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Les cinquante Temps de Marmottan

A la Cigale, décembre 2021.

 

Les Cinquante Temps de Marmottan

 

 

 

C’est venu avec le temps.

 

 

De temps à autre, dans une œuvre ou parce-que nous sommes les porte-frontières d’une certaine « curiosité », nous parviennent quelques informations sur des systèmes et des planètes éloignées. Des endroits et des histoires survenues avant nous, qui nous survivront, et où nous n’avons pas le souvenir ou l’expérience d’avoir jamais mis les pieds.

 

Nous entendons alors parler de cycles, de satellites en orbite, de révolutions autour du soleil, de conditions particulières et hors normes qui seraient pour nous, les communs des mortels, impossibles à vivre ou à approcher.

 

A moins de l’imaginer.

 

Marmottan m’a peut-être fait cet effet-là. Parce-que je ne savais pas ce que je savais. Parce-que, pour savoir, il faut partir  un peu de soi.

 

Partir un peu de soi : Qui est Marmottan ?

 

 

Marmottan a fêté ses cinquante ans l’année dernière, en décembre 2021.

 

 

Qui est Marmottan ?

 

Pendant des années, pour moi, Marmottan était un personnage à part entière de l’Histoire de la Psychiatrie.

 

C’était aussi un nom : Olivenstein.

 

Un texte écrit par un patient de Marmottan, visible à Marmottan lors des journées portes ouvertes qui ont suivi le cinquantenaire à la Cigale.

 

Lorsque j’ai commencé à travailler de manière établie en psychiatrie à Pontoise, en 1992-1993, Olivenstein était encore vivant.

 

Infirmier Diplômé d’Etat en 1989, en 1992, j’avais décidé de rompre avec les services de soins généraux (médecine, chirurgie…) ainsi qu’avec une certaine culpabilité de les quitter.

 

Parce qu’être un véritable infirmier, cela consistait à se rendre utile dans les services de soins généraux. A  être capable de performer, de faire et de répéter quelque chose de concret et d’immédiatement vérifiable :

 

Poser des perfusions, poser des sondes urinaires, faire des pansements et des prises de sang.  Transfuser. Faire, poser, reproduire.  Surveiller. Réaliser les prescriptions.

Mais aussi : se taire. Suivre. Subir. Exécuter. Obéir.

 

Après trois années de tentatives variées dans les services de soins généraux ou soins somatiques, par intérim, ou par vacations, jusqu’à Margate, en Angleterre, durant pendant un mois,  la psychiatrie adulte avait fini par réapparaître, de façon idéalisée, comme étant plutôt l’opposé.

 

Comme une expérience qui m’avait plu.

 

En psychiatrie, j’avais le sentiment d’être moi-même. De me réunifier. De me retrouver. De me reconstituer. De me découvrir. Et cela m’étonnait que ce métier d’infirmier qui, depuis ma formation, avait sans scrupules piétiné mes théories de lycéen pour me décharger  dans la benne du monde du travail et de celui des adultes devienne….agréable. Tant dans mes relations avec les patients qu’avec plusieurs de mes collègues plus âgés et majoritairement diplômés en soins psychiatriques.

 

Ma rencontre avec ce service de psychiatrie adulte en tant qu’infirmier, alors que j’avais 24 ans, a selon moi décidé de la continuité de ma carrière. Je crois encore que sans cette expérience en tant qu’infirmier, dans ce service de psychiatrie adulte où j’avais effectué un stage lors de ma troisième année d’étude d’infirmier, que j’aurais trouvé en moi la ressource de changer de métier.

 

 

Aujourd’hui, en 2022, certaines personnes ont « besoin » d’un livre comme Les Fossoyeurs de Victor Castanet pour apprendre que les conditions de travail dans les établissements de santé peuvent être de plus en plus épouvantables. Alors que pour moi, dès mes études d’infirmier entre 1986 et 1989, le travail d’un infirmier dans les services d’hospitalisation de soins généraux s’apparentait déjà beaucoup à du travail à la chaine, comme sur les chaines de montage dans une usine.

 

On peut aimer « ça »  par tempérament ou à un moment de sa vie personnelle et professionnelle. Lorsque l’on aime ou que l’on veut que « ça bouge ». Lorsque l’on ne supporte pas d’être là à « rien faire ».

 

Sachant que pour certains, le fait d’écouter et de penser ; ou d’apprendre à penser par soi-même ou de prendre du temps face à quelqu’un d’autre qui se comporte ou se présente de manière « étrange», « bizarre », « anormale », « incompréhensible » voire « dangereuse » pour lui même ou pour autrui, c’est ne « rien faire ».

 

 

Un DJ décédé l’année dernière ou l’année précédente, a écrit dans un livre quelque chose comme : «  En fait, j’ai commencé à détester tout ce qui pouvait m’empêcher ou empêcher de danser ».

 

Hé bien, pour ma part, j’ai commencé à travailler en psychiatrie et eu besoin d’y travailler car, à 24 ans, j’avais commencé à détester tout ce qui pouvait m’empêcher de penser. Sauf qu’alors, je ne pouvais pas l’exprimer de cette manière. Il n’y a qu’aujourd’hui que je peux l’écrire comme ça. Presque trente ans plus tard. C’est venu avec le temps.

 

 

Un certain apprentissage de la psychiatrie et de la Santé Mentale

 

 

Au lycée, j’aimais apprendre. J’aimais aussi comprendre ce que j’apprenais. Le par cœur sans compréhension de ce que j’apprenais m’était insupportable y compris lorsque je le voyais chez les autres.

 

Mes études d’infirmier en soins généraux ont été très éprouvantes. Intellectuellement, je trouvais assez peu mon compte. Ni en stage, ni lors des cours théoriques. Et je devais apprendre des notions médicales vers lesquelles, spontanément, je ne serais jamais allé. Mais impossible de faire autrement car, pour pouvoir protéger et sauver des vies, il faut bien apprendre certaines notions de l’anatomie et de la physiologie. Et, pour me sauver de la déchéance du chômage et gagner ma vie, il me fallait trouver un emploi.

 

J’ai donc dû ingurgiter des connaissances par cœur durant ces études d’infirmier. Des  connaissances dont nos propres monitrices nous ont dit un jour que nous n’en retiendrions qu’à peu près « dix pour cent ». Fort heureusement, j’ai rencontré dans mon école d’infirmières des personnes qui, humainement, m’ont fait du bien. Dont une amie avec laquelle je suis toujours en contact.

 

J’ai appris à travailler en psychiatrie en partant de moi. En vivant des situations. En regardant et en écoutant faire. En me trouvant des modèles parmi mes collègues. En discutant avec des collègues en lesquels j’avais confiance. En les interrogeant. En gambergeant. En faisant des erreurs et en m’en rappelant. En lisant certaines fois à droite ou à gauche. Mais pas toujours des ouvrages ou des articles réservés à la psychiatrie. 

 

Je n’ai pas appris la psychiatrie par cœur.  Et j’ai beaucoup de mal avec ces professionnels capables de vous réciter par cœur certaines théories psychanalytiques et autres, si, par ailleurs, je les trouve ou les pressens « mauvais » en situation clinique.

 

Mais il y a bien évidemment certaines connaissances théoriques et autres à mémoriser. Que ce soit concernant certains effets possibles des traitements ou à propos de certaines attitudes à savoir éviter ou à développer en soi.

 

Entendre parler de Marmottan

 

J’ai appris des autres. Et je continue d’apprendre des autres chaque fois que c’est possible.

C’est comme cela que j’ai entendu parler de Marmottan, je pense, dans les années 90. J’avais entendu parler de Francis Curtet au collège, en 3ème, par ma prof de Français. Mais je n’avais pas retenu qu’il avait un rapport avec Marmottan.

 

Marmottan, pour moi, faisait partie de ces services emblématiques de la psychiatrie en France. Avec le CPOA, la clinique de La Borde, les UMD

 

Et lorsque j’écris « emblématiques », cela signifie que ces endroits se distinguaient des services de psychiatrie traditionnels. Il s’y déroulait quelque chose de particulier. D’assez hors norme. Je croyais même que Marmottan était en quelque sorte un hôpital à lui tout seul. Et le savoir me suffisait et m’a suffi pendant longtemps.

 

Jamais, dans les années 90, je n’ai fait la moindre démarche afin d’en savoir plus sur Marmottan, situé rue Armaillé, pas très loin des Champs Elysées où je pouvais me rendre assez facilement. Ne serait-ce que pour aller au cinéma ou pour me rendre au Virgin Megastore qui existait encore.

 

Aujourd’hui, je crois avoir choisi d’aller travailler en psychiatrie pour ne pas devenir fou. Mais, aussi, pour mieux comprendre ma propre folie. Et mieux comprendre d’où elle venait. Certains ont peur d’aller travailler en psychiatrie pensant que cela va les perturber irrémédiablement. Et cela peut en effet perturber, ou plutôt déstabiliser, la conscience comme les connaissances que l’on a de soi que d’aller travailler dans un service de psychiatrie :

A Marmottan, lors de la journée Portes Ouvertes.

Nos certitudes, nos croyances, nos apparences, aussi, peuvent se retrouver contestées ou abattues face aux divers miroirs de la psychiatrie. Surtout lorsque l’on ne « fait rien » et qu’il devient plus difficile de se fuir, et de fuir nos propres pensées, émotions et sentiments, dans une certaine activité frénétique. Il  peut être  plus facile de couler dans du mouvement certaines émotions et certaines pensées plutôt que de les laisser remonter jusqu’à affluer à la surface de soi. Surtout si l’on a une image et une de soi monstrueuse ou désastreuse.

 

Et, aujourd’hui, je crois avoir décidé, à un moment donné, d’avoir tenté de travailler à Marmottan parce-qu’il y a des années que je crois que, de même que j’aurais pu être un psychotique hospitalisé en psychiatrie, j’aurais aussi pu devenir une personne dépendante à des substances. Mon histoire personnelle, selon mes croyances, aurait pu me faire converger vers ce genre d’état. Or, à ce jour, même si j’ai pu redouter de devenir addict à des substances, plus que de devenir psychotique, cela n’est pas arrivé.

 

J’ai côtoyé et rencontré des personnes qui ont connu des dépendances dès l’enfance (l’alcoolisme d’un oncle plutôt bien toléré dans la famille ) puis ensuite à l’adolescence et adulte. Des personnes dont j’ai pu être proche (une ex qui avait besoin de fumer cinq à dix joints par jour) ou moins. Cependant, j’étais le « Suédois » de service comme m’avait affectueusement surnommé un ami infirmier psy, ancien héroïnomane, et assez porté sur la boisson festive. Sobre, dans la maitrise ou le contrôle permanent selon l’analyse que l’on en fait.

 

Sobre, oui, en ce qui concerne les substances. Mais pas pour d’autres addictions.

 

 

Addictions sans substance

 

 

Lorsque j’ai postulé pour travailler à Marmottan, j’étais sûr de moi. J’allais être pris. J’avais des années d’expérience en psychiatrie adulte et en pédopsychiatrie. J’étais un homme. Et je savais, pour être passé auparavant à Marmottan et y avoir discuté avec certains professionnels qui y travaillaient alors,  qu’il n’était pas nécessaire d’avoir une expérience en tant que consommateur de substances ou en addictologie pour y être embauché comme infirmier. Marmottan recrutait des profils divers. Cependant, il y avait des règles très strictes à Marmottan sur certains sujets.

 

Tout comportement violent ou considéré inacceptable ( relations sexuelles…) , toute consommation de substance dans le service ou tout propos homophobe vaudrait exclusion de ce service ouvert. Cela me convenait.

 

Pourtant, je n’ai pas été retenu pour le poste. De mon entretien, dans la bibliothèque, face à deux médecins et à la cadre de pole d’alors, je me rappelle entre-autres de cette question posée par Mario Blaise, déjà médecin chef de Marmottan :

 

« Avez-vous des addictions ? ».

Paris, le magasin Printemps, ce mardi 2 mars 2022 vers 21h.

 

Pour toute personne un peu formée ou sensibilisée aux addictions, c’est une question banale. Comme demander l’heure à quelqu’un. La réponse est facile.

 

Pourtant, j’ai répondu « superbement » :

 

« Non, je n’ai pas d’addictions ! ». J’étais sûr de moi. Bien qu’un peu décontenancé, et aussi un peu mal à l’aise, j’étais sûr de moi. Je n’avais pas d’addictions. Pas de ça avec moi ! J’étais le « Suédois ». Celui qui, au milieu de personnes dans un état d’ébriété avancé, ou qui, face à quelqu’un qui fumait son joint, ne se sentait pas incommodé. Celui qui ne faisait pas de cauchemars après avoir « frayé » avec des patients psychotiques….

 

Paris, fin février 2022.

 

Pour moi, addictions rimait encore exclusivement, consciemment, avec les substances. J’avais pourtant bien compris que, dans ma propre vie, certaines situations contraignantes ou douloureuses avaient pu se répéter ou pouvaient encore se répéter sans que je parvienne véritablement à m’en débarrasser. Mais je n’avais pas encore fait le rapprochement. Pour moi, à ce moment-là, les addictions avaient plus à voir avec leur forme la plus visible physiquement mais aussi la plus renommée et la plus condamnée moralement et pénalement :

 

Les addictions avec substances.

On a peut-être du mal à lire, mais dans cet article, Olivenstein démonte le film  » Moi, Christiane F… ». Il en veut en particulier au fait d’avoir choisi David Bowie pour jouer dans le film. Car celui-ci, en tant que Rock star, valorise/héroïse la consommation de substances. ( A Marmottan, également lors des journées portes ouvertes).

 

 

Cette nuit encore, alors que  je finissais d’écouter un podcast dans lequel témoigne une jeune Française qui, sous l’effet d’une radicalisation islamiste, est partie vivre dans l’Etat Islamique en Syrie en 2013, ma bévue m’est à nouveau apparue évidente. Lorsque celle-ci a parlé de « cage ». Cette jeune femme, dans ce podcast qui comporte quatre épisodes, raconte comment, pour elle, partir en Syrie, avait d’abord été un moyen de quitter la cage dans laquelle elle se trouvait dans sa famille. En espérant trouver mieux ailleurs. En rencontrant quelqu’un, à un moment donné de sa vie, qui lui a promis le meilleur en Syrie en venant vivre dans l’Etat Islamique. Cette rencontre aurait pu être un proxénète, une mère maquerelle, un dealer. Pour elle, cette rencontre a été une personne qui l’a séduite. Cela a été rapide et facile.

 

Car elle était « disponible » pour ce genre de rencontre à cette période de sa vie.  Parce-que cette croyance idéologique collait bien, à cette période de sa vie,  avec son patrimoine personnel et culturel. Et que cette croyance idéologique, mais aussi cette fuite en Syrie, lui apparaissaient être la bonne décision.

Cette jeune femme, devenue mère en Syrie est revenue en France six ans plus tard ( en 2019). Et  s’est officiellement détournée de cette croyance islamiste. Elle a pu dire qu’en quittant la France et sa famille, elle avait finalement quitté une cage pour une autre cage. Mais aussi que partir de chez ses parents était la « bonne décision » mais que la destination choisie était « mauvaise ». Elle s’en est rendue compte une fois sur place, en Syrie. 

 Je me suis dit que c’est exactement ce qui peut se passer pour une personne dépendante avec une substance. Même si on peut chercher une substance avant tout pour le plaisir. Le mot plaisir a été prononcé lors du cinquentenaire de Marmottan.  

Au début, c’est très bien, c’est merveilleux, c’est exceptionnel, on vibre. La suite est moins agréable. Rencontre. Personnalité. Cage. On peut remplacer le produit par une croyance ou par une pratique lorsque l’on parle d’addiction. 

 

Il y a sûrement d’autres raisons que mon « incapacité » à répondre favorablement à cette question sur « mes » éventuelles addictions pour expliquer mon échec à cet entretien lorsque j’ai postulé pour Marmottan. Comme le simple fait d’avoir envie ou non de travailler avec moi ou de se sentir à l’aise en ma présence. Mais mon ignorance hardie, bien qu’assumée car j’ai ouvertement dit que je ne connaissais pas grand chose dans le domaine des addictions, m’a peu aidé à convaincre de m’embaucher. Puis, par la suite, devant ces échecs ( j’ai postulé trois fois), j’ai développé une ambivalence à l’idée de travailler à Marmottan. Peut-être une ambivalence qui peut se retrouver chez toute personne envers son addiction.

 Chaque fois que je suis retourné travailler en remplacement à Marmottan, je m’apercevais que je me sentais suffisamment approprié : je ne regardais pas ma montre en étant pressé que ça se termine. Tout en sachant que j’avais beaucoup à apprendre. Je m’y sentais suffisamment bien. Pourtant, il m’est aussi arrivé de me dire que ce n’était pas pour moi. Que je n’étais peut-être pas fait pour y travailler. Que j’allais me faire rouler dans la farine. Ou que je ne saurais pas conseiller ou accompagner comme il se devait certains patients. Que je ne saurais pas leur répondre.

 

 

Marmottan, le service spécialisé dans le traitement des addictions

 

 

J’ai néanmoins eu la chance de venir faire des remplacements, avant et après ma postulation à Marmottan, à peu près une quinzaine de fois en tant qu’infirmier. Et, lorsque j’écris Marmottan, car il faut le préciser, je parle bien-sûr du service spécialisé dans le traitement des addictions.

 

Parce-que si le service spécialisé (hospitalisation et accueil) dans les addictions est connu sous le nom de Marmottan, Marmottan est aussi un endroit où se trouvent un CMP pour patients adultes où se trouve une consultation pour adultes pédophiles. Ainsi qu’un hôpital de jour de psychiatrie adulte. Deux services (le CMP et l’hôpital de jour) qui sont indépendants du service consacré au traitement des addictions. Même si ces deux services (le CMP adulte et l’hôpital de jour) sont aussi situés dans le même bâtiment, rue Armaillé dans le 17 ème arrondissement de Paris.

 

Il  y a aussi le musée Marmottan qui se trouve à côté. Un musée bien référencé que l’on peut visiter et qui n’a rien à voir avec le service.

 

Le Marmottan dont je parle, initialement, faisait partie de l’hôpital psychiatrique Perray-Vaucluse. Hôpital par lequel j’ai été recruté en juillet 2009. C’est à cette occasion que j’ai compris que « le » Marmottan dont j’avais entendu parler depuis des années était un service. Et que ce service faisait partie du même hôpital que celui qui m’employait.

 

Lorsque l’on parlait de grands établissements psychiatriques en région parisienne, les établissements hospitaliers auxquels je pensais principalement  étaient :

 

Maison Blanche ; Ville-Evrard ;  Ste-Anne ; Voire Villejuif ou Paul Guiraud. 

 

J’ai découvert l’existence du groupe hospitalier psychiatrique Perray-Vaucluse tardivement. Et par hasard. Vers la fin des années 2000. Il y a une explication géographique à cette ignorance. L’Etablissement Perray-Vaucluse est situé dans l’Essonne. Soit dans un département où je n’ai jamais eu d’attache ou de domiciliation. Puis mon ignorance culturelle, comme celle de mes collègues, de la Psychiatrie a fait le reste.  J’ai connu la psychiatrie de Pontoise parce-que j’habitais à Cergy Pontoise durant mes études d’infirmier et que j’y résidais encore lorsque j’avais commencé à y travailler en psychiatrie adulte.

