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Je suis devenu un toqué de Lana Del Rey quelques jours avant les 24 heures du Samouraï

Pochette de l’album NFR! de Lana Del Rey.

Je suis devenu un toqué de Lana Del Rey quelques jours avant les 24 heures du Samouraï

 

Bonjour ou bonsoir, ma situation est presque désespérée. Et, j’envisage, bientôt,  peut-être, de devoir composer le 15 afin de demander des secours au Samu. Sauvez-moi.

Voici mon problème. J’aime, entre-autres, écouter de la musique. Je pratique très irrégulièrement les Arts martiaux. C’est peut-être d’ailleurs pour cela que je me suis mis dans cette situation apparemment inextricable.

Je suis un être de bientôt 56 ans, du genre masculin, hétéro-normé, conformé, chloroformé, noir, d’origine antillaise, sobre de l’usage comme de la fréquentation de toutes substances stupéfiantes et illégales, éduqué dans le zouk, le Kompa, le Reggae et la Soul par mes parents.

Cependant, depuis quelques semaines maintenant, j’écoute et fais écouter à mon domicile une artiste blanche, américaine, de plus de vingt ans ma cadette que je n’ai jamais rencontrée, qui n’est ni de mon âge ni de mes coutumes et dont les admirateurs se cachent.

Ce n’est pas la première fois que je parle d’elle ( Quand j’écoute de la musique : Lana Del Rey). Et,  je suis en train d’écouter un de ses albums ( Chemtrails Over The Country Club ) alors que je publie cet article.

Cette artiste a un public. Puisque les places pour son premier concert à l’Olympia se seraient vendues en une minute et trente secondes et que toutes les places pour son unique concert en France, cet été, au mois d’Aout, en île de France, se sont rapidement vendues et que certaines réapparaîtront vraisemblablement sur le marché noir avec le bon tempo. Il m’arrive, de temps à autre, de manière impulsive et puérile de « chercher » une place pour ce concert prévu cet été.

Je n’ai pas de problème d’appétit ou de sommeil. Je continue d’effectuer mon travail dans des conditions satisfaisantes. Personne, pour l’instant, dans mon entourage proche et limitrophe n’a remarqué de changement notable ou préoccupant dans mon comportement.

J’ai toujours prévu de participer à la troisième édition des 24 heures du Samouraï dans quelques jours, le 17 et le 18 Mai au dojo d’Herblay, comme de me rendre durant trois semaines au Japon cet été au Masters Tour organisé et proposé par Léo Tamaki également à l’œuvre- avec d’autres- dans la préparation des 24 heures du Samouraï ( Les 24 heures du Samouraï au dojo d’Herblay ce 20 et ce 21 Mai 2023, 2ème édition).

 

Sauf que, chaque fois que je parle de cette artiste, autour de moi, et, peu importe l’âge de la personne à qui je m’adresse, les réponses que j’obtiens sont décourageantes malgré les millions d’album vendus. Peut-être qu’il se trouvera, aux 24 heures du Samouraï les 17 et 18 Mai, mais aussi lors du Masters Tour cet été, parmi les participantes et les participants, ainsi que parmi les intervenants, des admiratrices et admirateurs de Lana Del Rey.

Je ferai mon enquête.

Mais, pour l’instant, lorsque, subitement, plein d’espoir, je demande à mon interlocuteur ou à mon interlocutrice :

 « Tu connais Lana Del Rey ? » ou sa variante «  Tu aimes la musique de Lana Del Rey ? », j’hérite à chaque fois de la même réponse polie mais aussi imperturbable qu’une esquive ou un ippon :

« Je dois connaître ses deux ou trois tubes… ».

Ses deux ou trois tubes ? Ce ne sont pas eux qui m’importent. Depuis que je me suis mis à écouter Lana Del Rey par hasard, je n’ai pas encore réécouté ses deux ou trois tubes (Video Games et Born to die).

Pour l’instant, seul le bibliothécaire de mon travail où j’ai emprunté par curiosité, parce-qu’il était devant moi, le dernier album de Lana Del Rey , a comprimé un air de contentement lorsque je lui ai parlé de mon plaisir à l’écouter. Le contentement de celles et ceux qui, rigoureusement et constamment, font de leur mieux pour combattre la routine et l’enfermement sans être pour autant les personnes les plus à l’aise pour converser et pour expliciter une œuvre ou un kata. 

Le bibliothécaire ne sera pas présent aux 24 heures du Samouraï 2024 où je serais bien étonné. En tout cas, il ne m’en a pas parlé. Et, moi, non plus.

Alors, je suis, là, comme un mendiant esseulé en train de quêter un quignon de discussion à propos de Lana Del Rey. Je n’ai pas encore opté pour me rapprocher de groupes d’admirateurs de Lana Del Rey. Je reste très conservateur en termes de relations sociales ainsi que très méfiant envers les excès réalisés  grâce aux réseaux sociaux.

Il m’arrive néanmoins, sur le net, d’essayer de dénicher des informations supplémentaires sur ses textes. Bien-sûr, j’ai déjà lu et relu la page wikipédia qui est consacrée à sa biographie. Je ne l’ai pas encore imprimée. Je n’en suis pas à acheter des posters, des mugs ou des tee-shirts à son image ou des éditions spéciales de ses albums (j’ai vu que cela était possible)  car cela ne fait pas partie de mon carburant. Par contre, quand je le peux, au travail ou dans le train, je sors mon baladeur, et, je me mets un petit coup de Lana Del Rey dans les oreilles et dans la tête.

 

Mais peut-être suis-je en train d’endurer un juste châtiment que j’ai mérité car, en me mettant à écouter Lana Del Rey, je suis tombé bien bas alors que j’avais «  tout » pour réussir…

C’était mieux avant ?

Hier soir, en effet, un événement vraiment très grave s’est produit.

Plein d’enthousiasme, j’avais commencé à écouter l’un des derniers albums de Marcus Miller, Laid Black (2018). Un album parmi la quarantaine ou cinquantaine (centaine ?) de Cds que j’ai amassés grâce à des emprunts- pour certains prolongés- dans plusieurs médiathèques ces trois dernières semaines ou ces deux derniers mois.

La pochette de l’album Laid Black de Marcus Miller.

Marcus Miller que j’ai vu deux fois en concert. Marcus Miller qui a joué en concert avec Miles Davis à partir de 1981 et qui a composé la plupart de ses derniers titres.

Marcus Miller ! L’un des derniers protégés de Miles !

 Cela se passe bien avec le premier morceau, Trip Trap.

Puis, Que Sera Sera deuxième titre de l’album Laid Black de Marcus Miller, sur lequel chante Selah Sue ( Selah Sue !), a commencé depuis à peine deux minutes que j’en ai assez.

Marcus Miller est devenu depuis des années (peut-être depuis la mort de Miles en 1991) une Majesté musicale illustre et incontournable.

Mais, hier soir, j’ai plaqué Marcus Miller, pour, à la place, remettre dans mon lecteur Cd un  » vulgaire » album de Lana Del Rey :

Norman Fucking Rockwell ! ou NFR ! 

Si j’avais une platine disque, j’aurais effectué exactement les mêmes gestes avec les disques vinyles. Je le sais.

Pourtant, tout, sur la pochette de l’album de Marcus Miller est présent pour me retenir. Le beau visage et le regard direct, conquérant, assuré ou séducteur du « Grand » Marcus Miller avec son beau chapeau et que l’on devine torse nu/Le terme « Black » et le jeu de mot Laid Back-Laid Black et le tampon Blue Note, référence musicale absolue du Jazz.

La pochette de l’album NFR ! ou Norman Fucking Rockwell ! de Lana Del Rey emprunté à la médiathèque de mon travail.

En face, la couverture de l’album de Lana Del Rey, énigmatique, spontanément, me parle et m’attire moins. Cette main tendue de Lana Del Rey vers nous avec ses ongles vernis en jaune. Ce drapeau américain derrière elle. Ce voilier sur la mer et ce jeune homme qui n’est pas Norman Rockwell mais que l’on est poussé à prendre comme tel. Ce ciel au dessus d’eux qui s’avère avoir été peint, détail dont je me suis aperçu seulement lorsque j’ai voulu faire une photo de cette pochette pour cet article.

Si j’avais dû choisir entre les deux albums en me fiant à leurs couvertures, j’aurais opté pour Laid Black de Marcus Miller. Mais même si le visuel d’un artiste est capital, on écoute encore la musique ou, du moins, peut-être que pour moi, ce que j’entends peut encore l’emporter sur ce que je vois d’un artiste musical dans certaines conditions.

Je vais également ajouter que j’ai déjà été « déçu » plusieurs fois par Marcus Miller depuis la mort de Miles Davis. Tant en concert que dans ses albums. J’ai l’impression qu’il jouait mieux lorsqu’il composait pour Miles ou lorsqu’il se mettait à son service. Je trouve que sa maitrise technique mégalomaniaque prend trop de place et que, faute d’alter-ego sur scène et en studio, que sa musique est devenue académique, ennuyante, même si imposante, et qu’elle fait surtout plaisir à celles et ceux qui pensent et intellectualisent la musique beaucoup plus qu’ils ne la ressentent.

Je crois que beaucoup de celles et ceux qui aiment aujourd’hui la musique de Marcus Miller sont aussi identiques à celles et ceux qui se rendent à un Opéra pour s’y montrer et faire œuvre de mondanités. Hyper-intellectualisme et mondanité sont ce que je reproche à Marcus Miller et ce dont, pour l’instant, la musique de Lana Del Rey, me semble encore préservée.

