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Soixante photos du Japon juillet 2024/ Sixty shots of Japan July 2024

 

 

Soixante photos du Japon Juillet 2024/ Sixty shots of Japan July 2024

Inosaki, Himeji, Tokyo, Kyoto, Hiroshima, Kurashiki….

Quelques mois après mon second sĂ©jour au Japon, je retourne sur les talons de ces photos que j’y ai prises durant ces trois semaines. Ni dĂ©tresse ni nostalgie dans ces instants qui m’inspirent ce « retour Â».

Il faut bien quelques semaines, quelques mois voire quelques années pour pouvoir mieux regarder certains moments. Et celles et ceux qui savent prendre leur temps comme leur pouls le comprendront certainement. Pour les autres, cela viendra peut-être plus tard. J’ai déjà publié au moins deux articles sur mon blog sur ce séjour que je dois cette fois-ci au Masters Tour proposé et organisé depuis plusieurs années par Léo Tamaki. Mais cette fois, c’est peut-être le moment de faire autrement la synthèse de ce que j’ai vécu lors de ce séjour au Japon.

 

En 1999, lors de mon premier voyage au Japon, les réseaux sociaux n’existaient pas et les téléphones portables que nous avions ne permettaient pas de naviguer sur internet, de filmer ou de prendre des photos. Et je n’avais pas de blog. Il me reste les photos papier de ce séjour ainsi que divers objets, impressions et souvenirs que j’en avais rapportés. Mais je n’avais rien écrit ni publié.

Aujourd’hui, c’est diffĂ©rent. Nous pouvons presque quotidiennement faire savoir Ă  d’autres personnes quel grand gĂ©nie nous sommes et la chance qu’elles ont toutes de nous connaĂ®tre, jour après jour. MĂŞme s’il est parfois nĂ©cessaire de savoir le leur rappeler rĂ©gulièrement :

Les meilleures réussites comme les pires initiatives peuvent désormais se diffuser vingt quatre heures sur vingt quatre sur les réseaux sociaux et sur le net en un tour de piste. Certaines de ces dernières sont tenaces et répétitives tandis que les premières peuvent rapidement se faire avaler par cette obligation et cette obsession de la nouveauté et d’originalité censées définir la valeur de notre personnalité et de notre vie.

Il n’existe pas de sĂ©rum dĂ©finitif Ă  ce sĂ©bum narcissique. On peut s’assagir et ĂŞtre lucide quelques temps puis recommencer Ă  gesticuler dans le courant environnant. Car cela signifie aussi que l’on est une personne « normale Â» jusqu’à un certain point : que l’on ressemble Ă  une majoritĂ©.

Lorsque l’on dĂ©cide de se rendre au Japon pour quelques semaines en partant de la France, on « sait Â» que l’on multiplie les probabilitĂ©s pour s’extraire de ce que l’on connaĂ®t et peut-ĂŞtre de ce que l’on est habituellement en France ou en occident.

La langue et les codes sociaux sont différents, les croyances aussi sans doute.

L’Anglais d’Oxford ou d’ailleurs y reste assez peu parlé et l’Espagnol ou le Créole n’y seront d’aucune aide. On y est quelque peu dépouillé. Mais pas toujours de ce que l’on croit. Car il se peut que l’on se fasse dépouiller, comme lors de tout véritable voyage et de toute véritable rencontre, d’une partie de nos insuffisantes connaissances sur le monde sur celles et ceux qui nous entourent et, bien-sûr, sur nous-mêmes.

J’ai été étonné après mon retour du Japon qu’il me soit demandé par plusieurs personnes si j’y avais bien mangé. J’ai eu l’impression que c’était la première fois, après un de mes voyages, que l’on avait autant besoin de s’assurer que l’on y mangeait bien.

Je peux rĂ©pondre Ă  nouveau que j’ai très facilement trouvĂ© de quoi me satisfaire d’un point de vue alimentaire sur le territoire nippon. Et que je n’ai pas eu Ă  errer dans des bas fonds interlopes afin de trouver des dealers mafieux Ă  mĂŞme de me revendre au marchĂ© noir des denrĂ©es alimentaires typiquement françaises que je puisse serrer dans mes bras avant de les confier Ă  mon estomac.  

Cet Ă©tĂ©, j’ai bien remarquĂ© sur place que le Japon Ă©tait en effet devenu une destination plus touristique qu’en 1999. Lors de mon premier voyage, les touristes Ă©taient « clairsemĂ©s Â» et j’en avais peu rencontrĂ©. Cette annĂ©e, il Ă©tait plus frĂ©quent d’en croiser. Et Ă  la gare de Kyoto, j’ai mĂŞme eu la surprise de tomber sur une famille de compatriotes guadeloupĂ©ens qui se promenait dans les galeries commerçantes.

Il faut néanmoins préciser que cette année, notre séjour s’est déroulé en pleine période touristique, lors du mois de juillet alors qu’en 1999, j’étais venu en septembre.

J’ai aussi trouvé qu’il y avait nettement plus de ressortissants chinois, qu’ils soient simples touristes ou habitants. Cela m’a marqué compte-tenu des différends culturels et politiques qui peuvent exister ou ont pu exister entre la Chine et le Japon.

Le Japon est un pays riche et ambitieux tant historiquement, culturellement qu’économiquement. AppelĂ© «  Le pays du Soleil Levant Â», il est peut-ĂŞtre aussi le pays des contraires ordonnĂ©s. 

Aussi, soixante photos dans un diaporama afin de laisser le meilleur aperçu possible de ce sĂ©jour au Japon, c’est assez peu. Mais je crois que l’on dit qu’une image vaut autant que dix mille mots. Il est possible que je me sois trompĂ© sur le chiffre exact. Je sais par contre qu’au dĂ©part, ce diaporama devait contenir cent photos. J’aimais bien le chiffre cent. Peut-ĂŞtre parce-qu’il est proche en sonoritĂ© du mot « sang Â».

Sauf que, sur les plus de 8000 photos prises là-bas, je me suis retrouvé avec 176 photos. Cela faisait beaucoup trop. Trop de sang. J’ai donc coupé. Surtout qu’aujourd’hui, il faut savoir livrer du concentré. Je ferai peut-être un autre diaporama après celui-là.

Comme musique, je voulais d’abord mettre du Dub. Pendant environ deux jours, j’ai écouté plusieurs titres de Brain Damage et de Manutention. J’ai été beaucoup tenté de réutiliser un des titres de Brain Damage dont je ne me lasse pas.

Finalement, ce matin, je me suis rappelé de Rosalia que j’étais allé voir en concert en été 2023 à l’hippodrome de Longchamp avant de partir ensuite travailler de nuit.

Le titre La Combi Versace m’a rapidement convaincu. On s’attend peu, je crois, Ă  retrouver apposĂ©e une telle musique et la langue espagnole « sur Â» des photos relatives au Japon. On est le plus souvent tentĂ©, en tant qu’occidental admiratif, de l’accoler Ă  une musique solennelle ou qui inspire certaines attitudes de respect ou supposĂ©es zen.

J’ai bien évidemment du respect pour le Japon et je suis sensible à la recherche du zen. Mais je crois que ce titre de Rosalia sert très bien ce diaporama car il a parmi ses avantages le fait, je crois, de représenter l’avenir, d’être entraînant et plein de vie. Il est aussi composé et interprété par une femme qui a ses idées et qui s’exprime dans une autre langue que l’incontournable langue anglaise de beaucoup de nos titres préférés. Et le décès récent de Quincy Jones est là pour nous le remémorer.

Je cite feu Quincy Jones. Mais il ne manquera pas de personnes pour se rappeler de lui ou pour écouter sa musique qui, d’une façon ou d’une autre, est une mémoire, sa mémoire. Par contre, en écoutant de la musique ce matin afin d’en choisir une pour ce diaporama, j’ai pensé à toutes ces personnes qui n’ont plus ou qui n’ont pas la possibilité de connaître ce plaisir qui est simplement d’écouter de la musique qu’elles aiment et de se laisser entraîner par elle et qui partiront sans laisser de mémoire. Car elles vivent dans une trop grande pauvreté ou dans une trop grande violence.

C’est une très grande libertĂ© et un grand privilège que de pouvoir Ă©couter de la musique, « sa Â» musique, lorsqu’on le souhaite comme de pouvoir l’emporter avec soi dans son tĂ©lĂ©phone portable, sur son ordinateur ou dans un baladeur numĂ©rique. De se mettre oĂą l’on veut et de l’écouter voire de la faire Ă©couter et de la vivre avec d’autres.

Je ne suis pas certain que l’on s’en rappelle toujours. Ce diaporama est aussi là pour m’aider à m’en rappeler. Car j’ai besoin de m’en rappeler.

Franck Unimon, ce mercredi 13 novembre 2024.

 

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Japon juillet 2024 : Les Maitres du Masters Tour

Le Butokuden, Kyoto. Masters Tour, juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Japon Juillet 2024 : Les Maitres du Masters Tour

 

« Les Maitres sont les Maitres. Au mieux, je suis un centimètre Â».

 

Le terme « Maitre Â» est un des reflets de notre ambivalence.

Près du Butokuden, Kyoto, lors du Masters Tour, juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Il peut rappeler des mauvais souvenirs. Il semble séparer les mondes d’hier dont nous somme les fruits que l’on fuit et ceux d’aujourd’hui que l’on préfère. Comme s’il était possible de creuser une tranchée entre les deux et d’y entrer.

Le « Maitre Â» peut rappeler l’instituteur de l’école primaire ou celui dont dĂ©pend l’esclave.

Personne n’aime véritablement se rappeler certains moments humiliants et publics de son histoire.

Mais le « Maitre Â» est aussi celle ou celui qui peut et sait guider et rĂ©parer. En particulier vers la vie et l’optimisme. Y compris dans le secret.

Il existe des Maitres dans beaucoup de domaines dans toutes les cultures à tous les âges de l’évolution et dans toutes les classes sociales. Mais, la plupart du temps, nous ne le percevons pas.

Par ailleurs, le terme de « Maitre Â» est anachronique tout autant que futuriste.

Et les Arts Martiaux véhiculent cette outrance ou cette ambivalence.

Avec Léo Tamaki, au Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024.

Car on peut trouver anachronique voire stupide que des gens, en 2024 et plus tard, puissent encore continuer de choisir de porter kimono, hakama, d’autres éléments vestimentaires mais aussi adopter certaines attitudes. Et, tout cela, afin de transpirer et suivre des rituels et des traditions d’un ancien temps mais aussi d’une culture qui n’est pas forcément la leur. Alors qu’il suffit de faire un régime alimentaire, de subir une intervention chirurgicale, de prendre un coach ou de faire du fitness ou du cross-fit pour perdre du poids et pouvoir se mettre en maillot de bain en été au bord de la plage en étant fier de son allure.

Toute époque a ses intégrismes et ses artifices aussi séduisants soient-ils. Et, si mon attachement à certaines valeurs dites traditionnelles me rapproche des Arts Martiaux, j’ai aussi appris que les traditions, à elles seules, ne sont pas des sanctuaires idylliques. Il faut des personnes, des femmes, des hommes et aussi des enfants qui sachent les interpréter et les perpétuer de manière vivante et optimiste.

Au Masters Tour de juillet 2024, nous avons eu le privilège de rencontrer plusieurs Maitres d’Arts Martiaux. Mon prĂ©cĂ©dent article, Japon Juillet 2024 : Le Retour , fut long Ă  Ă©crire et Ă  lire. Celui-ci est entre trois Ă  six fois plus court. 

Au centre, Hino Akira Sensei au Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

 

Hormis Hino Akira Sensei approchĂ© lors d’un stage organisĂ© par LĂ©o Tamaki au cercle Tissier Ă  Vincennes fin 2022, je dĂ©couvrais les autres Sensei. Des Maitres et des personnes que LĂ©o Tamaki, et quelques autres, avaient rĂ©gulièrement rencontrĂ© depuis au moins une quinzaine d’annĂ©es !

 

Ces hommes, ces Maitres, ont consacré leurs vies aux Arts Martiaux à un point difficilement concevable. Comme l’on porterait des métaux à une température particulièrement élevée, ils se sont forgés. Sans se rompre. Il faut le rappeler car nous sommes nombreux à avoir eu des projets ou des aspirations auxquelles nous avons dû partiellement ou totalement renoncer.

 

La première leçon du Maitre, c’est peut-être d’être une incarnation, devant nous, de cette forme d’accomplissement- et d’engagement- que très peu d’entre nous atteindrons. Parce que notre histoire est différente. Et aussi parce qu’avant lui, nous avons eu d’autres Maitres et retenu d’eux certains enseignements plutôt que d’autres.

 

Je ne pourrai pas parler d’une technique exposée et démontrée par un de ces Maitres. J’en suis incapable.

 

« Les Maitres sont les Maitres. Au mieux, je suis un centimètre » est une rĂ©flexion que j’ai Ă©crite lors de ce Masters Tour de juillet 2024 alors que nous nous trouvions au Japon.

 

Cette différence lexicale est l’équivalent d’une décimale pour décrire à quel point, même si je parle d’êtres humains comme moi, il y a quand même une brèche saisissante entre eux et moi. Et que mes propos sont condamnés à rester rudimentaires pour les évoquer.

 

Pourquoi le faire, alors ?

 

Pour témoigner et pour contribuer à rajouter un peu de mémoire. Parce-que les êtres humains ont besoin d’histoires et de mémoire même s’il leur arrive aussi de les craindre et de les rejeter.

 

Je vais parler ici des Maitres qui m’ont le plus… Â« parlĂ© Â».

Avec Hatsuo Royama Sensei, Kyoto, Masters Tour, juillet 2024. Celui-ci vient de m’administrer une bonne claque sur le ventre par surprise.

Hatsuo Royama Sensei, 76 ans, Karate Kyokushinkan, est le premier Maitre que nous ayons rencontrĂ©. MalgrĂ© sa bonne humeur et son enthousiasme, notre première rencontre avec lui et ses disciples m’avait laissĂ© insatisfait. Nous Ă©tions une bonne centaine (ou davantage) sur le tatami. Au lieu de nous dire comme il l’a fait Ă  la fin « Vous ĂŞtes nombreux Ă  avoir une mauvaise garde Â», j’aurais prĂ©fĂ©rĂ© que lui ou un de ses disciples passe et nous le dĂ©montre en nous « corrigeant Â».

 

J’ai été bien plus favorablement marqué quelques jours plus tard par le kata qu’il nous a délivré au butokuden lors de la célébration des dix ans de l’école Kishinkai Aïkido.

Hatsuo Royama Sensei, seul, face à notre assistance, a plongé dans un kata respiratoire où chacun de ses mouvements était soutenu par le marteau de son diaphragme. C’était la première fois que j’assistais à une telle expressivité martiale. Et sa démonstration attestait aussi de sa santé vigoureuse.

Une santé avec laquelle j’allais faire un peu plus connaissance ensuite ou, après qu’il ait accepté de prendre la pose avec moi pour la photo, il allait me surprendre en m’administrant une magistrale tape sur l’abdomen soit un peu l’équivalent d’une leçon particulière qui allait m’influencer, jusqu’à me mettre sur la défensive, lorsque j’allais me trouver lors d’une autre séance face à Minoru Akuzawa Sensei, Aunkai, pour une démonstration.

 

Avec Takeshi Kawabe Sensei, Kyoto, près du Butokuden, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Takeshi Kawabe Sensei, 80 ans, Daitoryu Aikijujutsu.

Commençons par dire que Takeshi Kawabe Sensei ne fait pas son âge. Si Hatsuo Royama Sensei mesure près d’1m80, Takeshi Kawabe Sensei doit Ă  peine dĂ©passer 1m60. Avec son air de petit gars tranquille joueur de pĂ©tanque, il peut au mieux faire penser Ă  l’inspecteur Columbo ou Ă  un personnage d’un film de Johnnie To  dont les mĂ©ninges sont bien plus affĂ»tĂ©s que les gestes.

Takeshi Kawabe Sensei est sans doute un homme très intelligent et aussi farceur (lors du repas collectif que nous avons fait, je crois qu’il s’est bien amusĂ© de moi en me disant – en Japonais- que j’avais un très bon Japonais).

Mais c’est évidemment un redoutable pratiquant.

Ses saisies et ses clés sont promptes et donnent l’impression d’être la destinée de celui qui l’attaque. Il me reste des souvenirs de ce moment où Issei Tamaki a joué le rôle de Uke :

Issei y a mis tout son entrain pour, à chaque fois, le même résultat. Se faire retourner.

Takeshi Kawabe Sensei a réagi comme s’il l’attendait. Comme si tous les modes d’attaques humainement possibles étaient connus de son registre. On aurait dit l’agent Smith face à Néo à la fin du premier Matrix des ex frères Wachowski.

Le résultat était tellement évident que la conclusion aurait été vraisemblablement la même avec un autre Uke. En outre, Takeshi Kawabe Sensei prenait tout cela de manière ludique. Si on peut voir Hatsuo Royama Sensei comme une force de la nature, Takeshi Kawabe Sensei évoque plutôt celui qui a su transcender sa nature.

Hino Akira Sensei, 76 ans, Hino Budo, est Ă©galement un petit gabarit. Sans forcer, il vous fait tomber. Vous vous croyiez enracinĂ©s et bien ancrĂ©s dans le sol ? Vous vous mentez Ă  vous-mĂŞmes. Vous ne l’êtes pas. Ou jamais suffisamment face Ă  lui.

Plus il vous montre le mouvement, plus il vous convainc que c’est facile et plus vous avez du mal Ă  le reproduire. Par moments, j’ai du mal Ă  savoir si sa science tient de l’hypnose, du conditionnement ou de ces quelques degrĂ©s ou centimètres (millimètres ?) que l’on nĂ©glige d’ordinaire et qui font toute la diffĂ©rence entre le dĂ©sĂ©quilibre et la chute.

Sa pratique peut être très difficile pour celle ou celui qui s’est toujours reposé sur l’explosivité musculaire, l’excitation et l’agitation. Avec lui, on transpire de la tête à essayer de comprendre un concept qui n’existe pas. Il faut ressentir et c’est difficile.

En revoyant a posteriori quelques images que j’avais pu filmer lors de l’intervention de Hino Akira Sensei, j’ai pu m’apercevoir que d’autres participants du Masters Tour connaissaient aussi quelques difficultés pour mettre en pratique ce qu’il nous avait montré. Cela m’a un peu déculpabilisé.

Minoru Akuzawa Sensei, à la gare de Kyoto, avant le départ pour Kinosaki. Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Minoru Akuzawa Sensei, Aunkai, est à à l’image de Takeshi Kawabe Sensei et de Hino Akira Sensei. Avec son 1m65, il a la silhouette passe partout de celui que l’on oublie. Pourtant, en tant que Maitre d’Arts Martiaux, l’Aunkai qu’il a créé et qu’il enseigne peut être vu comme un croisement entre les enseignements de Hatsuo Royama Sensei et ceux de Hino Akira Sensei.

Minoru Akuzawa Sensei est capable des explosions et des percussions du premier et de la délicatesse du second tout en n’étant ni l’un ni l’autre.

Mon premier camarade de chambre lors de ce Masters Tour avait « goĂ»tĂ© Â» Ă  trois low kick de Minoru Akuzawa Sensei. Il les ressentait encore plusieurs jours plus tard.

Ma première « confrontation Â» physique avec Minoru Akuzawa Sensei avait eu lieu un peu plus tĂ´t dans le car qui nous avait transportĂ© de Kyoto Ă  Kinosaki.

Cette « confrontation Â» fut principalement une bousculade. J’avais sans doute pris un peu trop de temps pour avancer dans le car et Minoru Akuzawa Sensei m’était rentrĂ© dedans en montant derrière moi. Impatience ? Distraction ? Je n’ai pas su.

Par contre, moi qui suis plus grand que lui dix bons centimètres et sans doute plus lourd que lui de dix kilos, j’avais Ă©tĂ© surpris de me sentir si facilement dĂ©placĂ© physiquement par un si « petit Â» homme.

Si tous les autres Maitres que nous avons rencontrĂ©s avaient des disciples ou des assistants japonais, Minoru Akuzawa Sensei s’est un peu distinguĂ© en laissant un de ses Ă©lèves occidentaux (un homme robuste d’un bon mètre quatre vingt dix  vraisemblablement d’origine amĂ©ricaine )  diriger l’échauffement.

A la fin de la séance qu’il a dirigé dans un gymnase, Minoru Akuzawa Sensei nous a dit qu’il apprenait à connaitre les gens au travers du contact physique qu’il avait en pratiquant avec eux. Et qu’il avait senti chez ceux d’entre nous qu’il avait eus comme partenaires une « véritable ouverture pour les Arts Martiaux ».

 

 

Avec Minoru Akuzawa Sensei, Masters Tour, Japon, Juillet 2024.

Il a ensuite accepté d’être pris en photo avec celles et ceux qui le souhaitaient. En voyant plus tard les photos où nous sommes assis côte à côte, lui et moi, j’ai été très étonné de découvrir que Minoru Akuzawa Sensei avait posé son bras autour de mon épaule. Je n’avais absolument rien senti au moment de la photo. Au contraire de ce que j’avais ressenti au moment de la photo avec Royama Hatsuo Sensei avant que celui-ci ne me fasse la farce qui consiste à me « claquer » l’abdomen.

Takahiro Yamamato Sensei, au Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Takahiro Yamamoto Sensei, Taisha ryu.

En dĂ©pit de ses airs de Johnny Depp, Takahiro Yamamoto Sensei n’est pas acteur de cinĂ©ma. C’est un homme rĂ©solument dĂ©vouĂ© Ă  sa pratique martiale. Et, si j’ai eu beaucoup de mal Ă  me faire Ă  ses enseignements, très proches par moments de ceux de Hino Akira Sensei,  pour moi Ă  la limite de l’ésotĂ©risme, j’ai Ă©tĂ© touchĂ© par son engagement, sa simplicitĂ©, sa prĂ©venance envers ses assistants et son message de paix rĂ©sumĂ© par sa phrase :

« There is no ennemy Â».

 

Takahiro Yamamoto Sensei avec ses assistants lors de la séance dirigée par Hino Akira Sensei, au Butokuden, Kyoto. Masters Tour, Juillet 2024. Tout au fond, assise, on peut apercevoir Shizuka Tamaki. Photo©Franck.Unimon

Son humilité mais aussi sa candeur et son enthousiasme se sont encore plus épanouis lorsqu’après son intervention, il est devenu un élève parmi nous, lors du cours dirigé par Hino Akira Sensei. J’ai trouvé son attitude remarquable.

 

Yoshinori Kono Sensei, 75 ans, Shoseikan.

Yoshinori Kono Sensei, près du Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

 

Je sais que l’intervention de Yoshinori Kono Sensei  au Butokuden a beaucoup dĂ©concertĂ©. On pourrait la comparer Ă  du Free Jazz, Ă  la musique de Weather Report, Ă  de l’association d’idĂ©es ou Ă  de l’improvisation ininterrompue.

Il est libre, Yoshinori Kono Sensei, il y en a même qui disent qu’ils l’ont vu voler….

Il fallait voir la plupart des participants qui suivaient Yoshinori Kono Sensei dans ses déambulations tant mentales que physiques au sein du Butokuden. Tels des Sancho Panza suivant leur Don Quichotte. Par moments, je me suis demandé si Yoshinori Kono Sensei s’en amusait.

Avant notre dĂ©part pour le Japon, LĂ©o Tamaki nous avait prĂ©sentĂ© les Maitres que nous allions rencontrer. Concernant Yoshinori Kono Sensei, il nous avait Ă©crit qu’il Ă©tait un peu le « chercheur fou Â» des Arts Martiaux.

Yoshinori Kono Sensei, près du Butokuden, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Le jour de son intervention, j’étais trop Ă©puisĂ© physiquement pour participer. Mais en temps ordinaire, je sais que  je ne m’en serais pas mieux sorti que les autres participantes et participants du Masters Tour.

Lors du dîner que nous avons ensuite pris tous ensemble dans un restaurant à quelques minutes du Butokuden, il s’est trouvé que la table où j’ai été placé était voisine de celle de Yoshinori Kono Sensei. Celui-ci était derrière moi.

Yoshinori Kono Sensei, près du Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Très vite, j’ai Ă©tĂ© fascinĂ© et happĂ© par cet homme. VĂŞtu d’une tenue traditionnelle, Ă  moitiĂ© assis sur sa chaise, une sorte de cartable en cuir souple posĂ© derrière lui entre la chaise et son dos, Yoshinori Kono Sensei Ă©tait en permanence occupĂ© Ă  rĂ©flĂ©chir et Ă   polir « ses Â»  Arts Martiaux.

A telle manière de tenir un couteau. A telle façon de placer ses doigts. Et, il le partageait avec celui qui se trouvait à côté de lui. Et à toute personne volontaire et disponible dans les alentours immédiats. Il a ainsi entrepris Julien Coup, assis à sa droite. Puis, d’autres participants du Masters Tour.

Je le regardais, captivé.

 

Yoshinori Kono Sensei nous a fait l’extrême politesse d’être avec nous corporellement pour ce dîner. Il s’est plié à cette fonction sociale par amabilité. Mais il avait d’autres priorités. Le dîner, le spectacle, être filmé ou pris en photo, tout cela était pour lui secondaire depuis fort longtemps. Sans doute depuis des années.

Avec Yoshinori Kono Sensei, près du Butokuden, Kyoto. Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

La seule vérité comptable pour lui, c’était celle des Arts Martiaux. Yoshinori Kono Sensei est celui qui m’a le plus donné envie d’apprendre le Japonais. Je me suis dit que j’aurais aimé connaître suffisamment le Japonais pour l’écouter, pour l’interroger.

 

Et lorsque le dĂ®ner et tout le cĂ©rĂ©monial social furent terminĂ©s, Yoshinori Kono Sensei est spontanĂ©ment retournĂ© au lieu et Ă  la pratique auxquels il appartient :

 

Les Arts Martiaux.

Yoshinori Kono Sensei, après le dîner au restaurant, près du Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Je trouve cette photo de lui, après notre dîner, extraordinaire. Pendant cette heure et demi environ où Yoshinori Kono Sensei était « avec nous », il n’a attendu que ça, ce moment où il pourrait retourner pratiquer. Seul. Tout le monde aurait tout aussi bien pu rouler sous la table, où la soirée se transformer en orgie gigantesque, je crois qu’il aurait adopté exactement la même attitude.

 

Autant de Maitres, autant d’attitudes et je « parle Â» uniquement de cinq ou six d’entre eux que j’ai Ă  peine aperçus.

 

Franck Unimon, ce jeudi 5 septembre 2024.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Japon Juillet 2024 : Le Retour

 

A Shinjuku, Tokyo, fin juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Japon Juillet 2024 : Le Retour

« BientĂ´t, ce qui s’est passĂ© trois semaines durant au Japon se diluera :

Les effets de l’ensorcèlement de ces petits abrutissements quotidiens répétés.

 Ma compagne et ma fille dorment encore. C’est un moment fait pour commencer Ă  Ă©crire.

 J’ai passĂ© rĂ©cemment trois semaines au Japon. Mon prĂ©cĂ©dent voyage au Japon en 1999 avait Ă©tĂ© principalement touristique. Celui-ci, le second, 25 ans plus tard, a Ă©tĂ© opĂ©rĂ© lors du Masters Tour 2024 Â».

Ces lignes datent de ce 30 juillet 2024. Depuis, ma compagne et notre fille sont parties pour trois semaines à la Réunion.

Certains des participants de ce Masters Tour de Juillet 2024 Ă©taient Ă©galement originaires de la RĂ©union. D’autres venaient de Suisse,  de Belgique, du Vietnam, et de diverses rĂ©gions de France ( Bretagne, Limousin, L’Est de la France, Champagne-Ardenne, Sud-Ouest, Ă®le de France….).

 

Bien-sûr, depuis mon retour du Japon le 29 juillet, j’ai repris le «travail ».

Le temps de faire un certain tri dans les photos et les vidĂ©os que j’ai « faites » et de me mixer les neurones afin de dĂ©cider quelle photo choisir pour dĂ©buter et comment m’y prendre au mieux pour constituer ce premier article, onze jours supplĂ©mentaires sont passĂ©s. Nous sommes dĂ©sormais le samedi 10 aout 2024 et mon article n’est pas terminĂ©. Il faut relire, rectifier, rajouter des photos et des vidĂ©os. Se demander si tel passage est justifiĂ©. Si on a envie de le lire. Et, finalement, douter que cet article ait une raison d’exister, entre mĂ©galomanie et folie.

