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Balistique des élections législatives 2024

Le journal Les Échos du 3 juillet 2024 et le journal Charlie Hebdo du 3 juillet 2024 également.

Balistique des élections législatives 2024

Avoir un blog qui s’appelle balistique du quotidien m’oblige un « peu Â» Ă  parler de ces Ă©lections lĂ©gislatives quelques heures avant leur second tour dĂ©cisif.

Cela fait plusieurs jours que je pense à écrire un article. Et, il me reste désormais peu de temps avant mon départ pour mon second séjour au Japon.

En 1999, annĂ©e de mon premier sĂ©jour au Japon, j’étais parti un an après la victoire de l’équipe française « Black, Blanc, Beur » de Jaquet, Zidane, Blanc, Deschamps, Thuram, Desailly et d’autres  Ă  la coupe du Monde de Football. Cette annĂ©e, je partirai après le rĂ©sultat de ces Ă©lections lĂ©gislatives oĂą le RN, beaucoup plus hĂ©ritier des pointes du FN que de celles de l’équipe de France de  de 1998, joue un autre genre de football.

Dans le journal Le Canard Enchainé du 26 juin 2024.

Dans une histoire de Hugo Pratt que j’ai relue récemment, un Indigène, allié du héros Corto Maltese, reçoit trois balles. Lorsque Corto Maltese lui demande :

« Tu ne vas pas mourir, quand mĂŞme ? Â», celui-ci lui rĂ©pond « Peut-ĂŞtre bien que oui, peut-ĂŞtre bien que non Â». L’homme, car il s’agit bien d’un homme, s’en sort finalement. Car, par sa propre volontĂ©, l’Indigène – qui est un puissant sorcier- a pu arrĂŞter son hĂ©morragie interne. Le mĂ©decin qui l’opère ensuite, raconte cela plus tard, mĂ©dusĂ©, Ă  Corto Maltese. Lequel Ă©coute ça sans s’en Ă©tonner. Nous sommes ici dans les reflets d’une bande dessinĂ©e.

Je n’ai pas les pouvoirs anesthésiants et puissants de ce sorcier dans cette nouvelle aventure de Corto Maltese afin d’arrêter cette hémorragie interne que peut être le RN.

Dans le journal Les Échos du jeudi 4 juillet 2024.

Pour moi, les élections législatives d’aujourd’hui s’apparentent aussi à une sorte de toile d’araignée ne serait-ce que mentale. Et, je n’aimerais pas rester englué dans cette toile.

Dans le journal Les Échos du mercredi 26 juin 2024

Je n’ai pas Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© par la rĂ©ussite du RN lors des Ă©lections europĂ©ennes le 9 juin dernier. J’avais Ă©tĂ© plus dĂ©concertĂ© il y a  une dizaine d’annĂ©es en apprenant que de plus en plus de soignants votaient pour le FN avant que celui-ci ne devienne le RN :

Parce qu’il y a environ 25 ans, un soignant ou une soignante qui votait FN, c’était plutĂ´t un spĂ©cimen. Je me souviens d’une collègue infirmière rĂ©putĂ©e voter pour le FN qui travaillait dans le service de psychiatrie du dessus dans l’hĂ´pital de banlieue parisienne, dans le Val d’Oise, oĂą je travaillais alors :

Elle était blonde aux yeux bleus et portait sur elle les codes vestimentaires de la catholique traditionnelle un peu ou assez bourgeoise. On était dans le cliché. Et dans le paradoxe. Infirmière, plutôt attachée à son travail auprès des patients, et capable de partir en séjour thérapeutique avec des patients en compagnie d’un de ses collègues infirmiers antillais.

En vitrine d’une librairie parisienne, ce vendredi 5 juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Cela fait maintenant un demi siècle que la dynastie Le Pen poursuit son ascension vers les sommets politiques en voie d’extinction et, qui, comme l’Everest, sont devenus une destination touristique et rentable. En termes de Pouvoir et d’enrichissement économique personnel.

En vitrine de la même librairie parisienne, ce vendredi 5 juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Les Le Pen ont aussi pour eux l’endurance, la persistance, un besoin de revanche et de jouissance médiatique et se nourrissent de toutes les crises mais aussi de toutes les audaces.

 

En face, on a eu principalement des hommes politiques- et quelques femmes- qui se sont comportĂ©s comme des rentiers, d’autres qui ont ratĂ© le train ( Rocard, Jospin, JuppĂ©…), quelques uns qui se sont dĂ©sistĂ©s ( Delors),  et d’autres qui n’ont fait que passer :

J’avais déjà oublié qu’Elizabeth Borne avait été la Première Ministre précédant Gabriel Attal pourtant nommé seulement depuis six mois. J’ai du mal à me rappeler de la Ministre socialiste du travail , Myriam El Khomri. Mais aussi de certains ministres du Président Nicolas Sarkozy.

Par contre, les Le Pen, on les « connait Â». Il leur manque juste une Ă©mission de tĂ©lĂ©-rĂ©alitĂ© pour boucler le Tour de France des mĂ©dia. Les Le Pen sont devenus familiers. Et ce qui devient familier inspire sympathie, accoutumance et confiance.  En plus, Marine Le Pen est une femme. La seule femme, en France, Ă  pouvoir rester au premier plan en politique sans faire partie du gouvernement prĂ©sidentiel. Tout le contraire du PrĂ©sident Macron devenu le pire VRP pour son propre parti aussi « justes Â» ses causes soient-elles lorsqu’elles le sont.

 

J’écris cela de façon humoristique mais je souriais peu il y a encore deux semaines. Et je sourirai sûrement peu ce soir. Ou alors seulement parce-que je saurai que bientôt, je partirai pour quelques semaines au Japon.

Parce-que, pour moi, quel que soit le résultat des élections législatives ce dimanche 7 juillet, le RN a gagné.

Car il a ensorcelé une partie des esprits et des serpents. Ne serait-ce que provisoirement. Pour éviter que Marine Le Pen ne soit à ce point triomphante aujourd’hui, il aurait fallu la nommer Ministre il y a quelques années ou médiatiser son refus. Marine Le Pen est aussi forte aujourd’hui car ses adversaires politiques de gauche et de droite ont été plus suffisants et intéressés avec elle. Il était facile de se montrer très digne en sa présence en s’opposant à elle.

 

Une affaire de dignitĂ© :

 

L’homme politique Eric Ciotti, Président des Républicains, a été critiqué et rejeté par les membres de son parti pour avoir ouvertement donné sa préférence à Marine Le Pen après le résultat des élections européennes du 9 juin. Mais le choix de ces mêmes Républicains de s’abstenir de se désister en faveur de la « Gauche » au second tour de ces élections législatives me confirme qu’il est d’autres femmes et hommes politiques, de droite mais aussi de gauche, qui seront prêts à aller faire la bise à Marine Le Pen si celle-ci devenait Présidente de la République ou ne serait-ce que Présidentiable.

 

Je reste aussi très prudent devant les rĂ©serves exprimĂ©es par certains mĂ©dia Ă©conomiques ou autres envers les compĂ©tences du RN. Parce-que si le RN venait Ă  se montrer « compĂ©tent Â» Ă©conomiquement ou si des Ă©minences Ă©conomiques et politiques reconnues venaient Ă  accepter de faire partie d’un gouvernement RN, il nous serait très certainement expliquĂ© ultĂ©rieurement que c’est avant tout pour le bien de la France.

 

C’est ce qui nous est très bien résumé dans l’article Partir ou résister, le dilemme des hauts fonctionnaires de Nicolas Sèze dans le journal La Croix de ce jeudi 4 juillet 2024, page 4. Extraits:

« (….) Certains prĂ©fets chargĂ©s de mission, pour qui nous n’y allons pas assez fort, attendent leur heure. Et beaucoup d’ambitieux voient dĂ©jĂ  l’opportunitĂ© de gravir rapidement des Ă©chelons Â».

Monter dans la hiĂ©rarchie sera d’autant plus facile que le RN aura besoin de cadres Â».

« (….) Chez nous, personne ne pense qu’il se fera mettre Ă  la porte dĂ©but juillet Â» reconnait le fonctionnaire du ministère de la justice pour qui un futur gouvernement RN devra aussi «  se confronter au rĂ©el Â» « Un certain nombre de leurs projets sont irrĂ©alistes et je crois possible de les faire Ă©voluer en les confrontant Ă  la rĂ©alitĂ©. Cela nĂ©cessitera de suivre de très près les discours politiques pour identifier les marges de manĹ“uvre, mais aussi fixer nos lignes rouges, conclut-il. Si celles-ci Ă©taient franchies, Ă©videmment je partirai. Mais je ne pense pas que ce sera le cas Ă  court terme Â».

 

Cette stratĂ©gie de l’évitement ou du dĂ©ni fait la force du RN. Croire ou penser qu’il sera possible de « faire Ă©voluer Â» un reprĂ©sentant du RN revient Ă  dire qu’il a Ă©tĂ© possible de « faire Ă©voluer Â» un Emmanuel Macron, lorsque celui-ci, devenu PrĂ©sident de la RĂ©publique, inflexible, a dĂ©cidĂ© de faire passer en force certaines dĂ©cisions telles que le recul du dĂ©part de l’âge de la retraite. Si certains fonctionnaires prĂ©fèreront partir en cas de gouvernement du RN , ils seront selon moi une minoritĂ© :

A moins de se sentir menacĂ©s directement ou personnellement, ces fonctionnaires feront comme la plupart d’entre nous. Ils resteront Ă  leur poste, Ă©voquant un ensemble de raisons et d’obligations qui les empĂŞchent de partir tout en « condamnant Â» moralement le gouvernement du RN.

Ce qui nous enferme et nous rend aussi dépendants des aléas d’un emploi, d’un gouvernement, d’un pays, d’une situation, d’un statut ou d’un régime c’est peut-être aussi notre attachement forcené à notre sédentarité et aux endroits que nous connaissons, à ce que nous appelons notre enracinement ou notre identité. Ou, plus simplement, notre sécurité.

Si nous étions plus nomades à l’image de Corto Maltese ou de ces migrants regardés de travers, nous aurions sans doute plus de facilités pour relativiser ce qui nous arrive mais aussi pour partir ou changer de vie afin de rester plus libres. Mais pour cela, il faut accepter de s’exiler.

Devant le tribunal de la Cité, à Paris, ce vendredi 5 juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Ou rester sur place et rĂ©sister. C’est ce que j’ai vu ce vendredi 5 juillet, sur les marches du tribunal de la CitĂ©, avec ces drapeaux du Syndicat des avocats de France. Deux personnes (une jeune femme noire et un homme se prĂ©sentant comme magistrat) qui ont assistĂ© Ă  cela m’ont expliquĂ© que cela Ă©tait relatif Ă  une remarque rĂ©cente sur les rĂ©seaux sociaux attribuĂ©e au  RN estimant qu’il y avait trop d’avocats en France. 

 

Ce n’est pas contre toi

 

Pour la première fois, il y a quelques jours, après le rĂ©sultat des Ă©lections europĂ©ennes et, surtout, après celui du premier tour des Ă©lections lĂ©gislatives, il m’est arrivĂ© de me dire qu’il se trouvait parmi les personnes que je cĂ´toie, collègues, connaissances, « amis Â», voisins, des Ă©lectrices et des Ă©lecteurs du RN.

Lorsqu’après les précédentes élections, les scores du FN/RN augmentaient, je ne me disais pas comme certains que tous les électeurs du FN/RN sont des racistes et des fascistes. Mais, désormais, je me le dis un peu plus. Ou, je commence à le croire un peu plus.

Je me dis en tout cas que je suis devenu ou redevenu une cible potentielle comme n’importe quelle minoritĂ© ostracisĂ©e ou pointĂ©e du doigt :

L’étranger sans papiers, le transgenre, l’homosexuel, la prostituée, le ou la toxicomane, la femme battue, l’alcoolique, le malade psychiatrique, le pervers, le jeune de banlieue, l’homme noir ou arabe, le Juif, le musulman, l’Asiatique….

Certaines personnes qui ont votĂ© pour le RN auraient beau essayĂ© de m’expliquer « Ce n’est pas contre toi Â», il n’empĂŞche que, quelque part, quelqu’un, un jour, en France, soudainement, dĂ©cidera ou pourra dĂ©cider que ma tĂŞte est mise Ă  prix ou ne vaut rien simplement parce-que le RN/FN se sera davantage rapprochĂ© des sommets du Pouvoir.

Le RN est l’équivalent d’une Ă©quipe de Foot qui a ses ultras parmi ses supporters. Et, il y a de plus en plus d’Ultras parmi les supporters de l’équipe de Foot que reprĂ©sente le RN. Et, ce que recherchent ces Ultras, c’est une certaine dose d’adrĂ©naline. Quant au RN, il aime faire peur. Il a toujours aimĂ© faire peur. Le climat anxiogène qu’il libère fait partie de son oxygène. Je comprends donc en grande partie les propos tenus dans un entretien par la cinĂ©aste Alice Diop en première page du journal LibĂ©ration le mercredi 26 juin 2024 :

Alice Diop Face Au RN « Pour les gens comme moi, C’est la vie ou la mort Â».

Le journal Libération de ce mercredi 26 juin 2024.

La France, pays de la discordance

 

Et, ce qui n’arrange rien avec cette ambiance, c’est cette façon qu’ont certains d’agir comme si de rien n’était. De ne pas en parler. Lorsque j’ai revu récemment en consultation le pneumologue qui me suit depuis mon embolie pulmonaire l’année dernière, c’était étonnant de le voir et de l’écouter me parler comme si rien n’avait changé et comme si rien n’allait changer dans ce pays depuis le résultat des élections européennes puis ce premier tour des élections législatives.

Je suis très peu allĂ© sur les rĂ©seaux sociaux. J’imagine facilement que bien des amis et des personnes que je connais se sont Ă©panchĂ©s sur le sujet dans les rĂ©seaux sociaux. Mais dans la vraie vie, autour de moi, rien. Ou, en tout cas, pas devant moi. Je n’attendais pas que quelqu’un me dise :

« Franck, si , un jour, tu es poursuivi par des émanations du Ku Klux Klan, sache que j’aurais toujours pour toi une place chez moi entre le palier et les toilettes ainsi qu’un emploi d’homme à tout faire (je te paierai au black)…. ».

Mais ce silence est isolant. C’est un peu comme si, en tant qu’homme noir, en France, on était plus ou moins parvenu à se fondre dans la masse puis que les résultats de ces votes vers le RN agissaient comme du détachant et que l’on se retrouvait d’un seul coup clairsemé ou tout nu en pleine lumière.

Enfant, j’ai assez tôt appris que j’étais Noir. Ne serait-ce que de par mon éducation afin d’être préparé un minimum au racisme anti noir. Mais en vivant à mon époque en région parisienne et en étant employé dans un milieu professionnel et dans des fonctions où je ne détone pas particulièrement, j’ai pu plus ou moins l’oublier. Parce-que vivre en se répétant matin et soir que l’on est un homme noir est un petit peu fatigant. Mais il va peut-être falloir que je révise mes classiques.

 

Franck Unimon, ce dimanche 7 juillet 2024, à quelques heures du second tour des élections législatives.

 

 

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En Concert Moon France

Ann O’aro au studio de l’ermitage ce 14 mars 2024

Ann O’aro, au studio de l’ermitage, ce jeudi 14 mars 2024. Paris. Photo©Franck.unimon.                                                                                                  

J’étais au travail ce jeudi 14 mars, lorsque, dans l’après-midi, en le lisant quelque part, j’ai appris qu’Ann O’aro passait en concert le soir même. A 20h30. Je finissais mon travail à 20 heures à Paris près de la gare Montparnasse.

Si je souhaitais y aller, il me faudrait aller chercher mes appareils (photos) dans ma ville de banlieue, à Argenteuil. Pour mon blog, je ne pouvais pas me contenter de photos prises avec mon smartphone. Et, après le concert, je me réveillerais, comme ce jeudi, le lendemain matin un peu avant 5h30 afin de retourner au travail pour une journée de 12 heures.

Mais il y avait ce concert d’Ann O’aro dans quelques heures. Je l’avais dĂ©jĂ  « ratĂ©e » comme j’ai aussi ratĂ© les concerts de RenĂ© Lacaille ou de Rocio Marquez lorsqu’ils se sont prĂ©sentĂ©s. Je m’étais un peu rattrapĂ© la semaine prĂ©cĂ©dente avec le concert de Tricky Ă  l’Olympia ( voir Tricky Ă  l’Olympia ce 6 mars 2024). 

Quand une ou un artiste nous « parle » ou nous a parlĂ©, on part souvent du principe qu’autour de nous, tout le monde la connait ou le connait. En Ă©voquant Ann O’aro, je n’écoute pas de la musique secrète ou que je mettrais en cachette.

 

Ann O’aro au studio de l’ermitage, ce jeudi 14 mars 2024. Derrière elle, Teddy Doris, au trombone et au choeur. Photo©Franck.Unimon

J’ai commencĂ© Ă  la « connaĂ®tre » par son premier album Ann O’aro sorti en 2018. J’avais publiĂ© un article dessus dans mon blog il y a environ quatre ans :

Ann O’Aro.

Ensuite, il y a eu l’album Longoz arrivé en 2020 que j’ai moins écouté pour le moment et avec lequel j’ai eu plus de mal.