Aujourd’hui, et depuis des années, plus personne, parmi les musiciens expérimentés de poids, aujourd’hui, n’est présent pour exiger de Marcus Miller qu’il fasse montre de créativité. Alors que Lana Del Rey, elle, est encore inspirée. Il est vrai aussi qu’elle est bien plus jeune et que Marcus Miller a mangé tellement de musique et composé pour tellement d’artistes. Je manque peut-être tout simplement de gratitude pour Marcus. Mais je doute que lui soit en attente d’une quelconque gratitude de quiconque. Ou cela signifierait qu’il a pris sa retraite or il ne l’a pas prise. Ou peut-être que je ne comprends plus ou ne suis plus de ses « combats ». L’un de nous deux a vieilli plus que l’autre. Au point qu’aujourd’hui, j’en suis à écouter Lana Del Rey.

J’avais déjà  écouté l’album Norman Fucking Rockwell ! deux ou trois fois. Et, de façon impérieuse, hier soir, j’ai voulu connaître la raison pour laquelle on parlait de cet album comme d’un des chefs-d’œuvre de Lana Del Rey.  Alors que je lui préfère pour l’instant très largement son dernier album Did you know that there’s a tunnel under Ocean Blvd ou son album Lust for Life. Deux albums que j’ai écoutés pour la première fois il y a à peu près un mois maintenant.

 Hier soir, j’ai éteint la lumière, et, dans l’obscurité, assis dans mon fauteuil avec la musique qui sortait des enceintes derrière moi, j’ai réécouté plusieurs des titres de Norman Fucking Rockwell. L’Anglais chanté, je le comprends assez peu alors je n’ai pas tout avalé. Même si Lana Del Rey a un élan vocal, qui, sans être monacal, est beaucoup plus facile à suivre que celui d’un chanteur de Heavy Metal ou d’une rappeuse type Nicki Minaj. Les termes « Bitch » et « Fuck », lorsqu’ils sont arrivent, sont très faciles à comprendre. Ce n’est pas d’eux dont je parle.

Alors que les plages de Norman Fucking Rockwell  s’étendaient, j’ai repensé au dernier album de l’artiste Adele que j’avais emprunté en même temps que le dernier de Lana Del Rey ainsi qu’à l’album Sorore du trio français Vitaa/Amel Bent/Camélia Jordana. Comparer des artistes et établir entre eux des hiérarchies est trompeur tant leurs univers et leurs intentions peuvent être différentes mais aussi parce-que des artistes qui nous semblent dissemblables peuvent très bien s’entendre :

Bob Marley écoutait James Brown. Miles Davis écoutait Bob Marley, Chopin autant que le zouk de Kassav’. Et Jacques Brel et Johnny Halliday étaient potes. 

Par ailleurs, j’ai appris que bien des chanteuses et des chanteurs de « variétés » dont on peut trouver les titres ou les œuvres ringards sont souvent beaucoup plus au fait de la musique qu’on ne peut le croire et ont des textes bien plus recherchés que l’idée que l’on s’en fait a priori.  Il se trouve « simplement », que, eux, c’est dans le domaine de la variété qu’ils ont pu percer comme d’autres, au cinéma, parviennent à faire une carrière en restant dans le registre ( comique, érotique, spectaculaire ou patibulaire) pour lequel on leur propose invariablement des rôles.

Mais en réentendant le titre Venice Bitch, j’ai eu une idée de ce qui m’entraîne chez Lana Del Rey.

La musicalité, le format.

Lana Del Rey n’a pas peur de la musique. Elle ne fait pas que chanter et jouer avec sa voix en se cramponnant à « son » territoire. Sur un de ses titres, elle est capable de citer John Denver et sur un autre  les Kings of Leon mais aussi…Sun Ra. Sur un autre, elle fait un duo avec l’artiste The Weeknd. J’ai aussi « vu » (sur internet) qu’elle a chanté en duo avec Billie Eilish mais aussi avec Chris Isaak.

Sur son album Norman Fucking Rockwell (oui, j’ai fait des recherches pour connaître le sens du nom de cet album) le titre Venice Bitch, lui, dure plus de 9 minutes.

Lorsque l’on décide, en tant que chanteuse considérée plus ou moins comme « pop » de faire un morceau d’une telle longueur, cela signifie que l’on ne va pas chercher à le calibrer pour en faire un tube destiné aux fuseaux horaires de la radio et des boites de nuit (ou dance floor).

Sur ce titre, Lana Del Rey fait beaucoup mieux que de se contenter de lécher le mot « Bitch » pendant neuf minutes. La musique est, là aussi, une particule sonore entière et tentaculaire. Ce n’est pas un bruit de fond ou un prétexte pour « sortir » Lana Del Rey de son silence et nous faire entendre la cour de sa jolie voix.

Je ne dirais pas que Venice Bitch va suffire à me faire revoir l’album Norman Fucking Rockwell à la hausse. Par contre, il me confirme que l’artiste Lana Del Rey (qui semble sortir un album tous les deux ans voire presque tous les ans) est tout sauf un artifice. Et, je comprends, lorsqu’on a pris la peine de vraiment l’écouter, que l’on ait plaisir à continuer de le faire.

 

Je crois que Miles serait tout à fait d’accord avec ça. Et, peut-être  Marcus Miller aussi. Lana Del Rey, elle, serait peut-être embarrassée. Ce qui me rendrait sa musique encore plus attachante.

 

Franck Unimon, ce jeudi 9 Mai 2024.

 

 

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Quand j’écoute de la musique : Lana Del Rey

Zentone, octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

Quand j’écoute de la musique

 

Quand j’écoute de la musique, je dois avoir à peine 16 ou 17 ans tout au plus. Même si la musique (avec ou sans paroles) nous permet d’arriver à divers âges et époques de la vie.

Quelques fois, je repense à ces moments avec des copains, voire des copines ou quel que soit notre « genre », nos origines culturelles, économiques et raciales, l’œuvre ou l’album de l’artiste était un médium qui nous permettait d’être ensemble, de discuter comme de nous provoquer. De nous rejeter aussi. Mais chacun existait de par son diaphragme et son domaine.

Feu Fred Rister, DJ reconnu, compositeur de plusieurs des tubes de David Guetta, coiffeur à l’origine, « écrit » dans son livre Faire danser les gens ( Paru en 2018), qu’il en était arrivé à détester tout ce qui empêchait ou interdisait de danser.

Sans alerter jusqu’à la haine, je ne comprends pas que l’on puisse se passer de musique. De toutes sortes de musiques. Or, en « arrivant à l’âge adulte » comme l’on entrerait dans une religion ou dans une caserne stricte, en devenant des personnes « responsables », je constate que, peu à peu, la musique a perdu de son pouvoir de rassemblement et de mouvement et que nous sommes devenus amnésiques de cette expérience. Je me rappelle d’une jeune mère un peu embarrassée de répondre à son fils de quatre ou cinq ans qui venait de l’interroger en public :

 « Non, on n’a pas dansé à notre mariage… ».

En « prenant » de l’âge, la musique devient superflue car elle ne peut résoudre « nos problèmes ».

La musique qui se produit aujourd’hui – après les années de notre jeunesse – est obligatoirement de la « merde ». Ou la musique se fait territoire de retranchement ou bunker de nos souvenirs à l’intérieur desquels on résiste à notre dépression et nos désillusions, seuls dans notre coin ou avec quelques « fidèles » qui ne nous ont pas ( encore ?) « trahis ».

Pire : La musique devient un bruit de fond comme n’importe quelle source d’images qui nous aspire et nous « aide » à oublier et à maquiller un peu nos fissures ainsi que toutes les menaces qui nous parviennent du monde et nous télescopent lorsque nous  sommes chez nous.

Autrement, être devenus des hyperactifs ou des êtres qui accumulent jusqu’à l’excès des objets qui nous survivront largement nous permet aussi de nous croire à peu près à l’abri et de moins être les cibles d’un quelconque tourment. Trois tonnes d’excréments en haut de l’Everest, résultat de l’alpinisme touristique depuis plusieurs années.

Chez moi, j’ai plus de Cds, de livres et de dvds que je ne pourrai en profiter avant ma mort. Et, en ce qui concerne la musique, je continue d’aller en chercher. De façon physique et individualiste. Je me refuse à me dématérialiser. Enfant, en CE2, un de mes maitres de l’école publique, nous avait fait découvrir la médiathèque de notre ville. On peut emprunter beaucoup de Cds, de livres et de dvds dans les médiathèques. On n’est pas obligé de toujours tout acheter. Et on peut même prolonger les prêts.

Je n’ai plus de contacts avec mes camarades de CE2 depuis longtemps. Je ne sais donc pas qui, dans notre classe, depuis, a continué de vivre, et comment, et de se rendre dans une médiathèque. Mais j’espère que la musique que j’écoute inspire et inspirera ma fille.

Dans l’hôpital où je travaille depuis le début de cette année, il y a une très bonne médiathèque que j’ai repérée assez vite. Certains repèrent rapidement les points de deal de stupéfiants, moi, je repère les médiathèques.

Pochette de l’album  » Sorore » de Vitaa, Amel Bent et Camélia Jordana.