J’avais 31 ans et étais célibataire sans enfant lors de mon premier voyage au Japon en 1999. L’année de la sortie du premier film Matrix que j’avais vu trois ou quatre fois dont une fois lors de ce voyage au Japon.

Je dois ce premier voyage à une amie qui résidait alors à Tsukuba, dans la banlieue de Tokyo, à une heure en train du centre de Tokyo. Grâce à elle et à son frère qui m’avait donné des conseils et m’avait appris ces quelques mots japonais qui m’ont à nouveau servi en 2024, j’avais vécu ce voyage extraordinaire.

Et cette semaine oĂą je m’étais rendu seul Ă  Kyoto – en prenant le shinkansen- ainsi qu’à Hiroshima et sur l’île de Miyajima.

A Hiroshima, juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Le numérique et internet, les réseaux sociaux, n’en n’étaient pas au stade où ils en sont aujourd’hui pour le pire et le meilleur. Et, je n’avais pas de blog. En plus de divers souvenirs, j’ai conservé les photos papier et peut-être leurs négatifs de ce séjour.

 

Je confirme que pour moi, comme pour d’autres, il y eut un « avant » et un « après » ce premier voyage au Japon. A mon retour du Japon, je dirais que j’avais gagnĂ© en luciditĂ© sur moi-mĂŞme. Et sur ce que je pouvais accepter ou refuser.  

Photo©Franck.Unimon il s’agit du Maccha-Ohagi. En Anglais, cela donne ( Powdered Green Tea & Rice Ball Coated With Sweetened Red Beans). Prix : 800 Yens. Un peu moins de cinq euros. Pourquoi se priver ? J’espère, un jour, pouvoir goĂ»ter le Maccha-Zenzai ( Sweet Red Bean Porridge & Green Tea) servi uniquement en hiver pour 1050 yens.

Cependant, même si je pratiquais encore le judo lors de ce premier voyage au Japon, j’y étais allé en touriste. Et en idéaliste du Japon, de l’Asie en général ou des Arts Martiaux. C’est peut-être en raison de cette attitude de touriste que j’ai pris autant d’années pour retourner au Japon alors que j’avais prévu d’y revenir.

Entre-temps, le Japon était devenu un peu plus touristique.

Au cinĂ©ma, le film L’étĂ© de Kikujiro (1999), puis Dolls ( 2002) et Zatoichi ( 2003) avaient renouvelĂ© voire fĂ©minisĂ© le public de Takeshi Kitano dont le film Sonatine ( 1993) avait Ă©tĂ© pour moi une marque cinĂ©matographique et personnelle lorsque je l’avais vu vers 1997 Ă  Paris lors d’un festival consacrĂ© Ă  un certain cinĂ©ma asiatique en direct de Hong Kong. J’y avais alors vu des films de « genre » de rĂ©alisateurs tels que Johnnie To, Kirk Wong et  John Woo…

Kitano, de par ses « polars » faits de violence, d’humour noir et de poésie avait été le Japonais « infiltré » du groupe de réalisateurs présentés.

Vraisemblablement à Kyoto. Photo©Franck.Unimon

La France était devenue un pays de lecteurs de mangas. La Japan Expo ( à laquelle je ne suis jamais allé) avait été crééé ( en 1999-2000) et avait rapidement connu beaucoup de succès.

Le succès connu par le Japon s’étend peu à peu, depuis à peu près une dizaine d’années, à la Corée du Sud.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

En 1999, le Japon était peut-être encore la Seconde ou la Troisième Puissance Mondiale. Peu avant notre séjour , en juillet 2024, le Japon est devenu la Quatrième Puissance Mondiale économique, dépassé par l’Allemagne et devancé par les Etats-Unis et la Chine. Le Yen avait perdu de la valeur et cela nous était favorable. 1 euro valait environ 171 yens en juillet 2024 durant ce Masters Tour.

 

Photo©Franck.Unimon Japon, Juillet 2024.

Le voyageur que je suis

Je voyage souvent sans schéma. La plus grande partie de mon organisation consiste généralement à me décider pour une destination et à composer comme je peux le budget qui lui correspond.

D’emblée, dans un pays ou une région où je voyage, je pense assez peu à des endroits que je tiens particulièrement à « voir » ou à « visiter ». Ou alors très grossièrement. Ainsi, j’aimerais aller visiter l’Algérie ou un pays d’Afrique noire. Mais l’Algérie est un grand pays et l’Afrique noire est vaste.

C’est dĂ©jĂ  bien que je puisse me dire que, en AlgĂ©rie, j’aimerais bien voir « Alger la blanche Â», Tlemcen et d’autres villes. Car, ordinairement, j’en suis incapable.

A Harajuku, Tokyo, fin juillet 2024.

Il m’est arrivé d’acheter des guides touristiques (sur le Japon ou ailleurs) ou d’en emprunter avant un voyage mais je ne les lis pas. Je le regrette car je me dis qu’ils sont très bien écrits et qu’ils fournissent des informations culturelles très importantes et très divertissantes. Mais je ne parviens pas à les ouvrir suffisamment.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Je suis plus réceptif à des suggestions que l’on peut me faire. J’écoute aussi et je marche facilement et beaucoup.

Comme un fou. Sans nécessairement savoir où je me rends.

En Yougoslavie, en 1989, alors que nous nous dĂ©placions Ă  pied et sans but, mon meilleur ami, qui me suivait, m’avait un moment dit :

« J’ai l’impression d’être avec un fou ! Â».

Pas de plan, pas de boussole. Je suis en fait un peu comme un enfant qui apprendrait à marcher et qui découvrirait son environnement. Et qui croit à l’intemporalité.

Le Masters Tour créé et proposĂ© par LĂ©o Tamaki, Ă  première vue, c’était plutĂ´t l’opposĂ© de tout cela. Mais avant de prĂ©senter un peu LĂ©o Tamaki, je crois important de rappeler comment j’en suis arrivĂ© Ă  le « connaĂ®tre Â».

A Hiroshima, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Une atmosphère de pandémie

J’ai eu tendance à raconter que j’avais découvert Léo Tamaki la première fois en regardant sa rencontre avec Greg MMA sur Youtube.

Mais à la réflexion, tout est parti, je crois, de la pandémie du Covid et de son atmosphère exceptionnellement anxiogène il y a quatre ans. En plein confinement. Aujourd’hui, nous sommes en plein dans l’ambiance estivale et festive des Jeux Olympiques en France. Et la France a remporté un certain nombre de médailles. Officiellement, tout le monde est content. C’est une ambiance détendue ou très détendue qui contraste avec celle des élections législatives anticipées qui se sont terminées la veille de notre départ le 8 juillet pour ce Masters Tour au Japon ainsi qu’avec celle connue dès le premier confinement lors de la pandémie du Covid en mars 2020. Même si elle camoufle bien des aspects préoccupants de l’actualité, je préfère évidemment l’ambiance de ces olympiades sportives à nos olympiades sanitaires durant la pandémie du Covid.

Durant la pandémie du Covid, à la télé, et sur les réseaux sociaux, au moins, nous nous faisions quotidiennement matraquer par les informations et les chiffres relatifs au Covid.

Tant de personnes hospitalisées après avoir attrapé le Covid, tant de personnes décédées.

C’étaient en permanence des auberges de Babel qui s’accordaient suffisamment afin de nous héberger dans une atmosphère de fin du Monde au travers de cet acharnement médiatique. Nous vivions sans la perspective annoncée de pouvoir reprendre un jour pied dans un horizon sanitaire et mental normal.

Photo prise lors du Survival Expo en juin 2023, au parc floral de Vincennes. Photo©Franck.Unimon

Alors infirmier dans un service de pédopsychiatrie, j’avais fait partie des professionnels et des personnes qui avaient continué de circuler, d’avoir donc le droit de prendre l’air lors de certains horaires et dans un certain périmètre. Et d’exercer.

Si le Covid m’avait physiquement Ă©pargnĂ©, j’étais nĂ©anmoins plus ou moins atteint psychologiquement et moralement, comme beaucoup, par cette angoisse collective, morbide. Et persistante.

Je n’ai pas de télé. Mais j’aime lire. Et près de mon service d’alors, dans le 13ème arrondissement, métro Gobelins, il y avait une centrale de presse demeurée ouverte.

Une oasis.

 Je m’étais dit que lire et pouvoir choisir de lire Ă©tait plus bĂ©nĂ©fique que subir en continu les mĂŞmes images.

Dans cette centrale de presse, j’avais commencé à regarder (et à acheter) des magazines consacrés aux Arts Martiaux. Sans doute Aïkido et Self & Dragon pour commencer.

Cette anecdote a son importance pour rappeler que les Arts Martiaux proposent des issues  mentales, psychologiques,  Ă©motionnelles, intellectuelles et culturelles. Et qu’ils peuvent ĂŞtre des alliĂ©s dans une pĂ©riode de trouble Ă  condition qu’ils permettent ou entretiennent une certaine capacitĂ© d’introspection, d’empathie et de rĂ©flexion. Ainsi qu’un certain optimisme.

En Psychiatrie adulte, je me rappelle encore d’un patient rencontrĂ© dans le service oĂą je travaillais alors, dans les annĂ©es 90. Ce patient, ancien champion de France de Taekwondo, avait une certaine capacitĂ© Ă  reprendre le contrĂ´le de lui-mĂŞme lorsqu’il sentait qu’il commençait Ă  s’agiter psychiquement. Et, il n’avait jamais fait partie de ces patients violents, irrespectueux, dangereux ou menaçants- malgrĂ© le dĂ©clin de son destin Ă  son jeune âge ( moins de 30 ans)- que, de temps Ă  autre, certains Ă©vĂ©nements douloureux et tragiques poussent certains Ă  associer Ă  la psychiatrie.

Je sais aussi que, durant la pandémie du Covid, un Maitre de Kung Fu que j’avais rencontré à Paris une ou deux fois auparavant a gardé régulièrement le contact avec ses élèves via Facebook.

Et, je sais aussi que durant la pandĂ©mie du Covid, dès que cela avait Ă©tĂ© possible, un entraĂ®neur de boxe française, dans ma ville de banlieue, Ă  Argenteuil, a proposĂ© rĂ©gulièrement des sĂ©ances d’entraĂ®nement en plein air sur un terrain de basket disponible voire sur un parking.  Aux enfants comme aux adultes.

Ce sont des initiatives qui démontrent à la fois l’engagement de ces personnes mais aussi que la combattivité consiste aussi à savoir se maitriser comme à continuer de proposer autre chose que du pessimisme.

Je crois que beaucoup de personnes mĂ©connaissent le fait que les Arts Martiaux mais aussi les sports de combat peuvent ĂŞtre des mĂ©dia d’optimisme voire d’une certaine libertĂ© individuelle.

Du cĂ´tĂ© d’Asakusa, juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

 Au point que, de plus en plus, maintenant, je me sens embarrassĂ© Ă  dire que je suis parti au Japon « avec Â» un expert en AĂŻkido ou que je pratique un peu le karatĂ©.

Parce-que je perçois plus rapidement le malentendu. 

Parce-que, pour beaucoup de personnes, les Arts Martiaux se rĂ©sument Ă  du spectacle et Ă  du combat. Cela revient Ă  faire le grand Ă©cart et/ou le moonwalk comme MichaĂ«l Jackson  ou Ă  possĂ©der des pouvoirs ou des « trucs Â» magiques et acrobatiques devant un public Ă©baubi. Ou Ă  faire de l’EPS comme au collège lorsque certaines et certains dĂ©ployaient tout leur gĂ©nie afin d’en ĂŞtre dispensĂ©s.

Enfin, certaines personnes, pour des raisons, des croyances et des interdits qui leur sont propres, rĂ©pugnent Ă  passer par leur corps pour apprendre Ă  s’extraire de leur condition. Cela demanderait trop d’efforts. Cela ferait mal ou l’on pourrait se faire mal. Et puis, cela stimule les glandes sudoripares et ça fait transpirer.

Pour ces personnes, les Arts Martiaux mais aussi les sports de combat doivent rester à distance à l’état de vitrine ou d’éclats ultimes sur un écran. Comme si les Arts Martiaux mais aussi les sports de combat, ou n’importe quelle activité physique et sportive, pour ces personnes, étaient le danger ou un déchet radioactif mortel implacable et irréversible qui pouvait les défigurer ou les anéantir.

A l’inverse, d’autres se saisissent des Arts Martiaux et sports de combat comme d’un Ă©lixir censĂ© leur procurer tout ce qui a pu leur manquer Ă  un moment de leur vie. C’est leur Durandal ou leur Excalibur.

Japon, Juillet 2024. Vers l’aĂ©roport Narita pour notre retour en France. Photo©Franck.Unimon

La Pandémie du Covid a été un terrible révélateur.

Elle a d’abord eu pour effet de beaucoup nous contraindre physiquement, affectivement et mentalement (mais aussi économiquement) que l’on soit porteur ou non du virus. Mais aussi de nous révéler à quel point il était facile de nous écarteler (diviser) et de nous affoler.

A Harajuku, fin juillet 2024, Oeuvres de l’artiste Hyakkimaru  » maitre incontestable du Kiri-Ă© au Japon, l’art du papier dĂ©coupé » ( blog Sakura Bento). Photo©Franck.Unimon

Et, ces magazines consacrĂ©s aux Arts Martiaux que j’ai trouvĂ©s ont fait partie de ma petite panoplie de self dĂ©fense mentale afin d’essayer de continuer Ă  vivre au mieux. 

Je crois que c’est de cette façon et dans ce contexte que j’ai entendu parler pour la première fois de Léo Tamaki. Et, je crois que ce contexte et ces raisons m’ont guidé vers lui et d’autres avant lui mais aussi après lui.

LĂ©o l’a peut-ĂŞtre oubliĂ© aujourd’hui mais un ou deux ans après le dĂ©but de la pandĂ©mie du Covid, un jour, je lui avais exprimĂ© mes doutes quant au fait que celle-ci allait s’arrĂŞter et qu’il serait possible de pratiquer Ă  nouveau. C’était peut-ĂŞtre avant mon passage au Dojo 5 en Ă©tĂ© 2021 ( Dojo 5).  

Très simplement, il m’avait alors fait part de sa certitude et de son optimisme. Je n’avais pas eu besoin de plus.

Masters Tour et Léo Tamaki

A notre arrivée à la gare de Kyoto, juillet 2024. La silhouette représente bien sûr Léo Tamaki. Photo©Franck.Unimon

Le Masters Tour est un événement martial, touristique, culturel et personnel proposé depuis plusieurs années par Léo Tamaki, son frère Issei et celles et ceux qui les entourent et qui partagent avec eux un certain nombre de moments et de valeurs depuis des années (près de vingt années ou davantage). Parmi eux, on peut citer Tanguy Le Vourch et Julien Coup.

Il faut aussi citer Shizuka, la femme de Léo, très impliquée.

Et d’autres.

Léo Tamaki -qui est à l’initiative du projet et qui est en le chef d’orchestre- est un expert en Aïkido. Son CV martial est éloquent. Sa pratique martiale l’est tout autant. Quelques quarante années d’expériences ou davantage.

Bien avant l’AĂŻkido qu’il pratique et enseigne depuis plusieurs annĂ©es maintenant, comme beaucoup de Maitres, LĂ©o Tamaki s’était auparavant « configurĂ© Â» dans d’autres disciplines martiales ou de combat. Je ne les ai pas toutes retenues. Mais je crois qu’il y a eu du judo, de la boxe thaĂŻ, du karaté…

Léo a du charisme et une autorité que peu de personnes, parmi celles et ceux qui ont pu l’approcher et le voir enseigner ou pratiquer, pourront contester.

On pourra juger que je fais ici dans la flatterie en vue de pouvoir gratter une réduction sur les tarifs du prochain Masters Tour ou en vue d’obtenir un abonnement gratuit à vie à la revue Yashima.

Pourtant, chaque fois que l’on parle d’un Maitre, d’un expert, d’un prof, d’un collègue, d’une histoire d’Amour ou d’une personne qui nous a laissĂ© une impulsion salvatrice ou libĂ©ratrice, celle-ci a toujours eue, de notre point de vue, un charisme, une connaissance et un savoir-faire qui Ă©taient absents chez d’autres.  

Et cela y compris sous d’autres latitudes que celles de la pratique martiale.

Himeji, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Je peux donc très facilement citer d’autres personnes qui, pour moi, ont ou ont eu un certain charisme bien qu’inconnus au plus grand nombre :

Stephan, Le prof de plongĂ©e qui, en Guadeloupe, m’avait fait passer mon baptĂŞme puis mes deux premiers niveaux de plongĂ©e ; Yves, le responsable de la section apnĂ©e du club dont je fais partie;  Jean-Pierre Vignau, mon « prof de karatĂ© prĂ©fĂ©rĂ© » comme celui-ci aime le dire en plaisantant dans les messages tĂ©lĂ©phoniques qu’il a pu me laisser. Mais aussi certains collègues dans mon travail Ă  mes dĂ©buts ( ou Ă  leurs dĂ©buts) et plus tard, en psychiatrie, et en pĂ©dopsychiatrie, dans les services oĂą j’ai travaillĂ©, lors de certaines situations. Des infirmiers psychiatriques, Bertrand, Bernard, Patrice, Daniel, Hugues, un interne en psychiatrie, MichaĂ«l, une infirmière, Katia, le premier pĂ©dopsychiatre avec lequel j’ai travaillĂ©, le Dr Bruno Rist…

Du côté artistique et musical, je pourrais citer beaucoup d’artistes, de Miles Davis, à Cheikha Rimitti, en passant par Jacob Desvarieux. Albert Griffiths, Burning Spear jusqu’à Lana Del Rey bientôt au festival Rock en Seine…

Au mieux, l’émulation voire la compĂ©tition qui dĂ©coulent de notre attirance pour le charisme d’une personnalitĂ© nous inspirent et amènent des grandes Ĺ“uvres et des beaux projets. 

Au pire, on se contente de singer le modèle, de quiproquos, de rapports de domination ou d’une admiration trop grande qui inhibe ou rend stupide.  

A cĂ´tĂ© de ce charisme et de cette autoritĂ©, LĂ©o  a quelques particularitĂ©s.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Il est par exemple très Ă  l’aise avec les rĂ©seaux sociaux. Il tient un blog, poste rĂ©gulièrement des vidĂ©os ou des informations sur sa page Facebook. Il est plutĂ´t Ă  l’aise avec les interactions sociales ainsi qu’en interview : il ne passe pas son temps Ă  regarder ses pieds ou Ă  tchiper lorsqu’on lui adresse la parole.

En bon manager, il sait aussi très bien choisir ses associĂ©es, associĂ©s et partenaires directs. Et, rĂ©gulièrement, il crĂ©e et propose des Ă©vĂ©nements au grand public qui sont des projets stimulants sans aucun doute pour « ses Â» troupes mais aussi très exigeants en implication personnelle et en travail d’organisation… et d’improvisation.

Pour ma part, je ne sais pas faire « tout » ça ou je ne le souhaite pas. 

Megumi, une de nos guides, avant de monter dans le Shinkansen, quelque part au Japon, juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Ce Masters Tour au Japon, comme les précédents et comme ces stages d’Aïkido KishinTaïkaï proposés par Léo et par les enseignants de son école, est ouvert aux pratiquants d’autres disciplines, qu’ils soient experts ou débutants.

Il est d’autres événements proposés ailleurs, par d’autres experts ou Maitres d’Arts Martiaux, mais ce séjour au Japon a fait partie des bonus pour moi.

J’ai oubliĂ© le prĂ©nom de celui qui m’avait « promené » le lendemain de notre arrivĂ©e au Japon. Mais il Ă©tait Ă©tudiant en Japonais et se destinait Ă  l’enseignement. En temps ordinaire, je ne l’aurais pas sollicitĂ© pour dĂ©couvrir le coin. D’autant que si, sportivement, son travail peut ĂŞtre un très bon entraĂ®nement en tant qu’athlète, cela reste tout de mĂŞme très Ă©prouvant. Mais ce jour-lĂ , j’avais la nausĂ©e, j’Ă©tais fatiguĂ©, j’avais mal Ă  la tĂŞte et la tempĂ©rature dĂ©passait trente degrĂ©s comme durant le reste de notre sĂ©jour. Alors, j’ai rusĂ© afin de pouvoir visiter le « quartier » en essayant de rĂ©cupĂ©rer pendant nos près de deux heures de temps libre. Cela a Ă©tĂ© une bonne stratĂ©gie. Photo©Franck.Unimon

Motivations et conditions pour participer au Masters Tour : 

 Â« Surtout, ne regarde pas Ă  la dĂ©pense ! Â»

C’est ce que m’a recommandé avant ce Masters Tour, cette même amie qui, vingt cinq ans plus tôt, m’avait encouragé à faire un prêt avant mon premier voyage au Japon.

Lorsque j’ai revu cette amie à Paris deux ou trois semaines avant mon départ, je me souviens avoir été étonné par son regard au moment de nous dire au revoir près de la gare de l’Est.

J’étais dans la mesure pratique de mon quotidien. J’allais retourner au Japon et je me focalisais sur des démarches à faire dans tel ou tel domaine comme, par exemple, bien m’assurer de l’inscription administrative de ma fille au collège ou, simplement, recevoir l’officialisation de son passage en sixième. Le regard de mon amie, lui, dardait de joie pour moi. Elle, elle était déjà dans l’avion pour moi.

Je suis venu en amateur Ă  ce Masters Tour. En amateur du Japon. En amateur des Arts martiaux. En Amateur de la vie.

En curieux.

Shinjuku, Tokyo, fin juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Sans trop d’attentes démesurées, je crois.

Si je peux donner beaucoup de ma personne dans divers domaines, j’ai du mal à me percevoir comme un passionné des Arts Martiaux ou de quoique ce soit. Même si cela peut me flatter- et m’étonner- que l’on me puisse me décrire de cette manière.

Budget pour le Japon

Les premières fois que j’ai vu les tarifs du Masters Tour, le prix de ce voyage m’est apparu exorbitant voire mégalo :

5000 euros pour trois semaines.

C’était Ă  peu près il y a deux ans. Avant de participer pour la première fois aux 24 heures du SamouraĂŻ au dojo d’Herblay en 2023, un Ă©vĂ©nement Ă©galement proposĂ© par LĂ©o et les enseignants et pratiquants de l’école d’AĂŻkido Kishin TaĂŻkaĂŻ. ( voir Les 24 heures du SamouraĂŻ 2024 ). 

Puis, je me suis rappelé que le Japon est une destination chère. Je vois le séjour au Japon comme un séjour réservé à des privilégiés ne serait-ce que d’un point de vue économique.

En 1999, j’avais d’abord payé environ 7800 francs mon billet d’avion puis 1200 francs un pass hebdomadaire pour prendre le shinkansen. J’avais alors cru avoir fait le principal en termes d’effort financier.

Puis, quelques jours avant mon départ, j’avais lu qu’il fallait un budget compris entre 500 et 1000 francs par jour pour passer des vacances au Japon. J’allais y passer trente jours contre 21 lors de ce Masters Tour.

Japon, juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

En 1999, peu avant mon dĂ©part pour le Japon, je ne disposais pas de ces 500 Ă  1000 francs par jour.  

Sur les conseils d’une amie, j’avais alors demandé et obtenu un prêt revolving de 20 000 francs que j’avais ensuite remboursé en deux ans.

Un prĂŞt que je n’ai jamais regrettĂ© d’avoir demandĂ© et obtenu. J’avais alors Ă©tĂ© très Ă  l’aise financièrement durant mon sĂ©jour  d’un mois au Japon.

Les 30 000 francs de l’époque équivalent sans aucun doute à peu près aux 5000 euros nécessaires cette année afin de pouvoir participer à ce Masters Tour et être logés. Et, en plus, lors de ce Masters Tour, nous allions rencontrer des Maitres d’Arts martiaux, pratiquer, visiter différents endroits auxquels spontanément, je n’aurais pas pensé, avec quelqu’un qui connaissait le pays bien mieux que moi et qui en parlait la langue.

Bien-sûr, il fallait prévoir aussi les frais annexes :

repas, restaurants, dĂ©penses diverses et personnelles ( vĂŞtements, Ă©lectronique, mantras, baleines, autres…).

Mon voyage de 1999 avait été extraordinaire. Celui de ce Masters Tour le serait vraisemblablement aussi.

J’ai Ă  nouveau fait le nĂ©cessaire afin d’être dĂ©tachĂ© le plus possible des Ă©ventuelles contraintes financières de l’expĂ©rience. En partant pour ce Masters Tour, j’avais prĂ©vu un budget dĂ©penses situĂ© entre 4000 et 5000 euros.

J’avais aussi payĂ© deux cartes e-sim ( Holafly et Provider. Ma prĂ©fĂ©rence va Ă  Holafly) avec un forfait illimitĂ© durant trente jours. J’avais aussi pris chez mon opĂ©rateur, Orange, un forfait pour une heure d’appels depuis le Japon.

Et, je m’Ă©tais achetĂ© auparavant deux smartphones reconditionnĂ©s, donc Ă  prix rĂ©duit, qui acceptaient la carte e-sim. Un smartphone pour la messagerie WhatsApp, internet, les rĂ©seaux sociaux, les Ă©ventuels appels, les photos et les vidĂ©os.

Et un autre smartphone, plus performant, pour les photos et les vidĂ©os. 

LĂ©o nous avait recommandĂ© de nous encombrer le moins possible pour faciliter nos dĂ©placements et, donc, d’opter pour une valise d’une certaine contenance. Ni trop grande, ni petite. Je n’en n’avais pas. J’Ă©tais donc parti en acheter une et elle m’a donnĂ© satisfaction durant le sĂ©jour. C’est dĂ©sormais ma compagne et ma fille qui en profitent Ă  la RĂ©union.

On peut me trouver très Ă  l’aise financièrement. Alors, je rappelle mon âge :

56 ans, cette annĂ©e. Cela fait plus de trente ans que je travaille et mon prĂ©cĂ©dent  voyage au Japon datait de 1999.  J’ai donc particulièrement tenu Ă  refuser que l’aspect financier vienne me gâcher ce voyage peu ordinaire. 

Le prix des billets pour certaines Ă©preuves olympiques ( j’ai entendu parler de 7000 euros pour une place de spectateur en finale d’athlĂ©tisme du 100 mètres aux JO de cette annĂ©e en France) m’a d’autant plus confortĂ© dans l’idĂ©e que mon argent Ă©tait « mieux Â» employĂ© en partant pour le Japon. MĂŞme si, plus tard, j’ai profitĂ© d’une opportunitĂ© pour racheter deux places afin d’emmener ma fille assister Ă  des Ă©preuves de Judo aux Jeux Olympiques.

Et, aujourd’hui, en voyant ce que nous avons  » connu » durant ces trois semaines, je considère que notre argent a Ă©tĂ© très bien utilisĂ©. A mon avis, nous avons plus fait en trois semaines que d’autres vacanciers en un mois ou davantage :

Jusqu’Ă  trois Ă  quatre visites de temples, parcs ou de musĂ©es  ( ou plus) certains jours. Les entraĂ®nements. Les Maitres. Nous avons pris le Shinkansen quatre ou cinq fois ( ou plus). Nous avons changĂ© d’hĂ´tel cinq ou six fois ( ou plus). Dans des hĂ´tels plutĂ´t haut de gamme, très Ă©loignĂ©s des standards du formule 1, et proches des gares.

Tokyo, Kyoto, Inosaki, Kurashiki, Hiroshima, Himeji, sont les villes oĂą nous avons sĂ©journĂ©. Et, j’en oublie peut-ĂŞtre une ou deux. 

Nous avons rĂ©gulièrement reçu des suggestions de lieux Ă  visiter lĂ  oĂą nous nous trouvions. 

Nous avons aussi eu deux repas au restaurant tous ensemble.

A notre arrivée au Japon, le 9 juillet 2024. Nous faisions partie du second groupe. Le premier était arrivé la veille. Ma valise est au premier plan. Orange. Photo©Franck.Unimon

Les 140 du Masters Tour :

Je n’ai rien d’original.

Sans doute que beaucoup d’autres sont venus à ce Masters Tour en ayant à peu près les mêmes préoccupations tant financières que personnelles.

