à la destruction, j’ai dès le début préféré…la reconstruction, la guérison. L’apaisement. La compréhension. L’intellectualisation du Monde qui m’entoure. Ou à peu près tout ce qui pouvait me permettre de m’en rapprocher. C’est peut-être seulement une question de tempérament. Ou de paquetage émotionnel personnel.

Même si dans son récit, il ne dit rien concernant un éventuel besoin de revanche familial qu’il aurait eu à satisfaire suite à un conflit armé passé ou à un drame intime ( viol, agression, meurtre d’un des membres de la famille). Même s’il parle quand même de quelqu’un de sa famille ou de son entourage qui a eu un parcours militaire, il parle de son « destin » militaire comme d’un rêve qu’il faisait depuis son enfance. Les posters dans sa chambre et autres trophées de la mer en attestaient.

C’est un fait : là où certains rêvent de guerres, d’autres rêvent de paix. Enfant, je sais que je rêvais beaucoup. Mais je ne rêvais pas de guerres et pas de la mer non plus.

De mon côté, question violence familiale et intrafamiliale, sociale, et personnelle, j’estime avoir été suffisamment « nourri » dès ma naissance : esclavage, milieu social modeste voire pauvre et rural, rejet de ma mère par sa famille avant ses 18 ans car enceinte( fausse couche), immigration de mes parents noirs de peau- et « Français » en métropole (la France, ex-pays colonisateur) depuis leur Guadeloupe natale depuis des générations, immeuble HLM en banlieue parisienne, etc….

 

Et afin de prévenir- ou d’éclaircir- à nouveau ce malentendu courant :

Je ne vois aucune vocation dans ma décision, avant mes 18 ans, de faire des études d’infirmier d’Etat. C’est simplement qu’en raison de mon milieu social moyen et de la vision du Monde, du marché du travail et de la vie, disons, un peu anxiogène, que m’ont transmis mes parents ( mes oncles et tantes, des cousines et des cousins, et avant eux, mes grands-parents et sans doute mes ancêtres)  j’ai opté pour un repli stratégique et plus « sûr » dans le fonctionnariat et des études d’infirmier d’Etat. Lesquelles études, je le rappelle, sont au départ principalement orientées vers la médecine et la chirurgie et non sur le travail psychique et psychiatrique qui était et reste, lui, plutôt perçu de manière péjorative.

Je suis un infirmier diplômé d’Etat qui, à un moment donné, a choisi de travailler en psychiatrie. Dans les années 90. A une époque où j’étais plus « rustique » que maintenant.

Le caractère ou le tempérament plus ou moins « rustique » de mes parents les a à la fois pourvus- comme pour tant d’autres parents et individus- de cette robustesse qui leur a évité alcoolisme, dépression, délinquance, chômage, cancer et autres défaillances humaines. Et on retrouve sans aucun doute cette robustesse et cette « rusticité » chez les pionniers, les explorateurs, les aventuriers, les guerriers, les survivants mais aussi chez bien des héroïnes, héros et sauveteurs. Ainsi que chez beaucoup d’autres personnes « normales » que nous connaissons et rencontrons ou auxquelles nous devons beaucoup. Raison pour laquelle il faut essayer de se garder de juger de manière expéditive celles et ceux que l’on a spontanément envie de qualifier de personnes « bourrines » ou peu éduquées parce qu’elles manqueraient de délicatesse, de discussion, de charme ou de sex-appeal.

Je repense au navigateur Eric Tabarly qui répondait de manière laconique aux interviews. Je repense à Vélo, un cousin éloigné du côté de ma mère, que je n’ai jamais rencontré, mort pauvre, sans doute alcoolique et SDF. Vélo, Maitre Ka, est aujourd’hui une référence dans la musique antillaise. Et moi, plus lettré que lui, si on met un tambour devant moi, je ne sais même pas où poser mes doigts et c’est alors moi, « l’île-lettrée ». Bien-sûr, c’est déjà bien que je connaisse son nom ainsi que celui d’Alain Péters dont la trajectoire a finalement été assez jumelle. C’est peut-être pour ça, d’ailleurs, que l’histoire personnelle de ce dernier me parle autant. Alain Péters et Vélo font peut-être partie de mes Twin Towers intérieures que le Monde a vu s’effondrer le 11 septembre 2001.