Ce jeudi 14 mars, j’ai aussi appris qu’un troisième album venait de sortir (fin fĂ©vrier 2024). Il s’appelle Bleu. Ann O’Aro continue d’être reprĂ©sentĂ©e par le label Cobalt dirigĂ© par Philippe Conrath.

Ann O’aro au studio de l’ermitage, ce 14 mars 2024. Photo©Franck.Unimon

« Ann O’aro ? Â»

C’est la question qu’a pu me poser, surpris, un de mes collègues, réunionnais certifié, porteur de dreadlocks, la quarantaine, chanteur de Gospel et précédemment joueur de Reggae proche de la professionnalisation. Ce n’est donc pas un amateur ni un ignorant. Pourtant, il n’avait jamais entendu parler de Ann O’aro. Je lui ai orthographié son nom tel qu’elle l’a choisi à «la Créole ». Un nom que j’ai moi-même encore du mal à bien écrire. Et, il m’a dit qu’il allait « regarder ».

La Réunion n’est pas mon pays. Même si, par la suite, j’ai rencontré ma compagne, réunionnaise, et que notre fille, née en France ( encore trop petite pour certains des thèmes des chansons de Ann O’aro) a donc également des origines réunionnaises.

La première fois que je me rappelle avoir entendu du Maloya et son rythme ternaire, c’était dans la boite de nuit Le Manapany, dans les annĂ©es 90 oĂą, avec certains collègues, nous Ă©tions plutĂ´t venus nous rapprocher (- je suis un Moon France mais voir aussi Tuer des noix de coco-)  de nos origines antillaises et des femmes au travers du Zouk.

Ensuite, j’ai voulu entendre un peu plus le Maloya dit traditionnel. Et, en particulier, sur ce qu’il peut avoir en commun avec le Gro-Ka et le Lewoz. Car j’essaie de m’inspirer Ă  ma mesure d’un des principes de mon artiste prĂ©fĂ©rĂ©, Miles Davis, qui disait aussi :

« Mon esprit n’est pas fermĂ© Â». ( “My mind is not shut”).

A la mĂ©diathèque, j’avais trouvĂ© les Cds d’artistes comme Firmin Viry, Danyel Waro et d’autres de la RĂ©union que j’ai essayĂ© d’écouter et de comprendre. J’ai pu voir Daniel Waro en concert lorsqu’il est passĂ© en concert Ă  Argenteuil il y a près d’une dizaine d’annĂ©es. Mon blog n’existait pas, alors. Je sais que Daniel Waro passe le 18 Mai au Cabaret Sauvage Ă  Paris. Maya Kamaty le 21 mars Ă  la Bellevilloise et Lindigo le 11 avril au Cabaret Sauvage.

 

«La musique, ça te permet un Ă©quilibre vu le mĂ©tier que tu fais » m’a dit quelqu’un rĂ©cemment. J’ai acquiescĂ© car il y a du vrai dans cette affirmation. Et, cela m’a permis d’Ă©luder.

Car l’équilibre est aussi une limite. Ainsi qu’une souricière. 

On peut être équilibré parce-que l’on est aussi très bien domestiqué. On ne dérange pas. On reste à sa place. On subit. On accepte. On endure. On s’endurcit. On croupit. On se terre en soi et en silence.

Mais on ne vit pas. On reste derrière des barrages. Ou on passe son temps Ă  attendre, emmitouflĂ©s dans nos mirages et parfois dans nos naufrages. Parfois, on s’auto-dĂ©truit en permanence, discrètement. De manière mĂ©thodique. Cathodique. Et Ă©quilibrĂ©e. Telles ces tours ou ces histoires dont les fondations et les Ă©manations explosent et s’affaissent, Ă©rigĂ©es, droites, et achèvent leur parcours pulvĂ©risĂ©es, tĂ©lĂ©visĂ©es, en Ă©tant toujours restĂ©es bien vissĂ©es sur place et fidèles au poste, tĂ©tant leur devoir et leur espoir en attendant une mue qui n’est jamais venue. D’elles,  on dira peut-ĂŞtre plus tard :

« C’Ă©tait une belle tour ( ou une belle histoire) Ă  l’origine. Dommage qu’elle soit devenue dĂ©suète. Les temps ont changĂ©. Il a bien fallu s’en sĂ©parer. Qu’est-ce que tu veux ? C’est comme ça…. ».

La musique, pour moi, ça reste de la vie. Ça surgit et ça permet d’aller au-delĂ  de nos limites. Les musiciens, les artistes ou les personnes qui nous « parlent », c’est quand mĂŞme assez souvent, celles et ceux qui nous « font » ça. Un des premiers pouvoirs de la musique, comme le feu partagĂ©, c’est de rassembler. Les forces, les volontĂ©s vers l’autre, vers l’ailleurs, vers l’inconnu mĂŞme si ce sont des souvenirs que l’on retrouve aussi.

La musique, pour moi, c’est aussi un bagage et un héritage. C’est à la fois les musiques que j’ai écoutées par les pores de mes parents en France, pays, où, contrairement à moi, ils ne sont pas nés. Puis, celles de mon adolescence et de certaines amitiés quasi fraternelles, à cette période de la vie où l’on a plein de notes et plein de projets mais où l’on manque d’audace, de confiance, de persévérance et de connaissances pour composer. Et où l’on redoute plus les conséquences de la matraque du jugement qu’on ne prévoit les réussites de nos tentatives.

Ann O’aro et Teddy Doris au studio de l’ermitage, ce jeudi 14 mars 2024. Photo©Franck.Unimon

On peut penser que je me contente de parler de moi. Je ne le crois pas. Je n’Ă©cris pas seulement pour moi. Mais aussi parce-qu’il le faut. Parce-que c’est mon tour du sort.

J’Ă©cris d’ailleurs cet article en réécoutant le dernier album de Fally Ipupa, Formule 7. Et puis, on sait maintenant que, Ă©videmment, je suis allĂ© au concert d’Ann O’aro ce jeudi 14 mars 2024 au studio de l’ermitage, Ă  Paris. Les autres dates et les autres lieux de ses concerts prĂ©vus en 2024 ne m’ont pas laissĂ© d’autre choix.

Hormis ce concert du 14 à l’Ermitage, à Paris. Il restait possible de voir Ann O’aro sur scène ailleurs en mars 2024 :

Le 17 à Dunkerque. Le 19 à Guyancourt. Le 21 à Tourcoing. Le 23 à Aubusson et le 26 à Ljubliana, en Slovénie. Je serais bien allé à l’un de ces endroits mais pour des raisons pratiques, le plus simple, restait Paris.

Les dates de ses concerts mais aussi de ceux de Danyèl Waro sont aussi affichées sur le site du label Cobalt qui représente d’autres artistes réunionnais tels que Christine Salem, Zanmari Baré et d’autres.

Ann O’aro, Teddy Doris, Brice Nauroy et Bino Waro au studio de l’ermitage, ce jeudi 14 mars 2024. Photo©Franck.Unimon

Je suis arrivĂ© au concert avec une bonne demie heure de retard avec ma place achetĂ©e en prĂ©vente sur internet : 15 euros et 50 centimes. Soit près de quatre fois moins que le concert de Tricky Ă  l’Olympia quelques jours plus tĂ´t. 

En entrant dans la salle de concert du studio de l’ermitage, Ann O’aro était en train de chanter, accompagnée de ses musiciens :

Teddy Doris au trombone ; Bino Waro au roulèr, sati, pikèr, kayamn et Ă  la batterie et Brice Nauroy aux machines.

Le public était posé, majoritairement assis, très attentif. Il devait y avoir environ 200 personnes à vue d’œil (pour une capacité d’accueil de 250 personnes contre une capacité d’accueil de 4000 personnes pour l’Olympia).

L’ambiance et l’acoustique de la salle étaient intimistes et très confortables. Je me suis tout de suite senti bien. J’ai aussitôt tout effacé. Les doutes. La recherche de la salle. La fatigue. Le trajet. Le retard. La routine. La chevrotine. La journée de travail le lendemain matin.

 

Voir Ann O’aro au studio de l’ermitage après Tricky à l’Olympia ?

Ann O’aro et Teddy Doris, ce jeudi 14 mars au studio de l’ermitage. Photo©Franck.Unimon

Je me suis dit qu’ils Ă©taient proches tous les deux malgrĂ© ce que l’on pourrait estimer en prime abord. Tricky, « de » Bristol, plutĂ´t contrariĂ© par la notoriĂ©tĂ©, aimerait sans doute pouvoir se produire dans une salle comme le studio de l’ermitage. En Ă©coutant Ann O’aro, j’ai aussi pensĂ© Ă  la musicienne et compositrice bretonne Kristen Noguès. 

Bien-sĂ»r, Ann O’aro existe par elle-mĂŞme et a ses propres inspirations et rĂ©fĂ©rences. Mais lorsque l’on est amateur de musique, on aime certaines fois imaginer que se rencontrent les ombres de certains artistes. Des rencontres entre des artistes qui ne se matĂ©rialisent jamais- ou parfois mal- par manque d’inspiration, d’Ă©poques ( Kristen Noguès est morte depuis 2007) ou du fait d’une mauvaise entente et qu’il faut sans doute apprendre Ă  imaginer ou Ă  crĂ©er soi-mĂŞme.

Devant nous, nous avions peu Ă  imaginer. La voix d’Ann O’aro est très douce et forte. Elle s’empare de vous et chante comme un boxeur. Son chant part depuis ses pieds. Elle chante en emmenant tout son corps et en nous portant vers une…certaine tension Ă©motionnelle.

C’est ce que l’on appelle avoir une présence. La présence de celle qui s’approche et aussi de la sentinelle.

Je me suis dit qu’elle avait de quoi jouer dans un film ou au théâtre.

Ann O’aro et Teddy Doris, au studio de l’ermitage, ce 14 mars 2024. Photo©Franck.Unimon

Son humour et son aisance, y compris au piano qu’elle a dĂ©sormais ajoutĂ© Ă  son usage des sorts- les sorts de l’enfance- sont aussi dĂ©concertants qu’insaisissables. Je me suis un peu demandĂ© :

« Comment fait-elle ? Â».

On aurait presque dit que c’était nous qui étions à un enterrement (peut-être le nôtre) tandis que, elle, et ses musiciens s’amusaient bien parce qu’ils le voulaient. Tandis que nous, hé bien, nous restions très polis et très guindés sans faire de bruit de peur de déranger ou de tâcher en sortant de notre réserve militaire.

Soit parce-que nous n’avions jamais appris Ă  remuer et Ă  tinter au son de la musique ou parce-que nous Ă©tions intimidĂ©s et captivĂ©s par ce que nous voyions et entendions devant nous :

Nous avions un peu « peur Â» d’interrompre la sĂ©ance d’hypnose. Ou nous n’osions pas moufter connaissant les sujets chargĂ©s qu’elle abordait sous les dĂ©guisements aiguisĂ©s de sa voix apaisĂ©e.

Mon excuse était que je prenais des photos. Mais j’imagine facilement ce que la même musique jouée ce jeudi soir peut entraîner ailleurs ou dans un Kabar ( ou kabaré), là où l’on s’autorise à danser plus vite que la lumière ne pense.

Nous avons été des privilégiés d’assister à ce concert. J’ai été content, après le concert, de pouvoir parler un peu à Ann O’aro et de poser pour la photo avec elle et Philippe Conrath qui dirige le label Cobalt.

Avec Philippe Conrath et Ann O’aro Ă  la fin du concert au studio de l’ermitage, ce jeudi 14 mars 2024. Merci Ă  la personne qui nous a pris en photo avec mon appareil.

Ann O’aro chante aussi dans le groupe Lagon Noir lors du festival Banlieues Bleue au centre culturel Jean à la Courneuve le vendredi 29 mars 2024 à 20h30.

Ce jeudi soir, elle a superbement clos son concert en nous chantant son titre Valval rouz ( si je ne me trompe) un de ses titres acapella, prĂ©sent sur son premier album.  

 

Franck Unimon, ce dimanche 17 mars 2024.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Cinéma Moon France

Ici s’achève le monde connu un court mĂ©trage de Anne-sophie Nanki

Ici s’achève le monde connu un court métrage de Anne-Sophie Nanki

Il y a quelques jours, j’ai fait le nĂ©cessaire pour regarder Ici s’achève le monde connu de Anne-Sophie Nanki. Un court mĂ©trage d’une vingtaine de minutes. Les fictions rĂ©alisĂ©es et produites par des artistes de l’Outre-Mer, d’OcĂ©anie et d’Afrique que l’on peut voir assez facilement restent rares. Et ces productions sont très nettement dĂ©savantagĂ©es en termes de diffusion. Il est beaucoup plus facile et plus simple de trouver des salles de cinĂ©ma pour y voir quantitĂ©s de productions occidentales- pour simplifier– bien plus largement distribuĂ©es et aussi mieux annoncĂ©es.

Je suis amateur de cinĂ©ma mais j’ai beaucoup moins de disponibilitĂ© qu’auparavant pour aller chercher des films qui passent dans deux ou trois salles de cinĂ©ma, pour une durĂ©e très limitĂ©e,  et seulement Ă  certains horaires. J’opte donc rĂ©gulièrement pour la facilitĂ© qui consiste Ă  aller voir dans une salle ce qui est dĂ©jĂ  facilement visible ou plus ou moins visible devant moi. Dans des salles de cinĂ©ma que je connais et oĂą j’ai mes habitudes :

Je cherche moins qu’avant dans les « coins », dans les productions plus ou moins discrètes ou les festivals dont on parle beaucoup moins.

Mais pour Ici s’achève le monde connu, je me suis obligĂ© Ă  aller contre certaines de mes habitudes de facilitĂ©s. Le titre et l’affiche du film, ainsi que quelques avis favorables aperçus, m’ont donnĂ© le coup de pouce pour franchir la ligne du regard.  J’ai regardĂ© Ici s’achève le monde connu deux fois de suite. En ligne.  Je le regarderai peut-ĂŞtre encore Ă  nouveau tant qu’il sera disponible en ligne gratuitement. On pourrait penser que mettre un film en ligne le rend plus accessible. Mais c’est sous-estimer Ă  quel point nous pouvons ĂŞtre dispersĂ©s ou captĂ©s par diverses sollicitations visuelles. Comme le fait que nous pouvons aussi prĂ©fĂ©rer une certaine passivitĂ© Ă  l’image de ces personnes affalĂ©es dans un transat, canapĂ© ou  lit bercĂ©es par l’action de prendre aucune dĂ©cision. 

L’histoire de Ici s’achève le monde connu se déroule en 1645. Nous sommes en 2024. En 2024, en France, de quoi nous parle-t’on le plus en ce moment ? :

Des agriculteurs français qui, Ă  nouveau, bloquent certaines routes et qui pourraient arriver jusqu’à Paris ?  Suspense Ă©crasĂ©. De la guerre en Ukraine qui s’enlise. De la possible réélection/rĂ©-Ă©rection assez « crainte » de Donald Trump aux Etats-Unis ?

De l’armĂ©e israĂ©lienne et des milliers de Palestiniens tuĂ©s en reprĂ©sailles Ă  l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023. Des migrants qui se noient en plein mer ou qui se font refouler ou expulser. Des Jeux Olympiques en France de 2024, c’est cette annĂ©e, dans six mois. De la nomination rĂ©cente de Gabriel Attal comme Premier Ministre Ă  la suite d’Elizabeth Borne et des dĂ©fis qui l’attendent en tant que nouveau chef du gouvernement, plus jeune Premier Ministre de France et premier homosexuel Ă  ce poste, qui devrait faire ceci, qui devrait faire cela pour plaire Ă  tout le monde sans trop gĂŞner le jeune PrĂ©sident Emmanuel Macron qui l’a choisi.  De Rachida Dati, figure -et alibi- politique psychopathe, revenue dans le dĂ©filĂ© de mode mĂ©diatique  nommĂ©e pour casser des bras et embarrasser l’adversitĂ© plus que pour la Culture pour laquelle elle  a Ă©tĂ© officiellement nommĂ©e Ministre. Du prix de l’électricitĂ© et de l’essence qui gonfle. De la crise immobilière.

En ce moment, en France, en 2024, c’est l’hiver. Il arrive qu’il fasse froid. Qu’il y ait de la neige. Certains partent faire du ski ou envisagent de le faire. D’autres ne le peuvent pas.

Il fait assez gris par moments. Même si les jours se rallongent, même s’il y a des très bonnes séries télévisées à regarder et que nous sommes de plus en plus en symbiose avec nos téléphones portables et nos écrans garants de notre photosynthèse personnelle, même s’il y a encore les soldes, nous sommes dans une période de l’année, voire de notre vie, passablement déprimante ou tâtonnante. Une nouvelle fois.

Même si l’on sourit et que l’on affirme que l’on a plein de projets, autour de nous et près de nous, il y a toujours beaucoup de personnes isolées et plus captives de leur destinée qu’elles n’en sont les grandes décisionnaires. Et, l’on peut se dire ou murmurer quelques fois :

« C’était mieux avant… Â».