 

L’hôpital psychiatrique Perray-Vaucluse, comme les autres, est au moins centenaire. Absorbé par Maison Blanche il y a quelques années, il fait désormais partie du GHU Paris Ste Anne qui comporte la fusion des établissements Perray-Vaucluse, Maison Blanche et Ste Anne. Soit un ensemble de services intra-hospitaliers mais aussi extra-hospitaliers de santé mentale ( psychiatrie adulte, addictions, soins généraux ou somatiques, pédopsychiatrie…).

 

A la Cigale, lors du centenaire de Marmottan. Assis, à gauche, le Dr Mario Blaise, chef du Pôle Marmottan-La Terrasse, GHU Paris. Sur sa droite, un des praticiens de Marmottan, le Dr Bertrand. Tout au bout à droite, un des anciens praticiens de Marmottan, Aram Kavciyan, désormais psychiatre chef du service d’addictologie au CH de Montfavet depuis des années. Je crois que la personne debout en train de parler est une accueillante de Marmottan. J’ai oublié la fonction de la dame assise.

 

Marmottan/ Olivenstein/ Personnalité/ Antipsychiatrie

 

 

Marmottan a été créé en 1971, par Claude Olivenstein. Lors du cinquentenaire, j’ai appris qu’il y avait deux ou trois autres médecins avec lui pour fonder à Marmottan le service spécialisé dans le traitement des addictions. Mais lorsque l’on dit Marmottan, encore aujourd’hui, pour beaucoup d’un certain âge, on pense aussitôt : Olivenstein.  

 

Son nom et une partie de sa mémoire -comme de sa présence- habitent encore l’endroit pour le peu que j’ai entrevu. Même si, après lui, Marc Valleur a pris sa suite et a, depuis, transmis le relais à Mario Blaise.  

 

A la Cigale, à gauche, Mario Blaise, chef du Pôle Marmottan-La Terrasse, GHU Paris. A sa droite, le Dr Marc Valleur, le précédent médecin chef de Marmottan-La Terrasse qui continue de consulter à Marmottan. Jan Kounen, réalisateur, venu, entre-autres, parler de son expérience de l’Ayahuesca. Tout à droite, l’alpiniste Marc Batard venu parler de son addiction aux sommets.

 

 

Le service Marmottan, spécialisé dans le traitement des addictions, a une personnalité que j’ai rarement trouvée ailleurs. Par personnalité, je pense à une volonté assez farouche de maintenir son autonomie et/ ou son indépendance de pensée, de façon de travailler, qui tranche avec cette façon assez unanime qu’ont eu les services de psychiatrie- que je connais- de s’aligner sur les différents diktats imposés ces vingt dernières années en matière de soin et de façon de soigner. Ou de transmettre. Par exemple, alors que depuis une bonne dizaine d’années maintenant, la majorité des services de santé mentale – et autres- écrivent leurs transmissions et leurs prescriptions sur ordinateur, à Marmottan, on écrivait- et on écrit sans doute encore- les transmissions comme les prescriptions médicales sur papier.

 

 

Bien-sûr, mes principaux repères de comparaison sont ici sont ceux de la psychiatrie que je connais.

La psychiatrie que je connais en région parisienne telle qu’elle se pratique aujourd’hui dans la plupart des services est très différente de celle qui est était pratiquée il y a encore vingt ou trente ans. Par bien des aspects, la psychiatrie d’aujourd’hui a défiguré ce qui se faisait de « bien » il y a vingt ou trente ans. Moins de moyens, moins de personnels, plus d’heures de travail…plus d’informatique…

 

L’ouvrage de Victor Castanet, Les Fossoyeurs qui a fait l’actualité il y a quelques semaines, avant d’être dépassé par l’actualité de l’invasion militaire de l’Ukraine par la Russie « de » Vladimir Poutine, scrute, si j’ai bien retenu, les conditions de travail dans les EHPAD. Malheureusement, sous d’autres formes, les conditions de travail en psychiatrie publique se sont aussi détériorées puisqu’elles doivent désormais se calquer sur le modèle du privé. Et le peu que j’ai vu dans deux cliniques de psychiatrie adulte il y a une dizaine d’années, lorsque j’y avais effectué des vacations, ne m’a pas donné envie d’y postuler.

 

 

Aussi, lorsque durant le cinquantenaire de Marmottan, en décembre, le mot « Antipsychiatrie » a été prononcé par un ou une des intervenants, il m’est tout de suite apparu évident que cela expliquait en partie l’une des raisons pour lesquelles Marmottan, le service des addictions, détonait et détone encore dans le milieu de la Santé Mentale.

 

D’une part parce que le travail qui s’effectue dans un service spécialisé dans le traitement des addictions se distingue du travail effectué dans un service de psychiatrie. Mais aussi parce qu’il s’y pratique un certain esprit, une certaine façon de travailler, pour le peu que j’ai vu sur place, auxquels un professionnel familier avec la psychiatrie n’est pas habitué.

 

 

Cet article devait être unique. Mais je m’aperçois que le poursuivre maintenant le rendrait trop long. Et qu’il vaut mieux que je m’arrête sur cette introduction avant, dans un prochain article, de raconter et de montrer davantage comment c’était lors du cinquentenaire de Marmottan à la salle de concert de la Cigale en décembre dernier. Mais aussi dans le service ( d’accueil et d’hospitalisation) lors d’une des deux journées portes ouvertes qui a suivi la journée à la Cigale.

 

 

Franck Unimon, ce lundi 28 février 2022.

 

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La profession infirmière : La Légion étrangère

La profession infirmière : La Légion étrangère

 

« Qui prendra soin des infirmières ? »

 

Cette question presque philosophique fait la couverture du numéro 3763 de l’hebdomadaire Télérama de cette semaine. La semaine du 26 février au 4 mars 2022.

 

Depuis que j’ai aperçu cette question une première fois sur la couverture de Télérama, celle-ci m’a perfusé au goutte à goutte. Les premiers effets de ce « traitement » me poussent à écrire mes réponses.

 

La couverture de Télérama, d’abord, donne aussi des réponses et des indications.

 

Sur la couverture du Télérama de cette semaine, on aperçoit une femme aux cheveux châtains clairs, la tête dans les bras. Epuisée ou accablée. Elle doit avoir la trentaine tout au plus. En tout cas, elle incarne la jeunesse. Une jeunesse épuisée ou accablée. Soit l’exact contraire de ce qu’est supposée incarner la jeunesse : l’optimisme, la vitalité, l’insouciance, le rire.

 

Une de ses mains porte un gant bleu. De ces gants utilisés aussi pour se protéger d’éventuelles expositions au sang. Celui des patients dont les infirmières prennent soin.

 

Le bras droit de celle qui nous est présentée comme infirmière semble avoir un peu la chair de poule. Cela peut être dû au froid, à la fatigue. Ou à la peur. Eventuellement protégée du sang ou d’autres secrétions par ses gants bleus, « l’infirmière » qui nous est montrée n’en reste pas moins exposée à ces autres extrêmes que sont le froid, la fatigue ou la peur. Ou la dépression. 

 

A ces extrêmes, il faut en rajouter un autre qui combine puissance et impuissance :

 

La solitude.

 

Car l’infirmière est montrée seule. La même photo montrant plusieurs infirmières dans la même position parleraient moins de cette solitude. On peut évidemment être seuls en étant à plusieurs. Mais c’est une sorte de nomenclature : si l’on veut parler de la solitude, il faut isoler quelqu’un.

 

 

Je remercie l’hebdomadaire Télérama pour cette couverture. Pour aborder, sur quatre pages, le sujet de la condition des infirmières en France. Dans cet article, on apprend qu’il y a 700 000 infirmières en France. Et on « lit » que de plus en plus quittent l’hôpital public ou la profession car dégoutées par la dégradation des conditions de travail. Que cette dégradation s’est prononcée « depuis 2004 surtout, avec l’instauration de la tarification à l’activité (T2A), qui, en rémunérant les établissements en fonction des actes médicaux, a condamné les hôpitaux publics aux affres financiers. Et transformé les soignants en marathoniens du soin, fragilisant tout un système de santé qui a dû, depuis, endiguer les vagues successives de Covid ». (Télérama numéro 3763, page 18. Article Mathilde Blottière. Photos d’Anthony Micallef).

 

 

Remerciements et réserves :

 

Je remercie Télérama pour cet article. Mais j’aurais aimé que, pour changer, que ce soit un homme qui ait écrit cet article. Comme j’aimerais bien, aussi, que le Ministre de la Santé et des affaires familiales et sociales soit plus souvent un homme qu’une femme.

 

Pour le dire autrement : La profession infirmière, la perception que l’on en a mais aussi la perception que l’on peut avoir de certains sujets de société en France restent subordonnés à des visions et à des conceptions tombées et restées dans les trappes du passé.

 

On retrouve aussi ça parmi les femmes et les hommes politiques de France. Un demi siècle après sa mort, une bonne partie des femmes et des hommes politiques qui aspirent à diriger la France sont là à aspirer ce qui reste de la momie du Général De Gaulle. Et font de la réclame pour leur parti et leur programme en se servant des actes héroïques et passés des autres (De Gaulle, Jeanne d’Arc,  Louis XIV, Napoléon, ainsi que des écrivains, des philosophes, des scientifiques qui ont marqué l’Histoire française). 

 

Les personnalités du passé qui, aujourd’hui, malgré leurs travers ou leurs crimes, servent souvent de modèles avaient une vision. Ils croyaient en l’avenir, l’anticipaient, le préparaient, s’appliquaient à «l’embellir ». Aujourd’hui, si l’on regarde les femmes et les hommes politiques qui « réussissent », ils semblent surtout se démarquer dans l’art d’élaborer des stratégies pour constituer des alliances, pour obtenir le Pouvoir, mais aussi dans l’art de faire de la récupération.

 

Des femmes et des hommes politiques qui ont une véritable vision auraient anticipé et fait le nécessaire pour éviter que la profession infirmière, et d’autres professions, soit aussi vulnérable.

Dans le journal  » Le Canard Enchaîné » de ce mercredi 23 février 2022.

 

Malheureusement, je vais aussi devoir ajouter qu’une société véritablement éclairée saurait aussi parler de la profession infirmière, mais aussi la raconter et la faire parler, à d’autres moments que lorsque ça va mal. Parce-que si l’on peut reprocher aux élites politiques de France de s’être préoccupées de surtout prendre soin d’elles, de leurs proches ou de leurs alliés, on peut aussi reprocher à celles et ceux qui diffusent l’information (donc, parmi eux, des journalistes) de parler principalement de la profession infirmière pour relater ses difficultés comme ses souffrances réelles. 

 

Dans notre pays  de grands philosophes et de grands intellectuels, on dirait qu’il est impossible, aussi, de parler de ce que la profession infirmière a réussi et réussit. On dirait que les très hauts penseurs de ce pays sont incapables de valoriser ou d’expliquer le travail qui peut être réalisé par la profession infirmière. Une profession qui, pour être exercée, nécessite moins d’années d’étude que ces élites n’en n’ont faites, élites,  qui imposent leur mainmise sur une grande partie des moyens d’expression.

 

 

Je remercie donc Télérama et tous les autres journaux ou hebdomadaires qui ont écrit ou écriront à propos de la profession infirmière. C’est nécessaire et utile. Cela apporte sans aucun doute un réconfort salutaire aux soignants qui se sentent ainsi moins invisibles et moins ignorés.

 

Mais ces articles, celui de Télérama et d’autres média, ne suffiront pas pour que la situation infirmière s’améliore.

Le Télérama numéro 3763, du 26 février 2022 au 4 mars 2022, page 18.

 

« C’était la guerre »

 

« Nous sommes en guerre… » avait dit le Président Emmanuel Macron  » De Gaulle » ( lequel, d’après les sondages, devrait être réélu cette année) pendant son  allocution télévisée pour annoncer le premier confinement dû à la pandémie du Covid ( Panorama 18 mars-19 avril 2020).

 

C’était en mars 2020. Et, je crois que je travaillais de nuit, dans le service de pédopsychiatrie où j’étais encore à cette époque. J’avais regardé une partie de cette allocution sur la télé du service alors que les jeunes hospitalisés étaient couchés.

 

Cela me paraît déjà très loin. C’était pourtant il y a juste à peine deux ans.

 

Il y a quelques jours, j’ai discuté avec une jeune collègue infirmière intérimaire. Elle doit avoir 35 ans tout au plus. A peu près l’âge de l’infirmière que l’on voit sur la couverture de Télérama. Cette jeune collègue infirmière m’a appris avoir travaillé pendant dix ans dans un service de réanimation dans un hôpital de banlieue près de chez moi que je « connais ». Quand je lui ai demandé pourquoi elle avait quitté son poste alors que, visiblement, elle aimait « ça », elle m’a parlé de la pandémie du Covid en ces termes :

 

 

«  C’était la guerre…. ». Le même mot utilisé par le Président Emmanuel Macron avant le premier confinement. Pourtant, je n’ai pas fait le rapprochement. Tout simplement parce-que le Président Macron et quelques autres n’ont pas fait la même guerre que beaucoup d’autres. Un même mot pour deux expériences opposées et très différentes.

 

 

Comme principale expérience d’un service de réanimation, j’ai uniquement les deux stages effectués durant ma formation d’infirmier. Ma mère, ancienne aide-soignante dans un service de réanimation, a connu cet univers bien plus que moi.

Néanmoins, lorsque cette jeune collègue, déjà « ancienne » infirmière de réa m’a dit que « C’était la guerre pendant la pandémie du Covid », je n’ai pas eu besoin de détails supplémentaires. A aucun moment je n’ai eu le besoin de vérifier ses propos en lui demandant des exemples. C’était immédiatement concret pour moi. Et, il était aussi indiscutable pour moi que cette jeune collègue infirmière, et ses collègues, durant la pandémie du Covid, avaient traversé des conditions de travail très difficiles. Des conditions de travail insupportables qu’elles avaient dû, pourtant, une fois de plus….supporter. Parce-que l’histoire des conditions de travail des infirmières, au moins depuis trente ans, est que, étrangement, la souffrance soignée par les infirmières semble se « transvaser » indéfiniment dans leurs propres conditions de travail. Les infirmières soignent des personnes qui souffrent. Mais il semble désormais inéluctable que pour soulager les autres, les infirmières doivent accepter de souffrir en plus en plus elles-mêmes. Et porter sur leurs épaules ces peurs, ces souffrances et cette mort que le monde des décideurs et des « winner » fuit et dont il se débarrasse au plus vite.

La souffrance et les états de faiblesse, de handicap et de mort, sont en quelque sorte des « déchets » que l’infirmière est chargée de prendre dans ses bras. « On » est bien content qu’elle soit là pour s’en occuper. Mais sans faire de bruit. « On » lui jette quantité de « déchets » sur la tête par le biais d’une colonne verticale depuis plusieurs immeubles de dix huit étages. Et, c’est à elle de se démerder avec ça. Elle est « payée » pour ça. Et, elle devrait même remercier pour cette générosité qui lui est faite d’être salariée. Alors que ce qu’on lui permet de vivre est bon pour son karma. Du reste, elle a choisi cette vie-là. Alors, qu’elle ne se plaigne pas…

 

La profession infirmière continue d’avoir l’image d’une profession de foi religieuse,  où la crucifixion serait le nirvana de l’infirmière ou de l’infirmier, alors que la société a évolué. Et que les êtres qui décident de devenir infirmières et infirmiers ont une autre conception de la vie, une autre façon de concevoir leur vie personnelle et professionnelle, qu’il y a un demi siècle.

 

Et, je peux en parler un peu. A « l’époque » de ma mère et d’une de mes tantes (sœur de ma mère), en région parisienne, il était courant qu’une soignante fasse toute sa carrière dans le même hôpital, dans un voire dans deux services.

 

 C’était il y a plus de trente ans. Où l’aspiration commune, une fois le diplôme d’Etat d’infirmier obtenu, était d’obtenir un poste de titulaire. Rares étaient les infirmières et infirmiers qui ne faisaient que « de» l’intérim ou des vacations. Lorsqu’entre 1989 et 1992, je faisais un peu d’intérim, à droite à gauche, peu après mon diplôme, parmi les autres intérimaires, je croisais surtout des infirmiers et des infirmières sensiblement plus âgées que moi et qui avaient un poste de titulaire ailleurs.

 

Autre anecdote : je me rappelle maintenant, par amour pour ma copine d’alors, être allé rencontrer à son domicile, à Paris, le poète Guillevic, autrement plus âgé que moi. Ce devait être entre 1990 et 1992. Lorsque je lui avais expliqué que je travaillais par intérim ( je vivais encore chez mes parents et avais repris des études en parallèle), celui-ci, mi-interloqué, mi-contrarié, m’avait en quelque sorte demandé si je « jouais » en quelque sorte avec le travail. J’avais alors senti chez lui une espèce de respect moral du travail salarié. On se devait à son poste de salarié. Le travail était un engagement sérieux. Et pas une sorte de « papillonnage ». A cette époque, mes missions par intérim consistaient à faire une mission d’une journée dans un service. Et, un autre jour, ou une nuit,  dans un tout autre service et dans un autre établissement hospitalier à Paris ou en région parisienne. Si l’intérim existait déja dans le monde du travail dans les années 90 d’une manière générale, il était moins répandu parmi les jeunes infirmières et infirmiers diplômés de ma connaissance. La norme, c’était d’avoir un poste fixe puisque le diplôme d’Etat d’infirmier, en région parisienne, assurait la sécurité de l’emploi. Et que c’était alors la priorité : la sécurité de l’emploi, fonder un couple, faire des enfants, acheter une maison ou un appartement si on pouvait…..

 

 

A l’inverse, depuis à peu près dix ans, environ, en région parisienne, il est devenu assez courant de rencontrer des infirmières et des infirmiers, qui, une fois diplômés, préfèrent être intérimaires et/ou vacataires. Et, concernant celles et ceux qui sont titulaires de leur poste, ceux ci sont aussi plus mobiles qu’il y a trente ans. Lorsque j’ai commencé à m’établir comme infirmier en psychiatrie il y a bientôt trente ans, j’avais travaillé avec des collègues qui pouvaient rester à leur poste cinq ans ou davantage. Aujourd’hui, selon les services, les plus jeunes infirmières et infirmiers peuvent ne rester que deux ou trois ans puis partir pour un autre service. Ou, éventuellement, demander une disponibilité.

 

 

C’est à ce genre d’information que l’on comprend, aussi, qu’une profession change, qu’une façon de l’exercer, mais aussi, de s’affirmer, diffère par rapport à avant.

 

 

Répondre à la question : « Qui prendra soin des infirmières ? »

 

Cette question en couverture de Télérama, hebdomadaire qui bénéficie d’un lectorat élargi, a l’avantage, comme on dit, de « jeter un pavé dans la mare ». C’est sans aucun doute le but après la pandémie du Covid, mal gérée, mal anticipée et mal communiquée par les élites au moins politiques, mais aussi scientifiques, de France. Mais aussi après le « scandale » provoqué par la publication récente du livre Les Fossoyeurs  de Victor Castanet. Livre que je n’ai pas encore lu. Mais dont le peu que je « sais » du contenu ne m’étonne pas :

 

J’ai fait quelques vacations, il y a plus de dix ans, dans une clinique psychiatrique gérée par le groupe Orpéa. Groupe privé mentionné dans le livre de Victor Castanet.  Et, en 1988-1989, encore élève infirmier, j’avais fait des vacations de nuit dans une clinique de rééducation fonctionnelle qui, depuis, est devenue la propriété du groupe Orpéa. J’ai donc une « petite » idée des priorités du groupe Orpéa concernant les conditions de travail des infirmières.