Cette semaine, j’ai rajouté huit emprunts à ceux que je venais de faire prolonger à la médiathèque de mon travail. Parmi ces emprunts, l’album Sorore ( sorti en 2021) de Vitaa, Amel Bent et Camélia Jordana ; 30 ( sorti en 2021) d’Adèle et Did You Know There’s a tunnel under Ocean Blvd ( sorti en 2023) de Lana Del Rey ( Parental Advisory Explicit Content).

Dans mes derniers articles, j’ai parlé des concerts de PJ Harvey ( PJ Harvey à l’Olympia, octobre 2023), Tricky Tricky à l’Olympia ce 6 mars 2024)  et Ann ‘O’aro ( Ann O’aro au studio de l’ermitage ce 14 mars 2024). La semaine prochaine, j’ai prévu de me rendre au concert du groupe Lindigo au Cabaret Sauvage et, cet été, je me suis décidé à retourner voir Massive Attack au festival Rock en Seine. Je parlerai bientôt du concert du groupe Quartier Lointain que j’ai vu la semaine dernière à la cave Dimière d’Argenteuil.

Je répète que je regrette d’avoir raté au début de l’année le concert de Rocio Marquez et de Bronquio.

Vitaa, Amel Bent, Camélia Jordana, Adele et Lana Del Rey ne figurent pas parmi les artistes que je citerais spontanément si l’on me demandait ce que j’écoute comme musique ou comme artiste. Mais ces artistes ont des voix, des personnalités, des histoires. J’ai déjà entendu parler d’elles. J’ai vu quelques images de certaines d’entre elles ou ai pu écouter quelques uns de leurs titres.

Hier, lors de mon premier jour de repos,  j’ai écouté ces trois albums dans l’ordre comme je les ai cités. D’abord l’album Sorore de Vitaa, Amel Bent et Camélia Jordana ; puis 30 d’Adele et Did you know that there’s a tunnel under Ocean Blvd de Lana Del Rey.

Trois Françaises, une Anglaise, une Américaine.

Avant de les écouter, j’avais encore tendance à confondre Adele et Lana Del Rey.

Et je confondais Amel Bent avec Chimène Badi.

Amel Bent, Vitaa et Camélia Jordana sur leur album  » Sorore ».

Le premier titre de Sorore ( Marine) m’a surpris et touché pour son texte sincère adressé à la femme politique Marine Le Pen. Mais surtout pour l’hommage à l’artiste Diam’s, auteure du texte, numéro 1 en France dans les années 2000, aujourd’hui retirée du monde du spectacle. Diam’s était une artiste que je savais très populaire lorsqu’elle chantait mais qui, pour moi, faisait partie du décor. Je n’ai jamais pris le temps d’écouter véritablement ce qu’elle disait dans ses chansons même s’il m’est arrivé, ici ou là, de glaner quelques informations.

 Je savais qu’au moins Vitaa était une amie proche de Diam’s mais aussi que cette chanson qui doit avoir une bonne dizaine d’années ( ou davantage) avait toute sa justification en 2021 et encore plus en 2024 :

Lorsque l’on lit que la prestigieuse famille Klarsfeld (parents et fils), auréolée de sa vie consacrée à chasser des anciens nazis, affirme que, aujourd’hui, en avril 2024, « Le Rassemblement National ( de Marine Le Pen) est devenu fréquentable…. ».

Dans l’album Sorore, j’ai aussi aimé l’alliage réussi des trois voix. Je connais trop peu leur signature vocale pour toujours savoir qui chante et j’imagine que c’était le but, de toute façon. J’ai aussi aimé que ces trois chanteuses, qui ont du coffre, s’abstiennent des tours de chauffe et de toute compétition dans les aigus. L’écoute m’a été agréable. J’ai écouté l’album deux ou trois fois de suite sans me demander des comptes.

L’album  » 30″ d’Adele.

Puis, j’ai écouté 30 d’Adele et cela m’a tout de suite plu. J’en ai profité pour commencer à regarder sur le net un peu plus qui était Adele. J’ai appris que ses parents s’étaient séparés lorsqu’elle avait trois ans. Que son père, d’origine galloise, était retourné au pays. Et que sa mère, entre-autre masseuse indépendante, mais aussi fabricante de meubles, avait déménagé plusieurs fois. J’ai lu que, plus tard, dans une interview, alors qu’Adele était devenue célèbre, que son père avait confié être « un père pourri », qu’il était mort d’un cancer ( ou d’alcoolisme) avant ses 60 ans mais aussi qu’Adele et lui s’étaient réconciliés auparavant.

Concernant Adele, je ne sais plus si je me trompe ou si c’est pareil pour la chanteuse Taylor Swift, mais elle avait une grand-mère qui chantait très bien à l’église. Adele est néanmoins plutôt une autodidacte avec des capacités vocales extraordinaires. Cependant, je reste fasciné par ces personnes qui se découvrent dans leur enfance des aptitudes vocales hors normes alors que chanter, parait-il, comme le fait de rire peut-être ou apprendre à jouer de la musique, est supposé être un acte assez instinctif et ordinaire chez l’être humain. Mais il se trouve qu’il est des êtres humains qui savent chanter, faire de la musique et rire ou ont des « facilités » pour y parvenir. Et d’autres qui savent faire ni l’un, ni l’autre ou pour lesquels tout est plus « difficile ».

A lire ou écouter les histoires de ces artistes qui se révèlent, on dirait grossièrement qu’il suffirait à certaines et certains d’avoir seulement la volonté, à un moment de leur vie, généralement dans l’enfance, voire au début des mutations de l’adolescence, de se lancer dans la chanson ou dans la musique pour apprendre qu’ils en sont capables. Alors que d’autres, tous les autres, pour des raisons multiples et contradictoires, plus doués ou non, bien que travailleurs, se résolvent ou se résument à se taire, à être des témoins ou des assistants, à disparaître ou à se perdre.

Peut-être que le désespoir ressenti dans les débuts de leur carrière par ces artistes qui « réussissent » et la nécessité, pour eux, de s’en  sortir seulement au travers de leur art explique en partie cette réussite. On chante et on fait peut-être d’autant « mieux » de la musique que l’on a d’autant plus peur d’être enfermé à jamais dans une boite ou une prison avant d’avoir commencé à véritablement exister. Lorsque nos rêves et nos idéaux parviennent à se hisser au dessus de l’adversité et des frontières sans que l’on se fasse briser. 

Si la peur paralyse et rend docile beaucoup d’entre nous, il en est qu’elle transforme en créatures possédées ou en volontaires tranchés décidés à tenir jusqu’à ce qu’ils aient atteint leur but. Et, c’est généralement cette expérience que la majorité des spectateurs ou des admirateurs part chercher ou retrouver chez les artistes. Car la docilité et le découragement, nous en avons une expérience quotidienne et sommes, pour la plupart d’entre nous, plutôt des experts dans ces domaines. C’est aussi pour cela qu’on nous recrute, qu’on nous administre, qu’on nous protège, qu’on nous police et qu’on nous garde.

Mais ce que je raconte à propos du « désespoir » comme l’aiguillon possible d’une carrière n’est pas une science exacte. Car beaucoup ont essayé et essaient de toutes leurs forces sans parvenir jusqu’à se faire connaître de nous comme il se devrait ou se pourrait. Beaucoup essaient ou ont essayé et, parmi elles et eux, il y a aussi toutes celles et tous ceux qui « finissent mal » ou disséqués. Or, assez peu de monde n’a véritablement envie de « finir mal » ou de se retrouver disséqué vivant.

C’est peut-être pour cela, qu’en lisant la page wikipédia consacrée à Adele, j’ai assez mal supporté que soit plusieurs fois souligné le fait que celle-ci avait fait gagner beaucoup d’argent à l’industrie musicale. C’est mon côté idéaliste et adolescent qui avait repris le dessus : Pour moi, la musique a plutôt à voir, d’abord, avec ce que l’on a besoin d’exprimer, à créer, et comment on touche le public. J’ai du mal à croire qu’Adele et beaucoup d’artistes musicaux, lorsqu’ils se lancent dans la musique, aient comme but prioritaire « d’injecter », comme je l’ai lu, des millions ou des milliards de bénéfices sur les comptes en banque des différents « acteurs » ou agents de l’industrie du disque. Ce qui impliquait que le public qui avait acheté les albums d’Adele mais aussi assisté à ses représentations publiques était avant tout considéré comme un troupeau de consommateurs. Le ruminant, en moi, n’a pas aimé être ainsi quadrillé et éclairé.

Même si le consommateur ruminant que je suis sait aussi que -dès le départ- certains artistes peuvent avoir un plan de carrière, je crois encore que c’est d’abord leur particularité, leur sincérité comme le fait que le public s’identifie à ce qu’ils « montrent » ou ressentent qui fait le succès des artistes mais aussi leur « rencontre » avec leur public.

Car, pour moi, un artiste public est un être qui aspire à créer et à rencontrer quelqu’un d’autre ou un public, tout en cherchant à gagner sa vie de cette façon me semble-t’il. Même si les rencontres que cet artiste peut faire ensuite alterne avec les extrêmes. De l’exceptionnel au plus que désobligeant.

L’album  » 30″ d’Adele.

Sur l’album d’Adele, j’ai aimé My Little Love, All Night Parking ( avec Errol Garner). J’avais aimé d’autres titres. J’avais été très étonné d’aimer aussi facilement autant de titres.