Cette année, nous étions un peu plus de 140 à venir probablement pour des raisons identiques au départ ( 142 exactement). Et aussi pour avoir « suivi » Léo Tamaki sur les réseaux sociaux ou pour l’avoir rencontré lors d’un stage d’Aïkido KishinTaïkaï ou aux 24 heures du Samouraï.

Puisque Léo Tamaki passe environ 200 jours par an à animer des stages d’Aïkido un peu partout dans le monde. Et qu’il publie régulièrement au moins sur Facebook.

142, c’était plus que les autres fois où, au plus haut, il y avait eu jusqu’à 90 participants. Ce qui était déjà beaucoup comparativement à la trentaine de participants présents lors d’éditions précédentes. J’ai eu connaissance de ce chiffre de 142 participants vraisemblablement quelques jours avant notre départ.

Certains participants sont restĂ©s deux semaines au Masters Tour. D’autres, trois. Certains participants Ă©taient dĂ©jĂ  venus au Japon lors d’un Masters Tour. Un des Ă©lèves de LĂ©o revenait pour la quatrième ou cinquième fois au Japon dans ces circonstances. Je lui envie cette expĂ©rience.

De par ma participation aux 24 heures du SamouraĂŻ de 2023 et de 2024 au dojo d’Herblay, je connaissais de vue plusieurs participantes et participants. Le fait aussi de prendre des photos et de filmer lors de ces deux Ă©ditions des 24 heures du SamouraĂŻ m’avait permis de mĂ©moriser certains visages. Autrement, j’ai dĂ©couvert sur place tous les autres lors du sĂ©jour.

Ainsi que « mes » co-locataires.

Puisque j’ai partagĂ© ma chambre d’hĂ´tel avec un inconnu. D’abord L…, pratiquant de karatĂ© shotokan. Puis, G, pratiquant d’AĂŻkido après que sa femme et leurs deux enfants soient retournĂ©s en France après la deuxième semaine. 

J’ai aussi appris sur place que cette annĂ©e correspondait Ă  la dixième annĂ©e de la crĂ©ation de l’Ă©cole d’AĂŻkido Kishin TaĂŻkaĂŻ crééé par LĂ©o, Issei, Tanguy et Julien. 

J’avais bien sĂ»r imaginĂ© que nous serions nettement moins nombreux que 142. Mais ce chiffre ne m’a pas rebutĂ©.

Ce « succès » vient sûrement de la médiatisation de Léo via ses stages, les événements tels que Les 24 heures du Samouraï et sa présence sur les réseaux sociaux.

J’insiste sur ce point de la mĂ©diatisation et des rĂ©seaux sociaux car bien des experts et Maitres d’Arts Martiaux toujours en activitĂ© passent inaperçus ou sont oubliĂ©s en raison d’une certaine invisibilitĂ© mĂ©diatique, voulue ou subie, faisant d’eux peut-ĂŞtre ce que l’on appelle des Kage Shihan. Si je ne me trompe pas, ce terme qui signifie « Maitre de l’ombre Â» m’a très vite intriguĂ© lorsque je l’ai dĂ©couvert et me rappelle aujourd’hui, aussi, ces thĂ©s d’ombre qui peuvent ĂŞtre produits au Japon Ă©galement.

 

Si la médiatisation peut apporter son cortège d’embarras et nécessiter un investissement personnel particulier, elle peut aussi, si elle est bien maitrisée et bien tolérée, avoir un certain nombre d’avantages pratiques. Mais nous ne sommes pas tous à l’aise de la même façon avec la médiatisation ou avec le fait d’être en interaction constante ou répétée avec nos semblables.

Désillusions

 

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Ce sont des désillusions que j’ai déjà pu connaître ailleurs et que je pourrais à nouveau vivre comme chaque fois que je me fais une certaine idée préconçue de ce que je veux trouver ou des personnes que je veux rencontrer. Et que j’anticipe trop le déroulement d’un événement car je suis plus dans l’attente d’un signe, d’un geste, d’un événement ou d’une ouverture que je souhaite.

J’ai sûrement trop idéalisé les interactions sociales et humaines que j’attendais lors de ce Masters Tour 2024.

Je les voulais selon mes souhaits. 

Je m’imaginais que des pratiquants d’Arts martiaux auraient les mĂŞmes perceptions que moi.  Qu’ils seraient « ouverts Â» et plutĂ´t zen.

J’ai déchanté. Et c’est normal.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Je me croyais sans doute parti en colonie de vacances oĂą je me ferais beaucoup -et facilement- des nouveaux amis. Mais du temps est passĂ© depuis l’enfance et l’adolescence. Et, la vie, voire le combat, c’est assez souvent le contraire de ce que l’on prĂ©voit :

Les gens réagissent différemment de ce à quoi l’on s’attend.

Je me ferai peut-être des amis à la suite de ce Masters Tour 2024 -ou même des ennemis à la suite de la lecture de ce passage dans cet article- mais cela prendra un peu plus de temps que prévu.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Je me rappelle que les premières fois que j’avais rencontré mon meilleur ami au collège, il m’était insupportable. Et, il avait fallu plusieurs années pour que nous devenions amis.

Toutefois, il importe rapidement d’apporter de la nuance et des prĂ©cautions Ă  mes propos :

J’ai  bien sĂ»r connu des moments rĂ©pĂ©tĂ©s de dĂ©tente et de visites, improvisĂ©s et dĂ©cidĂ©s avec d’autres participants du Masters Tour 2024.

 

J’ai même pris la liberté certaines fois de rester dans mon coin.

Mais, visiblement, en d’autres circonstances, mes priorités sociales différaient de celles d’autres participantes et participants.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Contrairement à la majorité des pratiquantes et des pratiquants du Masters Tour, En Aïkido, je ne connais pas grand-chose. En karaté shotokan, à peine beaucoup plus.

Mais, Ă  mon avis, le Masters Tour concerne autant le comportement sur le tatami et en tenue que seul, face Ă  soi-mĂŞme, et en dehors du tatami.

Et, dans certains compartiments de la vie sociale, là, j’ai été très étonné.

Pendant ces trois semaines, j’ai pris soin, un certain nombre de fois, d’essayer d’aller vers les autres. De discuter avec eux. D’apprendre leurs prénoms.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Vers autant de personnes que je le pouvais. Je n’y suis pas toujours parvenu. Mais je sais avoir essayé. Et je crois avoir retenu plus de prénoms que de participants n’ont retenu le mien. J’ai aussi bien vu que d’autres participants étaient assez isolés par intermittences en dehors du tatami.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Parallèlement à cela, un certain nombre de participantes et de participants ne s’embarrassaient pas avec ce genre d’applications sociales superflues. Elles et Ils ont néanmoins peut-être essayé au début du Masters Tour d’aller vers les autres.

Ce sont peut-être aussi des réactions dues au fait de se retrouver soudainement dans un grand groupe avec des personnes (ou un voisin de chambre) que l’on n’a pas choisies. Et de se voir et de se revoir fréquemment en grand nombre plusieurs jours durant. Alors que cela n’est pas dans nos habitudes.

Kyoto, Juillet 2024, lors du festival Matsuri Gion. Photo©Franck.Unimon

On reste entre soi. Avec des personnes que l’on connaĂ®t dĂ©jĂ  (souvent depuis des annĂ©es) ou avec lesquelles on est (dĂ©jĂ ) venu Ă  des Masters Tour prĂ©cĂ©dents. On passe sans dire bonjour.  Celle ou celui que je ne connais pas ou qui n’est pas de ma discipline martiale ou de mon niveau n’existe pas. Ou très peu.

On se prĂ©cipite pour rester avec celles et ceux que l’on connaĂ®t dĂ©jĂ  et avec lesquels on rigole devant les autres qui sont lĂ  mais qui n’existent pas. A l’hĂ´tel, on sort de l’ascenseur que l’on a pris avec un des participants du Masters Tour sans lui dire au revoir une fois arrivĂ© Ă  notre Ă©tage. Voire, on lui passe devant pour rentrer dans l’ascenseur alors qu’il attendait avant nous.

Il m’est arrivé de penser que cela faisait partie des épreuves informelles et implicites du Masters Tour. Qu’il s’agissait que le nouveau ou l’inconnu se fasse connaître et accepter ou endure l’épreuve de l’anonymat. Après tout, dans certaines traditions d’apprentissage, le petit nouveau ou la petite nouvelle n’a pas de visage, de nom ou même de matière. Elle ou il est là pour apprendre, pour servir, pour se taire. Et, avec du travail et de la patience, petit à petit, son statut évoluera. Si elle ou il persévère.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

On Ă©tait bien entre guerrières et guerriers ?! Donc, pourquoi se prĂ©occuper des autres et de ces facilitĂ©s- des hypocrisies ! – sociales qui nous font croire que tout nous arrive toujours tout cuit dans la bouche, sans se battre et sans persĂ©vĂ©rer et que tout le monde nous aime toujours ?

Himeji, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Cependant, ces attitudes d’évitement Ă©taient par moments tellement caricaturales – voire comiques- qu’elles relevaient davantage, de mon point de vue, d’une difficultĂ© Ă  entrer simplement en relation avec celle ou celui que l’on ne connait pas. Qui est peut-ĂŞtre un ennemi dĂ©guisĂ© sous les traits d’un participant ou d’une participante au Masters Tour…

Dire bonjour Ă  quelqu’un Ă©tait peut-ĂŞtre plus difficile Ă  prononcer pour certaines et certains que d’avaler du cyanure. Pareil pour le simple fait de dire au revoir. 

Il a pu arriver qu’à la fin d’une sĂ©ance d’entraĂ®nements avec un Maitre, comme je prends beaucoup de photos, que certains se rappellent subitement de mon prĂ©nom et de mon existence afin de me demander si je les avais pris en photo. J’ai alors toujours donnĂ© la mĂŞme rĂ©ponse :

Non.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Mais je suis sûrement beaucoup trop photosensible. Et j’exagère sans doute. Je me la pète aussi très certainement beaucoup.

 

Il y a eu néanmoins des éclaircies, je le répète. Des périodes où j’ai connu des moments agréables avec d’autres. Il y a aussi eu ces moments ou ces rencontres et discussions imprévues devant la laverie automatique.

Et, je le prĂ©cise : j’ai vu d’autres participants ĂŞtre par moments isolĂ©s, sans doute par choix, mais aussi, Ă  mon avis, parce qu’ils avaient commis l’erreur ou la faute de venir seuls au Masters Tour ou de ne pas faire partie d’un groupe, duo ou trio.

Kyoto, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Une certaine logique aurait aussi voulu que je rejoigne et que je me « colle » à d’autres adeptes du karaté shotokan parce-que je pratique un peu le karaté shotokan. Sauf que mon identité et ma valeur, c’est d’abord mon prénom, mon nom de famille ainsi que mon histoire personnelle. Et non le fait de porter une ceinture de telle ou telle couleur dans une discipline donnée qu’elle soit martiale ou autre :

Je suis une personne avant d’être un pratiquant que ce soit de karaté ou d’une autre pratique. Et, même si la pratique martiale- ou une autre pratique- révèle toute ou partie de la personne que l’on est, on dira que je mets ma personne- donc sans doute mon ego- avant le pratiquant que je suis ou peux être.

Et, pour moi, ça commence souvent par « Bonjour Â» voire, plus difficile, de connaĂ®tre mon prĂ©nom. ça donne peut-ĂŞtre une idĂ©e de la très haute opinion que j’ai de moi-mĂŞme et aussi de mon ego surdimensionnĂ©.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Mais, visiblement, d’autres participantes et participants ont eu le rĂ©flexe inverse.  Et, j’aurais eu plus « d’attraits Â» y compris d’un point de vue sociĂ©tal si j’avais eu tel niveau et tel parcours plus ou moins accompli et reconnu dans telle pratique martiale.  

Je crois que c’est une erreur de la part de ces pratiquantes et pratiquants d’avoir eu ce comportement quel que soit leur niveau avancé dans leur pratique martiale qu’il s’agisse d’Aïkido ou de karaté.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Je rĂ©pète aussi que j’ai dĂ©jĂ  assistĂ© peu ou prou Ă  ce type de comportement dans d’autres domaines :

Lorsqu’il m’est arrivĂ© de faire du journalisme cinĂ©ma en tant que bĂ©nĂ©vole, j’ai pu croiser des journalistes cinĂ©ma professionnels, certes rĂ©putĂ©s et rĂ©munĂ©rĂ©s, mais que j’ai perçus comme des handicapĂ©s de la relation sociale.  Je me rappelle de mon enthousiasme Ă  m’adresser pour la première fois, lors d’une projection de presse, Ă  un journaliste cinĂ©ma de TĂ©lĂ©rama dont j’avais lu des critiques. Le ton sur lequel celui-ci m’avait rĂ©pondu ne disait rien de ses jours de fĂŞte. J’avais rencontrĂ© des personnes beaucoup plus joyeuses Ă  un enterrement.

J’ai aussi pu trouver excessif et ridicule de voir certaines attachĂ©es de presse mettre sur un piĂ©destal certains journalistes employĂ©s par des mĂ©dia renommĂ©s tel TĂ©lĂ©rama. Qu’est-ce qui m’avait fondamentalement sĂ©parĂ© de ces journalistes cinĂ©ma mis sur un piĂ©destal ?

Le fait que j’écrivais pour un média moins diffusé en tant que bénévole. Il aurait suffi où il suffirait que demain, j’écrive ou travaille pour un média reconnu et important et, là, on me donnerait du « Monsieur » même si mes articles sont écrits par une banane en décomposition.

Dans « mon » club de karaté, il a pu arriver qu’un pratiquant nécessairement bien plus ancien que moi et plus gradé se contente de m’appeler « Ceinture jaune ! ». J’ai alors expliqué calmement que mon prénom était très différent. Et, intérieurement, il m’est arrivé de m’amuser en considérant que ces anciens (qui peuvent être nettement plus jeunes que moi) ont connu principalement un seul club de karaté ou deux, situé à quelques minutes de leur domicile alors qu’il me faut une heure de transport, et que je n’ai jamais vu aucun d’eux aux 24 heures du Samouraï.

Dans un service de psychiatrie adulte oĂą il m’arrivait de faire des remplacements, une infirmière du service dont je connaissais le prĂ©nom m’avait interpellĂ© un jour, comme je revenais, de la manière suivante :

« PĂ©dopsy ? Â». Elle avait eu une soudaine rĂ©miniscence. Je lui avais confirmĂ© puis rĂ©pondu :

« Mais, tu sais, mon prĂ©nom, ce n’est pas pĂ©dopsy… Â».

Ces exemples pour montrer que ce qui s’est passé avec certaines participantes et certains participants du Masters Tour est assez courant ailleurs. Ces personnes ne sont pas forcément des mauvaises personnes y compris celles qui se sont estimées supérieures en raison de leur niveau de pratique martiale nettement plus avancé que le mien. Parmi elles, des rencontres humaines et des interactions sociales viables, prospères et profondes sont possibles. Mais cela passe par différentes étapes proches de l’orpaillage. Il faut prendre le temps de se trouver et de se connaître. Et, à la fin de ce Masters Tour, j’ai aussi remarqué que certains, plus distants ou indifférents en apparence à première vue m’avaient identifié et commençaient à s’autoriser à me parler un peu.

Himeji, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

J’avais simplement idéalisé- et cru- de manière enfantine qu’au travers des Arts Martiaux, il était plus simple de rencontrer d’autres êtres humains.

Si les Arts Martiaux peuvent être des média, ils peuvent aussi servir de masques ou d’armures. C’est peut-être d’ailleurs l’un des messages du dernier film de Bruce Lee, de son vivant, Opération Dragon.

Lors du Masters Tour, Ă  notre arrivĂ©e Ă  la gare de Kurashiki, nous avons eu la surprise de devoir porter nos bagages dans les escaliers pour nous rendre jusqu’à l’hĂ´tel situĂ© Ă  Ă  peine dix minutes Ă  pied.  Je n’en veux pas Ă  LĂ©o et Ă  Issei malgrĂ© la cadence imprimĂ©e au groupe afin d’arriver Ă  une certaine heure Ă  l’hĂ´tel. Par contre, embarrassĂ© par mes bagages, je ne pouvais pas aller aussi vite que le reste du groupe. Quelques minutes plus tĂ´t, en descendant les marches d’escaliers, quelques participants avaient failli ĂŞtre les tĂ©moins d’une superbe cascade que j’avais failli rĂ©aliser malgrĂ© moi avec ma valise. Je dois Ă  des rĂ©flexes et au fait d’avoir portĂ© mes Doc Martens d’avoir pu rĂ©tablir la situation. Autrement, je me serais quelque peu fait mal en tombant avec ma valise de vingt kilos. Ce petit incident m’a stupidement incitĂ© Ă  la prudence par la suite.

Or, l’état d’esprit « Sauve qui peut ! Â» et « Chacun pour soi ! Â» l’a emportĂ© chez beaucoup. Et, arrivĂ©s Ă  la gare de Kurashiki, seul comptait le fait de suivre le rythme pour arriver Ă  l’hĂ´tel.

Un seul participant du groupe a eu la présence d’esprit de se retourner et de voir que j’étais à la traîne. Et de m’attendre. Chargé comme je l’étais, je ne pouvais pas faire plus et plus rapidement que je ne le faisais.

Sans ce participant, j’aurais trouvé l’hôtel puisqu’il n’était pas loin de la gare et que nous avions reçu les informations le concernant sur la messagerie whatsApp.

Par ailleurs, au Japon, on se sent en sécurité et, à aucun moment, je ne me serais senti sur un champ de bataille ou en pleine guerre de gangs.

Mais j’ai Ă©tĂ© très Ă©tonnĂ© par cette absence d’attention du groupe pour quelqu’un d’autre. Et cette façon de foncer tĂŞte la première vers la destination qui Ă©tait l’hĂ´tel dans cette ville que nous dĂ©couvrions tous, pour la plupart. Et, je suis persuadĂ© que j’aurais eu cette attention pour quelqu’un d’autre Ă  l’image de celle qu’a pu avoir ce participant et pratiquant expĂ©rimentĂ© pour moi.

Une attention qui, même si elle lui a semblé tout à fait normale, et qu’il a sans doute aujourd’hui oubliée, est pour moi devenue quasiment indélébile dans ma mémoire.

J’exprime ici quelles ont pu être mes désillusions, et mes incompréhensions, par moments, lors de ce Masters Tour.

Mais il Ă©tait sĂ»rement impossible pour quiconque d’échapper Ă  une quelconque dĂ©sillusion ou incomprĂ©hension, Ă  un moment ou Ă  un autre, lors de ce Masters Tour. Un Masters Tour dont la plus grande partie du tracĂ© Ă©tait dirigĂ©e.  Et oĂą il a Ă©tĂ© nĂ©cessaire, rĂ©gulièrement, de toutes façons, de s’adapter Ă  diverses Ă©chĂ©ances et circonstances. Au point, qu’il m’est arrivĂ© de me dire qu’en participant Ă  ce Masters Tour, on faisait partie intĂ©grante- jusqu’à un certain point- du système Tamaki.

Mais il y a le « système Â» Tamaki et la façon dont on reste soi-mĂŞme. Etre perçu Ă  ce point par moments comme un corps Ă©tranger, par certaines et certains, m’a dĂ©rangĂ©.

 

Corps étranger

J’estime avoir autant voire plus appris durant ce sĂ©jour de mes interactions avec les autres participants et de mes quelques dĂ©ambulations et observations au Japon que de mes pratiques sur les tatamis ou lors des sĂ©ances d’entraĂ®nement :

Quand, lors de la deuxième semaine de ce Masters Tour, j’ai « oubliĂ© Â» mes armes dans le bus Ă  Kyoto, j’étais certes fatiguĂ© et distrait, mais j’avais aussi manquĂ© de prĂ©sence et ne faisais pas suffisamment corps avec elles :

Même fatigué et distrait, je n’aurais pas oublié ma fille dans un bus que ce soit à Kyoto ou ailleurs. J’ai oublié ces armes dans le bus (finalement retrouvées grâce au concours de Megumi et Maki, deux de nos guides japonaises) car elles étaient alors pour moi des corps étrangers.

Après avoir oublié ces armes, et en avoir été privé durant deux jours, j’ai perçu leur importance et leur singularité lorsque j’ai compris qu’il était difficile d’en retrouver des semblables vu qu’elles avaient été constituées dans ce bois rare et léger dont Léo nous avait parlé avant notre départ.

Deux leçons fondamentales

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Les deux leçons martiales fondamentales (ou autres) que je retiens, pour l’instant, sont  d’abord ces deux commentaires que m’ont faits tour Ă  tour LĂ©o puis Issei en pleine sĂ©ance :

 

« Tu es trop bienveillant Â». « Tu rĂ©flĂ©chis ? Â» (synonyme de « Tu rĂ©flĂ©chis trop Â»).

Je trouve que cela me concerne beaucoup tant dans la vie que sur un tatami.

Pas tout le temps.

Mais suffisamment pour m’empêcher d’évoluer certaines fois. Depuis plusieurs années, j’ai plus (tenu) à développer mon côté bienveillant qu’à développer mon côté tranchant. Mon côté tranchant me fait peur. Alors, je le retiens comme je le peux par un excès de bienveillance.

Il arrive que de temps Ă  autre, on me dise :

 Â« C’est parce-que tu es infirmier en pĂ©dopsychiatrie et en psychiatrie..tu as la vocation etc…. Â».

De la même manière que j’ai démenti être une personne passionnée, je vais ici démentir le fait d’avoir une quelconque vocation pour le métier d’infirmier comme le fait d’être « bienveillant » par effet de ruissèlement parce-que je suis infirmier en pédopsychiatrie et en psychiatrie.

Certains tortionnaires ont pu ĂŞtre et sont des mĂ©decins ou des soignants. Je pourrais très bien faire partie de ces tortionnaires. 

Pour simplifier, « L’ère » nazie a donnĂ© de « bons » exemples de mĂ©decins tortionnaires. Et, malheureusement, je n’ai aucune difficultĂ© Ă  concevoir que lors du gĂ©nocide des Tutsi au Rwanda, en 1994, des soignants hutus aient participĂ© au massacre. Dès lors qu’une forme de folie meurtrière devient « normale », « fĂ©conde » et « collective », toutes les catĂ©gories sociales et professionnelles peuvent se rĂ©vĂ©ler zĂ©lĂ©es et entreprenantes pour participer au « grand projet » qu’est un gĂ©nocide. C’est un vĂ©ritable film d’horreur mais pour de vrai.

Il ne suffit pas de porter une blouse blanche pour devenir bienveillant. On a une certaine bienveillance et attention en soi, de manière spontanĂ©e et stimulĂ©e, qui, ensuite, selon le domaine professionnel et Ă©conomique oĂą l’on exerce, et selon la conscience que l’on a de soi et des autres,  va et peut se dĂ©velopper ou non en fonction des conditions de travail qui sont les nĂ´tres que l’on accepte ou que l’on refuse.

J’aurais pu être tout autant quelqu’un de bienveillant et exercer en tant que journaliste ou avocat.

Une journaliste comme Laurence Lacour ( autrice de Le bĂ»cher des innocents)  un journaliste comme Ted Conover ( auteur de LĂ  oĂą la terre ne vaut rien)  ou Joseph Kessel lorsqu’il a Ă©critAvec les Alcooliques anonymes  ont Ă  mon avis une bienveillance supĂ©rieure Ă  bien des personnes.

La bienveillance part d’eux. Ensuite, ils sont parvenus à la monnayer ou à en faire un métier mais aussi un moteur de leur carrière.

Moi, j’en suis au stade oĂą je pense que ma bienveillance voire ma « sur Â» bienveillance est un moyen, aussi, pour moi, de distraire ma violence. Ou de l’utiliser Ă  des fins que j’estime plus utiles et rĂ©paratrices. C’est une façon de la maintenir Ă  distance. Par devoir et aussi par choix. Parce-que savoir ordonner sa propre violence au point de savoir l’utiliser afin d’en faire une Ĺ“uvre d’art ou une Ĺ“uvre socialement responsable et collective, c’est donnĂ© Ă  peu de personnes :

Le plus souvent, lorsque l’on est coutumier de l’usage de la violence, soit on détruit son entourage, ses relations et son environnement et/ou soit on se détruit soi-même.

Picasso et Miles Davis étaient des personnes violentes et destructrices. Mais malgré tout, ils ont pu créer et c’est ce que beaucoup préfèrent retenir et admirer. A mon sens, Amy Winehouse s’est autodétruite quasiment en direct live et c’est la raison pour laquelle j’ai beaucoup de mal à comprendre comment des gens ont pu avoir du plaisir à assister à certains de ses concerts. Et, j’ai du mal à aimer sa musique pour les mêmes raisons. Une musique que je trouve en plus excessivement rétro comme corsetée dans une époque qui ne pouvait pas la retenir.

Par extension, je ne crois donc pas que les soignants en blouse blanche soient des êtres totalement pacifiés et expurgés de tout conflit intérieur et intrapsychique. Leur blouse blanche leur sert de digue ou de barrage, comme le kimono ou le hakama pour d’autres, et la profession que servent ces blouses blanches a des codes, des interdits, dont on peut retrouver des équivalents dans la Loi ou dans une religion qui donnent un cadre, des repères et des guides.

Le but de ce cadre, de ces repères et de ces guides, c’est d’éviter que la sauvagerie ne prenne le dessus sur l’HumanitĂ© et de permettre Ă  cette dernière de subsister, de s’exprimer et de se consolider le plus possible. 

Mais tout excès, même lorsqu’il s’agit de bienveillance, est à atténuer.

C’est peut-être pour cela que, instinctivement, de plus en plus, je me rapproche des Arts Martiaux bien-sûr mais aussi….des armes blanches.

 

Acheter un iaitĹŤ :

Devant la boutique de Sakuraya, Tokyo, après mon achat d’un iaitĹŤ. Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Je n’étais pas du tout venu au Japon avec l’intention d’acheter un iaitō.

Lorsque LĂ©o en parlait dans ses mails plusieurs mois avant ce Masters Tour 2024, je ne me sentais pas du tout concernĂ©. Je voyais cela comme une espèce d’excentricitĂ© coĂ»teuse et dĂ©corative.  Ou comme une recherche du spectaculaire. Je pensais aussi au katana posĂ© sur un mur pour faire joli ou pour intimer :

«Mon secret, c’est que  je suis un samouraĂŻ, une personne très redoutable, car j’ai un katana commandĂ© sur internet accrochĂ© au mur dans mon salon Â».

J’ai quelques fois la naĂŻvetĂ© de croire que les personnes les plus redoutables sont aussi celles qui savent se rendre parfaitement indĂ©tectables et se fondre dans la masse. On l’a très bien « vu Â»  (malheureusement) avec les terroristes islamistes ces dernières annĂ©es.

 

Et puis, un des participants du Masters Tour a choisi un iaitĹŤ devant moi dans la boutique Sakuraya.

 

Curieux, je l’ai regardé faire. Il a été conseillé par Issei.

Ensuite, puisque j’étais là, autant en profiter pour toucher. J’en ai sorti un ou deux de leur fourreau avec autant de précaution que mes mains mal habitées le pouvaient.

J’ai ressenti quelque chose. J’ai ressenti de la vie. Ce n’était pas un objet ni un geste inerte. C’était une action qui, le fait de sortir et de manier cette arme, de manière répétée, apprise, maitrisée, pouvait faire grandir en moi un certain apaisement.

Je peux vraiment dire que c’est ce que j’ai ressenti plus que ce que j’ai vu ou l’envie de possĂ©der une « arme Â» qui m’a incitĂ© Ă  faire cette acquisition mais aussi Ă  m’embarrasser ensuite Ă  la porter d’hĂ´tel en hĂ´tel, de shinkansen en shinkansen jusqu’à l’aĂ©roport.

Alors que voyager lĂ©ger et le moins encombrĂ© possible facilitait beaucoup nos dĂ©placements avec nos bagages. 

Lorsque je suis reparti de la boutique Sakuraya, tout, dans l’attitude solennelle du vendeur expĂ©rimentĂ© m’indiquait que j’avais achetĂ© un objet important. Ou qu’il me confiait un objet important. 

Avec le vendeur de la boutique Sakuraya, après l’acquisition de « mon » iaitĹŤ. Juillet 2024.

A mon retour en France, j’ai commencĂ© Ă  chercher des cours de iaido. Et, quotidiennement, je sors mon iaitĹŤ. Miles Davis disait qu’un musicien a besoin de toucher son instrument tous les jours. Je me dis que ce iaitĹŤ n’est pas un objet de dĂ©coration et doit (me) devenir un corps familier. Je fais sĂ»rement des erreurs grossières et ridicules lorsque je l’emploie en attendant de prendre des cours. Mais je le prĂ©serve de la poussière.