 

 

Et si certaines élites découvrent en 2022 avec le livre de Victor Castanet qu’il se déroule des événements indésirables et indécents dans certains établissements de santé de France, pour cause de recherche débridée de bénéfices, j’hésite entre le cynisme, l’hypocrisie ou la cécité pour qualifier leur état d’esprit.

 

 

Je crois aussi à la cécité et à l’ignorance de certaines élites concernant les très mauvaises conditions de travail dans un certain nombre d’établissements de santé publics et privés, parce-que devant cette couverture de Télérama et cette question « Qui prendra soin des infirmières ? » j’en suis arrivé à comprendre que, pour beaucoup de personnes, les infirmières font partie d’une légion étrangère.

 

La France, comme d’autres pays, est constituée de diverses « légions étrangères civiles » prêtes à donner le meilleur d’elles-mêmes. On pourrait penser que la grandeur d’un pays ou de son dirigeant se mesure- aussi- à sa capacité à honorer et à préserver « les légions étrangères » qui se démènent. Mais, visiblement, ce n’est pas avec ce genre d’objectifs en tête qu’est géré le pays dans lequel nous sommes.

 

 

Les infirmières travaillent et vivent dans le même pays que des millions d’autres personnes qu’elles croisent, soignent, accompagnent, soutiennent, sauvent. Les infirmières  protègent plus de personnes, de tous horizons, qu’elles ne peuvent s’en rappeler. Et elles sont admirées pour cela.  Pourtant, malgré ça, elles n’en demeurent pas moins étrangères à cette Nation. Les infirmières peuvent faire penser à des sauveteurs en mer qui, souvent, risqueraient leur vie personnelle et familiale, mais aussi leur santé, pour d’autres qui sont en train de se noyer. Et qui, une fois en bonne santé, oublieraient par qui ils ont été sauvés, trouvant tout à fait normal d’avoir été sauvés, alors qu’eux-mêmes n’ont jamais sauvé et ne sauveront jamais personne.

Le journal  » Le Canard Enchainé » de ce mercredi 23 février 2022. Au fond, à gauche, Eric Zemmour tentant de noyer Marine Le Pen, Présidente du Rassemblement National. A droite de ce tandem, Christiane Taubira, pour le Parti socialiste, et sa bouée, que, sur sa droite, Anne Hidalgo, Maire de Paris, également pro Parti socialiste, vient de percer avec une aiguille. Au dessus, sur le le plongeoir, Le Président Macron attendant le bon moment pour plonger dans la campagne pour les élections présidentielles qui vont débuter en avril. Devant Anne Hidalgo, Yannick Jadot, élu écologiste. Devant Jadot, Fabien Roussel, représentant du Parti Communiste Français. Au premier plan, agitant les bras, Jean-Luc Mélenchon de la France Insoumise. Derrière lui, Eric Ciotti avec son cou de Boa, n’espérant qu’une chose, que son « alliée », Valérie Pécresse, qui lui a été choisie, se noie.

 

 

Jetables, éjectables….

 

 

« Indigènes, ouvrières, colonisées, secondaires, subalternes, domestiques, négligeables, accessoires, jetables, éjectables, banlieues éloignées », on dirait que ces termes sont faciles à juxtaposer avec la profession infirmière.

 

Pour ces quelques raisons, je ne crois pas à un assaut de lucidité spontané des élites en faveur des infirmières.

Je crois que les infirmières sont les personnes les plus compétentes pour répondre à cette question posée par Télérama. Certaines ont commencé à y répondre en préférant l’intérim et les vacations à un poste de titulaire. D’autres en « faisant » des enfants. Ou en changeant de métier.

 

Si l’on regarde les élites, qui, souvent, servent de modèles, il existe d’autres réponses possibles.

Coronavirus Circus 2ème Panorama 15 avril-18 Mai 2020 par Franck Unimon

 

Franck Unimon, vendredi 25 février 2022.  

 

 

 

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Pour les Poissons Rouges

Le couple de la Saint-Valentin/ La femme dans l’homme

Paris, Bd Raspail, près de l’hôtel Le Lutétia, dimanche 13 février 2022.

  Le Couple de la Saint-Valentin/ La femme dans l’homme

 

Dans la cour du lycée, chaque fois que Khadija, d’origine kabyle, apercevait son frère aîné dans les environs, elle arrêtait de me parler et son regard se calcinait. Nous ne faisions que discuter. Son frère aîné ne s’est jamais approché. Et, elle ne m’a jamais appris ensuite qu’il lui avait fait des reproches. Mon geste le plus déplacé  à son encontre avait été de lui dire un jour :

 

«  Il te va bien, ton Jean moulant ». Je crois que cela l’avait flattée.

 

Avant les épreuves du Bac qui annonçaient la fin de la récréation de toutes nos théories et notre entrée en matière dans le monde des adultes, catastrophé, alors qu’il avait toujours été très sûr de lui, Abdelkader, très bon élève, s’était immédiatement inquiété de son futur lorsqu’il serait en couple avec sa femme qu’il ne connaissait pas encore :

 

« Mais qu’est-ce que je vais pouvoir lui raconter ?! ». Pris de « cours », je n’avais pas su quoi lui répondre. Je n’avais pas encore étudié ce programme.

 

 

Sept ans plus tard, après mon service militaire, et alors que j’avais déjà « reçu » la vie en pleine face et assez brutalement en devenant infirmier à vingt et un ans, j’avais été horrifié lorsque Tsé, une de mes collègues, m’avait appris que deux de nos collègues mariés et plus âgés avaient eu une liaison ensemble. J’avais alors totalement oublié que, enfant, régulièrement, les week-end, j’avais vu mon père découcher deux ou trois jours de suite, après s’être pomponné auparavant, une bonne heure durant, dans la salle de bain. Salle de bain dont il avait auparavant pris soin de fermer la porte à clé. C’était l’époque où ma mère m’avait appris, qu’un jour, elle quitterait mon père. Qu’elle était « jeune et fraîche ».

 

C’était aussi l’époque où mon père savait me prévenir de ne jamais me « laisser commander par une femme ». Mais, aussi, que « la femme blanche » était l’ennemie. Ce qui, ensuite, m’a beaucoup aidé dans mes relations amoureuses en France où il y a si peu de femmes blanches.

Cela, tout en étant très content de m’exhiber, comme son fils, à quelques blancs, dont une femme que nous étions, un jour, allés saluer. Cette femme, en me voyant sur le seuil de la porte de son appartement, s’était émerveillée à me voir. Et, ce, à la grande fierté de mon père. Je ne me rappelle pas de la voix ou de la présence d’un homme alors que mon père était parti me montrer à cette dame souriante et plutôt jolie pour ce que mes souvenirs d’enfant ont pu me laisser d’elle. Je devais avoir moins de huit ans. J’étais alors un mignon petit garçon. Je ne faisais alors pas encore trop chier le monde avec mes élucubrations. C’est plus tard que j’ai commencé à mettre une mauvaise ambiance en adoptant certains comportements et en ayant certains propos.

Gare de Paris St Lazare, dimanche 13 février 2022.

 

C’était il y a quarante ans ou plus. Depuis, ma mère et mon père se sont mariés. Et, ils vivent au « pays » où ils sont retournés vivre il y a quelques années.

 

« C’est vrai que, seuls, des fois, on s’ennuie » m’avait dit la mère d’une copine. « Il faut se régénérer, perpétuer son nom… » m’avait informé mon parrain, un jour où je l’avais croisé et où il avait été étonné que je n’aie « toujours pas d’enfants ». J’avais une trentaine d’années. Et, entendre qu’il fallait « se régénérer » m’avait fait ricaner plutôt qu’encouragé.

 

« Il ne faut pas attendre cinquante ans pour faire des enfants ! » m’avait indiqué un peu plus tard, à Montebello, en Guadeloupe, un de mes cousins, mon aîné de deux ou trois ans. J’avais plus de trente ans. J’étais célibataire, sans enfant. Bien que venu rendre visite, j’étais pour lui- qui avait apparemment réussi sa vie puisqu’il avait donné la vie deux fois- ni plus, ni moins, l’équivalent d’un homme sans testicules. Ou qui ne savait pas comment s’en servir.  

Nous étions chez ses parents chez lesquels il était retourné vivre, à près de quarante ans. Après s’être séparé des mères de ses deux filles. Plutôt que de rester seul dans sa maison qui était juste à côté, il me l’avait montrée du doigt. Maison qui était «fermée » m’avait-il appris. Ce cousin « expert » en vie conjugale m’avait expliqué ses séparations par le fait que:

 

« L’homme a une certaine conception de la vie… la femme en a une autre ».

 

 

Demain, c’est la Saint Valentin et l’on va à nouveau nous rappeler que l’Amour peut tout et est plus fort que tout. Lorsque j’étais célibataire, je l’ai beaucoup pensé. Que ce soit lorsque j’accumulais les histoires à la « mords moi le nœud ».  Ou lorsque j’ai concentré tant de solitude que j’étais dans une quête affective régulière. A une époque, le livre Extension du domaine de la lutte de Michel Houellebecq m’a beaucoup parlé. Comme son adaptation cinématographique ensuite par Philippe Harel avec lui-même et José Garcia dans son premier grand rôle dramatique.

 

Si j’ai rarement envié la place de ces amis et connaissances qui se sont mariés et ont ensuite fait des enfants selon un protocole bien établi avec, pour certains, l’achat de la maison, j’ai pu davantage leur envier cette impression de « complétude » affective que je voyais chez eux. Alors que moi, je devais assez régulièrement partir à la chasse afin de m’assurer un minimum de subsistance affective. Même si j’ai aussi connu des moments très agréables, tout seul, tranquillement dans mon coin. Sauf que cette solitude demeurait aussi lorsque j’avais à nouveau des besoins affectifs. 

 

J’ai aussi pu être très docte en présence des parents de certaines de mes copines. Je m’entendais bien en général avec les parents de mes copines. Et j’aimais discuter. Je me rappelle avoir placé en plein repas chez les parents d’une de mes copines, avoir lu que beaucoup de couples se séparaient parce-que la femme refusait de faire des fellations. Est-ce mon insouciance ou l’ouverture d’esprit de celle qui aurait pu devenir ma belle-mère ? Mais celle-ci s’était alors mise à rire tandis que le père, lui, n’avait fait aucun commentaire. Et ma copine, d’alors, quant à elle, ne m’en avait pas voulu. Cela n’a pas été ensuite la raison de notre séparation.

 

Aujourd’hui, je trouve que les relations entre les femmes et les hommes sont devenues encore plus difficiles. L’Amour, le désir, il n’y a rien de plus facile. C’est la partie, ou les parties, sans jeux de mots, les plus faciles d’une relation pourvu, bien-sûr, que celles-ci soient partagées.

 

Ensuite, ça se crispe lorsque la relation commence à s’établir ou cherche à s’établir. Selon les mœurs. Selon l’époque. Aujourd’hui, j’ai l’impression qu’un homme a le choix entre être parfait ou être un goret. Qu’est-ce qu’être parfait ? Personne ne le sait vraiment, c’est ça qui est drôle.

 

Gare de Paris St Lazare, dimanche 13 février 2022.

 

Est-ce qu’une personne parfaite, femme ou homme, a plus de chances qu’une autre de plaire ? Bien-sûr que non. Ce serait même plutôt le contraire. Ça, aussi, c’est drôle.

 

Récemment, j’ai prêté à une collègue la trilogie Pusher de Nicholas Winding Refn. J’attends qu’elle me donne son avis. J’ai néanmoins d’abord fait la grimace lorsqu’elle m’a dit, qu’en « échange », elle me prêterait le dernier livre de Mona Chollet, Réinventer l’amour dont j’avais entendu parler et à propos duquel j’ai lu des très bonnes critiques.

Je lui ai exprimé mes réserves. Et cette collègue s’est empressée de me rassurer.

 

Je lis très facilement, je crois, des œuvres de femmes ou ayant trait aux relations humaines comme aux sentiments. Mais il s’exprime désormais, en France, une telle exigence à propos de la façon dont doit ou devrait se comporter à peu près tout homme pour être considéré comme à peu fréquentable pour certaines femmes que je deviens méfiant devant ce type d’ouvrage qui traite de « l’Amour » tel qu’il pourrait ou devrait être entre les hommes et les femmes.

 

Par exemple, je suis désormais très suspicieux lorsqu’un homme, fut-il sincère, se déclare « féministe».  Car, pour moi, ce terme peut être une formule plus qu’une pratique. Comme les termes « communication », « gay friendly », « tolérance » « ouverture d’esprit » qui font très jolis dans une conversation et sont faciles à prononcer. Et sont à la portée de n’importe qui.  En théorie. Comme les termes « chaleureux », « familial », « démocratie », « élégance » peuvent aussi faire très joli dans une présentation ou dans un discours.

 

Certaines expériences et rencontres sont nécessaires pour évoluer et pour apprendre.  Mais pour cela, il faut au moins que deux personnes d’horizons assez différents acceptent de se rencontrer un minimum.  Alors que j’ai l’impression que pour certaines personnes, tous les Savoirs sont innés ou devraient l’être. Non. Même si l’on est volontaire, certains Savoirs doivent s’acquérir et il nous est impossible de les deviner même si ces Savoirs sont évidents pour d’autres.

 

Paris, Place de la Madeleine, Dimanche 13 février 2022.

 

 

Par exemple, certaines personnes croient encore que les enfants sont « le ciment du couple ». Et que les attentions portées en tant que parents aux enfants sont interchangeables avec les attentions portées au départ au couple. Pour ces personnes, être parents, s’occuper des enfants, justifie d’oublier tout ce qui a trait au couple et a pu donner envie à l’autre d’être en couple avec nous.  Ainsi certaines personnes ignorent ou tiennent à ignorer que l’absence ou le manque de fantaisie, la routine, le manque d’optimisme permanent ou répétitif, les tâches quotidiennes et ménagères toujours prioritaires peuvent tuer un couple ou une relation d’une manière générale. 

 

Et si l’Amour et le désir sont les stimulants du départ de feu d’une rencontre, et sont plus glamours, les peurs communes- et souvent invisibles- que l’on partage avec l’autre sont souvent plus «responsables » de ce qui nous pousse à aller vers une personne plutôt que vers une autre. Mais aussi à rester avec elle ou à la quitter.

 

La violence sexuelle meurtrière et condamnable de certains hommes vient peut-être aussi du fait que la sexualité, imposée mais aussi consentie de part et d’autre, reste un critère de jugement moral, d’estime de soi et de la valeur qui nous est attribuée. La sexualité que l’on a nous donne un certain sentiment  d’importance. Mais aussi un certain sentiment de puissance. Y compris en termes de puissance de séduction. L’expression  » être un bon coup » ou « être un bon parti » peut autant s’appliquer à un homme qu’une femme. Que l’on parle de sa valeur et de son prestige social ou de sa valeur sexuelle.

 

Si un homme violeur abuse de sa force et impose sa puissance, il est des femmes qui se sentent aussi puissantes à séduire, y compris sexuellement, des femmes ou des hommes, qu’elles désirent ou convoitent. Un film sorti récemment relate la dernière histoire de l’écrivaine Marguerite Duras avec un homme nettement plus jeune qu’elle et, d’après ce que j’ai compris, si tous deux ont pu aimer parler littérature, Duras a aussi beaucoup apprécié en profondeur le « style » du corps de son dernier amant. On doit pouvoir parler pour elle d’une sexualité résolument carnivore. Et, j’ai cru comprendre qu’Edith Piaf, aussi, avait pu aussi avoir une sexualité particulièrement vorace. Ou Amy Winehouse

Donc, la sexualité peut aussi être une arme de puissance pour une femme. Y compris pour tenir ou retenir une partenaire ou un partenaire. L’expression « tenir quelqu’un par les couilles » me semble très explicite de ce point de vue. Même si, depuis, nous avons connu un ancien Président américain qui a pu se vanter d’être incapable de s’empêcher d’attraper les femmes « par la chatte ».

 

La sexualité, que l’on soit peu ou beaucoup porté dessus, garde, je crois, tant pour les femmes que pour les hommes, une importance particulière dans les relations.

 

Rares sont les personnes, hommes ou femmes, qui se vantent ou se valorisent d’avoir peu de relations sexuelles. Au mieux, certaines personnes affirmeront que la sexualité a pour elles assez peu d’importance ou en a moins qu’à une époque de leur vie. Sauf bien-sûr si ces personnes évoluent dans un univers où la sexualité est limitée à certaines fonctionnalités telles que, au hasard, séduire une partenaire ou un partenaire afin de créer un couple, procréer. Ou si, « bien-sûr », la sexualité est perçue comme une activité amorale ou proscrite.

 

Au départ, je voulais appeler cet article La femme dans l’homme. En m’inspirant un peu de la réponse de l’artiste Catherine Lara à cette question qui lui avait été posée il y a plusieurs années :

 

« Que regardez-vous en premier chez un homme ? ».

Réponse de Catherine Lara : «  Sa femme ».

Paris, dimanche 13 février 2022, Bd Raspail.

 

 Puis, je me suis dit qu’un titre pareil- La femme dans l’homme- était un petit peu trop vieux jeu. Ou que cela ferait « trop » typé hétéro. Puisqu’aujourd’hui, on parle plus facilement de relations amoureuses entre deux personnes du même sexe, mais aussi d’un autre « genre ». J’ai appris récemment que le terme « cisgenre » est un terme qui serait moins discriminant à employer afin d’éviter d’exclure toutes les personnes qui sont extérieures ou étrangères aux normes hétérosexuelles standards.

 

Pourtant, malgré mes « efforts », cet article apparaîtra encore trop normé et trop guindé pour certaines Valentine et certains Valentin. Mais, au moins, aurais-je essayé d’aborder ce sujet de l’Amour avec mes propres pensées et sincérité. Sans me contenter de réciter.

 

Bonne Saint Valentin !

 

Franck Unimon, ce dimanche 13 février 2022.

 

 

 

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Cinéma self-défense/ Arts Martiaux

Les Maîtres de l’Aïkido

Photo de couverture : Morihei Ueshiba au Kobukan Dojo en 1931 à 48 ans. Photo en médaillon : Morihei Ueshiba à l’Aïkikai Hombu Dojo en 1967 à l’âge de 84 ans.

 

Les Maîtres de l’Aïkido (élèves de Maître Ueshiba Période d’Avant Guerre) : Interviews recueillies par Stanley A.Pranin

 

Il existe un contraste saisissant entre l’admiration très haute encore portée à Maître Morihei Ueshiba ( décédé en 1969), fondateur de l’Aïkido, art martial créé au vingtième siècle, par les pratiquants ou les adeptes de l’Aïkido. Et l’image publique de l’Aïkido au moins dans le monde du « combat » sous ses diverses déclinaisons :

 

« Ce n’est pas efficace ». « C’est de la danse ».

 

Ces propos pour définir l’Aïkido sont devenus tellement banals qu’ils sont pratiquement devenus l’équivalent d’un sixième sens. C’est une évidence. Sans même avoir particulièrement pratiqué l’Aïkido, si l’on doit s’orienter vers un art martial ou un sport de combat efficace en matière de self-défense, on choisira plutôt une discipline aux rapports et contacts explosifs, directs, frontaux, brutaux et incapacitants qui nous convaincra, à condition bien-sûr de survivre à l’entraînement comme à son intensité cardiaque, qu’avec quelques coups bien placés, on pourra (se) sauver la mise en cas de rencontre avec un ou plusieurs agresseurs.