 

Mes parents, eux, ont sûrement fléchi plus d’une fois. Mais ils sont restés droits. Ils ne sont pas tombés comme ces tours immenses, arrogantes et voyantes. Et lorsque j’écris que les Twin Towers étaient « arrogantes et voyantes », j’écris ici ce que j’imagine de ce qu’elles devaient inspirer aux intégristes qui les ont détruites et qui voudraient aussi détruire les femmes sans voile : si cela avait tenu à moi, les Twin Towers seraient toujours présentes. Comme mes parents, mes premières Twin Towers, sont aujourd’hui toujours présents.

 

Néanmoins le caractère ou le tempérament plus ou moins « rustique » de mes parents fait aussi qu’ils ont fait et font partie de ces nombreuses personnes qui n’ont jamais consulté et ne consulteront jamais un psychologue ou un professionnel lui ressemblant en cas de détresse ou de souffrance morale. Et qu’ils n’ont donc jamais considéré que cela pourrait éventuellement servir à un de leurs enfants.

 

Aujourd’hui et demain, il subsiste et subsistera des parents hermétiques à la psyché telle qu’on l’appréhende en occident. Pour ces quelques raisons, je crois être suffisamment équipé pour comprendre l’esprit qui a pu animer J-Pierre Roybon lors de son apprentissage militaire et tel qu’il nous le décrit dans son livre que j’ai bien aimé. Même si, contrairement à lui, je ne suis pas un guerrier. Du moins, est-ce ce que je crois ou ai besoin de croire et de me trousser comme histoire.

 

Dans une des conclusions de son livre, il écrit, page 443 :

« Certes, ma vie personnelle n’a pas été à la hauteur de mes réussites militaires mais les joies que m’avaient procurées ces années sous les drapeaux ont su combler certaines désillusions ».

Un peu plus loin, il confie son regret, devant la fin de la guerre du Vietnam, d’avoir été en quelque sorte « privé » de guerre sur le terrain et de la possibilité de mettre en pratique ce qu’il avait appris. S’il est né en 1948, J-P Roybon mentionne très indirectement et de très loin Mai 1968 et les mouvements pacifistes et hippies des années 60 par ce biais :

Seulement pour dire comme cette transformation du Monde, de la Société et de la Politique l’ont privé, lui et d’autres, de certaines sagas militaires. Et aussi que certaines valeurs d’honnêteté, d’engagement, de courage, de respect du drapeau et de la Marseillaise, se sont perdues. A ce stade, et même avant, on peut craindre que son témoignage soit porté par un courant profondément frontiste, raciste, passéiste, colonial et paramilitaire.

Sauf qu’il refuse l’aventure de l’Afrique, substitut aux militaires engagés en manque d’action pour cause de fin de guerre du Vietnam comme il nous l’explique en quelques lignes, page 444 :

« En 1973, la signature des accords de Paris mettait fin au conflit en prévoyant le retrait des forces US dans un délai de 60 jours. Tout était plié, terminé. Les combattants super-entraînés que nous étions devenus n’auraient donc pas la possibilité de mettre en pratique ce à quoi ils étaient destinés ; en fait nous étions des pur-sang interdits de courses. Alors plutôt que d’aller brouter l’herbe des hippodromes ou terminer dans un haras uniquement pour la reproduction équine, autant reprendre la vie sauvage vers des horizons nouveaux. L’Afrique en ce temps-là offrait ces perspectives, pour des hommes aux « aptitudes particulières », mais la formation qui avait été la mienne m’interdisait moralement de me battre en échange d’un chèque, fut-il très conséquent… Comme d’autres camarades, sans attendre l’âge de la retraite, je me suis remis en question et j’ai alors quitté la Marine pour la vie civile. L’appel de la mer était toujours très fort pour moi et en fonction de mes qualifications, je n’avais que l’embarras du choix pour trouver un travail dans le milieu sous-marin ».

 

Dans ce choix que J-P Roybon fait de refuser, comme plusieurs de ses camarades, de devenir mercenaire, j’ai immédiatement pensé à la personnalité d’un Bob Denard dont les agissements avaient pu être médiatisés dans les années 80-90. Sur un autre terrain et dans un autre cadre, cela peut aussi expliquer que Ange Mancini , ex-patron du Raid, ex-préfet de la Martinique, à la retraite depuis 2013, soit depuis associé au groupe Bolloré en Afrique pour la construction d’un chemin de fer de « 3000 kms en Afrique de l’Ouest ».

