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La Cité de la voile Éric Tabarly-Lorient visite guidée juillet 2025-deuxième partie

 

Port de Keroman, Lorient, près de la cité de Voile Eric Tabarly, juillet 2025. Photo©Franck.Unimon

La Cité de la voile Eric Tabarly-Lorient visite guidée juillet 2025- deuxième partie

Une ville n’est pas un bateau. Une ville, contrairement à une vie, ne prend pas le large. ( cet article est la suite de l’article Lorient visite guidée juillet 2025-première partie ).

Port de Keroman, Lorient, juillet 2025. Près de la Cité de la voile Eric Tabarly. Photo©Franck.Unimon

Sous diverses conditions, on s’amarre à une ville, à une commune ou à un village. Qu’on y fasse bonne fortune ou non, c’est plus ou moins un container dans lequel on se fait enterrer ou que l’on quitte pour un autre.

Entrée de la Cité de la Voile Eric Tabarly, juillet 2025. Photo©Franck.Unimon

 A la cité de la voile Eric Tabarly, nous avons appris qu’il se trouve 66 mers et 5 océans sur Terre. Depuis que j’ai appris ces chiffres, j’ai un peu essayé comme on peut jouer avec des dés et des idées, d’imaginer ce que pourrait être un monde « fait » par exemple de 1000 mers et 60 océans. Comment celui-ci serait habité et si nous y aurions exactement la même existence que maintenant.

Contrairement à d’autres, pour l’instant, je ne suis pas allé très loin dans mon scénario. Car il me manque quelques pièces, connaissances et expériences.

Parce que, surtout, je suis encore retenu par la croyance très courante parmi les coléoptères urbains qu’il me faudrait absolument tout connaître des éléments comme des instruments de mesure et avoir la carte de navigation- ou de gravitation- la plus complète possible pour partir.

Parce-que depuis cette visite de la Cité de la Voile Eric Tabarly au mois de juillet, je suis retourné à ma vie de coléoptère chez « moi » en ville, en région parisienne.

J’y connais bien sûr des bons moments.

Le groupe Justice en concert à Rock en Seine, fin Aout 2025. Photo©Franck.Unimon

L’article relatif au concert de Justice à Rock en Seine est ici Justice à Rock en seine ce 23 aout 2025 ). 

Mais je m’interroge. Comme chaque fois que l’on tente de scruter l’horizon ou des suppositions. Chaque fois que l’on parvient à assembler des forces isolantes – mais brèves- de lucidité en soi dans une existence qui paraît davantage bordée pour faire de nous des hémophiles ou des personnes qui ont à peu près peur de tout excepté de la dépression ou des addictions.  

Près de la Cité de la Voile Eric Tabarly, juillet 2025. Photo©Franck.Unimon

Mais pour l’instant – je suis un très bon comédien-  j’en suis encore à faire diversion. En mémorisant en théorie la différence entre une mer et un océan. 

A la cité de la voile Eric Tabarly, cette différence nous a été expliquée. La mer et l’océan ne sont pas – encore- des endroits auxquels on accède en prenant une autoroute à péage ou le métro en utilisant notre voiture, notre pass navigo, ou en jouant en réseau avec d’autres personnes que l’on ne voit jamais.

Pour les marins, la ville de Lorient est un bon tremplin vers ou sur la mer, ce fantôme qui n’attend rien de nous.

A la Cité de la Voile Eric Tabarly, Juillet 2025.

A la Cité de la Voile, nous avons appris qu’Eric Tabarly (1931-1998), Breton né à Nantes, fils de navigateur, marin, compétiteur, architecte, ingénieur, armateur, militaire de carrière mais aussi visionnaire qui, à chaque nouveau bateau, a révolutionné la construction navale- et qui s’était plus ou moins sédentarisé et même marié et avait enfanté tardivement- avait une affection particulière pour Lorient.

A la cité de la Voile Eric Tabarly, juillet 2025. Une reconstitution partielle de Pen Duick II conçu et piloté par Eric Tabarly.

Pour son ouverture sur la mer, les vents qui y permettaient de profiter de la navigation dans de très bonnes conditions pour qui sait naviguer bien-sûr et pour qui aime être en mer.

Pont de la Cité de la Voile Eric Tabarly, juillet 2025. Photo©Franck.Unimon

Un pont en hauteur relie la Cité de la Voile au port de Keroman. Le jour de notre visite, ma fille et moi y sommes restés à peu près cinq heures.

 

A la Cité de la Voile Eric Tabarly, juillet 2025. Photo©Franck.Unimon

 

Notre billet étant valable toute la journée, après une première visite, ma fille a souhaité y revenir le soir. Ce que nous avons fait environ trois quarts d’heure avant la fermeture.

Dans le port de Keroman, nous avons pu prendre le temps de distinguer plusieurs Pen Duick  ( « Petite tête noire » en Breton) qui avaient appartenu à Eric Tabarly et avec lesquels il avait remporté plusieurs compétitions et battu plusieurs records de traversée. La guide de la Cité de la Voile nous avait invité à aller les voir de près. Elle nous avait raconté l’évolution de la voile depuis Eric Tabarly. Elle nous avait parlé des Imoca.

Elle nous avait parlé de la nourriture à bord.

Des maquettes grandeur nature de mats, de coque, de provisions, de matériel de sauvetage et de survie présentes dans la Cité de la Voile permettaient d’équiper un peu les pensées et l’inexpérience du terrien que je suis. Un terrien urbain qui ne connait presque plus rien à la fois de la terre sur laquelle il marche mais aussi de la mer qui l’entoure. Régulièrement accaparé ou distrait par des activités voire des urgences administratives, professionnelles, ménagères, matérielles, de loisirs ou de consommation, en tant que terrien urbain je regarde très facilement la mer et la terre comme des territoires occultes que des intermédiaires, des hommes, des femmes, des enfants, que je côtoie peu, fréquentent, exploitent, dégradent ou « possèdent ».

A la cité de la voile Eric Tabarly, on a opté pour être beaucoup moins moralisateur et sinistre que moi. On a opté pour la pédagogie. De la très bonne pédagogie.

 

 

 Un certain nombre de jeux ludiques captivants pour les enfants et les adultes nous faisant vivre plus concrètement l’expérience de la navigation. Il y avait sûrement moins de monde que d’autres jours lorsque nous avons visité la Cité de la Voile, ma fille et moi. Nous avons pu nous amuser/exercer à utiliser un winch, à  apprendre à faire des nœuds marins, à essayer de guider des petits bateaux en nous servant des vents d’une soufflerie.

A l’extérieur de la Cité de la Voile, nous avons pu aussi apercevoir d’autres bateaux ainsi que certains chantiers navals qui ont pu être le lieu de fabrication ou de réparation de certains bateaux qui ont participé ou participent entre-autres à la course du Vendée Globe.

Franck Unimon, mardi 2 septembre 2025. 

Bonus : la version « podcast » de l’article :

 

 

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Lorient visite guidée juillet 2025-première partie

Port de Keroman-Lorient, juillet 2025. Photo©Franck.Unimon

Lorient visite guidée juillet 2025- première partie

Au mieux, la mémoire de l’être humain est une vie en soi. Au pire, la mémoire est une folie.

Car si elle peut nous être un renfort elle n’obéit pas pour autant strictement aux lois et aux frontières de la volonté humaine. Dire que la mémoire, notre mémoire d’humains, retombe toujours sur ses pattes ou qu’elle recouvre invariablement son équilibre est une interprétation ainsi qu’une aspiration humaine.

Nous portons en nous une certaine mémoire. Mais nous n’en savons pas grand-chose.

A Quéven, juillet 2025. Photo©Franck.Unimon

Je peux néanmoins encore me rappeler, pour l’instant, que ma fille et moi sommes revenus de notre semaine de vacances dans le Morbihan il y a bientôt un mois. Nos premières vacances en duo depuis sa naissance il y a bientôt douze ans. Depuis notre retour, je n’ai pas pu prendre le temps de commencer à écrire cet article dans des conditions qui me convenaient :

J’ai repris le travail. J’ai emmené ma fille à la gare Montparnasse pour qu’elle parte à sa première colonie de vacances. J’ai fait plus de cent kilomètres en voiture aller et retour pour me rendre à Rogny les Sept écluses afin d’aller chercher un chaton que j’avais seulement vu en photo afin de l’adopter. Un chaton donné par la sœur d’une collègue.

C’est la première fois que j’adopte un animal domestique. Je l’ai fait après une conversation avec ma compagne dont certains des arguments m’ont convaincu :

Nous connaissions une deuxième vague de souris depuis le mois de Mai après une première fin 2023.

Pour notre fille.

Pour le fait que la présence d’un animal « domestique » dans un domicile permet certaines transitions.

 L’écriture, tout comme le songe, est une transition.

Mais il faut du temps pour écrire. Il me faut aussi voir se rapprocher ce moment où je « sais » que je pourrai donner le meilleur dont je dispose pour lancer l’écriture.

Il y a des articles que j’ai perdus et d’autres qui sont en sursis. Il y en a d’autres aussi que j’ai ratés mais qui m’ont peut-être permis d’en réussir d’autres. Il m’est difficile de savoir à quelle catégorie appartiendra celui-ci en dépit de ma bonne volonté de départ.

J’ai véritablement entendu parler de la Bretagne pour la première fois pendant mes études d’infirmier à Nanterre à la fin des années 80. Dans ma promotion et dans mon école d’infirmières de la Maison de Nanterre (l’ancien nom de l’hôpital de Nanterre qui, aujourd’hui, s’appelle, je crois l’hôpital Max Fourastier) il se trouvait quelques Bretonnes.

J’étais issu d’un baccalauréat B option sciences économiques et du lycée. Comme aurait pu le prétendre l’humoriste Fabrice Eboué, qui était alors très loin d’être connu voire à l’école primaire, je n’avais alors « rien vécu ».

J’étais un petit noir à lunettes né en France, dans une ville communiste de banlieue parisienne, à Nanterre, ancien sprinter de niveau régional qui avait pourtant voulu devenir le nouveau Carl Lewis.

Mes parents, deux Antillais de naissance, avaient quitté à la fin des années 60 leur Guadeloupe natale, et plutôt rurale, ainsi que leur commune, Petit-Bourg.  Afin d’essayer d’améliorer leur condition sociale et personnelle.

Et, à l’école d’infirmières, ces Bretonnes que je rencontrais, parmi d’autres, avaient, elles, quitté leur Bretagne natale pour venir effectuer leurs études en région parisienne. Leur souhait étant, pour plusieurs d’entre elles, de repartir vivre dans leur région d’origine dès qu’elles le pourraient. Pour se marier, acheter une maison, faire des enfants. Des projets dont j’étais incapable de m’emparer et par lesquels je me sentais assez peu concerné. 

Après l’obtention de leur diplôme d’infirmière, certaines sont retournées en Bretagne. D’autres, moins. Moi, je suis resté vivre en banlieue parisienne. Malgré le fait que, pendant un temps, mon père m’ait répété que la France était le pays « des Blancs » et que je n’avais rien à faire en France. Si je l’avais écouté ou suivi à la lettre, après mon diplôme, je serais parti vivre en Guadeloupe et ce serait un article différent que j’écrirais aujourd’hui puisque j’écrivais déjà et qu’après avoir voulu être le nouveau Carl Lewis, à défaut de pouvoir devenir le nouveau Miles Davis, j’espérais vraisemblablement être le nouveau Aimé Césaire, le nouveau Richard Wright ou un de ces intellectuels ou penseurs qui « comptent ».

En attendant, j’ai ensuite réentendu parler de la Bretagne par…la Grande-Bretagne. L’ Ecosse a fait partie de mes premiers voyages en dehors de la Guadeloupe. Avec la Yougoslavie en 1989. Puis, il y a une vingtaine d’années, j’ai été amoureux d’une Bretonne, Highlander, originaire du Finistère. Car il faut bien une histoire d’Amour, de désamour, de violence ou d’injustice quelque part pour fixer notre mémoire ou l’inspirer. Celles et ceux qui ont aspiré ou qui aspirent à devenir de grands artistes ou de grands penseurs qui changent le Monde et la Création le savent.  

Au début de ma rencontre avec Highlander (j’avais une trentaine d’années), je m’étais dit : « ça y’est, j’ai rencontré la femme de ma vie ». Highlander avait trois chats lorsque je l’ai connue. 

Ajoutons à cela qu’à la même époque, j’avais aussi rencontré Georgette France, notre cadre infirmière, qui avait invité plusieurs d’entre nous à venir passer un week-end chez elle en Ile-et-Vilaine après son départ à la retraite.

Bien que Georgette France n’ait pas de chats, j’ai continué par la suite à venir passer des week-end chez elle et son mari. Mais peut-être  étais-je devenu, sans m’en apercevoir, un de ces nombreux chats qui reviennent dans ces maisons où ils mangent très bien et où ils se sentent en sécurité avant de s’en aller jusqu’à la fois suivante. 

Entre l’Ile-et-Vilaine et le Finistère, il est difficile de se croire en Poitou-Charente ou dans les Bouches du Rhône. Nous sommes bien en Bretagne.

La Guadeloupe, les Antilles, font rêver beaucoup de personnes :

Les touristes, celles et ceux qui s’y sentent délestés de toutes leurs contraintes et histoires personnelles, sociales et familiales ; toutes et celles et tous ceux qui, lorsqu’ils y passent des vacances en famille s’y sentent libres ou chez eux.

Malheureusement, je n’ai jamais été libre ou suffisamment chez moi durant mes vacances estivales de deux mois lors de mon enfance et mon adolescence en Guadeloupe. J’y ai même été plus enfermé que dans la cité HLM où nous habitions encore à Nanterre, allée Fernand Léger, en face de l’école Robespierre.

Toute forme d’oubli ou d’abandon m’était difficilement possible en Guadeloupe. Je me retrouvais régulièrement sur le tarmac du temps qui ne passe pas ou alors très très lentement.

Et de la mémoire qui vous happe.

La mémoire de la peur. De la méfiance. De la réputation. Une mémoire pas très cool. Pas très sereine. Pas beaucoup portée sur le soleil ou l’optimisme. Pas très Francky Vincent. Plutôt étrangère à la méditation comme à la contemplation. 

Il existait toujours une bonne raison à cela. Une crainte ou une inquiétude. Un événement passé. Un devoir. Une exigence.  Une croyance. Ou une absence de moyens.

En région parisienne, cette mémoire pouvait se diluer dans l’Hexagone au gré des horizons et des personnes différentes que j’y rencontrais. Mais au pays, cette mémoire pouvait vous reprendre à n’importe quel moment tel le dealer qui, d’une main, vous sourit et vous délivre la substance agréable et qui, de l’autre, vous séquestre soudainement, vous avertit d’un danger possible ou imminent ou vous saisit votre âme ou votre paie.

Sauf que le dealer était un membre de la famille, un « proche », un ami, qui connaissait mieux que vous le pays et le territoire lorsqu’il n’était pas plus âgé, donc plus expérimenté que vous. Il avait donc toujours et systématiquement plus de Savoir que vous d’une façon ou d’une autre. Et ce qu’il vous administrait, c’était toujours une vérité que cela vous plaise ou non. Il fallait donc l’écouter.

Il y avait aussi des moments agréables ou très agréables mais c’était aléatoire. Je n’avais pas la main dessus. Je vivais ou restais là-bas,  deux mois durant, dépossédé de la possibilité d’entreprendre une action quelconque pouvant m’assurer de faire d’un moment de plaisir, une certitude. 

La présence d’une médiathèque ou d’une activité culturelle voire sportive régulière avec des jeunes de mon âge ou voire des éducateurs officiels ou non aurait pu sauver mes expériences d’enfant et d’ado métropolitain ou négropolitain en vacances en  Guadeloupe. 

Pour moi, il n’y en n’a pas vraiment eu. Ou par intermittences. Car cela demande de la patience ne serait-ce qu’éducative mais aussi d’avoir certaines ambitions ou certaines visions pour lesquelles nous n’étions ni entraînés ni préparés.  Or la patience ne fait pas partie de la palette des vertus les plus recherchées ou les plus pratiquées parmi les adultes. Et la Man Tine ambitieuse et clairvoyante de Rue Cases Nègres ne figure pas dans le casting des personnalités qui m’ont marqué en Guadeloupe ou en France.  

J’ai donc dû composer avec ce qui m’a été transmis et aujourd’hui, je continue de composer. Afin de tenter de produire et non seulement reproduire, ce qui me fait prendre quelques risques :

M’éloigner de la Normalité, m’exposer, créer, affirmer et faire reconnaître ma normalité, me tromper, douter, devoir penser par moi-même et prendre certaines initiatives. 

En principe, on pourrait retrouver cela dans une histoire d’Amour. 

Je n’ai jamais connu la moindre histoire d’Amour en Guadeloupe. Soit presque l’exact opposé de ce que j’ai pu connaître en Bretagne à l’âge adulte ou ailleurs plus jeune en France.  

Récemment, Nonrien une amie (qui se trouve avoir des origines bretonnes) m’a demandé la raison de ma « passion » pour la Bretagne. C’est peut-être la meilleure réponse que je puisse (lui) apporter aujourd’hui. Et c’est peut-être aussi ce qui m’a donné envie, pour mes premières vacances avec ma fille, de nous rendre en Bretagne cet été.

Bien-sûr, en Bretagne, il y a la mer ou celle-ci n’est pas très loin. Cela a son importance.

Lorient, Port de Keroman, Juillet 2025, depuis la Cité de la Voile. Photo©Franck.Unimon

Pour venir en France, mes parents ont bien dû passer par la mer.  Pour débarquer en Guadeloupe, on sait aussi que nos ancêtres africains ont dû passer sous la contrainte par la mer. 

C’est en Guadeloupe, à Ste Rose, là où mes parents sont retournés vivre après avoir fait construire leur maison pour leur retraite que, au début des années 2000,  j’ai passé mes deux premiers niveaux de plongée bouteille au club Alavama créé et tenu par Stephan, originaire de Corse. Alavama  semble avoir fermé depuis. Mais c’est dans ce club de plongée que j’ai vraisemblablement poussé un peu plus loin mon processus de libération et d’ouverture personnelle. Un processus d’abord et généralement assez solitaire.

Ma décision de pratiquer l’apnée quelques années plus tard fait sûrement partie du processus.

Les deux responsables de la section apnée du club de Colombes dont je fais partie depuis quelques années sont… bretons. De ce fait, chaque année, nous faisons un stage d’apnée et de chasse sous-marine…en Bretagne. Cette année, c’était à Loctudy.

Même si je suis d’origine antillaise et que j’aime évidemment me baigner dans la mer chaude, je n’ai pas d’appréhension particulière dans le fait d’entrer dans une mer plus froide. Il m’est arrivé et il peut m’arriver d’avoir envie de faire l’expérience d’une plongée sous glace avec bouteille ou en apnée.

Et puis, à l’image de mes séjours en Yougoslavie et en Ecosse, je préfère autant que possible éviter certaines destinations surchargées ou convenues.

Habituellement, en été, la majorité des vacanciers est obsédée par les plages du sud de la France. En hiver, l’obsession se dirige tel un revolver vers les sports d’hiver.

Je ne supporte pas les embouteillages. Je trouve que lorsque nous sommes insérés dans nos véhicules comme des saucisses sur des milliers de kilomètres sur la route, que nous sommes à l’apogée de l’absurdité de notre officielle modernité.

Je ne supporte pas de me retrouver allongé sur une serviette dans le sable parmi une foule de vacanciers au bord d’une plage. Et si j’ai pu aller deux ou trois fois « faire » du ski, ce qui m’a plu, je ne cours pas après cette frénésie des sports d’hiver.

Lorsque je parle de mes moments désagréables et décisifs en Guadeloupe, je n’omets pas les expériences privilégiées que j’y ai aussi faites :

Quand on a pu connaître dès l’enfance les plages de la Guadeloupe où l’on a pu se baigner sans encombrement, ensuite, on ne peut pas s’émerveiller devant « l’événement » de l’ouverture de l’Aquaboulevard dans Paris ; contrairement à Gavroche, l’amie parisienne qui m’y avait alors entraîné il y a plusieurs années. Pas plus que je ne peux accepter de faire près de 800 kilomètres afin de me retrouver dans le sud de la France sur une plage bondée dans une ville bâclée par des commerces touristiques grossiers.

D’ailleurs, l’une des seules fois où je suis allé passer quelques jours sur une plage en été dans le sud de la France, c’était aussi avec cette même amie parisienne, celui qui allait devenir son mari et mon meilleur ami.

Malgré mon amertume et l’ambivalence de mes sentiments envers mon histoire avec la Guadeloupe, moi, le Moon France ou le Bounty, je lui suis non seulement attaché- ou enchainé- et je l’ai suffisamment « vue », « vécue » et approchée pour connaître un certain nombre de ses atouts.

« Le Breton », la femme comme l’homme, est pareil. « Le » Breton est semblable à beaucoup de personnes qui sont attachées à leur région. « Le » Breton est généralement fier de sa ville ou de sa région.

A Lorient, juillet 2025. Photo©Franck.Unimon

Pourtant, les deux ou trois fois où j’ai prononcé le nom de la ville de Lorient devant un Breton ou une Bretonne, j’ai à chaque fois été étonné de devenir le témoin de ce silence un peu particulier suivi de l’impossibilité pour elle ou lui de me parler de cette ville. Car il ou elle ne la connaissait pas ou n’y était jamais allé(e). Le contraste entre la façon dont le nom de cette ville stimulait mon imaginaire, Lorient, et cette absence d’enthousiasme ou ce simili mouvement de recul poli que je saisissais chez mon interlocutrice ou mon interlocuteur m’a toujours interpellé. Pour moi, Lorient, c’était au minimum la mer, la Bretagne et, chaque année, en été, le festival interceltique de Lorient, donc de la musique, donc, de la vie. Mais en face de moi, on s’effaçait devant tout « ça ».

Pendant des années, au début du vingtième siècle, la Bretagne a été, je crois, la région la plus pauvre de France. Encore récemment, en juillet avant notre séjour, Batman, un ami (Breton),  m’avait  appris que le terme « plouc » était autrefois utilisé pour désigner les paysans Bretons. C’est dire à quel point les Bretons, et la Bretagne, dans l’imaginaire collectif français, reviennent de très très loin.

Nos collègues, voisins ou amis bretons nous parlent rarement de cette époque mais il est probable qu’il leur en reste quelque chose. Et que cela peut expliquer cette fierté bretonne dont je parlais quelques lignes plus tôt. Car la Bretagne a de sacrés atouts tant touristiques, que culturels…ou immobiliers.

Même si l’on rappelle les dégâts des élevages porcins, des nitrates et des algues toxiques et mortelles sur certaines plages. Même si l’on parle de Bolloré. Ou de la dynastie Le Pen. Et, récemment, je n’ai pas entendu parler de Lorient lorsque des mauvaises nouvelles émanent de la Bretagne.

D’un point de vue culturel, pour évoquer la Bretagne, spontanément, je pense d’abord à Per Jakez Hélias. Je n’ai toujours pas lu son ouvrage Le Cheval d’orgueil paru en 1975 ( j’avais 7ans et cela correspond à l’année de mon premier voyage en Guadeloupe avec mes parents) mais j’ai écouté- et aimé- certains de ses contes.