Quelques jours après avoir achetĂ© « ce » iaitĹŤ, j’aurais aimĂ© m’ĂŞtre aussi fiĂ© Ă  ce que je ressentais en touchant un Jeans Ă  Kurashiki.  J’ y ai dĂ©laissĂ© un Jeans auquel je continue de penser depuis.  

Car j’ai voulu me raisonner.  Je porte très occasionnellement des  Jeans. Et je n’avais aucune intention d’acheter une paire de Jeans en venant au Japon. Or, j’en avais dĂ©jĂ  achetĂ© deux. 

 J’ai un moment envisagĂ© de faire le trajet Tokyo-Kurashiki pour aller le chercher. Ce qui aurait ramenĂ© ce Jeans quasiment au prix d’un diamant !

J’ai quand mĂŞme vĂ©cu beaucoup de bons moments lĂ -bas.  Alors, pourquoi, Ă  certains moments ai-je disparu du groupe ?

 

Mon deuxième voisin de chambre, G, Ă  Kurashiki, en train de m’attendre. Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

La vie en groupe, première semaine :

J’ai écrit qu’un certain nombre de participantes et participants sont restés entre eux. J’ai néanmoins bénéficié aussi des avantages du groupe ou des petits groupes en diverses circonstances.

Durant la première semaine, je me suis abreuvĂ© principalement aux groupes. Je suivais le groupe dans lequel je me trouvais. Que ce soit pour prendre le shinkansen, le train, le bus, les visites. Prendre un verre. 

 

C’était très agréable. Je faisais le touriste. Cela me permettait de socialiser. Cela était très confortable et je n’avais pas beaucoup à réfléchir sur ce qui m’environnait. Tout ce que j’avais à faire, c’était être à l’heure et faire avec les autres ou comme tous les autres.

 

Au préalable, j’avais toutefois effectué le minimum. J’avais pensé à retirer des yens en espèces dès le début de mon séjour par 50 000 yens (environ 260 euros au cours actuel de 1 euro = 171 yens, un taux très avantageux pour l’euro). J’avais acheté un téléphone portable reconditionné qui acceptait la carte e-sim et j’étais relié en permanence (et très facilement) aux divers groupes whatsApp du Masters Tour 2024.

 

Nos journées étaient quotidiennement rythmées par l’engrais des informations qui venaient régulièrement fertiliser nos messageries whatsApp.

 

 

La vie en groupe, deuxième semaine : Ne Pas déranger

 

En dĂ©but de deuxième semaine, j’avais digĂ©rĂ© le dĂ©calage horaire et avais commencĂ© Ă  comprendre dans quel pays je me trouvais. Dont certaines de ses règles liĂ©es Ă  la ponctualitĂ© qui consiste Ă  ĂŞtre en avance de dix Ă  quinze bonnes minutes. Ainsi que le principe « Ne pas dĂ©ranger Â» rappelĂ© rĂ©gulièrement par LĂ©o et Issei.

Mais, surtout, j’ai alors fait une grande dĂ©couverte :

J’étais devenu un bovidé.

Je me contentais de suivre et de boire Ă  grands traits quand on me le disait et lĂ  oĂą l’on me disait quand le faire. Moi, qui, en 1999, sans internet et la tĂ©lĂ©phonie mobile actuelle, avais pu circuler seul, une semaine durant au Japon, prendre le shinkansen, aller Ă  Kyoto, Hiroshima. Dans le Japon de 1999 qui Ă©tait bien moins touristique que celui  « retrouvĂ© Â» cette annĂ©e oĂą on a pu facilement entendre parler Français, Anglais ou AmĂ©ricain. Mais oĂą j’ai aussi pu croiser un Ukrainien qui y vit depuis une dizaine d’annĂ©es ainsi que des NigĂ©rians.

C’est probablement au dĂ©but de cette deuxième semaine que j’ai vraiment vu que certaines et certains prĂ©fĂ©raient rester entre eux pratiquant d’une certaine façon le « chacun pour soi Â».

 A cela s’est additionnĂ© un certain Ă©tat d’esprit « sauve qui peut Â». L’esprit « sauve qui peut Â», c’est cette tension ou cette anxiĂ©tĂ©, voire cette quasi-Ă©pouvante perçue dans le regard de certains au moment de prendre le shinkansen ou lorsqu’il s’agissait de se dĂ©placer avec nos bagages dans les correspondances des gares. La peur ou l’inquiĂ©tude de se perdre. De rester Ă  quai. Ou dans le shinkansen.

Sans le groupe.

Ces observations m’ont amenĂ© Ă  rĂ©flĂ©chir Ă  celui que j’Ă©tais et que j’avais oubliĂ© : j’aime ĂŞtre en relation avec les gens mais pas Ă  n’importe quelle condition. Et je n’aime pas me sentir enfermĂ© dans  un groupe. 

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

La vie en groupe, troisième semaine : «  On dirait qu’il fait tout le temps, la gueule ! Â».

 Lors de la première semaine du Masters Tour environ, j’avais Ă©tĂ© surpris d’apprendre par un participant que certaines personnes avaient l’impression que je faisais « tout le temps, la gueule ! Â».

J’avais rĂ©pondu Ă  ce participant qu’en une semaine de Masters Tour, j’avais appris ça :

« Si les gens Ă©taient (plus) sereins, ils ne pratiqueraient pas des Arts Martiaux Â».

Une remarque que j’avais étendue aussi aux pratiquantes et pratiquants d’apnée.

J’avais ensuite ajouté que ces personnes qui s’étaient formalisées à mon sujet étaient très peu venues me parler.

Mais, rétrospectivement, ces personnes avaient peut-être un peu raison en ce sens que je ne me suis pas forcé à sourire. Et qu’il est d’autres moments où j’ai pu rester très sérieux ou concentré.

D’un autre côté, je comprends que des participants et des participantes soient venus en couple, en famille, entre potes ou partenaires du même club ou aient opté pour se réunir en personnes de la même discipline. Ce voyage sera pour eux mémorable et leur a sans aucun doute- je le crois et je l’espère- réservé des moments très privilégiés.

Pour ma part, même si, dans l’idéal, j’aurais aimé faire autrement, je continue de croire que j’ai pris la meilleure décision en venant seul au Japon pour ce Masters Tour 2024. Au vu du rythme et du nombre de nos visites, de nos marches, de nos changements d’hôtel, de la chaleur humide (plus de trente degrés tous les jours en moyenne), de la variabilité de nos horaires selon les circonstances, de la nécessité de s’adapter, de suivre les messages sur les boucles WhatsApp, des entraînements, je trouve qu’il est difficile de pouvoir s’y ajuster au mieux tout en conservant, par ailleurs, une vie de famille ou de couple harmonieuse, douillette et paisible.

On pourra me dire qu’une vie de couple et de famille est rarement harmonieuse, douillette et paisible et que le Masters Tour peut aussi permettre d’apprendre à se concentrer sur l’essentiel.

Je répondrais qu’il m’a manqué le courage, l’optimisme, la force, la folie mais aussi la générosité pour venir avec ma compagne et ma fille à ce Masters Tour 2024.

Je me souviens aussi m’être senti devenir assez irritable ou susceptible en dĂ©but de troisième semaine. Et de moins bien supporter d’éventuelles contraintes relatives au groupe. Qu’il s’agisse de faire en groupe ou de « tĂ©ter Â» l’anxiĂ©tĂ© ou la fĂ©brilitĂ© de quelqu’un dans le groupe.

Donc, tout ce qui, en troisième semaine, m’a semblĂ© facultatif concernant le groupe est assez facilement passĂ© davantage au second plan. J’en aussi eu assez d’ĂŞtre celui qui va vers les autres participantes et participants du Masters Tour.

Je suis sĂ»rement devenu nettement plus solo, plus Ă©gocentrique, donc peut-ĂŞtre encore plus bizarre et plus incomprĂ©hensible pour quelques unes ou quelques uns lors de cette troisième et dernière semaine. 

Parallèlement à cela, je me suis davantage ouvert au pays, à mon rythme ainsi qu’à mes inspirations pour continuer à le découvrir.

J’ai un temps voulu aller à Yokohama. Mais durant les deux derniers jours de notre périple, je me suis avisé que j’avais à peine vu Shinjuku. Et en me rendant à Harajuku (où j’étais aussi passé en principe en 1999), je me suis aperçu que j’avais tout à découvrir.

Du Japon que j’avais aperçu en 1999, exceptĂ© Hiroshima et l’Ă®le de Miyajima, je n’ai rien reconnu. 

Cette première partie s’arrête là. La seconde partie parlera des Maitres que nous avons rencontrés. Des impressions qu’il me reste ou que je me suis fait d’eux.

Il me semble que cette première partie est la plus difficile Ă  lire et Ă  avaler. Mais je crois que sans cette première partie, mon « rĂ©cit Â» aurait Ă©tĂ© incomplet et artificiel.

Franck Unimon, dimanche 11 aout 2024.

 

 

 

 

 

 

 

 

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self-défense/ Arts Martiaux Voyage

L’AnnĂ©e du Japon

Rue de Rivoli, Paris, 9 Juin 2024. Photo©Franck.Unimon

L’année du Japon

Parler du Japon aujourd’hui depuis la rĂ©gion parisienne peut apparaĂ®tre irresponsable et dĂ©placĂ©. Pourtant, nous sommes au mois de juin et cela fait plusieurs jours que je vois et revois que le Japon, lorsque l’Ă©tĂ© s’approche, redevient subitement une destination touristique attrayante. Ça et lĂ , le Japon apparait dans les vitrines.

 Je sais aussi qu’il existe un petit plus qu’un effet de mode avec le Japon et que depuis au moins une dizaine d’annĂ©es, la culture nipponne, voire sud corĂ©enne,  a ses spĂ©cialistes et ses amateurs au moins parmi les adolescents et les jeunes adultes.

Sur les Champs Elysées, Paris, 16 juin 2024, le matin. Photo©Franck.Unimon

 

Cependant, en France, il pleut et il fait gris. Certaines personnes diraient même que, désormais, en France, il fait presque brun.

Car l’AssemblĂ©e nationale, en France, a Ă©tĂ© dissoute par le PrĂ©sident Emmanuel Macron il y a quelques jours après la victoire du RN aux Ă©lections europĂ©ennes. Un PrĂ©sident de la RĂ©publique réélu, aussi jeune qu’il est devenu impopulaire.

Paris, 16 juin 2024, le soir. Photo©Franck.Unimon

Cinquante pour cent d’électeurs se seraient abstenus d’aller voter lors de ces Ă©lections europĂ©ennes. Des Ă©lections lĂ©gislatives vont avoir lieu de manière anticipĂ©e le 30 juin et le 7 juillet. On ignore encore si, pour la première fois, en France, le Rassemblement National (RN), parti d’extrĂŞme droite hĂ©ritier du Front National (FN) co-créé il y a un demi-siècle par le pionnier de la dynastie Le Pen va parvenir au Pouvoir Politique par la Grande Porte en obtenant le poste de Premier Ministre. Ou si, une fois de plus, le RN va se heurter Ă  la muraille de Chine faite de ce refus des Français revenus une nouvelle fois voter par dĂ©faut pour  un parti politique de Droite ou de Gauche perçu comme rĂ©publicain, antiraciste et dĂ©mocratique. 

A quelques jours du début des Jeux Olympiques organisés en France, on pourrait se croire dans un épisode de Games of Throne avec les adeptes du RN dans le rôle des revenants d’autant plus inquiétants qu’ils ressemblent à ces mutants imperturbables vus dans bien des films et dont la volonté de fer se concentre dans l’action de se multiplier mais aussi de se diversifier. Tandis que les plus irréductibles des membres du RN, eux, verraient leurs opposants et leurs contraires comme autant de redoutables envahisseurs dont la principale source de volonté serait de coloniser et d’anéantir la grandeur de l’identité nationale française.

Je crois m’être fait servir par l’un d’entre eux il y a quelques heures.

Un Yakuza cachĂ©  ?

Dans ma ville, je passe quelques fois dans une boucherie dans laquelle l’atmosphère et la clientèle détonnent. J’y entre en étant assez fasciné mais aussi parce-que je suis un client satisfait.

Dans cette boucherie, on se croirait dans la France des années 70 et 80. On semble y rester confiné entre soi mais on y achète de la très bonne viande plus chère qu’ailleurs dans la ville.

A tort ou Ă  raison, cet endroit m’évoque facilement les très bons films  Dupont Lajoie ou Seul contre tous. Cependant, il faut rester prudent et se mĂ©fier des apparences. MĂŞme si son propriĂ©taire et boucher, tout Ă  l’heure, m’a un peu troublĂ©.

Ou provoqué.

Nous Ă©tions seuls dans la boucherie lorsque je me suis laissĂ© aller Ă  la familiaritĂ© de lui demander oĂą il avait prĂ©vu de partir en vacances cet Ă©tĂ©. Peut-ĂŞtre parce-que ma tĂŞte lui Ă©tait suffisamment familière, il m’a rĂ©pondu spontanĂ©ment :

« En Dordogne Â».

La Dordogne est une jolie région et la France, un très beau pays à visiter. Cela fait des années que la France est un des pays les plus visités dans le monde qu’il s’agisse de l’Hexagone ou de « ses » îles si l’on excepte peut-être la Nouvelle Calédonie depuis plusieurs semaines compte-tenu du climat de guerre civile et de rejet de la politique française qui y a éclos abruptement.

Sur les Champs Elysées, Paris, 5 juin 2024. Photo©Franck.Unimon
Le Jardin des Tuileries, 15 juin 2024. Photo©Franck.Unimon

Sauf que le boucher, Maitre en sa boucherie depuis une bonne vingtaine d’annĂ©es, a eu besoin de rajouter :

«… Pour faire travailler les Français…. Â».

Je me suis contentĂ© de lui rĂ©pondre, le plus lĂ©gèrement possible :

« Si vous pouvez…. Â».

Fort heureusement, sa politesse ou son absence de curiosité m’ont sauvé. Je n’ai pas eu à lui annoncer où j’avais prévu de passer mes vacances, cet été.

En effet, ce 8 juillet, soit le lendemain des résultats du deuxième tour de ces élections législatives provoquées par le Président Macron suite à sa décision de dissoudre l’Assemblée Nationale, je prendrai l’avion pour trois semaines au Japon afin de participer au Masters Tour 2024 créé et co-organisé une nouvelle fois par Léo Tamaki, expert en Aïkido.

Le Japon, c’est assez éloigné de la Dordogne.

Librairie, dans la Rue de Rivoli, 9 juin 2024. Photo©Franck.Unimon

Mais peut-ĂŞtre que le boucher regarde-t’il  tous les soirs des manga Ă  son domicile ? Peut-ĂŞtre aussi parle-t’il Japonais couramment dans ses rĂŞves et se rend-t’il tous les ans Ă  la Japan Expo ? Peut-ĂŞtre aussi, dans ses hobbies, compte-t’il un Savoir faire de Maitre Pottier japonais ? Ou de Maitre Sushi ? Ou de chanteur KaraokĂ© ?

Rien ne (me) permet, à ce jour, de le contester. Peut-être même, tous les soirs, se transforme-t’il aussi en Yakuza à la façon dont Takeshi Kitano a pu nous les décrire dans ses films Sonatine ou Hana-Bi pour parler de quelques uns de ses films ?

Peut-ĂŞtre n’est-il qu’un samouraĂŻ infiltrĂ© dans une ville de banlieue parisienne, plutĂ´t mal rĂ©putĂ©e, qui a choisi d’endosser l’habit, la profession et des propos qui peuvent s’apparenter Ă  ceux de l’ExtrĂŞme Droite pour mieux la combattre Ă  la façon d’une taupe tel Tony Leung Chiu-Wai qui, lui, avait infiltrĂ© une triade chinoise dans le film A Toute Epreuve du rĂ©alisateur Hong-Kongais John Woo, son dernier film Ă  Hong-Kong avant la rĂ©trocession de celui-ci Ă  la Chine et avant son exil pour les Etats-Unis et son film Volte-face avec Nicolas Cage et John Travolta ?

Manifestation pro-palestinienne à Paris, 27 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon

Ces films noirs ou ces polars asiatiques de ces réalisateurs, et d’autres que je ne cite pas tels Kirk Wong, Johnnie To ou les frères Mak etc…, font partie des classiques pour celles et ceux qui les connaissent ou les ont vus, comme moi, au cinéma, à leur sortie ou en décalé.

Ces films font aussi partie du passé. Même si ce passé est présent et futur. Et moi, ce que je suis en train de vous écrire ce mardi 18 juin 2024 appartient aussi au passé. Car si mon départ pour le Japon, cette année, est prévu pour le 8 juillet, soit dans trois semaines, il s’agira aussi de mon « retour » au Japon après mon premier voyage, là-bas, en 1999. Un retour souhaité dès cette année-là.

En 1999, lors de mon premier séjour au Japon, j’étais imprégné de cinéma en version originale sous-titrée et de cinéma asiatique. Au point de beaucoup m’identifier aux Japonais.

Nous ne sommes pas des japonais

« Vous n’êtes pas des Japonais ! » nous avait nĂ©anmoins assĂ©nĂ© Vanessa, – tel un ippon- une de nos camarades- et Française- de notre cours de Judo, au gymnase, rue Michel Lecomte, tant nous singions certaines caractĂ©ristiques japonaises.

Nous, c’était Manu, un de mes amis Français, rencontré sur le tatamis du club, et moi, Français d’origine antillaise.

Elle avait raison.

Depuis notre naissance en région parisienne jusqu’à cette déclaration, Manu et moi n’avions jamais rien eu de bridé. Nous avions acheté nos kimonos de judo en France. Nous pratiquions le Judo en France. Notre professeur de Judo, Pascal Fleury, grand frère de la championne olympique Cathy Fleury, était d’origine italienne.

Lorsque Manu et moi, nous allions- quelques fois- dans des restaurants asiatiques, c’était Ă  Paris ou en banlieue parisienne. Et, lorsque nous voyions ou rencontrions beaucoup d’Asiatiques, c’était surtout projetĂ©s sur un grand Ă©cran de cinĂ©ma, sur l’écran d’un tĂ©lĂ©viseur ou dans les ouvrages d’une librairie.

Rue de Rivoli, 9 juin 2024. Paris. Photo©Franck.Unimon

Pour moi, en devenant adulte, je crois que le Japon avait pris la place que les Etats-Unis, enfant puis adolescent, avaient pu avoir. Celle d’un pays dont l’Histoire et les êtres avaient des destinées fantastiques. Lorsque l’on est né en banlieue parisienne, dans un milieu social moyen, que l’on a d’abord grandi dans une cité, et que nos parents, bien que « Français », sont des Antillais qui ont dû venir vivre en métropole tels des immigrés à l’âge où, en principe, tout est possible puisque l’on est jeune et que ce possible se résume à un logement HLM avec d’autres personnes qui, comme eux, font de leur mieux pour s’en sortir, hé bien, soit on se contente de ce que l’on a. Soit on rêve ou on imagine un ailleurs.

Et puis, petit à petit, soit on essaie d’aller vers cet ailleurs, soit on reste enfermé dans sa cité et dans tout ce que l’on connait par coeur par peur et par précaution.

Pourquoi le Japon plus que le Vietnam, le Cambodge, l’Indonésie, la Corée du Sud, la Thaïlande, la Birmanie, le Laos ou ne serait-ce que la Chine qui sont aussi des pays à connaître comme tant d’autres en Asie, en Afrique, en Océanie, en Europe ou ailleurs ?

 

 

Rue de Rivoli, Paris, 9 Juin 2024. Photo©Franck.Unimon

Très certainement pour cet attrait pour les SamouraĂŻ  qui avaient remplacĂ© les cow-boys des western de mon enfance. J’Ă©tais devenu adulte. C’Ă©tait exotique.  Je ne pouvais pas continuer Ă  garder les mĂŞmes modèles, me promener avec un chapeau de cow-boy, un ceinturon en plastique comportant un Ă©tui occupĂ© par un colt noir Ă©galement en plastique et une Ă©toile de shĂ©rif. 

Il y avait peut-être aussi une forme de refus du statut de victime permanente et suppliciée. La victime potentielle du racisme parce-que Noir dans un pays de Blancs, la France.

Et une espèce de recherche de mon salut intĂ©rieur un peu plus en accord avec moi-mĂŞme dans les Arts Martiaux que dans les comportements des hĂ©ros de western qui buvaient de l’alcool et qui fumaient, aussi, qui jouaient de l’argent. Qui roulaient un peu plus des mĂ©caniques et qui parlaient fort. Il y ‘avait peut-ĂŞtre Ă©galement une envie de ma part de m’affirmer en Ă©tant un homme antillais « diffĂ©rent », moins bruyant, moins théâtral et moins prĂ©visible. Plus original. Plus complexe. Peut-ĂŞtre plus libre.

Le Japon faisait aussi davantage penser Ă  cette vitrine oĂą y Ă©tait exposĂ©e en permanence cette sorte de Maitrise en toute circonstance que je cherchais Ă  obtenir en moi. Pour cette assurance et ce calme constants en apparence. Pour les sons gutturaux, rauques, brefs et dĂ©finitifs de la langue japonaise telle que je l’entendais. Pour cette dĂ©licatesse supposĂ©e de la femme japonaise qui contrastait avec la femme imprĂ©visible, exigeante, pleine d’assurance ou hystĂ©rique de la vie urbaine ou parisienne.

Pour caricaturer, d’un côté, on pouvait avoir la « Française » qui fume, qui boit de l’Alcool, qui peut vous quitter ou qui dit zut. De l’autre côté, on avait une femme polie, pas un mot plus haut que l’autre, que l’on voulait voir comme charnellement sensuelle, jamais contrariante et fidèle à jamais.

Il est beaucoup plus facile de fantasmer sur une personne à laquelle on ne se confronte jamais et dont on méconnait la langue, la culture, les volontés et la pensée et qui reste pour nous une apparition encadrée telle une poupée gonflable et domesticable. Mais aussi, jetable.

J’ignorais alors tout ce que le Japon pouvait avoir de traditionnaliste, de conservateur voire de raciste. Ou de sexiste. Et, je méconnaissais totalement le fait, aussi, que ce mode de vie que je préférais voir comme du raffinement esthétique digne de la très haute couture reposait aussi sur une certaine psychorigidité sociale qui flattait d’abord ma propre psychorigidité.

J’ignorais aussi que certains aspects de la vie traditionnelle à la Japonaise équivalaient, aussi, par ses principes, à certains aspects de la vie traditionnelle que m’ont transmis mes parents et auxquels je suis attaché : Un campagnard, qu’il soit japonais ou d’origine antillaise, aura une façon de regarder la vie assez similaire.

L’importance de la parole donnĂ©e m’apparait par exemple ĂŞtre une valeur qui Ă©mane plus de l’hĂ©ritage de la tradition et du mode de vie campagnard que du mode de vie dit urbain et moderne, pour ne pas dire mondain.

« Le Japon a mis mes valeurs à plat » m’avait dit lors d’une soirée parisienne une Française qui y avait vécu quatre années.

Quatre années, pour moi qui n’étais jamais allé au Japon, c’était au-delà du réel.

Ce devait ĂŞtre deux ou trois ans avant que je n’envisage mon propre sĂ©jour au Japon.  Cette femme qui avait Ă  peu près mon âge avait acceptĂ© le principe de me revoir pour me parler davantage du Japon. Mais ce qu’elle m’avait laissĂ©, ce sont ses quelques remarques sur le Japon, son prĂ©nom et son nom lors de cette soirĂ©e passĂ©e dans un lieu dont je serais incapable de me rappeler avec certitude.

Mais si cette connaissance croisée dans une soirée, n’avait pas tenu parole, l’amie que je connaissais, alors, elle, l’avait tenue en m’accueillant chez elle au Japon deux ans après m’avoir déjà reçu chez elle une première fois en Australie, à Melbourne, en 1997.

 

En 1999 : Le Japon, une éclaircie profonde

En 1999, l’année du film Matrix, pour moi, il y eut un avant et un après le Japon.

A mon retour de mon séjour grâce à Raspoutine, mon amie franco-australienne qui y habitait alors, et son frère Le Croque-mort alors mon ami, qui me fit profiter de son expérience là-bas avant de rentrer en France, je déclarai que ce voyage fut extraordinaire.

Et, je le pense toujours aujourd’hui.

Humainement, ce séjour fut pour moi une frontière entre celui que j’étais auparavant qui en faisais des tonnes dans la provocation mais aussi dans l’humour pour se faire aimer. Mais aussi pour se desservir lui-même.

Ce voyage au Japon et son contexte dans ma vie personnelle et professionnelle m’aidèrent et me poussèrent à aller davantage dans l’introspection. Pour paraphraser un peu le livre Avec les Alcooliques Anonymes de Joseph Kessel, paru en 1960 et que j’ai bientôt terminé, je dirais que ce séjour au Japon en 1999 m’a permis d’être plus honnête et plus sincère avec moi-même.

Je n’étais pas alcoolique et je ne suis pas alcoolique. Si je l’avais Ă©tĂ©, j’aurais pu ĂŞtre Ă©tĂ© poussĂ© Ă   croire que l’alcool, sous toutes ses formes et latitudes, aurait pu me guider.

Cependant, avant mon séjour au Japon, j’étais probablement ivre et imbibé de mes propres peurs. J’avais très peur de celui que j’étais, de celui que je pouvais devenir et j’avais aussi très peur….d’être aimé.

D’où les provocations et l’humour répétés jusqu’à en être inappropriés. Les décisions très mal inspirées. Le propre de l’alcoolique, c’est, à défaut de pouvoir s’étreindre et se rassurer lui-même, de se détruire et de chercher à s’assommer et à s’éteindre jusqu’au black- out par l’alcool. Pour s’évader de lui-même. Je faisais pareil mais avec l’humour, mes provocations, mes excès, mes gesticulations, des mauvaises décisions, une certaine négligence de moi-même…

Lorsque l’on a peur de soi-même, que l’on a peur d’être aimé ou que l’on estime être indigne d’être aimé, on sait devenir tranchant, blessant ou désarmant pour celles et ceux qui nous entourent ou qui prennent le risque ou ont l’audace de nous approcher. On devient ivre au point de s’aveugler, de manquer de lucidité, et d’être incapable de faire la distinction qui convient entre celles et ceux que l’on peut laisser s’approcher et les autres qu’il faut savoir repousser ou, plus simplement, éviter. Puis, notre orgueil parachève de manière incontestable notre entreprise (ou notre chef-d’œuvre) de démolition et d’autodestruction :

S’il y a un problème, c’est Ă  cause des autres. Ou, on ne savait pas que l’autre ne nous voulait-finalement- aucun mal…..

Le contexte dans lequel j’étais parti au Japon en 1999 cumulé au fait de m’être rendu dans un pays comme le Japon m’avaient aidé à commencer à me sevrer de certaines de mes mauvaises habitudes relationnelles et émotionnelles. Mais, comme on le sait, se sevrer prend du temps. Ce qui n’empêche pas de vivre des éclaircies profondes. Et, le Japon en fut une pour moi.

Si bien qu’à mon retour, je m’étais dit que je reviendrais un jour au Japon. Il aura fallu attendre…25 ans.

Il y a 25 ans, du Japon, j’avais ramenĂ© des photos papier, un bermuda qui ne me va plus car j’ai pris du poids et du ventre depuis, une camĂ©ra analogique et de la cĂ©ramique.

Electronique et Céramique

l’Electronique et la cĂ©ramique me semblent assez bien reprĂ©senter les deux versants du Japon. Le moderne et le traditionnel. Le quasi-virtuel et le spirituel. L’industriel et l’artisanal. Le logique et l’organique. L’efficace et le sensuel. Mais l’un comme l’autre concourt pour la perfection. 

Des deux, Ă©lectronique et cĂ©ramique, c’est la cĂ©ramique que j’utilise encore. Toutes mes tasses de thĂ© ramenĂ©es du Japon en 1999 sont demeurĂ©es intactes. Et, au travers de leur utilitĂ© et de leur durabilitĂ©, je vois une sorte de confirmation dans le fait que, utilisĂ©e pour l’usage qui lui correspond, la tradition conserve sa supĂ©rioritĂ© en acquĂ©rant plus de profondeur que la nouveautĂ© qui, elle, plus superficielle, est condamnĂ©e Ă  se reproduire pour pouvoir espĂ©rer prĂ©server ses attraits et convaincre quant Ă  ses promesses et ses effets. 