Ange Mancini est l’aîné de quatre ans de J-P Roybon. Mais les deux hommes, de la même génération, ont sûrement bien des points communs dans leur parcours personnel et professionnel. Bolloré, quant à lui, pour des générations plus « jeunes », nées dans les années 60 et après, c’est le fossoyeur d’un certain esprit Canal+, d’une certaine insolence et fantaisie. La fin d’un Monde ou du Monde. D’une certaine façon, on peut dire que Bolloré a officialisé le retour d’une certaine rusticité -mais dans le mauvais sens du terme- dans le milieu de la politique, de la télé, de l’économie, de l’art de s’exprimer et du divertissement. Du fric. Lorsque le groupe Chic chante  » Le Freak, c’est chic », quarante ans plus tard, ça peut toujours entraîner et faire danser malgré le jeu de mot Monstre/ fric. Mais lorsque Bolloré a commencé à agir sur Canal+, danser signifiait être éjecté de la piste de la chaine cryptée. Etre déclassé et dégradé. Partir à la casse.

 

Un peu plus loin, J-P Roybon écrit, page 445 : « (….) Dans cette ambiance très particulière qui se trouvait en total décalage avec mes plongées civiles ou militaires, j’appris à construire ou reconstruire des ouvrages portuaires que j’avais été précédemment formé à démolir, activité dans laquelle je m’étais montré assez compétent(…) ». « (….) Mon nouveau statut m’emmena dans l’océan pacifique, sur les sites nucléaires ainsi que les îles ou atolls sur lesquels mes services étaient demandés, puisque j’étais responsable des plongeurs polynésiens de l’AMM ( Arrondissement Mixte de Mururoa). Je rencontrai alors les peuples de la mer et je dois avouer qu’ils m’ont beaucoup appris, dans un domaine où je pensais tout connaître ».

 

« (…) Bien des années plus tard, je quittai le monde professionnel et de nouvelles aventures beaucoup plus paisibles s’ouvraient à moi car comme tout plongeur ayant eu le privilège de voir et connaître ce qu’il y’a de mieux sous la surface des mers, au fil du temps je suis devenu un contemplatif « subaquatique ».

 

Elle est peut-être là, la principale différence entre un guerrier, une personne qui s’agite et consomme, un terroriste et un pacifiste :

les trois premiers ont besoin d’action pour espérer s’accomplir et s’apaiser quitte à tout raser autour d’eux s’il le faut. Le dernier, lui, cherche davantage à maintenir le calme en lui et autour de lui et à accéder à la contemplation.

Finalement, le récit de J-P Roybon est une autre version de la quête du Ying et du Yang. Et il semble qu’après bien des épreuves, il s’en soit rapproché.

Franck Unimon, ce vendredi 9 aout 2019. 13h08.

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Croisements/ Interviews

Journée Portes Ouvertes au Qu4tre à Argenteuil 2ème et dernière partie

Oeuvres de l’artiste Chemmane.

 

 

 

 

 

On se souvient que les 25 et 26 Mai derniers se déroulaient les journées portes ouvertes au Qu4tre, à Argenteuil, dans le quartier du croissant ferré. J’en avais donné un aperçu dans mon article Journées Portes Ouvertes au Qu4tre à Argenteuil les 25 et 26 Mai 2019.

J’avais laissé d’autres photos à quai. Il était temps de les laisser (re) prendre le chemin des regards et des pensées.

 

 

Oeuvres de l’artiste Cécile Thonus.

 

 

Sculptures, photos, peintures, êtres imaginaires ou invisibles aux ossatures écloses. Ils se sont entendus avec leurs « révélateurs » pour être épandus.

 

 

Photos de l’Association  » Vues d’En Bas » qui a pour but de rendre à nouveau visibles les personnes invisibles et précaires.

 

 

Courroies de distribution, figures de bitume que triturent des esprits-proies, des écrits au trot recommencé, effiloché, sur la pointe des pieds.

 

 

Oeuvre de Virginie Jacquette.

 

 

Corps arrêtés, coeurs vitrés.

 

 

 

Photos de Xavier L comme Lahache.

 

 

Instants donnés. Instantanés.

 

 

Oeuvre de l’artiste Hopare.

 

Sous la tente, entre un soleil couchant qui maintient éveillé(e).

 

 

Photo Xavier L.

 

 

L’Indienne Patti. C’est elle qui est prise, c’est elle qui nous prend.

 

 

Oeuvres de Cécile Thonus.