Je pense aussi à la compositrice, harpiste et chanteuse Kristen Nogues voire à son compagnon Jacques Pellen, guitariste et compositeur. Même s’ils sont aujourd’hui décédés, je ne crois pas discréditer la culture bretonne en les citant.  

Je pourrais peut-être aussi mentionner le livre Mémoires du large « de » Eric Tabarly ou un  ouvrage de Olivier de Kersauson que j’ai lus. Mais même si Tabarly et Kersauson sont Bretons, en tant que marins et compétiteurs, ils font aussi partie de ces personnes que je qualifierais de « sportifs » de l’extrême mais, surtout, de femmes et hommes libres ou résistants à l’image, pour moi, de personnalités telles que Ellen Mac Arthur, Florence Arthaud, Elizabeth Revol, Hélie de St Marc, Maitre Jean-Pierre Vignau, Madeleine Riffaud, Daniel Cordier. Et, comme eux ou avant eux :

Angela Davis, Nelson Mandela, Martin Luther King, Malcom X, Miles Davis, James Baldwin, Richard Wright, Chester Himes, Aimé Césaire, Frantz Fanon, les Black Panthers, Bob Marley, Muhamad Ali ( même si, aujourd’hui, j’ai plus de mal avec certains de ses travers envers Malcolm X ou Joe Frazier ) James Brown, Kassav’… ainsi, sans doute, que  tous les artistes et écrivains qui, contrairement à moi, ont explicitement préservé le Créole ou s’expriment à travers lui  que ce soit par écrit, oralement, à travers la musique, le cinéma, un autre art ou une pratique que je n’ai pas mentionné, que je suis incapable de formuler ou à laquelle je n’arrive pas à penser.

Je peux néanmoins citer au moins les musiciens et compositeurs réunionnais Ann O’aro, René Lacaille, Maya Kamaty ou les films Kouté Vwa du Guyanais Maxime Jean-Baptiste (sorti dans quelques salles récemment) Zion du Guadeloupéen Nelson Foix ou Sac la mort d’Emmanuel Parraud. Sans oublier évidemment des références littéraires comme Raphaël Confiant, Patrick Chamoiseau ou Maryse Condé, René Depestre, Frankétienne et d’autres qui ont plutôt tendance à être aimantés par l’envers du décor, par le dessous des serviettes de plage, des crèmes solaires et des cartes sociales ou raciales.

Un film comme L’épreuve de feu d’Aurélien Peyre découvert au cinéma ce 15 Aout avant d’aller voir Kouté Vwa (mais aussi Bahd de Guillaume de Fontenay !) peut aussi me faire le même effet même si je peux prendre grand plaisir à aller voir un film axé sur le spectacle ou l’humour.

Cependant, avec la ville de Lorient, sans le savoir, je retournais avec ma fille vers une partie de l’Histoire qui nous éloigne de la vision de carte postale de la Bretagne. Je m’éloignais des villes et des lumières attractives telle la ville Pont-Aven pourtant proche et dont « tout le monde » m’avait dit beaucoup de bien. Car c’était une ville à voir etc….

Je reste marqué par ces paroles du rappeur Mc Solaar à l’époque où il était, pour moi, une forme d’absolu, alors que je reste un amateur vraiment limité en Rap :

« Il était vraisemblable que tous les faux semblants de la farce humanitaire aboutiraient au néant. C’est une boule à facettes comme dans les discothèques. Ça reflète à la lumière et sans elle…pfou…du vent. J’aime les images fortes car je suis comme toi. Le poids des mots et le choc des photos… ». ( extrait de son duo avec le rappeur Guru pour le titre Le bien, le mal).

Finalement, c’est peut-être en raison de mon rayonnement profondément dépressif que ma fille et moi ne sommes pas allés à Pont-Aven durant notre semaine dans le Morbihan.

J’ai hésité. C’est un choix que j’ai fait sans en discuter avec ma fille.

En l’entraînant peut-être davantage dans les sillons de ma dépression. Car Lorient, même si elle connait un certain renouveau depuis plusieurs années, a hérité d’une histoire triste du fait de la Seconde Guerre Mondiale.

Lorient, près du Bunker K3. Juillet 2025. Photo©Franck.Unimon

Je sais qu’en faisant ce « choix » d’éviter Pont-Aven que je prenais le risque de passer pour un gogo. Mais je sais aussi que l’on voyage et que l’on vit différemment selon que l’on se trouve avec son enfant mineur ou selon le fait que l’on circule seul ou avec d’autres adultes.

Selon ce que l’on peut partager et/ou transmettre.

Visiter une ville avec une enfant de bientôt douze ans, cela peut lui plaire. Mais cela peut aussi l’ennuyer si ce que l’on trouve sur place, c’est de belles vitrines de magasins et des jolies maisons. A l’inverse, « L’ Histoire » de Lorient, elle, grâce à l’apport des visites guidées à la Cité de la voile, lors de la visite du Bunker K3 et du sous-marin Flore, peut parler à une enfant ainsi qu’aux adultes qui l’accompagnent.  Cela peut permettre aussi certaines conversations. Et j’ai tenu, avant tout, à ce que ma fille passe de bonnes vacances. Qu’elle ne doive pas se contenter de me suivre partout où je l’emmenais.

Aujourd’hui, je peux dire que nos vacances lui ont plu. Mais c’est seulement maintenant que je peux l’affirmer. Car, à l’origine, je n’avais rien prévu. 

Lorsque nous sommes arrivés à Quéven en juillet, ma fille et moi, là où j’avais réservé une maisonnette pour une semaine, je n’avais pas de programme établi. Mais Peut—être que ma mémoire, elle, avait déjà certains projets pour nous.

Franck Unimon, ce dimanche 17 aout 2025.

 

 

 

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Soixante photos du Japon juillet 2024/ Sixty shots of Japan July 2024

 

 

Soixante photos du Japon Juillet 2024/ Sixty shots of Japan July 2024

Inosaki, Himeji, Tokyo, Kyoto, Hiroshima, Kurashiki….

Quelques mois après mon second séjour au Japon, je retourne sur les talons de ces photos que j’y ai prises durant ces trois semaines. Ni détresse ni nostalgie dans ces instants qui m’inspirent ce « retour ».

Il faut bien quelques semaines, quelques mois voire quelques années pour pouvoir mieux regarder certains moments. Et celles et ceux qui savent prendre leur temps comme leur pouls le comprendront certainement. Pour les autres, cela viendra peut-être plus tard. J’ai déjà publié au moins deux articles sur mon blog sur ce séjour que je dois cette fois-ci au Masters Tour proposé et organisé depuis plusieurs années par Léo Tamaki. Mais cette fois, c’est peut-être le moment de faire autrement la synthèse de ce que j’ai vécu lors de ce séjour au Japon.

 

En 1999, lors de mon premier voyage au Japon, les réseaux sociaux n’existaient pas et les téléphones portables que nous avions ne permettaient pas de naviguer sur internet, de filmer ou de prendre des photos. Et je n’avais pas de blog. Il me reste les photos papier de ce séjour ainsi que divers objets, impressions et souvenirs que j’en avais rapportés. Mais je n’avais rien écrit ni publié.

Aujourd’hui, c’est différent. Nous pouvons presque quotidiennement faire savoir à d’autres personnes quel grand génie nous sommes et la chance qu’elles ont toutes de nous connaître, jour après jour. Même s’il est parfois nécessaire de savoir le leur rappeler régulièrement :

Les meilleures réussites comme les pires initiatives peuvent désormais se diffuser vingt quatre heures sur vingt quatre sur les réseaux sociaux et sur le net en un tour de piste. Certaines de ces dernières sont tenaces et répétitives tandis que les premières peuvent rapidement se faire avaler par cette obligation et cette obsession de la nouveauté et d’originalité censées définir la valeur de notre personnalité et de notre vie.

Il n’existe pas de sérum définitif à ce sébum narcissique. On peut s’assagir et être lucide quelques temps puis recommencer à gesticuler dans le courant environnant. Car cela signifie aussi que l’on est une personne « normale » jusqu’à un certain point : que l’on ressemble à une majorité.

Lorsque l’on décide de se rendre au Japon pour quelques semaines en partant de la France, on « sait » que l’on multiplie les probabilités pour s’extraire de ce que l’on connaît et peut-être de ce que l’on est habituellement en France ou en occident.

La langue et les codes sociaux sont différents, les croyances aussi sans doute.

L’Anglais d’Oxford ou d’ailleurs y reste assez peu parlé et l’Espagnol ou le Créole n’y seront d’aucune aide. On y est quelque peu dépouillé. Mais pas toujours de ce que l’on croit. Car il se peut que l’on se fasse dépouiller, comme lors de tout véritable voyage et de toute véritable rencontre, d’une partie de nos insuffisantes connaissances sur le monde sur celles et ceux qui nous entourent et, bien-sûr, sur nous-mêmes.

J’ai été étonné après mon retour du Japon qu’il me soit demandé par plusieurs personnes si j’y avais bien mangé. J’ai eu l’impression que c’était la première fois, après un de mes voyages, que l’on avait autant besoin de s’assurer que l’on y mangeait bien.

Je peux répondre à nouveau que j’ai très facilement trouvé de quoi me satisfaire d’un point de vue alimentaire sur le territoire nippon. Et que je n’ai pas eu à errer dans des bas fonds interlopes afin de trouver des dealers mafieux à même de me revendre au marché noir des denrées alimentaires typiquement françaises que je puisse serrer dans mes bras avant de les confier à mon estomac.  

Cet été, j’ai bien remarqué sur place que le Japon était en effet devenu une destination plus touristique qu’en 1999. Lors de mon premier voyage, les touristes étaient « clairsemés » et j’en avais peu rencontré. Cette année, il était plus fréquent d’en croiser. Et à la gare de Kyoto, j’ai même eu la surprise de tomber sur une famille de compatriotes guadeloupéens qui se promenait dans les galeries commerçantes.

Il faut néanmoins préciser que cette année, notre séjour s’est déroulé en pleine période touristique, lors du mois de juillet alors qu’en 1999, j’étais venu en septembre.

J’ai aussi trouvé qu’il y avait nettement plus de ressortissants chinois, qu’ils soient simples touristes ou habitants. Cela m’a marqué compte-tenu des différends culturels et politiques qui peuvent exister ou ont pu exister entre la Chine et le Japon.

Le Japon est un pays riche et ambitieux tant historiquement, culturellement qu’économiquement. Appelé «  Le pays du Soleil Levant », il est peut-être aussi le pays des contraires ordonnés. 

Aussi, soixante photos dans un diaporama afin de laisser le meilleur aperçu possible de ce séjour au Japon, c’est assez peu. Mais je crois que l’on dit qu’une image vaut autant que dix mille mots. Il est possible que je me sois trompé sur le chiffre exact. Je sais par contre qu’au départ, ce diaporama devait contenir cent photos. J’aimais bien le chiffre cent. Peut-être parce-qu’il est proche en sonorité du mot « sang ».

Sauf que, sur les plus de 8000 photos prises là-bas, je me suis retrouvé avec 176 photos. Cela faisait beaucoup trop. Trop de sang. J’ai donc coupé. Surtout qu’aujourd’hui, il faut savoir livrer du concentré. Je ferai peut-être un autre diaporama après celui-là.

Comme musique, je voulais d’abord mettre du Dub. Pendant environ deux jours, j’ai écouté plusieurs titres de Brain Damage et de Manutention. J’ai été beaucoup tenté de réutiliser un des titres de Brain Damage dont je ne me lasse pas.

Finalement, ce matin, je me suis rappelé de Rosalia que j’étais allé voir en concert en été 2023 à l’hippodrome de Longchamp avant de partir ensuite travailler de nuit.

Le titre La Combi Versace m’a rapidement convaincu. On s’attend peu, je crois, à retrouver apposée une telle musique et la langue espagnole « sur » des photos relatives au Japon. On est le plus souvent tenté, en tant qu’occidental admiratif, de l’accoler à une musique solennelle ou qui inspire certaines attitudes de respect ou supposées zen.

J’ai bien évidemment du respect pour le Japon et je suis sensible à la recherche du zen. Mais je crois que ce titre de Rosalia sert très bien ce diaporama car il a parmi ses avantages le fait, je crois, de représenter l’avenir, d’être entraînant et plein de vie. Il est aussi composé et interprété par une femme qui a ses idées et qui s’exprime dans une autre langue que l’incontournable langue anglaise de beaucoup de nos titres préférés. Et le décès récent de Quincy Jones est là pour nous le remémorer.

Je cite feu Quincy Jones. Mais il ne manquera pas de personnes pour se rappeler de lui ou pour écouter sa musique qui, d’une façon ou d’une autre, est une mémoire, sa mémoire. Par contre, en écoutant de la musique ce matin afin d’en choisir une pour ce diaporama, j’ai pensé à toutes ces personnes qui n’ont plus ou qui n’ont pas la possibilité de connaître ce plaisir qui est simplement d’écouter de la musique qu’elles aiment et de se laisser entraîner par elle et qui partiront sans laisser de mémoire. Car elles vivent dans une trop grande pauvreté ou dans une trop grande violence.

C’est une très grande liberté et un grand privilège que de pouvoir écouter de la musique, « sa » musique, lorsqu’on le souhaite comme de pouvoir l’emporter avec soi dans son téléphone portable, sur son ordinateur ou dans un baladeur numérique. De se mettre où l’on veut et de l’écouter voire de la faire écouter et de la vivre avec d’autres.

Je ne suis pas certain que l’on s’en rappelle toujours. Ce diaporama est aussi là pour m’aider à m’en rappeler. Car j’ai besoin de m’en rappeler.

Franck Unimon, ce mercredi 13 novembre 2024.

 

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Japon juillet 2024 : Les Maitres du Masters Tour

Le Butokuden, Kyoto. Masters Tour, juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Japon Juillet 2024 : Les Maitres du Masters Tour

 

« Les Maitres sont les Maitres. Au mieux, je suis un centimètre ».

 

Le terme « Maitre » est un des reflets de notre ambivalence.

Près du Butokuden, Kyoto, lors du Masters Tour, juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Il peut rappeler des mauvais souvenirs. Il semble séparer les mondes d’hier dont nous somme les fruits que l’on fuit et ceux d’aujourd’hui que l’on préfère. Comme s’il était possible de creuser une tranchée entre les deux et d’y entrer.

Le « Maitre » peut rappeler l’instituteur de l’école primaire ou celui dont dépend l’esclave.

Personne n’aime véritablement se rappeler certains moments humiliants et publics de son histoire.

Mais le « Maitre » est aussi celle ou celui qui peut et sait guider et réparer. En particulier vers la vie et l’optimisme. Y compris dans le secret.

Il existe des Maitres dans beaucoup de domaines dans toutes les cultures à tous les âges de l’évolution et dans toutes les classes sociales. Mais, la plupart du temps, nous ne le percevons pas.

Par ailleurs, le terme de « Maitre » est anachronique tout autant que futuriste.

Et les Arts Martiaux véhiculent cette outrance ou cette ambivalence.

Avec Léo Tamaki, au Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024.

Car on peut trouver anachronique voire stupide que des gens, en 2024 et plus tard, puissent encore continuer de choisir de porter kimono, hakama, d’autres éléments vestimentaires mais aussi adopter certaines attitudes. Et, tout cela, afin de transpirer et suivre des rituels et des traditions d’un ancien temps mais aussi d’une culture qui n’est pas forcément la leur. Alors qu’il suffit de faire un régime alimentaire, de subir une intervention chirurgicale, de prendre un coach ou de faire du fitness ou du cross-fit pour perdre du poids et pouvoir se mettre en maillot de bain en été au bord de la plage en étant fier de son allure.

Toute époque a ses intégrismes et ses artifices aussi séduisants soient-ils. Et, si mon attachement à certaines valeurs dites traditionnelles me rapproche des Arts Martiaux, j’ai aussi appris que les traditions, à elles seules, ne sont pas des sanctuaires idylliques. Il faut des personnes, des femmes, des hommes et aussi des enfants qui sachent les interpréter et les perpétuer de manière vivante et optimiste.

Au Masters Tour de juillet 2024, nous avons eu le privilège de rencontrer plusieurs Maitres d’Arts Martiaux. Mon précédent article, Japon Juillet 2024 : Le Retour , fut long à écrire et à lire. Celui-ci est entre trois à six fois plus court. 

Au centre, Hino Akira Sensei au Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

 

Hormis Hino Akira Sensei approché lors d’un stage organisé par Léo Tamaki au cercle Tissier à Vincennes fin 2022, je découvrais les autres Sensei. Des Maitres et des personnes que Léo Tamaki, et quelques autres, avaient régulièrement rencontré depuis au moins une quinzaine d’années !

 

Ces hommes, ces Maitres, ont consacré leurs vies aux Arts Martiaux à un point difficilement concevable. Comme l’on porterait des métaux à une température particulièrement élevée, ils se sont forgés. Sans se rompre. Il faut le rappeler car nous sommes nombreux à avoir eu des projets ou des aspirations auxquelles nous avons dû partiellement ou totalement renoncer.

 

La première leçon du Maitre, c’est peut-être d’être une incarnation, devant nous, de cette forme d’accomplissement- et d’engagement- que très peu d’entre nous atteindrons. Parce que notre histoire est différente. Et aussi parce qu’avant lui, nous avons eu d’autres Maitres et retenu d’eux certains enseignements plutôt que d’autres.

 

Je ne pourrai pas parler d’une technique exposée et démontrée par un de ces Maitres. J’en suis incapable.

 

« Les Maitres sont les Maitres. Au mieux, je suis un centimètre » est une réflexion que j’ai écrite lors de ce Masters Tour de juillet 2024 alors que nous nous trouvions au Japon.

 

Cette différence lexicale est l’équivalent d’une décimale pour décrire à quel point, même si je parle d’êtres humains comme moi, il y a quand même une brèche saisissante entre eux et moi. Et que mes propos sont condamnés à rester rudimentaires pour les évoquer.

 

Pourquoi le faire, alors ?

 

Pour témoigner et pour contribuer à rajouter un peu de mémoire. Parce-que les êtres humains ont besoin d’histoires et de mémoire même s’il leur arrive aussi de les craindre et de les rejeter.

 

Je vais parler ici des Maitres qui m’ont le plus… « parlé ».

Avec Hatsuo Royama Sensei, Kyoto, Masters Tour, juillet 2024. Celui-ci vient de m’administrer une bonne claque sur le ventre par surprise.

Hatsuo Royama Sensei, 76 ans, Karate Kyokushinkan, est le premier Maitre que nous ayons rencontré. Malgré sa bonne humeur et son enthousiasme, notre première rencontre avec lui et ses disciples m’avait laissé insatisfait. Nous étions une bonne centaine (ou davantage) sur le tatami. Au lieu de nous dire comme il l’a fait à la fin « Vous êtes nombreux à avoir une mauvaise garde », j’aurais préféré que lui ou un de ses disciples passe et nous le démontre en nous « corrigeant ».

 

J’ai été bien plus favorablement marqué quelques jours plus tard par le kata qu’il nous a délivré au butokuden lors de la célébration des dix ans de l’école Kishinkai Aïkido.

Hatsuo Royama Sensei, seul, face à notre assistance, a plongé dans un kata respiratoire où chacun de ses mouvements était soutenu par le marteau de son diaphragme. C’était la première fois que j’assistais à une telle expressivité martiale. Et sa démonstration attestait aussi de sa santé vigoureuse.

Une santé avec laquelle j’allais faire un peu plus connaissance ensuite ou, après qu’il ait accepté de prendre la pose avec moi pour la photo, il allait me surprendre en m’administrant une magistrale tape sur l’abdomen soit un peu l’équivalent d’une leçon particulière qui allait m’influencer, jusqu’à me mettre sur la défensive, lorsque j’allais me trouver lors d’une autre séance face à Minoru Akuzawa Sensei, Aunkai, pour une démonstration.

 

Avec Takeshi Kawabe Sensei, Kyoto, près du Butokuden, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Takeshi Kawabe Sensei, 80 ans, Daitoryu Aikijujutsu.

Commençons par dire que Takeshi Kawabe Sensei ne fait pas son âge. Si Hatsuo Royama Sensei mesure près d’1m80, Takeshi Kawabe Sensei doit à peine dépasser 1m60. Avec son air de petit gars tranquille joueur de pétanque, il peut au mieux faire penser à l’inspecteur Columbo ou à un personnage d’un film de Johnnie To  dont les méninges sont bien plus affûtés que les gestes.

Takeshi Kawabe Sensei est sans doute un homme très intelligent et aussi farceur (lors du repas collectif que nous avons fait, je crois qu’il s’est bien amusé de moi en me disant – en Japonais- que j’avais un très bon Japonais).

Mais c’est évidemment un redoutable pratiquant.

Ses saisies et ses clés sont promptes et donnent l’impression d’être la destinée de celui qui l’attaque. Il me reste des souvenirs de ce moment où Issei Tamaki a joué le rôle de Uke :

Issei y a mis tout son entrain pour, à chaque fois, le même résultat. Se faire retourner.

Takeshi Kawabe Sensei a réagi comme s’il l’attendait. Comme si tous les modes d’attaques humainement possibles étaient connus de son registre. On aurait dit l’agent Smith face à Néo à la fin du premier Matrix des ex frères Wachowski.

Le résultat était tellement évident que la conclusion aurait été vraisemblablement la même avec un autre Uke. En outre, Takeshi Kawabe Sensei prenait tout cela de manière ludique. Si on peut voir Hatsuo Royama Sensei comme une force de la nature, Takeshi Kawabe Sensei évoque plutôt celui qui a su transcender sa nature.

Hino Akira Sensei, 76 ans, Hino Budo, est également un petit gabarit. Sans forcer, il vous fait tomber. Vous vous croyiez enracinés et bien ancrés dans le sol ? Vous vous mentez à vous-mêmes. Vous ne l’êtes pas. Ou jamais suffisamment face à lui.

Plus il vous montre le mouvement, plus il vous convainc que c’est facile et plus vous avez du mal à le reproduire. Par moments, j’ai du mal à savoir si sa science tient de l’hypnose, du conditionnement ou de ces quelques degrés ou centimètres (millimètres ?) que l’on néglige d’ordinaire et qui font toute la différence entre le déséquilibre et la chute.

Sa pratique peut être très difficile pour celle ou celui qui s’est toujours reposé sur l’explosivité musculaire, l’excitation et l’agitation. Avec lui, on transpire de la tête à essayer de comprendre un concept qui n’existe pas. Il faut ressentir et c’est difficile.

En revoyant a posteriori quelques images que j’avais pu filmer lors de l’intervention de Hino Akira Sensei, j’ai pu m’apercevoir que d’autres participants du Masters Tour connaissaient aussi quelques difficultés pour mettre en pratique ce qu’il nous avait montré. Cela m’a un peu déculpabilisé.