Mais j’ai écouté l’album de Lana Del Rey, Did you know that there’s a tunnel under Ocean Blvd.

Je pourrais presque écrire que j’ai fait l’erreur, ensuite, d’écouter le dernier album de Lana Del Rey. Car, à partir de là, j’ai eu autant de reconnaissance pour les deux précédents albums qu’une momie peut en avoir pour l’existence.

 

L’album  » Did you know that there’s a tunnel under Ocean Blvd » de Lana Del Rey.

Le processus d’emprise ou d’hypnose sur moi par Lana Del Rey a probablement dû commencer dès le premier titre de son album :

The Grants.

Un titre tout simple en apparence, même pas criard. Plaisant à écouter. Je n’ai pas fait attention. J’ai continué.

Qu’est-ce que je « savais » sur Lana Del Rey avant d’écouter cet album, son dernier à ce jour ?

J’avais déjà écouté deux ou trois de ses titres dont Blue Jeans qui doit être l’un des deux seuls titres ( si je ne me trompe pas) que j’ai d’elle sur un de mes baladeurs numériques. J’avais un peu entendu parler de polémiques à son sujet qui devaient tourner autour de sa réelle légitimité en tant qu’artiste, je crois. Mais je n’en n’avais jamais fait une artiste à écouter en particulier. Lorsque la programmation du festival Rock en Seine cet été a été annoncée et que j’ai su que Lana Del Rey y serait le premier jour, à aucun moment je n’ai envisagé d’aller la voir sur scène alors que j’aurais pu, alors, acheter une place pour ce jour-là. Je ne partageais pas l’engouement qui accompagnait cette annonce :

Lana Del Rey au festival Rock En Seine !

Aujourd’hui, il est trop tard pour acheter une place pour aller voir Lana Del Rey cet été.  Il n’y a plus de places disponibles, officiellement, pour la seule date parisienne, au festival Rock en Seine, de Lana Del Rey, quatre mois avant le début du « festival ».

Rock en Seine était peut-être un festival lorsqu’il a été créé au début des années 2000. Mais, aujourd’hui, c’est une usine à cash. Ses tarifs sont dotés du turbo. Et il existe aussi une certaine tendance à la spéculation. Il est probable que quelques jours avant le concert de Lana Del Rey, des places soient proposées à la revente par des particuliers opportunistes deux ou trois fois la valeur initiale du prix du billet.

J’ai accepté de payer 81 euros pour aller revoir Massive Attack au festival Rock en Seine le samedi 24 aout. Même si d’autres groupes joueront aussi ce jour-là. Mais si j’avais voulu « prendre » un forfait deux jours et  voir PJ Harvey le lendemain, par exemple, j’aurais dû payer 135 euros. Ça paraît une bonne réduction mais le tarif devient lourd d’autant que, sur place, il s’agira de consommer, d’acheter à boire ou à manger. Tout sera fait en conséquence pour que cela arrive. Puisque, pour des « raisons de sécurité », on nous interdira de nous rendre sur le site avec ceci ou cela. Lorsque l’on est jeune et  » sans charges », on regarde peut-être moins à la dépense. Surtout s’il est question de se rendre à un festival ou à un concert avec des copains et des copines et d’être  » avec tout le monde ». Mais lorsqu’on l’est un peu plus « vieux », plus critique et aussi plus individualiste, on aime moins se déplacer pour se faire feinter par ce genre d’entourloupe. 

Néanmoins, après ce que j’ai entendu hier, et malgré ce que je dis de l’industrie musicale, j’aurais accepté de payer 81 euros ou un peu moins de 100 euros pour aller voir Lana Del Rey (et d’autres artistes) à un festival. D’autant que je sais que certaines personnes ont bien accepté de payer 3000 euros pour pouvoir assister à la finale du cent mètres en athlétisme aux Jeux Olympiques à Paris cet été. Et d’autres ont déboursé 7000 euros pour pouvoir assister à certaines épreuves olympiques cet été en France.

L’album  » Did you know that there’s a tunnel under Ocean Blvd » de Lana Del Rey.

De telles dépenses ont de quoi couper la voix. Celle de Lana Del Rey est peut-être plus limitée que celle qu’Adele et du trio forgé par Vitaa, Amel Bent et Camélia Jordana. Mais cela ne l’empêche pas de titiller nos humeurs et nos émotions. Des trois albums, son album est sans doute le plus varié en termes d’atmosphères et de musique.

Le titre A&W en est une très bonne démonstration. Entendre ce titre en concert doit être assez inoubliable. Lorsque je l’ai entendu la première fois, je l’ai d’abord pris pour une gentille ballade à la guitare/piano/voix où Lana Del Rey s’emploie à baisser le son de sa voix le plus possible, de celle qui a vécu. Malgré les effets qu’elle met dans sa voix, j’ai eu l’impression d’avoir déjà entendu ça ailleurs. Je me suis éloigné de quelques mètres. Puis, il y a eu un changement ( le titre dure 7 minutes et 14 secondes) et je me suis dit qu’il fallait que je réécoute tout le début. Oui, c’était bien le même morceau que j’avais commencé à entendre. A&W « explique » que c’est une erreur de sous-estimer Lana Del Rey.

Lana Del Rey peut autant livrer des chansons de peines de cœur ( ou « Torch songs ») comme le font Adele, Vitaa, Amel Bent et Camélia Jordana de manière « pop » ou « sage », dirons-nous, que dériver vers le Gospel, le Blues ou le Hip Hop. Elle a certes l’avantage de la langue.

Je me suis demandé si j’étais victime de cette éducation qui, en occident, nous soumet au conditionnement de la langue Anglaise. Sauf qu’Adele chante en Anglais.

C’est peut-être mon conditionnement à la culture américaine, alors ?

Je crois aussi que Vitaa, Amel Bent, Camélia Jordana et Adele font « trop propres » sur elles. Pourtant, Adele parle de son alcoolisme par exemple et sa carrière initiée avant sa majorité fait d’elle un poids lourd en matière de vécu. Et, Vitaa, Amel Bent et Camélia Jordana, séparées ou en trio ne manquent pas de vécu non plus.

Mais il y a dans la musique de Lana Del Rey un refus de la sécurité qui s’infiltre et qui s’attarde. Elle m’a rappelé l’actrice Nicole Kidman dans le film Paper Boy réalisé par Lee Daniels en 2012. J’ai parlé « d’emprise et d’hypnose » pour Lana Del Rey. Mais on pourrait aussi bien parler d’elle comme d’une femme des marécages qui vous retient. On ne peut pas dire d’elle :

« L’essayer, c’est l’adopter ». Car Lana Del Rey, c’est une toile d’araignée. Et une Alien. On avance a priori facilement dans son album comme dans son antre pour ne plus avoir très envie d’en sortir.  

Si l’on compare les trois couvertures d’album, il y a aussi, chez Lana Del Rey, une très nette maitrise de l’image. J’ai lu qu’elle avait pu réaliser certains de ses clips et que certains de ses amis avaient comparé son univers à celui du réalisateur David Lynch. Je comprends cette comparaison. A ceci près que Lana Del Rey ne viendrait pas des films de Lynch mais attesterait par elle-même du fait que le réalisateur, pour ses films, s’était inspiré de personnes qu’il avait véritablement rencontrées mais jamais employées comme comédiens.

Sur la couverture de son album, en noir et blanc, alors que celle des albums de Vitaa, Amel Bent, Camélia Jordana et Adele est en couleur, le regard de Lana Del Rey interroge autant qu’il suggère qu’elle s’ennuie. Celui d’Adèle semble regarder un horizon encore lointain ou qui se dérobe. Dans le regard de Camélia Jordana, Vitaa et Amel Bent, je trouve de la fierté ou de la dignité, de la solidarité et de l’optimisme. On peut tout supposer d’un regard. Mais l’album de Lana Del Rey a pour titre une question contrairement aux deux autres.

Lorsque j’ai un peu essayé de savoir à quoi Océan Blvd faisait référence, en m’attendant à ce qu’il me confirme qu’il s’agissait d’Hollywood, j’ai trouvé que c’était le titre du deuxième album d’Eric Clapton. Il y a très vraisemblablement des explications plus évidentes à ce titre. Mais le peu que j’ai compris du personnage de Lana Del Rey m’indique que l’allusion au deuxième album d’Eric Clapton est aussi possible.

On a de quoi se creuser la tête avec Lana Del Rey. Mais il y a aussi son langage.

Autant, elle peut être assez sobre, ou d’allure enfantine, autant elle nous susurre son sexe et nous le suture dans la tête avec douceur à la façon de l’épouse attentive, presque plaintive et soumise, qui nous accueillerait en nous disant :

« Je t’ai laissé tranquille toute la journée, j’ai tout fait à la maison. Maintenant, fais-moi jouir et rêver autant que je t’ai attendu et espéré. Fais en sorte que plus rien d’autre ne compte vraiment ». 

Son “Fuck me to death and love me until I love myself” répété au moins trois fois dans son titre Did you know that there’s a tunnel under Ocean Blvd en est un des exemples. Sauf que c’est plutôt, elle, Lana Del Rey, qui nous baise jusqu’à la mort.

Quant à savoir, si nous nous aimons véritablement, personnellement, il ne nous reste, qu’à la réécouter à nouveau pour tenter de nous en assurer tant, avec elle, les illusions sont presque parfaites.

Franck Unimon, ce dimanche 7 avril 2024.