La rĂ©alisatrice Anne-Sophie Nanki a dit dans une interview qu’elle aurait aimĂ© qu’on lui raconte des histoires comme celle de son film Ici s’achève le monde connu. Son court mĂ©trage est bien vu par la critique et bĂ©nĂ©ficie de bons Ă©chos. L’acteur et rĂ©alisateur Jean-Pascal Zadi, qui a commencĂ© Ă  ĂŞtre plus connu depuis son  film Tout simplement noir ( Tout simplement Noir), dit beaucoup de bien de son film.

Ici s’achève le monde connu a reçu plusieurs prix et a Ă©tĂ© prĂ©sĂ©lectionnĂ© dans la catĂ©gorie Meilleur court mĂ©trage pour les CĂ©sars 2024.  J’en profite pour saluer Claire Diao, qui, je le sais, Ĺ“uvre depuis des annĂ©es maintenant, avec les personnes qui travaillent avec elle, Ă  faire en sorte que le cinĂ©ma d’Outremer, d’OcĂ©anie et d’Afrique soit autre chose qu’un cinĂ©ma d’Outre-tombe.

Dans Ici s’achève le monde connu, nous sommes en 1645. Il fait beau. Nous sommes dans les Antilles françaises, en Guadeloupe.

En Guadeloupe, Ă  Ste Rose, mais fin dĂ©cembre 2023. Je n’avais pas de photo de 1645 Ă  ma disposition. Photo©Franck.Unimon

Pas de Poutine. Pas de Chine. Pas de Donald Trump. Pas de Hamas. Pas d’armée israélienne. Pas de risque de guerre mondiale, de catastrophe nucléaire, de déclin écologique. Ibatali, une jeune femme enceinte jusqu’à l’os, une indigène Kalinago, marche péniblement dans la forêt. Elle s’enfuit.

Elle souffre, oui, mais elle est libre. Elle a Ă©tĂ© vendue Ă  14 ans comme esclave par son père Ă  des colons blancs. Elle part retrouver sa famille. Courageusement. Sans Mondial Assistance et sans transports en commun. Sans tĂ©lĂ©phone satellite.  

Ibatali doit avoir à peine la vingtaine et a conclu que la vie, pour elle, parmi les blancs, ce n’est pas pour elle. Pour elle, aussi, finalement :

 » C’Ă©tait mieux, avant… ». Avant la colonisation. Avant d’ĂŞtre vendue. 

Ibatali essaie de franchir une rivière. Dans Le seigneur des anneaux, c’est en franchissant une rivière magique, qu’Aragorn, presque dĂ©funt, rĂ©cupĂ©rĂ© Ă  cheval par celle qu’il va aimer, Ă©chappe aux crĂ©atures de mort qui les poursuivaient sur leurs Ă©talons. Ibatali, elle, glisse sur une roche et se rĂ©tame. Elle arrive sur le dos. Lorsqu’elle parvient Ă  se redresser, difficilement, elle aperçoit un homme noir Ă  moitiĂ© nu qui s’avance lentement dans l’eau vers elle un peu comme un serpent qui la regarde. Rien de comparable avec le portrait de l’ange Gabriel blond aux yeux bleus ou du coup de foudre que l’on peut avoir pour le prince charmant aperçu sur un site de rencontres. Ibatali prend une raclĂ©e mentale.  Autant dire qu’elle a peur. L’homme noir, c’est un film d’horreur aussi vivant qu’il respire. C’est le pire de l’HumanitĂ©.  Pire que l’esclavagiste et ses chiens. L’homme blanc, mĂŞme s’il peut ĂŞtre très violent, comme un alcoolique lorsqu’il a trop bu, appartient au moins Ă  une espèce supĂ©rieure et conquĂ©rante. Alors que l’homme noir…d’ailleurs, l’homme noir n’est mĂŞme pas un ĂŞtre humain. Pourquoi ai-je utilisĂ© le terme de « homme Â» ?

Parce-que j’étais en train de rêver. Ou par conflit d’intérêt.

Parce-que je suis un complice : Un « homme » noir.  Et parce-que depuis Ibatali et Olaudah (la « chose » noire nous donne son prĂ©nom et sa signification plus tard), beaucoup de femmes et d’hommes noirs ont accĂ©dĂ© Ă  certains enseignements tels que celui qui consiste Ă  se servir d’un clavier d’ordinateur afin de domestiquer et Ă©crire leurs pensĂ©es pour les faire paraĂ®tre sur internet ( sur un blog !) dans une langue que le monde occidental blanc peut aussi comprendre et plus ou moins accepter (oui, oui, oui !).  Puisqu’il s’agit de la langue du monde occidental blanc (oui, oui, oui !).

D’esclaves et de migrants forcĂ©s, nous sommes devenus des citoyens intĂ©grĂ©s et plus ou moins acceptĂ©s selon les circonstances. Gabriel Attal, nouveau Premier Ministre en 2024, est peut-ĂŞtre jeune et homosexuel mais il est blanc et a fait les (très) bonnes Ă©coles qui mènent au Pouvoir. Rachida Dati, notre nouvelle Ministre de la Culture, maire prĂ©cĂ©demment du très «pauvre » 7ème arrondissement de Paris,  a beau avoir des origines sociales modestes et ĂŞtre Arabe mais c’est pareil. Elle, aussi, a fait les très bonnes Ă©coles. Et, comme Attal vraisemblablement,  elle se distingue par une aptitude stratĂ©gique hors norme et remarquable en termes de plan de carrière qui ne s’apprend pas dans les Ă©coles. En comparaison, toutes mes annĂ©es de travail et mes Ă©tudes ont la valeur et la force d’un simple aĂ©rosol et, pour eux deux, je suis Ă  peu près l’équivalent d’une Ibatali ou d’un Olaudah. Bien-sur, si on les interrogeait, les deux affirmeraient le contraire mais ils peuvent mentir.

Ai-je aimĂ© Ici s’achève le monde connu ? J’ai aimĂ© la rencontre entre un esclave d’origine africaine qui s’est enfui (ce que l’on appelle un Nègre marron)  et une reprĂ©sentante du peuple «premier », d’avant la colonisation. C’est peut-ĂŞtre ça qu’a voulu dire Anne-Sophie Nanki lorsqu’elle a dĂ©clarĂ© qu’elle aurait voulu qu’on lui raconte des histoires de ce genre :

Que s’est-il passĂ©, au moment de la colonisation,  quand un esclave africain ou une esclave africaine a rencontrĂ© une membre ou un membre du peuple premier ?

Car le peu que nous « savons Â», c’est que les Arawaks, les CaraĂŻbes, les Kalinagos ou d’autres auraient très vite dĂ©clinĂ© après l’arrivĂ©e ( l’intrusion ?) des colons europĂ©ens. Qu’ils auraient succombĂ© aux maladies importĂ©es par les colons et leur « puretĂ© Â» ;  qu’ils n’auraient pas survĂ©cu Ă  l’esclavage ou qu’ils auraient Ă©tĂ© rapidement laminĂ©s par les armes. Ils auraient disparu ou se seraient Ă©vaporĂ©s rapidement comme dans un rĂŞve.

Mais c’est flou.

Des femmes et des hommes indigènes ont continuĂ© d’exister pendant la colonisation des Antilles. Mais on a peu de rĂ©cits de cette pĂ©riode. Comme le dit le jeune enfant Ă  propos de sa mère disparue qu’il n’a jamais connue dans le film Le Cheval venu de la mer rĂ©alisĂ© par Mike Newell en 1992 :

« Je n’ai pas image ».

Enfants des Antilles que nous sommes, nous n’avons pas d’images de cette époque de la colonisation où, pourtant, pour nous, notre vie a débuté par nos ancêtres. Comme si nous étions nés et que nos parents n’avaient jamais pris et laissé de photos d’eux et de nous, plus jeunes. Et que l’on était déja passé directement à l’âge adulte lorsque l’on pu se regarder, pour la première fois, dans un miroir.

Beaucoup de nos images et de nos histoires ayant Ă©tĂ© privĂ©es de tirages, on peut parler pour beaucoup de nos ancĂŞtres d’une existence entière soumise au tirage au sort :

 Â« C’est toi et ta chance… Â».

 L’Histoire des Antilles a  d’abord Ă©tĂ© (d)Ă©crite par des descendants de blancs qui avaient d’autres prioritĂ©s et d’autres aspirations que les esclaves et les Indigènes prĂ©sents en 1645 puis les annĂ©es suivantes :

 S’il Ă©tait demandĂ© Ă  Emmanuel Macron, Gabriel Attal, Rachida Dati, Poutine, Trump, et d’autres de raconter les Ă©vĂ©nements importants qui les auront marquĂ©s Ă  la fin de cette annĂ©e 2024, il est  certain qu’ils Ă©voqueront des sujets très diffĂ©rents de ceux auxquels je peux tenir dans ma vie personnelle de simple citoyen. Donc, si eux et moi avions Ă  Ă©crire de notre point de vue l’annĂ©e 2024 actuellement en cours, il est prĂ©visible que les contenus de nos ouvrages seraient très Ă©loignĂ©s les uns des autres. Mais ils pourraient, aussi, par endroits, se complĂ©ter de manière Ă©tonnante Ă  condition que ces personnes soient capables de sincĂ©ritĂ© et d’introspection. Ce qui reste Ă  vĂ©rifier. Car la capacitĂ© de sincĂ©ritĂ© et la capacitĂ© d’introspection sont sans doute incompatibles, sur le long terme, avec certaines fonctions de dirigeants mais aussi avec certaines carrières.

Je crois que Anne-Sophie Nanki, elle, a rĂ©alisĂ© une Ĺ“uvre sincère en se livrant Ă  une certaine introspection. Je prĂ©fère d’ailleurs comprendre son intention Ă  travers ce film  de cette façon plutĂ´t que de le voir comme une Ă©nième crĂ©ation antillaise oĂą on doit nous parler Ă  nouveau de l’esclavage et de ses consĂ©quences- rĂ©elles- sur notre descendance :

Etant donné que l’on ne nous dit rien à propos de ce qui a pu se passer, humainement, lors de cette rencontre un peu du troisième type entre une personne africaine et une personne indigène, mais aussi, avec un colon blanc européen, essayons d’imaginer comment c’était, comme cela a pu être.

Les rĂ©alisatrices et les rĂ©alisateurs de cinĂ©ma (ainsi que les auteurs et les artistes d’une manière gĂ©nĂ©rale mais aussi des enquĂŞteurs et des journalistes) passent leur temps  Ă  faire ça. A partir d’un fait rĂ©el, essayer de raconter ce qui a bien pu se passer dans l’intimitĂ© – et la tĂŞte- des gens.

Le dernier film de Todd Haynes, sorti rĂ©cemment, dont les critiques sont plutĂ´t bonnes, en est un exemple parmi beaucoup d’autres. Pour son May December, avec les actrices Natalie Portman et Julianne Moore, des actrices blanches et amĂ©ricaines (Natalie Portman est israĂ©lo-amĂ©ricaine) plus que reconnues, Todd Haynes, rĂ©alisateur Ă©galement reconnu (blanc et amĂ©ricain Ă©galement)  est parti d’une histoire rĂ©elle pour raconter « son Â» histoire et faire son film . Avec le concours et la subjectivitĂ© des actrices et des acteurs engagĂ©s dans le projet.

On peut penser ce que l’on veut de ce qui est montrĂ© ou affirmĂ© dans le film de Todd Haynes d’autant que celui-ci s’est inspirĂ© librement de la vie de deux personnes ( et de leurs proches) rĂ©elles qui avaient par ailleurs racontĂ© et fait publier leur histoire par Ă©crit. Mais en voyant ce film (je l’ai vu quelques heures après avoir regardĂ© Ici s’achève le monde connu) on peut se dire qu’il y a du « vraisemblable Â» dans May December. MĂŞme si je reproche Ă  Todd Haynes d’avoir fait un film finalement assez convenu oĂą la femme ( jouĂ©e par Julianne Moore), civilement plus mature et coupable d’un point de vue lĂ©gal et moral que son amant qui avait 12 ou 13 ans au dĂ©but de leur relation avant de devenir son mari, est quand mĂŞme pointĂ©e du doigt Ă  la fin du film comme il se doit.

J’ai préféré les autres films de Todd Haynes, perçu comme un réalisateur assez anticonformiste, et, pour moi, Natalie Portman, malgré toute son application, et son statut de comédienne encensée et oscarisée, reste une actrice plate, froide, très propre sur elle, et ennuyante. Soit tout le contraire d’une Julianne Moore, d’une Virginie Efira ou d’une Laure Calamy.

Les deux acteurs de Ici s’achève le monde connu le jouent bien.  

Sauf un peu au début où il y a quelques accrocs dans le regard de Ibatali ( la comédienne Lorianne Alami Jawari). Ma préférence va à Olaudah ( le comédien Christian Tafanier) :

Le « sauvage ».

J’écris « Le sauvage » car c’est comme ça que Ibatali le voit. Et c’est comme ça que le colon blanc- ou autre- le voyait ou le voit encore.

 Anne-Sophie Nanki a voulu croire possible une telle rencontre plutĂ´t « moderne Â» oĂą un esclave en fuite se prĂ©occupe d’une femme enceinte, donc porteuse d’avenir. Dans Les fils de l’homme très bon film mal connu de Alfonso Cuaron (2006), la grossesse d’une jeune femme noire migrante reprĂ©sente l’espoir dans un monde moderne oĂą l’humanitĂ© est devenue stĂ©rile. Et le hĂ©ros, jouĂ© par l’acteur Clive Owen la protège.

On pourrait voir le personnage de Olaudah comme une version avant-gardiste de Clive Owen. Sauf que l’on est dans un autre monde que celui de Les fils de l’homme.

Olaudah est clandestin, isolĂ© et menacĂ©. Les colons veulent sa peau. Et il n’y a pas de Garde des Sceaux favorable aux esclaves Ă  cette Ă©poque.

Dans le Django Unchained ( 2012) de Tarantino, Django, interprĂ©tĂ© par Jamie Foxx, est un esclave noir Ă  cheval libĂ©rĂ© et habile de la gâchette qui dĂ©sarçonne et dĂ©range le Nègre (extraordinairement bien jouĂ© par Samuel Jackson) fondu dans le modèle du Maitre  blanc ( très bien jouĂ© aussi par LĂ©onardo dicaprio ). Le film a un cĂ´tĂ© spectaculaire et excessif afin de conjurer l’accablement de cette Ă©poque ainsi que la honte et la culpabilitĂ© qu’ont  pu engendrer chez certains le rĂ©gime esclavagiste et la traite nĂ©grière. C’est un film de « dĂ©tente » oĂą Django est intrĂ©pide mais aussi alliĂ© Ă  un blanc abolitionniste et aventurier qui sait se servir d’une arme. Soit des anomalies assez peu crĂ©dibles dans l’Ă©poque oĂą se dĂ©roule l’action mĂŞme si la guerre de SĂ©cession ( 1861-1865) couve et avec son issue la fin de l’esclavage.

Dans Ici s’achève le monde connu, l’atmosphère est plus rĂ©aliste et, aussi, plus tentaculaire. Nous sommes dans les dĂ©buts de la colonisation deux cents ans plus tĂ´t dans les Antilles françaises. L’ Etat français fait partie des Etats nĂ©griers et esclavagistes de l’Ă©poque. Une Ă©poque qui va durer deux bons siècles. Soit bien plus longtemps que la durĂ©e de vie moyenne d’un ĂŞtre humain ordinaire. Il n’y a pas de super hĂ©ros. Il n’y a pas d’intervention d’une Force autre que celle dont disposent les protagonistes et qui s’accompagne de leurs Ă©motions, de leur audace et de leurs tâtonnements.

Nous sommes enracinĂ©s voire enchevĂŞtrĂ©s dans le film. Nous marchons avec eux. Et le fait de laisser enfouis  Â« hors champ » les blancs colons fait partie des aimants du film. Non pour les ignorer et les exclure car ils font partie de l’Histoire de toute façon. Mais parce-que cela permet de plus se concentrer sur l’Histoire des « autres », ces astres que l’on ignore ou que l’on a ignorĂ©s. Parce-que cela permet de donner plus de place Ă  ces personnes qui, autrefois ( ou aujourd’hui ) occupaient et occupent majoritairement l’espace et que, pourtant, on ne voit pas ou que l’on voit très peu que ce soit dans nos miroirs ou dans nos images.

J’espère que Anne-Sophie Nanki rĂ©ussira Ă  mener Ă  bien son projet de donner une version long mĂ©trage de son Ici s’achève le monde connu

Franck Unimon, ce lundi 29 janvier 2024.

 

 

 

 

 

 

 

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La Pointe des Châteaux, Guadeloupe, ce 25 décembre 2023.

La Pointe des Châteaux, commune de St François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

La Pointe des Châteaux, Guadeloupe, ce 24 décembre 2023.

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Enfant, lorsque nous descendions vers la station du bus 304 en passant devant le théâtre des Amandiers, à Nanterre, il me fallait multiplier les pas pour diviser l’allure de ma mère.

Je trottinais à côté d’elle sans toujours connaître la destination.

Un jour, alors que nous chevauchions le macadam depuis plusieurs minutes et que nous nous rapprochions du but, la station de bus, ma mère, après m’avoir interrogé, malgré mes réponses et plusieurs hésitations, avait décidé de rebrousser chemin.