Minoru Akuzawa Sensei, à la gare de Kyoto, avant le départ pour Kinosaki. Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Minoru Akuzawa Sensei, Aunkai, est à à l’image de Takeshi Kawabe Sensei et de Hino Akira Sensei. Avec son 1m65, il a la silhouette passe partout de celui que l’on oublie. Pourtant, en tant que Maitre d’Arts Martiaux, l’Aunkai qu’il a créé et qu’il enseigne peut être vu comme un croisement entre les enseignements de Hatsuo Royama Sensei et ceux de Hino Akira Sensei.

Minoru Akuzawa Sensei est capable des explosions et des percussions du premier et de la délicatesse du second tout en n’étant ni l’un ni l’autre.

Mon premier camarade de chambre lors de ce Masters Tour avait « goûté » à trois low kick de Minoru Akuzawa Sensei. Il les ressentait encore plusieurs jours plus tard.

Ma première « confrontation » physique avec Minoru Akuzawa Sensei avait eu lieu un peu plus tôt dans le car qui nous avait transporté de Kyoto à Kinosaki.

Cette « confrontation » fut principalement une bousculade. J’avais sans doute pris un peu trop de temps pour avancer dans le car et Minoru Akuzawa Sensei m’était rentré dedans en montant derrière moi. Impatience ? Distraction ? Je n’ai pas su.

Par contre, moi qui suis plus grand que lui dix bons centimètres et sans doute plus lourd que lui de dix kilos, j’avais été surpris de me sentir si facilement déplacé physiquement par un si « petit » homme.

Si tous les autres Maitres que nous avons rencontrés avaient des disciples ou des assistants japonais, Minoru Akuzawa Sensei s’est un peu distingué en laissant un de ses élèves occidentaux (un homme robuste d’un bon mètre quatre vingt dix  vraisemblablement d’origine américaine )  diriger l’échauffement.

A la fin de la séance qu’il a dirigé dans un gymnase, Minoru Akuzawa Sensei nous a dit qu’il apprenait à connaitre les gens au travers du contact physique qu’il avait en pratiquant avec eux. Et qu’il avait senti chez ceux d’entre nous qu’il avait eus comme partenaires une « véritable ouverture pour les Arts Martiaux ».

 

 

Avec Minoru Akuzawa Sensei, Masters Tour, Japon, Juillet 2024.

Il a ensuite accepté d’être pris en photo avec celles et ceux qui le souhaitaient. En voyant plus tard les photos où nous sommes assis côte à côte, lui et moi, j’ai été très étonné de découvrir que Minoru Akuzawa Sensei avait posé son bras autour de mon épaule. Je n’avais absolument rien senti au moment de la photo. Au contraire de ce que j’avais ressenti au moment de la photo avec Royama Hatsuo Sensei avant que celui-ci ne me fasse la farce qui consiste à me « claquer » l’abdomen.

Takahiro Yamamato Sensei, au Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Takahiro Yamamoto Sensei, Taisha ryu.

En dépit de ses airs de Johnny Depp, Takahiro Yamamoto Sensei n’est pas acteur de cinéma. C’est un homme résolument dévoué à sa pratique martiale. Et, si j’ai eu beaucoup de mal à me faire à ses enseignements, très proches par moments de ceux de Hino Akira Sensei,  pour moi à la limite de l’ésotérisme, j’ai été touché par son engagement, sa simplicité, sa prévenance envers ses assistants et son message de paix résumé par sa phrase :

« There is no ennemy ».

 

Takahiro Yamamoto Sensei avec ses assistants lors de la séance dirigée par Hino Akira Sensei, au Butokuden, Kyoto. Masters Tour, Juillet 2024. Tout au fond, assise, on peut apercevoir Shizuka Tamaki. Photo©Franck.Unimon

Son humilité mais aussi sa candeur et son enthousiasme se sont encore plus épanouis lorsqu’après son intervention, il est devenu un élève parmi nous, lors du cours dirigé par Hino Akira Sensei. J’ai trouvé son attitude remarquable.

 

Yoshinori Kono Sensei, 75 ans, Shoseikan.

Yoshinori Kono Sensei, près du Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

 

Je sais que l’intervention de Yoshinori Kono Sensei  au Butokuden a beaucoup déconcerté. On pourrait la comparer à du Free Jazz, à la musique de Weather Report, à de l’association d’idées ou à de l’improvisation ininterrompue.

Il est libre, Yoshinori Kono Sensei, il y en a même qui disent qu’ils l’ont vu voler….

Il fallait voir la plupart des participants qui suivaient Yoshinori Kono Sensei dans ses déambulations tant mentales que physiques au sein du Butokuden. Tels des Sancho Panza suivant leur Don Quichotte. Par moments, je me suis demandé si Yoshinori Kono Sensei s’en amusait.

Avant notre départ pour le Japon, Léo Tamaki nous avait présenté les Maitres que nous allions rencontrer. Concernant Yoshinori Kono Sensei, il nous avait écrit qu’il était un peu le « chercheur fou » des Arts Martiaux.

Yoshinori Kono Sensei, près du Butokuden, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Le jour de son intervention, j’étais trop épuisé physiquement pour participer. Mais en temps ordinaire, je sais que  je ne m’en serais pas mieux sorti que les autres participantes et participants du Masters Tour.

Lors du dîner que nous avons ensuite pris tous ensemble dans un restaurant à quelques minutes du Butokuden, il s’est trouvé que la table où j’ai été placé était voisine de celle de Yoshinori Kono Sensei. Celui-ci était derrière moi.

Yoshinori Kono Sensei, près du Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Très vite, j’ai été fasciné et happé par cet homme. Vêtu d’une tenue traditionnelle, à moitié assis sur sa chaise, une sorte de cartable en cuir souple posé derrière lui entre la chaise et son dos, Yoshinori Kono Sensei était en permanence occupé à réfléchir et à  polir « ses »  Arts Martiaux.

A telle manière de tenir un couteau. A telle façon de placer ses doigts. Et, il le partageait avec celui qui se trouvait à côté de lui. Et à toute personne volontaire et disponible dans les alentours immédiats. Il a ainsi entrepris Julien Coup, assis à sa droite. Puis, d’autres participants du Masters Tour.

Je le regardais, captivé.

 

Yoshinori Kono Sensei nous a fait l’extrême politesse d’être avec nous corporellement pour ce dîner. Il s’est plié à cette fonction sociale par amabilité. Mais il avait d’autres priorités. Le dîner, le spectacle, être filmé ou pris en photo, tout cela était pour lui secondaire depuis fort longtemps. Sans doute depuis des années.

Avec Yoshinori Kono Sensei, près du Butokuden, Kyoto. Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

La seule vérité comptable pour lui, c’était celle des Arts Martiaux. Yoshinori Kono Sensei est celui qui m’a le plus donné envie d’apprendre le Japonais. Je me suis dit que j’aurais aimé connaître suffisamment le Japonais pour l’écouter, pour l’interroger.

 

Et lorsque le dîner et tout le cérémonial social furent terminés, Yoshinori Kono Sensei est spontanément retourné au lieu et à la pratique auxquels il appartient :

 

Les Arts Martiaux.

Yoshinori Kono Sensei, après le dîner au restaurant, près du Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Je trouve cette photo de lui, après notre dîner, extraordinaire. Pendant cette heure et demi environ où Yoshinori Kono Sensei était « avec nous », il n’a attendu que ça, ce moment où il pourrait retourner pratiquer. Seul. Tout le monde aurait tout aussi bien pu rouler sous la table, où la soirée se transformer en orgie gigantesque, je crois qu’il aurait adopté exactement la même attitude.

 

Autant de Maitres, autant d’attitudes et je « parle » uniquement de cinq ou six d’entre eux que j’ai à peine aperçus.

 

Franck Unimon, ce jeudi 5 septembre 2024.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Japon Juillet 2024 : Le Retour

 

A Shinjuku, Tokyo, fin juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Japon Juillet 2024 : Le Retour

« Bientôt, ce qui s’est passé trois semaines durant au Japon se diluera :

Les effets de l’ensorcèlement de ces petits abrutissements quotidiens répétés.

 Ma compagne et ma fille dorment encore. C’est un moment fait pour commencer à écrire.

 J’ai passé récemment trois semaines au Japon. Mon précédent voyage au Japon en 1999 avait été principalement touristique. Celui-ci, le second, 25 ans plus tard, a été opéré lors du Masters Tour 2024 ».

Ces lignes datent de ce 30 juillet 2024. Depuis, ma compagne et notre fille sont parties pour trois semaines à la Réunion.

Certains des participants de ce Masters Tour de Juillet 2024 étaient également originaires de la Réunion. D’autres venaient de Suisse,  de Belgique, du Vietnam, et de diverses régions de France ( Bretagne, Limousin, L’Est de la France, Champagne-Ardenne, Sud-Ouest, île de France….).

 

Bien-sûr, depuis mon retour du Japon le 29 juillet, j’ai repris le «travail ».

Le temps de faire un certain tri dans les photos et les vidéos que j’ai « faites » et de me mixer les neurones afin de décider quelle photo choisir pour débuter et comment m’y prendre au mieux pour constituer ce premier article, onze jours supplémentaires sont passés. Nous sommes désormais le samedi 10 aout 2024 et mon article n’est pas terminé. Il faut relire, rectifier, rajouter des photos et des vidéos. Se demander si tel passage est justifié. Si on a envie de le lire. Et, finalement, douter que cet article ait une raison d’exister, entre mégalomanie et folie.

J’avais 31 ans et étais célibataire sans enfant lors de mon premier voyage au Japon en 1999. L’année de la sortie du premier film Matrix que j’avais vu trois ou quatre fois dont une fois lors de ce voyage au Japon.

Je dois ce premier voyage à une amie qui résidait alors à Tsukuba, dans la banlieue de Tokyo, à une heure en train du centre de Tokyo. Grâce à elle et à son frère qui m’avait donné des conseils et m’avait appris ces quelques mots japonais qui m’ont à nouveau servi en 2024, j’avais vécu ce voyage extraordinaire.

Et cette semaine où je m’étais rendu seul à Kyoto – en prenant le shinkansen- ainsi qu’à Hiroshima et sur l’île de Miyajima.

A Hiroshima, juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Le numérique et internet, les réseaux sociaux, n’en n’étaient pas au stade où ils en sont aujourd’hui pour le pire et le meilleur. Et, je n’avais pas de blog. En plus de divers souvenirs, j’ai conservé les photos papier et peut-être leurs négatifs de ce séjour.

 

Je confirme que pour moi, comme pour d’autres, il y eut un « avant » et un « après » ce premier voyage au Japon. A mon retour du Japon, je dirais que j’avais gagné en lucidité sur moi-même. Et sur ce que je pouvais accepter ou refuser.  

Photo©Franck.Unimon il s’agit du Maccha-Ohagi. En Anglais, cela donne ( Powdered Green Tea & Rice Ball Coated With Sweetened Red Beans). Prix : 800 Yens. Un peu moins de cinq euros. Pourquoi se priver ? J’espère, un jour, pouvoir goûter le Maccha-Zenzai ( Sweet Red Bean Porridge & Green Tea) servi uniquement en hiver pour 1050 yens.

Cependant, même si je pratiquais encore le judo lors de ce premier voyage au Japon, j’y étais allé en touriste. Et en idéaliste du Japon, de l’Asie en général ou des Arts Martiaux. C’est peut-être en raison de cette attitude de touriste que j’ai pris autant d’années pour retourner au Japon alors que j’avais prévu d’y revenir.

Entre-temps, le Japon était devenu un peu plus touristique.

Au cinéma, le film L’été de Kikujiro (1999), puis Dolls ( 2002) et Zatoichi ( 2003) avaient renouvelé voire féminisé le public de Takeshi Kitano dont le film Sonatine ( 1993) avait été pour moi une marque cinématographique et personnelle lorsque je l’avais vu vers 1997 à Paris lors d’un festival consacré à un certain cinéma asiatique en direct de Hong Kong. J’y avais alors vu des films de « genre » de réalisateurs tels que Johnnie To, Kirk Wong et  John Woo…

Kitano, de par ses « polars » faits de violence, d’humour noir et de poésie avait été le Japonais « infiltré » du groupe de réalisateurs présentés.

Vraisemblablement à Kyoto. Photo©Franck.Unimon

La France était devenue un pays de lecteurs de mangas. La Japan Expo ( à laquelle je ne suis jamais allé) avait été crééé ( en 1999-2000) et avait rapidement connu beaucoup de succès.

Le succès connu par le Japon s’étend peu à peu, depuis à peu près une dizaine d’années, à la Corée du Sud.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

En 1999, le Japon était peut-être encore la Seconde ou la Troisième Puissance Mondiale. Peu avant notre séjour , en juillet 2024, le Japon est devenu la Quatrième Puissance Mondiale économique, dépassé par l’Allemagne et devancé par les Etats-Unis et la Chine. Le Yen avait perdu de la valeur et cela nous était favorable. 1 euro valait environ 171 yens en juillet 2024 durant ce Masters Tour.

 

Photo©Franck.Unimon Japon, Juillet 2024.

Le voyageur que je suis

Je voyage souvent sans schéma. La plus grande partie de mon organisation consiste généralement à me décider pour une destination et à composer comme je peux le budget qui lui correspond.

D’emblée, dans un pays ou une région où je voyage, je pense assez peu à des endroits que je tiens particulièrement à « voir » ou à « visiter ». Ou alors très grossièrement. Ainsi, j’aimerais aller visiter l’Algérie ou un pays d’Afrique noire. Mais l’Algérie est un grand pays et l’Afrique noire est vaste.

C’est déjà bien que je puisse me dire que, en Algérie, j’aimerais bien voir « Alger la blanche », Tlemcen et d’autres villes. Car, ordinairement, j’en suis incapable.

A Harajuku, Tokyo, fin juillet 2024.

Il m’est arrivé d’acheter des guides touristiques (sur le Japon ou ailleurs) ou d’en emprunter avant un voyage mais je ne les lis pas. Je le regrette car je me dis qu’ils sont très bien écrits et qu’ils fournissent des informations culturelles très importantes et très divertissantes. Mais je ne parviens pas à les ouvrir suffisamment.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Je suis plus réceptif à des suggestions que l’on peut me faire. J’écoute aussi et je marche facilement et beaucoup.

Comme un fou. Sans nécessairement savoir où je me rends.

En Yougoslavie, en 1989, alors que nous nous déplacions à pied et sans but, mon meilleur ami, qui me suivait, m’avait un moment dit :

« J’ai l’impression d’être avec un fou ! ».

Pas de plan, pas de boussole. Je suis en fait un peu comme un enfant qui apprendrait à marcher et qui découvrirait son environnement. Et qui croit à l’intemporalité.

Le Masters Tour créé et proposé par Léo Tamaki, à première vue, c’était plutôt l’opposé de tout cela. Mais avant de présenter un peu Léo Tamaki, je crois important de rappeler comment j’en suis arrivé à le « connaître ».

A Hiroshima, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Une atmosphère de pandémie

J’ai eu tendance à raconter que j’avais découvert Léo Tamaki la première fois en regardant sa rencontre avec Greg MMA sur Youtube.

Mais à la réflexion, tout est parti, je crois, de la pandémie du Covid et de son atmosphère exceptionnellement anxiogène il y a quatre ans. En plein confinement. Aujourd’hui, nous sommes en plein dans l’ambiance estivale et festive des Jeux Olympiques en France. Et la France a remporté un certain nombre de médailles. Officiellement, tout le monde est content. C’est une ambiance détendue ou très détendue qui contraste avec celle des élections législatives anticipées qui se sont terminées la veille de notre départ le 8 juillet pour ce Masters Tour au Japon ainsi qu’avec celle connue dès le premier confinement lors de la pandémie du Covid en mars 2020. Même si elle camoufle bien des aspects préoccupants de l’actualité, je préfère évidemment l’ambiance de ces olympiades sportives à nos olympiades sanitaires durant la pandémie du Covid.

Durant la pandémie du Covid, à la télé, et sur les réseaux sociaux, au moins, nous nous faisions quotidiennement matraquer par les informations et les chiffres relatifs au Covid.

Tant de personnes hospitalisées après avoir attrapé le Covid, tant de personnes décédées.

C’étaient en permanence des auberges de Babel qui s’accordaient suffisamment afin de nous héberger dans une atmosphère de fin du Monde au travers de cet acharnement médiatique. Nous vivions sans la perspective annoncée de pouvoir reprendre un jour pied dans un horizon sanitaire et mental normal.

Photo prise lors du Survival Expo en juin 2023, au parc floral de Vincennes. Photo©Franck.Unimon

Alors infirmier dans un service de pédopsychiatrie, j’avais fait partie des professionnels et des personnes qui avaient continué de circuler, d’avoir donc le droit de prendre l’air lors de certains horaires et dans un certain périmètre. Et d’exercer.

Si le Covid m’avait physiquement épargné, j’étais néanmoins plus ou moins atteint psychologiquement et moralement, comme beaucoup, par cette angoisse collective, morbide. Et persistante.

Je n’ai pas de télé. Mais j’aime lire. Et près de mon service d’alors, dans le 13ème arrondissement, métro Gobelins, il y avait une centrale de presse demeurée ouverte.

Une oasis.

 Je m’étais dit que lire et pouvoir choisir de lire était plus bénéfique que subir en continu les mêmes images.

Dans cette centrale de presse, j’avais commencé à regarder (et à acheter) des magazines consacrés aux Arts Martiaux. Sans doute Aïkido et Self & Dragon pour commencer.

Cette anecdote a son importance pour rappeler que les Arts Martiaux proposent des issues  mentales, psychologiques,  émotionnelles, intellectuelles et culturelles. Et qu’ils peuvent être des alliés dans une période de trouble à condition qu’ils permettent ou entretiennent une certaine capacité d’introspection, d’empathie et de réflexion. Ainsi qu’un certain optimisme.

En Psychiatrie adulte, je me rappelle encore d’un patient rencontré dans le service où je travaillais alors, dans les années 90. Ce patient, ancien champion de France de Taekwondo, avait une certaine capacité à reprendre le contrôle de lui-même lorsqu’il sentait qu’il commençait à s’agiter psychiquement. Et, il n’avait jamais fait partie de ces patients violents, irrespectueux, dangereux ou menaçants- malgré le déclin de son destin à son jeune âge ( moins de 30 ans)- que, de temps à autre, certains événements douloureux et tragiques poussent certains à associer à la psychiatrie.

Je sais aussi que, durant la pandémie du Covid, un Maitre de Kung Fu que j’avais rencontré à Paris une ou deux fois auparavant a gardé régulièrement le contact avec ses élèves via Facebook.

Et, je sais aussi que durant la pandémie du Covid, dès que cela avait été possible, un entraîneur de boxe française, dans ma ville de banlieue, à Argenteuil, a proposé régulièrement des séances d’entraînement en plein air sur un terrain de basket disponible voire sur un parking.  Aux enfants comme aux adultes.

Ce sont des initiatives qui démontrent à la fois l’engagement de ces personnes mais aussi que la combattivité consiste aussi à savoir se maitriser comme à continuer de proposer autre chose que du pessimisme.

Je crois que beaucoup de personnes méconnaissent le fait que les Arts Martiaux mais aussi les sports de combat peuvent être des média d’optimisme voire d’une certaine liberté individuelle.

Du côté d’Asakusa, juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

 Au point que, de plus en plus, maintenant, je me sens embarrassé à dire que je suis parti au Japon « avec » un expert en Aïkido ou que je pratique un peu le karaté.

Parce-que je perçois plus rapidement le malentendu. 

Parce-que, pour beaucoup de personnes, les Arts Martiaux se résument à du spectacle et à du combat. Cela revient à faire le grand écart et/ou le moonwalk comme Michaël Jackson  ou à posséder des pouvoirs ou des « trucs » magiques et acrobatiques devant un public ébaubi. Ou à faire de l’EPS comme au collège lorsque certaines et certains déployaient tout leur génie afin d’en être dispensés.

Enfin, certaines personnes, pour des raisons, des croyances et des interdits qui leur sont propres, répugnent à passer par leur corps pour apprendre à s’extraire de leur condition. Cela demanderait trop d’efforts. Cela ferait mal ou l’on pourrait se faire mal. Et puis, cela stimule les glandes sudoripares et ça fait transpirer.

Pour ces personnes, les Arts Martiaux mais aussi les sports de combat doivent rester à distance à l’état de vitrine ou d’éclats ultimes sur un écran. Comme si les Arts Martiaux mais aussi les sports de combat, ou n’importe quelle activité physique et sportive, pour ces personnes, étaient le danger ou un déchet radioactif mortel implacable et irréversible qui pouvait les défigurer ou les anéantir.

A l’inverse, d’autres se saisissent des Arts Martiaux et sports de combat comme d’un élixir censé leur procurer tout ce qui a pu leur manquer à un moment de leur vie. C’est leur Durandal ou leur Excalibur.

Japon, Juillet 2024. Vers l’aéroport Narita pour notre retour en France. Photo©Franck.Unimon

La Pandémie du Covid a été un terrible révélateur.

Elle a d’abord eu pour effet de beaucoup nous contraindre physiquement, affectivement et mentalement (mais aussi économiquement) que l’on soit porteur ou non du virus. Mais aussi de nous révéler à quel point il était facile de nous écarteler (diviser) et de nous affoler.

A Harajuku, fin juillet 2024, Oeuvres de l’artiste Hyakkimaru  » maitre incontestable du Kiri-é au Japon, l’art du papier découpé » ( blog Sakura Bento). Photo©Franck.Unimon

Et, ces magazines consacrés aux Arts Martiaux que j’ai trouvés ont fait partie de ma petite panoplie de self défense mentale afin d’essayer de continuer à vivre au mieux. 

Je crois que c’est de cette façon et dans ce contexte que j’ai entendu parler pour la première fois de Léo Tamaki. Et, je crois que ce contexte et ces raisons m’ont guidé vers lui et d’autres avant lui mais aussi après lui.

Léo l’a peut-être oublié aujourd’hui mais un ou deux ans après le début de la pandémie du Covid, un jour, je lui avais exprimé mes doutes quant au fait que celle-ci allait s’arrêter et qu’il serait possible de pratiquer à nouveau. C’était peut-être avant mon passage au Dojo 5 en été 2021 ( Dojo 5).  

Très simplement, il m’avait alors fait part de sa certitude et de son optimisme. Je n’avais pas eu besoin de plus.

Masters Tour et Léo Tamaki

A notre arrivée à la gare de Kyoto, juillet 2024. La silhouette représente bien sûr Léo Tamaki. Photo©Franck.Unimon

Le Masters Tour est un événement martial, touristique, culturel et personnel proposé depuis plusieurs années par Léo Tamaki, son frère Issei et celles et ceux qui les entourent et qui partagent avec eux un certain nombre de moments et de valeurs depuis des années (près de vingt années ou davantage). Parmi eux, on peut citer Tanguy Le Vourch et Julien Coup.

Il faut aussi citer Shizuka, la femme de Léo, très impliquée.

Et d’autres.

Léo Tamaki -qui est à l’initiative du projet et qui est en le chef d’orchestre- est un expert en Aïkido. Son CV martial est éloquent. Sa pratique martiale l’est tout autant. Quelques quarante années d’expériences ou davantage.