 

Mais on peut le voir autrement et se dire que mon versant ou mon tempĂ©rament traditionaliste l’a emportĂ© pour le moment sur mon tempĂ©rament moderne ou moderniste. Car après tout, d’après un podcast que j’ai dĂ©jĂ  Ă©coutĂ© deux fois, les blogs appartiendraient au passĂ©. Aujourd’hui, ce qui est moderne, ce qui suscite et maintient l’intĂ©rĂŞt quotidiennement et qui apporte un succès immĂ©diat et continu, c’est de diffuser souvent et rĂ©gulièrement des images et de produire le moins de texte possible. Et, moi, comme un vieux schnock conservateur encore accrochĂ© au monde des relations Ă©pistolaires, et donc complètement dĂ©modĂ©, je fais l’exact contraire. Peut-ĂŞtre s’agit-t’il d’une stratĂ©gie et d’une dĂ©cision que je regretterai dans Ă  peu près une dizaine d’annĂ©es. Lorsque je me dĂ©ciderai Ă  changer de point de vue contraint ou forcĂ©. Ou Ă  changer le thème de mes articles.

Toutefois, il existe un bĂ©mol Ă  cette autocritique : mes articles les plus lus sont relatifs aux Arts Martiaux ainsi qu’un article consacrĂ© Ă  Brigitte Lahaie, une ex star française de films pornos qui n’a jamais portĂ© de kimono. 

Et, il y a aussi un autre bĂ©mol Ă  apporter Ă  cet Ă©loge dithyrambique que j’ai fait concernant la supposĂ©e supĂ©rioritĂ© de la tradition sur la modernitĂ©, un prĂ©jugĂ© de plus dans lequel je me suis très confortablement installĂ© : 

Pendant une vingtaine d’annĂ©es, j’ai roulĂ©  dans une voiture Toyota achetĂ©e deux ans après mon premier voyage au Japon. Et le nouveau modèle d’occasion, plus rĂ©cent, que j’ai achetĂ© Ă©galement Ă  crĂ©dit l’annĂ©e dernière n’est pas en cĂ©ramique. 

Il me reste aussi quelques souvenirs durables du Japon de 1999.

 

Des souvenirs durables de mon voyage au Japon en 1999

 

De Tsukuba, cette ville de banlieue qui évoquait la campagne, située à une heure de Tokyo où habitait mon amie à l’époque. D’une course improvisée à vélo en revenant de la gare de Tsukuba avec une collégienne ou une lycéenne dans sa tenue ( jupe, baskets, débardeur et chemise blanche).

De Pierre, lycéen français au Japon grâce au Rotary Club de sa ville.

De cette secousse sismique alors que je discutais avec mon amie dans son appartement. De ce tournoi de Sumo où nous nous étions rendus.

Je me rappelle de cette prĂ©venance des Japonais et des Japonais faisant ( tout) leur possible pour me renseigner dans la rue dès lors que je m’étais adressĂ© Ă  eux avec les quelques mots d’usage et de politesse consacrĂ©s que je connaissais en Japonais. Des mots agissant Ă  la fois comme des sĂ©sames ou des talismans poussant mon interlocuteur et mon interlocutrice Ă  s’assurer que je prenais bien ensuite la bonne direction comme si son destin ou son karma en dĂ©pendait. Des mots que je n’ai pas oubliĂ©s et qui signifient « Bonjour », « Bonsoir », «  Je voudrais, s’il vous plait », « Merci beaucoup », « ĂŞtes-vous d’accord ? », «  Faites attention Ă   vous »….

Il y avait ces rues envahies par ces foules, plus imposantes qu’ailleurs, au moment de les traverser ou marchant sur les trottoirs. Ce cycliste se frayant patiemment l’usage d’un passage Ă  travers la multitude de piĂ©tons sur le trottoir sans que personne ne lui fasse le moindre reproche.

Kyoto, le Shinkansen. La ponctualité millimétrée des trains. La propreté immaculée des gares.

Ce sentiment de sécurité dans les rues ignoré du banlieusard que j’étais et confirmé par mon amie.

Il y a aussi ce Salary man qui, à Tokyo, vers 22 heures, habillé en pantalon et chemise, son attaché case à la main, s’était subitement mis à dégueuler sur le quai de cette gare où, comme lui, j’attendais le train pour rentrer. Puis, il s’était éloigné de ses vomissements sans rien dire.

Dans quelques rues d’Hiroshima, j’avais été étonné de voir ces jeunes femmes ou ces adolescentes au profil d’écolières de type lolita, véritables clignotants vestimentaires, qui attendaient le client égaré ou habitué. A Hiroshima, toujours, j’avais aperçu ce bâtiment dont le toit avait reçu la bombe atomique. Et, au musée tout proche, j’avais été étonné de constater que les Japonais étaient présentés comme les victimes de la bombe atomique sans souligner la responsabilité de l’armée japonaise plutôt jusque-boutiste. Je n’avais pas encore lu que les opérations Kamikaze des aviateurs japonais avaient, dans les faits, donné peu d’avantages en terme de réussite militaire mais, aussi, que la participation du Japon au conflit de la Seconde Guerre Mondiale était prévisible et devenu inévitable dès lors qu’il lui restait six mois de réserve de pétrole.

En 1999, j’avais aimĂ© me rendre dans les quartiers de Shibuya et de Harajuku rĂ©putĂ©s pour ĂŞtre des coins branchĂ©s de Tokyo. J’avais dĂ©plorĂ© ĂŞtre passĂ© Ă  cĂ´tĂ© de la vie nocturne du Japon. Cela aurait pu arriver si j’avais pu rencontrer Yuji et sa compagne plus tĂ´t dans une des rues de Tokyo. Anglophones tous les deux, ce qui Ă©tait rare, ils m’avaient fait dĂ©couvrir un bar-cinĂ©ma possĂ©dant une petite scène dont mes yeux d’occidentaux n’auraient jamais  pu concevoir l’existence dans ce bâtiment ou cet immeuble tout proche de nous. Ensuite, toujours le mĂŞme jour, le colocataire de Yuji, musicien et originaire de Nara, m’avait invitĂ© Ă  venir m’y rendre un jour. Sauf que je repartais pour la France…le lendemain.

J’étais rentrĂ© du Japon le lendemain comme lorsque l’on sort d’un rĂŞve.

Le Japon et moi, aujourd’hui :

Les quelques personnes à qui j’ai parlé de mon séjour au Japon, cette année, se sont montrées enthousiastes. J’ai été marqué par le sourire XXL de mon amie Pépita, qui, à l’époque, m’avait encouragé à faire un crédit que je n’ai jamais regretté même s’il m’avait fallu ensuite deux années pour le rembourser.

Le Japon reste une destination touristique peu courante comme en atteste encore la réponse que m’a faite le boucher lorsque je l’ai interrogé à propos de ses vacances. Même si l’écoute d’un podcast cette semaine m’a appris que de plus en plus de vacanciers s’y rendaient et que quelques uns d’entre eux se comportaient de façon outrancière.

En 1999, je buvais sûrement encore du thé en sachet ou du thé aromatisé avec beaucoup de sucre. Soit l’exact contraire d’aujourd’hui où je bois du thé vert japonais que j’achète en vrac et que je bois sans sucre. Du Sencha ou du Gyokuro que je peux boire froid. L’un des gérants de la boutique de thé où j’ai des habitudes et où j’ai commencé à acheter du thé en vrac un jour, m’a dit que mon palais avait été éduqué mais, aussi, que notre palais a une mémoire. Du goût et des températures qui nous conviennent lorsque nous buvons du thé.

J’ai l’impression d’être moins en pamoison devant la culture japonaise qu’en 1999. Délibérément et aussi parce-que je suis dans les démarches du quotidien, j’ai, pour l’instant, survolé le programme que nous a adressé Léo concernant notre séjour là-bas.

Mais si je me fie à mon rapport au thé, au salé, et au maintien de mon intérêt pour les Arts martiaux japonais ou autres, il semblerait que je sois bien plus réceptif à la culture japonaise que je ne le crois. De manière pragmatique, je crois que j’attends de me trouver dans l’avion pour Tokyo en bonne condition avec toutes les formalités en règle pour pouvoir commencer à pleinement vivre l’événement. Avant cela, je me dis sûrement que trop d’extrapolation et trop d’imagination tue l’expérience.

Cet article qui est une forme de prĂ©-bilan avant le voyage fait partie pour moi des « formalitĂ©s Â». Autant d’un point de vue instrospectif qu’à visĂ©e d’interaction avec d’autres. Car je crois que d’autres personnes qui seront au Japon ou non en juillet peuvent ressentir ou s’identifier Ă  ce que je raconte Ă  un moment ou Ă  un autre dans cet article.

Il y a quelques mois, je me suis dit que retourner au Japon lors du Masters Tour 2024 Ă©tait vraisemblablement une des meilleures façons pour moi de le faire. LĂ©o Tamaki nous a appris il y a quelques jours que nous serions 143 Ă  participer Ă  ce Masters Tour en juillet et que nous ferions des sessions avec des Maitres d’Arts Martiaux en Ă©tant 23 par groupes. Ce qui est un bon chiffre. 

En apercevant quelques offres commerciales que j’ai pu voir en faveur de voyages au Japon ces derniers jours, tant pour leur tarif que pour leur contenu, je me suis déjà senti soulagé d’avoir opté pour le choix du Masters Tour 2024.

J’espère et je compte ramener du Japon 2024, en mĂŞme temps que des impressions et des rencontres mĂ©morables, quelques images et un article pour ce blog qui essaieront de restituer cela au mieux. Pour les esprits jeunes et les esprits vieux, pour les esprits traditionalistes et les esprits modernes qui pourront y trouver plaisir et rĂ©confort. 

Rue de Rivoli, Paris, 9 juin 2024. Photo©Franck.Unimon

Nota Bene, ce mercedi 19 juin 2024 :

En repensant ce matin Ă  cet article après l’avoir Ă©crit en grande partie hier, je me suis aperçu que j’avais complètement oubliĂ© de parler du risque de l’accident nuclĂ©aire au Japon. Un risque difficile Ă  totalement occulter pourtant après ce qui s’Ă©tait passĂ© Ă  Fukushima en 2011. 

MalgrĂ© la probabilitĂ© du risque nuclĂ©aire, ou de celui d’un sĂ©isme, je reste sur l’impression que ce nouveau sĂ©jour au Japon m’extraira durant quelques temps des sortilèges d’un certain cirque quotidien. 

Franck Unimon.

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La Pointe des Châteaux, Guadeloupe, ce 25 décembre 2023.

La Pointe des Châteaux, commune de St François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

La Pointe des Châteaux, Guadeloupe, ce 24 décembre 2023.

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Enfant, lorsque nous descendions vers la station du bus 304 en passant devant le théâtre des Amandiers, à Nanterre, il me fallait multiplier les pas pour diviser l’allure de ma mère.

Je trottinais à côté d’elle sans toujours connaître la destination.

Un jour, alors que nous chevauchions le macadam depuis plusieurs minutes et que nous nous rapprochions du but, la station de bus, ma mère, après m’avoir interrogé, malgré mes réponses et plusieurs hésitations, avait décidé de rebrousser chemin.

Elle n’était pas sûre d’avoir bien fermé le gaz dans la cuisine de notre appartement en partant. Nous avions dû remonter jusqu’au sixième étage de l’immeuble.

 

Bien-sûr, elle l’avait fait.

 

Enfants, nos parents sont les archers, mais aussi les cochers ainsi que les sillons de nos horizons. La cible, pour nous, et les moyens de l’atteindre, peuvent être assez flous. Mais nous suivons.

Quelques années et des milliers de kilomètres plus tard, je me retrouve ce 25 décembre 2023 avec ma mère ( Tuer des noix de coco ) à la Pointe des Châteaux, en Guadeloupe.

Ma prĂ©cĂ©dente venue en Guadeloupe remontait Ă  2014 avec ma compagne et notre fille alors Ă  peine âgĂ©e de un an. Pour ce sĂ©jour, il m’importait de venir seul en tant que fils aĂ®nĂ©. Mon père avait eu des ennuis de santĂ© assez prononcĂ©s quelques semaines plus tĂ´t. Ma mère m’avait exprimĂ© son souhait que je puisse venir avant la fin de l’annĂ©e 2023.

Pour l’annĂ©e 2024, j’ai entre-autres le projet de retourner au Japon  après mon premier sĂ©jour lĂ -bas en 1999. Et, cette fois, ce sera en bĂ©nĂ©ficiant du sĂ©jour organisĂ© par LĂ©o Tamaki, expert en AĂŻkido ( Dojo 5 , Les 24 heures du SamouraĂŻ au dojo d’Herblay ce 20 et ce 21 Mai 2023, 2ème Ă©dition ), qui nous a prĂ©parĂ© des rencontres avec des Maitres d’Arts martiaux ainsi que la visite de lieux culturels Ă  forte valeur ajoutĂ©e.

Il m’Ă©tait nĂ©cessaire, mĂŞme si je retournerai bien-sĂ»r en Guadeloupe, d’aller voir mes parents avant ce nouveau voyage au Japon ainsi qu’Ă  toute autre destination oĂą je me rendrai.

Lors de ce court séjour en Guadeloupe chez mes parents que j’avais dû reporter (Le mystère du Covid : Covid et embolie pulmonaire) , je me suis fixé deux endroits où retourner :

La Pointe des Châteaux et la plage de Raisins clairs à St François.

A la Pointe des Châteaux, commune de St François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

 

Pourquoi la Pointe des Châteaux et la plage de Raisins clairs ? C’est arrivĂ© comme ça.

Je dois à J…ancien collègue croisé à l’hôpital de Pontoise dans les années 90, un peu plus jeune que moi de deux ou trois ans et qui a grandi en France comme moi, de m’avoir fait découvrir une petite partie de cette Guadeloupe touristique que j’ai longtemps méconnue.

Au point de me retrouver en France dans des situations honteuses :

Je n’oublierai pas ce moment oĂą une « connaissance Â» toute contente d’apprendre que j’étais originaire de la Guadeloupe avait commencĂ©, enthousiaste, Ă  Ă©grener devant moi la liste de ces endroits magnifiques qui l’avaient Ă©merveillĂ©e durant ses vacances en Guadeloupe.

Je l’avais regardée comme un idiot censé s’exprimer à propos d’un tableau extraordinaire que tout le monde admire et qu’il n’a jamais vu. Ou comme un croque-mort en train d’assister à l’expression exagérée d’un bon moment.

Si, quelques annĂ©es plus tard, J…m’avait quelque peu dĂ©niaisĂ©, j’avais nĂ©anmoins Ă©tĂ© surpris par la suite, en apostrophant mon père, de l’entendre se dĂ©fendre en CrĂ©ole de la façon suivante :

« Mais ce sont des endroits où, même moi, je ne suis jamais allé !».

Mon père qui patrouillait sur les routes de la Guadeloupe durant deux mois, nous trimballant de temps Ă  autre sur la plage, pour rencontrer (beaucoup) de personnes dont un certain nombre  faisait mine de s’intĂ©resser Ă  nous quelques secondes ou de m’apprendre « Je t’ai vu quand tu Ă©tais tout petit… » avant de recommencer Ă  discuter avec mon père comme si je n’avais jamais existĂ©, n’était jamais allĂ© au Saut de la LĂ©zarde !

Cela se trouve Ă  Petit-Bourg, commune oĂą il Ă©tait nĂ©, oĂą il avait grandi, oĂą il revenait passer une grande partie de ses vacances chez ses propres parents et oĂą j’avais passĂ© mes tous premiers jours de vacances en Guadeloupe en 1975.

A Ste-Rose, Guadeloupe, décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

« La Guadeloupe, c’est ton pays ! » m’avait pourtant plusieurs fois répété mon père avant que, enfant, nous n’allions à nouveau prendre l’avion avec la compagnie Air France pour deux mois de vacances estivales lors des congés bonifiés.

Entre 1975 et 1986, avec mes parents, aucun de nos séjours en Guadeloupe ne nous a mené jusqu’à la Pointe des Châteaux. Il est ainsi un certain nombre d’endroits plébiscités par les touristes ou les personnes un peu curieuses en Guadeloupe dont j’ai pu, parfois, entendre le nom, sans jamais y mettre les pieds.

Par contre, La plage de Raisins clairs, Ă  St François, est un de mes premiers souvenirs de plage ou peut-ĂŞtre mon premier souvenir de plage en Guadeloupe en 1975. 

Lorsque l’on vient de l’île de la Basse Terre, comme mes parents, il faut faire un peu de route pour se rendre Ă  St François, commune situĂ©e en Grande Terre. C’est sĂ»rement possible en car mais le plus pratique reste la voiture. Il n’existe pas de ligne de RER,  de mĂ©tro,  de train ou de TGV en Guadeloupe. 

Sur le trajet, en s’approchant de la Pointe des Châteaux, ce 25 dĂ©cembre 2023. Photo©Franck.Unimon

 

 Avec J, sa copine et d’autres …nous Ă©tions partis de la commune de Morne Ă  L’eau. Ce 25 dĂ©cembre 2023, ma mère et moi sommes partis de la commune de Ste Rose. C’est plus long. Une bonne heure de route. C’est peut-ĂŞtre pour cette raison que mon père a prĂ©fĂ©rĂ© rester Ă  la maison. On peut en effet avoir l’impression de partir pour le bout du monde.

Mais, cette fois-ci, pas de course-poursuite Ă  cĂ´tĂ© de maman puisque je conduis la voiture de mon père. D’ailleurs, c’est moi qui ai attendu ma mère dans la voiture tandis qu’elle finissait de se prĂ©parer. Ainsi, elle a sans doute pu prendre le temps de s’assurer que le gaz Ă©tait bien fermĂ©. 

Maman, à la Pointe des Châteaux, commune de St François, Guadeloupe, ce 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Son sac à main sous le bras, alors qu’elle regarde la Croix de la Pointe des Châteaux, je n’ai aucune idée de ce à quoi peut bien penser ma mère. Et, si je sais que l’on peut apercevoir l’île de la Désirade, j’ignore toujours la raison de cette Croix. J’ai même appris la veille dans un guide touristique qui date de plusieurs années- que m’a remis ma mère- que la Pointe des Châteaux serait le site touristique le plus visité de la Guadeloupe avec environ 500 000 personnes par an.

Cette forte affluence cause d’ailleurs des dégâts écologiques. S’il y a assez peu de voitures lorsque nous nous garons et que je trouve assez facilement une place de stationnement, je suis aussi étonné de voir un ou deux guichets touristiques où l’on propose des promenades en kayak ou des randonnées. Je ne me rappelle pas de ça.

Etant donné l’heure de notre arrivée, près de 13 heures, et la chaleur, je propose d’abord de nous restaurer au restaurant La Saveur du soleil que je découvre.

Mais la cuisinière n’est pas encore arrivée ou n’est pas encore revenue. Alors, nous partons pour la Croix, ma mère et moi. Et, chemin faisant, je lui porte son sac et sa bouteille d’eau minérale.

Nous avançons tranquillement. L’endroit m’attire pour sa symbolique et son point de vue.

La Pointe des Châteaux, commune de St François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Lorsque nous arrivons près de la Croix, il y a encore Ă  peine dix personnes. A l’aller comme au retour, nous y avons rencontrĂ© principalement des francophones, plutĂ´t adultes, et majoritairement blancs. Lesquels, dans leur ensemble, ont soit devancĂ© nos salutations soit nous les ont « rendues Â».

Près de la Croix de la Pointe des Châteaux, commune de St François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Quelques minutes plus tard, ma mère et moi avons l’endroit pour nous deux. Si l’on peut sans doute s’y plaire en amoureux ou en famille, ou en tant que photographe ou artiste peintre, je trouve que l’on peut aussi aimer y venir pour se recueillir.

La Pointe des Châteaux, commune de St François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Ce n’est qu’une fois en bas, que ma mère m’apprendra que c’était la première fois qu’elle montait jusqu’à la Croix de la Pointe des Châteaux. Quelques années plus tôt, avec son club de randonnée, elle avait marché vingt kilomètres pour s’arrêter au bord de la plage et apercevoir la Croix qui pointait à l’horizon.

Devant moi, ce 25 décembre 2023, ma mère ne se rappelle pas la raison pour laquelle elle et son groupe de marche s’en étaient tenus à ce trajet. Peut-être que quelqu’un, dans le groupe, s’était-il soudainement rendu compte qu’il avait oublié de fermer le gaz chez lui ?

Point de vue depuis la Pointe des Châteaux, commune de St François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

A notre retour de la Croix, entre-temps, la cuisinière de La Saveur du soleil a pu revenir. Nous commandons notre repas.

Si le service a Ă©tĂ© un petit peu long, j’ai Ă©tĂ© très agrĂ©ablement surpris par l’originalitĂ©, la quantitĂ© et la qualitĂ© de ce que nous avons mangĂ©. J’avais commandĂ© le dernier bokit Ă  la morue disponible. Ma mère en avait pris un au poulet. Le bokit, servi Ă©galement avec une salade accompagnĂ© d’une très bonne vinaigrette, est croustillant et n’est pas en « plâtre » ou gorgĂ© d’huile. Le poulet adressĂ© a Ă©tĂ© grillĂ© sur la braise. 

On nous a aussi servi une purĂ©e d’igname et de giraumon faite sur place. En dessert, nous avons eu une très bonne salade de fruits locale.

Après notre repas, je suis allé féliciter le personnel. J’ai appris que La Saveur du Soleil existait depuis au moins une vingtaine d’années, ouvert au départ par le père d’une des employées. Et que la carte visait à essayer de renouveler la cuisine traditionnelle de la Guadeloupe.

Ensuite, nous sommes partis pour la plage de Raisins Clairs oĂą, muni d’un de mes masques d’apnĂ©e,  j’ai pu faire des bulles dans l’eau pour la première fois depuis mon embolie pulmonaire, courant novembre.

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Franck Unimon, ce dimanche 21 janvier 2024.

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Moon France Voyage

Tuer des noix de coco

La Guadeloupe, fin décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

                         Tuer des noix de coco

Depuis mon retour de Guadeloupe, j’ai l’impression d’avoir une petite vie. Ainsi qu’une petite bite. Cela a commencé dans l’avion, pendant le vol du retour, alors que je voyais la Guadeloupe parcheminée et électrifiée de lumière s’éloigner tout en bas. Je ne crois pas que partir vivre en Guadeloupe me donnerait plus de virilité.

Et, je crois être suffisamment immunisé contre la croyance qui consisterait à idéaliser tout le bleu que l’on peut y trouver.

Vue depuis la Pointe des Châteaux, commune de Saint-François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Mais dans l’habitacle de l’avion suspendu dans l’air, alors que je regardais à travers le hublot, je me trouvais évidemment au chevet de mes pensées et de ma conscience. Dans un de ces moments, où, telles des vagues, certains reflets de notre lucidité nous parviennent puis repartent ou disparaissent si on les laisse faire. Si on l’accepte. Si on les rejette.

J’écris aussi pour essayer d’avoir une (plus) grande vie. Si j’ai eu l’impression d’avoir une petite vie, c’est sûrement parce-que, soudainement, dans l’avion, je me suis aperçu que j’avais trop souvent pris soin de certaines conventions au détriment de mon inspiration et de mon intuition. Et, chaque fois que j’écris, j’essaie de remédier à ce détournement.

J’étais en train d’écrire, il y a quelques jours, chez mes parents, Ă  Sainte-Rose, lorsque devant le « studio » (plutĂ´t un F2 d’une bonne cinquantaine de mètres carrĂ©s), j’ai commencĂ© Ă  entendre un bruit rĂ©pĂ©tĂ© et plutĂ´t sec. MalgrĂ© mes dix sĂ©jours ici depuis mes sept ans, entre 1975 et 2023, je n’ai pas identifiĂ© ce bruit.

Citadin nĂ© et Ă©duquĂ© en rĂ©gion parisienne, je suis ce que mes compatriotes peuvent appeler un Moun Frans’ (  terme plutĂ´t mĂ©prisant au dĂ©part pour dĂ©signer celle ou celui qui est nĂ©(e)ou qui a Ă©tĂ© « fait(e) » en France ). J’avais sept ans la première fois qu’en colère, une mère, Ă  Morne-Bourg, m’avait traitĂ© de Moun Frans’ pour une maladresse que j’avais dĂ» faire.

Depuis, j’ai transformĂ© cette expression de Moun Frans’…en Moon France. Cet article est dans la catĂ©gorie Moon France et Voyage de mon blog.  

Mais il y a aussi l’expression  » C’est un bounty !  » que m’avait apprise un collègue d’origine guyanaise. Aucun rapport avec les rĂ©voltĂ©s du Bounty. Le ou la bounty, c’est celle ou celui qui ne connaĂ®t pas son pays ( ici, la Guadeloupe) :

Noir(e) Ă  l’extĂ©rieur et blanc/che Ă  l’intĂ©rieur. Une vraie lessive. Plus blanc/che que blanc/che.

Il y a aussi l’expression NĂ©gropolitain. Celui-ci n’a rien Ă  voir avec le Napolitain.

Il y a quelques jours, donc, alors que j’Ă©tais encore en Guadeloupe chez mes parents, le  Moun Frans’/ bounty/ nĂ©gropolitain que je suis qui Ă©tait occupĂ© Ă  Ă©crire sur son ordinateur portable a voulu, une fois de plus, en savoir plus. 

J’ai ouvert les portes en bois du studio.

C’était ma mère, 75 ans, debout en haut d’un escabeau, son sabre (une machette) à la main. Elle finissait de tuer (cueillir) une grappe de noix de coco. Mais aussi de nettoyer l’arbre.

Chez mes parents, fin dĂ©cembre 2023. On aperçoit sur la gauche l’arme du « crime » qui a servi Ă  tuer les noix de coco. Photo©Franck.Unimon

Je suis allé la rejoindre. A peine trois mètres nous séparaient. J’étais resté sur l’idée, dont elle m’avait informé la veille, que ce matin, elle partirait faire de la marche à 5h30. J’avais oublié cette histoire de noix de coco dont elle m’avait parlé un ou deux jours plus tôt.

Ma mère n’avait pas encore pris son petit-déjeuner tout comme moi. Dans la brouette se trouvaient une dizaine de noix de coco et une grappe de bananes poyo.

Les victimes vues de plus près, fin décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Elle est partie chercher des feuilles de patchouli. Et, en se servant d’eau de pluie qu’elle avait versĂ©e dans un seau, elle a lavĂ© les noix de coco « Car les rats montent dans l’arbre Â» m’a-t’elle expliquĂ©.

Alors qu’elle s’activait, debout et courbĂ©e devant moi, je lui ai demandĂ© :

« Tu ne t’assieds pas ?! Â».

Tout en continuant, elle m’a rĂ©pondu :

« Le banc est lĂ  -haut, dans la maison. De toute façon, je n’en n’ai pas pour longtemps… Â». 

« Moi, aussi, je n’en n’ai pas pour longtemps… Â». Je suis parti lui chercher le banc. Ma mère s’est assise dessus sans rien dire avec un certain soulagement.

Nous avons continuĂ© de discuter tandis qu’elle s’affairait. L’aider ? Je l’aurais plutĂ´t ralentie.

Ensuite, ma mère m’a montré des pieds de patchouli, de dafalgan, d’efferalgan. Je les ai sentis pour essayer de les retenir dans ma mémoire.

En 2023, on opposait et on classifiait généralement les gens selon leur réussite sociale et économique, leurs caractéristiques culturelles, physiques et personnelles ou d’après la plaque d’immatriculation de leur véhicule.

En 2024, ce sera identique.

Nous nous imprégnons tous des conventions que nous apprenons et voyons dans l’environnement dans lequel nous grandissons. Cela nous influence et contribue à faire de nous, quel que soit notre Pouvoir et notre Savoir, des êtres plus ou moins performants, plus ou moins adéquats, plus ou moins désirables et plus ou moins heureux.

Maman, à la Pointe des Châteaux, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Ma mère, aide-soignante en rĂ©animation pendant des annĂ©es en rĂ©gion parisienne – jusqu’à son dĂ©part en prĂ©-retraite en 1999- a vĂ©cu en France un peu plus de trente ans tout comme mon père. Tous deux avaient une vingtaine d’annĂ©es lorsqu’ils ont quittĂ© leur Guadeloupe natale Ă  la fin des annĂ©es 60.