 

 

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Finley Quaye

UNSPECIFIED – JANUARY 01: Photo of Finley QUAYE (Photo by Marc Marnie/Redferns). Finley Quaye, probably in the beginning of the 2000’s.

 

                                             Finley Quaye

« You, alone ? » is what I heard in one of John Lee Hooker’s songs.

Maybe in that song where John Lee Hooker says « Oh, come back, baby, please don’t go one more time… ».

I surely wish he would come back.

He did not seemed to be impressed when he came a few years after Portishead, Massive Attack, Tricky (supposed to be his nephew but I never knew if they are really relatives) and Björk in the end of the nineties.

That is probably why he escaped memories. Finley Quaye.

Because Portishead, Massive Attack, Tricky, Björk and others by then were the musical ships which had already taken us to the 21 first century which had to be our next target.

For sure, this is not the only reason why Finley Quaye, today, does not appear in many play lists and I know it but I can barely face it.

Because it’s too hard.

Music is about memory. Our intimate memory. It’s like skin. But some skin we blend with what our lives are made of when when we listen to it. Every time I read the comments below some videos I watch on Youtube you will find someone writing « It reminds me of this, it reminds me of that ». It happened that night while catching Tricky’s Christiansands on video and on stage. While watching some videos of Finley Quaye.

That’s right.

Since we were born and even before, we listen to various amounts of music. Music, for us, in rich and « peaceful » countries, can also be like abundant water. It is  so easy to get some that many times we do not really care about what’s going on. Apart for what we already like and are focused on, the « rest » is just here and we do not have to particularly pay attention until many years later, suddenly, we remember the rest we had left.

And we say :

It was really the good times. I was doing this. Everything was easy then and all smiles were open.

Of course, this feeling is deceiving in some way. But Music does not interfer with our sense of happiness. It stimulates us. It rarely bury us even if  we are listening to some depressive music. By saying this I think of all the fans in the world who are so fond – almost to the grave- of artists like Leonard Cohen and Nick Cave.

I have tried to get involved with their music but all I can hear until now is a grave coming next to me. We cannot dance while hearing Leonard Cohen or Nick Cave. But we can probably pray for our souls while hearing their songs and I do not want to pray for my soul while listening to some music because I must probably have sinned some day.

I want to live even if what I am going through is painful. Even if I feel responsible for that.

We cannot plan to dance if  we want it while listening to Miles Davis’s albums too but I don’t mind. Perhaps because Miles did not sing and it was for the best. The voice can be everything.

But Finley Quaye was someone else.

Finley Quaye’s Music was utter stimulation. It was not a burial. 

Most Reggae artists can be divided in three or four sections.

Those who made History :

Burning Spear, Bob Marley, Albert Griffith and the Gladiators, Lee Scratch Perry, Steel Pulse, Aswad, U-Roy, Black Uhuru, LKJ, and many many more.

Those who respectfully follow the greatest and do nothing really new almost like musicians and singers playing in a zoo or for tourists.

Those who play dancehall.

Those who get Dub.

Finley Quaye Managed to do something else without denying the best the eldest had done before. His « obedience » to some standards of the Rastafarism even sounded odd when he spoke in a jamaican way .  What had this young man ( he was about 25 then when he became famous ) to do with Rastafarism by the end of the 1990’s in a world dealing with the dope of internet, cellular phones and a movie like Matrix by the then brothers Wachowski ? Despite the irresistible clocks of Rap Music. 

I ignored- or I easily forgot- at that time that Finley Quaye had spent most of his life in Scotland, a country I was very pleased with in the beginning of the 1990’s. But in my opinion it does not explain the sort of blast Finley Quaye remains in my mind when I listen to his music today almost 25 years later.

Reggae, Electro ( some say Trip Hop), Jazz, Soul. And what a voice !  In his voice, I find a crooner, a charmer and a…muezzin.

You want to listen to a musician and singer who does not pretend when he is in Music ? Finley Quaye is one of these artists you can rely on. Dig his albums Maverick A Strike and Vanguard.

I confess ( this is my Leonard Cohen and Nick Cave part) I p(r)ay little attention at what Finley Quaye says in his songs whose texts I guess can somewhat be heard like the result of a mix of esoteric, crazy stuff and automatic writing.

 

But, musically….

 

Speaking of Finley Quaye, some People often recall the titles Even after all or Sun is Shining. It is only recently I have heard that Rita Marley gave Finley Quaye the permission to « replay » that song of Bob Marley whereas she had always refused any permission of that kind for years.

 

I am OK with Sun is shining and I like the symbol of Finley Quaye playing it after Bob Marley. And like many others I really enjoy Even after all so delicate and yet so warm and strong like blood taking care of  Life in our veins as if it will never stops. And that song never stops when you love it.

But what about Falling ? How can people forget about that song ? Again, Finley Quaye does not force you. He simply has all the keys (notes) to open your mind in 3 minutes and 19 seconds against 3 minutes and 56 seconds for Even after all.

There are others songs of Finley Quaye in Maverick A Strike ( 1997) and Vanguard (2001) that are worth listening : Ultra Stimulation, It’s great when we are together, When I burn off the distance, Feeling Blue and others….

But I want to deal with another song of Finley Quaye that is not very famous :

White Paper.

Probably that song is not a masterpiece for its lyrics. But hear the Music ! At first, this song has some sort of psychedelic atmosphere and seems only to be fun. Nothing special. Then the break occurs at 2’43.  What a break. Only great musicians can do that. Finley Quaye did not need to sing to hide himself. His music can speak for itself.

I saw him once at a concert,  when he came to France, in Paris in the nineties at Le Zenith, I think, or at L’Elysée Montmartre ?

 

He seemed to be bored when he sung his most known songs. Perhaps because he had to and was fed up with this permanent do it again during his tour.

After a while, about an hour, (after his contract was honoured ?) we had a different Finley Quaye in front of us. Playing good music and definitely enjoying it.

That night, he was dressed with military clothes. I forgot when Finley decided to throw his vest at the crowd as a gift. But the circles made by his arm were too strong and too fast. The vest got so high it reached one of the spotlights. It never went down. Like Finley Quaye’s music.

 

When we listen to his Music now, we find pleasure and some regrets about our Youth. Finley Quaye found addiction to bad experiences and drugs.

Nostalgia, too, and its unsung dreams can be an addiction. From the start, Finley Quaye’s Music was safe due to its riddles of Nostalgia. But I wouldn’t notice. Because I was then getting old and I was not ready yet to admit for I was still hooked on my Youth.

 

Our Youth can vanish before we see it. Let’s enjoy it. Perhaps Finley Quaye ‘s Music is also a lot about that warning. I hope Finley Quaye – and his female and male twins- will recover enough from this to be at his best again.

 

Franck Unimon, the 2 of october, 2023. Today is my birthday and when I woke up this morning I had not scheduled to write my very first article in English for my blog balistiqueduquotidien.com. It came in English and I have tried my best. I hope this article will be enough enjoyable for a reading despite my english mistakes. See you !

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Musique

Un suicide

Camaret, juin 2022. Photo ©️Franck.Unimon

 

Un suicide

Polyglotte et voisine, elle est allée parler au bitume cinq étages plus bas. Sa langue était inconnue. La traduction ne s’est pas faite. 

 

La nouvelle m’est arrivée quelques heures plus tard après une nuit de travail. La porte de mon appartement à peine ouverte, ma fille m’a parlé d’un « accident ». Plus discrètement, ma compagne m’a parlé de « suicide ».

 

On repense à la dernière fois avant la bifurcation vers « l’accident ». Bien-sûr, rien ne pouvait laisser supposer que. Et même si….

 

Sortie de son, vol sans ailes, arrêt brutal de la routine, le suicide orchestre nos souvenirs. Puis, inspirés ou non, c’est à nous de jouer.

 

Ma fille continuait de jouer plus loin. Après avoir dit une ou deux fois « C’est triste », il m’a fallu plus de dix minutes dans les toilettes pour retrouver un peu de volonté. Ma compagne semblait avoir eu le temps de digérer l’événement. Sans doute en discutant avec deux autres voisines également sollicitées par la police.

 

Ces derniers temps, je réécoute beaucoup deux titres du groupe haïtien Les Ambassadeurs :

 

Evénement et Mission Spéciale.

 

Dans ces deux titres, qui datent des années 70-80, la musique Kompa du groupe  Les Ambassadeurs est un harnachement de vie avec lequel (comme d’autres groupes haïtiens de cette « époque ») il chante aussi son attachement à  son île natale, Haïti, recouverte par la dictature militaire et politique, pays qu’il avait dû quitter.

 

Cette musique me rappelle ces soirées antillaises où, d’abord enfant, mes parents m’ont emmené : baptêmes, mariages, communions…

Souvent dans des grandes salles où beaucoup de gens dansaient sur des titres de plus de cinq minutes.

Pour moi, ce monde était une routine et aussi un spectacle. Une routine disparue en quittant l’enfance en France. C’était avant le Zouk de Kassav’ ( https://vimeo.com/586837210 ;  Jacob Desvarieux ) à partir du milieu des années 80.

 

Mais la vie ne se regarde pas et ne s’admire pas dans les vitrines. Elle s’apprend, se traduit et se danse. Celles et ceux qui affirment le contraire parlent la langue des dictateurs. ( Enfant de la France/ Enfant de la Transe ). 