Bien avant l’Aïkido qu’il pratique et enseigne depuis plusieurs années maintenant, comme beaucoup de Maitres, Léo Tamaki s’était auparavant « configuré » dans d’autres disciplines martiales ou de combat. Je ne les ai pas toutes retenues. Mais je crois qu’il y a eu du judo, de la boxe thaï, du karaté…

Léo a du charisme et une autorité que peu de personnes, parmi celles et ceux qui ont pu l’approcher et le voir enseigner ou pratiquer, pourront contester.

On pourra juger que je fais ici dans la flatterie en vue de pouvoir gratter une réduction sur les tarifs du prochain Masters Tour ou en vue d’obtenir un abonnement gratuit à vie à la revue Yashima.

Pourtant, chaque fois que l’on parle d’un Maitre, d’un expert, d’un prof, d’un collègue, d’une histoire d’Amour ou d’une personne qui nous a laissé une impulsion salvatrice ou libératrice, celle-ci a toujours eue, de notre point de vue, un charisme, une connaissance et un savoir-faire qui étaient absents chez d’autres.  

Et cela y compris sous d’autres latitudes que celles de la pratique martiale.

Himeji, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Je peux donc très facilement citer d’autres personnes qui, pour moi, ont ou ont eu un certain charisme bien qu’inconnus au plus grand nombre :

Stephan, Le prof de plongée qui, en Guadeloupe, m’avait fait passer mon baptême puis mes deux premiers niveaux de plongée ; Yves, le responsable de la section apnée du club dont je fais partie;  Jean-Pierre Vignau, mon « prof de karaté préféré » comme celui-ci aime le dire en plaisantant dans les messages téléphoniques qu’il a pu me laisser. Mais aussi certains collègues dans mon travail à mes débuts ( ou à leurs débuts) et plus tard, en psychiatrie, et en pédopsychiatrie, dans les services où j’ai travaillé, lors de certaines situations. Des infirmiers psychiatriques, Bertrand, Bernard, Patrice, Daniel, Hugues, un interne en psychiatrie, Michaël, une infirmière, Katia, le premier pédopsychiatre avec lequel j’ai travaillé, le Dr Bruno Rist…

Du côté artistique et musical, je pourrais citer beaucoup d’artistes, de Miles Davis, à Cheikha Rimitti, en passant par Jacob Desvarieux. Albert Griffiths, Burning Spear jusqu’à Lana Del Rey bientôt au festival Rock en Seine…

Au mieux, l’émulation voire la compétition qui découlent de notre attirance pour le charisme d’une personnalité nous inspirent et amènent des grandes œuvres et des beaux projets. 

Au pire, on se contente de singer le modèle, de quiproquos, de rapports de domination ou d’une admiration trop grande qui inhibe ou rend stupide.  

A côté de ce charisme et de cette autorité, Léo  a quelques particularités.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Il est par exemple très à l’aise avec les réseaux sociaux. Il tient un blog, poste régulièrement des vidéos ou des informations sur sa page Facebook. Il est plutôt à l’aise avec les interactions sociales ainsi qu’en interview : il ne passe pas son temps à regarder ses pieds ou à tchiper lorsqu’on lui adresse la parole.

En bon manager, il sait aussi très bien choisir ses associées, associés et partenaires directs. Et, régulièrement, il crée et propose des événements au grand public qui sont des projets stimulants sans aucun doute pour « ses » troupes mais aussi très exigeants en implication personnelle et en travail d’organisation… et d’improvisation.

Pour ma part, je ne sais pas faire « tout » ça ou je ne le souhaite pas. 

Megumi, une de nos guides, avant de monter dans le Shinkansen, quelque part au Japon, juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Ce Masters Tour au Japon, comme les précédents et comme ces stages d’Aïkido KishinTaïkaï proposés par Léo et par les enseignants de son école, est ouvert aux pratiquants d’autres disciplines, qu’ils soient experts ou débutants.

Il est d’autres événements proposés ailleurs, par d’autres experts ou Maitres d’Arts Martiaux, mais ce séjour au Japon a fait partie des bonus pour moi.

J’ai oublié le prénom de celui qui m’avait « promené » le lendemain de notre arrivée au Japon. Mais il était étudiant en Japonais et se destinait à l’enseignement. En temps ordinaire, je ne l’aurais pas sollicité pour découvrir le coin. D’autant que si, sportivement, son travail peut être un très bon entraînement en tant qu’athlète, cela reste tout de même très éprouvant. Mais ce jour-là, j’avais la nausée, j’étais fatigué, j’avais mal à la tête et la température dépassait trente degrés comme durant le reste de notre séjour. Alors, j’ai rusé afin de pouvoir visiter le « quartier » en essayant de récupérer pendant nos près de deux heures de temps libre. Cela a été une bonne stratégie. Photo©Franck.Unimon

Motivations et conditions pour participer au Masters Tour : 

 « Surtout, ne regarde pas à la dépense ! »

C’est ce que m’a recommandé avant ce Masters Tour, cette même amie qui, vingt cinq ans plus tôt, m’avait encouragé à faire un prêt avant mon premier voyage au Japon.

Lorsque j’ai revu cette amie à Paris deux ou trois semaines avant mon départ, je me souviens avoir été étonné par son regard au moment de nous dire au revoir près de la gare de l’Est.

J’étais dans la mesure pratique de mon quotidien. J’allais retourner au Japon et je me focalisais sur des démarches à faire dans tel ou tel domaine comme, par exemple, bien m’assurer de l’inscription administrative de ma fille au collège ou, simplement, recevoir l’officialisation de son passage en sixième. Le regard de mon amie, lui, dardait de joie pour moi. Elle, elle était déjà dans l’avion pour moi.

Je suis venu en amateur à ce Masters Tour. En amateur du Japon. En amateur des Arts martiaux. En Amateur de la vie.

En curieux.

Shinjuku, Tokyo, fin juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Sans trop d’attentes démesurées, je crois.

Si je peux donner beaucoup de ma personne dans divers domaines, j’ai du mal à me percevoir comme un passionné des Arts Martiaux ou de quoique ce soit. Même si cela peut me flatter- et m’étonner- que l’on me puisse me décrire de cette manière.

Budget pour le Japon

Les premières fois que j’ai vu les tarifs du Masters Tour, le prix de ce voyage m’est apparu exorbitant voire mégalo :

5000 euros pour trois semaines.

C’était à peu près il y a deux ans. Avant de participer pour la première fois aux 24 heures du Samouraï au dojo d’Herblay en 2023, un événement également proposé par Léo et les enseignants et pratiquants de l’école d’Aïkido Kishin Taïkaï. ( voir Les 24 heures du Samouraï 2024 ). 

Puis, je me suis rappelé que le Japon est une destination chère. Je vois le séjour au Japon comme un séjour réservé à des privilégiés ne serait-ce que d’un point de vue économique.

En 1999, j’avais d’abord payé environ 7800 francs mon billet d’avion puis 1200 francs un pass hebdomadaire pour prendre le shinkansen. J’avais alors cru avoir fait le principal en termes d’effort financier.

Puis, quelques jours avant mon départ, j’avais lu qu’il fallait un budget compris entre 500 et 1000 francs par jour pour passer des vacances au Japon. J’allais y passer trente jours contre 21 lors de ce Masters Tour.

Japon, juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

En 1999, peu avant mon départ pour le Japon, je ne disposais pas de ces 500 à 1000 francs par jour.  

Sur les conseils d’une amie, j’avais alors demandé et obtenu un prêt revolving de 20 000 francs que j’avais ensuite remboursé en deux ans.

Un prêt que je n’ai jamais regretté d’avoir demandé et obtenu. J’avais alors été très à l’aise financièrement durant mon séjour  d’un mois au Japon.

Les 30 000 francs de l’époque équivalent sans aucun doute à peu près aux 5000 euros nécessaires cette année afin de pouvoir participer à ce Masters Tour et être logés. Et, en plus, lors de ce Masters Tour, nous allions rencontrer des Maitres d’Arts martiaux, pratiquer, visiter différents endroits auxquels spontanément, je n’aurais pas pensé, avec quelqu’un qui connaissait le pays bien mieux que moi et qui en parlait la langue.

Bien-sûr, il fallait prévoir aussi les frais annexes :

repas, restaurants, dépenses diverses et personnelles ( vêtements, électronique, mantras, baleines, autres…).

Mon voyage de 1999 avait été extraordinaire. Celui de ce Masters Tour le serait vraisemblablement aussi.

J’ai à nouveau fait le nécessaire afin d’être détaché le plus possible des éventuelles contraintes financières de l’expérience. En partant pour ce Masters Tour, j’avais prévu un budget dépenses situé entre 4000 et 5000 euros.

J’avais aussi payé deux cartes e-sim ( Holafly et Provider. Ma préférence va à Holafly) avec un forfait illimité durant trente jours. J’avais aussi pris chez mon opérateur, Orange, un forfait pour une heure d’appels depuis le Japon.

Et, je m’étais acheté auparavant deux smartphones reconditionnés, donc à prix réduit, qui acceptaient la carte e-sim. Un smartphone pour la messagerie WhatsApp, internet, les réseaux sociaux, les éventuels appels, les photos et les vidéos.

Et un autre smartphone, plus performant, pour les photos et les vidéos. 

Léo nous avait recommandé de nous encombrer le moins possible pour faciliter nos déplacements et, donc, d’opter pour une valise d’une certaine contenance. Ni trop grande, ni petite. Je n’en n’avais pas. J’étais donc parti en acheter une et elle m’a donné satisfaction durant le séjour. C’est désormais ma compagne et ma fille qui en profitent à la Réunion.

On peut me trouver très à l’aise financièrement. Alors, je rappelle mon âge :

56 ans, cette année. Cela fait plus de trente ans que je travaille et mon précédent  voyage au Japon datait de 1999.  J’ai donc particulièrement tenu à refuser que l’aspect financier vienne me gâcher ce voyage peu ordinaire. 

Le prix des billets pour certaines épreuves olympiques ( j’ai entendu parler de 7000 euros pour une place de spectateur en finale d’athlétisme du 100 mètres aux JO de cette année en France) m’a d’autant plus conforté dans l’idée que mon argent était « mieux » employé en partant pour le Japon. Même si, plus tard, j’ai profité d’une opportunité pour racheter deux places afin d’emmener ma fille assister à des épreuves de Judo aux Jeux Olympiques.

Et, aujourd’hui, en voyant ce que nous avons  » connu » durant ces trois semaines, je considère que notre argent a été très bien utilisé. A mon avis, nous avons plus fait en trois semaines que d’autres vacanciers en un mois ou davantage :

Jusqu’à trois à quatre visites de temples, parcs ou de musées  ( ou plus) certains jours. Les entraînements. Les Maitres. Nous avons pris le Shinkansen quatre ou cinq fois ( ou plus). Nous avons changé d’hôtel cinq ou six fois ( ou plus). Dans des hôtels plutôt haut de gamme, très éloignés des standards du formule 1, et proches des gares.

Tokyo, Kyoto, Inosaki, Kurashiki, Hiroshima, Himeji, sont les villes où nous avons séjourné. Et, j’en oublie peut-être une ou deux. 

Nous avons régulièrement reçu des suggestions de lieux à visiter là où nous nous trouvions. 

Nous avons aussi eu deux repas au restaurant tous ensemble.

A notre arrivée au Japon, le 9 juillet 2024. Nous faisions partie du second groupe. Le premier était arrivé la veille. Ma valise est au premier plan. Orange. Photo©Franck.Unimon

Les 140 du Masters Tour :

Je n’ai rien d’original.

Sans doute que beaucoup d’autres sont venus à ce Masters Tour en ayant à peu près les mêmes préoccupations tant financières que personnelles.

Cette année, nous étions un peu plus de 140 à venir probablement pour des raisons identiques au départ ( 142 exactement). Et aussi pour avoir « suivi » Léo Tamaki sur les réseaux sociaux ou pour l’avoir rencontré lors d’un stage d’Aïkido KishinTaïkaï ou aux 24 heures du Samouraï.

Puisque Léo Tamaki passe environ 200 jours par an à animer des stages d’Aïkido un peu partout dans le monde. Et qu’il publie régulièrement au moins sur Facebook.

142, c’était plus que les autres fois où, au plus haut, il y avait eu jusqu’à 90 participants. Ce qui était déjà beaucoup comparativement à la trentaine de participants présents lors d’éditions précédentes. J’ai eu connaissance de ce chiffre de 142 participants vraisemblablement quelques jours avant notre départ.

Certains participants sont restés deux semaines au Masters Tour. D’autres, trois. Certains participants étaient déjà venus au Japon lors d’un Masters Tour. Un des élèves de Léo revenait pour la quatrième ou cinquième fois au Japon dans ces circonstances. Je lui envie cette expérience.

De par ma participation aux 24 heures du Samouraï de 2023 et de 2024 au dojo d’Herblay, je connaissais de vue plusieurs participantes et participants. Le fait aussi de prendre des photos et de filmer lors de ces deux éditions des 24 heures du Samouraï m’avait permis de mémoriser certains visages. Autrement, j’ai découvert sur place tous les autres lors du séjour.

Ainsi que « mes » co-locataires.

Puisque j’ai partagé ma chambre d’hôtel avec un inconnu. D’abord L…, pratiquant de karaté shotokan. Puis, G, pratiquant d’Aïkido après que sa femme et leurs deux enfants soient retournés en France après la deuxième semaine. 

J’ai aussi appris sur place que cette année correspondait à la dixième année de la création de l’école d’Aïkido Kishin Taïkaï crééé par Léo, Issei, Tanguy et Julien. 

J’avais bien sûr imaginé que nous serions nettement moins nombreux que 142. Mais ce chiffre ne m’a pas rebuté.

Ce « succès » vient sûrement de la médiatisation de Léo via ses stages, les événements tels que Les 24 heures du Samouraï et sa présence sur les réseaux sociaux.

J’insiste sur ce point de la médiatisation et des réseaux sociaux car bien des experts et Maitres d’Arts Martiaux toujours en activité passent inaperçus ou sont oubliés en raison d’une certaine invisibilité médiatique, voulue ou subie, faisant d’eux peut-être ce que l’on appelle des Kage Shihan. Si je ne me trompe pas, ce terme qui signifie « Maitre de l’ombre » m’a très vite intrigué lorsque je l’ai découvert et me rappelle aujourd’hui, aussi, ces thés d’ombre qui peuvent être produits au Japon également.

 

Si la médiatisation peut apporter son cortège d’embarras et nécessiter un investissement personnel particulier, elle peut aussi, si elle est bien maitrisée et bien tolérée, avoir un certain nombre d’avantages pratiques. Mais nous ne sommes pas tous à l’aise de la même façon avec la médiatisation ou avec le fait d’être en interaction constante ou répétée avec nos semblables.

Désillusions

 

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Ce sont des désillusions que j’ai déjà pu connaître ailleurs et que je pourrais à nouveau vivre comme chaque fois que je me fais une certaine idée préconçue de ce que je veux trouver ou des personnes que je veux rencontrer. Et que j’anticipe trop le déroulement d’un événement car je suis plus dans l’attente d’un signe, d’un geste, d’un événement ou d’une ouverture que je souhaite.

J’ai sûrement trop idéalisé les interactions sociales et humaines que j’attendais lors de ce Masters Tour 2024.

Je les voulais selon mes souhaits. 

Je m’imaginais que des pratiquants d’Arts martiaux auraient les mêmes perceptions que moi.  Qu’ils seraient « ouverts » et plutôt zen.

J’ai déchanté. Et c’est normal.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Je me croyais sans doute parti en colonie de vacances où je me ferais beaucoup -et facilement- des nouveaux amis. Mais du temps est passé depuis l’enfance et l’adolescence. Et, la vie, voire le combat, c’est assez souvent le contraire de ce que l’on prévoit :

Les gens réagissent différemment de ce à quoi l’on s’attend.

Je me ferai peut-être des amis à la suite de ce Masters Tour 2024 -ou même des ennemis à la suite de la lecture de ce passage dans cet article- mais cela prendra un peu plus de temps que prévu.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Je me rappelle que les premières fois que j’avais rencontré mon meilleur ami au collège, il m’était insupportable. Et, il avait fallu plusieurs années pour que nous devenions amis.

Toutefois, il importe rapidement d’apporter de la nuance et des précautions à mes propos :

J’ai  bien sûr connu des moments répétés de détente et de visites, improvisés et décidés avec d’autres participants du Masters Tour 2024.

 

J’ai même pris la liberté certaines fois de rester dans mon coin.

Mais, visiblement, en d’autres circonstances, mes priorités sociales différaient de celles d’autres participantes et participants.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Contrairement à la majorité des pratiquantes et des pratiquants du Masters Tour, En Aïkido, je ne connais pas grand-chose. En karaté shotokan, à peine beaucoup plus.

Mais, à mon avis, le Masters Tour concerne autant le comportement sur le tatami et en tenue que seul, face à soi-même, et en dehors du tatami.

Et, dans certains compartiments de la vie sociale, là, j’ai été très étonné.

Pendant ces trois semaines, j’ai pris soin, un certain nombre de fois, d’essayer d’aller vers les autres. De discuter avec eux. D’apprendre leurs prénoms.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Vers autant de personnes que je le pouvais. Je n’y suis pas toujours parvenu. Mais je sais avoir essayé. Et je crois avoir retenu plus de prénoms que de participants n’ont retenu le mien. J’ai aussi bien vu que d’autres participants étaient assez isolés par intermittences en dehors du tatami.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Parallèlement à cela, un certain nombre de participantes et de participants ne s’embarrassaient pas avec ce genre d’applications sociales superflues. Elles et Ils ont néanmoins peut-être essayé au début du Masters Tour d’aller vers les autres.

Ce sont peut-être aussi des réactions dues au fait de se retrouver soudainement dans un grand groupe avec des personnes (ou un voisin de chambre) que l’on n’a pas choisies. Et de se voir et de se revoir fréquemment en grand nombre plusieurs jours durant. Alors que cela n’est pas dans nos habitudes.

Kyoto, Juillet 2024, lors du festival Matsuri Gion. Photo©Franck.Unimon

On reste entre soi. Avec des personnes que l’on connaît déjà (souvent depuis des années) ou avec lesquelles on est (déjà) venu à des Masters Tour précédents. On passe sans dire bonjour.  Celle ou celui que je ne connais pas ou qui n’est pas de ma discipline martiale ou de mon niveau n’existe pas. Ou très peu.

On se précipite pour rester avec celles et ceux que l’on connaît déjà et avec lesquels on rigole devant les autres qui sont là mais qui n’existent pas. A l’hôtel, on sort de l’ascenseur que l’on a pris avec un des participants du Masters Tour sans lui dire au revoir une fois arrivé à notre étage. Voire, on lui passe devant pour rentrer dans l’ascenseur alors qu’il attendait avant nous.

Il m’est arrivé de penser que cela faisait partie des épreuves informelles et implicites du Masters Tour. Qu’il s’agissait que le nouveau ou l’inconnu se fasse connaître et accepter ou endure l’épreuve de l’anonymat. Après tout, dans certaines traditions d’apprentissage, le petit nouveau ou la petite nouvelle n’a pas de visage, de nom ou même de matière. Elle ou il est là pour apprendre, pour servir, pour se taire. Et, avec du travail et de la patience, petit à petit, son statut évoluera. Si elle ou il persévère.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

On était bien entre guerrières et guerriers ?! Donc, pourquoi se préoccuper des autres et de ces facilités- des hypocrisies ! – sociales qui nous font croire que tout nous arrive toujours tout cuit dans la bouche, sans se battre et sans persévérer et que tout le monde nous aime toujours ?

Himeji, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Cependant, ces attitudes d’évitement étaient par moments tellement caricaturales – voire comiques- qu’elles relevaient davantage, de mon point de vue, d’une difficulté à entrer simplement en relation avec celle ou celui que l’on ne connait pas. Qui est peut-être un ennemi déguisé sous les traits d’un participant ou d’une participante au Masters Tour…

Dire bonjour à quelqu’un était peut-être plus difficile à prononcer pour certaines et certains que d’avaler du cyanure. Pareil pour le simple fait de dire au revoir. 

Il a pu arriver qu’à la fin d’une séance d’entraînements avec un Maitre, comme je prends beaucoup de photos, que certains se rappellent subitement de mon prénom et de mon existence afin de me demander si je les avais pris en photo. J’ai alors toujours donné la même réponse :

Non.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Mais je suis sûrement beaucoup trop photosensible. Et j’exagère sans doute. Je me la pète aussi très certainement beaucoup.

 

Il y a eu néanmoins des éclaircies, je le répète. Des périodes où j’ai connu des moments agréables avec d’autres. Il y a aussi eu ces moments ou ces rencontres et discussions imprévues devant la laverie automatique.

Et, je le précise : j’ai vu d’autres participants être par moments isolés, sans doute par choix, mais aussi, à mon avis, parce qu’ils avaient commis l’erreur ou la faute de venir seuls au Masters Tour ou de ne pas faire partie d’un groupe, duo ou trio.

Kyoto, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Une certaine logique aurait aussi voulu que je rejoigne et que je me « colle » à d’autres adeptes du karaté shotokan parce-que je pratique un peu le karaté shotokan. Sauf que mon identité et ma valeur, c’est d’abord mon prénom, mon nom de famille ainsi que mon histoire personnelle. Et non le fait de porter une ceinture de telle ou telle couleur dans une discipline donnée qu’elle soit martiale ou autre :

Je suis une personne avant d’être un pratiquant que ce soit de karaté ou d’une autre pratique. Et, même si la pratique martiale- ou une autre pratique- révèle toute ou partie de la personne que l’on est, on dira que je mets ma personne- donc sans doute mon ego- avant le pratiquant que je suis ou peux être.

Et, pour moi, ça commence souvent par « Bonjour » voire, plus difficile, de connaître mon prénom. ça donne peut-être une idée de la très haute opinion que j’ai de moi-même et aussi de mon ego surdimensionné.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Mais, visiblement, d’autres participantes et participants ont eu le réflexe inverse.  Et, j’aurais eu plus « d’attraits » y compris d’un point de vue sociétal si j’avais eu tel niveau et tel parcours plus ou moins accompli et reconnu dans telle pratique martiale.  

Je crois que c’est une erreur de la part de ces pratiquantes et pratiquants d’avoir eu ce comportement quel que soit leur niveau avancé dans leur pratique martiale qu’il s’agisse d’Aïkido ou de karaté.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Je répète aussi que j’ai déjà assisté peu ou prou à ce type de comportement dans d’autres domaines :

Lorsqu’il m’est arrivé de faire du journalisme cinéma en tant que bénévole, j’ai pu croiser des journalistes cinéma professionnels, certes réputés et rémunérés, mais que j’ai perçus comme des handicapés de la relation sociale.  Je me rappelle de mon enthousiasme à m’adresser pour la première fois, lors d’une projection de presse, à un journaliste cinéma de Télérama dont j’avais lu des critiques. Le ton sur lequel celui-ci m’avait répondu ne disait rien de ses jours de fête. J’avais rencontré des personnes beaucoup plus joyeuses à un enterrement.

J’ai aussi pu trouver excessif et ridicule de voir certaines attachées de presse mettre sur un piédestal certains journalistes employés par des média renommés tel Télérama. Qu’est-ce qui m’avait fondamentalement séparé de ces journalistes cinéma mis sur un piédestal ?