 

 

Modèles réduits de ces explorations que l’on fait avec les doigts, bronze et bois.

 

 

 

Figées de vie, connues d’une lave sortie.

 

Photos de l’association  » Vues d’en Bas ».

 

Au fond de la cuisine.

 

 

« Je n’habite pas ici » ( L’artiste Virgine Jacquette).

 

 

Photo Xavier L.

 

Cherche petit studio meublé avec un bon couloir où se défouler. Et plus, si éternité…

 

 

 

 » Je ne suis vraiment pas photogénique ». ( L’artiste Chemmane).

 

 

Assise dans le canapé, à contre-jour, l’artiste Virginie Jacquette.

 

Dans une salle d’attentes.

 

 

Oeuvres de Cécile Thonus.

 

Mais que font-ils ?

 

 

 

Oeuvres de l’artiste Chemmane.

 

Nous sommes prêtes, Toni.

 

 

Oeuvre de Cécile Thonus.

 

 

Textes et photos de Franck Unimon ( exceptions faites des photos de l’association  » Vues d’en bas » et de  Xavier L comme mentionnées).

 

Franck Unimon, ce mercredi 7 aout 2019.

 

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Cinéma

The Fall

 

 

                  The Fall, une série crééé, scénarisée et réalisée par Allan Cubbit.

 

 

Je n’avais jamais entendu parler de cette série (2013-2016) comme d’Allan Cubbit auparavant. Un jour, ma compagne est rentrée avec le dvd de la saison 1 de The Fall. Une de ses connaissances la lui avait donnée. Ce dvd m’a d’abord fait l’effet de ces dvds que l’on trouve bradés à un ou deux euros dans les supermarchés.

J’avais bien reconnu l’actrice Gillian Anderson, l’un des personnages principaux ( Scully) de la série X-Files. C’était au vingtième siècle. La série, malgré son succès, m’avait peu captivé. J’ai le souvenir de créatures extra-terrestres maquillées grossièrement.

Le DVD de la saison 1 de The Fall est resté parmi d’autres durant un bon mois. Puis, j’ai rappelé à ma compagne l’existence de ce dvd qu’elle avait un jour ramené du monde extérieur. Entretemps, je n’avais faite aucune tentative de recherche de renseignements à propos de cette série. A l’image d’un mauvais enquêteur ou d’un mauvais journaliste, seuls mes a priori faisaient loi. The Fall a fait tomber ces mauvaises pensées. Plusieurs jours sont passés depuis que nous avons regardé le dernier épisode de cette série qui compte trois saisons. Et aujourd’hui subsiste un étonnement grandissant devant The Fall :

Un étonnement fait de ces cercles dans l’eau, qui, depuis leur isolement et leur discrétion d’abord microscopique ceinturent subitement toute la mesure de notre regard avant de se faire attraper par l’horizon.

The Fall se passe aujourd’hui en Irlande. Stella Gibson (l’actrice Gillian Anderson), enquêtrice londonienne de pointe est sollicitée par une vieille connaissance :

Un officier irlandais à visage de Droopy. Un de ces hommes consciencieux, trop sérieux, à la carrière honnête, qui s’est éloigné du terrain pour se rapprocher de fonctions plus politiques où il s’agit de se mettre bien dans le cadre et d’être conforme à l’image et au protocole. Mais ça presse et il y’a plus important que de détailler son profil. Car une femme d’une trentaine d’années, belle, a été assassinée. Et il n’y’a aucune piste.

La véritable « particularité » de cette femme est son statut social. Architecte célèbre, Alice Munro, la trentaine, est l’ex-belle fille d’un homme important de la société irlandaise. Un peu comme si, sans le souhaiter, demain, l’ex-belle fille d’un des grands patrons de France, se faisait assassiner. Si la victime avait été une femme de classe moyenne, gilet jaune, sans papiers ou migrante, peut-être que la « blonde » Stella Gibson n’aurait pas été appelée pour guider et mener cette enquête.

Une des originalités de The Fall est donc qu’un homme d’expérience appelle une femme d’expérience dans le domaine de l’enquête policière. Et que cette femme est une « étrangère » et une adversaire historique ( se rappeler l’Histoire entre l’Angleterre et l’Irlande). Ce qui signifie que les rapports entre les deux pays a évolué pour le mieux au point de pouvoir désormais s’entraider l’un et l’autre. Mais aussi que The Fall confie à une femme le rôle du héros encore majoritairement attribué à un homme dans les séries comme dans les films.