Elle n’était pas sûre d’avoir bien fermé le gaz dans la cuisine de notre appartement en partant. Nous avions dû remonter jusqu’au sixième étage de l’immeuble.

 

Bien-sûr, elle l’avait fait.

 

Enfants, nos parents sont les archers, mais aussi les cochers ainsi que les sillons de nos horizons. La cible, pour nous, et les moyens de l’atteindre, peuvent être assez flous. Mais nous suivons.

Quelques années et des milliers de kilomètres plus tard, je me retrouve ce 25 décembre 2023 avec ma mère ( Tuer des noix de coco ) à la Pointe des Châteaux, en Guadeloupe.

Ma prĂ©cĂ©dente venue en Guadeloupe remontait Ă  2014 avec ma compagne et notre fille alors Ă  peine âgĂ©e de un an. Pour ce sĂ©jour, il m’importait de venir seul en tant que fils aĂ®nĂ©. Mon père avait eu des ennuis de santĂ© assez prononcĂ©s quelques semaines plus tĂ´t. Ma mère m’avait exprimĂ© son souhait que je puisse venir avant la fin de l’annĂ©e 2023.

Pour l’annĂ©e 2024, j’ai entre-autres le projet de retourner au Japon  après mon premier sĂ©jour lĂ -bas en 1999. Et, cette fois, ce sera en bĂ©nĂ©ficiant du sĂ©jour organisĂ© par LĂ©o Tamaki, expert en AĂŻkido ( Dojo 5 , Les 24 heures du SamouraĂŻ au dojo d’Herblay ce 20 et ce 21 Mai 2023, 2ème Ă©dition ), qui nous a prĂ©parĂ© des rencontres avec des Maitres d’Arts martiaux ainsi que la visite de lieux culturels Ă  forte valeur ajoutĂ©e.

Il m’Ă©tait nĂ©cessaire, mĂŞme si je retournerai bien-sĂ»r en Guadeloupe, d’aller voir mes parents avant ce nouveau voyage au Japon ainsi qu’Ă  toute autre destination oĂą je me rendrai.

Lors de ce court séjour en Guadeloupe chez mes parents que j’avais dû reporter (Le mystère du Covid : Covid et embolie pulmonaire) , je me suis fixé deux endroits où retourner :

La Pointe des Châteaux et la plage de Raisins clairs à St François.

A la Pointe des Châteaux, commune de St François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

 

Pourquoi la Pointe des Châteaux et la plage de Raisins clairs ? C’est arrivĂ© comme ça.

Je dois à J…ancien collègue croisé à l’hôpital de Pontoise dans les années 90, un peu plus jeune que moi de deux ou trois ans et qui a grandi en France comme moi, de m’avoir fait découvrir une petite partie de cette Guadeloupe touristique que j’ai longtemps méconnue.

Au point de me retrouver en France dans des situations honteuses :

Je n’oublierai pas ce moment oĂą une « connaissance Â» toute contente d’apprendre que j’étais originaire de la Guadeloupe avait commencĂ©, enthousiaste, Ă  Ă©grener devant moi la liste de ces endroits magnifiques qui l’avaient Ă©merveillĂ©e durant ses vacances en Guadeloupe.

Je l’avais regardée comme un idiot censé s’exprimer à propos d’un tableau extraordinaire que tout le monde admire et qu’il n’a jamais vu. Ou comme un croque-mort en train d’assister à l’expression exagérée d’un bon moment.

Si, quelques annĂ©es plus tard, J…m’avait quelque peu dĂ©niaisĂ©, j’avais nĂ©anmoins Ă©tĂ© surpris par la suite, en apostrophant mon père, de l’entendre se dĂ©fendre en CrĂ©ole de la façon suivante :

« Mais ce sont des endroits où, même moi, je ne suis jamais allé !».

Mon père qui patrouillait sur les routes de la Guadeloupe durant deux mois, nous trimballant de temps Ă  autre sur la plage, pour rencontrer (beaucoup) de personnes dont un certain nombre  faisait mine de s’intĂ©resser Ă  nous quelques secondes ou de m’apprendre « Je t’ai vu quand tu Ă©tais tout petit… » avant de recommencer Ă  discuter avec mon père comme si je n’avais jamais existĂ©, n’était jamais allĂ© au Saut de la LĂ©zarde !

Cela se trouve Ă  Petit-Bourg, commune oĂą il Ă©tait nĂ©, oĂą il avait grandi, oĂą il revenait passer une grande partie de ses vacances chez ses propres parents et oĂą j’avais passĂ© mes tous premiers jours de vacances en Guadeloupe en 1975.

A Ste-Rose, Guadeloupe, décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

« La Guadeloupe, c’est ton pays ! » m’avait pourtant plusieurs fois répété mon père avant que, enfant, nous n’allions à nouveau prendre l’avion avec la compagnie Air France pour deux mois de vacances estivales lors des congés bonifiés.

Entre 1975 et 1986, avec mes parents, aucun de nos séjours en Guadeloupe ne nous a mené jusqu’à la Pointe des Châteaux. Il est ainsi un certain nombre d’endroits plébiscités par les touristes ou les personnes un peu curieuses en Guadeloupe dont j’ai pu, parfois, entendre le nom, sans jamais y mettre les pieds.

Par contre, La plage de Raisins clairs, Ă  St François, est un de mes premiers souvenirs de plage ou peut-ĂŞtre mon premier souvenir de plage en Guadeloupe en 1975. 

Lorsque l’on vient de l’île de la Basse Terre, comme mes parents, il faut faire un peu de route pour se rendre Ă  St François, commune situĂ©e en Grande Terre. C’est sĂ»rement possible en car mais le plus pratique reste la voiture. Il n’existe pas de ligne de RER,  de mĂ©tro,  de train ou de TGV en Guadeloupe. 

Sur le trajet, en s’approchant de la Pointe des Châteaux, ce 25 dĂ©cembre 2023. Photo©Franck.Unimon

 

 Avec J, sa copine et d’autres …nous Ă©tions partis de la commune de Morne Ă  L’eau. Ce 25 dĂ©cembre 2023, ma mère et moi sommes partis de la commune de Ste Rose. C’est plus long. Une bonne heure de route. C’est peut-ĂŞtre pour cette raison que mon père a prĂ©fĂ©rĂ© rester Ă  la maison. On peut en effet avoir l’impression de partir pour le bout du monde.

Mais, cette fois-ci, pas de course-poursuite Ă  cĂ´tĂ© de maman puisque je conduis la voiture de mon père. D’ailleurs, c’est moi qui ai attendu ma mère dans la voiture tandis qu’elle finissait de se prĂ©parer. Ainsi, elle a sans doute pu prendre le temps de s’assurer que le gaz Ă©tait bien fermĂ©. 

Maman, à la Pointe des Châteaux, commune de St François, Guadeloupe, ce 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Son sac à main sous le bras, alors qu’elle regarde la Croix de la Pointe des Châteaux, je n’ai aucune idée de ce à quoi peut bien penser ma mère. Et, si je sais que l’on peut apercevoir l’île de la Désirade, j’ignore toujours la raison de cette Croix. J’ai même appris la veille dans un guide touristique qui date de plusieurs années- que m’a remis ma mère- que la Pointe des Châteaux serait le site touristique le plus visité de la Guadeloupe avec environ 500 000 personnes par an.

Cette forte affluence cause d’ailleurs des dégâts écologiques. S’il y a assez peu de voitures lorsque nous nous garons et que je trouve assez facilement une place de stationnement, je suis aussi étonné de voir un ou deux guichets touristiques où l’on propose des promenades en kayak ou des randonnées. Je ne me rappelle pas de ça.

Etant donné l’heure de notre arrivée, près de 13 heures, et la chaleur, je propose d’abord de nous restaurer au restaurant La Saveur du soleil que je découvre.

Mais la cuisinière n’est pas encore arrivée ou n’est pas encore revenue. Alors, nous partons pour la Croix, ma mère et moi. Et, chemin faisant, je lui porte son sac et sa bouteille d’eau minérale.

Nous avançons tranquillement. L’endroit m’attire pour sa symbolique et son point de vue.

La Pointe des Châteaux, commune de St François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Lorsque nous arrivons près de la Croix, il y a encore Ă  peine dix personnes. A l’aller comme au retour, nous y avons rencontrĂ© principalement des francophones, plutĂ´t adultes, et majoritairement blancs. Lesquels, dans leur ensemble, ont soit devancĂ© nos salutations soit nous les ont « rendues Â».

Près de la Croix de la Pointe des Châteaux, commune de St François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Quelques minutes plus tard, ma mère et moi avons l’endroit pour nous deux. Si l’on peut sans doute s’y plaire en amoureux ou en famille, ou en tant que photographe ou artiste peintre, je trouve que l’on peut aussi aimer y venir pour se recueillir.

La Pointe des Châteaux, commune de St François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Ce n’est qu’une fois en bas, que ma mère m’apprendra que c’était la première fois qu’elle montait jusqu’à la Croix de la Pointe des Châteaux. Quelques années plus tôt, avec son club de randonnée, elle avait marché vingt kilomètres pour s’arrêter au bord de la plage et apercevoir la Croix qui pointait à l’horizon.

Devant moi, ce 25 décembre 2023, ma mère ne se rappelle pas la raison pour laquelle elle et son groupe de marche s’en étaient tenus à ce trajet. Peut-être que quelqu’un, dans le groupe, s’était-il soudainement rendu compte qu’il avait oublié de fermer le gaz chez lui ?

Point de vue depuis la Pointe des Châteaux, commune de St François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

A notre retour de la Croix, entre-temps, la cuisinière de La Saveur du soleil a pu revenir. Nous commandons notre repas.

Si le service a Ă©tĂ© un petit peu long, j’ai Ă©tĂ© très agrĂ©ablement surpris par l’originalitĂ©, la quantitĂ© et la qualitĂ© de ce que nous avons mangĂ©. J’avais commandĂ© le dernier bokit Ă  la morue disponible. Ma mère en avait pris un au poulet. Le bokit, servi Ă©galement avec une salade accompagnĂ© d’une très bonne vinaigrette, est croustillant et n’est pas en « plâtre » ou gorgĂ© d’huile. Le poulet adressĂ© a Ă©tĂ© grillĂ© sur la braise. 

On nous a aussi servi une purĂ©e d’igname et de giraumon faite sur place. En dessert, nous avons eu une très bonne salade de fruits locale.

Après notre repas, je suis allé féliciter le personnel. J’ai appris que La Saveur du Soleil existait depuis au moins une vingtaine d’années, ouvert au départ par le père d’une des employées. Et que la carte visait à essayer de renouveler la cuisine traditionnelle de la Guadeloupe.

Ensuite, nous sommes partis pour la plage de Raisins Clairs oĂą, muni d’un de mes masques d’apnĂ©e,  j’ai pu faire des bulles dans l’eau pour la première fois depuis mon embolie pulmonaire, courant novembre.

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Franck Unimon, ce dimanche 21 janvier 2024.

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Tuer des noix de coco

La Guadeloupe, fin décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

                         Tuer des noix de coco

Depuis mon retour de Guadeloupe, j’ai l’impression d’avoir une petite vie. Ainsi qu’une petite bite. Cela a commencé dans l’avion, pendant le vol du retour, alors que je voyais la Guadeloupe parcheminée et électrifiée de lumière s’éloigner tout en bas. Je ne crois pas que partir vivre en Guadeloupe me donnerait plus de virilité.

Et, je crois être suffisamment immunisé contre la croyance qui consisterait à idéaliser tout le bleu que l’on peut y trouver.

Vue depuis la Pointe des Châteaux, commune de Saint-François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Mais dans l’habitacle de l’avion suspendu dans l’air, alors que je regardais à travers le hublot, je me trouvais évidemment au chevet de mes pensées et de ma conscience. Dans un de ces moments, où, telles des vagues, certains reflets de notre lucidité nous parviennent puis repartent ou disparaissent si on les laisse faire. Si on l’accepte. Si on les rejette.

J’écris aussi pour essayer d’avoir une (plus) grande vie. Si j’ai eu l’impression d’avoir une petite vie, c’est sûrement parce-que, soudainement, dans l’avion, je me suis aperçu que j’avais trop souvent pris soin de certaines conventions au détriment de mon inspiration et de mon intuition. Et, chaque fois que j’écris, j’essaie de remédier à ce détournement.

J’étais en train d’écrire, il y a quelques jours, chez mes parents, Ă  Sainte-Rose, lorsque devant le « studio » (plutĂ´t un F2 d’une bonne cinquantaine de mètres carrĂ©s), j’ai commencĂ© Ă  entendre un bruit rĂ©pĂ©tĂ© et plutĂ´t sec. MalgrĂ© mes dix sĂ©jours ici depuis mes sept ans, entre 1975 et 2023, je n’ai pas identifiĂ© ce bruit.

Citadin nĂ© et Ă©duquĂ© en rĂ©gion parisienne, je suis ce que mes compatriotes peuvent appeler un Moun Frans’ (  terme plutĂ´t mĂ©prisant au dĂ©part pour dĂ©signer celle ou celui qui est nĂ©(e)ou qui a Ă©tĂ© « fait(e) » en France ). J’avais sept ans la première fois qu’en colère, une mère, Ă  Morne-Bourg, m’avait traitĂ© de Moun Frans’ pour une maladresse que j’avais dĂ» faire.

Depuis, j’ai transformĂ© cette expression de Moun Frans’…en Moon France. Cet article est dans la catĂ©gorie Moon France et Voyage de mon blog.  

Mais il y a aussi l’expression  » C’est un bounty !  » que m’avait apprise un collègue d’origine guyanaise. Aucun rapport avec les rĂ©voltĂ©s du Bounty. Le ou la bounty, c’est celle ou celui qui ne connaĂ®t pas son pays ( ici, la Guadeloupe) :

Noir(e) Ă  l’extĂ©rieur et blanc/che Ă  l’intĂ©rieur. Une vraie lessive. Plus blanc/che que blanc/che.

Il y a aussi l’expression NĂ©gropolitain. Celui-ci n’a rien Ă  voir avec le Napolitain.

Il y a quelques jours, donc, alors que j’Ă©tais encore en Guadeloupe chez mes parents, le  Moun Frans’/ bounty/ nĂ©gropolitain que je suis qui Ă©tait occupĂ© Ă  Ă©crire sur son ordinateur portable a voulu, une fois de plus, en savoir plus. 

J’ai ouvert les portes en bois du studio.

C’était ma mère, 75 ans, debout en haut d’un escabeau, son sabre (une machette) à la main. Elle finissait de tuer (cueillir) une grappe de noix de coco. Mais aussi de nettoyer l’arbre.

Chez mes parents, fin dĂ©cembre 2023. On aperçoit sur la gauche l’arme du « crime » qui a servi Ă  tuer les noix de coco. Photo©Franck.Unimon

Je suis allé la rejoindre. A peine trois mètres nous séparaient. J’étais resté sur l’idée, dont elle m’avait informé la veille, que ce matin, elle partirait faire de la marche à 5h30. J’avais oublié cette histoire de noix de coco dont elle m’avait parlé un ou deux jours plus tôt.

Ma mère n’avait pas encore pris son petit-déjeuner tout comme moi. Dans la brouette se trouvaient une dizaine de noix de coco et une grappe de bananes poyo.

Les victimes vues de plus près, fin décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Elle est partie chercher des feuilles de patchouli. Et, en se servant d’eau de pluie qu’elle avait versĂ©e dans un seau, elle a lavĂ© les noix de coco « Car les rats montent dans l’arbre Â» m’a-t’elle expliquĂ©.

Alors qu’elle s’activait, debout et courbĂ©e devant moi, je lui ai demandĂ© :

« Tu ne t’assieds pas ?! Â».

Tout en continuant, elle m’a rĂ©pondu :

« Le banc est lĂ  -haut, dans la maison. De toute façon, je n’en n’ai pas pour longtemps… Â». 

« Moi, aussi, je n’en n’ai pas pour longtemps… Â». Je suis parti lui chercher le banc. Ma mère s’est assise dessus sans rien dire avec un certain soulagement.

Nous avons continuĂ© de discuter tandis qu’elle s’affairait. L’aider ? Je l’aurais plutĂ´t ralentie.

Ensuite, ma mère m’a montré des pieds de patchouli, de dafalgan, d’efferalgan. Je les ai sentis pour essayer de les retenir dans ma mémoire.

En 2023, on opposait et on classifiait généralement les gens selon leur réussite sociale et économique, leurs caractéristiques culturelles, physiques et personnelles ou d’après la plaque d’immatriculation de leur véhicule.

En 2024, ce sera identique.

Nous nous imprégnons tous des conventions que nous apprenons et voyons dans l’environnement dans lequel nous grandissons. Cela nous influence et contribue à faire de nous, quel que soit notre Pouvoir et notre Savoir, des êtres plus ou moins performants, plus ou moins adéquats, plus ou moins désirables et plus ou moins heureux.

Maman, à la Pointe des Châteaux, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Ma mère, aide-soignante en rĂ©animation pendant des annĂ©es en rĂ©gion parisienne – jusqu’à son dĂ©part en prĂ©-retraite en 1999- a vĂ©cu en France un peu plus de trente ans tout comme mon père. Tous deux avaient une vingtaine d’annĂ©es lorsqu’ils ont quittĂ© leur Guadeloupe natale Ă  la fin des annĂ©es 60.