Le fait que j’écrivais pour un média moins diffusé en tant que bénévole. Il aurait suffi où il suffirait que demain, j’écrive ou travaille pour un média reconnu et important et, là, on me donnerait du « Monsieur » même si mes articles sont écrits par une banane en décomposition.

Dans « mon » club de karaté, il a pu arriver qu’un pratiquant nécessairement bien plus ancien que moi et plus gradé se contente de m’appeler « Ceinture jaune ! ». J’ai alors expliqué calmement que mon prénom était très différent. Et, intérieurement, il m’est arrivé de m’amuser en considérant que ces anciens (qui peuvent être nettement plus jeunes que moi) ont connu principalement un seul club de karaté ou deux, situé à quelques minutes de leur domicile alors qu’il me faut une heure de transport, et que je n’ai jamais vu aucun d’eux aux 24 heures du Samouraï.

Dans un service de psychiatrie adulte où il m’arrivait de faire des remplacements, une infirmière du service dont je connaissais le prénom m’avait interpellé un jour, comme je revenais, de la manière suivante :

« Pédopsy ? ». Elle avait eu une soudaine réminiscence. Je lui avais confirmé puis répondu :

« Mais, tu sais, mon prénom, ce n’est pas pédopsy… ».

Ces exemples pour montrer que ce qui s’est passé avec certaines participantes et certains participants du Masters Tour est assez courant ailleurs. Ces personnes ne sont pas forcément des mauvaises personnes y compris celles qui se sont estimées supérieures en raison de leur niveau de pratique martiale nettement plus avancé que le mien. Parmi elles, des rencontres humaines et des interactions sociales viables, prospères et profondes sont possibles. Mais cela passe par différentes étapes proches de l’orpaillage. Il faut prendre le temps de se trouver et de se connaître. Et, à la fin de ce Masters Tour, j’ai aussi remarqué que certains, plus distants ou indifférents en apparence à première vue m’avaient identifié et commençaient à s’autoriser à me parler un peu.

Himeji, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

J’avais simplement idéalisé- et cru- de manière enfantine qu’au travers des Arts Martiaux, il était plus simple de rencontrer d’autres êtres humains.

Si les Arts Martiaux peuvent être des média, ils peuvent aussi servir de masques ou d’armures. C’est peut-être d’ailleurs l’un des messages du dernier film de Bruce Lee, de son vivant, Opération Dragon.

Lors du Masters Tour, à notre arrivée à la gare de Kurashiki, nous avons eu la surprise de devoir porter nos bagages dans les escaliers pour nous rendre jusqu’à l’hôtel situé à à peine dix minutes à pied.  Je n’en veux pas à Léo et à Issei malgré la cadence imprimée au groupe afin d’arriver à une certaine heure à l’hôtel. Par contre, embarrassé par mes bagages, je ne pouvais pas aller aussi vite que le reste du groupe. Quelques minutes plus tôt, en descendant les marches d’escaliers, quelques participants avaient failli être les témoins d’une superbe cascade que j’avais failli réaliser malgré moi avec ma valise. Je dois à des réflexes et au fait d’avoir porté mes Doc Martens d’avoir pu rétablir la situation. Autrement, je me serais quelque peu fait mal en tombant avec ma valise de vingt kilos. Ce petit incident m’a stupidement incité à la prudence par la suite.

Or, l’état d’esprit « Sauve qui peut ! » et « Chacun pour soi ! » l’a emporté chez beaucoup. Et, arrivés à la gare de Kurashiki, seul comptait le fait de suivre le rythme pour arriver à l’hôtel.

Un seul participant du groupe a eu la présence d’esprit de se retourner et de voir que j’étais à la traîne. Et de m’attendre. Chargé comme je l’étais, je ne pouvais pas faire plus et plus rapidement que je ne le faisais.

Sans ce participant, j’aurais trouvé l’hôtel puisqu’il n’était pas loin de la gare et que nous avions reçu les informations le concernant sur la messagerie whatsApp.

Par ailleurs, au Japon, on se sent en sécurité et, à aucun moment, je ne me serais senti sur un champ de bataille ou en pleine guerre de gangs.

Mais j’ai été très étonné par cette absence d’attention du groupe pour quelqu’un d’autre. Et cette façon de foncer tête la première vers la destination qui était l’hôtel dans cette ville que nous découvrions tous, pour la plupart. Et, je suis persuadé que j’aurais eu cette attention pour quelqu’un d’autre à l’image de celle qu’a pu avoir ce participant et pratiquant expérimenté pour moi.

Une attention qui, même si elle lui a semblé tout à fait normale, et qu’il a sans doute aujourd’hui oubliée, est pour moi devenue quasiment indélébile dans ma mémoire.

J’exprime ici quelles ont pu être mes désillusions, et mes incompréhensions, par moments, lors de ce Masters Tour.

Mais il était sûrement impossible pour quiconque d’échapper à une quelconque désillusion ou incompréhension, à un moment ou à un autre, lors de ce Masters Tour. Un Masters Tour dont la plus grande partie du tracé était dirigée.  Et où il a été nécessaire, régulièrement, de toutes façons, de s’adapter à diverses échéances et circonstances. Au point, qu’il m’est arrivé de me dire qu’en participant à ce Masters Tour, on faisait partie intégrante- jusqu’à un certain point- du système Tamaki.

Mais il y a le « système » Tamaki et la façon dont on reste soi-même. Etre perçu à ce point par moments comme un corps étranger, par certaines et certains, m’a dérangé.

 

Corps étranger

J’estime avoir autant voire plus appris durant ce séjour de mes interactions avec les autres participants et de mes quelques déambulations et observations au Japon que de mes pratiques sur les tatamis ou lors des séances d’entraînement :

Quand, lors de la deuxième semaine de ce Masters Tour, j’ai « oublié » mes armes dans le bus à Kyoto, j’étais certes fatigué et distrait, mais j’avais aussi manqué de présence et ne faisais pas suffisamment corps avec elles :

Même fatigué et distrait, je n’aurais pas oublié ma fille dans un bus que ce soit à Kyoto ou ailleurs. J’ai oublié ces armes dans le bus (finalement retrouvées grâce au concours de Megumi et Maki, deux de nos guides japonaises) car elles étaient alors pour moi des corps étrangers.

Après avoir oublié ces armes, et en avoir été privé durant deux jours, j’ai perçu leur importance et leur singularité lorsque j’ai compris qu’il était difficile d’en retrouver des semblables vu qu’elles avaient été constituées dans ce bois rare et léger dont Léo nous avait parlé avant notre départ.

Deux leçons fondamentales

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Les deux leçons martiales fondamentales (ou autres) que je retiens, pour l’instant, sont  d’abord ces deux commentaires que m’ont faits tour à tour Léo puis Issei en pleine séance :

 

« Tu es trop bienveillant ». « Tu réfléchis ? » (synonyme de « Tu réfléchis trop »).

Je trouve que cela me concerne beaucoup tant dans la vie que sur un tatami.

Pas tout le temps.

Mais suffisamment pour m’empêcher d’évoluer certaines fois. Depuis plusieurs années, j’ai plus (tenu) à développer mon côté bienveillant qu’à développer mon côté tranchant. Mon côté tranchant me fait peur. Alors, je le retiens comme je le peux par un excès de bienveillance.

Il arrive que de temps à autre, on me dise :

 « C’est parce-que tu es infirmier en pédopsychiatrie et en psychiatrie..tu as la vocation etc…. ».

De la même manière que j’ai démenti être une personne passionnée, je vais ici démentir le fait d’avoir une quelconque vocation pour le métier d’infirmier comme le fait d’être « bienveillant » par effet de ruissèlement parce-que je suis infirmier en pédopsychiatrie et en psychiatrie.

Certains tortionnaires ont pu être et sont des médecins ou des soignants. Je pourrais très bien faire partie de ces tortionnaires. 

Pour simplifier, « L’ère » nazie a donné de « bons » exemples de médecins tortionnaires. Et, malheureusement, je n’ai aucune difficulté à concevoir que lors du génocide des Tutsi au Rwanda, en 1994, des soignants hutus aient participé au massacre. Dès lors qu’une forme de folie meurtrière devient « normale », « féconde » et « collective », toutes les catégories sociales et professionnelles peuvent se révéler zélées et entreprenantes pour participer au « grand projet » qu’est un génocide. C’est un véritable film d’horreur mais pour de vrai.

Il ne suffit pas de porter une blouse blanche pour devenir bienveillant. On a une certaine bienveillance et attention en soi, de manière spontanée et stimulée, qui, ensuite, selon le domaine professionnel et économique où l’on exerce, et selon la conscience que l’on a de soi et des autres,  va et peut se développer ou non en fonction des conditions de travail qui sont les nôtres que l’on accepte ou que l’on refuse.

J’aurais pu être tout autant quelqu’un de bienveillant et exercer en tant que journaliste ou avocat.

Une journaliste comme Laurence Lacour ( autrice de Le bûcher des innocents)  un journaliste comme Ted Conover ( auteur de Là où la terre ne vaut rien)  ou Joseph Kessel lorsqu’il a écritAvec les Alcooliques anonymes  ont à mon avis une bienveillance supérieure à bien des personnes.

La bienveillance part d’eux. Ensuite, ils sont parvenus à la monnayer ou à en faire un métier mais aussi un moteur de leur carrière.

Moi, j’en suis au stade où je pense que ma bienveillance voire ma « sur » bienveillance est un moyen, aussi, pour moi, de distraire ma violence. Ou de l’utiliser à des fins que j’estime plus utiles et réparatrices. C’est une façon de la maintenir à distance. Par devoir et aussi par choix. Parce-que savoir ordonner sa propre violence au point de savoir l’utiliser afin d’en faire une œuvre d’art ou une œuvre socialement responsable et collective, c’est donné à peu de personnes :

Le plus souvent, lorsque l’on est coutumier de l’usage de la violence, soit on détruit son entourage, ses relations et son environnement et/ou soit on se détruit soi-même.

Picasso et Miles Davis étaient des personnes violentes et destructrices. Mais malgré tout, ils ont pu créer et c’est ce que beaucoup préfèrent retenir et admirer. A mon sens, Amy Winehouse s’est autodétruite quasiment en direct live et c’est la raison pour laquelle j’ai beaucoup de mal à comprendre comment des gens ont pu avoir du plaisir à assister à certains de ses concerts. Et, j’ai du mal à aimer sa musique pour les mêmes raisons. Une musique que je trouve en plus excessivement rétro comme corsetée dans une époque qui ne pouvait pas la retenir.

Par extension, je ne crois donc pas que les soignants en blouse blanche soient des êtres totalement pacifiés et expurgés de tout conflit intérieur et intrapsychique. Leur blouse blanche leur sert de digue ou de barrage, comme le kimono ou le hakama pour d’autres, et la profession que servent ces blouses blanches a des codes, des interdits, dont on peut retrouver des équivalents dans la Loi ou dans une religion qui donnent un cadre, des repères et des guides.

Le but de ce cadre, de ces repères et de ces guides, c’est d’éviter que la sauvagerie ne prenne le dessus sur l’Humanité et de permettre à cette dernière de subsister, de s’exprimer et de se consolider le plus possible. 

Mais tout excès, même lorsqu’il s’agit de bienveillance, est à atténuer.

C’est peut-être pour cela que, instinctivement, de plus en plus, je me rapproche des Arts Martiaux bien-sûr mais aussi….des armes blanches.

 

Acheter un iaitō :

Devant la boutique de Sakuraya, Tokyo, après mon achat d’un iaitō. Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Je n’étais pas du tout venu au Japon avec l’intention d’acheter un iaitō.

Lorsque Léo en parlait dans ses mails plusieurs mois avant ce Masters Tour 2024, je ne me sentais pas du tout concerné. Je voyais cela comme une espèce d’excentricité coûteuse et décorative.  Ou comme une recherche du spectaculaire. Je pensais aussi au katana posé sur un mur pour faire joli ou pour intimer :

«Mon secret, c’est que  je suis un samouraï, une personne très redoutable, car j’ai un katana commandé sur internet accroché au mur dans mon salon ».

J’ai quelques fois la naïveté de croire que les personnes les plus redoutables sont aussi celles qui savent se rendre parfaitement indétectables et se fondre dans la masse. On l’a très bien « vu »  (malheureusement) avec les terroristes islamistes ces dernières années.

 

Et puis, un des participants du Masters Tour a choisi un iaitō devant moi dans la boutique Sakuraya.

 

Curieux, je l’ai regardé faire. Il a été conseillé par Issei.

Ensuite, puisque j’étais là, autant en profiter pour toucher. J’en ai sorti un ou deux de leur fourreau avec autant de précaution que mes mains mal habitées le pouvaient.

J’ai ressenti quelque chose. J’ai ressenti de la vie. Ce n’était pas un objet ni un geste inerte. C’était une action qui, le fait de sortir et de manier cette arme, de manière répétée, apprise, maitrisée, pouvait faire grandir en moi un certain apaisement.

Je peux vraiment dire que c’est ce que j’ai ressenti plus que ce que j’ai vu ou l’envie de posséder une « arme » qui m’a incité à faire cette acquisition mais aussi à m’embarrasser ensuite à la porter d’hôtel en hôtel, de shinkansen en shinkansen jusqu’à l’aéroport.

Alors que voyager léger et le moins encombré possible facilitait beaucoup nos déplacements avec nos bagages. 

Lorsque je suis reparti de la boutique Sakuraya, tout, dans l’attitude solennelle du vendeur expérimenté m’indiquait que j’avais acheté un objet important. Ou qu’il me confiait un objet important. 

Avec le vendeur de la boutique Sakuraya, après l’acquisition de « mon » iaitō. Juillet 2024.

A mon retour en France, j’ai commencé à chercher des cours de iaido. Et, quotidiennement, je sors mon iaitō. Miles Davis disait qu’un musicien a besoin de toucher son instrument tous les jours. Je me dis que ce iaitō n’est pas un objet de décoration et doit (me) devenir un corps familier. Je fais sûrement des erreurs grossières et ridicules lorsque je l’emploie en attendant de prendre des cours. Mais je le préserve de la poussière.

Quelques jours après avoir acheté « ce » iaitō, j’aurais aimé m’être aussi fié à ce que je ressentais en touchant un Jeans à Kurashiki.  J’ y ai délaissé un Jeans auquel je continue de penser depuis.  

Car j’ai voulu me raisonner.  Je porte très occasionnellement des  Jeans. Et je n’avais aucune intention d’acheter une paire de Jeans en venant au Japon. Or, j’en avais déjà acheté deux. 

 J’ai un moment envisagé de faire le trajet Tokyo-Kurashiki pour aller le chercher. Ce qui aurait ramené ce Jeans quasiment au prix d’un diamant !

J’ai quand même vécu beaucoup de bons moments là-bas.  Alors, pourquoi, à certains moments ai-je disparu du groupe ?

 

Mon deuxième voisin de chambre, G, à Kurashiki, en train de m’attendre. Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

La vie en groupe, première semaine :

J’ai écrit qu’un certain nombre de participantes et participants sont restés entre eux. J’ai néanmoins bénéficié aussi des avantages du groupe ou des petits groupes en diverses circonstances.

Durant la première semaine, je me suis abreuvé principalement aux groupes. Je suivais le groupe dans lequel je me trouvais. Que ce soit pour prendre le shinkansen, le train, le bus, les visites. Prendre un verre. 

 

C’était très agréable. Je faisais le touriste. Cela me permettait de socialiser. Cela était très confortable et je n’avais pas beaucoup à réfléchir sur ce qui m’environnait. Tout ce que j’avais à faire, c’était être à l’heure et faire avec les autres ou comme tous les autres.

 

Au préalable, j’avais toutefois effectué le minimum. J’avais pensé à retirer des yens en espèces dès le début de mon séjour par 50 000 yens (environ 260 euros au cours actuel de 1 euro = 171 yens, un taux très avantageux pour l’euro). J’avais acheté un téléphone portable reconditionné qui acceptait la carte e-sim et j’étais relié en permanence (et très facilement) aux divers groupes whatsApp du Masters Tour 2024.

 

Nos journées étaient quotidiennement rythmées par l’engrais des informations qui venaient régulièrement fertiliser nos messageries whatsApp.

 

 

La vie en groupe, deuxième semaine : Ne Pas déranger

 

En début de deuxième semaine, j’avais digéré le décalage horaire et avais commencé à comprendre dans quel pays je me trouvais. Dont certaines de ses règles liées à la ponctualité qui consiste à être en avance de dix à quinze bonnes minutes. Ainsi que le principe « Ne pas déranger » rappelé régulièrement par Léo et Issei.

Mais, surtout, j’ai alors fait une grande découverte :

J’étais devenu un bovidé.

Je me contentais de suivre et de boire à grands traits quand on me le disait et là où l’on me disait quand le faire. Moi, qui, en 1999, sans internet et la téléphonie mobile actuelle, avais pu circuler seul, une semaine durant au Japon, prendre le shinkansen, aller à Kyoto, Hiroshima. Dans le Japon de 1999 qui était bien moins touristique que celui  « retrouvé » cette année où on a pu facilement entendre parler Français, Anglais ou Américain. Mais où j’ai aussi pu croiser un Ukrainien qui y vit depuis une dizaine d’années ainsi que des Nigérians.

C’est probablement au début de cette deuxième semaine que j’ai vraiment vu que certaines et certains préféraient rester entre eux pratiquant d’une certaine façon le « chacun pour soi ».

 A cela s’est additionné un certain état d’esprit « sauve qui peut ». L’esprit « sauve qui peut », c’est cette tension ou cette anxiété, voire cette quasi-épouvante perçue dans le regard de certains au moment de prendre le shinkansen ou lorsqu’il s’agissait de se déplacer avec nos bagages dans les correspondances des gares. La peur ou l’inquiétude de se perdre. De rester à quai. Ou dans le shinkansen.

Sans le groupe.

Ces observations m’ont amené à réfléchir à celui que j’étais et que j’avais oublié : j’aime être en relation avec les gens mais pas à n’importe quelle condition. Et je n’aime pas me sentir enfermé dans  un groupe. 

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

La vie en groupe, troisième semaine : «  On dirait qu’il fait tout le temps, la gueule ! ».

 Lors de la première semaine du Masters Tour environ, j’avais été surpris d’apprendre par un participant que certaines personnes avaient l’impression que je faisais « tout le temps, la gueule ! ».

J’avais répondu à ce participant qu’en une semaine de Masters Tour, j’avais appris ça :

« Si les gens étaient (plus) sereins, ils ne pratiqueraient pas des Arts Martiaux ».

Une remarque que j’avais étendue aussi aux pratiquantes et pratiquants d’apnée.

J’avais ensuite ajouté que ces personnes qui s’étaient formalisées à mon sujet étaient très peu venues me parler.

Mais, rétrospectivement, ces personnes avaient peut-être un peu raison en ce sens que je ne me suis pas forcé à sourire. Et qu’il est d’autres moments où j’ai pu rester très sérieux ou concentré.

D’un autre côté, je comprends que des participants et des participantes soient venus en couple, en famille, entre potes ou partenaires du même club ou aient opté pour se réunir en personnes de la même discipline. Ce voyage sera pour eux mémorable et leur a sans aucun doute- je le crois et je l’espère- réservé des moments très privilégiés.

Pour ma part, même si, dans l’idéal, j’aurais aimé faire autrement, je continue de croire que j’ai pris la meilleure décision en venant seul au Japon pour ce Masters Tour 2024. Au vu du rythme et du nombre de nos visites, de nos marches, de nos changements d’hôtel, de la chaleur humide (plus de trente degrés tous les jours en moyenne), de la variabilité de nos horaires selon les circonstances, de la nécessité de s’adapter, de suivre les messages sur les boucles WhatsApp, des entraînements, je trouve qu’il est difficile de pouvoir s’y ajuster au mieux tout en conservant, par ailleurs, une vie de famille ou de couple harmonieuse, douillette et paisible.

On pourra me dire qu’une vie de couple et de famille est rarement harmonieuse, douillette et paisible et que le Masters Tour peut aussi permettre d’apprendre à se concentrer sur l’essentiel.

Je répondrais qu’il m’a manqué le courage, l’optimisme, la force, la folie mais aussi la générosité pour venir avec ma compagne et ma fille à ce Masters Tour 2024.

Je me souviens aussi m’être senti devenir assez irritable ou susceptible en début de troisième semaine. Et de moins bien supporter d’éventuelles contraintes relatives au groupe. Qu’il s’agisse de faire en groupe ou de « téter » l’anxiété ou la fébrilité de quelqu’un dans le groupe.

Donc, tout ce qui, en troisième semaine, m’a semblé facultatif concernant le groupe est assez facilement passé davantage au second plan. J’en aussi eu assez d’être celui qui va vers les autres participantes et participants du Masters Tour.

Je suis sûrement devenu nettement plus solo, plus égocentrique, donc peut-être encore plus bizarre et plus incompréhensible pour quelques unes ou quelques uns lors de cette troisième et dernière semaine. 

Parallèlement à cela, je me suis davantage ouvert au pays, à mon rythme ainsi qu’à mes inspirations pour continuer à le découvrir.

J’ai un temps voulu aller à Yokohama. Mais durant les deux derniers jours de notre périple, je me suis avisé que j’avais à peine vu Shinjuku. Et en me rendant à Harajuku (où j’étais aussi passé en principe en 1999), je me suis aperçu que j’avais tout à découvrir.

Du Japon que j’avais aperçu en 1999, excepté Hiroshima et l’île de Miyajima, je n’ai rien reconnu. 

Cette première partie s’arrête là. La seconde partie parlera des Maitres que nous avons rencontrés. Des impressions qu’il me reste ou que je me suis fait d’eux.

Il me semble que cette première partie est la plus difficile à lire et à avaler. Mais je crois que sans cette première partie, mon « récit » aurait été incomplet et artificiel.

Franck Unimon, dimanche 11 aout 2024.

 

 

 

 

 

 

 

 

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self-défense/ Arts Martiaux Voyage

L’Année du Japon

Rue de Rivoli, Paris, 9 Juin 2024. Photo©Franck.Unimon

L’année du Japon

Parler du Japon aujourd’hui depuis la région parisienne peut apparaître irresponsable et déplacé. Pourtant, nous sommes au mois de juin et cela fait plusieurs jours que je vois et revois que le Japon, lorsque l’été s’approche, redevient subitement une destination touristique attrayante. Ça et là, le Japon apparait dans les vitrines.

 Je sais aussi qu’il existe un petit plus qu’un effet de mode avec le Japon et que depuis au moins une dizaine d’années, la culture nipponne, voire sud coréenne,  a ses spécialistes et ses amateurs au moins parmi les adolescents et les jeunes adultes.

Sur les Champs Elysées, Paris, 16 juin 2024, le matin. Photo©Franck.Unimon

 

Cependant, en France, il pleut et il fait gris. Certaines personnes diraient même que, désormais, en France, il fait presque brun.

Car l’Assemblée nationale, en France, a été dissoute par le Président Emmanuel Macron il y a quelques jours après la victoire du RN aux élections européennes. Un Président de la République réélu, aussi jeune qu’il est devenu impopulaire.