The Fall brille aussi par quelques défauts. Si la série est un très bon moyen de découvrir l’Irlande de l’intérieur et son identité duelle et fratricide, le réalisateur se montre moins engagé ou moins inspiré lorsqu’il fait intervenir certains activistes irlandais : il en fait des beaufs. Mais ces ratés – et d’autres- sont consommables.

Stella Gibson, elle, brille de mille peaux : Highly Educated ( très qualifiée, très cultivée), Emancipated ( Libre de tous ses frémissements d’organes), Extremely Attractive ( il faut vraiment faire l’article ?) Utterly Reliable ( Totalement fiable). C’est simple, The Fall m’a réconcilié avec l’Anglais. Peut-être parce-que l’accent « saucisson » de l’Américain m’avait détourné des terres académiques de l’accent britannique. Et scolaire. Mais avec Gillian, pardon, avec Stella Gibson, l’Anglais académique se fait la classe du trouble.

En plus, Stella est une éminente pédagogue, une fervente psychologue, une sportive accomplie (elle nage). Un quart de siècle après X-Files, on regrette d’avoir sous-estimé la très belle femme et la très subtile actrice qu’est Gillian Anderson. On voudrait se jeter à l’eau et faire bien des langueurs avec elle mais notre crime a été commis bien des années plus tôt. Et c’est irréparable. Et puis, Stella Gibson n’est par nourrice agréé. Plutôt épingle. Aussi rude que délicate, aussi imparfaite que son éclat, telle est Stella Gibson. Attirante, touchante et protectrice par endroits, froide, provocatrice et technique par ailleurs. Toujours précise.

L’autre triomphe de The Fall est de développer les répercussions des meurtres et de la gestion de l’enquête sur plusieurs des protagonistes que l’on apprend à connaître. Et chacun, malgré ses forces environnantes, connaît sa chute personnelle plus ou moins forte.

Il y’a dans The Fall un lien équitable entre la progression de l’enquête, l’opposition entre les enquêteurs et le tueur, et les incidences sur celles et ceux, non préparés, qui s’y trouvent confrontés.

The Fall, série policière qui se déroule en Irlande est une histoire explosive sans une seule explosion. Les attentats, ici, sont les meurtres et certaines mœurs. Comme souvent sauf qu’on l’oublie ainsi que la solitude qui, généralement, s’ensuit.

Franck Unimon, ce mardi 6 aout 2019.

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Lille J + 4

Oeuvre de l’artiste Iwy Lahcen

 

 

 

 

 

 

Lille J + 4

 

 

Notre séjour à Lille s’est terminé dimanche. Lille était nouvelle pour nous, en couple avec enfant. Nous n’attendions rien de particulier de Lille. Nous avions eu de différents bons échos depuis des années. Mais elle était restée cette ville secondaire dans nos pensées : Trop proche. A une heure de Paris en TGV. Trop au Nord. Et aussi trop loin de la mer et de la montagne. Même si « Lille, c’est pratique pour aller ensuite à Amsterdam, en Belgique ou à Londres ». Et puis, « La Grande braderie de Lille… ».

Six nuits sur place ont été insuffisantes pour échapper à cet effet secondaire de Lille : Cette ville nous a beaucoup plu. Devant Bordeaux et Rennes. C’en est même suspect. Très suspect. Qu’est-ce qu’on nous a caché ?

Cette ville nous a sûrement caché quelque chose.

Dans Lille-centre près de la rue de la Monnaie ou dans la rue de la Monnaie.

 

Essayons donc d’être méthodiques : durant cette petite semaine à Lille où nous avons effectué tous nos déplacements en transports en commun ou en marchant, il a fait beau la plupart du temps. Nous sommes bien-sûr allés dans les « vannes » à touristes. Dans les « bons » coins. En semaine à partir du lundi et aux heures creuses. Et de jour. Nous n’avions pas de raison particulière d’aller effectuer des selfies nocturnes en famille dans certaines sphères sensibles a priori situées-concentrées au « sud » de Lille.