 

Après les titres Evénement et Mission Spéciale, dans notre appartement, j’ai mis du Dub avec des titres du groupe bordelais Improvisators Dub.

 

Puis, pour finir, au casque, le titre Hommage aux Disparus du groupe haïtien Les Frères Dejean.

( merci à ma cousine Janine pour m’avoir fait parvenir de Guadeloupe via mon frère il y a quelques années ces titres – et d’autres- des groupes Les Ambassadeurs et Les Frères Dejean).  

 

Franck Unimon, ce samedi 25 juin 2022.

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Musique

En musique, j’écoute de tout : Erykah Badu, une Angela Davis qui chante.

Paris, 13 ème arrondissement. Dimanche 27 mars 2022 en allant au Spot 13.

En musique, j’écoute de tout : Erykah Badu, une Angela Davis qui chante

 

Au travail, il arrive que l’on « discute » de certaines actualités entre collègues. Les avis sont assez tranchés le plus souvent. Je ne prends pratiquement plus part à ce genre de discussions.

D’abord pour me mettre en retrait. Mais, aussi, parce-que je trouve que ce genre de discussions est de l’énergie gaspillée. C’est brasser de l’air. Peu importe ce que nous pensons du Président Poutine et de sa décision d’envahir l’Ukraine ce 24 février 2022 ! Cela ne changera rien. Bien-sûr, nous pouvons être tristes ou en colère. Ou inquiets. Mais affirmer qu’il faut faire ceci, qu’il faudrait faire ceci ne changera rien. Personne ne nous demande notre avis. Alors que nous pouvons être là, à tenir l’équivalent de ces discussions de comptoir ou de bar. Ou entre amis. Sans lendemain. Sans effet pratique sur notre vie ou sur celle du voisin. Sauf, peut-être, pour finir par nous disputer. En vain.

 

A moins de nous radicaliser.  

 

Cette nuit, au travail, je n’étais pas en voie de radicalisation. Un de mes collègues avait laissé de la musique sur Youtube sur un des ordinateurs. Des tubes des années 60 et 70. Il y avait les Bee Gees, par exemple, Village People….

 

A la place, je me suis mis à écouter et regarder un concert d’Erykah Badu.

https://youtu.be/2VH0GNuBNgE

 

Comme je l’ai expliqué à Chamallow qui passait par là, et a donc regardé un peu, alors que nous attendions une nouvelle admission, Erykah Badu faisait plus parler d’elle dans les années 2000. Et, je l’écoutais comme d’autres chanteuses noires américaines de ces années-là : Macy Gray, Kelis….

 

Badu n’était pas celle que j’écoutais le plus. Mais je la « connaissais ». Je savais qu’elle avait une aura particulière. Qu’elle était militante. Sans bien comprendre ce qui la rendait si différente des autres.

 

Je me rappelle, dans un documentaire ( Rize, je crois, réalisé en 2005, par David LaChapelle)  de l’attention/tension qui avait précédé son arrivée sur scène.

 

Puis, assez vite, une fois sur scène, j’avais trouvé que, finalement, Erykah Badu, ce n’était pas si fort que ça.

 

A cette époque, j’étais sans doute beaucoup « dans » Miles Davis, Björk, Me’shell Ndégeocello, Sinéad O’Connor, Massive Attack ou Jean-Michel Rotin et d’autres artistes. De dub, y compris. Cela me parlait en priorité.

 

Erykah Badu, c’était « plus » la génération de ma sœur ou de mon frère, plus jeunes que moi. Plus dans le Rap. Même si Badu chante bien plus qu’elle ne rappe. Et ses codes de femme noire militante devaient sans doute me rappeler, aussi, vaguement… Angela Davis.

Mais une Angela Davis qui chante. Or, j’étais, alors, moins, dans la fascination que j’avais pu avoir, lycéen, pour les Black Panthers, Nelson Mandela, Malcolm X, Martin Luther King. Et Badu, sans doute, s’alignait à la suite de ces figures, féminines et masculines (la coupe Afro de Badu à la suite de la coupe Afro de la Angela Davis des années 70) plutôt datées années 60 et 70 ( exception faite de Mandela) aux Etats-Unis.

 

Mais en faisant une musique « nouvelle ». C’est peut-être pour ça que Badu, dans les années 2000 ou voire 1990 m’a moins parlé qu’à d’autres, plus jeunes, et encore dans leur adolescence et leur constitution identitaire.

 

Sauf que depuis deux ou trois ans, chez Badu, ce n’est pas ce côté identitaire, femme noire militante et féministe, qui m’appelle. Mais, plutôt, cette transe, même si sur-jouée et minaudée.

 

Les femmes noires américaines, je trouve, ont une façon de chanter et de bouger comme si elles faisaient l’Amour. C’est sûrement le cas aussi pour d’autres artistes non noires ou non américaines. Regardons, par exemple, les chanteuses de Zouk aux Antilles.

 

Ou Aya Nakamura en France, désormais. Laquelle Nakamura, à ce que j’ai appris, et cela peut s’entendre dans sa musique, aime beaucoup le Zouk.

 

Mais il y a toute une tradition noire américaine, je trouve, qui consiste à exprimer ses sentiments et ses émotions par la voix et le corps. On « sent » et l’on voit que cela fait partie d’elles. Ce n’est pas du tout le même style qu’un Alain Souchon.

 

C’est un peu ce que j’ai essayé d’expliquer à Chamallow, cette nuit, mais en moins bien.

J’ai employé des mots moins recherchés. En m’excusant des clichés que j’employais. Lorsque j’ai parlé de « transe » pour Badu. Lorsque j’ai dit :

 

« Elle ne fait pas que chanter son texte ». Chamallow a poursuivi :

 

«  Oui, elle l’incarne…. ».

 

Bien-sûr, d’autres artistes, non noires et non américaines, sont tout autant capables de ça. Je me rappelle du titre A Love Song, sur l’album de Jah Wobble et interprété par Natacha Atlas que j’avais découverte, je crois, avec cette chanson. Une chanson que j’ai réécoutée et réécoutée. Là aussi, Natacha Atlas, des années avant sa reprise de Mon amie, la rose, ne fait pas que dire son texte. Et d’autres artistes d’autres pays, d’autres langues, d’autres musiques,  d’autres époques, femmes ou hommes, ont accompli et accomplissent ce que Natacha Atlas « fait » sur A Love Song.

 

Devant nous, cependant, sur l’écran de l’ordinateur, Badu poursuivait sa « performance ». Mais c’était plus qu’une performance. C’était son existence.

 

Même préparée, répétée, cette façon-là, d’être sur scène, de s’exprimer, même avec des « trucs », ne faisait pas toc. C’était peut-être artificiel. Mais c’était aussi très personnel. Son entente avec ses choristes, ses musiciens, était incontestable. Elle était la patronne, la meneuse. Mais ce n’était pas qu’une patronne et une meneuse. Il y avait du travail derrière pour être ensemble. Et on avait l’impression, j’ai l’impression, que tout le monde était content d’être là pour être ensemble à ce moment-là. Pour cette réjouissance. Cette libération.

 

Combien de temps et de travail, de répétitions, voire de conflits pour en arriver là ? Impossible à savoir. Je n’étais pas là. Nous sommes toujours absents pour voir et savoir ça. Tout ce que nous savons et retenons, c’est que nous aimons tel titre. Et que ce titre dure quatre minutes, cinq minutes, que ce soit en concert ou en studio, nous n’avons aucune idée de toutes les histoires qu’il y a derrière la structure et la composition de ce titre. Derrière la structure de ces milliers de chansons ou de musiques que nous aimons, que nous écoutons. Et c’est la vie. Nous faisons aussi ça, même entre nous, lorsque nous faisons connaissance.

 

Mais, peu importe. Cette nuit, au travail, j’étais bien en écoutant et regardant Erykah Badu. Puis, Chamallow est arrivée.

 

Au départ, Chamallow a confondu Erykah Badu avec l’actrice française présente dès la première saison (2015) de la série française Dix pour cent.  Il se trouve que j’ai vu- et beaucoup aimé- la première saison de Dix pour cent. J’ai donc rapidement compris de qui Chamallow parlait :

 

L’actrice Stéfi Celma.

 Cette confusion était un peu déroutante. Etonnante. Un peu amusante, aussi.

 

Lorsque l’on est dans une expérience que l’on veut faire partager à quelqu’un, on a déjà toute une histoire derrière soi. Et on peut croire que l’autre qui arrive en « cours de route » peut tout de suite nous rattraper alors que nous sommes lancés depuis des années.

Mais malgré sa bonne volonté et son intérêt, l’autre est souvent à un autre « degré » d’expérience- ou d’interprétation- par rapport à nous. Puisque notre intériorité ainsi que notre antériorité dans cette expérience intime est différente de la sienne. Lui et nous n’avons pas exactement la même histoire même si nous pouvons avoir des points communs. Et, même si nous avons vécu un événement identique ou à peu près identique, nous avons une façon différente de le vivre ou d’évoluer par rapport à lui.

 

C’est ce que Chamallow m’a rappelé en confondant Erykah Badu avec l’actrice et chanteuse française Stéfi Celma dont j’avais alors oublié le prénom et le nom.