 

 Aucun des grands champions actuels ou de ces vingt à trente dernières années, femme ou homme confondus, ne se réclame de l’Aïkido. Que ces combattants évoluent dans des épreuves « traditionnelles » pour un match de boxe, sur un tatamis ou en Free Fight, on entendra souvent formulées dans leur CV des disciplines telles, dans le désordre, que le Ju-Jitsu brésilien, le Pancrace, la Boxe Thaï, la boxe anglaise ou française, le Judo, la lutte, le Sambo, le Pancrace, le Penchak silat, peut-être le Krav Maga ou le Sistema, peut-être le Karaté, peut-être le Kung-Fu.

 

Mais rarement, voire jamais, l’Aïkido.

 

Regards sur l’Aïkido dans la rue et au cinéma

 

 

Si l’on parle du Judo, on peut tomber sur un stade portant le nom du judoka Teddy Riner, judoka français, plusieurs fois champion olympique, multiple champion du monde, et encore en activité. J’ai fait cette découverte cette semaine, alors que j’ai dû changer d’itinéraire pour me rendre au travail vu qu’il se trouvait un colis suspect dans un train à la gare d’Argenteuil. Après avoir pris le bus 140 depuis la gare d’Argenteuil, j’ai ensuite dû me rabattre vers la ligne 13 du métro à Asnières pour me rendre au travail. Là, j’ai découvert ce stade Teddy Riner.

 

 

Je ne connais pas, pour l’instant, de stade Multisports ou de gymnase qui porte le nom de Morihei Ueshiba.

 

Si l’on parle Kung-Fu, plusieurs années après sa mort ( en 1973, soit « seulement » quatre ans après celle de Morihei Ueshiba) l’aura de Bruce Lee reste intacte. Même des journalistes intellectuels émargeant dans les Cahiers du cinéma pourraient raconter dans un livre l’émotion qu’a constituée, plus jeune, pour eux, le fait de voir Bruce Lee au cinéma. En outre, depuis son décès, d’autres personnalités ont perpétué ce prestige du Kung-Fu. Jackie Chan, Jet Li,  Donnie Yen ou des productions cinématographiques américaines telles que Matrix ou Kill Bill voire « françaises » ( Crying Freeman, 1995, par Christophe Gans avec l’acteur/artiste martial Mark Dacascos). Sans oublier bien-sûr d’innombrables productions asiatiques telles The Grandmaster ( 2013) de Wong-Kar WaiThe Assassin ( 2015) de Hsou Hsia Hsien ou encore The Blade ( 1996) de Tsui Hark. Et bien d’autres.

 

Le Karaté ne semble pas souffrir d’une trop grosse décote dans la perception que le grand public en a. En outre, souvent, Kung Fu et Karaté se confondent dans l’esprit de beaucoup de personnes.

 

Le Penchak Silat, art martial indonésien, effectue une percée depuis quelques années au moins depuis le film The Raid ( 2011) avec l’acteur  Iko Uwais. Acteur/artiste martial que l’on peut revoir dans 22 Miles ( 2018) de Peter Berg aux côtés de Mark Whalberg, John Malkovich, Ronda Rousey ( ex championne du monde Free Fight, mais aussi ex-médaillée olympique de Judo auparavant…), Iko Uwais sera apparemment dans Expandables 4 en 2022.

 

 

S’il existe des modes qui poussent davantage le grand public vers certains styles de combat, disons que certaines méthodes de combat déjà « connues » telles que la boxe (thaï, anglaise, française), le judo voire le karaté restent des expériences incontournables au moins pour débuter.

 

Alors que du côté de l’Aïkido, cela se passe différemment. D’abord, d’un point de vue cinématographique, il faut peut-être remonter jusqu’à Steven Cigale ( Seagal, bien-sûr) dans les années 90 pour avoir un héros d’un film à grand succès, adepte de l’Aïkido. Mais Seagal a laissé bien moins de souvenirs qu’un Bruce Lee, qu’un Jackie Chan, qu’un Jet Lee ou qu’un Jean-Claude Vandamme. Donc, concernant la perception de l’Aïkido au cinéma, il y a un déficit grandiose en termes d’images. Aujourd’hui, même l’acteur Jason Statham, que ce soit dans Le Transporteur ou dans Expendables, est bien plus connu que Steven Seagal. Idem pour Keanu Reeves/ John Wick ou Tom Cruise/ Jack Reacher. Aucune de ces grandes vedettes anglo-saxonnes ne pratique devant la caméra un art martial permettant d’identifier ou de penser à l’Aïkido.

 

Par ailleurs, Steven Seagal a peu œuvré pour la crédibilité de l’Aïkido en tant qu’art martial mais aussi comme art….de vivre. Et en parlant « d’art de vivre », on se rapproche de ce qui explique sans doute, aussi, en partie, ce qui peut rebuter dans l’apprentissage mais aussi dans la découverte de l’Aïkido.

 

On peut se battre mais on ne peut pas se battre

 

L’art de vivre, c’est autant la façon de combattre. Que la façon de percevoir le monde et son entourage. Et, dans ces quelques domaines, on peut dire que l’Aïkido tranche beaucoup avec la plupart des arts martiaux, disciplines et formes de combats citées précédemment. Puisqu’à la percussion et au rentre-dedans de ces autres disciplines où le KO ou le Ippon peut être recherché de façon compulsive, l’Aïkido préfère « l’harmonisation » avec l’opposant. Mais, aussi, l’absence de compétition. Donc, on peut se battre. Mais on ne peut pas se battre. Dans un monde où il s’agit d’être le meilleur ou de dominer, l’Aïkido détonne. Surtout lorsqu’on le connaît très mal.

 

La cérémonie du thé

 

Ainsi, Maitre Takako Kunigoshi, née en 1911, la seule femme interviewée parmi les Maitres, a arrêté de pratiquer et d’enseigner l’Aïkido depuis des années lorsque Stanley A. Pranin vient la rencontrer à son domicile d’abord en 1981 puis en 1992. Elle vit alors dans une semi-retraite et donne des cours de Cérémonie du Thé. Une activité qui n’a a priori rien de martiale pour le profane. Jusqu’à ce qu’elle affirme au cours de l’interview :

 » Je passe la plus grande partie de mon temps à pratiquer la cérémonie du thé, mais quand je tiens la louche en bambou, c’est comme si je tenais un sabre. J’ai cette sensation et je me souviens de ce que O-Sensei nous disait. Que ce soit la cérémonie du thé ou l’arrangement floral, il existe des points communs avec l’Aïkido car le ciel et la terre sont faits de mouvement et de calme, de lumière et d’ombre. Si tout était continuellement en mouvement il y aurait un complet chaos ». 

Et, plus tard, Maitre Takako Kunigoshi conclut :

 

 » (….) je suis persuadée que toutes les nations du globe ont accès à la même vérité. Quand le soleil brille, il y a forcément des ombres. Je pense que l’on peut dire la même chose des arts martiaux ».

 

Kendo et Aïkido 

 

Le Kendo, art martial à la pratique assez confidentielle qui a des points communs avec l’Aïkido, a pour lui  les assauts physiques visibles, audibles et puissants. Alors qu’avec l’Aïkido, on a l’impression que tout se passe ou se passerait en douceur. Comme si l’Aïkido consistait à tomber d’un arbre en se détachant d’une branche à la façon d’une feuille. Ce qui est difficile à faire concilier avec la soudaineté et la violence des attaques et des agressions du monde.

 

Un temps d’apprentissage fastidieux

 

Et puis, il y aussi un autre aspect qui rebute dans l’Aïkido. Et tout enfant en nous a sans doute connu ça, si, un jour, il a eu à choisir entre le judo, le karaté, la boxe thaï ou l’Aïkido. L’Aïkido prend du temps. Il est assez difficile de sortir du premier cours en se disant que l’on a maitrisé une technique. Autant, en judo, en karaté ou en boxe thaï, on peut avoir l’illusion d’apprendre très vite et de voir rapidement nos progrès, autant en Aïkido, le temps d’apprentissage peut devenir fastidieux. Décourageant. Frustrant. Très technique, très exigeant, l’Aïkido refuse sans doute durement les erreurs de placement comme d’intention. Alors que dans d’autres disciplines, on peut plus facilement  masquer ou compenser – ou essayer de le faire- nos lacunes techniques par notre engagement physique et notre « combativité ».

 

Quelques Maitres actuels qui s’y « connaissent » en Aïkido

 

Je parle d’Aïkido mais je n’en n’ai jamais pratiqué. J’ai lu à son sujet. J’ai croisé deux ou trois personnes, deux ou trois Maitres, encore vivants, qui, eux, le pratiquent et l’enseignent chacun à leur manière à Paris et ailleurs :

Maitre Jean-Pierre Vignau ( Arts Martiaux : un article inspiré par Maitre Jean-Pierre Vignau), Maitre Régis Soavi ( Dojo Tenshin-Ecole Itsuo Tsuda/ séance découverte), Maitre Léo Tamaki (Dojo 5).

C’est du reste en lisant une des interviews réalisées par Maitre Léo Tamaki que j’ai fait la connaissance de Maitre Jean-Pierre Vignau avec lequel j’ai commencé à pratiquer depuis deux semaines. Et c’est en lisant ou en regardant, je crois, une interview de Maitre Léo Tamaki que j’ai entendu parler pour la première fois de Stanley A. Pranin et de cet ouvrage. C’est aussi en regardant une vidéo d’une rencontre entre Greg MMA et Léo Tamaki et en écoutant celui-ci faire un peu l’historique de l’Aïkido que j’ai commencé à avoir une autre perception de l’Aïkido et à davantage le voir pour ce qu’il est à l’origine : un Art martial. 

L’association de la pratique d’un haut niveau, d’une bonne culture concernant la discipline enseignée et d’un goût pour la pédagogie me semble bien définir Maitre Léo Tamaki.

C’est ce que je recherche chez un Maitre ou un enseignant. Aptitudes que j’ai aussi trouvées chez Maitre Jean-Pierre Vignau ainsi que chez Maitre Régis Soavi. Mais aussi chez Yves,  Jean-PierreCarmelo et d’autres moniteurs d’apnée ( ou de plongée) rencontrés dans le club d’apnée – et ailleurs- où je m’entraîne aussi. Ou chez Jean-Luc Ponthieux, mon ancien prof de guitare basse au conservatoire d’Argenteuil. Lorsque je croyais encore pouvoir apprendre à en jouer. Sans pratiquer régulièrement et avec les autres….

 

Quelques enseignements de ce livre de Stanley A. Pranin

 

Ce livre d’interviews paru en 1993 dans sa version anglaise puis en 1995 dans sa version française est désormais assez difficile à trouver. On le trouve en seconde main à un prix assez élevé. J’ai acheté le mien environ 60 euros. Je ne le regrette pas.

 

La plupart des personnes, pour ne pas dire pratiquement toutes celles interviewées et impliquées dans cet ouvrage, ainsi que l’intervieweur, Stanley A. Pranin, sont désormais décédées ce vendredi 11 février 2022 alors que débute la rédaction de cet article.

 

Et ces personnes sont décédées depuis plusieurs années. ( Stanley A. Pranin, né en 1945, est lui-même décédé en 2017). Elles n’entendront jamais parler de la pandémie du Covid, de Gérald Darmanin, du pass vaccinal….

 

Mais grâce à Stanley A.Pranin, à son abattage et à sa culture considérables au moins dans le domaine de l’Aïkido, abattage et culture dont ce livre rend très bien compte, on apprend un peu mieux ce qu’est ou peut-être l’Aïkido. Car l’Aïkido, finalement, reste un art mystérieux. Voire « fantôme ». 

 

 

Premier enseignement : une certaine polyvalence martiale.

 

Cela m’a pris du temps pour le comprendre et cela se vérifie à nouveau avec ces Maitres interviewés (une seule femme parmi ces Maitres, Maitre Takako Kunigoshi, c’est dommage et cela rend aussi son témoignage d’autant plus important) qui ont été élèves de Maitre Ueshiba avant la Seconde Guerre Mondiale :

 

Tous les Maitres d’Arts martiaux, quelle que soit la discipline ou l’Art martial qu’ils décident ensuite d’enseigner, ont souvent un gros bagage d’expériences dans plusieurs arts martiaux ou techniques de combats. « Gros bagage », cela signifie qu’ils ont souvent un bon voire un très bon niveau dans d’autres disciplines martiales. Niveau obtenu au moins grâce à une certaine quantité d’entraînements. Dans ce livre, on apprend par exemple que les Uchideshis s’entraînaient…quatre fois par jour. Et on ne parle là que de leur pratique de l’Aïkido avec Maitre Ueshiba. On ne parle pas du vécu martial qu’avaient déjà ces uchideschis avant de rencontrer Maitre Ueschiba. La plupart de ces Maitres avaient souvent débuté enfants leur apprentissage martial. Et on parle d’un peu plus que deux à trois séances d’entraînement.

Ainsi, Maitre Ueshiba, avant de faire la rencontre de Maitre Sokaku Takeda qui allait lui enseigner le Daito-Ryu, un art martial six fois centenaire et secret, qui, en grande partie, allait lui inspirer l’Aïkido, avait auparavant vécu diverses expériences martiales soutenues. Un des Maitres interviewés décrivant Maitre Ueshiba comme une personne qui écumait en quelque sorte les lieux d’enseignement martial. Tant il aimait ça ! Par ailleurs, Maitre Ueshiba avait pu compter sur le soutien moral mais aussi financier de son père et d’un de ses oncles. Tant pour faire venir et  héberger un professeur de judo émérite et réputé à la maison pour des cours particuliers. Que pour faire construire un dojo pouvant permettre à Maitre Ueshiba, devenu adulte, de pratiquer et d’enseigner dans de bonnes conditions.

 

A cette ferveur martiale, Maitre Ueshiba allait ajouter une ferveur religieuse au travers de la secte religieuse Omoto suite à sa rencontre avec le prédicateur Onisaburo Deguchi. A la lecture de cet ouvrage, on comprend que les deux ferments de cette ferveur ont beaucoup contribué à transformer Maitre Ueshiba en ce futur fondateur de l’Aïkido qu’il est ensuite devenu. 

 

Second enseignement : une ferveur martiale et spirituelle.

 

Car tous ces Maitres interviewés par Stanley A. Pranin se caractérisent par un engagement profond dans l’apprentissage de leur pratique. Non seulement, elles et ils s’entraînaient régulièrement. Mais, en plus, avec implication. L’esprit « il fait froid et il pleut aujourd’hui, je n’ai pas trop envie de sortir m’entraîner » ne faisait pas partie d’eux. On parle ainsi, au moins, de Maitre Gozo Shioda ( également interviewé dans ce livre) qui venait au cours « religieusement ». Mais aussi du même, qui, comme d’autres Uchideshis, avait « les larmes aux yeux » – tant l’entraînement pouvait être douloureux- lorsqu’il servait de Uké à Maitre Noriaki Inoue dont l’interview ouvre le livre.

 

Le jour du « Shinaï »

 

Par ailleurs, les élèves étaient incités à donner constamment le meilleur d’eux-mêmes. L’entraînement pouvait être sévère, sans doute militaire, voire humiliant. Un des Maitres (Maitre Kiyoshi Nakakura )raconte comment il avait été brutalement puni pour, négligemment, peut-être sous l’effet de la fatigue, avoir marché sur le shinaï d’un de ses camarades. On est donc très loin d’une expérience du sport loisirs ou du sport Fitness ou Crossfit telle qu’elle s’est développée dans les pays occidentaux depuis les années 80. Ou il s’agit principalement de perdre des calories, de sculpter sa silhouette pour des raisons esthétiques et narcissiques. Et non d’apprendre à vivre ou à se connaître, en quelque sorte.

 

Pour se faire une idée du quotidien d’un Uchideshi, un élève qui reste sur place auprès du Maitre qui l’accepte et le forme, on peut se procurer le livre de Maitre Jacques Payet, Uchideshi ( Dans les pas du Maître), paru en 2021. Maitre Jacques Payet a été un des élèves de Maitre Gozo Shioda pendant cinq ans dans les années 80 durant cinq ans au Japon. Pour cela, Jacques Payet avait quitté La Réunion, son île natale, alors qu’il ne parlait pas ou très peu Japonais. J’ai aimé lire son livre il y a plusieurs mois. Un livre que je n’ai malheureusement pas-encore- pris le temps de chroniquer pour l’instant. Car j’avais alors opté pour parler d’un livre consacré à l’actrice… Béatrice Dalle ( Que Dalle un livre sur l’actrice et comédienne Béatrice DalleBéatrice DalleBéatrice Dalle, trois fois..)

 

Espérons que cette distraction ne me portera pas préjudice. Et que je n’aurai pas à connaître pour cela le même châtiment que Maitre Kiyoshi Nakakura «  le jour du Shinaï ».

Pour l’instant, à Paris, pour le peu que j’ai vu, c’est au Dojo Tenshin-Ecole Itsuo Tsuda de Maitre Régis Soavi, que l’on se rapproche le plus, de manière atténuée, du quotidien d’un Uchideshi « traditionnel ». Pour les horaires matinaux des cours ( à 6h30, en semaine, à 8h les week-end)du lundi au vendredi. Pour l’implication personnelle des pratiquants dans l’entretien et la vie du lieu. ( Dojo Tenshin-Ecole Itsuo Tsuda/ séance découverte et Trois Maitres + Un).

 

Enfin, dans Les Maitres de l’Aïkido, on comprend facilement en lisant les réponses et les témoignages de ces Maitres- et de Maitre Takako Kunigoshi– que l’Aïkido qu’ils pratiquaient n’avait strictement rien à voir avec cette « danse » à laquelle il peut être aujourd’hui régulièrement associé. Et que c’est un art martial « efficace » pour qui le maitrise et le comprend.

 

Un ami des chiens

 

Dans son interview, Maitre Gozo Shioda raconte par exemple comment, à une époque, il allait s’entraîner au petit matin, en allant en quelque sorte défier des chiens sauvages du voisinage. Il évoque le fait d’avoir été mordu quelques fois et parle aussi de ce moment où les yeux des chiens deviennent « vitreux », expliquant que cela signifie qu’ils vont attaquer. Et, lorsqu’ensuite, Maitre Gozo Shioda regrette la mort de ces chiens, il est difficile de savoir s’il est triste d’avoir perdu des « compagnons » d’entraînement. Ou s’il regrette d’avoir dû les tuer lors d’un de ses entraînements. Quoiqu’il en soit, ce genre d’anecdote, racontée en toute simplicité, contredit la vision de l’Aïkido comme étant un art martial inoffensif. Car, à ce jour, je n’ai pas encore entendu parler d’un pratiquant de boxe anglaise, de Krav Maga, de Pancrace, de Ju-jitsu brésilien ou autre qui serait régulièrement parti au petit matin afin de s’entraîner à combattre, seul et à mains nues apparemment, des chiens errants.

 

 

Aïkido et Zen

 

L’interview de Maitre Kisshomaru Ueshiba, un des fils de Maitre Ueshiba, clôture l’ouvrage. Maitre Kisshomaru Ueshiba est celui qui a prolongé l’œuvre de son père et a contribué à la reconnaissance internationale de l’Aïkido. Que ce soit par des enseignements, des ouvrages ou en autorisant le départ d’instructeurs japonais à l’étranger.