 

 

Néanmoins, mes perceptions sur cette ville ont assez peu varié depuis notre retour. On sent à Lille un héritage historique particulier. Je le dis parce-que je l’ai lu :

Cette ville a morflé à chaque fois durant les deux Guerres Mondiales du 20 ème siècle. Son patrimoine picard et flamand ainsi que les diverses immigrations ont aidé à sa reconstruction et à son impulsion actuelle. La naissance sur son sol de Charles de Gaulle a fait de cette ville une terre Gaulliste. Et il m’a fallu ce séjour pour mieux comprendre à travers une ou deux plaques de commémoration comme, pour Pierre Mauroy, Maire de Lille en 1981, cela avait dû être une très forte victoire politique, personnelle et symbolique d’être le premier Premier Ministre du président socialiste François Mitterrand, un demi-siècle après Léon Blum.

 

 

Même si, ensuite, Pierre Mauroy avait dû laisser sa place de Premier Ministre et que peu à peu, le parti socialiste de François Mitterrand s’était révélé moins « beau » que ce qu’il avait promis d’être.

 

 

En se déplaçant dans le centre de Lille et ses quartiers les plus emblématiques, on perçoit la volonté- socialiste ?- depuis des années, de faire de cette ville un essaim d’horizons. Par ses deux gares à TGV, bien-sûr, Lille-Europe et Lille-Flandre (une station de métro ou dix minutes de marche à pied les séparent). Par son métro qui, s’il est moins dense que le métro parisien, est bien pratique couplé à ses autres moyens de transports en commun. Et par ses infrastructures, étudiantes, commerçantes…

 

Le sens de l’accueil lillois s’est confirmé à plusieurs reprises. Mais il faut aussi savoir se rappeler lorsqu’on s’attèle à critiquer le mépris parisien que Lille et sa région sont nettement moins peuplées que Paris et ses villes de banlieue. Par ailleurs, ce samedi vers 18h, j’ai brièvement fait l’expérience de remonter la rue Esquermoise à une heure de grande affluence. J’y ai été bousculé- à l’épaule- sans ménagement et sans un regard par une femme d’un certain âge qui m’a semblé faire partie de ce grand troupeau qui allait se vider vers le « Vieux-Lille ».

Dans le Vieux-Lille.

 

 

A défaut de pouvoir nous rendre sur le marché de Wazemmes (un des plus grands de France) quelques heures plus tôt, nous nous étions rabattus sur ses Halles le samedi midi au même endroit.

Les Halles de Wazemmes ce samedi. Le marché a lieu les mardis, jeudis et dimanches. Il semblerait qu’il soit plus beau les jeudis et les dimanches.

 

Les Halles de Wazemmes sont elles ouvertes du mardi au dimanche comme indiqué.

 

Les Halles de Wazemmes est/sont un lieu très agréable, entouré de bâtiments qui, déjà, montraient une ville de Lille moins épanouie même si ce quartier, en raison de sa mobilisation artistique et culturelle, ferait partie des quartiers qui « montent » à Lille.

 

 

 

En sortant du métro, des affiches annonçaient la manifestation du 20 juillet – à Paris- en mémoire d’Adama Traoré.

 

 

Cependant, dans ce quartier de Wazemmes, il y’avait de la vie et une ambiance paisible.

 

Ensuite, notre passage à Roubaix avait été assez déprimant. Une ou deux semaines avant nos vacances à Lille, j’avais croisé deux jeunes de Roubaix près de la rue Montorgueil, à Paris. Lorsque je leur avais demandé ce qu’il y’avait à voir ou à faire à Roubaix, les deux jeunes, d’une vingtaine d’années, m’avaient répondu stoïquement :

« Il n’y’a rien à Roubaix… ».

 

 

J’avais alors tenté : « Et la piscine de Roubaix ? ». Assurément, ils savaient de quoi je parlais mais ça les concernait très peu. Le musée de la Piscine de Roubaix a une très bonne côte y compris à Paris.

 

Je voulais absolument y aller pour l’exposition consacrée à l’Algérie. J’avais simplement oublié que cette exposition s’était terminée le 2 juin de cette année. Nous y sommes néanmoins allés car c’était un endroit « où aller » lorsque l’on est à Lille. Et les photos aperçues de la piscine de Roubaix m’avaient donné envie. Ainsi que l’exposition de l’artiste ISE.

 

 

ça m’a fait tout drôle, en sortant du métro, non loin de la gare de Roubaix, de voir ces rues désertes et ces commerces fermés un samedi, vers quatorze heures. J’ai pensé à ce que j’avais pu entendre dire de Detroit ( aux Etats-Unis), ville coulée économiquement et socialement par la crise et la fermeture des usines automobiles. Même si certains projets en particulier écologiques s’y développeraient. En nous rapprochant de la piscine de Roubaix, un peu plus bas, une statue commémorait celles et ceux de Roubaix qui s’étaient, de par le passé, sacrifiés.