Paris, 16 juin 2024, le soir. Photo©Franck.Unimon

Cinquante pour cent d’électeurs se seraient abstenus d’aller voter lors de ces élections européennes. Des élections législatives vont avoir lieu de manière anticipée le 30 juin et le 7 juillet. On ignore encore si, pour la première fois, en France, le Rassemblement National (RN), parti d’extrême droite héritier du Front National (FN) co-créé il y a un demi-siècle par le pionnier de la dynastie Le Pen va parvenir au Pouvoir Politique par la Grande Porte en obtenant le poste de Premier Ministre. Ou si, une fois de plus, le RN va se heurter à la muraille de Chine faite de ce refus des Français revenus une nouvelle fois voter par défaut pour  un parti politique de Droite ou de Gauche perçu comme républicain, antiraciste et démocratique. 

A quelques jours du début des Jeux Olympiques organisés en France, on pourrait se croire dans un épisode de Games of Throne avec les adeptes du RN dans le rôle des revenants d’autant plus inquiétants qu’ils ressemblent à ces mutants imperturbables vus dans bien des films et dont la volonté de fer se concentre dans l’action de se multiplier mais aussi de se diversifier. Tandis que les plus irréductibles des membres du RN, eux, verraient leurs opposants et leurs contraires comme autant de redoutables envahisseurs dont la principale source de volonté serait de coloniser et d’anéantir la grandeur de l’identité nationale française.

Je crois m’être fait servir par l’un d’entre eux il y a quelques heures.

Un Yakuza caché  ?

Dans ma ville, je passe quelques fois dans une boucherie dans laquelle l’atmosphère et la clientèle détonnent. J’y entre en étant assez fasciné mais aussi parce-que je suis un client satisfait.

Dans cette boucherie, on se croirait dans la France des années 70 et 80. On semble y rester confiné entre soi mais on y achète de la très bonne viande plus chère qu’ailleurs dans la ville.

A tort ou à raison, cet endroit m’évoque facilement les très bons films  Dupont Lajoie ou Seul contre tous. Cependant, il faut rester prudent et se méfier des apparences. Même si son propriétaire et boucher, tout à l’heure, m’a un peu troublé.

Ou provoqué.

Nous étions seuls dans la boucherie lorsque je me suis laissé aller à la familiarité de lui demander où il avait prévu de partir en vacances cet été. Peut-être parce-que ma tête lui était suffisamment familière, il m’a répondu spontanément :

« En Dordogne ».

La Dordogne est une jolie région et la France, un très beau pays à visiter. Cela fait des années que la France est un des pays les plus visités dans le monde qu’il s’agisse de l’Hexagone ou de « ses » îles si l’on excepte peut-être la Nouvelle Calédonie depuis plusieurs semaines compte-tenu du climat de guerre civile et de rejet de la politique française qui y a éclos abruptement.

Sur les Champs Elysées, Paris, 5 juin 2024. Photo©Franck.Unimon
Le Jardin des Tuileries, 15 juin 2024. Photo©Franck.Unimon

Sauf que le boucher, Maitre en sa boucherie depuis une bonne vingtaine d’années, a eu besoin de rajouter :

«… Pour faire travailler les Français…. ».

Je me suis contenté de lui répondre, le plus légèrement possible :

« Si vous pouvez…. ».

Fort heureusement, sa politesse ou son absence de curiosité m’ont sauvé. Je n’ai pas eu à lui annoncer où j’avais prévu de passer mes vacances, cet été.

En effet, ce 8 juillet, soit le lendemain des résultats du deuxième tour de ces élections législatives provoquées par le Président Macron suite à sa décision de dissoudre l’Assemblée Nationale, je prendrai l’avion pour trois semaines au Japon afin de participer au Masters Tour 2024 créé et co-organisé une nouvelle fois par Léo Tamaki, expert en Aïkido.

Le Japon, c’est assez éloigné de la Dordogne.

Librairie, dans la Rue de Rivoli, 9 juin 2024. Photo©Franck.Unimon

Mais peut-être que le boucher regarde-t’il  tous les soirs des manga à son domicile ? Peut-être aussi parle-t’il Japonais couramment dans ses rêves et se rend-t’il tous les ans à la Japan Expo ? Peut-être aussi, dans ses hobbies, compte-t’il un Savoir faire de Maitre Pottier japonais ? Ou de Maitre Sushi ? Ou de chanteur Karaoké ?

Rien ne (me) permet, à ce jour, de le contester. Peut-être même, tous les soirs, se transforme-t’il aussi en Yakuza à la façon dont Takeshi Kitano a pu nous les décrire dans ses films Sonatine ou Hana-Bi pour parler de quelques uns de ses films ?

Peut-être n’est-il qu’un samouraï infiltré dans une ville de banlieue parisienne, plutôt mal réputée, qui a choisi d’endosser l’habit, la profession et des propos qui peuvent s’apparenter à ceux de l’Extrême Droite pour mieux la combattre à la façon d’une taupe tel Tony Leung Chiu-Wai qui, lui, avait infiltré une triade chinoise dans le film A Toute Epreuve du réalisateur Hong-Kongais John Woo, son dernier film à Hong-Kong avant la rétrocession de celui-ci à la Chine et avant son exil pour les Etats-Unis et son film Volte-face avec Nicolas Cage et John Travolta ?

Manifestation pro-palestinienne à Paris, 27 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon

Ces films noirs ou ces polars asiatiques de ces réalisateurs, et d’autres que je ne cite pas tels Kirk Wong, Johnnie To ou les frères Mak etc…, font partie des classiques pour celles et ceux qui les connaissent ou les ont vus, comme moi, au cinéma, à leur sortie ou en décalé.

Ces films font aussi partie du passé. Même si ce passé est présent et futur. Et moi, ce que je suis en train de vous écrire ce mardi 18 juin 2024 appartient aussi au passé. Car si mon départ pour le Japon, cette année, est prévu pour le 8 juillet, soit dans trois semaines, il s’agira aussi de mon « retour » au Japon après mon premier voyage, là-bas, en 1999. Un retour souhaité dès cette année-là.

En 1999, lors de mon premier séjour au Japon, j’étais imprégné de cinéma en version originale sous-titrée et de cinéma asiatique. Au point de beaucoup m’identifier aux Japonais.

Nous ne sommes pas des japonais

« Vous n’êtes pas des Japonais ! » nous avait néanmoins asséné Vanessa, – tel un ippon- une de nos camarades- et Française- de notre cours de Judo, au gymnase, rue Michel Lecomte, tant nous singions certaines caractéristiques japonaises.

Nous, c’était Manu, un de mes amis Français, rencontré sur le tatamis du club, et moi, Français d’origine antillaise.

Elle avait raison.

Depuis notre naissance en région parisienne jusqu’à cette déclaration, Manu et moi n’avions jamais rien eu de bridé. Nous avions acheté nos kimonos de judo en France. Nous pratiquions le Judo en France. Notre professeur de Judo, Pascal Fleury, grand frère de la championne olympique Cathy Fleury, était d’origine italienne.

Lorsque Manu et moi, nous allions- quelques fois- dans des restaurants asiatiques, c’était à Paris ou en banlieue parisienne. Et, lorsque nous voyions ou rencontrions beaucoup d’Asiatiques, c’était surtout projetés sur un grand écran de cinéma, sur l’écran d’un téléviseur ou dans les ouvrages d’une librairie.

Rue de Rivoli, 9 juin 2024. Paris. Photo©Franck.Unimon

Pour moi, en devenant adulte, je crois que le Japon avait pris la place que les Etats-Unis, enfant puis adolescent, avaient pu avoir. Celle d’un pays dont l’Histoire et les êtres avaient des destinées fantastiques. Lorsque l’on est né en banlieue parisienne, dans un milieu social moyen, que l’on a d’abord grandi dans une cité, et que nos parents, bien que « Français », sont des Antillais qui ont dû venir vivre en métropole tels des immigrés à l’âge où, en principe, tout est possible puisque l’on est jeune et que ce possible se résume à un logement HLM avec d’autres personnes qui, comme eux, font de leur mieux pour s’en sortir, hé bien, soit on se contente de ce que l’on a. Soit on rêve ou on imagine un ailleurs.

Et puis, petit à petit, soit on essaie d’aller vers cet ailleurs, soit on reste enfermé dans sa cité et dans tout ce que l’on connait par coeur par peur et par précaution.

Pourquoi le Japon plus que le Vietnam, le Cambodge, l’Indonésie, la Corée du Sud, la Thaïlande, la Birmanie, le Laos ou ne serait-ce que la Chine qui sont aussi des pays à connaître comme tant d’autres en Asie, en Afrique, en Océanie, en Europe ou ailleurs ?

 

 

Rue de Rivoli, Paris, 9 Juin 2024. Photo©Franck.Unimon

Très certainement pour cet attrait pour les Samouraï  qui avaient remplacé les cow-boys des western de mon enfance. J’étais devenu adulte. C’était exotique.  Je ne pouvais pas continuer à garder les mêmes modèles, me promener avec un chapeau de cow-boy, un ceinturon en plastique comportant un étui occupé par un colt noir également en plastique et une étoile de shérif. 

Il y avait peut-être aussi une forme de refus du statut de victime permanente et suppliciée. La victime potentielle du racisme parce-que Noir dans un pays de Blancs, la France.

Et une espèce de recherche de mon salut intérieur un peu plus en accord avec moi-même dans les Arts Martiaux que dans les comportements des héros de western qui buvaient de l’alcool et qui fumaient, aussi, qui jouaient de l’argent. Qui roulaient un peu plus des mécaniques et qui parlaient fort. Il y ‘avait peut-être également une envie de ma part de m’affirmer en étant un homme antillais « différent », moins bruyant, moins théâtral et moins prévisible. Plus original. Plus complexe. Peut-être plus libre.

Le Japon faisait aussi davantage penser à cette vitrine où y était exposée en permanence cette sorte de Maitrise en toute circonstance que je cherchais à obtenir en moi. Pour cette assurance et ce calme constants en apparence. Pour les sons gutturaux, rauques, brefs et définitifs de la langue japonaise telle que je l’entendais. Pour cette délicatesse supposée de la femme japonaise qui contrastait avec la femme imprévisible, exigeante, pleine d’assurance ou hystérique de la vie urbaine ou parisienne.

Pour caricaturer, d’un côté, on pouvait avoir la « Française » qui fume, qui boit de l’Alcool, qui peut vous quitter ou qui dit zut. De l’autre côté, on avait une femme polie, pas un mot plus haut que l’autre, que l’on voulait voir comme charnellement sensuelle, jamais contrariante et fidèle à jamais.

Il est beaucoup plus facile de fantasmer sur une personne à laquelle on ne se confronte jamais et dont on méconnait la langue, la culture, les volontés et la pensée et qui reste pour nous une apparition encadrée telle une poupée gonflable et domesticable. Mais aussi, jetable.

J’ignorais alors tout ce que le Japon pouvait avoir de traditionnaliste, de conservateur voire de raciste. Ou de sexiste. Et, je méconnaissais totalement le fait, aussi, que ce mode de vie que je préférais voir comme du raffinement esthétique digne de la très haute couture reposait aussi sur une certaine psychorigidité sociale qui flattait d’abord ma propre psychorigidité.

J’ignorais aussi que certains aspects de la vie traditionnelle à la Japonaise équivalaient, aussi, par ses principes, à certains aspects de la vie traditionnelle que m’ont transmis mes parents et auxquels je suis attaché : Un campagnard, qu’il soit japonais ou d’origine antillaise, aura une façon de regarder la vie assez similaire.

L’importance de la parole donnée m’apparait par exemple être une valeur qui émane plus de l’héritage de la tradition et du mode de vie campagnard que du mode de vie dit urbain et moderne, pour ne pas dire mondain.

« Le Japon a mis mes valeurs à plat » m’avait dit lors d’une soirée parisienne une Française qui y avait vécu quatre années.

Quatre années, pour moi qui n’étais jamais allé au Japon, c’était au-delà du réel.

Ce devait être deux ou trois ans avant que je n’envisage mon propre séjour au Japon.  Cette femme qui avait à peu près mon âge avait accepté le principe de me revoir pour me parler davantage du Japon. Mais ce qu’elle m’avait laissé, ce sont ses quelques remarques sur le Japon, son prénom et son nom lors de cette soirée passée dans un lieu dont je serais incapable de me rappeler avec certitude.

Mais si cette connaissance croisée dans une soirée, n’avait pas tenu parole, l’amie que je connaissais, alors, elle, l’avait tenue en m’accueillant chez elle au Japon deux ans après m’avoir déjà reçu chez elle une première fois en Australie, à Melbourne, en 1997.

 

En 1999 : Le Japon, une éclaircie profonde

En 1999, l’année du film Matrix, pour moi, il y eut un avant et un après le Japon.

A mon retour de mon séjour grâce à Raspoutine, mon amie franco-australienne qui y habitait alors, et son frère Le Croque-mort alors mon ami, qui me fit profiter de son expérience là-bas avant de rentrer en France, je déclarai que ce voyage fut extraordinaire.

Et, je le pense toujours aujourd’hui.

Humainement, ce séjour fut pour moi une frontière entre celui que j’étais auparavant qui en faisais des tonnes dans la provocation mais aussi dans l’humour pour se faire aimer. Mais aussi pour se desservir lui-même.

Ce voyage au Japon et son contexte dans ma vie personnelle et professionnelle m’aidèrent et me poussèrent à aller davantage dans l’introspection. Pour paraphraser un peu le livre Avec les Alcooliques Anonymes de Joseph Kessel, paru en 1960 et que j’ai bientôt terminé, je dirais que ce séjour au Japon en 1999 m’a permis d’être plus honnête et plus sincère avec moi-même.

Je n’étais pas alcoolique et je ne suis pas alcoolique. Si je l’avais été, j’aurais pu être été poussé à  croire que l’alcool, sous toutes ses formes et latitudes, aurait pu me guider.

Cependant, avant mon séjour au Japon, j’étais probablement ivre et imbibé de mes propres peurs. J’avais très peur de celui que j’étais, de celui que je pouvais devenir et j’avais aussi très peur….d’être aimé.

D’où les provocations et l’humour répétés jusqu’à en être inappropriés. Les décisions très mal inspirées. Le propre de l’alcoolique, c’est, à défaut de pouvoir s’étreindre et se rassurer lui-même, de se détruire et de chercher à s’assommer et à s’éteindre jusqu’au black- out par l’alcool. Pour s’évader de lui-même. Je faisais pareil mais avec l’humour, mes provocations, mes excès, mes gesticulations, des mauvaises décisions, une certaine négligence de moi-même…

Lorsque l’on a peur de soi-même, que l’on a peur d’être aimé ou que l’on estime être indigne d’être aimé, on sait devenir tranchant, blessant ou désarmant pour celles et ceux qui nous entourent ou qui prennent le risque ou ont l’audace de nous approcher. On devient ivre au point de s’aveugler, de manquer de lucidité, et d’être incapable de faire la distinction qui convient entre celles et ceux que l’on peut laisser s’approcher et les autres qu’il faut savoir repousser ou, plus simplement, éviter. Puis, notre orgueil parachève de manière incontestable notre entreprise (ou notre chef-d’œuvre) de démolition et d’autodestruction :

S’il y a un problème, c’est à cause des autres. Ou, on ne savait pas que l’autre ne nous voulait-finalement- aucun mal…..

Le contexte dans lequel j’étais parti au Japon en 1999 cumulé au fait de m’être rendu dans un pays comme le Japon m’avaient aidé à commencer à me sevrer de certaines de mes mauvaises habitudes relationnelles et émotionnelles. Mais, comme on le sait, se sevrer prend du temps. Ce qui n’empêche pas de vivre des éclaircies profondes. Et, le Japon en fut une pour moi.

Si bien qu’à mon retour, je m’étais dit que je reviendrais un jour au Japon. Il aura fallu attendre…25 ans.

Il y a 25 ans, du Japon, j’avais ramené des photos papier, un bermuda qui ne me va plus car j’ai pris du poids et du ventre depuis, une caméra analogique et de la céramique.

Electronique et Céramique

l’Electronique et la céramique me semblent assez bien représenter les deux versants du Japon. Le moderne et le traditionnel. Le quasi-virtuel et le spirituel. L’industriel et l’artisanal. Le logique et l’organique. L’efficace et le sensuel. Mais l’un comme l’autre concourt pour la perfection. 

Des deux, électronique et céramique, c’est la céramique que j’utilise encore. Toutes mes tasses de thé ramenées du Japon en 1999 sont demeurées intactes. Et, au travers de leur utilité et de leur durabilité, je vois une sorte de confirmation dans le fait que, utilisée pour l’usage qui lui correspond, la tradition conserve sa supériorité en acquérant plus de profondeur que la nouveauté qui, elle, plus superficielle, est condamnée à se reproduire pour pouvoir espérer préserver ses attraits et convaincre quant à ses promesses et ses effets. 

 

Mais on peut le voir autrement et se dire que mon versant ou mon tempérament traditionaliste l’a emporté pour le moment sur mon tempérament moderne ou moderniste. Car après tout, d’après un podcast que j’ai déjà écouté deux fois, les blogs appartiendraient au passé. Aujourd’hui, ce qui est moderne, ce qui suscite et maintient l’intérêt quotidiennement et qui apporte un succès immédiat et continu, c’est de diffuser souvent et régulièrement des images et de produire le moins de texte possible. Et, moi, comme un vieux schnock conservateur encore accroché au monde des relations épistolaires, et donc complètement démodé, je fais l’exact contraire. Peut-être s’agit-t’il d’une stratégie et d’une décision que je regretterai dans à peu près une dizaine d’années. Lorsque je me déciderai à changer de point de vue contraint ou forcé. Ou à changer le thème de mes articles.

Toutefois, il existe un bémol à cette autocritique : mes articles les plus lus sont relatifs aux Arts Martiaux ainsi qu’un article consacré à Brigitte Lahaie, une ex star française de films pornos qui n’a jamais porté de kimono. 

Et, il y a aussi un autre bémol à apporter à cet éloge dithyrambique que j’ai fait concernant la supposée supériorité de la tradition sur la modernité, un préjugé de plus dans lequel je me suis très confortablement installé : 

Pendant une vingtaine d’années, j’ai roulé  dans une voiture Toyota achetée deux ans après mon premier voyage au Japon. Et le nouveau modèle d’occasion, plus récent, que j’ai acheté également à crédit l’année dernière n’est pas en céramique. 

Il me reste aussi quelques souvenirs durables du Japon de 1999.

 

Des souvenirs durables de mon voyage au Japon en 1999

 

De Tsukuba, cette ville de banlieue qui évoquait la campagne, située à une heure de Tokyo où habitait mon amie à l’époque. D’une course improvisée à vélo en revenant de la gare de Tsukuba avec une collégienne ou une lycéenne dans sa tenue ( jupe, baskets, débardeur et chemise blanche).

De Pierre, lycéen français au Japon grâce au Rotary Club de sa ville.

De cette secousse sismique alors que je discutais avec mon amie dans son appartement. De ce tournoi de Sumo où nous nous étions rendus.

Je me rappelle de cette prévenance des Japonais et des Japonais faisant ( tout) leur possible pour me renseigner dans la rue dès lors que je m’étais adressé à eux avec les quelques mots d’usage et de politesse consacrés que je connaissais en Japonais. Des mots agissant à la fois comme des sésames ou des talismans poussant mon interlocuteur et mon interlocutrice à s’assurer que je prenais bien ensuite la bonne direction comme si son destin ou son karma en dépendait. Des mots que je n’ai pas oubliés et qui signifient « Bonjour », « Bonsoir », «  Je voudrais, s’il vous plait », « Merci beaucoup », « êtes-vous d’accord ? », «  Faites attention à  vous »….

Il y avait ces rues envahies par ces foules, plus imposantes qu’ailleurs, au moment de les traverser ou marchant sur les trottoirs. Ce cycliste se frayant patiemment l’usage d’un passage à travers la multitude de piétons sur le trottoir sans que personne ne lui fasse le moindre reproche.

Kyoto, le Shinkansen. La ponctualité millimétrée des trains. La propreté immaculée des gares.

Ce sentiment de sécurité dans les rues ignoré du banlieusard que j’étais et confirmé par mon amie.

Il y a aussi ce Salary man qui, à Tokyo, vers 22 heures, habillé en pantalon et chemise, son attaché case à la main, s’était subitement mis à dégueuler sur le quai de cette gare où, comme lui, j’attendais le train pour rentrer. Puis, il s’était éloigné de ses vomissements sans rien dire.

Dans quelques rues d’Hiroshima, j’avais été étonné de voir ces jeunes femmes ou ces adolescentes au profil d’écolières de type lolita, véritables clignotants vestimentaires, qui attendaient le client égaré ou habitué. A Hiroshima, toujours, j’avais aperçu ce bâtiment dont le toit avait reçu la bombe atomique. Et, au musée tout proche, j’avais été étonné de constater que les Japonais étaient présentés comme les victimes de la bombe atomique sans souligner la responsabilité de l’armée japonaise plutôt jusque-boutiste. Je n’avais pas encore lu que les opérations Kamikaze des aviateurs japonais avaient, dans les faits, donné peu d’avantages en terme de réussite militaire mais, aussi, que la participation du Japon au conflit de la Seconde Guerre Mondiale était prévisible et devenu inévitable dès lors qu’il lui restait six mois de réserve de pétrole.

En 1999, j’avais aimé me rendre dans les quartiers de Shibuya et de Harajuku réputés pour être des coins branchés de Tokyo. J’avais déploré être passé à côté de la vie nocturne du Japon. Cela aurait pu arriver si j’avais pu rencontrer Yuji et sa compagne plus tôt dans une des rues de Tokyo. Anglophones tous les deux, ce qui était rare, ils m’avaient fait découvrir un bar-cinéma possédant une petite scène dont mes yeux d’occidentaux n’auraient jamais  pu concevoir l’existence dans ce bâtiment ou cet immeuble tout proche de nous. Ensuite, toujours le même jour, le colocataire de Yuji, musicien et originaire de Nara, m’avait invité à venir m’y rendre un jour. Sauf que je repartais pour la France…le lendemain.

J’étais rentré du Japon le lendemain comme lorsque l’on sort d’un rêve.

Le Japon et moi, aujourd’hui :

Les quelques personnes à qui j’ai parlé de mon séjour au Japon, cette année, se sont montrées enthousiastes. J’ai été marqué par le sourire XXL de mon amie Pépita, qui, à l’époque, m’avait encouragé à faire un crédit que je n’ai jamais regretté même s’il m’avait fallu ensuite deux années pour le rembourser.

Le Japon reste une destination touristique peu courante comme en atteste encore la réponse que m’a faite le boucher lorsque je l’ai interrogé à propos de ses vacances. Même si l’écoute d’un podcast cette semaine m’a appris que de plus en plus de vacanciers s’y rendaient et que quelques uns d’entre eux se comportaient de façon outrancière.