Dans son interview, pleine de franchise, franchise également présente dans les autres interviews, Maitre Kisshomaru Ueshiba souligne l’importance de la spiritualité dans la pratique de l’Aïkido.

 

Ainsi, il dit vers la fin de son interview (synthèse d’interviews réalisées à son domicile entre 1978 et 1988) :

 

« Mon Aïkido insiste sur l’esprit ( Kokoro). En Aïkido, le mental est important. Mon père avait crée cette discipline comme une voie chevaleresque qui ne comprenait aucune compétition ».

 

(….) « D’une certaine manière, il existe une correspondance entre l’Aïkido et le Zen. Notre discipline implique un complet changement des formes mentales (….) ».

 

J’aimerais que cet article puisse contribuer à restaurer l’image de l’Aïkido mais aussi à mieux comprendre l’un des buts des Arts Martiaux qui consiste aussi à apprendre que : Toujours chercher à être ou à devenir le plus fort ou la plus forte, c’est aller à sa perte.

 

 

Franck Unimon, ce vendredi 11 février 2022.

 

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Musique

Les rappeurs Joey Starr, Orelsan et Tricky : quelques idées pour réussir

Gare du Nord, ce lundi 31 janvier 2022.

 

 

 Les rappeurs Joey Starr, Orelsan et Tricky : quelques idées pour réussir

 

Ces derniers temps, Orelsan est le rappeur ou l’un des rappeurs français dont on parle le plus et le «mieux ». Même le Président Macron, qui va sans doute se représenter lors des prochaines élections présidentielles d’avril 2022, tenait des propos élogieux à son sujet à la fin de l’année dernière. Comparant Orelsan à un « sociologue » décrivant bien la société française.

Interrogé au sujet de cette flatterie présidentielle, alors qu’il faisait la promotion de son dernier album, Civilisation,  Orelsan a répondu quelque chose comme :

« Il ( le Président Macron) ne serait pas en train de gratter mon buzz ? ».

Avant de réussir et d’être ce rappeur à propos duquel, désormais, beaucoup de monde est content de dire : «  Je l’admire », Orelsan a beaucoup douté. Je le sais comme d’autres car j’ai un peu lu sur lui. Auparavant. Sans trop insister.

 

Lorsque mon petit frère de 14 ans mon cadet, qui a grandi dans le Rap, m’avait offert à Noël il y a trois ou quatre ans maintenant, un album d’Orelsan, je l’avais un peu écouté. Mais, d’une part, avant d’écrire cet article, lorsque j’ai cherché ce cd, j’ai dû constater qu’il n’était plus là où je l’avais initialement rangé. A un endroit facile d’accès. Ce qui signifie que je l’ai rangé avec d’autres cds, dans un carton. Et, d’autre part, j’ai oublié le titre de cet album. Je me rappelle d’Orelsan sur la pochette, attendant à une station de bus en tenue de ninja. Tenue que j’avais trouvée modérément appropriée. A la fois car il est courant que des rappeurs se réclament des Arts martiaux. Mais, aussi, parce-que je trouvais que ces habits ne lui allaient pas. Je me rappelle aussi d’Orelsan derrière une vitre humidifiée. 

On comprend donc facilement qu’Orelsan, aujourd’hui salué et reconnu pour son originalité, ses vertus de rappeur et la qualité de ses textes, ne m’avait pas particulièrement marqué. Alors que cet album, déjà, contenait plusieurs titres que bien des amateurs de Rap, et d’ailleurs, citeront comme des références, tout en s’étonnant de mon ignorance voire de mon handicap psychique et auditif total et évident.

Même si, depuis, j’ai quand même commencé à goûter des textes et des vidéos de l’artiste Orelsan, je vais choisir de continuer de m’enfoncer encore un petit peu plus à parler de lui, de Joey Starr et du Rap en général.

 

Aujourd’hui, tout le monde écoute du Rap. Je ne vais pas prétendre le faire autant que d’autres parce-que je respecte le Rap. Mais, aussi, parce-que, pour moi, écouter de la musique, cela se fait « sérieusement ». En profondeur plutôt qu’en passant. Je n’ai jamais aimé le terme de « musique d’ambiance » ou de « musique d’ascenseur ». Encore moins de « musique de chiottes ».

Or, je sais que je n’ai pas, à ce jour, consacré ou pu consacrer toute mon attention au Rap comme je l’aurais pu ou l’aurais dû. Pour cet article, je vais donc conserver le statut de celui qui sait à moitié de quoi il en retourne lorsque l’on parle de Rap. 

 

Ce faisant, je continuerai de triquer la musique de l’artiste Tricky dont je réecoute et découvre des titres en ce moment.

 

Puisque, selon moi, cela est compatible avec le fait de parler davantage, ici, de Joey Starr et Orelsan. Tricky est du reste un artiste que je vois très mal l’un ou l’autre me reprocher d’écouter. Non seulement il m’est déja arrivé de me dire que Joey Starr et Tricky ont une certaine ressemblance physique. Ensuite, pour sa façon qu’a Tricky d’être envouté par sa propre musique, comme pour ses compositions, je ne peux qu’imaginer Joey Starr et Orelsan plutôt adeptes de la « filière » Tricky. Reste à savoir si toutes celles et tous ceux qui, aujourd’hui et demain, écoutent Joey Starr et Orelsan savent qui est Tricky. Mais cela n’est pas directement le sujet de l’article…

 

 

Cette nuit, dans un de ces moments d’égarement devenu fréquent pour tout individu « connecté », je me suis laissé aller à regarder des rubans d’images et de vidéos. Parmi elles, une intervention de Joey Starr, qui, cinq minutes durant, revenait sur quelques uns des titres qui ont « fait » l’histoire du groupe NTM.  

NTM  : Groupe de Rap aujourd’hui devenu « mythique » ? « Iconique ? » « Intergénérationnel ? ».

Au point qu’aussi bien des personnes qui l’ont connu en activité que des biens plus jeunes le citent comme faisant partie des groupes de Rap qui ont compté et continuent de compter. Là, aussi, c’est ce que l’on appelle la réussite. Et si cette réussite revêt maintenant le panache des pionniers et des anciens, on peut facilement concevoir que plus tard, bien des personnes parleront d’Orelsan et d’autres rappeurs et chanteurs actuels avec le même reflux de dynamisme et de nostalgie : 

Aya Nakamura, Niska, Maes, PNL, SCH, Ninho, Soprano, Damso,  et beaucoup d’autres. 

 

Dans cette vidéo où l’on voit Joey Starr parler de quelques uns des titres de NTM – c’était apparemment avant la sortie du film Suprêmes d’Audrey Estrougo ( sorti en novembre 2021) que Starr cite un moment- il lui est demandé qui, parmi les nouveaux rappeurs, il écoute. Starr finit alors par citer :

«  Orelsan ».

 

Si Orelsan ne fait pas partie de ma catégorie d’âge, Joey Starr, si. A un ou deux ans près. Je reste convaincu que si nous avions habité dans la même cité que nous nous serions connus de vue :

Dans la cité où j’ai grandi à Nanterre, je connaissais de vue, de nom ou de réputation, certains jeunes « durs » ou « voyous ». La fascination qu’ils exerçaient, avant de se faire rattraper par les tridents de la Loi, de l’échec scolaire ou des substances était suffisante pour qu’ils soient connus. Sans oublier cette impression de liberté et de force qui se dégageaient d’eux ou qu’on leur prêtait.

Dans ma jeunesse, j’ai donc connu « des » Joey Starr. Mais ils ne faisaient pas de Rap. Ils ne sont pas devenus célèbres. Ou s’ils l’ont été, cela a peu duré et cela s’est ensuite très mal terminé pour eux. Au point de finir par se faire oublier. Leur jeunesse ayant été sans doute leur acmé fut-il fait d’actes et de comportements hors-la-loi.

 

Mais, moi, comme la majorité des jeunes et sûrement aussi comme la majorité de ces personnes qui écoutent aujourd’hui du Rap, j’ai toujours respecté la loi. J’ai toujours obéi et marché droit. C’est la raison pour laquelle je crois que plus jeune, si nous avions fréquenté la même cité, Joey Starr et moi n’aurions pas été amis ou proches. Je l’aurais peut-être même fui. Par peur ou par jugement moral. Et lui, comme d’autres, m’aurait perçu comme un petit intello de plus ou de trop. 

 

Une peur et un jugement moral qui m’ont suivi même, lorsqu’adulte, le groupe NTM, dans les années 90, a commencé à faire parler de lui.

Je me rappelle encore un peu de ce jour, où j’avais eu à choisir entre :

 

Me rendre à un concert de NTM. J’avais acheté leur album j’appuie sur la gâchette ( sorti en 1993. J’avais 25 ans, et, grâce à mon métier d’infirmier avais alors commencé à m’insérer en trouvant en psychiatrie une discipline qui me plaisait).

 

Et un concert de Me’Shell Ndégeocello après son premier album : Plantation Lullabies.

 

 Si j’avais été dans une bande ou avais connu un groupe d’amis solidaire et curieux d’aller à ce concert, peut-être me serais-je risqué  à aller voir NTM. Après être allé voir le gentil Mc Solaar (que j’aimais beaucoup alors mais dont la prestation sur scène m’avait déçu car trop molle) au Zénith. Et avant d’aller voir I AM à l’Olympia à l’époque de je danse le Mia (un des meilleurs concerts auxquels je sois allé).

 

Mais j’allais seul en concert et avais été plus rassuré par le public de MeShell Ndegeocello. Son concert à l’Elysée Montmartre avait d’ailleurs été très très bon. Artiste que je suis ensuite retourné voir deux ou trois autres fois en concert.

MeShell Ndegeocello, moins connue en France que Joey Starr et Orelsan, mais sûrement connue par au moins l’un des deux (puisque une grande culture musicale est souvent une des caractéristiques des artistes qui « marchent » quel que soit leur genre musical) est une artiste bien plus qu’honorable :

 

Chanteuse, poétesse, rappeuse, bassiste, claviériste, compositrice, elle a joué au moins avec les Rolling Stones, Marcus Miller et, de plus, aujourd’hui, fait figure de féministe militante et LGBT. Donc, MeShell Ndegeocello est tout sauf une artiste de surface.

 

 

Sauf que, ne pas aller à ce concert de NTM, dans les années 90, c’est quand même rater un sacré coche. Parce qu’il m’a fallu du temps pour comprendre l’importance du groupe dans ma vie. Pour dépasser certaines images défavorables du groupe.

 

 

Rencontrer Joey Starr

 

Comparativement à Joey Starr, Orelsan fait plus fréquentable. Il fait plus attention à son image que Joey Starr au même âge. Il a par ainsi gommé la casquette de sa présentation après s’être aperçu que certaines personnes restaient « bloquées » devant un jeune en casquette.

 J’avais aussi oublié qu’il était ce rappeur, qui, il y a presque dix ans, avait fait polémique avec un titre considéré comme misogyne. Un titre que je n’ai pas vraiment écouté. Comme d’autres rappeurs avant lui, Orelsan avait choqué avec un titre et il avait plus été question de ce titre et du sens à donner à son texte qu’au reste de sa discographie. Le groupe Ministère Amer ou le rappeur Disiz La Peste étaient aussi passés par là.

 

Pour NTM, le scandale passait- aussi- beaucoup par les frasques de Joey Starr : frapper un singe dans une cage, insulter une hôtesse de l’air, se battre dans la rue, faire de la prison, prendre des substances, son ancienne relation avec Béatrice Dalle etc….

 

Au point que, pour moi, il était évident que cet homme peu recommandable mourrait jeune. Telle était la sanction morale et pudibonde qui l’attendait d’après ce que j’avais alors compris de l’existence.

 

Mais Joey Starr a survécu. Et moi, aussi. 

Il était également vivant ce jour où je l’ai croisé. La seule fois, à ce jour. C’était en 2007  vraisemblablement. Au festival Furia, aux étangs de Cergy-Pontoise. Festival qui n’existe plus aujourd’hui.

Joey Starr, après la « dissolution » de NTM continuait une carrière en solo. C’était  avant son rôle dans la série Mafiosa ( 2008). Avant son rôle dans le film Polisse ( 2011) de Maïwenn. Film que je verrais d’ailleurs au festival de Cannes, sans pouvoir l’interviewer, car l’attaché de presse du film n’aimait pas le journal cinéma pour lequel j’écrivais alors, journal cinéma aujourd’hui disparu : Brazil.

 

Octobre, 2019, au centre Joey Starr, à sa droite, Béatrice Dalle, aux moments des saluts, à la fin de la pièce « Elephant Man » que j’étais allé voir aux Folies Bergères.

 

Aujourd’hui, on peut trouver normal de voir Joey Starr acteur, au théâtre ou à la télé. Mais, à cette époque, en 2007, Joey Starr -ou simplement le fait d’être rappeur-, en France,  ne rimait pas du tout avec le fait d’être comédien de théâtre ou acteur de cinéma. Mc Solaar, rappeur « chouchou » des média, était du reste allé au festival de Cannes, en tant que membre du jury, plusieurs années avant Joey Starr. En 1998, au sein du jury présidé par Martin Scorsese.  Et, autant que je me souvienne, Mc Solaar, malgré son élégance, n’a jamais fait d’apparition marquante par la suite ou carrière dans le cinéma ou sur des planches de théâtre. Alors que Joey Starr, dans ces domaines, fait aujourd’hui figure d’exemple mais aussi d’exception. Il est ainsi, en France, le premier rappeur à avoir réalisé ce grand écart avec autant de réussite entre son univers artistique d’origine ( le Rap) et le cinéma, le théâtre et la télé. 

 

Joey Starr, quittant la scène, oct 2019, aux Folies Bergères, après voir joué le rôle « d’Elephant Man ».

( Voir l’article Elephant Man ). 

 

 

Hormis peut-être Eddy Mitchell ou Marc Lavoine, que je trouve aussi bons acteurs que chanteurs, il faut ensuite regarder plutôt aux Etats-Unis pour voir une carrière à peu près équivalente d’un chanteur ou rappeur qui a, par ailleurs, une carrière cinématographique notable. Je pense d’emblée, au choix, soit à Harry Connick Jr ou à Common. 

Mais en 2007, en France, Joey Starr était encore Joey Starr. Un rappeur ainsi qu’un bonhomme incontrôlable qui faisait peur ou qui pouvait encore faire peur. En tout cas, en 2007 , avant même son arrivée sur le festival Furia, il m’avait indirectement fait peur ainsi qu’à certaines personnes de l’organisation du festival.

 

Grâce à un ami, Luc Rajaonarison ( chanteur et musicien, alors, du groupe Full Screen, et, aujourd’hui du groupe September Boy ) j’avais pu faire partie de l’organisation du festival, en tant que bénévole. Côté production. Derrière la scène. Je pouvais donc et voir les artistes avant leur concert. Mais aussi sur scène.

 

C’est ainsi que j’ai croisé Joey Starr. J’avais alors une jambe dans le plâtre. Rupture du tendon d’achille. Entre le jour où je m’étais porté volontaire pour être bénévole et le moment où le festival avait débuté, je m’étais rompu le tendon d’achille en faisant du sport.

 

Ce jour-là, je n’ai pas osé aborder Joey Starr. Par contre je l’ai observé. Qui n’observait pas Joey Starr ?

Je me rappelle que le groupe The Roots, convoyé par mon ami Luc, avait tenu, jusqu’au bout à son statut de groupe Star. Le trajet menant du backstage jusqu’à la scène était très peu pratique à monter en camion ou en voiture. Mais par le biais de son meneur, le batteur ?, le groupe avait tenu à se faire emmener en camion jusqu’à la scène. Les roues du camion patinaient dans le ridicule alors qu’il se rapprochait péniblement de la scène située à une centaine de mètres.

 

En attendant son concert, assis, Joey Starr « l’énervé », avait été particulièrement calme. Discret. Aucune frasque. Au moment de monter sur scène, sans faire d’histoire, lui et ses musiciens avaient fait le trajet à pied. Puis avaient donné leur concert. Et étaient ensuite repartis sans plus d’accrochage.

 

Mon admiration pour Joey Starr :

 

Un certain nombre de fois, dans le passé ou même récemment, Joey Starr a déconné. Dans ses comportements comme dans certains de ses propos.

 

Mais en le regardant cette nuit, j’ai listé quelques raisons qui me font l’admirer.

 

D’abord avec NTM, parti de nulle part, car la ville de Saint Denis, et là où il vivait, c’était alors nulle part, Joey Starr a créé quelque chose. Dans la musique, le Rap.

 

Même relativement éloigné de cette scène du Rap qui s’est construite dans les années 90 avec Assassin, NTM ou d’autres groupes, je « sais » que la musique dominante,  dans les années 90 alors, en France, était loin d’être le Rap. Mais, aussi, que cette musique était loin d’être incarnée par des artistes noirs ou arabes comme maintenant avec le Rap.

 

Si je commence à faire un effort de mémoire pour essayer de trouver des artistes noirs ou arabes qui, en France, dans la musique, avaient une grande ou assez grande audience, dans les années 90, qui vais-je trouver ?

 

Henri Salvador ? Kassav’ ? Zouk Machine ? Francky Vincent ? Laurent Voulzy ?

J’ai oublié si La Compagnie Créole tournait encore dans les années 90. Et, avant les années 90, qui avions-nous autrement comme artiste français non-blanc :

 

 

Carte de séjour ? Karim Kacel ? Ottawan ? David Martial ? 

 

En découvrant ce lundi 31 janvier 2022, cette vidéo du groupe Ottawan de ce tube qui doit dater de la fin des années 70, je me dis qu’il a dû falloir beaucoup de courage à ce duo pour surmonter bien des préjugés racistes de l’époque. Cette remarque vaut aussi pour Karim Kacel : je me rappelle d’une de ses interventions, où, agacé, il avait rappelé  » Je ne m’appelle pas Michaël Jackson. Je m’appelle Karim Kacel ! ». 

 

J’ai peut-être oublié un ou deux artistes arabes ou noirs tels qu’Alain Bashung ( en partie Kabyle) ou voire Etienne Daho ( né à Oran) ou peut-être Mirwais ( moitié afghan par son père et ex-membre du groupe Taxi Girl ).

 

 

 

Mais, autrement, il faut s’imaginer que tous les autres artistes de la chanson française, jusqu’à l’installation du Rap dans les années 90, étaient principalement ou beaucoup des artistes de variété. Bien des sujets graves sont abordés au travers de la variété et il serait trompeur de croire que les artistes de variétés ne sont que des petites midinettes et des petits gars qui interprètent des chansons « douces ». Sauf que les canons d’expression dominants de l’époque, d’avant le Rap excluaient certaines catégories de populations ainsi que certains codes de langage ou vestimentaires.

 

Le Rap porté et popularisé par des groupes et des artistes comme NTM mais aussi Mc Solaar et I AM  a permis de « voir » certaines de ces catégories de populations jusque là exclues des plateaux télés mais aussi de l’industrie du disque et du spectacle.

 

Si fin 2021, le Président Macron a pu essayer de « gratter le buzz » d’Orelsan en l’encensant, dans les années 90, le Président de la République de l’époque, Mitterrand puis, ensuite, Chirac, s’y sont pris différemment. Jack Lang, le Ministre de la culture de Mitterand avait peut-être tenté de récupérer le groupe NTM. Chirac, lui, ne m’a pas marqué pour ses tentatives de rapprochement avec des artistes Rap. Alors que Nicolas Sarkozy, déjà, une fois Président, lui, s’était « fait » le rappeur Doc Gynéco.