Au fond à gauche, la statue à la mémoire des martyrs de la résistance.

 

Je me suis dit que cela devait être ça : à un moment de son histoire, Roubaix, qui est à 16 stations de métro de Lille soit à une vingtaine de minutes, et sa population avaient été sacrifiés et beaucoup de monde, ici, avait décidément beaucoup de mal à s’en remettre.

 

Le musée de La piscine de Roubaix a été une espèce d’oasis. Nous y avons aussi sans doute croisé autant de personnes que dans les rues de Roubaix.

 

 

 

 

 

Buste de jeune fille, oeuvre en marbre et lapis-lazuli réalisée en 1889 par l’artiste Jean Dampt.

 

 

 

 

 

 

En sortant de la piscine de Roubaix, nous nous dirigions vers un « commerce » où l’on pouvait être susceptible d’acheter du linge de maison de bonne qualité. Après avoir dépassé un terrain de basket où quelques jeunes jouaient. Le terrain de basket était derrière le musée de la piscine.

Je m’étais demandé si ces jeunes qui jouaient au basket en plein soleil étaient allés une seule fois se mettre à l’ombre au musée de la Piscine. Par expérience, je sais que l’on peut multiplier pendant des années nos regards sur un lieu « prestigieux » et vecteur d’avenir et s’en soustraire car on le trouve trop abstrait. Même s’il est ouvert au plus grand nombre et à l’addition des chances.

 

 

Nous nous étions éloignés d’une bonne centaine de mètres de ce terrain de basket quand j’ai entendu plusieurs coups de klaxon suivis de : « Hé, Négro ! ». Un angle de mur et plusieurs mètres me séparaient de celui qui appelait. Estimant que cette personne devait sûrement s’adresser à quelqu’un d’autre, après une ou deux secondes, sans même me retourner, j’ai donc repris ma marche. Ça ne pouvait pas être moi. Et puis, j’ai entendu deux hommes qui se parlaient, contents de se revoir.

 

 

Il nous a fallu plus de temps pour aller jusqu’au magasin de linge de maison que pour en repartir.

 

 

Une ouvrière très aimable m’a ouvert la porte puis est retournée à son atelier. Je la voyais comme elle me voyait à travers deux fenêtres ouvertes. J’ai regardé les serviettes. Et d’une, toutes ces serviettes étaient laides avec cette inscription « La piscine ». Et de deux, cela me mettait très mal à l’aise de déranger cette ouvrière qui, si elle bénéficiait sans doute de meilleures conditions de travail qu’ailleurs, me donnait l’impression de remplir ainsi deux fonctions. Nous sommes très vite repartis. Bien-sûr, Roubaix n’est pas Lille. Et le Maroilles n’est pas le camembert. Et, Bien-sûr, à Roubaix comme à Lille, il y’a des personnes pleines d’énergie et qui s’en sortent. A notre arrivée à Roubaix, il s’était mis à pleuvoir et il faisait assez gris. Lorsque nous sommes sortis de la piscine de Roubaix, il avait arrêté de pleuvoir. Et il y’avait un très beau ciel bleu. A la gare, un homme nous a dit qu’il n’y’avait pas de train aujourd’hui. Alors, nous sommes repartis comme nous étions arrivés. Par le métro.

 

Je suis descendu à la station Rihour où j’ai vécu un peu le centre de Lille un samedi en fin d’après-midi, à une heure d’affluence. Avant notre départ le lendemain, je voulais faire quelques derniers achats de pâtisseries. J’ai eu de la chance : j’ai obtenu la dernière brioche sucrée et le dernier pot de glace à la vanille de 500 ml chez Méert où des gens faisaient désormais la queue tandis que dans la rue des passants lorgnaient sur la vitrine.

 

Juste derrière moi, une femme arrivait trop tard pour acheter sa brioche sucrée. L’employé a fait un peu d’humour : « Faites monter les enchères… ».

 

 

 

Devant moi, un couple de jeunes (re)faisait l’expérience de se sentir des personnalités importantes en commandant des pâtisseries pour eux et leurs amis. Chez le pâtissier Alex Croquet, j’ai eu la chance d’acheter la dernière ensaimada.

 

 

 

Puis, je me suis fait un peu secouer par une femme-bovidé en retournant au métro. J’ai néanmoins réussi à retourner à notre appartement sans me faire encorner.