Ces gestes qu’elle a accomplis pratiquement devant moi, tuer des noix de cocos, les laver, elle ne les a pas appris à Sciences Po. Elle les avait appris bien avant que je n’entende ces mots de Sciences Po pour la première fois.

Jamais, en France, je n’ai vu ma mère et mon père tuer des noix de coco. Que ce soit devant notre immeuble HLM ou dans le jardin de ce pavillon de banlieue qu’ils avaient fini par acheter à crédit à Cergy-Pontoise au milieu des années 80 en s’éloignant de trente kilomètres de la ville de Nanterre où ils avaient continué de travailler. Elle, à l’hôpital et lui à la Poste.

J’ai demandĂ© Ă  ma mère :

– Qui t’a appris Ă  faire ça ? ».

– Je ne sais pas. Un frère ou ma mère. J’ai dĂ» voir faire quelqu’un. Quand tu vois faire, ensuite, tu essaies de faire pareil…..

– Tu avais quel âge quand tu as appris ça ? .

– J’étais jeune…je devais avoir 10-12 ans…..

 

Ce que j’ai appris et ce que j’apprends me permet de l’écrire quand j’y pense. Mais pas toujours de l’appliquer ou de le vivre. Eduqué ou bien éduqué, je pourrai sans doute parler du livre Une soudaine liberté de Thomas Chatterton Williams ou de Le Cœur sur la table de Victoire Tuaillon, le livre que j’ai le plus offert à la fin de cette année 2023. Mais cela ne me permettra pas de connaître l’usage d’un sabre et de tuer des noix de coco comme ma mère ou mon père.

Bien-sĂ»r, par chez moi, en rĂ©gion parisienne et lĂ  oĂą je rĂ©side principalement, les cocotiers, s’il y en a, savent se tenir Ă  distance  de la connaissance et de la vue telles ces crĂ©atures fantastiques ou lĂ©gendaires dont on peut entendre parler.

Aussi, je n’ai pas une grande nécessité a priori à apprendre à me servir de cette machette fabriquée au Brésil (j’ai regardé) utilisée par ma mère afin de tuer des noix de coco.

On ne brille pas dans les soirées, sur une piste de danse, sur un plateau télé ou lors d’un casting en sachant tuer des noix de coco. On ne serre pas plus de meufs ou de mecs sur Insta, au travail ou à un barbecue en région parisienne ou dans une autre ville de France parce-que l’on sait faire pousser des ignames jaunes, occire un cochon comme un de mes oncles paternels et faire du boudin avec.

Ces Savoirs ont par contre toute leur importance Ă  la campagne, en Guadeloupe et ailleurs, lorsque la recherche de la survie est au menu dans un milieu naturel, lors d’une guerre ou d’une catastrophe ou dans des Ă©missions ou des films grand public tels que Koh-Lantah ou Hunger Games. Ou lorsque des touristes ou des voyageurs sont de passage et viennent dĂ©couvrir « autre chose» qui les dĂ©payse. 

Sauf que chaque Savoir est entouré de ses croyances et de ses valeurs. De ses codes et de sa langue ou de son langage. Mais aussi de ses hameçons.

On peut se marrer devant certaines de ces croyances et de ces valeurs ou avoir du mal à les avaler mais il me semble pourtant que c’est comme ça dans chaque région du monde, dans chaque microcosme, aujourd’hui comme demain.

Imprégné des valeurs et des croyances campagnardes et traditionnelles de ma famille aussi bien paternelle que maternelle, même sans avoir jamais essayé de faire pousser un igname ou de tuer une noix de coco, j’ai été formé puis influencé par elles lors de mes voyages et de mes rencontres depuis des années.

Pour le meilleur et aussi pour le pire :

Il m’est arrivé d’être mal inspiré dans mes rencontres personnelles et intimes. Amicales comme amoureuses. Mais aussi pour prendre certaines décisions de tout ordre.

Et, en buvant ce matin-lĂ , Ă  jeun, avant mon petit-dĂ©jeuner, l’eau d’une des noix de coco que ma mère m’a ensuite tendu, puis en mangeant ensuite avec plaisir le lait qu’elle avait retirĂ© de plusieurs de ces noix de coco, j’ai, sans mĂŞme y penser, comme des milliards d’êtres humains en ce dĂ©but d’annĂ©e, renouvelĂ© le pacte qui me liait Ă  mes parents et Ă  mes origines familiales. 

Parce-que c’est d’abord eux qui m’ont appris ou montré comment vivre.

Ensuite, il faut grandir. Apprendre à lire et à ajuster ce que l’on a reçu.

Savoir transposer là où l’on est ce que nos parents- et nos maitres comme nos modèles- nous ont appris et montré en se taillant si possible une vie sur mesure qui, d’une part, les rassure, mais aussi, nous permet les meilleures aventures.

Vue depuis la Pointe des Châteaux, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Franck Unimon, ce lundi 1er janvier 2024.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Corona Circus Voyage

Les Portes ouvertes des Frigos de Paris ce dimanche 22 Mai 2022

Devant les Frigos, le 12 Mai 2022. ©️Franck.Unimon

 

Les Frigos, ce 12 Mai 2022. ©️Franck.Unimon

 

Les Frigos, le 12 Mai 2022. ©️Franck.Unimon

 

 

Les Frigos, le 12 Mai 2022. ©️Franck.Unimon

 

 

Les Frigos, le 12 Mai 2022. ©️Franck.Unimon

 

 

Les Frigos, le 12 Mai 2022. ©️Franck.Unimon

 

 

 

Les Frigos, ce dimanche 22 Mai 2022 vers 18h. ©️Franck.Unimon

 

 

 

Les Portes ouvertes des Frigos ce dimanche 22 Mai 2022

Un des documents affichĂ©s que l’on peut voir Ă  un des Ă©tages des Frigos ce dimanche 22 Mai 2022.

 

 

Pareil au document ci-dessus.

 

 

Idem.

 

 

Idem. Je confirme le fait que ce lieu est très cinématographique.

 

Je suis retourné aux anciens Frigos de Paris, dans le 13ème arrondissement de Paris, ce dimanche 22 Mai 2022 parce-que, quelques jours plus tôt, le 12 Mai, j’ai raté un bus.

 

Et que j’ai pris le suivant avec B… un des artistes rĂ©sidents depuis une vingtaine d’annĂ©es. Après son père. Lequel B… m’a parlĂ© de ces portes ouvertes du 21 et du 22 Mai 2022.

 

J’étais venu la première fois aux Frigos au début des années 90. Un camarade de la Fac de Nanterre m’avait parlé de ses studios de répétition de musique. Un camarade plutôt sympathique mais aussi étonnant, peut-être mythomane. Néanmoins, ce qu’il m’avait dit des Frigos m’avait donné envie d’y aller.

 

La ligne 14, ce dimanche 22 Mai 2022. ©️Franck.Unimon

 

J’habitais encore Ă  Cergy-Pontoise. J’étais descendu Ă  la station de mĂ©tro du Quai de la gare. La ligne 14 du mĂ©tro n’existait pas. Les lieux m’avaient Ă©patĂ© avec leurs grosses portes de frigo. Leur atmosphère. J’avais trouvĂ© un lieu qui sortait des contours de l’ordinaire. Je m’étais alors senti moins lisse, moins scolaire. MĂŞme si je ne savais pas quoi faire de cette « dĂ©couverte Â» qui n’en n’était pas une pour d’autres.

 

NĂ©anmoins, content de moi, j’y avais emmenĂ© ma copine de l’époque. Laquelle, intimidĂ©e, m’avait dit :

 

« C’est bon, tu as rĂ©ussi ton coup. Ça me fait peur. Maintenons, partons ! Â». C’était en 1992 ou en 1993.

 

Puis, il y a un peu plus de cinq ans, je me suis approché à nouveau des anciens Frigos de Paris. Lesquels, entretemps, m’avaient semblé plus inaccessibles qu’au début des années 1990.

 

Sauf lorsque j’avais appris que StĂ©phane Bourgoin, alors encore spĂ©cialiste français incontournable des tueurs en sĂ©rie (en 2020, il fut confondu pour plusieurs de ses mensonges ) y organisait, sous les voutes, près des anciens Frigos de Paris, un Ă©vĂ©nement relatif Ă  ce sujet. 

C’était après la parution du livre Utθya, en 2013, de Laurent Obertone « consacrĂ© Â» Ă  la  tuerie de masse commise en Norvège, Ă  Oslo et sur l’île d’Utθya, par Anders Breivik en 2011. Je me rappelle de StĂ©phane Bourgoin Ă©voquant ce livre devant moi avec un certain enthousiasme et de mon embarras : je ne l’avais pas lu malgrĂ© mon « intĂ©rĂŞt » pour la criminologie et alors que je l’avais interviewĂ© (StĂ©phane Bourgoin) deux fois deux ou trois ans plus tĂ´t.

 

J’avais trouvĂ© les salles des voutes des anciens Frigos de Paris très bien ajustĂ©es Ă  l’Ă©vĂ©nement, question ambiance. Une nuit cinĂ©ma y avait mĂŞme Ă©tĂ© organisĂ©e. Durant l’une des journĂ©es de cet Ă©vĂ©nement consacrĂ© aux tueurs en sĂ©rie, je me rappelle de certains intervenants, dont un magistrat. Et d’un inspecteur de police qui avait croisĂ© Richard Durn, auteur de la tuerie de la mairie de Nanterre, lors d’un conseil municipal,  après son arrestation. J’avais connu Richard Durn au lycĂ©e de Nanterre et j’avais passĂ© quelques moments avec lui. Je me souviens assez bien de lui. ( Au LycĂ©e ).

Dans les voutes proches des frigos, des livres et des bandes dessinĂ©es avaient Ă©galement Ă©tĂ© mis en vente avec possibilitĂ© de dĂ©dicace. Dont Mon ami Dahmer de Derf Backderf. Cela devait ĂŞtre en 2013 ou 2014.

Pour un peu toutes ces raisons, retourner ce dimanche 22 Mai 2022 aux anciens Frigos, revenait aussi à retourner dans mon passé.

 

 

Plusieurs des artistes rencontrĂ©s, visitĂ©s, ce dimanche, Ă©taient dĂ©ja rĂ©sidents aux Frigos lors de ma première venue au dĂ©but des annĂ©es 90. C’est en discutant un peu avec eux que je l’ai appris. Car ce dimanche 22 Mai, pas de tueur en sĂ©rie ou d’odeur de poudre lorsque j’arrive. Une ambiance agrĂ©able. Plusieurs personnes sont attablĂ©es, dehors, dans la cour intĂ©rieure pavĂ©e et prennent un verre. Mais je ne peux pas m’asseoir avec elles. Puisque j’arrive plus tard que prĂ©vu et je ne sais pas combien de temps il me reste pour « entrer » dans les Frigos. En passant, je vois que j’ai ratĂ© un concert de Rap mais aussi une prestation de poĂ©sie.

Si le public que j’aperçois est assez fĂ©minin, on vient aussi Ă  ces portes ouvertes en famille. La veille, je suis allĂ© au Survival Expo Paris 2022. Ce qui m’a amenĂ© Ă  venir seulement ce dimanche.J’ai envisagĂ© de venir le matin avec ma fille mais les devoirs pour l’Ă©cole ont pris plus de temps que prĂ©vu. Et puis, je me suis demandĂ© si cet endroit lui conviendrait. Oui, il aurait pu convenir car j’ai croisĂ© quelques parents avec leurs enfants.

J’arrive sur la fin de ces portes ouvertes. Il est près de 18h et j’ai le plaisir d’apprendre que cela se terminera à 20H. J’appréhendais que cela ne s’arrête plus tôt.

 

Si je passe d’abord par le premier et le second étage, j’opte ensuite assez rapidement pour monter (par les escaliers, plutôt que par l’ascenseur qui fonctionne) le plus haut possible. Au 4ème et au 5ème étage.

 

Comme il y a un peu de visiteurs et qu’il fait beau, au mois de Mai, je ne ressens pas cette atmosphère inquiétante que j’avais trouvée la première fois où il faisait sombre ou nuit, alors que pas grand monde ne circulait dans les escaliers et les couloirs.

Les photos qui arrivent ne suivront pas toujours avec exactitude la chronologie de ma visite ce dimanche 22 Mai 2022. 

 

©️Franck.Unimon

 

 

©️Franck.Unimon

 

 

©️Franck.Unimon

 

©️Franck.Unimon

 

Ici, j’ai reçu gracieusement des conseils concernant le montage. ©️Franck.Unimon

 

©️Franck.Unimon. La suite de la photo prĂ©cĂ©dente. On peut voir qu’il est alors 18H50. Il reste un peu plus d’un heure. Il y a 5 Ă©tages Ă  monter ( je me suis passĂ© de l’ascenseur) et je ne sais pas combien d’ateliers sont ouverts.

 

 

 

L’artiste Marquat, peintre et sculpteur. ©️Franck.Unimon

 

 

Sculptrice, cĂ©ramiste, peintre, Isabelle Mouedeb est Ă©galement art-thĂ©rapeute et pĂ©dagogue. J’ai Ă©tĂ© particulièrement attirĂ© par ses sculptures en cĂ©ramique pour lesquelles elle utilise  » deux techniques principales : le raku et l’enfumage. Sur un prospectus qu’elle m’a remis, ces deux techniques, que j’ai dĂ©couvertes, sont expliquĂ©es. Il n’y a rien d’Ă©tonnant dans le fait que la technique du Raku m’ait plu puisque je suis amateur de thĂ© japonais et avais ramenĂ© de mon voyage au Japon une tasse de thĂ© en cĂ©ramique sans aucun doute fabriquĂ©e avec cette technique.

Les oeuvres au premier plan sont d’Isabelle Mouedeb. ©️Franck.Unimon

 

Oeuvres d’Isabelle Mouedeb. ©️Franck.Unimon

 

 

Oeuvres d’Isabelle Mouedeb. ©️Franck.Unimon

 

 

 

 

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Saint Chaffray est sculpteur. ©️Franck.Unimon

 

 

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©️Franck.Unimon

 

Oeuvres de Saint Chaffray. ©️Franck.Unimon

 

 

Oeuvres de Saint Chaffray, sculpteur. ©️Franck.Unimon

 

 

Traits d’humour de l’artiste Sacha ©️Franck.Unimon

 

 

L’artiste Sacha. ©️Franck.Unimon

 

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La voisine d’Ă  cĂ´tĂ©. ©️Franck.Unimon

 

 

Oeuvres de l’artiste peintre France Mitrofanoff. ©️Franck.Unimon

 

 

France Mitrofanoff m’a proposĂ© de me prendre en photo devant ses oeuvres. Je ne pouvais pas refuser. Photo faite par France Mitrofanoff.

 

 

©️Franck.Unimon

 

 

©️Franck.Unimon

 

 

 

 

 

 

 

La galerie de l’Aiguillage. ©️Franck.Unimon

 

 

La galerie de l’Aiguillage.

 

 

Photo d’Alain Lepagnot dans les Ă©tages.

 

 

 

 

 

Dans la galerie de l’Aiguillage.

 

 

 

Fresque POP Graffiti par JO DI BONA réalisée en 12h Live Sans solvant ni Produit toxique Exposition Mars 2017 AIGUILLAGE Photo ce dimanche 22 Mai 2022, ©️Franck.Unimon

 

 

 

 

 

Photo ©️Franck.Unimon

 

 

A droite, Patrik  » T » Thouroude, à gauche, au piano, Patrizio. ©️Franck.Unimon

 

©️Franck Unimon, ce mardi 24 Mai 2022

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Voyage

New York 2011 : « You’re Welcome ! »

 

New-York 2011 : «  You’re Welcome ! Â».

( cet article est la suite de New-York 2011- 2ème partie )

 

Ma compagne m’a proposé d’aller au cinéma dans Time Square. Je ne peux qu’accepter. Nous reprenons le bus. Et sa climatisation. Nous longeons la partie ouest de Central Park.

 

Nous passons devant le musĂ©e amĂ©ricain d’histoire naturelle. J’ai entendu dire beaucoup de bien de ce musĂ©e qui a manifestement Ă©tĂ© très frĂ©quentĂ© ce dimanche. Je vois principalement des blancs. La statue devant le musĂ©e me dĂ©range :

Un blanc Ă  cheval. A sa gauche, Ă  pied, un noir. A sa droite, je ne vois pas qui marche Ă  ses cĂ´tĂ©s. Un Indien ?

 

Nous descendons Ă  la 59ème rue. LĂ , une dame avec un accent d’Europe de l’est me rĂ©pond que Time Square est Ă  environ dix rues ( «  Ten blocks ! Â» de lĂ  en prenant Broadway.

 

En prime abord, je trouve Broadway plaisant. Bien plus que Madison Square Garden.

Et puis, nous entrons dans un pavé touristique. Et puis, toute cette foule. Tous ces écrans. Toutes ces lumières. Il est un peu moins de dix neuf heures.

 

Nous croisons une foule qui se fait des gestes/signes sur un Ă©cran gĂ©ant. A d’autres endroits, nous entrons dans un magasin Quicksilver «  Hi Guys ! Â» ouvert jusqu’à minuit.

Ailleurs, il semble qu’il y’ait des parcs d’attraction, des salles de spectacles courues. Mais je n’y comprends rien. Je vois de la promo pour Mme Tussaud. Samuel Jackson à l’affiche. Un restaurant ou une salle de concert B.B King/ Lucille.

Apparemment, devant une salle, une actrice se fait interviewer. Des passants la photographient. La vingtaine, blonde, mince, en robe et souriante, elle semble contente de ce qui lui arrive. Je me dis qu’elle doit avoir un rôle dans une pièce à succès.

Il nous faut nĂ©anmoins demander Ă  deux reprises oĂą se trouvent les cinĂ©mas. Car, ici, ils ne sont pas majoritaires. Je redoute de tomber sur un UGC. Sur une rĂ©plique exacte d’un UGC parisien.  Finalement, non.

J’aurais aimĂ© voir le film avec GĂ©rard Butler mais il passe trop tard : une heure trente plus tard.

Nous optons pour le film Abduction dont j’ai oubliĂ© le titre en Français avec Taylor Lautner en hĂ©ros. Taylor Lautner, dĂ©couvert/rĂ©vĂ©lĂ© grâce Ă  Twilight  dont j’ai dĂ©jĂ  vu Ă  peu près en entier le premier Ă©pisode, je crois.

 

L’affiche et l’annonce du film en France m’ont fait penser à du Jason Bourne. Autant, j’ai aimé la trilogie de Jason Bourne, autant je suis perplexe devant l’affiche. Mais les critiques, en France, ont été, je crois, plutôt bonnes.

 

La caissière, Priscilla, est plutĂ´t jeune et jolie. Mais elle est lĂ  pour faire du chiffre et aligne ses phrases mĂ©caniquement. Lorsque je lui demande s’il existe une feuille avec les rĂ©sumĂ©s des films, il lui faut quelques secondes pour comprendre. Enfin, elle comprend et je rĂ©cupère une feuille. Je ne comprends rien Ă  ses indications pour trouver la salle mais je suis serein. RĂ©trospectivement, elle m’avait sĂ»rement dit « Level five ! Â» soit tout en haut.

Nous prenons les escalators.

 

La salle est assez petite. Cent places ? Plus ?

Les fauteuils s’abaissent lorsque l’on s’assied. Ils me donnent une impression de mollesse qui me déplait. Bien-sûr, il y’a du pop corn dans la salle mais pas plus que dans certains films grand public dans une salle UGC à Paris. Quelques téléphones portables allumés. Par contre, mieux vaut entendre les réclames publicitaires car leur volume sonore est particulièrement élevé.

 

Le film : Taylor Lautner est sur le capot d’une voiture conduite Ă  vive allure sur la route par un de ses meilleurs amis. Un blanc. Un noir. MalgrĂ© la vitesse et les virages, Taylor Lautner n’a pas peur. Le trio arrive Ă  une party. Le noir est un faussaire de gĂ©nie : il fabrique des faux papiers d’identitĂ© qu’il vend Ă  prix d’or. « No Stress Â».

Taylor croise une jeune fille qu’il biche. Elle, aussi, le biche. Mais elle l’évite et elle a un copain. Lequel bouscule Taylor Lautner. Surproduction de testostérone. La fille intervient. Pas de bagarre. Taylor et ses copains s’amusent. Il prend une cuite, se réveille le lendemain, torse nu, dans le jardin qui a servi à la fête. Celle qui a organisé la fête a une heure pour tout ranger avant que ses parents n’arrivent.

Dans ce film, outre Lautner, il y’a Alfred Molina, Maria Bello, Sigourney Weaver.

Il y’a des traits d’humour que je n’ai pas compris. Mais je crois avoir compris l’intrigue et le but de ce film :

Après le succès de Twilight, pousser la carrière de Taylor Lautner. Lequel a d’évidentes aptitudes plastiques et acrobatiques. Sorti de ça, à part du pop corn, il n’y’a rien dans ce film. Un film de spectacle pour celles et ceux qui veulent du spectacle. Un spectacle de division d’honneur ou de troisième division.

Après ça, trente minute de marche jusqu’à l’hôtel. Nous étions claqués. Je me suis dit que ce dimanche, nous en avions trop fait.

J’étais claqué, j’avais la nausée et un peu mal à la tête. Nous nous sommes couchés sans dîner à 23 heures. Sur la messagerie du téléphone de notre chambre, un message de la réception pour nous proposer une soirée à 23 heures….

 

Aujourd’hui, ce lundi 10 octobre, il nous fallait frapper un grand coup !

Notre City Pass acheté sur internet avant notre arrivée à New-York nous donne droit à six sorties culturelles (musées, croisière, point de vue panoramique). Puisque nous repartons samedi et que nous envisageons de prendre notre temps pour ces sorties, il devenait nécessaire d’en faire deux si possible aujourd’hui. Sans nous fatiguer. Car ma compagne a eu les mêmes impressions que moi par rapport à notre journée d’hier. Et, je me demande comment font celles et ceux qui restent entre trois et cinq jours à New-York avec le décalage horaire. A part en courant en permanence ou en se concentrant sur deux ou trois activités, je ne vois pas….

 

 

Nous avons cette fois pris notre petit-déjeuner vers midi. Le temps de finir mon compte-rendu dans ce cahier, de m’étirer et de me doucher…mais ma compagne ne m’a pas semblé très pressée non plus.

Nous sommes allĂ©s Ă  PrĂŞt Ă  Manger dans la 3ème avenue. Lieu de restauration fermĂ© le week-end qui nous avait fait bonne impression Ă  notre arrivĂ©e Ă  New-York. Nous avons d’abord cru que ce serait très cher. Alors, nous commandons  prudemment.

Je prends un Bagel. Ma compagne dit d’abord : « Ă§a va ĂŞtre cher ! Â».

Nous partons. Je goĂ»te le Bagel. Il est très bon. Ma compagne le goĂ»te puis me dit :

« C’est comme tu veux ! Â». Nous y retournons :

Un Mocha et deux Bagels pour elle. Un large hot chocolate, un Muffin aux baies et Ă  l’orange et un verre d’eau pour moi. Conclusion : 13 dollars. Succès commercial. C’est fait maison. C’est bon et c’est copieux. Martine a du mal Ă  finir son Mocha. Ce que j’ai pris me suffit.

Nous partons pour le MOMA avec le deuxième Bagel de ma compagne.

Une partie du tableau  » Christina’s World » rĂ©alisĂ© en 1948 par Andrew Wyeth.

 

Le MOMA est Ă  une dizaine de minutes Ă  pied de l’hĂ´tel. Demain, il sera fermĂ©. Mais avant ça, je cherche un lavomatic dans le quartier. Mais Ă  qui demander ?

Je remarque un noir qui parle dans son téléphone portable en poussant un diable vide. Il a une bonne quarantaine d’années. Peut-être plus. A l’entendre, je crois reconnaître un Haïtien. Je l’interpelle devant le magasin Duane.

Oui, il parle Français. Mais il me répond d’abord en Anglais. Puis, il se met au Français. Il habite Brooklyn. Il n’est pas du quartier mais il veut bien se renseigner. Il pousse son diable dans le Duane comme en terrain familier, salue un des jeunes caissiers (la vingtaine) qui semble s’être accommodé du personnage qu’il perçoit sans doute comme un farfelu. Non, il ne sait pas où il y’a un lavomatic dans le quartier.

Notre homme interpelle un autre noir, une cliente. Personne ne sait.

Il part chercher le manager. Revient peu après : le manager ne sait pas. Et dire qu’à Brooklyn, oĂą il habite, il y’a tant de lavomatic !

Il se propose presque de nous y accompagner. Je décline. Il me propose de l’appeler si j’ai besoin d’un service. Je décline tout autant poliment. A Church Avenue, à Brooklyn, il y’a plein de lavomatic m’assure-t’il. Il me répond qu’il faut amener sa lessive. Il est bien Haïtien et s’appelle Zelo.

 

 

Puis, le MOMA.

 

Il y’a du monde. La jeune femme du vestiaire a commencĂ© Ă  perdre patience.  Oui, le vestiaire est gratuit. Mais au moment de prendre mon sac : ai-je du matĂ©riel Ă©lectronique dedans ? Oui.

Dans ce cas, il me faut le prendre avec moi. Bon.

Ai-je des objets de valeur dans mon sac ? Oui. Il me faut les prendre avec moi.

Puis, elle m’explique que l’usage des appareils photos et caméra est autorisé au MOMA. Que je peux emmener mon sac avec moi.

Il me faut un moment pour comprendre : j’étais content de pouvoir m’allĂ©ger pour profiter au mieux de cette exposition. Alors, en souriant, je la fais rĂ©pĂ©ter. Je la vois qui commence Ă  perdre patience. Je dĂ©cide de prendre mon sac.

 

 

Pendant les dix premières minutes, dans la partie Art contemporain, je me sens idiot. Ce que je suis sans doute de plus en plus. Ensuite, je bute sur les constants chefs d’œuvre de peintres comme Picasso etc…Jeff de Kooning…

Je ne vois rien. Une femme assez bruyante, et accompagnée de ses deux garçons, interpelle un gardien. Noir. Ils étaient principalement noirs. J’ai vu un seul gardien sud-américain.

La femme demande au gardien ce qu’il voit dans la toile qu’elle regarde. Celui-ci lui rĂ©pond qu’il faut utiliser son imagination. La femme affirme devant le gardien dĂ©bonnaire qu’elle l’utilise, son imagination !

 

Et puis, des tableaux m’ont plu. Comme Napoléon into Wilderness de Max Ernst. Ou un portrait de Modigliani.

 

Dans une salle, alors que j’entre, le gardien, un noir d’environ 1m90 pour 120 kilos mime le geste de m’adresser un ballon de football  amĂ©ricain. Au dĂ©part, je ne rĂ©agis pas.

Il répète son geste. Je fais mine d’attraper le ballon. Il fait semblant d’avoir le ballon contre lui. Cela lui suffit. Je poursuis ma visite.

Lorsque je ressors de la salle, il recommence. Toujours à distance. Environ cinq à dix mètres nous séparent. Tout se passe en silence.

 

 

Nous terminons notre visite un peu avant 17 heures. Vers 16h30. Puis, direction la Circle Line pour une croisière autour de Manhattan. Nous faisons en fait un demi tour. Le bateau est plein.

Nous avons droit à un commentateur pendant une bonne partie de la traversée. J’ai compris des bouts de ses commentaires. J’ai pris des photos, quelques vidéos. C’est le résultat de ces images qui me dira si cela m’a plu. Car être sur un bateau aussi plein m’a déplu.

 

 

Pour dĂ®ner ce soir, nous faisons une halte auprès d’un marchand ambulant :

Pour du riz et du falafel. Pour du riz et du gyro, mélange de poulet et d’agneau. Dix dollars.

L’homme me demande d’oĂą nous venons. Je lui rĂ©ponds. Je lui demande d’oĂą il vient :

« Afghanistan Â».

 

 

Ce soir, deux Ă©vĂ©nements :

 

J’ai mis un pied dans le magasin de comics repĂ©rĂ© près de l’hĂ´tel. Dix minutes avant sa fermeture Ă  21h ?

Ma compagne m’a appris que sur la carte, à New-York, les rues sont horizontales et les avenues, verticales jusqu’à Chelsea et Gramercy. Ensuite, la carte se complique.