Ces gestes qu’elle a accomplis pratiquement devant moi, tuer des noix de cocos, les laver, elle ne les a pas appris à Sciences Po. Elle les avait appris bien avant que je n’entende ces mots de Sciences Po pour la première fois.

Jamais, en France, je n’ai vu ma mère et mon père tuer des noix de coco. Que ce soit devant notre immeuble HLM ou dans le jardin de ce pavillon de banlieue qu’ils avaient fini par acheter à crédit à Cergy-Pontoise au milieu des années 80 en s’éloignant de trente kilomètres de la ville de Nanterre où ils avaient continué de travailler. Elle, à l’hôpital et lui à la Poste.

J’ai demandĂ© Ă  ma mère :

– Qui t’a appris Ă  faire ça ? ».

– Je ne sais pas. Un frère ou ma mère. J’ai dĂ» voir faire quelqu’un. Quand tu vois faire, ensuite, tu essaies de faire pareil…..

– Tu avais quel âge quand tu as appris ça ? .

– J’étais jeune…je devais avoir 10-12 ans…..

 

Ce que j’ai appris et ce que j’apprends me permet de l’écrire quand j’y pense. Mais pas toujours de l’appliquer ou de le vivre. Eduqué ou bien éduqué, je pourrai sans doute parler du livre Une soudaine liberté de Thomas Chatterton Williams ou de Le Cœur sur la table de Victoire Tuaillon, le livre que j’ai le plus offert à la fin de cette année 2023. Mais cela ne me permettra pas de connaître l’usage d’un sabre et de tuer des noix de coco comme ma mère ou mon père.

Bien-sĂ»r, par chez moi, en rĂ©gion parisienne et lĂ  oĂą je rĂ©side principalement, les cocotiers, s’il y en a, savent se tenir Ă  distance  de la connaissance et de la vue telles ces crĂ©atures fantastiques ou lĂ©gendaires dont on peut entendre parler.

Aussi, je n’ai pas une grande nécessité a priori à apprendre à me servir de cette machette fabriquée au Brésil (j’ai regardé) utilisée par ma mère afin de tuer des noix de coco.

On ne brille pas dans les soirées, sur une piste de danse, sur un plateau télé ou lors d’un casting en sachant tuer des noix de coco. On ne serre pas plus de meufs ou de mecs sur Insta, au travail ou à un barbecue en région parisienne ou dans une autre ville de France parce-que l’on sait faire pousser des ignames jaunes, occire un cochon comme un de mes oncles paternels et faire du boudin avec.

Ces Savoirs ont par contre toute leur importance Ă  la campagne, en Guadeloupe et ailleurs, lorsque la recherche de la survie est au menu dans un milieu naturel, lors d’une guerre ou d’une catastrophe ou dans des Ă©missions ou des films grand public tels que Koh-Lantah ou Hunger Games. Ou lorsque des touristes ou des voyageurs sont de passage et viennent dĂ©couvrir « autre chose» qui les dĂ©payse. 

Sauf que chaque Savoir est entouré de ses croyances et de ses valeurs. De ses codes et de sa langue ou de son langage. Mais aussi de ses hameçons.

On peut se marrer devant certaines de ces croyances et de ces valeurs ou avoir du mal à les avaler mais il me semble pourtant que c’est comme ça dans chaque région du monde, dans chaque microcosme, aujourd’hui comme demain.

Imprégné des valeurs et des croyances campagnardes et traditionnelles de ma famille aussi bien paternelle que maternelle, même sans avoir jamais essayé de faire pousser un igname ou de tuer une noix de coco, j’ai été formé puis influencé par elles lors de mes voyages et de mes rencontres depuis des années.

Pour le meilleur et aussi pour le pire :

Il m’est arrivé d’être mal inspiré dans mes rencontres personnelles et intimes. Amicales comme amoureuses. Mais aussi pour prendre certaines décisions de tout ordre.

Et, en buvant ce matin-lĂ , Ă  jeun, avant mon petit-dĂ©jeuner, l’eau d’une des noix de coco que ma mère m’a ensuite tendu, puis en mangeant ensuite avec plaisir le lait qu’elle avait retirĂ© de plusieurs de ces noix de coco, j’ai, sans mĂŞme y penser, comme des milliards d’êtres humains en ce dĂ©but d’annĂ©e, renouvelĂ© le pacte qui me liait Ă  mes parents et Ă  mes origines familiales. 

Parce-que c’est d’abord eux qui m’ont appris ou montré comment vivre.

Ensuite, il faut grandir. Apprendre à lire et à ajuster ce que l’on a reçu.

Savoir transposer là où l’on est ce que nos parents- et nos maitres comme nos modèles- nous ont appris et montré en se taillant si possible une vie sur mesure qui, d’une part, les rassure, mais aussi, nous permet les meilleures aventures.

Vue depuis la Pointe des Châteaux, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Franck Unimon, ce lundi 1er janvier 2024.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Marcher pour ne pas mourir

Le journal  » Le monde » de ce lundi 13 septembre 2021.

      Marcher pour ne pas mourir

 

  • ça va ?
  • Non, ça ne va pas.

 

Elles étaient trois jeunes. Je dirais au plus, 25 ans. Accueillantes, volontaires, plutôt mignonnes. Néanmoins, on peut avoir ces particularités et insuffler la mort dans les corps sans le vouloir.

 

Deux d’entre elles Ă©taient Ă©tudiantes en mĂ©decine. La troisième, Ă©tudiante en quoi ?

Elles étaient probablement plutôt bonnes élèves et, bien que rôdées, assez faciles, sûrement, à déstabiliser. Je n’en n’ai pas profité.

 

Lorsque celle qui m’a fait m’asseoir m’a appris la « bonne nouvelle Â», Ă  savoir, qu’avant l’injection, elle allait me faire un test antigĂ©nique, j’ai dĂ©ballĂ© mes arguments contre cette mĂ©thode « barbare Â». J’avais dĂ©jĂ  fait deux tests antigĂ©niques en tant que cas contact cette annĂ©e. NĂ©gatif Ă  chaque fois. Une seconde sĂ©rologie Covid- effectuĂ©e il y a environ deux semaines- m’avait redit que si certaines personnes, après avoir contractĂ© le Covid, avaient dĂ©veloppĂ© des dĂ©fenses immunitaires aussi fortes qu’une paire de poitrines nĂ©cessitant du 95 D, que les miennes Ă©taient aussi plates qu’une flaque d’eau.

 

Mais elle n’a eu aucune difficultĂ© Ă  me convaincre. Je savais que ces rĂ©sultats Ă©taient trop anciens et inappropriĂ©s. Et, aussi, qu’elle appliquait un protocole qu’elle se devait de suivre d’après son instruction. Partir pour refuser un test antigĂ©nique ? Je m’étais fait une raison pour cette première injection de Moderna. Alors, je suis restĂ© et elle m’a enfoncĂ© la tige.

 

  • ça va ?
  • Non, ça ne va pas.

 

A quelques mètres, ses deux « collègues Â» sont restĂ©es silencieuses. Le rĂ©sultat est arrivĂ© très vite. Moins de deux minutes. A nouveau nĂ©gatif. Je peux l’écrire : ces derniers temps, il m’est arrivĂ© d’envier celles et ceux qui avaient attrapĂ© le Covid et qui avaient bien rĂ©cupĂ©rĂ© depuis. Car leurs dĂ©fenses immunitaires, si elles ne sont pas Ă©ternelles, sont « naturelles Â».

 

Cependant, on ne sait pas quelle tête on va faire en attrapant le Covid. Si nous allons connaître les neiges éternelles, garder des séquelles de cette embuscade ou, au contraire, bien nous en remettre.

 

Celle qui m’a fait l’injection avait des jolis yeux bleus AllĂ©luia Ă  la LĂ©onard Cohen. Cependant, aujourd’hui, on est habile pour s’inventer un profil avantageux.  Donc, je ne suis pas sĂ»r qu’elle Ă©tait vraiment ce qu’elle m’a dit ĂŞtre. Etudiante en quatrième annĂ©e de mĂ©decine. Après m’avoir piquĂ©, elle m’a recommandĂ© de prendre du doliprane en cas de douleur. Je l’ai Ă©coutĂ©e tout en sachant que je n’en prendrais pas. J’ai du doliprane chez moi et j’en donne Ă  ma fille lorsqu’elle a de la fièvre. Mais je prends le moins de mĂ©dicaments possible. C’est peut-ĂŞtre paradoxal pour un infirmier mais je crois que le repos, le calme, les Ă©tirements ou une activitĂ© plaisante et l’alimentation, ça aide vraiment. Et qu’il faut d’abord essayer ça avant de se prĂ©cipiter vers des mĂ©dicaments. Ou essayer d’en prendre le moins possible. Ne pas s’assommer d’avance. Ce soir, j’ai un peu mal au deltoĂŻde, peut-ĂŞtre un petit mal de la tĂŞte. Mais je suis fatiguĂ©. Je me suis couchĂ© un peu tard hier soir et je me suis levĂ© un peu tĂ´t ce matin.

 

Après l’injection, je suis restĂ© quelques minutes dans la salle d’attente Ă  envoyer des sms pour apprendre Ă  quelques personnes que j’avais reçu ma première injection. Pendant que les jeunes femmes s’occupaient des personnes suivantes. J’ai entendu une femme d’une vingtaine d’annĂ©es, assez grande, s’avancer en disant :

 

« J’ai très très peur Â». Puis « Je suis en Première annĂ©e de mĂ©decine Â». Il semble qu’en face, on se soit montrĂ© attentif et rassurant.

 

MĂŞme si comme l’a très bien compris une ancienne collègue, et prĂ©sente amie, j’ai lancĂ©  « une bouteille Ă  l’amer Â» en adressant mon article Etre un mauvais exemple Ă  plusieurs personnes, je ne dirais pas avoir eu peur de me faire vacciner. C’est plutĂ´t du doute et de la mĂ©fiance. De la prudence, aussi.

 

Pourquoi cet endroit ?

 

 

J’ai choisi cet endroit Ă  Paris, un espace de santĂ© oĂą l’on trouve entre-autres une consultation en gynĂ©cologie, pour le vaccin Moderna.  Ou vaccin covid-19 ARNm- 1273 ( Spikevax ° de la firme Moderna).

 

 J’en avais assez d’entendre parler du Pfizer qui est le vaccin utilisĂ© par IsraĂ«l que la France copie pour sa politique sanitaire. Copier, cela veut aussi dire que l’on pense et anticipe moins. IsraĂ«l en est, je crois, Ă  une troisième dose de vaccin Ă  partir de 30 ans car le Pfizer a perdu de ses pouvoirs face au variant Delta.

Le Moderna, beaucoup moins utilisé que le Pfizer, aurait des particularités immunogènes un petit peu supérieures. Je ne m’attends pas à des miracles. Mais j’ai essayé quelque chose.

 

Le Moderna est aussi le vaccin choisi par une de nos voisines, vaccinée dès qu’elle l’a pu et qui s’en porte bien. Nous nous entendons bien avec cette voisine. Et je n’ai pas oublié qu’elle était partante pour emmener à notre fille à une sortie culturelle nécessitant le passe sanitaire. Qu’elle avait été touchée qu’on le lui demande car c’était pour elle une grande marque de confiance. Sauf que, finalement, elle n’avait pas pu être disponible.

 

 

J’ai aussi choisi cet endroit parce qu’il ne ressemble pas aux vaccinodromes impersonnels que j’ai vu. Parce qu’il est dans un quartier où j’ai de bons souvenirs. En tant que comédien sur scène. En tant que spectateur. En tant que client dans un restaurant.

Dans le journal  » Le Figaro » de ce lundi 13 septembre 2021.

 

Pour y arriver, après avoir pris le train et le métro, j’ai tenu à marcher. Dix à quinze minutes de marche. Alors que j’aurais pu descendre à une station de métro plus proche. Avant de prendre le train pour Paris, j’avais acheté trois journaux du jour, Le Figaro, Les Echos, Le Monde. J’avais aussi pris le journal gratuit qui est réapparu avec la rentrée. Dedans, j’ai lu ce que je pouvais qui se rapportait à la pandémie, à la vaccination anti-Covid. Je n’ai rien trouvé qui m’aurait permis de me désister. J’avais assez cherché et assez sollicité autour de moi pour renoncer une seconde fois à cette vaccination. Pourtant, ce soir, même si plusieurs personnes m’ont encouragé vers cette action et m’ont félicité depuis, si cela m’a fait du bien, beaucoup de bien, je ne suis pas soulagé.

 

Le sentiment d’avoir trahi

 

J’ai d’abord le sentiment d’avoir trahi. Ma compagne pour commencer, rĂ©solument contre. Pour elle, les vaccins anti-Covid actuels sont des « choses Â» Ă  bannir.

 

Mon meilleur ami, qui a contractĂ© le Covid il y a plusieurs mois et dont les dĂ©fenses immunitaires « poussent Â» le plafond,  qui m’avait conseillĂ© rĂ©cemment d’attendre quelques mois si je le pouvais.

 

Cette personne perdue de vue qui, en lisant mon article Etre un mauvais exemple, l’avait spontanĂ©ment partagĂ© et m’avait Ă©crit : « Je suis aussi un mauvais exemple Â». Son soutien m’a fait dĂ©couvrir le sentiment d’avoir dĂ©sormais une responsabilitĂ©, de par mon article, envers celles et ceux qui pourraient se reconnaĂ®tre Ă  travers lui, Ă  travers moi. Et, moi, en partant me vacciner, je leur retirais en quelque sorte un « alliĂ© Â».

 

Et, dans une bien moindre mesure, j’ai un peu l’impression de ne pas avoir tenu compte de l’avis du mĂ©decin que j’avais sollicitĂ©  au sujet de ces vaccins actuels contre le Covid et qui m’avait rĂ©pondu :

 

« Peut-ĂŞtre que, finalement, on ne court pas de risque avec ces vaccins mais on manque de recul. Donc, si vous pouvez, attendez encore quelques mois qu’un vaccin dont on sera plus sĂ»r, arrive Â».

Il m’avait aussi appris avoir attrapé le Covid en avril et m’apparaissait en pleine forme, début septembre.

 

Pourquoi, moi « l’anarchiste Â» et le « rĂ©volutionnaire Â», ai-je changĂ© d’avis ?

 

Changer d’avis :

 

Autour de moi, aujourd’hui, je dĂ©nombre Ă©videmment bien plus de personnes  vaccinĂ©es contre le Covid qui se portent bien que de personnes non vaccinĂ©es. Le nombre ne fait pas tout. Et ce n’est pas la peur du mĂ©pris ou de la honte sociale qui m’a dirigĂ©.

 

Ces personnes vaccinées, que je connais, peuvent avoir des profils opposés. Mais aussi des personnalités tranchées. Si l’on peut être une personne affirmée et affutée en refusant de se faire vacciner et en refusant le passe sanitaire, je peux aussi dire que parmi les personnes vaccinées contre le Covid que je connais, se trouvent des personnes toutes autant affirmées et affutées. Dans une fourchette d’âge allant de 35-40 ans à 70 ans et plus. Je pourrais donc me satisfaire du fait que ces personnes se soient faites vacciner contre le Covid.

 

Sauf qu’il me reste des gros rĂ©sidus de doute. Tomber par hasard tout Ă  l’heure sur le post, sur Facebook, d’un ami qui affirme que la vaccination anti-Covid « aurait Â» causĂ© 40 000 morts en neuf mois d’après telle ou telle source m’a bien-sĂ»r contrariĂ©. Et s’il avait raison ?

 

Relire aujourd’hui sur le site Prescrire.org dans l’article (daté de ce 1er septembre 2021) intitulé Effets indésirables connus mi-2021 des vaccins covid-19 à ARN messager ( Covid-19 Des signaux confirmés et quelques signaux d’effets indésirables très rares ont émergé, notamment des péricardites et des myocardites. La Rédaction de Prescrire publie son analyse détaillée dans le numéro de septembre) m’a aussi contrarié.

 

 

Je n’ai pas changé d’avis pour pouvoir bientôt retourner au restaurant, au cinéma, dans une salle de théâtre, dans la médiathèque de ma ville ou pour voyager. Même si je le ferai sans doute après m’être fait vacciner.

MĂŞme si avec le rĂ©sultat de mon test antigĂ©nique d’aujourd’hui, je compte bien faire le « plein Â» de sorties qui me sont dĂ©sormais interdites sans passe sanitaire et sans test antigĂ©nique et PCR nĂ©gatif rĂ©cent. Je pense en particulier Ă  retourner au cinĂ©ma et dans « ma Â» mĂ©diathèque.

 

Le centre commercial CĂ´tĂ© Seine Ă  Argenteuil, grand ouvert ce lundi 13 septembre 2021. Alors qu’il faut continuer de fournir un passe sanitaire ou un test antigĂ©nique et PCR nĂ©gatif pour pouvoir entrer dans la mĂ©diathèque de la ville situĂ©e Ă  dix minutes Ă  pied de lĂ .