 

Mais j’extrapole.

 

 

Avec le Rap, donc, Joey Starr et NTM  ou NTM et Joey Starr ont créé une nouveauté.

D’autres diraient qu’ils ont créé une rupture plutôt. Une rupture conventionnelle avec la musique qui se faisait avant. Avec les textes qui se disaient avant.

 

Donc, une rupture. Une certaine radicalité. Mais aussi une énergie. D’autres diraient :

Une urgence.

L’urgence de quoi ? L’urgence de faire un voyage, de vivre une expérience, une rencontre.

Une rencontre et une expérience suffisamment proches de soi, de l’auditrice et de l’auditeur qui écoute, pour s’identifier à ce qui est raconté dans le Rap. Mais, aussi, pour donner envie à l’auditrice et à l’auditeur de se rapprocher davantage de ces artistes et de ce qu’ils racontent.

 

Un peu comme on se rapproche d’un feu de camp dans une forêt sombre ou d’une cheminée qui crépite dans une maison où l’on se sent enserré par un certain froid mais aussi par une presque solide solitude.

 

On se rapproche de ces artistes afin de changer d’univers, d’histoire, de condition. On l’espère tout au moins.

 

Créer. Apporter une énergie (ou une chaleur particulière qui, jusque là a manqué à d’autres) dans une certaine radicalité. Que faut-il d’autre pour réussir et ce qui me fait, aussi, admirer Joey Starr ?

 

 

La Longévité :

 

Joey Starr est encore présent pour raconter. Il est un ensemble de héros, artistes ou autres, morts très tôt, et dont l’exemple marque, instruit et guide. Mais je trouve qu’une personne qui vit suffisamment vieux pour transmettre, c’est mieux. C’est mon point de vue.

 

 

Mais il manque encore quelques pièces pour réussir.

 

 

Se canaliser :

 

Joey Starr, d’après ses frasques, a du mal ou a pu avoir du mal à se canaliser. Du moins en apparence. Car, tel le joueur de tennis Mc Enroe, qui, régulièrement, se mettait en colère sur un court de tennis, Joey starr s’est toujours canalisé dans le Rap. Il a su tenir ses engagements. Comme Mc Enroe avait su tenir son tennis. 

 

Je citais Doc Gynéco un peu plus haut. Alors que Doc Gynéco avait fait un très bon premier album solo, toujours plébiscité par certaines personnes, j’ai l’impression que l’on ne compte plus les tentatives de retour ratées de Doc Gynéco. Comme s’il s’était dissous. D’autres artistes, très bons, se sont ainsi évaporés. Par exemple, je pense de temps  à autre, avec tristesse à Finley Quaye, qui, dans les années 90, avait tout un avenir devant lui : Jazz, Reggae, dub, électro….

 

Pour moi, il avait réalisé une fusion unique de plusieurs genres musicaux. Et puis, il s’est en quelque sorte désagrégé.

 

Joey Starr, lui, est resté non seulement compact. Mais, il a continué à se canaliser et à se concentrer dans le Rap malgré ses accidents de parcours, et ses aller-retour en prison.

 

Il a donc cumulé de hautes doses et aussi de hautes charges de travail dans le Rap. Au point de devenir, d’une manière ou d’une autre, un expert dans le Rap. Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, son travail et sa persévérance ont été au rendez-vous. Et, cela, sans compter ses heures. Mais, bien-sûr, s’il n’a pas compté ses heures, ses heures de travail n’ont pas compté pour du beurre. Il fallait qu’à un moment, tout ce travail se « voit » et se « matérialise » concrètement. Etre le meilleur rappeur, ou parmi les meilleurs, dans ses toilettes, c’est bien. L’être sur scène ou sur des millions de disques, c’est bien mieux.

 

C’est là où l’on en arrive à ce qui, selon moi, est sans doute, le plus déterminant, et, cela, sans doute dès le début de toute entreprise.

 

 

L’entourage

 

J’ai oublié de parler de la sincérité de Joey Starr ou d’Orelsan lorsqu’ils ont commencé à se lancer dans le Rap. Pour réussir, il me semble que la sincérité est indispensable. On continue, des années après leur mort, de nous parler de la sincérité d’artistes comme Georges Brassens, Jacques Brel  ou Barbara. Et on continuera de nous parler de leur sincérité pendant encore des années. Cela veut bien dire que la sincérité d’un artiste nous touche particulièrement. Comment expliquer, autrement, le succès actuel de l’humoriste Blanche Gardin ?

 

Cependant, à la sincérité de l’artiste, de Rap ou dans un autre domaine, doit correspondre la sincérité de son entourage. Car celui-ci fait, à un moment ou à un autre, la différence. Vers le succès ou vers l’échec.

 

Que cet entourage soit intime ou non, qu’il soit présent dès le début de l’aventure ou ensuite, pour que la réussite soit atteinte, il faut que cet entourage soit un entourage qui :

 

Conseille ; qui guide ; qui soutient et qui fournit du courage plutôt qu’un comportement anthropophage.

 

Il faut aussi que cet entourage soit facilement disponible en cas de besoin. Et prêt à se dévouer, à se battre voire à se sacrifier pour le projet. Et pour sa réussite.

 

Dans la réussite de bien des personnalités que je regarde, chaque fois que je regarde de près, il y a toujours un entourage constitué, permanent et solide autour d’elle. Telle une toile d’araignée.

 

Il y a ensuite d’autres paramètres à prendre en compte.

 

L’époque/ La chance

 

On dit de certaines œuvres et de certains artistes qu’ils arrivent au bon « moment ». Que d’autres sont trop en avance sur leur temps ou trop en retard. Il est vrai que j’ai du mal à m’imaginer le groupe NTM,  Orelsan ou Blanche Gardin dans les années 60. Et, il peut être très drôle de les imaginer à cette époque.

 

Cependant, s’ils avaient vécu dans les années 60, sans doute ou peut-être auraient-ils proposé une œuvre en rapport avec cette époque. Soit mus par leurs envies et leurs instincts mais, aussi guidés par l’exemple ou les conseils de quelqu’un de leur entourage.

 

Enfin, pour conclure, on va terminer avec ce qui est le plus souvent mis en exergue lorsqu’un artiste ou une personnalité « réussit » :

 

Le talent/ Le don :

 

On résume souvent la réussite d’une personne à son talent ou à son don. Beaucoup de personnes ont du talent mais ne réussissent pas pour autant. Soit parce qu’elles s’égarent. Parce qu’elles n’ont pas le meilleur ou le bon entourage. Parce qu’elles manquent de persévérance. Ou parce qu’elles se reposent trop sur leurs dons et leurs « facilités ».

 

Enfin, le mot « réussite » est un mot féminin. Mais on dirait, aussi, parfois, que pour réussir, ne serait-ce que pour réussir tout simplement à vivre, qu’il vaut mieux être un homme qu’une femme.

Charlie Hebdo, de ce 26 janvier 2022.

 

Ainsi, la jeune Shaïna Hansye : « une jeune fille de Creil, dans l’Oise » (….) « retrouvée brûlée dans un cabanon abandonné d’un jardin ouvrier, à l’âge de 15 ans, en 2019. Le meurtrier présumé venait d’apprendre qu’elle était enceinte de lui. Avant cela, la jeune fille avait été victime d’un viol collectif, commis par d’autres garçons de la cité, et avait eu le courage de porter plainte » (….) « Dossier dans lequel nous révélons que, à plusieurs reprises, policiers, experts ou magistrats n’ont pas entendu la parole de Shaïna ». ( Charlie Hebdo numéro 1540 du 26 janvier 2022).

 

Paris, près de la Gare de l’Est, ce lundi 31 janvier 2022.

 

Franck Unimon, ce lundi 31 janvier 2022.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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self-défense/ Arts Martiaux

Je cours depuis longtemps

Spot 13, samedi 15 janvier 2022. Paris 13ème.

                               Je cours depuis longtemps

 

Plus jeune, je courais après les bus et les trains que je voyais arriver. Puis, j’ai arrêté et j’ai cru que j’avais arrêté de courir. Lorsqu’ensuite, j’en voyais d’autres qui couraient après des moyens de transports, j’ai pu sourire. Bien-sûr, cela me permettait aussi d’oublier qu’entre-temps, j’avais vieilli. Mais comme j’arrivais généralement à destination et honorais mes rendez-vous les plus importants, je n’y ai pas accordé d’attention particulière.

 

Je n’ai rien contre le fait de courir, de faire du sport et de transpirer. Mais je n’aime pas courir pour rien. Je n’aime pas m’inquiéter pour rien non plus. Ou, du moins, de fournir beaucoup d’efforts pour, après, devoir m’apercevoir que je me suis éreinté pour très peu de résultats. Les travaux d’Hercule tous les jours seulement pour arriver à l’heure, cela ne vaut pas le clou.

 

 

Alors, j’ai arrêté de courir. Soit je suis à l’heure ou très en avance. Soit je suis en retard. Mais je suis moins en retard qu’avant. On parlera de sagesse, d’expérience, d’économie de moyens, d’anticipation, de maturité, de meilleure perception de soi-même comme de son environnement proche et lointain.  Ou de meilleur système d’évacuation sudoripare. Peut-être. Si on veut.

 

Car, par ailleurs, j’ai continué de courir. Je n’avais jamais véritablement arrêté. En pensées, en actions, en projets, en regrets, en illusions, en désirs, en devoirs, en écriture.

 

Prenons mon blog. Prenons les films qui sortent au cinéma.

 

A ce jour, mes cinq articles les plus lus sont consacrés aux Arts Martiaux. A ma rencontre avec deux Maitres d’Arts Martiaux : respectivement, par ancienneté, à Maitre Jean-Pierre Vignau et à Maitre Léo Tamaki. ( Dojo 5 et Arts Martiaux : un article inspiré par Maitre Jean-Pierre Vignau)

 

Puis suit un article sur le métier infirmier, celui que je pratique depuis quelques années en psychiatrie et en pédopsychiatrie : Crédibilité

 

Devant un article qui raconte ma rencontre avec l’acteur Steve Tientcheu et son co-scénariste et co-réalisateur Tarik Laghdiri dans leur ville en Seine Saint Denis : Le cinema-A ciel ouvert avec Steve Tientcheu et Tarik Laghdiri

Et, enfin….un article que j’avais écrit après avoir écouté un podcast sur l’ex-actrice française de porno Brigitte Lahaie : Brigitte Lahaie en podcast

 

Je n’ai pas choisi cette chronologie. Comme je ne choisis pas la fréquence de sortie des films dans les salles de cinéma. Malgré ou en dépit des différentes plateformes sur internet qui permettent de voir des films ou des séries chez soi.

 

Plus jeune, j’allais voir autant de films que possible. J’ai aimé ça. Au festival de Cannes, où j’ai pu aller deux fois en tant que journaliste de cinéma, j’ai aussi aimé bouffer du film de manière très rapprochée. Aujourd’hui, je regarde tous ces films sortir en salles. Dont certains en avant-premières lors de projections de presse. Si, auparavant, il m’était impossible de tous les voir, c’est encore plus vrai aujourd’hui.

Si, auparavant, il m’était possible d’écrire sur les films que je voyais en avant-premières, c’est moins vrai aujourd’hui.

 

Abdel, un copain de lycée m’avait dit un jour : «  Si tu veux te battre contre le Temps, c’est perdu d’avance ». C’était à la fac de Nanterre. Je sortais du bassin de la piscine où je venais de terminer mes longueurs. Il arrivait. Abdel devait être en fac de Droit ou d’Economie. J’étais alors en Fac d’Anglais. Pourtant, j’avais parfaitement compris son langage.

 

Le Temps peut faire penser à des arbres ou à ces êtres qui nous entourent que l’on abat et bouscule en permanence. Mais on ne s’en aperçoit pas. Car ces arbres et ces êtres ne crient pas, restent passifs et, aussi, parce qu’on ne les voit pas. Ils font partie du décor. Et lorsqu’ils disparaissent, on ne le voit pas tout de suite.

 

Nous prenons davantage en compte celles et ceux qui crient et réagissent. Qui nous font réagir. Ou qui sont mobiles.

Sauf que le Temps, lui, a cette particularité, qu’il nous repousse toujours vers nous mêmes. Pas besoin de crier ou de s’agiter. Pas besoin d’être vu, non plus. Il s’impose. C’est tout. Tels tous ces films qui sortent, toutes ces pensées et ces expériences qui défilent par bobines et qu’il est impossible de retranscrire exactement.

 

Il faut choisir. Il faut trancher. Il faut écouter. Ecrire. Parfois, c’est réussi. Du titre au contenu. D’autres fois, c’est moins bien. Mais on ne peut jamais savoir avant d’avoir effectué le geste. Et avant de l’avoir publié. Ce que l’on sait, c’est que l’on ne peut pas courir éternellement et après tout ce qui se passe autour de nous. C’est perdu d’avance.

 

 

Lors de mon dernier entraînement d’apnée, ce samedi matin, notre moniteur d’apnée, Maitre Yves (il sera gêné d’apprendre que je le vois comme un Maitre) m’a rappelé l’importance du relâchement :

Alors que j’effectuais une de mes longueurs sous l’eau, mon partenaire qui assurait ma sécurité, au dessus de moi à la surface, avait été dans l’impossibilité de me suivre. J’avais accéléré. J’avais accéléré parce-que je manquais d’air et que je voulais arriver au bout des vingt cinq mètres. Yves m’a alors répondu que, dans ce cas, il fallait se relâcher, et permettre à celui qui est en surface, de pouvoir suivre. Puisque l’on va bien plus vite sous l’eau qu’en surface. Maitre Léo Tamaki, aussi, insiste sur le relâchement en Aïkido.

 

Cela doit être pareil pour mes articles. Au lieu de chercher à aller vite afin de voir le plus de films possibles qui sortent, ou de traiter le maximum de sujets, je vais ralentir.

Hier ou avant hier, ma fille m’a demandé s’il y avait des journaux où j’avais écrit. Je lui ai répondu :

« Oui, dans un mensuel de cinéma papier qui s’appelait Brazil ».

Ce matin, je lui ai montré quelques articles de Brazil en bas desquels se trouvaient mon prénom et mon nom. C’était en 2009. Il y avait d’abord l’interview de Reda Kateb, Lucide à Paris, à la Place d’Italie. Pour le film Qu’un seul tienne et les autres suivront de Léa Fehner.

 

 

 

Puis, je suis tombé sur l’interview que j’avais faite du réalisateur philippin Brillante Mendoza pour son film Kinatay ( Massacre). Kinatay avait eu un prix à Cannes mais avait également choqué pour sa violence. Le film avait fait réagir. Mais aujourd’hui, qui s’en rappelle ?

 

 

 

 J’ai relu quelques bouts de l’interview de Brillante Mendoza. Les piles de mon enregistreur numérique avaient capitulé dès le début. J’avais fait l’erreur de mal les recharger et de ne pas avoir prévu de piles de rechange. En rentrant chez moi, je m’étais empressé de tout restituer de tête.

 

C’était en 2009. Il y a 13 ans. On peut se dire que c’est très ancien. Que c’est ressasser le passé, et les souvenirs de nos « réussites ». Mais en quoi, le passé et l’ancien sont-ils nécessairement des camouflets ? En quoi, la nouveauté est-elle obligatoirement et, toujours, meilleure ?

 

Ce week-end, je me suis demandé la raison pour laquelle, par moments, ou souvent, nous nous tenons régulièrement éloignés de ce qui nous fait du bien ou le plus de bien ?

 

Par soumission ? Par Devoir ? Par lâcheté ? Par idiotie ? Par illogisme ? Par sacrifice ?

 

J’ai commencé hier la lecture de l’ouvrage de Stanley Pranin, paru en 1993, Les Maîtres de l’Aïkido ( Elèves de Maître Ueshiba Période d’Avant Guerre). Un livre d’interviews que j’avais acheté d’occasion, il y a déjà plusieurs mois. A un prix assez élevé (environ 60 euros) car devenu difficile à trouver.

 

 

1993, c’est encore plus ancien que 2009. Et, la période d’Avant Guerre ( avant la Seconde Guerre Mondiale), c’est encore pire. Pourtant, qu’est-ce que la lecture de ces interviews m’a fait du bien ! Cela fait des mois, voire des années, que je cours. Que je m’abreuve à des informations anxiogènes en continu par devoir ou par masochisme. Et que je passe à côté de nourritures bien plus saines qui se trouvent près de moi et qui, comme les arbres et le Temps, ne font pas de bruit et gesticulent très peu.

 

En lisant une partie de l’interview de Brillante Mendoza, pour son film Kinatay, je me suis dit :

 

C’est plaisant à lire. Tout ce travail que j’avais initié avec Brazil mais aussi tous ces films que j’ai pu voir dans le passé, qui m’ont marqué et dont j’ai les dvds et les blu-rays, doivent me servir pour mes articles cinéma. Je ne peux pas et ne veux pas courir après tout ce qui sort à la vitesse d’un Ball-trap, au cinéma ou ailleurs. Par contre, je peux prendre le temps de m’arrêter sur des expériences qui ont été particulières pour moi. Ce qui signifie prendre le contre-pied de cette furie dans laquelle, trop souvent, notre vie prend souche. Comme si nous étions toujours condamnés à mourir.

 

Franck Unimon, ce lundi 17 janvier 2022.

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Corona Circus Photos

Mes photos préférées de 2021

Mes  photos préférées de 2021 

 

Ce sont des moments et des sentiments que j’ai photographiés avec mon smartphone et mon appareil photo.

 

Au centre commercial des Halles, alors que les magasins étaient fermés pour cause de pandémie du Covid.

 

 

Paris 13 ème. Il faisait assez froid, ce matin là. Pas très loin du spot 13 que je ne connaissais pas encore.

 

 

 

 

 

Près de la Tour Eiffel. Nous pouvions de nouveau sortir sans limitation horaire ou kilométrique.

 

 

Dans un jardin botanique à Amiens.

 

 

Près de la gare du Nord.

 

 

En revenant du travail, je suis tombé sur ce tournage.

 

 

Du côté de Montreuil, en allant acheter un cd d’Erykah Badu à quelqu’un.

 

Certaines oeuvres, alors que vous passez en voiture, arrêtent votre regard. Je suis ensuite revenu quelques jours plus tard. Paris, près de la Place d’Italie.

 

 

Non loin du jardin des Tuileries.

 

Un matin en partant au travail. En haut, le « luxe » lumineux et étincelant de Dalloyau qui reste. En bas, ceux de passage et dans l’ombre, sans qui le luxe plus haut et ailleurs ne tiendrait pas.

 

 

Au spot 13, Paris 13 ème, que C…m’a fait découvrir.

 

A Cergy-St-Christophe, dans une région où j’ai passé la deuxième partie de ma vie. Cette médiathèque m’a connu.

 

 

 

 

Dans Paris, alors que j’allais recevoir ma première ou ma seconde injection de Moderna. J’ai attendu le dernier moment. Lorsque la vaccination est devenue obligatoire ( passe sanitaire ou test négatif obligatoire).

 

Paris 13ème.

 

 

Paris, vers St Michel.

 

Paris. Cette religieuse pourrait être celle de l’affiche du film. Cette idée m’a plu.

 

 » Screws » d’Alexander Vantournhout. Un des événements dans la catégorie Cirque/Danse de la manifestation Cergy’soit ! A Cergy-Préfecture ce samedi 25 septembre 2021.

 

A la cathédrale d’Amiens.

 

Sur l’autoroute.