Elle se dĂ©brouille très bien avec la carte. Elle me guide. Je suis plus portĂ© sur la mĂ©moire visuelle (laquelle n’est pas encore totalement opĂ©rationnelle ici) et le fait d’entrer en relation avec les gens. 

 

Nous avons complĂ©tĂ© notre diner « afghan Â» avec quelques morceaux de fruits achetĂ©s au Long Gourmet : lĂ  oĂą nous avions pris notre petit dĂ©jeuner hier.

 

Plusieurs fois, aujourd’hui, alors que je cherchais notre itinéraire, très vite un New-Yorkais m’a demandé où nous voulions aller.

Depuis le dĂ©but de notre sĂ©jour, chaque personne que nous avons pu solliciter a fait de son mieux pour nous renseigner, allant jusqu’à nous dire après nos remerciements :

 

« You’re welcome ! Â».

 

 

Franck Unimon ( photos prises au MOMA en octobre 2011 exceptées les deux premières photos prises en extérieur).

 

 

 

 

 

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New-York 2011- 2ème partie

 

New-York. Lundi 10/10/11 7h05

( cet article est la suite de New-York 2011 que j’avais publiĂ© le 12 mars 2020. Ce 24 septembre 2021, je me suis senti inspirĂ© pour poursuivre. J’ai peut-ĂŞtre estimĂ© que j’avais suffisamment pris le temps de la rĂ©flexion).

Hi Guys !

 

Hier, dimanche 9 octobre, après la tenue de ce journal, nous sommes allĂ©s prendre un petit-dĂ©jeuner près de l’hĂ´tel. Mais avant de parler d’hier :

 

Tout à l’heure, en me levant, je me suis dit que si je devais vivre ou si je venais à vivre à New-York, j’habiterais Harlem. Ou Brooklyn.

 

Harlem pour ses loyers que je devine Ă  peu près abordables : citĂ© HLM ou Ă©quivalent. Pour ses anciennes zones pavillonnaires. Pour le calme que nous y avons trouvĂ© hier ; la taille de ses habitations sensiblement moins haute que lĂ  oĂą se trouve notre hĂ´tel ; pour sa population : des Noirs (AmĂ©ricains ou Africains) des Hispanophones. Il semble qu’il y’ait une sorte d’entente tacite, au dĂ©part, entre personnes de mĂŞme couleur ici.

 

Brooklyn : parce-que peut-ĂŞtre que le cĂ´tĂ© populaire d’Harlem me rebuterait. Peut-ĂŞtre qu’Harlem n’est pas si calme que ça. Parce-que Brooklyn me semble plus proche de la vie qu’Harlem. De la vie culturelle, Ă©conomique. Mais Brooklyn est sĂ»rement très chère.

 

Si je reviens un jour Ă  New-York, j’essaierai d’habiter Ă  Brooklyn si, Ă©conomiquement, c’est plus avantageux qu’à l’Intercontinental Barclay. Mais, par ailleurs, notre hĂ´tel est vraiment bien situĂ© gĂ©ographiquement :

A quelques minutes de Grand Central. A environ 30 minutes à pied de Broadway et de Times Square….

Par contre, pour le prix des commerces, il faut ĂŞtre affutĂ©. Apercevoir une chocolaterie Godiva Ă  quelques minutes de notre hĂ´tel, dans Lexington Avenue, le soir de notre arrivĂ©e, aurait dĂ» m’en informer ; la veille de notre dĂ©part pour New-York, nous sommes allĂ©s faire du change, rue Rouget de Lisle, dans le premier arrondissement, près des Tuileries, au mĂ©tro Concorde. Soit la nĂ©gation d’un quartier populaire. C’est dans la rue du Faubourg St-HonorĂ© que nous Ă©tions tombĂ©s sur Godiva en cherchant un distributeur de billets. Godiva est une chocolaterie chic dans un quartier oĂą je me promène peu. Ce n’est pas mes origines. Les cinĂ©mas les plus proches sont sur les Champs ElysĂ©es. Ou Ă  OpĂ©ra. Ce ne sont pas les cinĂ©mas que je frĂ©quente le plus. Exceptions faites des projections de films rĂ©servĂ©es Ă  la presse cinĂ©ma dont plusieurs salles se trouvent sur les Champs ou aux abords des Champs ElysĂ©es.

 

Si je venais vivre Ă  New-York, qu’y ferais-je ? Certainement pas infirmier ou dans le milieu de la santĂ© !

Pour beaucoup, les Etats-Unis symbolisent la possibilitĂ© d’une nouvelle chance, d’une autre vie. Alors, quoi faire dans cette ville oĂą, manifestement, il convient d’être bavard, actif, toujours souriant et expressif : «  Hi guys ! Â» nous ont dĂ©jĂ  rĂ©pĂ©tĂ© plusieurs fois des employĂ©es Ă  notre entrĂ©e dans certains magasins. Le mot « Guy Â» m’intrigue. Ma compagne est une fille. Malheureusement, je n’irai pas interroger ces employĂ©es Ă  ce propos.

 

Parler ici n’est pas vraiment mon ressort. Autant lire et Ă©couter en Anglais, oui. Parler, pas vraiment. Du moins, pas pour l’instant. Je parle Anglais car Ma compagne le fait très peu. Je suis aussi son escorte linguistique. Et pour des raisons pratiques : trouver notre chemin.

Mais, autrement, je crois avoir quitté cette excitation juvénile, niaise et immature qui, il y’a vingt ans, en Ecosse, me rendait plus bavard, plus expressif et plus souriant.

Aujourd’hui, je ne parlerais pas de dĂ©prime (beaucoup, en outre, m’envieraient cette dĂ©prime) mais d’un certain scepticisme vis-Ă -vis d’un certain cirque social.  Hier, je me suis surpris Ă  regretter, un peu, la discrĂ©tion voire la retenue japonaise. OU asiatique. Mais je ne sais sans doute pas de quoi je parle et ma compagne me dirait sans doute que je suis trop exigeant avec moi-mĂŞme.

 

 

Je me sens tenu d’écrire tout de suite que cela me va d’être l’escorte linguistique de ma compagne, ici : il y’a plus dĂ©sobligeant et elle est de bonne compagnie. Pas de chichis oĂą de scènes Ă  2 balles.  De la simplicitĂ©, de la gentillesse et de l’efficacitĂ©.

 

Agacé

 

Je suis assez agacé par le fait que notre séjour consiste pour beaucoup à aller découvrir ces endroits de New-York dont nous avons beaucoup ( au point de ne plus nous en rendre compte) entendu parler ou que nous avons beaucoup vus au cinéma ou à la télé. C’est à cela que je me rends compte que New-York est bien la ville, une ville, qui fait partie de la Première Puissance mondiale. Or, lorsque je regarde bon nombre de ses habitants, je vois des êtres faits comme tout le monde avec les mêmes erreurs, travers ou tics qu’ailleurs.

 

Je suis assez agacé par ce circuit touristique mais c’est sans doute un préliminaire nécessaire. Il aide à comprendre une partie de l’histoire de cette ville, de ces gens. Et puis, cela me fait voir autre chose, ou presque, de ce que je connais et vois d’habitude.

Presque : car les mĂŞmes besoins sont ici prĂ©sents comme ailleurs.

 

Chester Himes

 

 

Hier matin, notre petit-dĂ©jeuner a Ă©tĂ© une rĂ©ussite Ă©conomique. 23 dollars et quelques    (parce-que nous avons pris pour environ 10 dollars de fruits, c’est cher : pastèque, melons, mangue).

La veille, nous avions payé un peu plus de 40 dollars.

Je n’ai pas retenu le nom de l’endroit de notre petit-déjeuner d’hier matin, très proche de notre hôtel. A l’angle en descendant. Il s’agit visiblement d’un commerce.

« We never close Â» m’avait rĂ©pondu malicieusement la dame de la caisse, d’origine chinoise. Pourtant, le soir de notre arrivĂ©e, les lumières Ă©taient plutĂ´t Ă©teintes et un homme faisait le mĂ©nage.

Derrière les fourneaux, des Mexicains ou des Sud-Américains. A la caisse, des femmes chinoises. Au milieu, des produits alimentaires. Il est possible, ici, de manger tous ses repas. Et, il semble que cela soit très fréquenté.

 

Après ça, le bus jusqu’à Harlem. Nous le prenons dans la 3ème Avenue, non loin du magasin Capacci Group où j’ai acheté mes cadenas qui, maintenant, m’obéissent. Le magasin est ouvert ce dimanche comme la plupart des commerces.

Je demande au chauffeur, un Noir d’une cinquantaine d’annĂ©es, barbe grise et sel de 2-3 jours, oĂą s’arrĂŞter pour Harlem :

« It depends on where you’re going Â» me rĂ©pond-t’il. Mince !

« Up to Central Park Â» je rĂ©ponds. Il me dit qu’il m’arrĂŞtera Ă  une station. Je le remercie.

La climatisation me heurte. Je ferme mon blouson. La 3ème Avenue défile plus de trente minutes durant. Le chauffeur annonce la plupart des arrêts par noms de rue. Il est l’autorité du bus.

Une seule femme (d’une bonne cinquantaine d’années) raconte sa vie grâce à son téléphone portable.

Nous apercevons beaucoup de commerces dont une Bakery qui donne envie avec ses pâtisseries maison. J’aperçois aussi une maison à Bagels. Je n’en n’ai toujours pas mangé. Les quartiers sont assez chics ou bobos. Puis, vient Harlem. Et, c’est moins beau. D’abord, une bonne partie des passagers avec nous au départ a disparu. La femme blanche au téléphone portable n’est plus là.

Un Noir massif d’une cinquantaine d’années, assez grand, aux pieds larges chaussant à peu près du 48, et sentant l’urine, monte avec une poussette. C’est laborieux. Derrière lui, une jeune femme noire, grosse, la vingtaine, avec un joli visage, mesurant 1m60 ou moins, porte un enfant qui doit avoir un an au maximum.

L’homme et la femme s’assoient côte à côte. Debout, à l’arrêt de bus, un homme d’environ 1m70, la cinquantaine, la peau noisette, maigre, est vêtu d’un costume beige. Ses yeux sont assez exorbités. Il porte une bosse sur la partie gauche de son front. Une bosse qui semble faire partie de son anatomie. Il regarde derrière le bus semblant en attendre un autre. C’est un personnage d’un livre de Chester Himes.

 

Le bus repart. Un peu plus tôt était montée une jeune femme noire, en tenue de travail. Une combinaison bleue (tunique et pantalon). Elle venait sûrement de l’hôpital devant lequel nous nous étions arrêtés.

 

Le couple Ă  l’enfant discutait tranquillement, se souriant. La poussette, elle, n’arrĂŞtant pas de se dĂ©placer : les freins ne marchaient pas ou ne marchaient plus. Plusieurs fois, celle-ci s’est dĂ©placĂ©e sans que l’homme s’en aperçoive. J’ai ainsi pu la remettre une ou deux fois sans qu’il le voie. La première fois, il s’était excusĂ©. Finalement, l’homme a posĂ© son gros pied pour coincer la poussette.

 

 

A un arrĂŞt est montĂ© un mastodonte noir (Ă  la Schwarzenegger  quand il Ă©tait jeune). Il tenait dans la main un sorbet qu’il lapait avec plaisir.

 

 

Nous sommes descendus peu après. Le Harlem que j’ai vu m’a évoqué la Porte de Clignancourt, ses commerces bon marché, St Ouen, avec un playground. Mais une Porte de Clignancourt en plus large bien-sûr et où l’on parle Espagnol.

En marchant vers le nord de Central Park, nous croisons quelques Africaines et Africains francophones.

 

Le nord de Central Park

 

 

Cela surprend de tomber sur le nord de Central Park en émergeant d’Harlem et de ses logements calmes mais plutôt moches. De plus, il fait beau. Comme hier.

 

 

A Central Park, l’atmosphère est très dĂ©tendue. Quelques personnes sur des bancs. Lecture, dĂ©tente, coiffure. Mais la plupart se promènent. Quelques noirs mais surtout des blancs. Ou des touristes comme nous. Enfin, c’est ce que je vois d’emblĂ©e.  Le parc est beaucoup trop grand pour que je sois catĂ©gorique.

Des gens se promènent en famille.  Quelques personnes trottinent. Comme ce noir d’environ 1m90 pour plus de cent kilos, la cinquantaine, short, casquette, baladeur fichĂ© dans la brassière de son bras gauche. Il se prend la laisse d’un petit chien tenu par un mĂ´me. Le noir saute un moment Ă  cloche-pied, le temps d’être dĂ©gagĂ©, sous les «  My God ! I’Am sorry ! Â» de la maman du petit. Puis, l’homme repart vers son footing en transpirant. Il est midi et demi passĂ©.

 

 

Nous entrons dans un jardin où les cyclistes sont invités à mettre pied à terre. Malheureusement, j’ai oublié son nom. C’est un jardin assez grand pourvu de toilettes gratuites et plutôt propres. On peut facilement tourner en rond dans ce jardin. Mais c’est calme, agréable. On y croise deux surveillantes. Deux noires. Deux étudiants, une fille, un garçon, avec leur Mac sous les colonnes. Un couple. Un endroit tranquille.

 

En sortant de ce jardin, nous nous rapprochons du rĂ©servoir Jackie Onassis (Quel hommage ! ) et de la file active des sportifs de Central Park. Enfin, sportifs….tous ne le sont pas. MĂŞme si le plus grand nombre en a la tenue et l’équipement. Et, ils sont nombreux Ă  dĂ©filer rĂ©gulièrement, principalement Ă  pied ou Ă  vĂ©lo. Beaucoup moins, j’en suis surpris, en rollers et avec des rollers « ordinaires Â» Ă  quatre roues avec frein Ă  l’arrière. A l’exception d’un rouleur, noir, en combinaison de compĂ©tition avec quatre roues d’environ 100 mm de diamètre.

Je vois beaucoup de sportifs du dimanche. Ou des sportifs qui commencent un entraînement.

Nous remontons (descendons) la file active à contre-courant. Parmi les promeneurs, quelques voix françaises.

Nous longeons principalement la piste sportive jusqu’au sud où nous sortons. Après une pause, assis sur un banc, à regarder les sportifs.

 

Nous tombons sur le défilé du char de la Colombie. Devant nous, quelques Colombiens émus agitent leur drapeau. La jeune femme qui représente la Colombie semble aussi contente et émue.

Nous n’attendons pas le passage des autres chars et ne demandons pas de quoi il s’agit. Nous traversons l’avenue dès que cela est possible avec quelques autres. Nous prenons un bus dans l’avenue Madison direction Harlem. Le seul avantage que je trouve Ă  ce que je vois de Madison Avenue est de nous indiquer un des musĂ©es oĂą nous irons peut-ĂŞtre : le musĂ©e d’art contemporain. Pour le reste, cette avenue me dĂ©plait. Sa froideur. Son luxe. Ce fric. Ces vitrines. Et puis, la climatisation du bus me rackette.

 

Harlem

 

 

De retour à Harlem pour trouver un restaurant, je nous égare. Jusqu’à ce qu’une dame noisette d’une soixantaine d’années du genre bigote nous réponde avec un accent espagnol et nous aiguille.

 

Je suis Ă©tonnĂ© par l’espace de Harlem : assez larges trottoirs. Assez larges rues.  Calmes. Peu de voitures. Il est vrai que les logements, en moyenne, y sont plus petits que lĂ  oĂą se trouve notre hĂ´tel.

Nous apercevons l’avenue Martin Luther King. Puis, nous approchons de notre but. Le Melbi’s  citĂ© dans le Lonely Planet semble ouvert. Il y’a des personnes attablĂ©es Ă  l’intĂ©rieur. Un homme noir assis devant avec une femme noire avec laquelle il discute, me prĂ©vient que ça ouvrira Ă  17h. Il est 15h ou 15h30. Je leur demande s’ils connaissent un bon endroit oĂą manger près d’ici. Nous avons le choix. Ils nous indiquent trois ou quatre endroits.

 

Nous entrons dans le Zoma (« essence of Abyssinia, Ethiopian cuisine New York Â») toujours dans le boulevard Frederik Douglass ( 8 th Avenue ).

L’intĂ©rieur est moderne et assez spacieux tout en bĂ©nĂ©ficiant d’ornementations du pays. Depuis quelques annĂ©es, j’ai un faible pour l’Ethiopie, pays d’Afrique qui n’a pas connu l’esclavage. HaĂŻlĂ© SĂ©lassiĂ©. L’Amarhique. La collection de musique Ethiopiques.  La chanteuse Tseyhatu BerĂ ki.

 

La jeune femme qui nous reçoit a le charme de lĂ -bas. Ce regard, ce visage.  Ce sourire poli, ces cheveux.

Je la crois née là-bas mais elle s’exprime avec un accent new-yorkais plutôt prononcé.

Dans le restaurant, un couple hétéro blanc, deux femmes noires. Une, plus jeune que l’autre, porte une robe rouge.

 

Nous prenons un plat conçu pour deux. 31 dollars, taxe incluse.

Je lui demande comment s’appelle cette chanteuse que nous entendons. Kuku Sebsibe. Elle n’a pas le cd me répond-t’elle en souriant mais elle peut m’écrire son nom.

Elle est jeune ? Pas vraiment. Elle doit avoir la cinquantaine.

Comment faire pour aller Ă  l’église abyssinienne ? Je n’y suis jamais allĂ©e.

Elle m’explique comment m’y rendre. Il faut prendre le métro etc….

Par contre, la salle de concerts Apollo est assez proche ! Je prends une carte du restaurant. Nous partons donc pour Apollo et je veux croire que son sourire, quand elle nous a saluĂ©, n’avait rien Ă  voir avec l’impĂ©ratif «  Hi guys ! Â» qu’on entend rĂ©gulièrement dans les magasins.

 

 

Aller Ă  la salle de concert Apollo nous permet de rester un peu plus longtemps dans Harlem.

Dans Nicholas Avenue, en pleine rue, nous avons vu un jeune homme noir d’environ un mètre quatre vingt s’amuser Ă  lancer un ballon de football amĂ©ricain que trois jeunes garçons d’une dizaine d’annĂ©es s’empressaient d’aller rĂ©cupĂ©rer. 

 

Sur le chemin d’Apollo

 

 

Sur le chemin d’Apollo, une mosquée qui semble tenue par des Africains d’Afrique noire. Une avenue ou un boulevard Malcolm X. Il me semble même avoir vu quelque part l’enseigne d’une communauté Malcolm Shabbazzou quelque chose comme ça.

 

Je constate aussi des restes d’un certain militantisme «  I’Am black and Proud ! Â» :

 

C’est une vendeuse d’un âge respectable (la quarantaine) vêtue à l’Africaine sur le modèle de la chanteuse Erykha Badu.

Des livres qui ont Ă  voir avec un certain militantisme.

Jusqu’à la vente de comics avec des super hĂ©ros noirs. Les quelques super hĂ©ros noirs de comics tels que Black Panther, ce qui, en Anglais, ici, Ă  Harlem, prend un autre sens auquel je n’avais jamais pensĂ© en lisant « La Panthère noire Â» en Français. Et, bien-sĂ»r, Luke Cage qui a inspirĂ© Ă  l’acteur Nicolas Coppola son nom d’acteur : Nicolas Cage.

 

Inutile d’entrer dans l’Apollo juste pour visiter. Surtout lorsque je vois un guide en sortir avec quelques touristes et leur sortir qu’il a Ă©tĂ© très content de les rencontrer et de serrer la main Ă  tous : des blancs, des hommes et quelques femmes.

Cela me rappelle la même mascarade touristique que dans ce documentaire où l’on voyait un jeune couple français visiter en Jamaïque le musée consacré à Bob Marley.

 

Give me a break !

 

 

Bien qu’historique, l’Apollo me fait l’effet d’un lieu ordinaire pour celles et ceux qui vivent ou travaillent ( il y’a plein de commerces) aux alentours.

Dans un magasin de chaussures, non loin de là, un jeune noir d’une quinzaine d’années essaie des bottes en caoutchouc tout en téléphonant. Il est assis sur un siège.

Un des employés, noir, la bonne quarantaine, l’aide à retirer la botte qui lui reste. Le jeune homme poursuit sa conversation téléphonique.

Il semble que l’employĂ© s’enhardisse Ă  lui demander s’il prend les bottes. Le jeune homme, tout en continuant sa conversation tĂ©lĂ©phonique, rĂ©pond, en riant un peu, Ă  l’employĂ© :

« Give me a break ! Â». L’employĂ© se redresse docilement.

Franck Unimon (Ă  suivre).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Olivier de Kersauson- Le Monde comme il me parle

 

                    Olivier de Kersauson- Le Monde comme il me parle

« Le plaisir est ma seule ambition Â».

 

 

Parler d’un des derniers livres de Kersauson

 

Parler d’un des derniers livres de Kersauson, Le Monde comme il me parle,  c’est presque se dĂ©vouer Ă  sa propre perdition. C’est comme faire la description de notre dentition de lait en dĂ©cidant que cela pourrait captiver. Pour beaucoup, ça manquera de sel et d’exotisme. Je m’aperçois que son nom parlera spontanĂ©ment aux personnes d’une cinquantaine d’annĂ©es comme Ă  celles en âge d’être en EHPAD.

 

Kersauson est sûrement assez peu connu voire inconnu du grand public d’aujourd’hui. Celui que j’aimerais concerner en priorité avec cet article. Je parle du public compris grosso modo entre 10 et 35 ans. Puisque internet et les réseaux sociaux ont contribué à abaisser l’âge moyen du public lambda. Kersauson n’est ni Booba, ni Soprano, ni Kenji Girac. Il n’est même pas le journaliste animateur Pascal Praud, tentative de croisement tête à claques entre Donald Trump et Bernard Pivot, martelant sur la chaine de télé Cnews ses certitudes de privilégié. Et à qui il manque un nez de clown pour compléter le maquillage.

 

Le Mérite

 

Or, aujourd’hui, nous sommes de plus en plus guidĂ©s par et pour la dictature de l’audience et du like. Il est plus rentable de faire de l’audience que d’essayer de se faire une conscience.  

 

Que l’on ne me parle pas du mĂ©rite, hĂ©ritage incertain qui peut permettre Ă  d’autres de profiter indĂ©finiment de notre crĂ©dulitĂ© comme de notre « gĂ©nĂ©rositĂ© Â» ! Je me rappelle toujours de cette citation que m’avait professĂ©e Spock, un de mes anciens collègues :

 

« Il nous arrive non pas ce que l’on mĂ©rite mais ce qui nous ressemble Â».

Une phrase implacable que je n’ai jamais essayé de détourner ou de contredire.

 

Passer des heures sur une entreprise ou sur une action qui nous vaut peu de manifestations d’intĂ©rĂŞt ou pas d’argent revient Ă  se masturber ou Ă  Ă©chouer. 

Cela Ă©quivaut Ă  demeurer  une personne indĂ©sirable.

Si, un jour, mes articles comptent plusieurs milliers de lectrices et de lecteurs, je deviendrai une personne de « valeur Â».  Surtout si ça rapporte de l’argent. Beaucoup d’argent. Quelles que soient l’originalitĂ© ou les vertus de ce que je produis.

 

Mais j’ai beaucoup de mal Ă  croire Ă  cet avenir. Mes Ă©crits manquent par trop de poitrine, de potins, d’images ad hoc, de sex-tapes, de silicone et de oups ! Et ce n’est pas en parlant de Kersauson aujourd’hui que cela va s’amĂ©liorer. Kersauson n’a mĂŞme pas fait le nĂ©cessaire pour intĂ©grer  l’émission de tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© Les Marseillais !

 

Rien en commun

 

Mais j’ai plaisir à écrire cet article.

 

Kersauson et moi n’avons a priori rien Ă  voir ensemble. Il a l’âge de mon père, est issu de la bourgeoisie catholique bretonne. Mais il n’a ni l’histoire ni le corps social (et autre) de mon père et de ma mère. MĂŞme si, tous les deux, ont eu une Ă©ducation catholique tendance campagnarde et traditionnelle. Ma grand-mère maternelle, originaire des Saintes, connaissait ses prières en latin.  

 

Kersauson a mis le pied sur un bateau de pĂŞche Ă  l’âge de quatre ans et s’en souvient encore. Il a appris « tĂ´t Â» Ă  nager, sans doute dans la mer, comme ses frères et soeurs.

Je devais avoir entre 6 et 9 ans lorsque je suis allé sur mon premier bateau. C’était dans le bac à sable à côté de l’immeuble HLM où nous habitions en banlieue parisienne. A quelques minutes du quartier de la Défense à vol d’oiseau.

 

J’ai appris à nager vers mes dix ans dans une piscine. Le sel et la mer pour lui, le chlore et le béton pour moi comme principaux décors d’enfance.

 

Moniteur de voile Ă  13 ans, Kersauson enseignait le bateau Ă  des parisiens (sĂ»rement assez aisĂ©s) de 35 Ă  40 ans. Moi, c’est plutĂ´t vers mes 18-20 ans que j’ai commencĂ© Ă  m’occuper de personnes plus âgĂ©es que moi : c’était des patients  dans les hĂ´pitaux et les cliniques. Changer leurs couches, vider leur  bassin, faire leur toilette, prendre soin d’eux….

 

J’ai pourtant connu la mer plus tôt que certains citadins. Vers 7 ans, lors de mon premier séjour en Guadeloupe. Mais si, très tôt, Kersauson est devenu marin, moi, je suis un ultramarin. Lui et moi, ne sommes pas nés du même côté de la mer ni pour les mêmes raisons.

La mer a sĂ»rement eu pour lui, assez tĂ´t, des attraits qui ont mis bien plus de temps  Ă  me parvenir.  Je ne vais pas en rajouter sur le sujet. J’en ai dĂ©jĂ  parlĂ© et reparlĂ©. Et lui, comme d’autres, n’y sont pour rien.

 

Kersauson est né après guerre, en 1944, a grandi dans cette ambiance (la guerre d’Indochine, la guerre d’Algérie, la guerre du Vietnam) et n’a eu de cesse de lui échapper.

Je suis né en 1968. J’ai entendu parler des guerres. J’ai vu des images. J’ai entendu parler de l’esclavage. J’ai vu des images. J’ai plus connu la crise, la peur du chômage, la peur du racisme, l’épidémie du Sida, la peur d’une guerre nucléaire, les attentats. Et, aujourd’hui, le réchauffement climatique, les attentats, les serres d’internet, l’effondrement, le Covid.

 

Kersauson, et moi, c’est un peu la matière et l’antimatière.

 

En cherchant un peu dans la vase

 

Pourtant, si je cherche un peu dans la vase, je nous trouve quand mĂŞme un petit peu de limon en commun.

L’ancien collègue Spock que j’ai connu, contrairement Ă  celui de la sĂ©rie Star Trek, est Breton.

C’est pendant qu’il fait son service militaire que Kersauson, Breton, rencontre Eric Tabarly, un autre Breton.

 

C’est pendant mon service militaire que j’entends parler pour la première fois de Kersauson. Par un étudiant en psychologie qui me parle régulièrement de Brautigan, de Desproges et de Manchette sûrement. Et qui me parle de la culture de Kersauson lorsque celui-ci passe aux Grosses Têtes de Bouvard. Une émission radiophonique dont j’ai plus entendu parler que je n’ai pris le temps de l’écouter.

 

Je crois que Kersauson a bien dĂ» priser l’univers d’au moins une de ces personnes :

Desproges, Manchette, Brautigan.

 

Pierre Desproges et Jean-Patrick Manchette m’ont fait beaucoup de bien à une certaine période de ma vie. Humour noir et polar, je ne m’en défais pas.

 

C’est un Breton que je rencontre une seule fois (l’ami de Chrystèle, une copine bretonne de l’école d’infirmière)  qui m’expliquera calmement, alors que je suis en colère contre la France, que, bien que noir, je suis Français. J’ai alors entre 20 et 21 ans. Et je suis persuadĂ©, jusqu’à cette rencontre, qu’il faut ĂŞtre blanc pour ĂŞtre Français. Ce Breton, dont j’ai oubliĂ© le prĂ©nom, un peu plus âgĂ© que moi, conducteur de train pour la SNCF, me remettra sur les rails en me disant simplement :

« Mais…tu es Français ! Â».