 

Je reste aussi critique envers le passe sanitaire et le projet de sociĂ©tĂ© qu’il dessine. Je crois qu’au pire, l’ancienne Ministre de la santĂ© Agnès Buzyn, mise en examen pour « mise en danger de la vie d’autrui Â» et une mauvaise gestion de la pandĂ©mie du Covid l’annĂ©e dernière, sera condamnĂ©e Ă  du sursis. Et qu’elle sera la principale part visible et condamnĂ©e des responsables de cette mauvaise gestion parmi les grosses « tĂŞtes de gondoles Â». Et que les autres se feront discrètes ou sauront si bien se faire dĂ©fendre que leur condamnation sera  faible ou inoffensive. Contrairement Ă  ce qui va  se produire Ă  partir de ce 15 septembre, dans deux jours, pour celles et ceux, employĂ©s, qui ne seront toujours pas vaccinĂ©s, ne serait-ce qu’une fois, contre le Covid.

 

Pour ces personnes, je m’attends Ă  ce qu’on les brutalise un peu plus que nous ne l’avons dĂ©jĂ  Ă©tĂ© dans notre grande majoritĂ© depuis le dĂ©but de cette pandĂ©mie. En se cachant derrière la loi :

 

« On vous avait prĂ©venu. Vous avez Ă©tĂ© informĂ©(e). Vous avez eu le temps de la rĂ©flexion. Maintenant, je suis obligĂ©(e )  d’appliquer la Loi. Ce n’est pas moi, c’est la Loi qui m’oblige Ă  vous dire de dĂ©gager et Ă  vous sanctionner !  Â».

 

Je crois qu’il va se produire beaucoup trop de « sale Â» Ă  partir du 15 septembre au prĂ©texte de la Loi. Car sitĂ´t que l’on octroie Ă  plus de personnes  un certain pouvoir rĂ©pressif, le pire, camouflĂ© ou un peu tenu en laisse d’ordinaire, s’exprime davantage. Je ne m’attends pas Ă  des ratonnades. Mais Ă  des dĂ©gradations morales, sociales et Ă©conomiques. A un accroissement de contrariĂ©tĂ©s et d’humiliations quotidiennes les plus diverses au motif que certaines personnes ne fourniront pas, en cas de contrĂ´le- et il y en aura de plus en plus Ă  partir du 15 septembre- le papier qu’il faut ; le QR Code attendu pour effectuer des dĂ©placements ou des actions qui, « autrefois Â», il y a encore deux mois, ne le nĂ©cessitaient pas.

 

C’est plutôt ça qui m’a fait changer d’avis. Je n’ai pas envie de me mettre dans un état d’hyper-vigilance pour des gestes quotidiens qui, jusqu’à il y a peu, allaient de soi comme le simple fait d’ouvrir un robinet pour avoir de l’eau.

Paris, lundi 13 septembre 2021.

La possibilitĂ© d’attraper le Covid m’a aussi fait changer d’avis. Car, Ă  partir du 15 septembre, j’ai l’impression que chaque fois qu’une nouvelle personne non vaccinĂ©e attrapera le Covid et sera hospitalisĂ©e que cela permettra de marteler que si elle avait Ă©tĂ© vaccinĂ©e, elle ne l’aurait pas attrapĂ©. Ou alors une forme bĂ©nigne. Il va se passer un peu de temps avant de devoir admettre que le « Tout vaccin Â» ne rĂ©soud pas tout contre le Covid. Au moins jusqu’à ce que les « nouveaux Â» traitements anti-Covid ne soient disponibles pour le plus grand nombre sur le marchĂ©. D’ici un mois ? Deux mois ? Trois mois ?

 

Gagner du temps

 

J’ai donc aussi changĂ© d’avis pour continuer de gagner du temps.  D’accord, pendant que je prends le temps de rĂ©flĂ©chir d’autres ont le temps de faire trois enfants et de les voir commencer Ă  faire des Ă©tudes supĂ©rieures puis de devenir grands-parents. Mais j’ai besoin de temps. Cet article, pour ĂŞtre Ă©crit, a besoin de temps. J’avais Ă©crit une première version en rentrant de l’espace de santĂ© en m’abstenant de dĂ©jeuner. Puis, je suis parti chercher ma fille Ă  l’école. J’ai tout réécrit ce soir depuis le dĂ©but. Après avoir fait faire ses devoirs Ă  ma fille. Après avoir dĂ®nĂ©. Après lui avoir lu une histoire, ce qui n’était pas prĂ©vu, au moment du coucher. Yekrik ! Yekrak !

Paris, ce lundi 13 septembre 2021.

 

« Le temps ne respecte pas ce qui se fait sans lui Â». J’aime cette phrase. J’ai oubliĂ© qui en est l’autrice ou l’auteur.

 

Ma seconde injection aura lieu dĂ©but octobre si elle se fait. D’ici lĂ , nous devrions avoir d’autres informations concernant l’évolution de la pandĂ©mie mais aussi Ă  propos des effets des vaccins anti-Covid actuels. A cela s’ajoutent tous ces nouveaux traitements contre le Covid, par voie orale ou intraveineuse, mais aussi par voie intramusculaire, prĂ©vus pour cet « automne Â». Et, pour l’instant, je prĂ©fère le traitement intramusculaire que j’ai reçu Ă  un traitement oral ou par voie intraveineuse.

 

Si je « fais Â» ma deuxième injection, je n’aurai en principe pas de rappel avant six mois. Ce qui nous amène au mois d’avril 2022 oĂą je veux bien croire que l’on en saura plus sur la « sortie Â» Ă©ventuelle de la pandĂ©mie. Comme sur les traitements contre le Covid.

Argenteuil, ce lundi 13 septembre 2021. J’ai l’impression qu’il y a moins de tests antigĂ©niques et PCR pratiquĂ©s dans ce genre de tente qui fait dĂ©sormais partie du paysage. Ce sera bien lorsque ces tentes disparaitront.

 

Selon certains témoignages et affirmations

 

Bien-sûr, si je suis mort d’ici là ou complètement bousillé par la vaccination anti-Covid, tout cela n’aura plus d’importance pour moi. Je suis bien obligé d’y penser puisque selon certains témoignages ou affirmations, ou explications, ces vaccins anti-Covid sont toxiques. Et, moi, j’en suis à J+1 en terme d’expérience avec ce vaccin. Je ne sais pas ce qui va se passer ensuite. Or, selon certaines affirmations, une personne vaccinée contre le Covid aurait une espérance de vie de deux à trois ans ensuite. En repartant du centre de santé, je me suis donc imaginé que la plus grande partie de ces personnes que je croisais dans la rue, se déplaçant, discutant entre elles ou assises à une terrasse d’un café, tomberaient toutes d’un seul coup, un beau jour, mortes. Et que ce serait pareil pour moi.

Paris, ce lundi 13 septembre 2021.

 

Je me suis aussi imaginĂ© qu’un jour, alors que j’aurais l’intention de me rendre dans une Ă©picerie, que je me retrouverais finalement dans un pressing puisque la vaccination, avec les nanotechnologies qu’elle comporterait, permettraient de me tĂ©lĂ©guider Ă  distance. Je voudrais voir tel film. HĂ© bien, non, « on Â» me forcerait Ă  aller voir tel film Ă  la place. Je voudrais faire la vaisselle, hĂ© bien non, « on Â» m’obligerait Ă  me rendre sur internet pour faire des achats. Je voudrais m’habiller de telle manière pour sortir, et, finalement, non, Ă  la place « on » m’imposerait de descendre dans les Ă©gouts.

Paris, lundi 13 septembre 2021.

 

 

Il y a bien-sĂ»r d’autres croyances et d’autres affirmations Ă  propos des vaccins anti-Covid. Je prĂ©fère en rire un peu. Comme le fait que notre tĂ©lĂ©phone puisse ĂŞtre aimantĂ© Ă  l’endroit oĂą le vaccin nous a Ă©tĂ© injectĂ©. Je n’ai mĂŞme pas eu envie de faire le test. C’est plutĂ´t ma compagne qui m’a incitĂ©. Alors, devant elle, j’ai pris mon tĂ©lĂ©phone et l’ai posĂ© contre ma peau. Une fois, deux fois, trois fois, quatre fois. Il est retombĂ© Ă  chaque fois. J’allais continuer lorsqu’elle m’a dit que ce n’était pas la peine. Puis, ma compagne en a dĂ©duit que mon vaccin Ă©tait peut-ĂŞtre « un placebo Â». Je lui ai rĂ©pondu :

 

« Quelle que soit la situation, de toute façon, il y aura toujours une explication Â».

 

Ma compagne m’a « prĂ©dit » une troisième puis une quatrième injection. Autant prĂ©dire une troisième et une quatrième guerre mondiale. Je ne peux pas lui donner tort. Le monde va mal.  Je pense aussi que le nombre d’injections de vaccins contre le Covid va augmenter. Et cela ne m’emballe pas du tout.

Lorsque je lui ai dit que j’avais toujours des doutes, elle m’a objectĂ©, presqu’assassine :

 

« En gĂ©nĂ©ral, quand on a des doutes, on s’abstient ! Â».

« C’est ce que je fais, en gĂ©nĂ©ral, oui. Mais j’ai fait ce que j’avais Ă  faire Â». Puis, j’ai ajoutĂ© :

« Vu qu’il me reste maintenant deux Ă  trois ans Ă  vivre, regarde moi bien. Parce-que bientĂ´t, je ne serai plus lĂ  Â». Cela l’a fait un peu rire.

 

S’il me reste effectivement deux à trois ans, au mieux, à vivre avec ce vaccin, je me demande ce que je pourrais bien faire durant ces deux à trois ans. Me faire plaisir sûrement. En attendant, lorsque ma mère a appris que j’avais reçu ma première injection, elle m’a écrit par sms qu’elle allait aussi se faire vacciner. Et que mon père suivrait sûrement ensuite. Sa réaction m’est alors apparue évidente. Pourtant, je ne l’avais pas du tout prévue.

 

 

Lorsque j’ai eu quittĂ© le centre de santĂ© ce matin, ça klaxonnait dans la rue. Un camion arrĂŞtĂ© bloquait la rue. A pied, j’ai facilement pu passer. J’ai tenu Ă  retourner Ă  la gare St Lazare en marchant.  J’ai pris quelques photos sur le trajet. Regarder pour vivre. Marcher pour ne pas mourir.

 

 

Franck Unimon, ce lundi 13 septembre 2021.

 

 

 

 

 

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Qui ĂŞtes vous ?

Piscine de Roubaix, juillet 2019.

Qui ĂŞtes-vous ?

 

La première fois, c’était Ă  la mĂ©diathèque. Je venais d’arriver dans la ville. M…une bibliothĂ©caire, partie Ă  la retraite il y a quelques annĂ©es, m’avait parlĂ© de lui. De ce professeur de percussions d’origine antillaise, au conservatoire. C’était en Avril ou Mai 2007. La jeune Alisha ( Marche jusqu’au viaduc )Ă©tait alors bĂ©bĂ© ou pas encore nĂ©e. Ses deux futurs camarades et  meurtriers qui , le 8 mars 2021, la piĂ©geraient, la tabasseraient et la jetteraient dans la Seine, Ă  Argenteuil, près du viaduc sous la A15, Ă  une vingtaine de minutes Ă  pied depuis chez moi, devaient alors Ă  peine marcher. Bien-sĂ»r, en 2007, j’ignorais tout de cette future histoire. J’avais bien d’autres histoires en tĂŞte que j’ai aujourd’hui oubliĂ©es pour la plupart.  

 

En 2007 ou 2008, j’étais allĂ© le rencontrer au conservatoire. Et, nous avions sympathisĂ© et discutĂ©. Il m’avait parlĂ© de son Maitre, Mamady Keita, dĂ©cĂ©dĂ© ce mois de juillet 2021 soit quelques semaines avant Jacob Desvarieux ( J’ai revu quelqu’un…). Par la suite, j’avais bien pris un ou deux cours de djembĂ© avec lui. Mais je suis peu douĂ©. Je rĂŞve bien mieux la musique que je ne la joue. Je n’ai pas de bonnes mains ni les oreilles et le cerveau ou la patience et l’intelligence qu’il faut devant un instrument de musique. Ainsi que la constance et la consistance nĂ©cessaires Ă  l’épuisement de mes dĂ©fauts.

 

Par contre, j’écris comme d’autres jouent de la musique ou pratiquent un art martial ou de combat. A jeun. Au réveil. A peu près à n’importe quelle heure. De manière répétitive.

 

Même si mes articles sont ratés, mauvais, transportent des idées claironnées dans le désert ou donnent sur des impasses, cela ne me décourage pas. Je vais recommencer. Je vais repartir. Je ne peux pas faire autrement. Cela a peut-être à voir avec le fait qu’écrire me vient de ma jeunesse et que j’y ai concentré ce qu’il m’en reste.

 

Parler, c’est difficile. On peut raconter des histoires Ă  l’oral mais il faut une bonne voix. Ou bien savoir s’en servir. La mienne ne porte pas. Elle endort et se mĂ©lange dans les dĂ©tails, bĂ©tails incontrĂ´lĂ©s rapidement hors de portĂ©e des fusils de l’attention de l’auditoire. Un auditoire a besoin d’être captif. Pas de se dissĂ©miner en partant Ă  la chasse d’un fou qui court partout en mĂŞme temps. 

 

Un fou, contrairement à ce que l’on croit, ça écoute. Ça écoute tout. Trop. Et ça croit beaucoup, aussi. C’est pour cela qu’il est fou. Il y a des gentils fous et des méchants fous.

 

Lorsque je lui ai envoyé un sms hier soir, cela faisait plusieurs mois que je ne lui avais pas parlé. La dernière fois, c’était quelques jours ou quelques semaines avant qu’il ne prenne sa retraite du conservatoire de musique. Si j’étais plus allé le voir de temps en temps de façon amicale et en amateur de musique, j’avais aussi pris la précaution d’emmener ma fille le voir deux ou trois fois. Elle devait avoir deux ou trois ans, lorsque, entre deux cours, alors qu’il était disponible, pour elle, il avait joué quelques airs au djembé. Plus tard, toujours entre deux cours, ou entre deux tours, il l’avait faite jouer un peu et lui avait donné une petite initiation musicale.

 

Mon sms Ă  peine envoyĂ©, hier soir j’ai reçu sa rĂ©ponse par sms :

 

« Qui ĂŞtes vous ? Â». Puis, j’ai vu qu’il avait essayĂ© de me joindre. J’ai dĂ©cidĂ© de le rappeler. Après que je me sois prĂ©sentĂ©, il m’a presque engueulĂ©.

 

« Pourquoi tu m’envoies un sms au lieu de m’appeler ?! Tu m’envoies un truc, il faut que je clique sur un lien ! Avec toutes les arnaques qu’il y a par tĂ©lĂ©phone ! Â».

 

Je lui ai expliquĂ© que je n’étais pas très disponible pour discuter. Il m’a rĂ©pondu :

 

« Y’a pas de problème ! Â».

 

Trente minutes plus tard, nous étions encore au téléphone. Il m’a appris qu’il continuait de donner des cours de musique dans une association où il enseignait depuis vingt ans. Il approche des 70 ans.

 

Il m’a appris comment, pendant plus de vingt ans, il avait fait deux heures de route à l’aller, deux fois par semaine, pour se rendre au conservatoire où je l’avais rencontré. Et comme il arrivait fatigué avant même de commencer à donner ses cours. Mais, aussi, là où il avait commencé à donner des cours dans la ville avant d’être embauché au conservatoire.

 

Parce qu’un fou, ça sait interroger et faire parler les gens.  Parce qu’un fou, ça permet Ă  un autre fou de livrer une part de sa folie. Parce qu’entre fous, on se reconnaĂ®t, on se comprend et on se fait confiance. On se livre peu face Ă  quelqu’un dont la folie correspond assez peu aux valeurs et aux dĂ©tours de la nĂ´tre.

 

Un professeur de conservatoire, c’est souvent une personne ou un professionnel, dont on imagine très peu la vie. A moins de le connaître. Sauf s’il en parle. Parce qu’en général, un professeur de conservatoire enseigne une discipline si rigoureuse que l’on a d’autres priorités que d’aller renifler son derrière afin de savoir ce qu’il a mangé, quand et avec qui. Mais, lui, m’a toujours parlé de quelques unes de ses expériences.

 

Hier soir, j’ai donc entendu qu’il avait été batteur à Pigalle pendant cinq ans dans un orchestre entre 1979 et 1984. Il m’a décrit une ambiance de Far west et dit que s’il écrivait un jour un livre, il raconterait ça plutôt que ce qu’il a pu apprendre des gens au travers de ses élèves du conservatoire. Moi, j’aurais bien aimé qu’il raconte aussi ce qu’il avait vu au conservatoire.

 

Far West à Pigalle ou histoires de conservatoire, deux histoires et deux mondes s’opposent. Je n’ai pas pû m’empêcher de penser qu’un éditeur ou un producteur de film opterait pour le Far West à Pigalle. C’est plus vendeur. C’est plus attractif.

 

Mais ça m’a fait réfléchir.

 

Parfois, nous racontons des histoires parce que ce sont celles qui nous ont le plus marquĂ©es et elles sont marquantes. Ce faisant, nous dĂ©laissons d’autres histoires qui finissent par disparaĂ®tre. Alors qu’elles sont peut-ĂŞtre aussi marquantes que les autres que nous retenons ou prĂ©fĂ©rons. Qui suis-je pour croire et dĂ©cider qu’une histoire vaut autant ou plus qu’une autre ?