 

A Lille et dans ses environs, nous n’avons pas pu prendre le temps d’aller découvrir la gare St Sauveur, le marché de Wazemmes, les Prés de Hem, le Musée de l’Air ainsi que sa vie nocturne. Sa célèbre grande braderie a lieu « le premier week-end du mois de septembre ». La ville de Lille possède sans aucun doute encore bien d’autres attraits.

 

Cet article clôture mes portraits de Lille démarrés dans mes articles précédents Lille-Jour 1Premières impressions lilloisesLille. Troisième portrait et Lille, vendredi 19 juillet 2019.

 

Franck Unimon, ce jeudi 25 juillet 2019.

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Lille, vendredi 19 juillet 2019.

Dans le Vieux-Lille. A quelques rues, se trouve la maison natale de Charles de Gaulle.

 

 

Hier encore, en apprenant où je passais mes vacances, mon interlocuteur, alors au Cap Ferret, m’a répondu :

 » Lille, c’est bien. Mais je préfère être près de la mer ». Je ne peux pas lui en vouloir. Etre aux abords de la mer, dessus ou dessous, cela fait de nous des libellules du possible.

Mais Lille nous plait beaucoup. Et nous allons continuer de profiter encore – un peu- de notre bulle « lilloise » pour apposer d’autres photos qui sont bien-sûr les fenêtres que nous choisissons d’ouvrir.

Cet article est la suite des articles Lille-Jour 1 , Premières impressions lilloises et Lille. Troisième portrait.

 

Au fond, le palais des beaux-arts.

 

Un danseur répète ses pas.

 

 

L’école supérieure de journalisme de Lille, très réputée.

 

Après l’enseigne Méert, cela a été un plaisir particulier de tomber par hasard sur le magasin de chaussures La Botte Chantilly et d’y entrer pour la première fois. Même si j’en suis ressorti les mains vides.

 

Dans la rue Esquirmoise ou près de la rue Basse, j’ai aperçu un passage qui n’a l’air de rien et que je n’avais pas remarqué les autres fois. En le prenant, je me suis trouvé dans cet endroit. En poursuivant, j’ai fait d’autres « découvertes ».

 

Iwy Lahcen est l’auteur de cette oeuvre.

 

 

Oeuvre d’Iwy Lahcen.

 

Je n’avais pas entendu parler de cet endroit. Mais je me suis aussitôt dit que j’étais bien tombé.

 

En outre, à quelques jours près, nous n’aurions pas pu en profiter.

 

 

 

 

 

 

 

Franck Unimon, ce vendredi 19 juillet 2019.

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Lille. Troisième portrait

 

 

 

Lille. Troisième portrait.

Une des sorties possibles de la gare Lille-Europe en se dirigeant vers la gare Lille-Flandre, vers le centre-ville et le vieux Lille.

 

En allant vers la gare Lille-Europe.

 

C’est dans cette rue que nous avions croisé les deux jeunes qui nous avaient recommandé le restaurant  » Les 3 Brigands de Di Napoli », rue St-Etienne. ( Mon article Lille-Jour 1 )

 

Dans le quartier St-Maurice.

 

 

 

 

C’est le journal qui m’a été présenté comme étant celui de référence concernant Lille.

 

A la Vieille Bourse de Lille.

 

A portée de voix de la place du Général de Gaulle.

 

 

Le long du quai du Wault.

 

Le Quai du Wault avec le coup d’oeil du soleil.

 

Un documentaire vu à Paris avant notre départ pour Lille. J’espère le chroniquer bientôt ainsi que  Le Chant de la Forêt et  Parasite.

 

Un incontournable. Je n’en n’avais jamais mangé.

 

Après être descendus au terminus de la ligne 1 du métro ( arrêt CHU-Eurasanté), nous avons pris un car ( fréquence : environ un car par heure). Vingt minutes plus tard, ce car ( le 229) nous a déposé près du parc Mosaic. Constitué d’aires ludiques pour les enfants et les familles, le parc Mosaic aspire au rassemblement des cultures, à la (re)connaissance de la nature ainsi qu’aux bienfaits de l’écologie. Nous sommes alors à une dizaine de kilomètres de Lille. Les trois photos suivantes ont été prises au parc Mosaic.

 

 

 

 

 

 

 

 

Franck Unimon, ce jeudi 18 juillet 2019.