C’était Ă  la fin des annĂ©es 80. On n’entendait pas du tout  parler d’un Eric Zemmour ou d’autres. Il avait beaucoup moins d’audience que depuis quelques annĂ©es. Lequel Eric Zemmour, aujourd’hui, a son trĂ´ne sur la chaine Cnews et est la pierre philosophale de la PensĂ©e selon un Pascal Praud. Eric Zemmour qui se considère frĂ©quemment comme l’une des personnes les plus lĂ©gitimes pour dire qui peut ĂŞtre Français ou non. Et Ă  quelles conditions. Un de ses vĹ“ux est peut-ĂŞtre d’être le Montesquieu de la question de l’immigration en France.

 

Dans son livre, Le Monde comme il me parle, Kersauson redit son attachement Ă  la PolynĂ©sie française. Mais je sais que, comme lui, le navigateur Moitessier y Ă©tait tout autant attachĂ©. Ainsi qu’Alain Colas. Deux personnes qu’il a connues. Je sais aussi que Tabarly, longtemps cĂ©libataire et sans autre idĂ©e fixe que la mer, s’était quand mĂŞme  achetĂ© une maison et mariĂ© avec une Martiniquaise avec laquelle il a eu une fille. MĂŞme s’il a fini sa vie en mer. Avant d’être repĂŞchĂ©.

 

Ce paragraphe vaut-il Ă  lui tout seul la rĂ©daction et la lecture de cet article ? Toujours est-il que Kersauson est un inconnu des rĂ©seaux sociaux.

 

Inconnu des rĂ©seaux sociaux :

 

 

 

Je n’ai pas vĂ©rifiĂ© mais j’ai du mal Ă  concevoir Kersauson sur Instagram, faisant des selfies ou tĂ©lĂ©chargeant des photos dĂ©nudĂ©es de lui sur OnlyFans. Et il ne fait pas non plus partie du dĂ©cor du jeu The Last of us dont le deuxième volet, sorti cet Ă©tĂ©,  une des exclusivitĂ©s pour la console de jeu playstation, est un succès avec plusieurs millions de vente.

 

Finalement, mes articles sont peut-ĂŞtre trop hardcore pour pouvoir attirer beaucoup plus de public. Ils sont peut-ĂŞtre aussi un peu trop « mystiques Â». J’ai eu cette intuition- indirecte- en demandant Ă  un jeune rĂ©cemment ce qu’il Ă©coutait comme artistes de Rap. Il m’a d’abord citĂ© un ou deux noms que je ne connaissais pas. Il m’avait prĂ©venu. Puis, il a mentionnĂ© Dinos. Je n’ai rien Ă©coutĂ© de Dinos mais j’ai entendu parler de lui. J’ai alors Ă©voquĂ© Damso dont j’ai Ă©coutĂ© et réécoutĂ© l’album LithopĂ©dion (sorti en 2018) et mis plusieurs de ses titres sur mon baladeur.  Le jeune m’a alors fait comprendre que les textes de Damso Ă©taient en quelque sorte trop hermĂ©tiques pour lui.

Mais au moins Damso a-t’il des milliers voire des millions de vues sur Youtube. Alors que Kersauson…. je n’ai pas fouillé non plus- ce n’est pas le plus grave- mais je ne vois pas Kersauson avoir des milliers de vues ou lancer sa chaine youtube. Afin de nous vendre des méduses (les sandales en plastique pour la plage) signées Balenciaga ou une crème solaire bio de la marque Leclerc.

 

J’espère au moins que « Kersau Â», mon Bernard Lavilliers des ocĂ©ans, est encore vivant. Internet, google et wikipĂ©dia m’affirment que « oui Â». Kersauson a au moins une page wikipĂ©dia. Il a peut-ĂŞtre plus que ça sur le net. En Ă©crivant cet article, je me fie beaucoup Ă  mon regard sur lui ainsi que sur le livre dont je parle. Comme d’un autre de ses livres que j’avais lu  il y a quelques annĂ©es, bien avant l’effet « Covid».

 

L’effet « Covid Â»

 

Pourvu, aussi, que Kersauson se prĂ©serve du Covid.  Il a 76 ans cette annĂ©e. Car, alors que la rentrĂ©e (entre-autre, scolaire)  a eu lieu hier et que bien des personnes rechignent Ă  continuer de porter un masque (dont le très inspirĂ© journaliste Pascal Praud sur Cnews), deux de mes collègues infirmières sont actuellement en arrĂŞt de travail pour suspicion de covid. La première collègue a une soixantaine d’annĂ©es. La seconde, une trentaine d’annĂ©es. Praud en a 54 si j’ai bien entendu. Ou 56.

Un article du journal  » Le Canard Enchainé » de ce mercredi 2 septembre 2020.

 

Depuis la pandĂ©mie du Covid-19, aussi appelĂ© de plus en plus « la Covid Â», la vente de livres a augmentĂ©. Jeff Bezos, le PDG du site Amazon, premier site de ventes en ligne, (aujourd’hui, homme le plus riche du monde avec une fortune estimĂ©e Ă  200 milliards de dollars selon le magazine Forbes US  citĂ© dans le journal Le Canard EnchaĂ®nĂ© de ce mercredi 2 septembre 2020) n’est donc pas le seul Ă  avoir bĂ©nĂ©ficiĂ© de la pandĂ©mie du Covid qui a par ailleurs mis en faillite d’autres Ă©conomies.

 

Donc, Kersauson, et son livre, Le Monde comme il me parle, auraient pu profiter de « l’effet Covid Â». Mais ce livre, celui dont j’ai prĂ©vu de vous parler, est paru en 2013.

 

Il y a sept ans.  C’est Ă  dire, il y a très très longtemps pour beaucoup Ă  l’époque.

 

Mon but, aujourd’hui, est de vous parler d’un homme de 76 ans pratiquement inconnu selon les critères de notoriĂ©tĂ© et de rĂ©ussite sociale typiques d’aujourd’hui. Un homme qui a fait publier un livre en 2013.

Nous sommes le mercredi 2 septembre 2020, jour du début du procès des attentats de Charlie Hebdo et de L’Hyper Cacher.

 

 

Mais nous sommes aussi le jour de la sortie du film Police d’Anne Fontaine avec Virginie Efira, Omar Sy et Grégory Gadebois. Un film que j’aimerais voir. Un film dont je devrais plutôt vous parler. Au même titre que le film Tenet de Christopher Nolan, sorti la semaine dernière. Un des films très attendus de l’été, destiné à relancer la fréquentation des salles de cinéma après leur fermeture due au Covid. Un film d’autant plus désiré que Christopher Nolan est un réalisateur reconnu et que l’autre grosse sortie espérée, le film Mulan , produit par Disney, ne sortira pas comme prévu dans les salles de cinéma. Le PDG de Disney préférant obliger les gens à s’abonner à Disney+ (29, 99 dollars l’abonnement aux Etats-Unis ou 25 euros environ en Europe) pour avoir le droit de voir le film. Au prix fort, une place de cinéma à Paris peut coûter entre 10 et 12 euros.

 

 

Tenet, qui dure près de 2h30,  m’a contrariĂ©. Je suis allĂ© le voir la semaine dernière. Tenet est selon moi la bande annonce des films prĂ©cĂ©dents et futurs de Christopher Nolan dont j’avais aimĂ© les films avant cela. Un film de James Bond sans James Bond. On apprend dans Tenet qu’il suffit de poser sa main sur la pĂ©dale de frein d’une voiture qui file Ă  toute allure pour qu’elle s’arrĂŞte au bout de cinq mètres. J’aurais dĂ» m’arrĂŞter de la mĂŞme façon avant de choisir d’aller le regarder. Heureusement qu’il y a Robert Pattinson dans le film ainsi que Elizabeth Debicki que j’avais beaucoup aimĂ©e dans Les Veuves rĂ©alisĂ© en 2018 par Steve McQueen.

 

Distorsions temporelles

 

Nolan affectionne les distorsions temporelles dans ses films. Je le fais aussi dans mes articles :

 

 

En 2013, lorsqu’est paru Le Monde comme il me parle de Kersauson, Omar Sy, un des acteurs du film Police, sorti aujourd’hui,  Ă©tait dĂ©jĂ  devenu un « grand acteur Â».

Grâce Ă  la grande audience qu’avait connue le film Intouchables rĂ©alisĂ© en…2011 par Olivier Nakache et Eric Toledano. Près de vingt millions d’entrĂ©es dans les salles de cinĂ©ma seulement en France. Un film qui a permis Ă  Omar Sy de jouer dans une grosse production amĂ©ricaine. Sans le succès d’Intouchables, nous n’aurions pas vu Omar Sy dans le rĂ´le de Bishop dans un film de X-Men (X-Men : Days of future past rĂ©alisĂ© en 2014 par Bryan Singer).

 

J’ai de la sympathie pour Omar Sy. Et cela, bien avant Intouchables. Mais ce n’est pas un acteur qui m’a particulièrement épaté pour son jeu pour l’instant. A la différence de Virginie Efira et de Grégory Gadebois.

Virginie Efira, d’abord animatrice de télévision pendant une dizaine d’années, est plus reconnue aujourd’hui qu’en 2013, année de sortie du livre de Kersauson.

J’aime beaucoup le jeu d’actrice de Virginie Efira et ce que je crois percevoir d’elle. Son visage et ses personnages ont une allure plutĂ´t fade au premier regard : ils sont souvent le contraire.

GrĂ©gory Gadebois, passĂ© par la comĂ©die Française, m’a « eu Â» lorsque je l’ai vu dans le Angèle et Tony rĂ©alisĂ© par Alix Delaporte en 2011. Je ne me souviens pas de lui dans Go Fast rĂ©alisĂ© en 2008 par Olivier Van Hoofstadt.

 

Je ne me défile pas en parlant de ces trois acteurs.

 

Je continue de parler du livre de Kersauson. Je parle seulement, à ma façon, un petit peu du monde dans lequel était sorti son livre, précisément.

 

Kersauson est évidemment un éminent pratiquant des distorsions temporelles. Et, grâce à lui, j’ai sans doute compris la raison pour laquelle, sur une des plages du Gosier, en Guadeloupe, j’avais pu être captivé par les vagues. En étant néanmoins incapable de l’expliquer à un copain, Eguz, qui m’avait surpris. Pour lui, mon attitude était plus suspecte que d’ignorer le corps d’une femme nue. Il y en avait peut-être une, d’ailleurs, dans les environs.

 

Page 12 de Le Monde comme il me parle :

 

« Le chant de la mer, c’est l’éternitĂ© dans l’oreille. Dans l’archipel des Tuamotu, en PolynĂ©sie, j’entends des vagues qui ont des milliers d’annĂ©es. C’est frappant. Ce sont des vagues qui brisent au milieu du plus grand ocĂ©an du monde. Il n y  a pas de marĂ©e ici, alors ces vagues tapent toujours au mĂŞme endroit Â».

 

Tabarly

 

A une époque, adolescent, Kersauson lisait un livre par jour. Il le dit dans Le Monde comme il me parle.

 

J’imagine qu’il est assez peu allĂ© au cinĂ©ma. Page 50 :

 

« (….) Quand je suis dĂ©mobilisĂ©, je reste avec lui ( Eric Tabarly). Evidemment. Je tombe sur un mec dont le seul programme est de naviguer. Il est certain que je n’allais pas laisser passer ça Â».

 

Page 51 :

 

«  Tabarly avait, pour moi, toutes les clĂ©s du monde que je voulais connaĂ®tre. C’était un immense marin et, en mer, un homme dĂ©licieux Ă  vivre Â».

 

Page 54 :

« C’est le temps en mer qui comptait. Et, avec Eric, je passais neuf mois de l’annĂ©e en mer Â».

 

A cette Ă©poque, Ă  la fin des annĂ©es 60, Kersauson avait 23 ou 24 ans. Les virĂ©es entre « potes Â» ou entre « amies Â» que l’on peut connaĂ®tre dans les soirĂ©es ou lors de certains sĂ©jours de vacances, se sont dĂ©roulĂ©es autour du monde et sur la mer pour lui. Avec Eric Tabarly, rĂ©fĂ©rence mondiale de la voile.

 

Page 51 :

 

« (…..) Il faut se rendre compte qu’à l’époque, le monde industriel français se demande comment aider Eric Tabarly- tant il est crĂ©atif, ingĂ©nieux. Il suscite la passion. C’est le bureau d’études de chez Dassault qui règle nos problèmes techniques ! Â».

 

 

Le moment des bilans

 

 

Il est facile de comprendre que croiser un mentor comme Tabarly à 24 ans laisse une trace. Mais Kersauson était déjà un ténor lorsqu’ils se sont rencontrés. Il avait déja un aplomb là ou d’autres avaient des implants. Et, aujourd’hui, en plus, on a besoin de tout un tas d’applis, de consignes et de protections pour aller de l’avant.

J’avais lu Mémoires du large, paru en Mai 1998 (dont la rédaction est attribuée à Eric Tabarly) quelques années après sa mort. Tabarly est mort en mer en juin 1998.

 Tabarly Ă©tait aussi intraitable que Kersauson dans son rapport Ă  la vie. Kersauson Ă©crit dans Le Monde comme il me parle, page 83 :

«  Ce qui m’a toujours sidĂ©rĂ©, chez l’être humain, c’est le manque de cohĂ©rence entre ce qu’il pense et ce qu’il fait (…). J’ai toujours tentĂ© de vivre comme je le pensais. Et je m’aperçois que nous ne sommes pas si nombreux dans cette entreprise Â».

 

Tabarly avait la mĂŞme vision de la vie. Il  l’exprimait avec d’autres mots.

 

Que ce soit en lisant Kersauson ou en lisant Tabarly, je me considère comme faisant partie du lot des ruminants. Et c’est peut-être aussi pour cela que je tiens autant à cet article. Il me donne sans doute l’impression d’être un petit peu moins mouton même si mon intrépidité sera un souvenir avant même la fin de la rédaction de cet article.

 

« DiffĂ©rence entre la technologie et l’esclavage. Les esclaves ont pleinement conscience qu’ils ne sont pas libres Â» affirme Nicholas Nassim Taleb dont les propos sont citĂ©s par le Dr Judson Brewer dans son livre Le Craving ( Pourquoi on devient accro et comment se libĂ©rer), page 65.

 

Un peu plus loin, le Dr Judson Brewer rappelle ce qu’est une addiction, terme qui n’a Ă©tĂ© employĂ© par aucun des intervenants, hier, lors du « dĂ©bat Â» animĂ© par Pascal Praud sur Cnews Ă  propos de la consommation de Cannabis. Comme Ă  propos des amendes qui seront dĂ©sormais infligĂ©es automatiquement Ă  toute personne surprise en flagrant dĂ©lit de consommation de cannabis :

D’abord 135 euros d’amende. Ou 200 euros ?

En Ă©coutant Pascal Praud sur Cnews hier ( il a au moins eu la sincĂ©ritĂ© de confesser qu’il n’avait jamais fumĂ© un pĂ©tard de sa vie)  la solution Ă  la consommation de cannabis passe par des amendes dissuasives, donc par la rĂ©pression, et par l’autoritĂ© parentale.

 

Le Dr Judson Brewer rappelle ce qu’est une addiction (page 68 de son livre) :

 

«  Un usage rĂ©pĂ©tĂ© malgrĂ© les consĂ©quences nĂ©gatives Â». 

 

Donc, rĂ©primer ne suffira pas Ă  endiguer les addictions au cannabis par exemple. RĂ©primer par le porte-monnaie provoquera une augmentation des agressions sur la voie publique. Puisqu’il faudra que les personnes addict ou dĂ©pendantes se procurent l’argent pour acheter leur substance. J’ai rencontrĂ© au moins un mĂ©decin addictologue qui nous a dit en formation qu’il lui arrivait de faire des prescriptions de produits de substitution pour Ă©viter qu’une personne addict n’agresse des personnes sur la voie publique afin de leur soutirer de l’argent en vue de s’acheter sa dose. On ne parlait pas d’une addiction au cannabis. Mais, selon moi, les consĂ©quences peuvent ĂŞtre les mĂŞmes pour certains usagers de cannabis.

 

Le point commun entre une addiction (avec ou sans substance) et cette « incohĂ©rence Â» par rapport Ă  la vie que pointe un Kersauson ainsi qu’un Tabarly avant lui, c’est que nous sommes très nombreux Ă  maintenir des habitudes de vie qui ont sur nous des « consĂ©quences nĂ©gatives Â». Par manque d’imagination. Par manque de modèle. Par manque de courage ou d’estomac. Par manque d’accompagnement. Par manque d’estime de soi. Par Devoir. Oui, par Devoir. Et Par peur.

 

La Peur

On peut bien-sûr penser à la peur du changement. Comme à la peur partir à l’aventure.

 

Kersauson affirme dans son livre qu’il n’a peur de rien. C’est là où je lui trouve un côté Bernard Lavilliers des océans. Pour sa façon de rouler des mécaniques. Je ne lui conteste pas son courage en mer ou sur la terre. Je crois à son autorité, à sa détermination comme ses très hautes capacités d’intimidation et de commandement.

 

Mais avoir peur de rien, ça n’existe pas. Tout le monde a peur de quelque chose, Ă  un moment ou Ă  un autre. Certaines personnes sont fortes pour transcender leur peur. Pour  s’en servir pour accomplir des actions que peu de personnes pourraient rĂ©aliser. Mais on a tous peur de quelque chose.

 

Kersauson a peut-être oublié. Ou, sûrement qu’il a peur plus tardivement que la majorité. Mais je ne crois pas à une personne dépourvue totalement de peur. Même Tabarly, en mer, a pu avoir peur. Je l’ai lu ou entendu. Sauf que Tabarly, comme Kersauson certainement, et comme quelques autres, une minorité, font partie des personnes (femmes comme hommes, mais aussi enfants) qui ont une aptitude à se reprendre en main et à fendre leur peur.

 

Je pourrais peut-être ajouter que la personne qui parvient à se reprendre alors qu’elle a des moments de peur est plus grande, et sans doute plus forte, que celle qui ignore complètement ce qu’est la peur. Pour moi, la personne qui ignore la peur s’aperçoit beaucoup trop tard qu’elle a peur. Lorsqu’elle s’en rend compte, elle est déjà bien trop engagée dans un dénouement qui dépasse sa volonté.

 

Cette remarque mise à part, je trouve à Kersauson, comme à Tabarly et à celles et ceux qui leur ressemblent une parenté évidente avec l’esprit chevaleresque ou l’esprit du sabre propre aux Samouraï et à certains aventuriers. Cela n’a rien d’étonnant.

 

L’esprit du samouraï

 

Dans une vidéo postée sur Youtube le 13 décembre 2019, GregMMA, ancien combattant de MMA, rencontre Léo Tamaki, fondateur de l’école Kishinkai Aikido.

 

GregMMA a rencontrĂ© d’autres combattants d’autres disciplines martiales ou en rapport avec le Combat. La particularitĂ© de cette vidĂ©o (qui compte 310 070 vues alors que j’écris l’article) est l’érudition de LĂ©o Tamaki que j’avais entrevue dans une revue. Erudition Ă  laquelle GregMMA se montre heureusement rĂ©ceptif. L’un des attraits du MMA depuis quelques annĂ©es, c’est d’offrir une palette aussi complète que possible de techniques pour se dĂ©fendre comme pour survivre en cas d’agression. C’est La discipline de combat du moment. MĂŞme si le Krav Maga a aussi une bonne cote.  Mais, comme souvent, des comparaisons se font entre tel ou telle discipline martiale, de Self-DĂ©fense ou de combat en termes d’efficacitĂ© dans des conditions rĂ©elles.

 

Je ne donne aucun scoop en Ă©crivant que le MMA attire sĂ»rement plus d’adhĂ©rents aujourd’hui que l’AĂŻkido qui a souvent l’ image d’un art martial dont les postures sont difficiles Ă  assimiler, qui peut faire penser «  Ă  de la danse Â» et dont l’efficacitĂ© dans la vie rĂ©elle peut ĂŞtre mise en doute  :

 

On ne connaît pas de grand champion actuel dans les sports de combats, ou dans les arts martiaux, qui soit Aïkidoka. Steven Seagal, c’est au cinéma et ça date des années 1990-2000. Dans les combats UFC, on ne parle pas d’Aïkidoka même si les combattants UFC sont souvent polyvalents ou ont généralement cumulé différentes expériences de techniques et de distances de combat.

 

Lors de cet Ă©change avec GregMMA, LĂ©o Tamaki confirme que le niveau des pratiquants en AĂŻkido a baissĂ©. Ce qui explique aussi en partie le discrĂ©dit qui touche l’AĂŻkido. Il explique la raison de la baisse de niveau :

 

Les derniers grands Maitres d’AĂŻkido avaient connu la Guerre. Ils l’avaient soit vĂ©cue soit en Ă©taient encore imprĂ©gnĂ©s. A partir de lĂ , pour eux, pratiquer l’AĂŻkido, mĂŞme si, comme souvent, ils avaient pu pratiquer d’autres disciplines martiales auparavant, devait leur permettre d’assurer leur survie. C’était immĂ©diat et très concret. Cela est très diffĂ©rent de la dĂ©marche qui consiste Ă  aller pratiquer un sport de combat ou un art martial afin de faire « du sport Â», pour perdre du poids ou pour se remettre en forme.

 

Lorsque Kersauson explique au début de son livre qu’il a voulu à tout prix faire de sa vie ce qu’il souhaitait, c’était en réponse à la Guerre qui était pour lui une expérience très concrète. Et qui aurait pu lui prendre sa vie.

Lorsque je suis parti faire mon service militaire, qui Ă©tait encore obligatoire Ă  mon « Ă©poque Â», la guerre Ă©tait dĂ©jĂ  une probabilitĂ© Ă©loignĂ©e. Bien plus Ă©loignĂ©e que pour un Kersauson et les personnes de son âge. MĂŞme s’il a vĂ©cu dans un milieu privilĂ©giĂ©, il avait 18 ans en 1962 lorsque l’AlgĂ©rie est devenue indĂ©pendante. D’ailleurs, je crois qu’un de ses frères est parti faire la Guerre d’AlgĂ©rie.

 

On retrouve chez lui comme chez certains adeptes d’arts martiaux , de self-dĂ©fense ou de sport de combat, cet instinct de survie et de libertĂ© qui l’a poussĂ©, lui, Ă  prendre le large. Quitte Ă  perdre sa vie, autant la perdre en  choisissant de faire quelque chose que l’on aime faire. Surtout qu’autour de lui, il s’aperçoit que les aĂ®nĂ©s et les anciens qui devraient ĂŞtre Ă  mĂŞme de l’orienter ont dĂ©gustĂ© (Page 43) :

« Bon, l’ancien monde est mort. S’ouvre Ă  moi une pĂ©riode favorable (….). J’ai 20 ans, j’ai beaucoup lu et je me dis qu’il y a un loup dans la combine :

Je m’aperçois que les vieux se taisent, ne parlent pas. Et comme ils ont fait le trajet avant, ils devraient nous donner le mode d’emploi pour l’avenir, mais rien ! Ils sont vaincus. Alors, je sens qu’il ne faut surtout pas s’adapter Ă  ce qui existe mais crĂ©er ce qui vous convient Â».

 

Nous ne vivons pas dans un pays en guerre.

 

Jusqu’à maintenant, si l’on excepte le chĂ´mage,  certains attentats et les faits divers, nous avons obtenu une certaine sĂ©curitĂ©. Nous ne vivons pas dans un pays en guerre. MĂŞme si, rĂ©gulièrement, on nous parle « d’embrasement Â» des banlieues, « d’insĂ©curitĂ© Â» et «  d’ensauvagement Â» de la France. En tant que citoyens, nous n’avons pas Ă  fournir un effort de guerre en dehors du territoire ou Ă  donner notre vie dans une armĂ©e. En contrepartie, nous sommes une majoritĂ© Ă  avoir acceptĂ© et Ă  accepter  certaines conditions de vie et de travail. Plusieurs de ces conditions de vie et de travail sont discutables voire insupportables.

Face Ă  cela, certaines personnes dĂ©veloppent un instinct de survie lĂ©gal ou illĂ©gal. D’autres s’auto-dĂ©truisent ( par les addictions par exemple mais aussi par les accidents du travail, les maladies professionnelles ou les troubles psychosomatiques). D’autres prennent sur eux et se musèlent par Devoir….jusqu’à ce que cela devienne impossible de prendre sur soi. Que ce soit dans les banlieues. Dans certaines catĂ©gories socio-professionnelles. Ou au travers des gilets jaunes.  

 

Et, on en revient à la toute première phrase du livre de Kersauson.

 

Le plaisir est ma seule ambition

 

J’ai encore du mal à admettre que cette première phrase est/soit peut-être la plus importante du livre. Sans doute parce-que je reste moins libre que Kersauson, et d’autres, question plaisir.

 

Plus loin, Kersauson explicite aussi la nécessité de l’engagement et du Devoir. Car c’est aussi un homme d’engagement et de Devoir.

 

Mais mettre le plaisir au premier plan, ça délimite les Mondes, les êtres, leur fonction et leur rôle.

 

Parce- qu’il y a celles et ceux qui s’en remettent au mĂ©rite – comme certaines religions, certaines Ă©ducations et certaines institutions nous y entraĂ®nent et nous habituent- et qui sont prĂŞts Ă  accepter bien des sacrifices. Sacrifices qui peuvent se rĂ©vĂ©ler vains. Parce que l’on peut ĂŞtre persĂ©vĂ©rant (e ) et mĂ©ritant ( e) et se faire arnaquer. Moralement. Physiquement. Economiquement. Affectivement. C’est l’histoire assez rĂ©pĂ©tĂ©e, encore toute rĂ©cente, par exemple, des soignants comme on l’a vu pendant l’épidĂ©mie du Covid. Ainsi que l’histoire d’autres professions et de bien des gens qui endurent. Qui prennent sur eux. Qui croient en une Justice divine, Ă©tatique ou politique qui va les rĂ©compenser Ă  la hauteur de leurs efforts et de leurs espoirs.

 

Mais c’est aussi l’histoire répétée de ces spectateurs chevronnés que nous sommes tous plus ou moins de notre propre vie. Une vie que nous recherchons par écrans interposés ou à travers celle des autres. Au lieu d’agir. Il faut se rappeler que nous sommes dans une société de loisirs. Le loisir, c’est différent du plaisir.

 

Le loisir, c’est différent du plaisir

 

 

Le loisir, ça peut être la pause-pipi, la pause-cigarette ou le jour de formation qui sont accordés parce-que ça permet ensuite à l’employé de continuer d’accepter des conditions de travail inacceptables.

 

Ça peut aussi consister à laisser le conjoint ou la conjointe sortir avec ses amis ou ses amies pour pouvoir mieux continuer de lui imposer notre passivité et notre mauvaise humeur résiduelle.

 

C’est les congés payés que l’on donne pour que les citoyens se changent les idées avant la rentrée où ils vont se faire imposer, imploser et contrôler plus durement. Bien des personnes qui se prendront une amende pour consommation de cannabis seront aussi des personnes adultes et responsables au casier judiciaire vierge, insérées socialement, payant leurs impôts et effectuant leur travail correctement. Se contenter de les matraquer à coups d’amende en cas de consommation de cannabis ne va pas les inciter à arrêter d’en consommer. Ou alors, elles se reporteront peut-être sur d’autres addictions plus autorisées et plus légales (alcool et médicaments par exemple….).

 

Le plaisir, c’est l’intégralité d’un moment, d’une expérience comme d’une rencontre. Cela a à voir avec le libre-arbitre. Et non avec sa version fantasmée, rabotée, autorisée ou diluée.

 

Il faut des moments de loisirs, bien-sûr. On envoie bien nos enfants au centre de loisirs. Et on peut y connaître des plaisirs.

 

Mais dire et affirmer «  Le plaisir est ma seule ambition Â», cela signifie qu’à un moment donnĂ©, on est une personne libre. On dĂ©pend alors très peu d’un gouvernement, d’un parti politique, d’une religion, d’une Ă©ducation, d’un supĂ©rieur hiĂ©rarchique. Il n’y a, alors, pas grand monde au dessus de nous. Il s’agit alors de s’adresser Ă  nous en consĂ©quence. Faute de quoi, notre histoire se terminera. Et chacun partira de son cĂ´tĂ© dans le meilleur des cas.

 

Page 121 :

 

« Je suis indiffĂ©rent aux fĂ©licitations. C’est une force Â».

 

Page 124 :

 

« Nos contemporains n’ont plus le temps de penser (….) Ils se sont inventĂ© des vies monstrueuses dont ils sont responsables-partiellement Â». Olivier de Kersauson.

 

 

Article de Franck Unimon, mercredi 2 septembre 2020.