 

Un fou et un auteur.

 

Franck Unimon, ce samedi 14 aout 2021.

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J’ai revu quelqu’un…

CathĂ©drale d’Amiens, juillet 2021.

                                           J’ai revu quelqu’un….

 

Il y a quelques jours, j’ai revu quelqu’un. Ce n’était pas dans une église. Je l’avais appelé il y a quelques mois. Nous avions discuté.

 

Il ne me connaissait pas.

 

Je lui avais donné mon nom et le prénom de ma mère qu’il aurait dû connaître. Il ne se souvenait pas d’elle.

 

Alors, j’avais sorti d’autres prénoms et d’autres noms du jeu de cartes de ma mémoire. Parmi eux, un certain nombre de carrés d’as. Il connaissait bien ces cartes. C’était bien lui que j’avais rencontré il y a plus de trente ans. J’avais croisé sa mère, aussi. Une petite femme pleine d’autorité qui connaissait ma mère et me saluait.

 

Après quelques minutes, il s’était excusé. Il avait du travail. Je n’avais pas insisté. Mais j’avais été un peu contrarié que ce simple échange lui suffise.

 

Nous nous sommes finalement vus il y a quelques jours. Quand il s’est approché, à petits pas vers moi, nous nous sommes regardés. C’est plus par déduction que nous avons compris qui nous étions. Lui et moi étions détendus. J’étais assis, lui, debout face à moi. Autour de nous, les personnes présentes sont devenues transparentes et silencieuses bien qu’elles aient continué à parler entre elles à voix haute.

 

Lorsqu’il a enlevé son masque anti-Covid, je ne l’ai pas reconnu. Je suis pourtant assez physionomiste. Mais, à part les yeux et le regard peut-être, dans la rue, je serais passé à côté de lui. Il avait le crâne rasé. Avait minci. Une petite moustache taillée. Et portait la marque autour du cou de celles et ceux qui ont été gravement malades et pour lesquels une chirurgie lourde avait été nécessaire. Un cancer était passé par là. J’avais aussi appris qu’il avait été de celles et ceux qui avaient attrapé le Covid cette année, en mars-avril. Il avait été arrêté plusieurs semaines puis avait repris.

 

De lui, j’avais le souvenir d’un homme très assuré, très bon professionnel. Qui savait ce qu’il faisait. C’était ce qui émanait de lui. Même si nous n’avions pas vraiment passé de temps ensemble, il avait été un peu un modèle pour cela.

 

Un jour, il y a plus de trente ans, s’adressant Ă  quelqu’un que je devais connaĂ®tre il avait dit, très content :

 

« Tu veux voir ma caisse ?! Â». A cette Ă©poque, tout juste adulte, je n’avais pas le permis. J’étais Ă  cet âge oĂą, avec les premiers salaires, la voiture, les copains et les copines, on sort la nuit et on « profite Â» de la vie. J’avais tout Ă  apprendre pratiquement.

 

Nous avons repris nos marques en reparlant du passĂ©. Nous avons Ă©changĂ© Ă  nouveau des noms et des prĂ©noms inconnus Ă  notre entourage immĂ©diat. Alors que parmi ces collègues immĂ©diats se trouvaient vraisemblablement des personnes qui le connaissaient intimement depuis des annĂ©es, maintenant.  Et, moi, le « nouveau Â», celui qui faisait moins que son âge, j’arrivais avec ça.

 

Lorsque j’ai mentionnĂ© la date de notre dernière rencontre, 1989, le collègue avec lequel je venais de terminer une deuxième nuit de travail de suite, un « nouveau Â» comme moi, mais un petit peu plus ancien dans le service, s’est exclamĂ© :

 

« En 1989, j’avais deux ans ! Â».

 

Ma fille a désormais un peu plus que deux ans. Tout à l’heure, avec elle, j’ai de nouveau regardé quelques vidéos de Jacob Desvarieux, l’un des fondateurs du groupe de Zouk Kassav’, décédé il y a quelques jours.

J’en ai parlĂ© dans un de mes articles rĂ©cents intitulĂ© : Jacob Desvarieux. Dans mon blog, on trouvera d’autres articles relatifs Ă  Kassav’ dans la catĂ©gorie Moon France.

 

Sur Youtube, je suis tombĂ© sur cette vidĂ©o de quelques minutes lors de l’enterrement de Jacob Desvarieux. Quatre hommes en costume portent son cercueil et se mettent Ă  zouker sur un de ses  titres : KavaliĂ© O Dam. ( Pour ĂŞtre plus exact : ces quatre hommes dansent le quadrille dans sa version crĂ©ole)

Ma fille Ă©tait assise sur mes genoux alors que nous regardions ça. J’ai trouvĂ© ça beau ! ça m’a…touchĂ©. Et encore plus parce-que je pouvais regarder ça avec ma fille.  Elle m’a demandĂ© oĂą Ă©tait Jacob Desvarieux, ou, pourquoi il Ă©tait dans le cercueil. Je lui ai alors rĂ©pondu :

« Parce qu’il est mort Â».

En regardant cette vidĂ©o, j’aurais aussi bien aimĂ© ĂŞtre le dĂ©funt qu’ĂŞtre Ă  la place d’un de ces quatre hommes qui portent le cercueil.  

 

Sur une autre vidĂ©o, un homme interrogĂ© a dit ce que la mort de Desvarieux lui faisait. On aurait dit un pĂŞcheur d’une soixantaine d’annĂ©es. Il s’est exprimĂ© en CrĂ©ole. J’ai pris l’initiative de traduire ses propos Ă  ma fille…  jusqu’à ce qu’elle me fasse comprendre que cela l’agaçait. Je lui ai alors demandĂ© en souriant :

« Ah, bon ! Ou Konèt PalĂ© KrĂ©yol ?! Â» (« Ah, bon, tu sais parler CrĂ©ole ?! Â»).

 

Je fais attention à l’usage du Créole avec ma fille. Afin qu’il ne soit pas un geste de colère. Je le parle mal mais je sais ce qu’une langue peut créer en soi de sensible. Et je le réserve à des moments agréables avec elle. Lecture de contes. Quelques formulations.

 

Le décès de Jacob Desvarieux a été une bonne occasion, de plus, de filer la langue créole sur le comptoir de ces instants vécus avec ma fille. Si je le pouvais, je parlerais aussi le Créole réunionnais et haïtien en plus d’autres langues. Dont L’Arabe et le Japonais.

 

J’ai Ă©tĂ© Ă©tonnĂ©, en Ă©voquant devant mon collègue masquĂ© certains prĂ©noms et noms d’anciens collègues avec lesquels il avait travaillĂ© directement, qu’il martèle plusieurs fois, ce verdict :

 

« Il est mort ! Â».

 

Au point que j’ai fini par lui dire, presque Ă©tonnĂ© :

 

« Mais, on finit par mourir un jour, de toutes façons ?! Â».

 

Il m’a regardé en silence, comme s’il disposait d’un plan secret pour éviter ça. Mais qu’il le gardait pour lui. Ou qu’il était encore trop tôt pour en parler. J’ai alors compris la raison pour laquelle il reculait la date de son départ à la retraite prévu initialement pour cette année.

 

Je ne suis pas fort. Mais je trouve que l’on fait aussi toute une histoire avec la mort. C’est ce que je me suis dit en regardant ces quelques vidéos sur Jacob Desvarieux. J’avais oublié de parler de ses solos de guitares qui, lors des concerts de Kassav’, étaient un passage obligé. Et, personne ne s’en plaignait.

 

Afin de coller Ă  notre Ă©poque, j’ai aussi pris le temps de regarder avec ma fille quelques vidĂ©os de Billie Eilish. Ce sera peut-ĂŞtre son futur d’adolescente. Billie Eilish doit aujourd’hui avoir Ă  peu près l’âge que j’avais lorsque j’avais rencontrĂ© mon aĂ®nĂ© Ă  la Maison de Nanterre, vers le milieu ou Ă  la  fin de mes annĂ©es d’études d’infirmier. C’Ă©tait aussi la pĂ©riode oĂą Kassav’ et le Zouk, d’une manière gĂ©nĂ©rale, dĂ©bordaient aux Antilles. 

 

J’ai Ă©tĂ© un peu gĂŞnĂ© par quelques postures et images de la demoiselle Elish. Pour ma fille qui est encore en dessous de l’âge de l’adolescence.

J’ai compris assez facilement ce qui peut expliquer le succès de la jeune femme (Billie Eilish) :

La maitrise de l’image et du son. Certaines provocations et mimiques Ă  connotation sexuelle ou sensuelle ou comment titiller les tĂ©tons et les limites. Le style vestimentaire. La voix Ă©raillĂ©e et supportĂ©e par la technique. L’énergie spĂ©cifique Ă  cet « Ă˘ge Â» de la vie. Les thèmes interprĂ©tĂ©s comme artiste et personne plutĂ´t que comme une victime claustrĂ©e. Le fait aussi qu’elle chante en Anglais. Dans l’article consacrĂ© Ă  Desvarieux et Kassav’, j’ai appris tout Ă  l’heure que des pressions avaient Ă©tĂ© exercĂ©es sur le groupe afin qu’il chante…en Français. Comme La Compagnie CrĂ©ole. Cette volontĂ© comme ce projet sont pour moi inconcevables. MĂŞme si je sais qu’une artiste comme l’Islandaise Björk a aussi dĂ» son succès international Ă  l’usage de l’Anglais ( comparativement Ă  l’artiste Mari Boine); ou que Bob Marley a dĂ» transposer ses idĂ©es depuis son argot jamaĂŻcain Ă  travers le garrot d’une langue anglaise plus accessible au grand public, le rythme d’une musique a aussi ses règles et ses conditions pour que ses auteurs et ses interprètes restent en adĂ©quation avec lui !   

Eilish, « native » de la langue anglaise n’a pas eu Ă  subir ce genre de chantage de l’industrie du disque. 

Sur scène, accompagnée de deux ou trois musiciens et de machines dévouées, Eilish se sert de sa voix et de son corps tels des processeurs qui lui obéissent au doigt et à l’œil.

 

Ensuite, Eilish est dĂ©ja arrivĂ©e Ă  ce stade de la cĂ©lĂ©britĂ© oĂą celle-ci recycle l’enthousiasme du public qui, en grossissant, attire de nouvelles personnes. Comme moi qui, après avoir aperçu un ou deux articles rĂ©cemment Ă  son sujet, ai dĂ©cidĂ© de pousser la porte numĂ©rique de Youtube afin de me faire une idĂ©e. Pourquoi ? Parce-que sur le mĂŞme journal oĂą figurait un hommage Ă  Desvarieux se trouvait aussi un article sur Eilish et que c’était la deuxième fois en moins de dix jours que dans un journal, je la voyais soit en couverture ou dans les colonnes d’un article.

 

De Billie Eilish ( existe-t’il un rapport avec Billie Holiday ?), Ă  Jacob Desvarieux et Kassav’ en passant par cet aĂ®nĂ© de dix ans- et collègue- revu trente ans plus tard, il y a de multiples façons de se rencontrer soi-mĂŞme. Et de se voir. Je me suis senti un peu malade Ă  la suite de ma rencontre avec cet aĂ®nĂ©. Je me suis mĂŞme demandĂ© si, Ă  son contact chargĂ©, j’avais attrapĂ© le Covid. Non pour son Ă©tat de santĂ©. Mais pour son Ă©tat d’esprit.

 

La mort de Jacob Desvarieux ne m’a pas mis dans cet Ă©tat d’esprit. Pour Billie Eilish, on verra selon la façon dont elle dĂ©cèdera. J’espère bien-sĂ»r que ce sera le plus tard possible pour elle et que ce sera une assez belle mort.

Une mort Ă  la Amy Winehouse me catastrophe. J’ai l’impression d’être le tĂ©moin privilĂ©giĂ© et impuissant d’une dĂ©tresse en direct. Et je n’aime pas ça !  

Pour nous avoir aussi Ă©vitĂ© ça, Ă  nouveau un très grand merci Ă  Jacob Desvarieux. Comme on dit en CrĂ©ole, MĂ©ci On Pil !

 

Franck Unimon, ce vendredi 13 aout 2021

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Corona Circus Moon France

La pandĂ©mie du Covid dans les rĂ©gions d’Outre-mer

 

 

La pandémie du Covid dans les régions d’Outre-Mer

 

Echanger des points de vue avec des amis comporte des risques. Les disputes et les ruptures font partie des risques. Mais il en est un autre peut-ĂŞtre beaucoup plus grand.

Celui qui consiste à se croire très intelligent en leur compagnie. Le nombre de fois où l’on se sent autorisé à s’imaginer particulièrement perspicace ne se compte pas avec nos amis. Puisque, généralement, le plus souvent, ils pensent comme nous. Lorsque cela n’est plus possible, certains quittent ce statut d’amis. Soit de leur propre initiative soit de la nôtre.

 

Je viens de connaĂ®tre un de ces moments oĂą, Ă  nouveau, je me suis senti pousser une intelligence particulière. Je n’avais pas prĂ©vu ça. Comme je n’avais pas prĂ©vu de l’écrire dans un article ce matin. Ce matin, j’avais d’autres ambitions que de « paraĂ®tre Â» dans un article. Mais l’échange que je viens d’avoir par sms avec mon ami Raguse en a dĂ©cidĂ© autrement. Pour le pire ou le meilleur. Avec lui ou avec d’autres.

 

Raguse et la pandémie aux Antilles

 

Tout à l’heure, mon ami Raguse m’a sollicité pour avoir mon avis concernant l’essor de la pandémie aux Antilles. Depuis quelques jours, dans les médias, il se parle de plus en plus du confinement strict et du couvre-feu décidés récemment par le gouvernement aux Antilles. Du fait que les touristes qui s’y trouvent sont encouragés à rentrer en France.

 

On parle aussi du faible taux de vaccination anti-Covid là-bas. De la défiance d’une grande partie de la population envers les vaccins anti-Covid. Tandis qu’en France, on doit maintenant approcher les plus de 60 % de personnes vaccinées contre le Covid, dans les régions Outre-mer telles que les Antilles où la Réunion, ce taux tombe à environ 20 %.

Alors que le variant Delta du Covid fait de plus en plus parler de lui et couche de plus en plus de monde dans ces rĂ©gions et ailleurs. Aux Antilles, on parle de services hospitaliers surchargĂ©s, de renforts en personnels soignants ( mais aussi de renforts policiers ) venus de mĂ©tropole. Donc, d’une catastrophe sanitaire en cours sous les tropiques. Les « tropiques Â» sont habituellement plutĂ´t synonymes de paradis, d’évasion et de dĂ©tente. LĂ , ils deviendraient plutĂ´t synonymes de mouroirs et de mouchoirs.

 

Je l’ai dĂ©jĂ  Ă©crit : je suis bien-sĂ»r embarrassĂ© devant ces chiffres de « cas de Covid Â» en augmentation. Que ce soit aux Antilles oĂą j’ai de la famille, Ă  la RĂ©union, mais aussi en France. Mon propre frère a prĂ©vu de se rendre en Guadeloupe avec sa compagne et leurs deux enfants. Et, il y a quelques jours, bien que lui et sa compagne soient vaccinĂ©s et aient prĂ©vu de passer deux tests PCR, un quarante huit heures avant leur vol, et un autre le jour-mĂŞme, afin d’augmenter leurs chances, mon frère ne savait pas s’ils pourraient dĂ©coller pour la Guadeloupe la semaine prochaine.

 

Cela, c’était avant que l’on apprenne que les touristes Ă©taient maintenant incitĂ©s Ă  quitter les Antilles. Partir des Antilles serait plus « simple Â» pour certains touristes qui y sont que pour d’autres Ă  ce que j’ai lu. La compagnie Air France serait plus facilement joignable et  accommodante. La compagnie Air CaraĂŻbes, aux billets d’avions moins chers, ne rĂ©pondrait pas.

 

Le journal  » Le Parisien » de ce mercredi 11 aout 2021.

 

Mon ami Raguse m’a posĂ© tout Ă  l’heure en guise de bonjour (il ne m’a mĂŞme pas dit bonjour) la question suivante que beaucoup d’autres personnes se posent peut-ĂŞtre :

 

« Je comprends bien la dĂ©fiance des antillais vis Ă  vis de l’Etat français mais l’hĂ©catombe actuelle en Guadeloupe et Martinique pose la question de la vaccination…et ses consĂ©quences bĂ©nĂ©fiques sur le nombre de victimes….Qu’en penses-tu ? Bonne journĂ©e ! Bizz Â».

 

Je sortais de ma douche lorsque j’ai lu ça après ma deuxième nuit de travail. Nuit de travail dont je suis revenu assez poussivement tout Ă  l’heure en pĂ©dalant sur mon vĂ©lo. J’ai mĂŞme croisĂ© un « vĂ©lo Brompton Â» tout fringant qui m’a allumĂ© alors que je me rapprochais de la gare de St Lazare.

 

Mais en lisant ce sms de mon ami Raguse, tout Ă  l’heure, mon Q.I n’a fait qu’un tour. D’abord, sa question amenait entre nous une nouvelle discussion parmi d’autres. Ensuite, mes origines antillaises et mon statut de « non vaccinĂ© Â» m’ont attribuĂ© le rĂ´le du candidat idĂ©al pour en dĂ©battre avec lui. Impossible pour moi de me dĂ©filer.