En 1999, je buvais sûrement encore du thé en sachet ou du thé aromatisé avec beaucoup de sucre. Soit l’exact contraire d’aujourd’hui où je bois du thé vert japonais que j’achète en vrac et que je bois sans sucre. Du Sencha ou du Gyokuro que je peux boire froid. L’un des gérants de la boutique de thé où j’ai des habitudes et où j’ai commencé à acheter du thé en vrac un jour, m’a dit que mon palais avait été éduqué mais, aussi, que notre palais a une mémoire. Du goût et des températures qui nous conviennent lorsque nous buvons du thé.

J’ai l’impression d’être moins en pamoison devant la culture japonaise qu’en 1999. Délibérément et aussi parce-que je suis dans les démarches du quotidien, j’ai, pour l’instant, survolé le programme que nous a adressé Léo concernant notre séjour là-bas.

Mais si je me fie à mon rapport au thé, au salé, et au maintien de mon intérêt pour les Arts martiaux japonais ou autres, il semblerait que je sois bien plus réceptif à la culture japonaise que je ne le crois. De manière pragmatique, je crois que j’attends de me trouver dans l’avion pour Tokyo en bonne condition avec toutes les formalités en règle pour pouvoir commencer à pleinement vivre l’événement. Avant cela, je me dis sûrement que trop d’extrapolation et trop d’imagination tue l’expérience.

Cet article qui est une forme de pré-bilan avant le voyage fait partie pour moi des « formalités ». Autant d’un point de vue instrospectif qu’à visée d’interaction avec d’autres. Car je crois que d’autres personnes qui seront au Japon ou non en juillet peuvent ressentir ou s’identifier à ce que je raconte à un moment ou à un autre dans cet article.

Il y a quelques mois, je me suis dit que retourner au Japon lors du Masters Tour 2024 était vraisemblablement une des meilleures façons pour moi de le faire. Léo Tamaki nous a appris il y a quelques jours que nous serions 143 à participer à ce Masters Tour en juillet et que nous ferions des sessions avec des Maitres d’Arts Martiaux en étant 23 par groupes. Ce qui est un bon chiffre. 

En apercevant quelques offres commerciales que j’ai pu voir en faveur de voyages au Japon ces derniers jours, tant pour leur tarif que pour leur contenu, je me suis déjà senti soulagé d’avoir opté pour le choix du Masters Tour 2024.

J’espère et je compte ramener du Japon 2024, en même temps que des impressions et des rencontres mémorables, quelques images et un article pour ce blog qui essaieront de restituer cela au mieux. Pour les esprits jeunes et les esprits vieux, pour les esprits traditionalistes et les esprits modernes qui pourront y trouver plaisir et réconfort. 

Rue de Rivoli, Paris, 9 juin 2024. Photo©Franck.Unimon

Nota Bene, ce mercedi 19 juin 2024 :

En repensant ce matin à cet article après l’avoir écrit en grande partie hier, je me suis aperçu que j’avais complètement oublié de parler du risque de l’accident nucléaire au Japon. Un risque difficile à totalement occulter pourtant après ce qui s’était passé à Fukushima en 2011. 

Malgré la probabilité du risque nucléaire, ou de celui d’un séisme, je reste sur l’impression que ce nouveau séjour au Japon m’extraira durant quelques temps des sortilèges d’un certain cirque quotidien. 

Franck Unimon.

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La Pointe des Châteaux, Guadeloupe, ce 25 décembre 2023.

La Pointe des Châteaux, commune de St François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

La Pointe des Châteaux, Guadeloupe, ce 24 décembre 2023.

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Enfant, lorsque nous descendions vers la station du bus 304 en passant devant le théâtre des Amandiers, à Nanterre, il me fallait multiplier les pas pour diviser l’allure de ma mère.

Je trottinais à côté d’elle sans toujours connaître la destination.

Un jour, alors que nous chevauchions le macadam depuis plusieurs minutes et que nous nous rapprochions du but, la station de bus, ma mère, après m’avoir interrogé, malgré mes réponses et plusieurs hésitations, avait décidé de rebrousser chemin.

Elle n’était pas sûre d’avoir bien fermé le gaz dans la cuisine de notre appartement en partant. Nous avions dû remonter jusqu’au sixième étage de l’immeuble.

 

Bien-sûr, elle l’avait fait.

 

Enfants, nos parents sont les archers, mais aussi les cochers ainsi que les sillons de nos horizons. La cible, pour nous, et les moyens de l’atteindre, peuvent être assez flous. Mais nous suivons.

Quelques années et des milliers de kilomètres plus tard, je me retrouve ce 25 décembre 2023 avec ma mère ( Tuer des noix de coco ) à la Pointe des Châteaux, en Guadeloupe.

Ma précédente venue en Guadeloupe remontait à 2014 avec ma compagne et notre fille alors à peine âgée de un an. Pour ce séjour, il m’importait de venir seul en tant que fils aîné. Mon père avait eu des ennuis de santé assez prononcés quelques semaines plus tôt. Ma mère m’avait exprimé son souhait que je puisse venir avant la fin de l’année 2023.

Pour l’année 2024, j’ai entre-autres le projet de retourner au Japon  après mon premier séjour là-bas en 1999. Et, cette fois, ce sera en bénéficiant du séjour organisé par Léo Tamaki, expert en Aïkido ( Dojo 5 , Les 24 heures du Samouraï au dojo d’Herblay ce 20 et ce 21 Mai 2023, 2ème édition ), qui nous a préparé des rencontres avec des Maitres d’Arts martiaux ainsi que la visite de lieux culturels à forte valeur ajoutée.

Il m’était nécessaire, même si je retournerai bien-sûr en Guadeloupe, d’aller voir mes parents avant ce nouveau voyage au Japon ainsi qu’à toute autre destination où je me rendrai.

Lors de ce court séjour en Guadeloupe chez mes parents que j’avais dû reporter (Le mystère du Covid : Covid et embolie pulmonaire) , je me suis fixé deux endroits où retourner :

La Pointe des Châteaux et la plage de Raisins clairs à St François.

A la Pointe des Châteaux, commune de St François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

 

Pourquoi la Pointe des Châteaux et la plage de Raisins clairs ? C’est arrivé comme ça.

Je dois à J…ancien collègue croisé à l’hôpital de Pontoise dans les années 90, un peu plus jeune que moi de deux ou trois ans et qui a grandi en France comme moi, de m’avoir fait découvrir une petite partie de cette Guadeloupe touristique que j’ai longtemps méconnue.

Au point de me retrouver en France dans des situations honteuses :

Je n’oublierai pas ce moment où une « connaissance » toute contente d’apprendre que j’étais originaire de la Guadeloupe avait commencé, enthousiaste, à égrener devant moi la liste de ces endroits magnifiques qui l’avaient émerveillée durant ses vacances en Guadeloupe.

Je l’avais regardée comme un idiot censé s’exprimer à propos d’un tableau extraordinaire que tout le monde admire et qu’il n’a jamais vu. Ou comme un croque-mort en train d’assister à l’expression exagérée d’un bon moment.

Si, quelques années plus tard, J…m’avait quelque peu déniaisé, j’avais néanmoins été surpris par la suite, en apostrophant mon père, de l’entendre se défendre en Créole de la façon suivante :

« Mais ce sont des endroits où, même moi, je ne suis jamais allé !».

Mon père qui patrouillait sur les routes de la Guadeloupe durant deux mois, nous trimballant de temps à autre sur la plage, pour rencontrer (beaucoup) de personnes dont un certain nombre  faisait mine de s’intéresser à nous quelques secondes ou de m’apprendre « Je t’ai vu quand tu étais tout petit… » avant de recommencer à discuter avec mon père comme si je n’avais jamais existé, n’était jamais allé au Saut de la Lézarde !

Cela se trouve à Petit-Bourg, commune où il était né, où il avait grandi, où il revenait passer une grande partie de ses vacances chez ses propres parents et où j’avais passé mes tous premiers jours de vacances en Guadeloupe en 1975.

A Ste-Rose, Guadeloupe, décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

« La Guadeloupe, c’est ton pays ! » m’avait pourtant plusieurs fois répété mon père avant que, enfant, nous n’allions à nouveau prendre l’avion avec la compagnie Air France pour deux mois de vacances estivales lors des congés bonifiés.

Entre 1975 et 1986, avec mes parents, aucun de nos séjours en Guadeloupe ne nous a mené jusqu’à la Pointe des Châteaux. Il est ainsi un certain nombre d’endroits plébiscités par les touristes ou les personnes un peu curieuses en Guadeloupe dont j’ai pu, parfois, entendre le nom, sans jamais y mettre les pieds.

Par contre, La plage de Raisins clairs, à St François, est un de mes premiers souvenirs de plage ou peut-être mon premier souvenir de plage en Guadeloupe en 1975. 

Lorsque l’on vient de l’île de la Basse Terre, comme mes parents, il faut faire un peu de route pour se rendre à St François, commune située en Grande Terre. C’est sûrement possible en car mais le plus pratique reste la voiture. Il n’existe pas de ligne de RER,  de métro,  de train ou de TGV en Guadeloupe. 

Sur le trajet, en s’approchant de la Pointe des Châteaux, ce 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

 

 Avec J, sa copine et d’autres …nous étions partis de la commune de Morne à L’eau. Ce 25 décembre 2023, ma mère et moi sommes partis de la commune de Ste Rose. C’est plus long. Une bonne heure de route. C’est peut-être pour cette raison que mon père a préféré rester à la maison. On peut en effet avoir l’impression de partir pour le bout du monde.

Mais, cette fois-ci, pas de course-poursuite à côté de maman puisque je conduis la voiture de mon père. D’ailleurs, c’est moi qui ai attendu ma mère dans la voiture tandis qu’elle finissait de se préparer. Ainsi, elle a sans doute pu prendre le temps de s’assurer que le gaz était bien fermé. 

Maman, à la Pointe des Châteaux, commune de St François, Guadeloupe, ce 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Son sac à main sous le bras, alors qu’elle regarde la Croix de la Pointe des Châteaux, je n’ai aucune idée de ce à quoi peut bien penser ma mère. Et, si je sais que l’on peut apercevoir l’île de la Désirade, j’ignore toujours la raison de cette Croix. J’ai même appris la veille dans un guide touristique qui date de plusieurs années- que m’a remis ma mère- que la Pointe des Châteaux serait le site touristique le plus visité de la Guadeloupe avec environ 500 000 personnes par an.

Cette forte affluence cause d’ailleurs des dégâts écologiques. S’il y a assez peu de voitures lorsque nous nous garons et que je trouve assez facilement une place de stationnement, je suis aussi étonné de voir un ou deux guichets touristiques où l’on propose des promenades en kayak ou des randonnées. Je ne me rappelle pas de ça.

Etant donné l’heure de notre arrivée, près de 13 heures, et la chaleur, je propose d’abord de nous restaurer au restaurant La Saveur du soleil que je découvre.

Mais la cuisinière n’est pas encore arrivée ou n’est pas encore revenue. Alors, nous partons pour la Croix, ma mère et moi. Et, chemin faisant, je lui porte son sac et sa bouteille d’eau minérale.

Nous avançons tranquillement. L’endroit m’attire pour sa symbolique et son point de vue.

La Pointe des Châteaux, commune de St François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Lorsque nous arrivons près de la Croix, il y a encore à peine dix personnes. A l’aller comme au retour, nous y avons rencontré principalement des francophones, plutôt adultes, et majoritairement blancs. Lesquels, dans leur ensemble, ont soit devancé nos salutations soit nous les ont « rendues ».

Près de la Croix de la Pointe des Châteaux, commune de St François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Quelques minutes plus tard, ma mère et moi avons l’endroit pour nous deux. Si l’on peut sans doute s’y plaire en amoureux ou en famille, ou en tant que photographe ou artiste peintre, je trouve que l’on peut aussi aimer y venir pour se recueillir.

La Pointe des Châteaux, commune de St François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Ce n’est qu’une fois en bas, que ma mère m’apprendra que c’était la première fois qu’elle montait jusqu’à la Croix de la Pointe des Châteaux. Quelques années plus tôt, avec son club de randonnée, elle avait marché vingt kilomètres pour s’arrêter au bord de la plage et apercevoir la Croix qui pointait à l’horizon.

Devant moi, ce 25 décembre 2023, ma mère ne se rappelle pas la raison pour laquelle elle et son groupe de marche s’en étaient tenus à ce trajet. Peut-être que quelqu’un, dans le groupe, s’était-il soudainement rendu compte qu’il avait oublié de fermer le gaz chez lui ?

Point de vue depuis la Pointe des Châteaux, commune de St François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

A notre retour de la Croix, entre-temps, la cuisinière de La Saveur du soleil a pu revenir. Nous commandons notre repas.

Si le service a été un petit peu long, j’ai été très agréablement surpris par l’originalité, la quantité et la qualité de ce que nous avons mangé. J’avais commandé le dernier bokit à la morue disponible. Ma mère en avait pris un au poulet. Le bokit, servi également avec une salade accompagné d’une très bonne vinaigrette, est croustillant et n’est pas en « plâtre » ou gorgé d’huile. Le poulet adressé a été grillé sur la braise. 

On nous a aussi servi une purée d’igname et de giraumon faite sur place. En dessert, nous avons eu une très bonne salade de fruits locale.

Après notre repas, je suis allé féliciter le personnel. J’ai appris que La Saveur du Soleil existait depuis au moins une vingtaine d’années, ouvert au départ par le père d’une des employées. Et que la carte visait à essayer de renouveler la cuisine traditionnelle de la Guadeloupe.

Ensuite, nous sommes partis pour la plage de Raisins Clairs où, muni d’un de mes masques d’apnée,  j’ai pu faire des bulles dans l’eau pour la première fois depuis mon embolie pulmonaire, courant novembre.

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Franck Unimon, ce dimanche 21 janvier 2024.

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Tuer des noix de coco

La Guadeloupe, fin décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

                         Tuer des noix de coco

Depuis mon retour de Guadeloupe, j’ai l’impression d’avoir une petite vie. Ainsi qu’une petite bite. Cela a commencé dans l’avion, pendant le vol du retour, alors que je voyais la Guadeloupe parcheminée et électrifiée de lumière s’éloigner tout en bas. Je ne crois pas que partir vivre en Guadeloupe me donnerait plus de virilité.

Et, je crois être suffisamment immunisé contre la croyance qui consisterait à idéaliser tout le bleu que l’on peut y trouver.

Vue depuis la Pointe des Châteaux, commune de Saint-François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Mais dans l’habitacle de l’avion suspendu dans l’air, alors que je regardais à travers le hublot, je me trouvais évidemment au chevet de mes pensées et de ma conscience. Dans un de ces moments, où, telles des vagues, certains reflets de notre lucidité nous parviennent puis repartent ou disparaissent si on les laisse faire. Si on l’accepte. Si on les rejette.

J’écris aussi pour essayer d’avoir une (plus) grande vie. Si j’ai eu l’impression d’avoir une petite vie, c’est sûrement parce-que, soudainement, dans l’avion, je me suis aperçu que j’avais trop souvent pris soin de certaines conventions au détriment de mon inspiration et de mon intuition. Et, chaque fois que j’écris, j’essaie de remédier à ce détournement.

J’étais en train d’écrire, il y a quelques jours, chez mes parents, à Sainte-Rose, lorsque devant le « studio » (plutôt un F2 d’une bonne cinquantaine de mètres carrés), j’ai commencé à entendre un bruit répété et plutôt sec. Malgré mes dix séjours ici depuis mes sept ans, entre 1975 et 2023, je n’ai pas identifié ce bruit.

Citadin né et éduqué en région parisienne, je suis ce que mes compatriotes peuvent appeler un Moun Frans’ (  terme plutôt méprisant au départ pour désigner celle ou celui qui est né(e)ou qui a été « fait(e) » en France ). J’avais sept ans la première fois qu’en colère, une mère, à Morne-Bourg, m’avait traité de Moun Frans’ pour une maladresse que j’avais dû faire.

Depuis, j’ai transformé cette expression de Moun Frans’…en Moon France. Cet article est dans la catégorie Moon France et Voyage de mon blog.  

Mais il y a aussi l’expression  » C’est un bounty !  » que m’avait apprise un collègue d’origine guyanaise. Aucun rapport avec les révoltés du Bounty. Le ou la bounty, c’est celle ou celui qui ne connaît pas son pays ( ici, la Guadeloupe) :

Noir(e) à l’extérieur et blanc/che à l’intérieur. Une vraie lessive. Plus blanc/che que blanc/che.

Il y a aussi l’expression Négropolitain. Celui-ci n’a rien à voir avec le Napolitain.

Il y a quelques jours, donc, alors que j’étais encore en Guadeloupe chez mes parents, le  Moun Frans’/ bounty/ négropolitain que je suis qui était occupé à écrire sur son ordinateur portable a voulu, une fois de plus, en savoir plus. 

J’ai ouvert les portes en bois du studio.

C’était ma mère, 75 ans, debout en haut d’un escabeau, son sabre (une machette) à la main. Elle finissait de tuer (cueillir) une grappe de noix de coco. Mais aussi de nettoyer l’arbre.

Chez mes parents, fin décembre 2023. On aperçoit sur la gauche l’arme du « crime » qui a servi à tuer les noix de coco. Photo©Franck.Unimon

Je suis allé la rejoindre. A peine trois mètres nous séparaient. J’étais resté sur l’idée, dont elle m’avait informé la veille, que ce matin, elle partirait faire de la marche à 5h30. J’avais oublié cette histoire de noix de coco dont elle m’avait parlé un ou deux jours plus tôt.

Ma mère n’avait pas encore pris son petit-déjeuner tout comme moi. Dans la brouette se trouvaient une dizaine de noix de coco et une grappe de bananes poyo.

Les victimes vues de plus près, fin décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Elle est partie chercher des feuilles de patchouli. Et, en se servant d’eau de pluie qu’elle avait versée dans un seau, elle a lavé les noix de coco « Car les rats montent dans l’arbre » m’a-t’elle expliqué.

Alors qu’elle s’activait, debout et courbée devant moi, je lui ai demandé :

« Tu ne t’assieds pas ?! ».

Tout en continuant, elle m’a répondu :

« Le banc est là -haut, dans la maison. De toute façon, je n’en n’ai pas pour longtemps… ». 

« Moi, aussi, je n’en n’ai pas pour longtemps… ». Je suis parti lui chercher le banc. Ma mère s’est assise dessus sans rien dire avec un certain soulagement.

Nous avons continué de discuter tandis qu’elle s’affairait. L’aider ? Je l’aurais plutôt ralentie.

Ensuite, ma mère m’a montré des pieds de patchouli, de dafalgan, d’efferalgan. Je les ai sentis pour essayer de les retenir dans ma mémoire.

En 2023, on opposait et on classifiait généralement les gens selon leur réussite sociale et économique, leurs caractéristiques culturelles, physiques et personnelles ou d’après la plaque d’immatriculation de leur véhicule.

En 2024, ce sera identique.

Nous nous imprégnons tous des conventions que nous apprenons et voyons dans l’environnement dans lequel nous grandissons. Cela nous influence et contribue à faire de nous, quel que soit notre Pouvoir et notre Savoir, des êtres plus ou moins performants, plus ou moins adéquats, plus ou moins désirables et plus ou moins heureux.

Maman, à la Pointe des Châteaux, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Ma mère, aide-soignante en réanimation pendant des années en région parisienne – jusqu’à son départ en pré-retraite en 1999- a vécu en France un peu plus de trente ans tout comme mon père. Tous deux avaient une vingtaine d’années lorsqu’ils ont quitté leur Guadeloupe natale à la fin des années 60.

Ces gestes qu’elle a accomplis pratiquement devant moi, tuer des noix de cocos, les laver, elle ne les a pas appris à Sciences Po. Elle les avait appris bien avant que je n’entende ces mots de Sciences Po pour la première fois.

Jamais, en France, je n’ai vu ma mère et mon père tuer des noix de coco. Que ce soit devant notre immeuble HLM ou dans le jardin de ce pavillon de banlieue qu’ils avaient fini par acheter à crédit à Cergy-Pontoise au milieu des années 80 en s’éloignant de trente kilomètres de la ville de Nanterre où ils avaient continué de travailler. Elle, à l’hôpital et lui à la Poste.

J’ai demandé à ma mère :

– Qui t’a appris à faire ça ? ».

– Je ne sais pas. Un frère ou ma mère. J’ai dû voir faire quelqu’un. Quand tu vois faire, ensuite, tu essaies de faire pareil…..

– Tu avais quel âge quand tu as appris ça ? .

– J’étais jeune…je devais avoir 10-12 ans…..

 

Ce que j’ai appris et ce que j’apprends me permet de l’écrire quand j’y pense. Mais pas toujours de l’appliquer ou de le vivre. Eduqué ou bien éduqué, je pourrai sans doute parler du livre Une soudaine liberté de Thomas Chatterton Williams ou de Le Cœur sur la table de Victoire Tuaillon, le livre que j’ai le plus offert à la fin de cette année 2023. Mais cela ne me permettra pas de connaître l’usage d’un sabre et de tuer des noix de coco comme ma mère ou mon père.

Bien-sûr, par chez moi, en région parisienne et là où je réside principalement, les cocotiers, s’il y en a, savent se tenir à distance  de la connaissance et de la vue telles ces créatures fantastiques ou légendaires dont on peut entendre parler.

Aussi, je n’ai pas une grande nécessité a priori à apprendre à me servir de cette machette fabriquée au Brésil (j’ai regardé) utilisée par ma mère afin de tuer des noix de coco.

On ne brille pas dans les soirées, sur une piste de danse, sur un plateau télé ou lors d’un casting en sachant tuer des noix de coco. On ne serre pas plus de meufs ou de mecs sur Insta, au travail ou à un barbecue en région parisienne ou dans une autre ville de France parce-que l’on sait faire pousser des ignames jaunes, occire un cochon comme un de mes oncles paternels et faire du boudin avec.

Ces Savoirs ont par contre toute leur importance à la campagne, en Guadeloupe et ailleurs, lorsque la recherche de la survie est au menu dans un milieu naturel, lors d’une guerre ou d’une catastrophe ou dans des émissions ou des films grand public tels que Koh-Lantah ou Hunger Games. Ou lorsque des touristes ou des voyageurs sont de passage et viennent découvrir « autre chose» qui les dépayse. 

Sauf que chaque Savoir est entouré de ses croyances et de ses valeurs. De ses codes et de sa langue ou de son langage. Mais aussi de ses hameçons.

On peut se marrer devant certaines de ces croyances et de ces valeurs ou avoir du mal à les avaler mais il me semble pourtant que c’est comme ça dans chaque région du monde, dans chaque microcosme, aujourd’hui comme demain.

Imprégné des valeurs et des croyances campagnardes et traditionnelles de ma famille aussi bien paternelle que maternelle, même sans avoir jamais essayé de faire pousser un igname ou de tuer une noix de coco, j’ai été formé puis influencé par elles lors de mes voyages et de mes rencontres depuis des années.

Pour le meilleur et aussi pour le pire :

Il m’est arrivé d’être mal inspiré dans mes rencontres personnelles et intimes. Amicales comme amoureuses. Mais aussi pour prendre certaines décisions de tout ordre.

Et, en buvant ce matin-là, à jeun, avant mon petit-déjeuner, l’eau d’une des noix de coco que ma mère m’a ensuite tendu, puis en mangeant ensuite avec plaisir le lait qu’elle avait retiré de plusieurs de ces noix de coco, j’ai, sans même y penser, comme des milliards d’êtres humains en ce début d’année, renouvelé le pacte qui me liait à mes parents et à mes origines familiales. 