 

J’ai dit à Chamallow que la musique est aussi « un véhicule » ( le terme n’est pas de moi). Et que tout en regardant et en écoutant Badu chanter et danser, certaines pensées et certains sujets émergeaient dans ma tête. Sans le préciser, mais j’imagine que cela se percevait dans ce que je disais, c’était une situation agréable. Les artistes que nous aimons ont généralement cette faculté. Certains œuvres d’artistes ouvrent certaines portes en nous, celles de notre inconscient, auquel celui-ci est plus sensible, plus réceptif. Et c’est pour cela que nous les aimons, les préférons.

 

Nous faisons sans doute pareil avec nos rencontres bonnes ou mauvaises. Sans toujours pouvoir en expliquer la raison. Miles Davis, je crois, me met en contact avec une tristesse obstinée et aussi assez définitive. Une tristesse opiniâtre et décidée à se mesurer au Temps. A l’emmurer. A rouler avec. A le dominer peut-être. A lui faire admettre qu’il n’est pas le Dieu tout puissant qu’il croit être. Ou qu’il semble être. A le faire douter. La musique de Miles, je crois, veut faire douter le Temps….

 

 

Badu, c’est autre chose. C’est le sourire. L’Amour. La sensualité. La vie, malgré tout. La combattivité qui s’enroule autour de soi. Tout en douceur. Malgré les douleurs. Les coups. Il n’y a pas de sourire chez Miles. Pas dans sa musique. Plutôt des éclaircies de tristesse, de deuil et de colère.

 

Mais je n’ai pas parlé de ça avec Chamallow. Ça, je le rajoute ici. Maintenant. A Chamallow, j’ai ensuite demandé ce qu’elle écoutait comme musique. De temps à autre, il m’arrive de poser ce genre de questions. Il est arrivé que l’on me réponde :

 

« J’écoute de tout ». Sans que l’on me dise ou me donne de noms de groupes ou d’artistes. Ce qui est assez invraisemblable pour moi qui ai eu besoin et ai toujours besoin, lorsque j’ai commencé à véritablement écouter de la musique, à stocker voire à croquer des références. Et puis, je ne comprends pas, je crois, qu’une musique ou qu’un artiste qui nous touche puisse rester pour soi inconnu ou anonyme.

 

Mais peut-être que ces personnes qui m’ont répondu, un jour, « J’écoute de tout », ont- elles préféré éviter de se « révéler » devant moi ? Il est vrai que certaines musiques et artistes sont peut-être plus difficiles à assumer. Il est vrai que certains goûts musicaux peuvent nous valoir, selon nos interlocuteurs, certains jugements de valeur.

 

Il est peut-être vrai, aussi, que pour certains, la musique est simplement là pour « mettre » de l’ambiance. Pour servir de décor. Pour être un bruit de fond. De la même manière qu’une télé allumée en permanence, qu’une machine à laver en activité. Afin de ne pas être seul. De se sentir moins seul. D’avoir l’impression d’être normal et « avec » les autres.

 

 

Pour moi, la musique, c’est plus que ça. C’est une recherche. C’est une descente en profondeur. C’est une expérience de soi à transmettre. Et ce n’est pas à négliger.

https://youtu.be/-63mVi4SDpE

Franck Unimon, mercredi 30 mars 2022.

 

 

 

 

 

 

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Les rappeurs Joey Starr, Orelsan et Tricky : quelques idées pour réussir

Gare du Nord, ce lundi 31 janvier 2022.

 

 

 Les rappeurs Joey Starr, Orelsan et Tricky : quelques idées pour réussir

 

Ces derniers temps, Orelsan est le rappeur ou l’un des rappeurs français dont on parle le plus et le «mieux ». Même le Président Macron, qui va sans doute se représenter lors des prochaines élections présidentielles d’avril 2022, tenait des propos élogieux à son sujet à la fin de l’année dernière. Comparant Orelsan à un « sociologue » décrivant bien la société française.

Interrogé au sujet de cette flatterie présidentielle, alors qu’il faisait la promotion de son dernier album, Civilisation,  Orelsan a répondu quelque chose comme :

« Il ( le Président Macron) ne serait pas en train de gratter mon buzz ? ».

Avant de réussir et d’être ce rappeur à propos duquel, désormais, beaucoup de monde est content de dire : «  Je l’admire », Orelsan a beaucoup douté. Je le sais comme d’autres car j’ai un peu lu sur lui. Auparavant. Sans trop insister.

 

Lorsque mon petit frère de 14 ans mon cadet, qui a grandi dans le Rap, m’avait offert à Noël il y a trois ou quatre ans maintenant, un album d’Orelsan, je l’avais un peu écouté. Mais, d’une part, avant d’écrire cet article, lorsque j’ai cherché ce cd, j’ai dû constater qu’il n’était plus là où je l’avais initialement rangé. A un endroit facile d’accès. Ce qui signifie que je l’ai rangé avec d’autres cds, dans un carton. Et, d’autre part, j’ai oublié le titre de cet album. Je me rappelle d’Orelsan sur la pochette, attendant à une station de bus en tenue de ninja. Tenue que j’avais trouvée modérément appropriée. A la fois car il est courant que des rappeurs se réclament des Arts martiaux. Mais, aussi, parce-que je trouvais que ces habits ne lui allaient pas. Je me rappelle aussi d’Orelsan derrière une vitre humidifiée. 

On comprend donc facilement qu’Orelsan, aujourd’hui salué et reconnu pour son originalité, ses vertus de rappeur et la qualité de ses textes, ne m’avait pas particulièrement marqué. Alors que cet album, déjà, contenait plusieurs titres que bien des amateurs de Rap, et d’ailleurs, citeront comme des références, tout en s’étonnant de mon ignorance voire de mon handicap psychique et auditif total et évident.

Même si, depuis, j’ai quand même commencé à goûter des textes et des vidéos de l’artiste Orelsan, je vais choisir de continuer de m’enfoncer encore un petit peu plus à parler de lui, de Joey Starr et du Rap en général.

 

Aujourd’hui, tout le monde écoute du Rap. Je ne vais pas prétendre le faire autant que d’autres parce-que je respecte le Rap. Mais, aussi, parce-que, pour moi, écouter de la musique, cela se fait « sérieusement ». En profondeur plutôt qu’en passant. Je n’ai jamais aimé le terme de « musique d’ambiance » ou de « musique d’ascenseur ». Encore moins de « musique de chiottes ».

Or, je sais que je n’ai pas, à ce jour, consacré ou pu consacrer toute mon attention au Rap comme je l’aurais pu ou l’aurais dû. Pour cet article, je vais donc conserver le statut de celui qui sait à moitié de quoi il en retourne lorsque l’on parle de Rap. 

 

Ce faisant, je continuerai de triquer la musique de l’artiste Tricky dont je réecoute et découvre des titres en ce moment.

 

Puisque, selon moi, cela est compatible avec le fait de parler davantage, ici, de Joey Starr et Orelsan. Tricky est du reste un artiste que je vois très mal l’un ou l’autre me reprocher d’écouter. Non seulement il m’est déja arrivé de me dire que Joey Starr et Tricky ont une certaine ressemblance physique. Ensuite, pour sa façon qu’a Tricky d’être envouté par sa propre musique, comme pour ses compositions, je ne peux qu’imaginer Joey Starr et Orelsan plutôt adeptes de la « filière » Tricky. Reste à savoir si toutes celles et tous ceux qui, aujourd’hui et demain, écoutent Joey Starr et Orelsan savent qui est Tricky. Mais cela n’est pas directement le sujet de l’article…

 

 

Cette nuit, dans un de ces moments d’égarement devenu fréquent pour tout individu « connecté », je me suis laissé aller à regarder des rubans d’images et de vidéos. Parmi elles, une intervention de Joey Starr, qui, cinq minutes durant, revenait sur quelques uns des titres qui ont « fait » l’histoire du groupe NTM.  

NTM  : Groupe de Rap aujourd’hui devenu « mythique » ? « Iconique ? » « Intergénérationnel ? ».

Au point qu’aussi bien des personnes qui l’ont connu en activité que des biens plus jeunes le citent comme faisant partie des groupes de Rap qui ont compté et continuent de compter. Là, aussi, c’est ce que l’on appelle la réussite. Et si cette réussite revêt maintenant le panache des pionniers et des anciens, on peut facilement concevoir que plus tard, bien des personnes parleront d’Orelsan et d’autres rappeurs et chanteurs actuels avec le même reflux de dynamisme et de nostalgie : 

Aya Nakamura, Niska, Maes, PNL, SCH, Ninho, Soprano, Damso,  et beaucoup d’autres. 

 

Dans cette vidéo où l’on voit Joey Starr parler de quelques uns des titres de NTM – c’était apparemment avant la sortie du film Suprêmes d’Audrey Estrougo ( sorti en novembre 2021) que Starr cite un moment- il lui est demandé qui, parmi les nouveaux rappeurs, il écoute. Starr finit alors par citer :

«  Orelsan ».

 

Si Orelsan ne fait pas partie de ma catégorie d’âge, Joey Starr, si. A un ou deux ans près. Je reste convaincu que si nous avions habité dans la même cité que nous nous serions connus de vue :

Dans la cité où j’ai grandi à Nanterre, je connaissais de vue, de nom ou de réputation, certains jeunes « durs » ou « voyous ». La fascination qu’ils exerçaient, avant de se faire rattraper par les tridents de la Loi, de l’échec scolaire ou des substances était suffisante pour qu’ils soient connus. Sans oublier cette impression de liberté et de force qui se dégageaient d’eux ou qu’on leur prêtait.