 

A la gare de Cergy St Christophe.

 

Au cimetière le Père Lachaise, le jour de l’enterrement du réalisateur Jacques Bral.

 

Le croisement entre le film  » Les Oiseaux » de Hitchcock avec le rappeur Jay-Z en « sosie » de l’artiste Basquiat avec sa femme, la chanteuse/comédienne Beyoncé en arrière plan, tout cela en plein Paris, c’était une belle opportunité à photographier.

 

Du côté de Quiberon, avec mon club d’apnée.

 

J’ai aimé croire que ces deux femmes, confortablement installées dans leur grand jardin, voient subitement surgir toutes ces personnes inconnues. Au jardin des Tuileries, bien-sûr.

 

Toutes ces photos m’ont donné faim. Mon club d’apnée compte des spécialistes de la chasse sous-marine. Ce qui nous assure, lors des stages, des repas plus qu’améliorés. Un seul plat, sur cette table, comporte un mets acheté. Le reste a été pêché ou chassé. Saurez-vous le découvrir ?

 

Tout ce pouvoir, toutes ces ambitions, parfois toute cette culture… et tout ce ridicule. Avant qu’on ne les oublie : De gauche à droite, Eric Ciotti, Valérie Pécresse, Marine Le Pen, et allongé en Nabilla bimbo, Eric Zemmour.

 

Paris 13 ème, au spot 13.

 

« Grâce » au Général de Gaulle, référence des femmes et des hommes politiques de France, les Indigènes avaient été exclus du défilé de la victoire sur les Champs Elysées, à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Car trop arabes, trop noirs, trop sauvages et trop colonisés. Ces deux agents de sécurité auraient pu faire partie des Indigènes. A quelques minutes à pied des Champs Elysées, je me suis demandé à quoi ils pensaient. Et ce lion, non loin de là, pouvait aussi bien être avec eux, pour s’assurer que tout se passe bien. Autant pour le touriste, le passant que pour celui qui part ou revient de son travail comme moi ce jour-là.

 

Paris, près des Galeries Lafayette.

 

 

 

A la cathédrale d’Amiens.

 

 

 

 

 

Paris, spot 13.

 

 

Paris, spot 13.

 

Paris, spot 13.

 

Paris, spot 13.

 

Gare de Paris St Lazare.

 

Paris, spot 13.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A Cergy Préfecture. Pendant Cergy, Soit !  » Screws » d’Alexander Vantournhout dans la catégorie Cirque/ Danse, ce samedi 25 septembre 2021.

 

 » Screws » d’Alexander Vantournhout, ce samedi 25 septembre 2021, à Cergy-Préfecture, aux Points Communs/Théâtre 95.

 

 

Cergy-Préfecture.

 

 

 

 

Gare du Nord.

 

 

Argenteuil.

 

Argenteuil. Dans le parc du conservatoire.

 

Cergy St Christophe, pendant Cergy, Soit !

 

Quiberon.

 

Franck Unimon, mardi 11 janvier 2022. 

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Corona Circus Puissants Fonds/ Livres

Panser les attentats- un livre de Marianne Kédia

 Panser les attentats –un livre de Marianne Kédia

 

(Pour ne pas céder à la peur)

 

Détermination et bienveillance

 

 

La couverture découvre deux mains l’une dans l’autre. C’est un geste simple. On pourrait se dire qu’il concerne un adulte et un enfant. Mais il s’adresse à tous. Les derniers mots du livre de la psychologue et psychothérapeute Marianne Kédia sont « détermination et bienveillance ».

 

Une détermination et une bienveillance dont elle entoure son livre et celles et ceux qui le touchent.  Un livre paru en 2016. 2016, cela paraît loin maintenant. Il y a quelques jours encore, nous fêtions Noël 2021. Puis a suivi la nouvelle année, 2022.

L’année 2016, c’est loin alors que la pandémie du Covid reflue lors de l’hiver. Avec le variant Omicron, ses plus de trente mutations- contre moins de dix pour le variant Delta encore présent du Covid. Alors que plus de cent mille personnes attrapent le Covid tous les jours, que le gouvernement, après le passe sanitaire, aspire désormais à imposer le passe vaccinal et sans doute la vaccination anti-Covid pour les enfants de moins de 11 ans.

 

La mort kilométrique

 

 

En 2016, nous étions « ailleurs ». L’assassinat par un terroriste de l’enseignant Samuel Paty, a eu lieu le 16 d’octobre 2020. Mais, déjà,  en 2020, les attentats terroristes nous semblaient plus loin qu’ en 2016. Peut-être aussi parce-que, comme l’explique également Marianne Kédia dans son livre, avec le principe de la « mort kilométrique », notre perception de l’assassinat de Samuel Paty a t’elle été influencée par notre distance avec l’événement :

 

Plus la mort est donnée loin de nous, moins elle nous terrorise. Conflans Ste Honorine, où Samuel Paty a été assassiné, c’est une ville de banlieue distante de vingt kilomètres de Paris. Conflans Ste Honorine est une ville de banlieue parisienne moins connue que d’autres.

 

Bien que située dans les Yvelines, la ville de Conflans Ste Honorine est moins connue que Versailles ou St Germain en Laye, lesquelles, déjà, font sans doute plus partie de l’histoire- ancienne- ou du Patrimoine de France. Même si, ces derniers temps, au travers de la candidate aux élections Présidentielles de 2022, Valérie Pécresse, on entend peut-être un petit peu plus parler de ces deux villes des Yvelines :

 

Saint Germain en Laye et Versailles.

 

Pour ma part, je connais la ville de Conflans Ste Honorine au moins pour y avoir travaillé. Mais aussi pour y avoir vu le guitariste John McLaughlin en concert. Et, une de mes ex y vit sans doute encore. Donc, pour moi, la ville de Conflans Ste Honorine est bien plus qu’un simple nom sur une carte. Je sais également comment m’y rendre. D’ailleurs, j’y suis passé avant hier en train. Mais je fais ici partie d’une minorité même si cette minorité se compte en milliers de personnes.

 

Alors que les attentats du 13 novembre 2015- dont le procès se déroule encore pendant quelques mois, à Paris- avaient eu lieu en plein Paris. Ou à Saint-Denis.

Contrairement à  la ville de Conflans Ste Honorine ou de Magnanville (ville située dans l’agglomération de Mantes la Jolie, à 60 kilomètres de Paris, ou en juin 2016, un policier et sa compagne s’étaient faits  assassiner par un terroriste islamiste) Saint Denis, déjà, est une ville de banlieue proche de Paris.

 

Le 13 novembre 2015, les attentats avaient débuté dans un endroit où peuvent se retrouver beaucoup de personnes de tous les environs dont Paris : Au Stade de France qui peut accueillir un peu plus de 80 000 personnes et où se déroulent des événements sportifs de masse. Le Stade de France reçoit des événements sportifs qui bénéficient d’un retentissement médiatique mondial. C’est donc un lieu sans doute plus connu dans le monde que Conflans Ste Honorine ou Magnanville.

 

Puis, après le Stade de France, le 13 novembre 2015, les attentats avaient essaimé en plein Paris. Je me rappelle encore où j’étais cette nuit-là : au travail, dans le 18 ème arrondissement de Paris. J’avais appris la « nouvelle » des attentats par ma collègue de nuit, qui, elle-même, l’avait appris par son compagnon. Autrement, de notre côté, tout était calme. Tant dans le service que dans le quartier.

Le lendemain matin, vers 7 heures du matin, j’était rentré chez moi. On rentre chez soi différemment lorsque l’on sait que durant la nuit ont eu lieu des attentats dans la ville où l’on se trouve.

Photo prise ce 22 décembre 2021 au Spot 13, à Paris.

En 2016, quand paraît ce livre de Marianne Kédia, notre attention, tant géographiquement, psychologiquement que chronologiquement, est davantage happée par les attentats- rapprochés–  comparativement à aujourd’hui, en 2022.

Rappelons aussi qu’à Nice, le 14 juillet 2016, un attentat terroriste effectué  » au camion-bélier » sur la promenade des Anglais- donc pendant les réjouissances nationales du 14 juillet- avait fait 86 morts et plus de 400 blessés.

 

Détermination et bienveillance

 

 

En 2016, ces attentats semblaient partis pour muter sans s’arrêter. C’est dans ce contexte que Marianne Kédia a écrit ce livre, Panser les attentats.  En psychologue et psychothérapeute dont les armes sont faites de….détermination et de bienveillance. Il faut bien se rappeler que les deux termes- détermination et bienveillance– sont ici rassemblés et clôturent le livre. C’est qu’ils prononcent l’intention principale de l’ouvrage. Une personne terroriste, peu importe son idéologie, islamiste ou autre, est également déterminée. Mais elle est rarement ou exceptionnellement bienveillante pour autrui lorsqu’elle passe à l’action.

 

Selon le dernier ouvrage de Hugo Micheron, Le Jihadisme Français : Quartier, Syrie, Prisons paru en 2020 (cité comme l’ouvrage actuel de référence sur le sujet par Charlie Hebdo dans son numéro de cette semaine), la stratégie des jihadistes serait désormais de privilégier davantage l’infiltration dans la société française par le biais de l’action sociale, politique et culturelle surnommée le « soft power ».  Par ailleurs, d’autres attentats auraient été désamorcés à temps par les services dont c’est la fonction.

 

Mais cela ne nous préserve pas pour autant définitivement d’autres attentats. Notre monde continue de se transformer. Et, ce qui se déroule par exemple en Afghanistan avec les Talibans qui ont repris le Pouvoir, ou ailleurs, peut avoir pour conséquence la réalisation d’autres attentats.

 

Les atouts et attraits de cette lecture

 

La prévention

 

Souvent, nous attendons que certains événements nous heurtent. Comme s’ils étaient à jamais improbables ou disparus pour toujours. Comme si nous devions constamment ou régulièrement découvrir ou redécouvrir que certaines violences et certaines catastrophes subsistent et existent. Alors que nous avons la possibilité mais aussi la capacité, en nous informant mais aussi en nous formant, de le savoir voire de nous y préparer.

 

Aujourd’hui, en 2022, on peut aussi lire cet ouvrage à titre préventif pour diverses situations – extrêmes- de notre vie courante. La prévention est une précaution dont on fait trop souvent l’économie. Je pars du principe qu’il y a de fausses économies :

 

A être trop sûrs de soi, certaines fois, on néglige certains domaines. Et, ensuite, il arrive de se retrouver dans l’embarras, du genre en panne sèche sur l’autoroute à cinquante kilomètres de la première station d’essence, ou en état de panique face à une situation réellement inquiétante qui, pourtant, s’était déjà produite. Dans certains pays tels le Japon, sujet aux tremblements de terre, la population est éduquée ou entraînée de façon à savoir comment réagir lorsque la terre tremble.  

 

Marianne Kédia le rappelle bien : le terrorisme a pour but de détruire la cohésion sociale.

Vu comme ça, la « cohésion sociale », peut faire penser à une chose abstraite, floue et générale, donc très distante de soi. La « cohésion sociale », on peut penser que c’est les autres à vingt ou trente kilomètres de soi. Ou que cela concerne l’assistante sociale. Même si c’est vrai, ce qui va se passer à vingt ou trente kilomètres de soi- ou plus proche de soi- aura des effets, d’une façon ou d’une autre, sur nous.

 

Si le but du terrorisme, c’est de détruire la cohésion sociale, ce qui nous tue, aussi, d’abord, tous les jours, c’est d’être de plus en plus, chacun dans son camp, étrangers les uns aux autres. Cela a ses avantages : une certaine liberté hors du jugement des autres. Sauf que si nous sommes étrangers les uns ou autres, il arrive aussi que nous soyons aussi des étrangers pour nous-mêmes.

Dans la vie sociale, nous sommes souvent plus superposés ou amenés à occuper un espace et un moment qu’ensemble. Donc, déjà, nous sommes plus ou moins quelque peu extérieurs à une certaine cohésion sociale :

 

Si une personne dans les transports en commun, ou ailleurs, se fait agresser devant plusieurs témoins qui restent passifs. Alors que ces témoins sont numériquement plus nombreux que le ou les agresseurs, c’est aussi parce-que cette personne qui se fait agresser devant eux leur est « inconnue ». Distante et inconnue. Etrangère. Le destin de cette victime leur semble d’abord n’avoir aucun rapport avec leur propre destin ou ne serait-ce qu’avec leur réputation.

 

 

Cependant, je ne passe pas mes jours et mes nuits à guetter l’attentat qui rôde. Je continue de préférer d’autres occupations que celles de « chasseur » ou de « pisteur » d’attentats. Et puis, je n’ai pas de compétences ou de dons pour détecter les attentats.

 

Par contre, j’ai trouvé dans les propos de Marianne Kédia des réponses qui peuvent s’appliquer, aussi, à bien d’autres situations que des attentats.

 

Trop souvent, la tendance est à cloisonner les disciplines comme les expériences. Alors que ce que l’on apprend dans une discipline ou dans une expérience peut se transposer dans d’autres domaines. C’est pour cela que j’ai lu l’ouvrage de Kédia autant en tant que personne qu’en tant que soignant.

Par exemple, lors de la nuit des attentats du 13 novembre 2015, après avoir appris par son compagnon que des attentats avaient lieu en plein Paris, où notre service d’hospitalisation pédopsychiatrique pour adolescents se trouve , ma collègue de nuit m’avait alors dit :

 

« J’ai envie d’allumer la télé pour regarder les infos…. »

 

Ma réaction avait été instinctive :

 

« Tu peux. Mais sans moi ! ».

 

Avant même d’allumer la télé, je savais ce sur quoi nous allions tomber. Regarder la télé, à ce moment-là, c’était se faire gaver comme des oies, en continu, avec des informations anxiogènes. Je ne voyais pas en quoi cela allait ou pouvait m’apporter quoique ce soit de bénéfique. Cette certitude me venait sans aucun doute de mes souvenirs de ces heures passées, chez mes parents, à rester cramponné, pendant des heures, à des programmes télé de plus en plus débiles à mesure que je les regardais. Je m’apercevais que je m’avançais de plus en plus sur l’autoroute du néant de la pensée. Pourtant, je restais fixé, crucifié, devant l’écran.

 

Mes souvenirs des spots d’informations répétitifs de la radio France Info, écoutés à une époque où j’ambitionnais ainsi de m’informer et me cultiver, sont sans doute aussi remontés la nuit du 13 novembre 2015. Lorsque j’ai répondu à ma collègue et amie.

 

A la fin de son livre, Marianne Kédia, donne entre-autres, comme recommandation, de limiter notre exposition à la télé en période d’attentats précisément pour éviter de connaître une anxiété galopante qui pourrait franchir toutes les frontières. A la place, elle préconise, à juste titre, de s’informer en lisant des journaux voire, en écoutant la radio (en évitant les radios qui répètent les mêmes flashes en continu).  Car la surinformation fait des dégâts comme le surarmement.  Marianne Kédia fait ainsi cette analyse :

 

Le plus souvent, lorsque des informations nous sont « données »à chaud par rapport à un événement catastrophique ou choquant, ces informations, masquent leur vide par leur répétition industrielle. Elles nous injectent principalement du bruit sonore, des suppositions, de l’agitation et du parasitage qui mettent et maintiennent en alerte. Alors que cet état d’hyper-vigilance, de peur et d’alerte maximale n’a aucune utilité pour la majorité des personnes qui écoutent ou regardent ces informations. 

 

Marianne Kédia considère que les média, lorsqu’ils se comportent de cette manière, agissent comme un « cerveau traumatisé » qui répète en boucle la même information. Je me dis ce soir qu’à comparer alors certains média à un  « cerveau traumatisé » que Kédia est encore trop indulgente. Et qu’elle pense encore en soignante bienveillante et optimiste qui peut aider à guérir.

 

Je suis peut-être moins bienveillant ou moins optimiste qu’elle car, moi, devant cette banalisation et cette hyperproduction de bruit sonore, de suppositions, d’agitation et de parasitage, je vois surtout ce avec quoi notre civilisation et notre société nous  éduque, nous nourrit et nous dirige régulièrement. Et, il faut des événements plus marquants que d’autres, tel un attentat, une pandémie ou les fêtes de Noël avec toute sa mise en scène avec les illuminations, les promotions et les réclames où, d’un seul coup, on se doit d’être joyeux coûte que coûte pour s’apercevoir de certains aspects disproportionnés et pathologiques de notre mode de vie.

 

Pedigree, pédagogie

 

Je n’avais jamais entendu parler de Marianne Kédia avant ma lecture récente de Ricochets-Un livre de Camille Emmanuelle qui la cite, entre autres. Dans son livre, Camille Emmanuelle cite aussi Patrick Pelloux, lequel avait également écrit sur son deuil après les attentats de Charlie Hebdo ( voir L’instinct de vie ). 

 

 

Marianne Kédia, spécialisée dans le traitement des psycho-traumas (ou PTSD dans son appellation anglaise) a également écrit Dissociation et mémoire traumatique et participé à la rédaction de L’aide-mémoire psycho-traumatique.

 

Par ailleurs, elle cite entre autres Bessel A. Van Del Kolk qu’elle présente comme l’un des plus grands spécialistes actuels du syndrome post-traumatique. Lequel a écrit l’ouvrage Le corps n’oublie rien.

 

Diplômée en 2003, Marianne Kédia compte déjà une certaine expérience clinique dans plusieurs univers. Dans le monde de l’entreprise, dans l’Humanitaire, dans des associations et à l’hôpital.

 

J’ai été marqué par son engagement dans son travail. Je me demande comment on peut maintenir un tel engagement, sur la durée, comme elle le fait, là où elle le fait. Son métier est autrement plus éprouvant que d’autres. Pour moi, le métier de soignant consiste à « manger de la violence et de la souffrance ».

 

Son très grand engagement vient-il de son « jeune » âge ou d’une passion comme elle le dit ?

 

Quoiqu’il en soit, dans une période de grande violence et de grande souffrance, les personnes qui savent nous divertir, nous faire rêver mais aussi celles qui visent à nous rassurer et nous soigner jouent un rôle prépondérant dans une société. On l’oublie souvent- même des soignants l’oublient- mais un soignant joue également un rôle fondateur, pacificateur, égalitaire, démocratique et stabilisateur dans une société. Soit l’opposé du terrorisme qu’il soit religieux, intellectuel, économique ou politique.  Ou de l’inquisition.

 

L’ouvrage, Panser les attentats (sans doute aussi un jeu de mot avec le verbe « penser ») de Marianne Kédia est paré de ces vertus fondatrices, pacificatrices, égalitaires, démocratiques et stabilisatrices.

 

Son livre se parcourt plutôt facilement. Il est très pédagogique. L’humour le ponctue dans certains passages. La fin me donne un peu l’impression d’avoir été écrite plus rapidement que les trois premiers quarts. Je trouve aussi qu’elle insiste beaucoup pour orienter vers son corps de métier, en cas de besoin, les psychologues.  Mais elle connaît son sujet. Son livre est à avoir, à lire et  à appliquer. Avec détermination.

 

Franck Unimon, ce dimanche 9 janvier 2022.

 

 

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Corona Circus

Pour prendre son temps en main

                         Pour prendre son temps en main

 

« Après la folie des achats de cadeaux de Noël, la folie du retour des vacances de Noël… »

 

 

C’est ce que je me suis dit, il y a quelques jours. Seulement perché sur mon petit vélo pliant acheté dans l’enseigne Décathlon  l’année dernière. Tandis que je me rendais à mon travail depuis la gare St Lazare.