Parce-que c’est d’abord eux qui m’ont appris ou montré comment vivre.

Ensuite, il faut grandir. Apprendre à lire et à ajuster ce que l’on a reçu.

Savoir transposer là où l’on est ce que nos parents- et nos maitres comme nos modèles- nous ont appris et montré en se taillant si possible une vie sur mesure qui, d’une part, les rassure, mais aussi, nous permet les meilleures aventures.

Vue depuis la Pointe des Châteaux, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Franck Unimon, ce lundi 1er janvier 2024.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Corona Circus Voyage

Les Portes ouvertes des Frigos de Paris ce dimanche 22 Mai 2022

Devant les Frigos, le 12 Mai 2022. ©️Franck.Unimon

 

Les Frigos, ce 12 Mai 2022. ©️Franck.Unimon

 

Les Frigos, le 12 Mai 2022. ©️Franck.Unimon

 

 

Les Frigos, le 12 Mai 2022. ©️Franck.Unimon

 

 

Les Frigos, le 12 Mai 2022. ©️Franck.Unimon

 

 

Les Frigos, le 12 Mai 2022. ©️Franck.Unimon

 

 

 

Les Frigos, ce dimanche 22 Mai 2022 vers 18h. ©️Franck.Unimon

 

 

 

Les Portes ouvertes des Frigos ce dimanche 22 Mai 2022

Un des documents affichés que l’on peut voir à un des étages des Frigos ce dimanche 22 Mai 2022.

 

 

Pareil au document ci-dessus.

 

 

Idem.

 

 

Idem. Je confirme le fait que ce lieu est très cinématographique.

 

Je suis retourné aux anciens Frigos de Paris, dans le 13ème arrondissement de Paris, ce dimanche 22 Mai 2022 parce-que, quelques jours plus tôt, le 12 Mai, j’ai raté un bus.

 

Et que j’ai pris le suivant avec B… un des artistes résidents depuis une vingtaine d’années. Après son père. Lequel B… m’a parlé de ces portes ouvertes du 21 et du 22 Mai 2022.

 

J’étais venu la première fois aux Frigos au début des années 90. Un camarade de la Fac de Nanterre m’avait parlé de ses studios de répétition de musique. Un camarade plutôt sympathique mais aussi étonnant, peut-être mythomane. Néanmoins, ce qu’il m’avait dit des Frigos m’avait donné envie d’y aller.

 

La ligne 14, ce dimanche 22 Mai 2022. ©️Franck.Unimon

 

J’habitais encore à Cergy-Pontoise. J’étais descendu à la station de métro du Quai de la gare. La ligne 14 du métro n’existait pas. Les lieux m’avaient épaté avec leurs grosses portes de frigo. Leur atmosphère. J’avais trouvé un lieu qui sortait des contours de l’ordinaire. Je m’étais alors senti moins lisse, moins scolaire. Même si je ne savais pas quoi faire de cette « découverte » qui n’en n’était pas une pour d’autres.

 

Néanmoins, content de moi, j’y avais emmené ma copine de l’époque. Laquelle, intimidée, m’avait dit :

 

« C’est bon, tu as réussi ton coup. Ça me fait peur. Maintenons, partons ! ». C’était en 1992 ou en 1993.

 

Puis, il y a un peu plus de cinq ans, je me suis approché à nouveau des anciens Frigos de Paris. Lesquels, entretemps, m’avaient semblé plus inaccessibles qu’au début des années 1990.

 

Sauf lorsque j’avais appris que Stéphane Bourgoin, alors encore spécialiste français incontournable des tueurs en série (en 2020, il fut confondu pour plusieurs de ses mensonges ) y organisait, sous les voutes, près des anciens Frigos de Paris, un événement relatif à ce sujet. 

C’était après la parution du livre Utθya, en 2013, de Laurent Obertone « consacré » à la  tuerie de masse commise en Norvège, à Oslo et sur l’île d’Utθya, par Anders Breivik en 2011. Je me rappelle de Stéphane Bourgoin évoquant ce livre devant moi avec un certain enthousiasme et de mon embarras : je ne l’avais pas lu malgré mon « intérêt » pour la criminologie et alors que je l’avais interviewé (Stéphane Bourgoin) deux fois deux ou trois ans plus tôt.

 

J’avais trouvé les salles des voutes des anciens Frigos de Paris très bien ajustées à l’événement, question ambiance. Une nuit cinéma y avait même été organisée. Durant l’une des journées de cet événement consacré aux tueurs en série, je me rappelle de certains intervenants, dont un magistrat. Et d’un inspecteur de police qui avait croisé Richard Durn, auteur de la tuerie de la mairie de Nanterre, lors d’un conseil municipal,  après son arrestation. J’avais connu Richard Durn au lycée de Nanterre et j’avais passé quelques moments avec lui. Je me souviens assez bien de lui. ( Au Lycée ).

Dans les voutes proches des frigos, des livres et des bandes dessinées avaient également été mis en vente avec possibilité de dédicace. Dont Mon ami Dahmer de Derf Backderf. Cela devait être en 2013 ou 2014.

Pour un peu toutes ces raisons, retourner ce dimanche 22 Mai 2022 aux anciens Frigos, revenait aussi à retourner dans mon passé.

 

 

Plusieurs des artistes rencontrés, visités, ce dimanche, étaient déja résidents aux Frigos lors de ma première venue au début des années 90. C’est en discutant un peu avec eux que je l’ai appris. Car ce dimanche 22 Mai, pas de tueur en série ou d’odeur de poudre lorsque j’arrive. Une ambiance agréable. Plusieurs personnes sont attablées, dehors, dans la cour intérieure pavée et prennent un verre. Mais je ne peux pas m’asseoir avec elles. Puisque j’arrive plus tard que prévu et je ne sais pas combien de temps il me reste pour « entrer » dans les Frigos. En passant, je vois que j’ai raté un concert de Rap mais aussi une prestation de poésie.

Si le public que j’aperçois est assez féminin, on vient aussi à ces portes ouvertes en famille. La veille, je suis allé au Survival Expo Paris 2022. Ce qui m’a amené à venir seulement ce dimanche.J’ai envisagé de venir le matin avec ma fille mais les devoirs pour l’école ont pris plus de temps que prévu. Et puis, je me suis demandé si cet endroit lui conviendrait. Oui, il aurait pu convenir car j’ai croisé quelques parents avec leurs enfants.

J’arrive sur la fin de ces portes ouvertes. Il est près de 18h et j’ai le plaisir d’apprendre que cela se terminera à 20H. J’appréhendais que cela ne s’arrête plus tôt.

 

Si je passe d’abord par le premier et le second étage, j’opte ensuite assez rapidement pour monter (par les escaliers, plutôt que par l’ascenseur qui fonctionne) le plus haut possible. Au 4ème et au 5ème étage.

 

Comme il y a un peu de visiteurs et qu’il fait beau, au mois de Mai, je ne ressens pas cette atmosphère inquiétante que j’avais trouvée la première fois où il faisait sombre ou nuit, alors que pas grand monde ne circulait dans les escaliers et les couloirs.

Les photos qui arrivent ne suivront pas toujours avec exactitude la chronologie de ma visite ce dimanche 22 Mai 2022. 

 

©️Franck.Unimon

 

 

©️Franck.Unimon

 

 

©️Franck.Unimon

 

©️Franck.Unimon

 

Ici, j’ai reçu gracieusement des conseils concernant le montage. ©️Franck.Unimon

 

©️Franck.Unimon. La suite de la photo précédente. On peut voir qu’il est alors 18H50. Il reste un peu plus d’un heure. Il y a 5 étages à monter ( je me suis passé de l’ascenseur) et je ne sais pas combien d’ateliers sont ouverts.

 

 

 

L’artiste Marquat, peintre et sculpteur. ©️Franck.Unimon

 

 

Sculptrice, céramiste, peintre, Isabelle Mouedeb est également art-thérapeute et pédagogue. J’ai été particulièrement attiré par ses sculptures en céramique pour lesquelles elle utilise  » deux techniques principales : le raku et l’enfumage. Sur un prospectus qu’elle m’a remis, ces deux techniques, que j’ai découvertes, sont expliquées. Il n’y a rien d’étonnant dans le fait que la technique du Raku m’ait plu puisque je suis amateur de thé japonais et avais ramené de mon voyage au Japon une tasse de thé en céramique sans aucun doute fabriquée avec cette technique.

Les oeuvres au premier plan sont d’Isabelle Mouedeb. ©️Franck.Unimon

 

Oeuvres d’Isabelle Mouedeb. ©️Franck.Unimon

 

 

Oeuvres d’Isabelle Mouedeb. ©️Franck.Unimon

 

 

 

 

©️Franck.Unimon

 

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©️Franck.Unimon

 

©️Franck.Unimon

 

Saint Chaffray est sculpteur. ©️Franck.Unimon

 

 

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Oeuvres de Saint Chaffray. ©️Franck.Unimon

 

 

Oeuvres de Saint Chaffray, sculpteur. ©️Franck.Unimon

 

 

Traits d’humour de l’artiste Sacha ©️Franck.Unimon

 

 

L’artiste Sacha. ©️Franck.Unimon

 

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La voisine d’à côté. ©️Franck.Unimon

 

 

Oeuvres de l’artiste peintre France Mitrofanoff. ©️Franck.Unimon

 

 

France Mitrofanoff m’a proposé de me prendre en photo devant ses oeuvres. Je ne pouvais pas refuser. Photo faite par France Mitrofanoff.

 

 

©️Franck.Unimon

 

 

©️Franck.Unimon

 

 

 

 

 

 

 

La galerie de l’Aiguillage. ©️Franck.Unimon

 

 

La galerie de l’Aiguillage.

 

 

Photo d’Alain Lepagnot dans les étages.

 

 

 

 

 

Dans la galerie de l’Aiguillage.

 

 

 

Fresque POP Graffiti par JO DI BONA réalisée en 12h Live Sans solvant ni Produit toxique Exposition Mars 2017 AIGUILLAGE Photo ce dimanche 22 Mai 2022, ©️Franck.Unimon

 

 

 

 

 

Photo ©️Franck.Unimon

 

 

A droite, Patrik  » T » Thouroude, à gauche, au piano, Patrizio. ©️Franck.Unimon

 

©️Franck Unimon, ce mardi 24 Mai 2022

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Voyage

New York 2011 : « You’re Welcome ! »

 

New-York 2011 : «  You’re Welcome ! ».

( cet article est la suite de New-York 2011- 2ème partie )

 

Ma compagne m’a proposé d’aller au cinéma dans Time Square. Je ne peux qu’accepter. Nous reprenons le bus. Et sa climatisation. Nous longeons la partie ouest de Central Park.

 

Nous passons devant le musée américain d’histoire naturelle. J’ai entendu dire beaucoup de bien de ce musée qui a manifestement été très fréquenté ce dimanche. Je vois principalement des blancs. La statue devant le musée me dérange :

Un blanc à cheval. A sa gauche, à pied, un noir. A sa droite, je ne vois pas qui marche à ses côtés. Un Indien ?

 

Nous descendons à la 59ème rue. Là, une dame avec un accent d’Europe de l’est me répond que Time Square est à environ dix rues ( «  Ten blocks ! » de là en prenant Broadway.

 

En prime abord, je trouve Broadway plaisant. Bien plus que Madison Square Garden.

Et puis, nous entrons dans un pavé touristique. Et puis, toute cette foule. Tous ces écrans. Toutes ces lumières. Il est un peu moins de dix neuf heures.

 

Nous croisons une foule qui se fait des gestes/signes sur un écran géant. A d’autres endroits, nous entrons dans un magasin Quicksilver «  Hi Guys ! » ouvert jusqu’à minuit.

Ailleurs, il semble qu’il y’ait des parcs d’attraction, des salles de spectacles courues. Mais je n’y comprends rien. Je vois de la promo pour Mme Tussaud. Samuel Jackson à l’affiche. Un restaurant ou une salle de concert B.B King/ Lucille.

Apparemment, devant une salle, une actrice se fait interviewer. Des passants la photographient. La vingtaine, blonde, mince, en robe et souriante, elle semble contente de ce qui lui arrive. Je me dis qu’elle doit avoir un rôle dans une pièce à succès.

Il nous faut néanmoins demander à deux reprises où se trouvent les cinémas. Car, ici, ils ne sont pas majoritaires. Je redoute de tomber sur un UGC. Sur une réplique exacte d’un UGC parisien.  Finalement, non.

J’aurais aimé voir le film avec Gérard Butler mais il passe trop tard : une heure trente plus tard.

Nous optons pour le film Abduction dont j’ai oublié le titre en Français avec Taylor Lautner en héros. Taylor Lautner, découvert/révélé grâce à Twilight  dont j’ai déjà vu à peu près en entier le premier épisode, je crois.

 

L’affiche et l’annonce du film en France m’ont fait penser à du Jason Bourne. Autant, j’ai aimé la trilogie de Jason Bourne, autant je suis perplexe devant l’affiche. Mais les critiques, en France, ont été, je crois, plutôt bonnes.

 

La caissière, Priscilla, est plutôt jeune et jolie. Mais elle est là pour faire du chiffre et aligne ses phrases mécaniquement. Lorsque je lui demande s’il existe une feuille avec les résumés des films, il lui faut quelques secondes pour comprendre. Enfin, elle comprend et je récupère une feuille. Je ne comprends rien à ses indications pour trouver la salle mais je suis serein. Rétrospectivement, elle m’avait sûrement dit « Level five ! » soit tout en haut.

Nous prenons les escalators.

 

La salle est assez petite. Cent places ? Plus ?

Les fauteuils s’abaissent lorsque l’on s’assied. Ils me donnent une impression de mollesse qui me déplait. Bien-sûr, il y’a du pop corn dans la salle mais pas plus que dans certains films grand public dans une salle UGC à Paris. Quelques téléphones portables allumés. Par contre, mieux vaut entendre les réclames publicitaires car leur volume sonore est particulièrement élevé.

 

Le film : Taylor Lautner est sur le capot d’une voiture conduite à vive allure sur la route par un de ses meilleurs amis. Un blanc. Un noir. Malgré la vitesse et les virages, Taylor Lautner n’a pas peur. Le trio arrive à une party. Le noir est un faussaire de génie : il fabrique des faux papiers d’identité qu’il vend à prix d’or. « No Stress ».

Taylor croise une jeune fille qu’il biche. Elle, aussi, le biche. Mais elle l’évite et elle a un copain. Lequel bouscule Taylor Lautner. Surproduction de testostérone. La fille intervient. Pas de bagarre. Taylor et ses copains s’amusent. Il prend une cuite, se réveille le lendemain, torse nu, dans le jardin qui a servi à la fête. Celle qui a organisé la fête a une heure pour tout ranger avant que ses parents n’arrivent.

Dans ce film, outre Lautner, il y’a Alfred Molina, Maria Bello, Sigourney Weaver.

Il y’a des traits d’humour que je n’ai pas compris. Mais je crois avoir compris l’intrigue et le but de ce film :

Après le succès de Twilight, pousser la carrière de Taylor Lautner. Lequel a d’évidentes aptitudes plastiques et acrobatiques. Sorti de ça, à part du pop corn, il n’y’a rien dans ce film. Un film de spectacle pour celles et ceux qui veulent du spectacle. Un spectacle de division d’honneur ou de troisième division.

Après ça, trente minute de marche jusqu’à l’hôtel. Nous étions claqués. Je me suis dit que ce dimanche, nous en avions trop fait.

J’étais claqué, j’avais la nausée et un peu mal à la tête. Nous nous sommes couchés sans dîner à 23 heures. Sur la messagerie du téléphone de notre chambre, un message de la réception pour nous proposer une soirée à 23 heures….

 

Aujourd’hui, ce lundi 10 octobre, il nous fallait frapper un grand coup !

Notre City Pass acheté sur internet avant notre arrivée à New-York nous donne droit à six sorties culturelles (musées, croisière, point de vue panoramique). Puisque nous repartons samedi et que nous envisageons de prendre notre temps pour ces sorties, il devenait nécessaire d’en faire deux si possible aujourd’hui. Sans nous fatiguer. Car ma compagne a eu les mêmes impressions que moi par rapport à notre journée d’hier. Et, je me demande comment font celles et ceux qui restent entre trois et cinq jours à New-York avec le décalage horaire. A part en courant en permanence ou en se concentrant sur deux ou trois activités, je ne vois pas….

 

 

Nous avons cette fois pris notre petit-déjeuner vers midi. Le temps de finir mon compte-rendu dans ce cahier, de m’étirer et de me doucher…mais ma compagne ne m’a pas semblé très pressée non plus.

Nous sommes allés à Prêt à Manger dans la 3ème avenue. Lieu de restauration fermé le week-end qui nous avait fait bonne impression à notre arrivée à New-York. Nous avons d’abord cru que ce serait très cher. Alors, nous commandons  prudemment.

Je prends un Bagel. Ma compagne dit d’abord : « ça va être cher ! ».

Nous partons. Je goûte le Bagel. Il est très bon. Ma compagne le goûte puis me dit :

« C’est comme tu veux ! ». Nous y retournons :

Un Mocha et deux Bagels pour elle. Un large hot chocolate, un Muffin aux baies et à l’orange et un verre d’eau pour moi. Conclusion : 13 dollars. Succès commercial. C’est fait maison. C’est bon et c’est copieux. Martine a du mal à finir son Mocha. Ce que j’ai pris me suffit.

Nous partons pour le MOMA avec le deuxième Bagel de ma compagne.

Une partie du tableau  » Christina’s World » réalisé en 1948 par Andrew Wyeth.

 

Le MOMA est à une dizaine de minutes à pied de l’hôtel. Demain, il sera fermé. Mais avant ça, je cherche un lavomatic dans le quartier. Mais à qui demander ?

Je remarque un noir qui parle dans son téléphone portable en poussant un diable vide. Il a une bonne quarantaine d’années. Peut-être plus. A l’entendre, je crois reconnaître un Haïtien. Je l’interpelle devant le magasin Duane.

Oui, il parle Français. Mais il me répond d’abord en Anglais. Puis, il se met au Français. Il habite Brooklyn. Il n’est pas du quartier mais il veut bien se renseigner. Il pousse son diable dans le Duane comme en terrain familier, salue un des jeunes caissiers (la vingtaine) qui semble s’être accommodé du personnage qu’il perçoit sans doute comme un farfelu. Non, il ne sait pas où il y’a un lavomatic dans le quartier.

Notre homme interpelle un autre noir, une cliente. Personne ne sait.

Il part chercher le manager. Revient peu après : le manager ne sait pas. Et dire qu’à Brooklyn, où il habite, il y’a tant de lavomatic !

Il se propose presque de nous y accompagner. Je décline. Il me propose de l’appeler si j’ai besoin d’un service. Je décline tout autant poliment. A Church Avenue, à Brooklyn, il y’a plein de lavomatic m’assure-t’il. Il me répond qu’il faut amener sa lessive. Il est bien Haïtien et s’appelle Zelo.

 

 

Puis, le MOMA.

 

Il y’a du monde. La jeune femme du vestiaire a commencé à perdre patience.  Oui, le vestiaire est gratuit. Mais au moment de prendre mon sac : ai-je du matériel électronique dedans ? Oui.

Dans ce cas, il me faut le prendre avec moi. Bon.

Ai-je des objets de valeur dans mon sac ? Oui. Il me faut les prendre avec moi.

Puis, elle m’explique que l’usage des appareils photos et caméra est autorisé au MOMA. Que je peux emmener mon sac avec moi.

Il me faut un moment pour comprendre : j’étais content de pouvoir m’alléger pour profiter au mieux de cette exposition. Alors, en souriant, je la fais répéter. Je la vois qui commence à perdre patience. Je décide de prendre mon sac.

 

 

Pendant les dix premières minutes, dans la partie Art contemporain, je me sens idiot. Ce que je suis sans doute de plus en plus. Ensuite, je bute sur les constants chefs d’œuvre de peintres comme Picasso etc…Jeff de Kooning…

Je ne vois rien. Une femme assez bruyante, et accompagnée de ses deux garçons, interpelle un gardien. Noir. Ils étaient principalement noirs. J’ai vu un seul gardien sud-américain.

La femme demande au gardien ce qu’il voit dans la toile qu’elle regarde. Celui-ci lui répond qu’il faut utiliser son imagination. La femme affirme devant le gardien débonnaire qu’elle l’utilise, son imagination !

 

Et puis, des tableaux m’ont plu. Comme Napoléon into Wilderness de Max Ernst. Ou un portrait de Modigliani.

 

Dans une salle, alors que j’entre, le gardien, un noir d’environ 1m90 pour 120 kilos mime le geste de m’adresser un ballon de football  américain. Au départ, je ne réagis pas.

Il répète son geste. Je fais mine d’attraper le ballon. Il fait semblant d’avoir le ballon contre lui. Cela lui suffit. Je poursuis ma visite.

Lorsque je ressors de la salle, il recommence. Toujours à distance. Environ cinq à dix mètres nous séparent. Tout se passe en silence.

 

 

Nous terminons notre visite un peu avant 17 heures. Vers 16h30. Puis, direction la Circle Line pour une croisière autour de Manhattan. Nous faisons en fait un demi tour. Le bateau est plein.

Nous avons droit à un commentateur pendant une bonne partie de la traversée. J’ai compris des bouts de ses commentaires. J’ai pris des photos, quelques vidéos. C’est le résultat de ces images qui me dira si cela m’a plu. Car être sur un bateau aussi plein m’a déplu.

 

 

Pour dîner ce soir, nous faisons une halte auprès d’un marchand ambulant :

Pour du riz et du falafel. Pour du riz et du gyro, mélange de poulet et d’agneau. Dix dollars.

L’homme me demande d’où nous venons. Je lui réponds. Je lui demande d’où il vient :

« Afghanistan ».

 

 

Ce soir, deux événements :

 

J’ai mis un pied dans le magasin de comics repéré près de l’hôtel. Dix minutes avant sa fermeture à 21h ?

Ma compagne m’a appris que sur la carte, à New-York, les rues sont horizontales et les avenues, verticales jusqu’à Chelsea et Gramercy. Ensuite, la carte se complique.

Elle se débrouille très bien avec la carte. Elle me guide. Je suis plus porté sur la mémoire visuelle (laquelle n’est pas encore totalement opérationnelle ici) et le fait d’entrer en relation avec les gens. 

 

Nous avons complété notre diner « afghan » avec quelques morceaux de fruits achetés au Long Gourmet : là où nous avions pris notre petit déjeuner hier.

 

Plusieurs fois, aujourd’hui, alors que je cherchais notre itinéraire, très vite un New-Yorkais m’a demandé où nous voulions aller.

Depuis le début de notre séjour, chaque personne que nous avons pu solliciter a fait de son mieux pour nous renseigner, allant jusqu’à nous dire après nos remerciements :

 

« You’re welcome ! ».

 

 

Franck Unimon ( photos prises au MOMA en octobre 2011 exceptées les deux premières photos prises en extérieur).