 

J’ai d’abord rĂ©pondu :

 

« Tu as peut-ĂŞtre raison pour la vaccination. Mais nous ne sommes pas Ă  leur place. La Guadeloupe, c’est une Ă®le qui se trouve Ă  des milliers de kilomètres de l’hexagone. Et oĂą l’on perçoit donc les Ă©vĂ©nements et la vie depuis un autre point de vue. Et puis, la France a un terrible passif avec, au moins, la Guadeloupe et la Martinique : Le chlordĂ©cone.

Lorsque tu as vĂ©cu ça, cette horreur sanitaire, comment peux-tu faire confiance Ă  la France ? Pareil pour la PolynĂ©sie et les essais nuclĂ©aires aux consĂ©quences sanitaires non vĂ©ritablement reconnues par la France. Comment, après ça, rĂ©ussir Ă  faire confiance Ă  la France ? Â».

 

Raguse a alors ajoutĂ© :

 

« Oui, je suis d’accord. C’est pour ça que je parlais de leur lĂ©gitime dĂ©fiance vis-Ă -vis de l’Etat français…. Â».

 

Alors, je ne sais pas ce qui m’a pris. C’est peut-ĂŞtre l’effet de la fatigue ou mon Q.I inversĂ© qui m’ont dĂ©sinhibĂ© peut-ĂŞtre pour le pire. Je me suis alors mis Ă  Ă©crire :

 

« Il est très facile depuis notre regard ethno-centrĂ© et nombriliste de juger les autres. Que ce soit les autres qui sont aux Antilles ou dans d’autres rĂ©gions du monde. Mais t’écrire ça ne m’empĂŞche pas de « regarder Â» le dĂ©compte et l’essor de la pandĂ©mie aux Antilles et en PolynĂ©sie. Cependant, ce qui me dĂ©range aussi, c’est ce business autour des vaccins :

S’il y a peu de gens vaccinĂ©s aux Antilles, ça veut aussi dire qu’il y a lĂ -bas un marchĂ© Ă  conquĂ©rir. Je n’arrive pas Ă  savoir ce qui est le pire. Et, c’est encore plus inquiĂ©tant d’être aujourd’hui incapable de savoir ce qui est le pire :

 

Penser, comme je le fais, que les vaccins anti-Covid pourraient être une nouvelle espèce de produits de consommation envers lesquels nous allons développer une dépendance. Comme envers nos téléphones portables et nos ordinateurs et internet. Ils (les vaccins anti-Covid) seraient donc les produits de consommation parfaits. Indispensables et salvateurs mais à durée limitée. On en changerait tous les ans ou tous les six mois en prenant un nouveau forfait. Comme avec un nouveau téléphone portable de plus en plus sophistiqué chaque année.

 

Ou, le pire est-il que ce projet soit déjà l’avenir pour au moins une ou plusieurs entreprises?

Ce matin, lorsque je suis optimiste, je me dis que la pandémie du Covid va durer trois ou quatre ans. Puis, je me dis que je me leurre. Et, qu’elle va plutôt durer une cinquantaine d’années ou plus. Comme la grippe.

Lorsque l’on voit tout ce que nous avons perdu en libertĂ©s (ne serait-ce que de dĂ©placement) depuis dix huit mois, cela fait très peur pour la suite. D’autant que le Covid bouffe d’abord en prioritĂ© les plus âgĂ©s, donc les reprĂ©sentants et la mĂ©moire d’un autre monde. D’une autre façon de vivre. Mais dans dix Ă  vingt ans, celles et ceux qui naitront ne connaitront rien de cette vie sans Covid que nous aurons connue. Et, pour le plus grand nombre d’entre eux, ça sera normal de vivre avec ces vaccins peut-ĂŞtre devenus mensuels ou quotidiens contre toute sortes de maladies dangereuses. Peut-ĂŞtre mĂŞme que la durĂ©e de vie moyenne de l’humanitĂ© aura-t’elle diminuĂ© pratiquement de moitiĂ©. Le monde sera alors peuplĂ© de jeunes travailleurs et de jeunes consommateurs dynamiques. Ce qui soutiendra l’économie de marché…tu m’as interrogĂ©. Je te rĂ©ponds spontanĂ©ment sans me censurer après deux nuits de travail. Je t’embrasse Â».

 

 

Un dĂ©lire de plus de Franck Unimon, ce jeudi 12 aout 2021. Avec le concours involontaire de l’ami Raguse  qui n’est peut-ĂŞtre qu’un prĂ©texte ou mon invention afin de pouvoir Ă©crire n’importe quoi.

 

 

 

 

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Vélo Taffe : Certains vélos sont faits pour rouler

 

Photo prise début aout 2021.

 

                            VĂ©lo Taffe : Certains vĂ©los sont faits pour rouler

 

J’ai travaillé cette nuit. Ce matin, pour retourner à la gare, comme je le fais depuis quelques mois, j’ai pris mon vélo pliant. Je ne suis toujours pas vacciné.

 

Je suis bien-sûr embarrassé de savoir que dans des pays pauvres, des gens meurent du Covid faute de ne pas pouvoir bénéficier de vaccins anti-Covid comme nous en avons à disposition en France, pays qui fait encore partie des pays riches.

Journal « L’Humanité » de ce mercredi 11 aout 2021.

 

Je suis bien-sûr embarrassé par la montée inquiétante du nombre de cas Covid en Guadeloupe, en Martinique ou à la Réunion. Les média, il y a quelques jours, relevaient une réticence ou un refus de la vaccination anti-Covid en Guadeloupe, en Martinique et à la Réunion.

 

J’ai appris le « durcissement Â» des mesures de confinement dans ces rĂ©gions d’Outre-mer dont je suis plusieurs fois originaire. Je me dis qu’une moindre application locale des gestes barrières a sans doute permis cette extension de la pandĂ©mie. Mais le tourisme aussi : il y Ă©tait encore permis assez facilement il y a quelques mois.

 

Je ne conteste pas les chiffres du Covid dans le monde.

 

Ce matin, pour la première fois, je me suis demandĂ© si le dĂ©ni de la pandĂ©mie- et de sa gravitĂ©- par certains pouvait avoir une relation avec une mouvance comme celle des « adeptes Â» de Trump, le prĂ©cĂ©dent PrĂ©sident des Etats-Unis. Soit une mouvance Ă©manant d’un homme Puissant de par son ancien poste de PrĂ©sident de la toujours Première Puissance Mondiale mais aussi de par sa richesse en tant qu’homme d’affaires.  

 

C’est ce titre dans le New York Times que j’ai achetĂ© tout Ă  l’heure qui m’a donnĂ© cette idĂ©e :

No bottom in sight for Covid denial écrit par Paul Krugman, une personne que je ne connais pas.

« New York Times » de ce mercredi 11 aout 2021.

 

La traduction approximative de ce titre pourrait ĂŞtre : Le dĂ©ni du Covid est un puits sans fond ou sans limites.

 

Une façon de dire que celles et ceux qui sont dans le dĂ©ni du Covid, et de sa gravitĂ©, trouveront toujours des raisons et des façons de s’opposer aux arguments qu’on leur donnera pour les convaincre de la rĂ©alitĂ© et de la gravitĂ© de cette pandĂ©mie. Une sorte d’hĂ©morragie qu’aucun anticoagulant de ce monde ne pourra jamais arrĂŞter. 

Le  » Charlie Hebdo » de ce mercredi 11 aout 2021.

 

J’ai entendu une infectiologue affirmer qu’avec le variant Delta du Coronavirus qui est en train de prendre ses appartements en France que personne, cette fois-ci, ne pourrait Ă©chapper Ă  cette quatrième vague de la pandĂ©mie :

 

Selon les propos de cette experte, soit on attraperait le Covid. Soit on pourrait s’en sortir en étant vacciné avec Pfizer, Moderna, Astrazeneca, Johnson & Johnson. Nous désignons ces vaccins anti-Covid par les noms des laboratoires qui les fabriquent et/ou les commercialisent.

 

Laboratoires et noms qu’elle n’a pas forcĂ©ment citĂ©s dans son intervention mais que, dĂ©sormais, tout le monde « connaĂ®t Â» maintenant en France, je pense. Une pandĂ©mie, la maladie et la mort font partie des meilleures publicitĂ©s qui soient. Et, cela, bien avant cette pandĂ©mie du Covid.

 

Avant de passer Ă  la suite : Je ne me sens aucune affinitĂ© ou proximitĂ© avec une personnalitĂ© ou un personnage comme Trump, le prĂ©cĂ©dent PrĂ©sident des Etats-Unis. 

Maintenant que c’est Ă©crit

Hier, j’ai effectuĂ© ma première sortie sans passe sanitaire. J’en parle dans un autre article.( Paris sans passe : Atterrissage ethnique)

 

Après avoir écrit ça, on pourrait se demander pourquoi je persiste à ne pas me faire vacciner contre le Covid. Cette nuit, ma collègue, vaccinée avec Pfizer, m’a rappelé les embolies constatées lors des premières vaccinations avec l’Astrazeneca au début de cette année 2021.

 

Bien-sĂ»r, il y a pour moi, une inquiĂ©tude concernant certains effets indĂ©sirables assez immĂ©diats et plutĂ´t graves. Mais, aussi, envers des effets indĂ©sirables aussi graves, et encore inconnus- et peut-ĂŞtre uniquement imaginaires– Ă  ce jour, plus tard.

 

Foncièrement, je ne fais que deux choses, me semble-t’il :

 

Douter et essayer de gagner du temps.

 

Faire la Roue

 

Peut-ĂŞtre que faire la roue me permet de continuer de douter en gagnant du temps.

 

Pourtant, je ne doute pas de la pandémie du Covid. Ni de sa gravité possible.

 

Par contre, je doute des vaccins anti-Covid actuels. Pour moi, actuellement, le risque (leurs effets secondaires) Ă  accepter avec ces vaccins que l’on nous propose- et que l’on nous impose- m’apparaĂ®t Ă  tort ou Ă  raison plus grand que leur fameux « bĂ©nĂ©fice Â» que l’on nous assure.

 

En Anglais, je pourrais dire : « I Don’t buy it ! Â». En CrĂ©ole : «  An Pa Ka Pran Sa ! Â». Dans ces conditions de doute, aujourd’hui, je ne suis pas preneur du risque que l’on me « demande Â» ou que l’on veut « m’imposer Â» de prendre avec les vaccins anti-Covid actuels.

 

On dira d’une personne comme moi qu’elle ne sait pas ce qu’elle veut. Qu’elle est illogique, conne ou irresponsable. Ou irrationnelle. Je ne peux pas contester totalement cette perception. C’est celle des autres. Elle ne m’appartient pas.

 » Le Canard Enchainé » de ce mercredi 11 aout 2021.

 

 

La roue a sa propre volontĂ©. Une fois lancĂ©e, elle nous entraĂ®ne avec le moindre effort. Une fois portĂ©e par elle, on pourrait mourir, ĂŞtre blessĂ©, ĂŞtre pris d’un malaise, ou sain et sauf  et continuer d’avancer encore sur plusieurs mètres avant de commencer Ă  le rĂ©aliser. Sauf, bien-sĂ»r, si l’on est mort ou que l’on perd conscience.  

 

Il n’y a rien Ă  comprendre dans ce qui fait le mouvement d’une roue, d’une pensĂ©e ou d’une intuition. Soit on l’admet, soit on fait corps avec elle, soit on la rejette ou l’on se heurte Ă  elle. La roue a ses rythmes, ses cycles. On peut la trouver suicidaire. On peut comparer la roue Ă  la roulette russe. ça peut ĂŞtre vrai. Ça peut aussi ĂŞtre faux.  C’est aussi par elle que l’on arrive Ă  certains endroits et Ă  certaines dĂ©cisions qui nous sauvent et que la science n’a pas prĂ©vu et ne peut pas prĂ©voir. La science, si elle aide, sauve, soigne et peut aiguiller, n’est pas la propriĂ©taire et la maitresse exclusive de toutes les trajectoires. Un ĂŞtre humain, sur un vĂ©lo, n’ira jamais aussi droit que n’a pas pu le calculer la science afin de parvenir Ă  une certaine destination.

 

Cependant, faire corps avec la roue ne signifie pas se perdre en elle ou s’y enfermer définitivement. En faisant corps avec la roue, on peut vivre et réaliser des actes extraordinaires et inconcevables pour qui pense et marche au pas. Mais se confondre avec la roue, au point de ne plus être capable de faire la différence entre elle et soi, c’est se consigner dans la folie, le suicide ou de la maladie.

 

Avec le rĂ©chauffement climatique, l’invasion de l’Afghanistan par les Talibans, les troubles en Ethiopie, la pandĂ©mie du Covid, le durcissement du confinement en Martinique et en Guadeloupe, le couvre-feu en PolynĂ©sie française, et le meurtre du père Olivier Maire, l’arrivĂ©e du Footballeur Lionel Messi dans l’Ă©quipe du Paris St Germain comptent parmi les principales Unes de ce mercredi 11 aout 2021.

 

Pas de logique forcément

 

Il n’y a pas de logique, forcément, dans le fait que, ce matin, j’ai décidé d’attendre ce cycliste que j’avais d’abord très facilement dépassé. Pour lui parler et l’interroger. Et, bien-sûr, rien ne me prédisposait en particulier à cette rencontre. Rien non plus ne garantissait qu’il accepte de prendre le temps de discuter avec moi. Certains cyclistes sont très fermés, assez condescendants ou, plus simplement, pressés.

 

En partant de mon travail ce matin, j’ignorais que j’allais le rencontrer. Et, si j’avais pédalé à une certaine allure ou décidé de prendre un autre parcours pour me rendre à la gare, nous ne nous serions pas croisés.

 

Il avançait sur un de ces vĂ©los mĂ©caniques et pliants de la marque Brompton que j’ai dĂ©jĂ  Ă©voquĂ©s :

 

« Certains vĂ©los sont faits pour rouler. Le mien est fait pour pĂ©daler Â».

 

Même s’il avançait vraiment doucement, ou peut-être parce qu’il avançait vraiment plus doucement que tous les autres usagers de cette marque de vélo que j’ai pu croiser, il m’a pris l’envie de lui parler.

 

Contrairement à la plupart des cyclistes que je rencontre, quelle que soit leur marque et leur type de vélo, il portait un masque noir anti-pollution. Et peut-être anti-Covid. Et, son vélo, à l’inverse de la majorité des vélos Brompton que j’ai pu croiser, avait un guidon en T.

 

Il m’a très vite appris qu’il avait la version sportive. A la fois la plus lĂ©gère et la plus chère. Il se sentait bien avec ce type de guidon et avait dĂ©jĂ  parcouru cinquante kilomètres avec. Il se sentait tellement bien dessus que, pour tous ses dĂ©placements, il avait dĂ©sormais dĂ©laissĂ© son VTC classique  Ă  sept vitesses.

Il a reconnu qu’il fallait mettre le prix pour l’acheter. Mais que l’effort financier se justifiait. Il a acquiescĂ© lorsque je lui ai sorti ma formule :

 

« Certains vĂ©los sont faits pour pĂ©daler. Celui-ci est fait pour rouler Â».

 

Il avait fait le choix de n’avoir que deux vitesses. Au lieu des six recommandées. Pour alléger davantage son vélo qui devait pourtant être bien plus léger que le mien au poids déjà confortable (12 kilos).

 

Puis, il m’a dit qu’il était étonné par la très grande réactivité de ces vélos. J’ai pu en témoigner pour en avoir fait plusieurs fois l’expérience.

 

Après un à deux kilomètres de discussion et de promenade tranquille ensemble, il m’a prévenu qu’il allait tourner à droite après l’hôtel Le Lutétia. Je l’ai salué et l’ai remercié. Nous nous sommes souhaités une bonne journée.

 

Certains vélos sont faits pour rouler. Sans se poser de questions. Un de mes anciens cousins, du côté de ma mère, Marcel Lollia, était surnommé Vélo. Je ne l’ai jamais rencontré. J’étais ado lorsqu’il est décédé.

 

Vélo n’était pas un cycliste. C’était un joueur de Gwo-Ka. Une référence. Son nom ne dira rien à beaucoup de personnes en France et dans le monde. Y compris parmi beaucoup de mes amis et de mes connaissances, passées, présentes et futures.

 

Sa vie n’a pas du tout Ă©tĂ© linĂ©aire. Elle n’a rien Ă  voir avec ma propre vie. La campagne, la musique apprise sĂ»rement en autodidacte, peu lettrĂ©, la rue, l’alcool, les nuits blanches, d’abord la mauvaise rĂ©putation, puis la reconnaissance, la maladie,  la mort dans la pauvretĂ© avant la soixantaine. Tout ce que je fuis comme beaucoup de personnes.

 

Mais son nom et son histoire sont restés. Et, plusieurs années après sa mort, il continue d’inspirer. Au contraire de la majorité d’entre nous qui, devant la roue, estiment qu’elle est juste là pour avancer. Et, rien d’autre. Une roue, c’est fait pour rouler.

 

 

Franck Unimon, ce mercredi 11 aout 2021.