 

Depuis, comme à chaque fois, je m’y suis fait. Puisque je suis aussi fait de cette folie. Nos ennuis avec les autres commencent peut-être – ou toujours- lorsque notre folie est par trop différente de celle des autres. Et qu’elle nous contraint, eux et nous, à nous adapter, à nous adopter, les uns aux autres.

 

A force d’efforts, d’épuisement, de découragement ou peut-être parce-que, précisément, nous n’avons pas du tout envie de faire des efforts, de trop nous fatiguer ou de persister et que nous estimons que c’est aux autres de faire le plus d’efforts, les conflits éclatent. Nos dérailleurs sautent. Nos freins ne fonctionnent plus. Nos phares s’éteignent. Nos cerveaux disjonctent, batterie faible.

 

Ensuite, nous nous escrimons dans l’absolu et la violence, tels des vers de terre emmêlés les uns aux autres, milliers de spaghettis obsédés par cette destination que nous voulons à tout prix atteindre- et au plus vite- hors de l’assiette et surtout hors de portée de la Grande Fourchette. Comme si cet endroit- hors des bouchées du néant-   nous possédait. Sauf que les autres ont, aussi, la même obsession et sont tout autant possédés que nous. Eux, aussi, veulent sortir, par n’importe quel moyen de leur statut de ver de terre ou de spaghetti qui s’enlise dans de la très mauvaise sauce tomate et où toutes les artères, un beau jour, se figent.

 

 

Ce matin, rien de tout ça. Je suis simplement allé emmener ma fille à l’école, à pied, à quelques minutes de chez nous. Je voulais discuter avec le directeur. Mais pas pour lui parler de vers de terre et de spaghettis.

 

Le directeur de l’école était absent dans la cour. Par contre, à l’entrée de l’école, la maitresse de ma fille, et une de ses anciennes maitresses, vérifiaient que chacun ait bien l’attestation sur l’honneur des parents, à la date du jour, spécifiant que, oui, leur enfant avait bien effectué ( ou subi) un autotest antigénique à la maison. Et que celui-ci était bien négatif. Devant moi, j’ai vu un môme d’à peine huit ans, venu seul à l’école, faisant de son mieux pour répondre lorsque la maitresse lui a demandé avec gentillesse s’il avait bien fait un test et s’il avait l’attestation sur l’honneur signée par ses parents. Non, il ne l’avait pas. Elle lui a alors demandé- avec indulgence- d’entrer dans la cour et d’attendre sur le côté.

 

La rentrée des classes s’est faite ce lundi. Premier cas positif du Covid dans la classe de ma fille. Jusque là, j’en entendais parler ailleurs, dans la classe d’un de mes neveux, dans l’ancien service où je travaillais où, cette semaine, une de mes ex-collègues et amie m’a parlé de cluster. Comme j’avais entendu parler des plus de cent mille cas positifs de Covid par jour depuis les vacances de Noël. Mais jusque là, nous y avions échappé. Après m’être fait matraquer, comme tout le monde, par l’abattage médiatique – et autre-  supra anxiogène, à partir de juillet 2020, j’ai quitté l’aussi gigantesque que tentaculaire tapis mécanique qui semblait n’avoir que pour principale activité de faire de nous des soldats de plomb qu’il s’agissait de convoyer d’un champs de mines de la peur à d’autres champs de mines de la peur. Je porte des masques, je me lave les mains avec du savon, j’ai fait mes deux injections de Moderna et bientôt trois quand ce sera le moment. Je ne peux pas faire plus. Et je ne veux pas faire plus en matière de folie viscérale et sociétale.

 

J’avais beaucoup aimé la phrase du psychiatre Serge Hefez. J’ai retenu ça de celle-ci :

 

« La pandémie du Covid a plutôt tendance à stabiliser les patients psychotiques et à rendre fous les gens normaux ».

 

 

Qu’est-ce que nous sommes nombreux à être devenus fous depuis le début de cette pandémie du Covid. Et nous avons encore un très grand potentiel créatif. Je suis sûr que nous sommes encore éloignés de nos plus grands chefs d’œuvre en matière de comportement et de raisonnement à propos du Covid. D’abord, en un temps record, nous sommes pratiquement tous devenus épidémiologistes. Soit la version sanitaire de toutes celles et ceux qui se font les arbitres et les sélectionneurs éminents de matches de Foot,  de hand, de tennis ou de combat UFC. Comme de toutes celles et ceux qui se font critiques de cinéma.

 

Un peu plus fou que d’habitude :

 

 

Moi, ce matin, je suis devenu un peu plus fou que d’habitude parce-que :

 

Trois jours de cours ( ce mardi, la maitresse était absente l’après-midi et le mardi matin, notre fille est restée avec nous) trois tests antigéniques ?

 

Mais j’ai su rester calme et digne devant ma fille. Alors qu’elle s’éloignait dans la cour vers son destin d’écolière, j’ai demandé à discuter avec la maitresse.

 

Fort heureusement, nous sommes rapidement arrivés à nous entendre, la maitresse et moi. Et puis, le troisième test était déjà fait.

C’est un mail adressé par la maitresse et le directeur d’école, lu hier soir sur le compte Beneylu, qui a amené une certaine confusion.

 

Et, ce matin, la solution à cette confusion a été donnée par cette pratique ancestrale, traditionnelle, archaïque, primitive et révolutionnaire :

 

La discussion.

 

 

Une pratique ancestrale, traditionnelle, archaïque, primitive et révolutionnaire :

 

Prendre le temps de s’adresser à l’autre. De le rencontrer. Lui parler calmement. Lui expliquer qu’il puisse comprendre ce qui nous « motive ». Lui laisser le temps d’incorporer et d’additionner les informations que nous lui donnons. Des informations qu’il ne peut pas deviner même si celles-ci sont évidentes pour nous tant nous avons pu les ruminer. Le laisser respirer. Ne pas le saisir comme on jette de l’huile sur un poêle qui se trouve sur le feu depuis une bonne heure. Parler de manière aussi détendue que possible.  Si possible, articuler. Etre écouté de lui. Ecouter sa réponse. Prendre sa réponse comme l’on pourrait prendre notre propre pouls. Avoir encore la croyance ou l’optimisme que cette personne en face de nous est aussi sincère que nous.

 

Cela nécessite du temps. Un peu de temps.

 

En moins de trois minutes – je n’ai même pas eu le temps de chronométrer- la discussion était terminée et l’accord trouvé. Je n’ai, à aucun moment, eu l’impression que ces trois minutes de conversation (cinq si l’on inclue la petite attente afin que la maitresse qui accueillait les enfants qui arrivaient puisse se rendre disponible) m’ont demandé un effort surhumain.

 

Je n’ai pas eu besoin de me ronger les ongles, d’allumer une cigarette ou de donner des coups de pied dans la grille ou de hurler devant l’école pour patienter. Et, je n’ai pas eu l’impression, non plus, de passer pour un moins que rien parce-que la maitresse m’a demandé d’attendre un petit peu.

 

Cela valait la peine d’attendre un peu :

 

Ma fille n’avait pas à subir un nouvel autotest antigénique aujourd’hui après en avoir  déjà eu un la veille. Mais demain, samedi. Soit tous les deux jours. Au passage, la maitresse de me dire qu’elle compatissait beaucoup avec les enfants. Elle-même trouve ça très dur, ces tests à répétition. Merci madame et bonne journée.

 

Le minimum des corrections

 

En rentrant, je passe saluer cette commerçante. Cela fait des années que, quelques fois, je passe pour discuter un peu avec elle. Cela n’a rien à voir avec de la drague. On peut être un spaghetti ou un ver de terre et avoir d’autres intentions que celle de se reproduire.

 

Il existe des commerçants et des commerçantes qui prennent le temps de discuter avec leur clientèle. Même si cette clientèle ne les a sollicités qu’une fois ou deux. J’ai ce profil.

 

Ce matin, je passe la voir parce-que je me dis que, quand même, une nouvelle année a commencé. Et, il y a plus d’un mois, je lui avais demandé de me refaire des masques en tissu anti-Covid. Elle m’avait alors répondu que certains clients le lui avaient demandé, pour, finalement, ne jamais revenir les acheter. Je lui avais passé commande et lui avais  alors assuré :

« Moi, je reviendrai ».

 

Je reviens donc aussi pour ça. C’est le minimum des corrections. Elle m’apprend qu’elle n’en fait plus. Elle s’est renseignée : elle n’a plus le droit d’en vendre car les masques qu’elle fait ne sont pas homologués. Pourtant, elle a pris un de ces masques homologués, l’a ouvert. Ils sont faits de la même manière que les siens. Elle ajoute que certaines entreprises ont beaucoup de stocks de masques en tissus à écouler. Qu’elle pourrait en vendre. Cela lui a peut-être même été proposé.

 

Je lui demande « Pourquoi vous n’en vendez pas ? ».

 

Elle me répond :

 

« Pour vendre des masques cinq euros alors que je vendais les miens, deux euros ? Déjà que je ne prenais pas d’argent sur la vente de ces masques. Je prenais juste sur mon temps personnel. Mais, là, je ferais ça pour gagner un euro ? ».

 

Il existe donc, encore, des commerçantes et des commerçants comme cette personne. Mais la suite de notre discussion se fait plus personnelle lorsque je lui demande :

 

« Alors, quels sont vos projets pour cette année ? »

 

Elle me répond : «  Prendre soin de moi ».

Je lui réponds : « C’est un beau projet ». Elle m’en dit plus alors que je l’interroge. Elle se raconte. Je comprends complètement son expérience. Et l’encourage. Je lui parle aussi un peu de moi, de ma fille qu’elle « connaît ». Tout ce qu’elle me dit m’encourage aussi et concorde avec mes projets de vie. Nous nous apercevons que, malgré une quarantaine   d’années d’écart, certaines de nos expériences de vie se ressemblent. Elle a été une grande prématurée à la naissance. Ma fille a été une grande prématurée à la naissance.

 

Je découvre qu’elle écrit, qu’elle peint, qu’elle a fait du théâtre. 

 

Notre conversation aura duré dix minutes. Peut-être quinze. C’est le genre de discussion qui peut devenir le moteur de toute une journée. Alors que nous passons tant de temps, tous les jours, à nous défoncer pour des actions et des résultats qui ne nous apportent même pas le quart de ce que cette discussion m’a donné ou redonné. Et c’est comme ça, tous les ans. Presque tous les jours. 

 

Donner du temps psychique

 

 

Tout à l’heure, je vais revoir un ancien collègue, éducateur spécialisé. Son pot de départ à la retraite devait avoir lieu hier dans ce service où nous nous sommes rencontrés il y a plus de dix ans. Mais il a été annulé pour cause de pandémie du Covid. C’est lui qui, assez embarrassé de me reprendre, m’avait dit, un jour, alors que je faisais passer le temps en regardant mon téléphone portable :

 

« Notre travail, c’est de donner du temps psychique ».

 

 Après avoir publié cet article, je vais passer le voir chez lui. Comme nous en avons convenu, lui et moi.  Je prendrai le train. Une autre façon de bien prendre mon temps en main.

 

 

Franck Unimon, ce vendredi 7 janvier 2022.

 

 

 

 

 

 

 

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Apnée

Aujourd’hui, nous avons repris l’entraînement d’apnée

La piscine de Colombes, fin novembre 2021.

   Aujourd’hui, nous avons repris l’entraînement d’apnée

 

Ce soir à 20 heures, nous avons repris l’entraînement d’apnée dans la piscine de Colombes. Dans quelques mois, nous irons nous entraîner dans la piscine d’une autre ville. La municipalité va entreprendre des travaux afin que le bassin où nous nous entraînons habituellement soit réservé à l’entraînement d’une discipline olympique.

 

La température extérieure ce soir, 7 ou 8 degrés, m’a peut-être un peu refroidi pour venir. Mais je savais qu’une fois dans l’eau, tout cela serait oublié. En conduisant, j’écoute des titres du groupe haïtien Tabou Combo : Mario Mario et Bambou Penche – Pa Casse.

 

 

Jean-Pierre, le plus ancien du club, cinquante ans de présence, plus de 70 ans, est le moniteur du groupe dans lequel je suis. Je l’ai rencontré dès mes débuts dans le club il y a quatre ou cinq ans. Dès mes premières séances sous l’eau. J’ai un peu évolué depuis.

 

Mais moins que lui.

 

Avant notre échauffement qui  consiste à faire « au moins » deux cent mètres de natation, il nous apprend être allé nager ce matin aux étangs de Cergy.

« Je vais nager tous les deux jours » nous rappelle-t’il. Ce matin, aux étangs de Cergy, il faisait moins un degré. Lorsque je l’entends parler de sa sortie aux étangs ce matin, je me dis que j’ai encore raté une occasion d’aller nager aussi.

 

Après les deux cents mètres d’échauffement, Jean-Pierre nous demande, par binôme, sur deux cent mètres, d’alterner vingt cinq mètres en apnée suivis de vingt cinq mètres de récupération active. Et ainsi de suite. Pour « digérer » les excès des repas de Noël nous dit-il avec son petit sourire.

 

A ce moment de la séance, nous avons tous nos palmes aux pieds. Je fais partie de ceux qui s’échauffent en nageant sans palmes. J’ai aussi mis ma souris ( une combinaison en néoprène sans manches de 2 à 3 mm) qui comporte une capuche. Dans la piscine, nous avons obligation de porter un bonnet.

Assis au premier plan, au milieu, T. A sa droite, S. A gauche, M. Debout qui s’éloigne, avec le nécessaire de secours, Yves, le responsable de la section apnée du club. La piscine de Colombes, un samedi matin, fin novembre 2021.

 

Je suis avec T. T dit régulièrement en début de séance qu’il n’est pas en forme. Qu’il a trop fumé. Qu’il a trop ceci. Qu’il a trop cela. Ce soir encore. Mais une fois sous l’eau, je constate alors que je le regarde onduler qu’il se porte bien.

 

Vingt cinq mètres d’apnée d’emblée, c’est généralement trop pour moi dès le début. J’ai besoin de me rôder. C’est étonnant comme chacun selon son tempérament- mais aussi ses capacités- a besoin de plus ou moins de temps pour bien entrer dans l’eau. Par exemple, souvent, lors de l’échauffement, je vois des copains et des copines d’entraînement fuser dans l’eau comme pressés ou catapultés. Je ne peux pas faire ça. Je risquerais la fracture.

 

Pourtant, ce soir, je tiens assez bien l’exercice de départ. Les vingt cinq mètres  d’apnée, la prise d’appui, respirer, faire le signe OK à mon partenaire. Faire vingt cinq mètres en récupération active. Puis repartir pour vingt cinq mètres d’apnée. Pendant deux cents mètres.

 

Tout le monde termine l’exercice. Nous récupérons. Jean-Pierre nous demande cette fois-ci de commencer par faire vingt cinq mètres d’apnée. De récupérer une minute. Et de repartir pour vingt cinq mètres d’apnée. Et de souffler quarante cinq secondes. Avant de se lancer pour vingt cinq autres mètres en apnée. Retirer quinze secondes de récupération à chaque arrêt. C’est moi qui tiens le chrono pour mon partenaire et moi. Ma montre, désormais rayée, a une petite histoire avec l’apnée dans cette piscine. Mais je la raconterai un autre jour.

 

Lorsque nous avons effectué la série où il s’agit de récupérer quinze secondes, T me répond qu’à son avis, il s’agit ensuite d’augmenter de quinze secondes les phases de récupération. Nous prenons trente secondes de récupération puis nous nous arrêtons après vingt cinq mètres d’apnée. Le reste du groupe nous rejoint dont Jean-Pierre.

 

Le nouvel exercice est le suivant : nous commencerons pas quinze secondes d’apnée statique puis nous partirons pour vingt cinq mètres d’apnée. A la sortie de l’eau, une minute de récupération. Puis trente secondes d’apnée statique avant de repartir pour vingt cinq mètres d’apnée. Suivis d’une minute de récupération, quarante cinq secondes d’apnée statique et vingt cinq mètres d’apnée. Jusqu’à arriver à une minute de récupération pour une minute d’apnée statique suivie de vingt cinq mètres d’apnée.

 

Cette alternance apnée statique/apnée dynamique met le corps et l’esprit en condition pour l’apnée. Il nécessite un relâchement ainsi qu’une certaine prise de confiance en soi. Car, instinctivement, après avoir arrêté de respirer pendant un certain temps, le réflexe est plutôt de sortir sa tête hors de l’eau pour reprendre de l’air. Alors que, nous, nous faisons tout le contraire. Nous faisons un canard et descendons vers le fond de la piscine  jusqu’aux vingt cinq mètres.

 

Nous avons déjà fait cet exercice. Si je me rappelle bien, il avait pu nous arriver de monter jusqu’ à deux minutes d’apnée statique avant de descendre ensuite pour faire  vingt cinq mètres en apnée.

 

Mais ce soir, lorsqu’arrive le moment où nous devons faire une minute d’apnée statique avant de partir, je n’y arrive pas. Je sors alors ma tête pour respirer, regarde la trotteuse. Et lorsque c’est le moment, je touche T pour lui signifier le départ et le suit en apnée.

 

J’ai dû mal récupérer à un moment donné. Ou peut-être que le fait de tenir la montre m’a-t’il empêché de me détendre suffisamment. Habituellement, durant cet exercice, lorsque quelqu’un d’autre annonce le départ, je ferme les yeux dans la phase d’apnée statique et m’allonge le plus possible. Je n’ai pas pu fermer les yeux ce soir vu que je regardais ma montre. Et regarder les secondes passer aide assez peu pour effacer le temps.

 

Après un nouveau moment de récupération, Jean-Pierre nous demande de faire vingt cinq mètres en apnée, puis, passés les vingt cinq mètres, de « vider nos poumons » en expirant jusqu’aux trente sept mètres cinquante. Et de récupérer activement ensuite jusqu’aux cinquante mètres. Expirer est ici la consigne donnée par Jean-Pierre et elle permet de se détendre. Hors de cette consigne, une personne pratiquant l’apnée qui expire sous l’eau et qui lâche des bulles évoque un début de noyade.

 

Pour finir, Jean-Pierre nous propose de faire un cinquante mètre en apnée au maximum. Nous en faisons un premier. Le groupe prend le temps de se reposer. Jean-Pierre fait quelques rappels afin de bien se relâcher et de bien faire baisser son diaphragme afin de prendre le plus possible d’air.

 

En tout, nous ferons trois cinquante mètres en apnée. Ce dimanche, il y aura une sortie en fosse à Conflans Ste Honorine. Mais je ne pourrai pas y aller.

 

Sur le parking de la piscine, je recroise Yves, le responsable la section apnée en pleine discussion avec d’autres responsables du club.

 

Je lui dis qu’il est trop couvert : Yves- très peu frileux- porte un petit blouson en cuir grand ouvert sur un tee-shirt manches courtes. Il me répond que c’est sa tenue de ville. Puis m’apprend que les réservations sont ouvertes sur le site du club pour le stage d’apnée et de chasse sous-marine prévu en Bretagne au moins de juin. Pour moi, c’est un stage à ne pas manquer. Si j’y vais, ce sera mon quatrième stage d’apnée avec le club, à chaque fois en Bretagne.

 

Du côté de Quiberon, avec le club, Mai 2021.

 

 

En repartant, j’écoute Tricky & Radagon sur le titre Street Times de Sly and Robbie.

 

Franck Unimon, ce jeudi 6 janvier 2022.