Dans ma jeunesse, j’ai donc connu « des » Joey Starr. Mais ils ne faisaient pas de Rap. Ils ne sont pas devenus célèbres. Ou s’ils l’ont été, cela a peu duré et cela s’est ensuite très mal terminé pour eux. Au point de finir par se faire oublier. Leur jeunesse ayant été sans doute leur acmé fut-il fait d’actes et de comportements hors-la-loi.

 

Mais, moi, comme la majorité des jeunes et sûrement aussi comme la majorité de ces personnes qui écoutent aujourd’hui du Rap, j’ai toujours respecté la loi. J’ai toujours obéi et marché droit. C’est la raison pour laquelle je crois que plus jeune, si nous avions fréquenté la même cité, Joey Starr et moi n’aurions pas été amis ou proches. Je l’aurais peut-être même fui. Par peur ou par jugement moral. Et lui, comme d’autres, m’aurait perçu comme un petit intello de plus ou de trop. 

 

Une peur et un jugement moral qui m’ont suivi même, lorsqu’adulte, le groupe NTM, dans les années 90, a commencé à faire parler de lui.

Je me rappelle encore un peu de ce jour, où j’avais eu à choisir entre :

 

Me rendre à un concert de NTM. J’avais acheté leur album j’appuie sur la gâchette ( sorti en 1993. J’avais 25 ans, et, grâce à mon métier d’infirmier avais alors commencé à m’insérer en trouvant en psychiatrie une discipline qui me plaisait).

 

Et un concert de Me’Shell Ndégeocello après son premier album : Plantation Lullabies.

 

 Si j’avais été dans une bande ou avais connu un groupe d’amis solidaire et curieux d’aller à ce concert, peut-être me serais-je risqué  à aller voir NTM. Après être allé voir le gentil Mc Solaar (que j’aimais beaucoup alors mais dont la prestation sur scène m’avait déçu car trop molle) au Zénith. Et avant d’aller voir I AM à l’Olympia à l’époque de je danse le Mia (un des meilleurs concerts auxquels je sois allé).

 

Mais j’allais seul en concert et avais été plus rassuré par le public de MeShell Ndegeocello. Son concert à l’Elysée Montmartre avait d’ailleurs été très très bon. Artiste que je suis ensuite retourné voir deux ou trois autres fois en concert.

MeShell Ndegeocello, moins connue en France que Joey Starr et Orelsan, mais sûrement connue par au moins l’un des deux (puisque une grande culture musicale est souvent une des caractéristiques des artistes qui « marchent » quel que soit leur genre musical) est une artiste bien plus qu’honorable :

 

Chanteuse, poétesse, rappeuse, bassiste, claviériste, compositrice, elle a joué au moins avec les Rolling Stones, Marcus Miller et, de plus, aujourd’hui, fait figure de féministe militante et LGBT. Donc, MeShell Ndegeocello est tout sauf une artiste de surface.

 

 

Sauf que, ne pas aller à ce concert de NTM, dans les années 90, c’est quand même rater un sacré coche. Parce qu’il m’a fallu du temps pour comprendre l’importance du groupe dans ma vie. Pour dépasser certaines images défavorables du groupe.

 

 

Rencontrer Joey Starr

 

Comparativement à Joey Starr, Orelsan fait plus fréquentable. Il fait plus attention à son image que Joey Starr au même âge. Il a par ainsi gommé la casquette de sa présentation après s’être aperçu que certaines personnes restaient « bloquées » devant un jeune en casquette.

 J’avais aussi oublié qu’il était ce rappeur, qui, il y a presque dix ans, avait fait polémique avec un titre considéré comme misogyne. Un titre que je n’ai pas vraiment écouté. Comme d’autres rappeurs avant lui, Orelsan avait choqué avec un titre et il avait plus été question de ce titre et du sens à donner à son texte qu’au reste de sa discographie. Le groupe Ministère Amer ou le rappeur Disiz La Peste étaient aussi passés par là.

 

Pour NTM, le scandale passait- aussi- beaucoup par les frasques de Joey Starr : frapper un singe dans une cage, insulter une hôtesse de l’air, se battre dans la rue, faire de la prison, prendre des substances, son ancienne relation avec Béatrice Dalle etc….

 

Au point que, pour moi, il était évident que cet homme peu recommandable mourrait jeune. Telle était la sanction morale et pudibonde qui l’attendait d’après ce que j’avais alors compris de l’existence.

 

Mais Joey Starr a survécu. Et moi, aussi. 

Il était également vivant ce jour où je l’ai croisé. La seule fois, à ce jour. C’était en 2007  vraisemblablement. Au festival Furia, aux étangs de Cergy-Pontoise. Festival qui n’existe plus aujourd’hui.

Joey Starr, après la « dissolution » de NTM continuait une carrière en solo. C’était  avant son rôle dans la série Mafiosa ( 2008). Avant son rôle dans le film Polisse ( 2011) de Maïwenn. Film que je verrais d’ailleurs au festival de Cannes, sans pouvoir l’interviewer, car l’attaché de presse du film n’aimait pas le journal cinéma pour lequel j’écrivais alors, journal cinéma aujourd’hui disparu : Brazil.

 

Octobre, 2019, au centre Joey Starr, à sa droite, Béatrice Dalle, aux moments des saluts, à la fin de la pièce « Elephant Man » que j’étais allé voir aux Folies Bergères.

 

Aujourd’hui, on peut trouver normal de voir Joey Starr acteur, au théâtre ou à la télé. Mais, à cette époque, en 2007, Joey Starr -ou simplement le fait d’être rappeur-, en France,  ne rimait pas du tout avec le fait d’être comédien de théâtre ou acteur de cinéma. Mc Solaar, rappeur « chouchou » des média, était du reste allé au festival de Cannes, en tant que membre du jury, plusieurs années avant Joey Starr. En 1998, au sein du jury présidé par Martin Scorsese.  Et, autant que je me souvienne, Mc Solaar, malgré son élégance, n’a jamais fait d’apparition marquante par la suite ou carrière dans le cinéma ou sur des planches de théâtre. Alors que Joey Starr, dans ces domaines, fait aujourd’hui figure d’exemple mais aussi d’exception. Il est ainsi, en France, le premier rappeur à avoir réalisé ce grand écart avec autant de réussite entre son univers artistique d’origine ( le Rap) et le cinéma, le théâtre et la télé. 

 

Joey Starr, quittant la scène, oct 2019, aux Folies Bergères, après voir joué le rôle « d’Elephant Man ».

( Voir l’article Elephant Man ). 

 

 

Hormis peut-être Eddy Mitchell ou Marc Lavoine, que je trouve aussi bons acteurs que chanteurs, il faut ensuite regarder plutôt aux Etats-Unis pour voir une carrière à peu près équivalente d’un chanteur ou rappeur qui a, par ailleurs, une carrière cinématographique notable. Je pense d’emblée, au choix, soit à Harry Connick Jr ou à Common. 

Mais en 2007, en France, Joey Starr était encore Joey Starr. Un rappeur ainsi qu’un bonhomme incontrôlable qui faisait peur ou qui pouvait encore faire peur. En tout cas, en 2007 , avant même son arrivée sur le festival Furia, il m’avait indirectement fait peur ainsi qu’à certaines personnes de l’organisation du festival.

 

Grâce à un ami, Luc Rajaonarison ( chanteur et musicien, alors, du groupe Full Screen, et, aujourd’hui du groupe September Boy ) j’avais pu faire partie de l’organisation du festival, en tant que bénévole. Côté production. Derrière la scène. Je pouvais donc et voir les artistes avant leur concert. Mais aussi sur scène.

 

C’est ainsi que j’ai croisé Joey Starr. J’avais alors une jambe dans le plâtre. Rupture du tendon d’achille. Entre le jour où je m’étais porté volontaire pour être bénévole et le moment où le festival avait débuté, je m’étais rompu le tendon d’achille en faisant du sport.

 

Ce jour-là, je n’ai pas osé aborder Joey Starr. Par contre je l’ai observé. Qui n’observait pas Joey Starr ?

Je me rappelle que le groupe The Roots, convoyé par mon ami Luc, avait tenu, jusqu’au bout à son statut de groupe Star. Le trajet menant du backstage jusqu’à la scène était très peu pratique à monter en camion ou en voiture. Mais par le biais de son meneur, le batteur ?, le groupe avait tenu à se faire emmener en camion jusqu’à la scène. Les roues du camion patinaient dans le ridicule alors qu’il se rapprochait péniblement de la scène située à une centaine de mètres.

 

En attendant son concert, assis, Joey Starr « l’énervé », avait été particulièrement calme. Discret. Aucune frasque. Au moment de monter sur scène, sans faire d’histoire, lui et ses musiciens avaient fait le trajet à pied. Puis avaient donné leur concert. Et étaient ensuite repartis sans plus d’accrochage.

 

Mon admiration pour Joey Starr :

 

Un certain nombre de fois, dans le passé ou même récemment, Joey Starr a déconné. Dans ses comportements comme dans certains de ses propos.

 

Mais en le regardant cette nuit, j’ai listé quelques raisons qui me font l’admirer.

 

D’abord avec NTM, parti de nulle part, car la ville de Saint Denis, et là où il vivait, c’était alors nulle part, Joey Starr a créé quelque chose. Dans la musique, le Rap.

 

Même relativement éloigné de cette scène du Rap qui s’est construite dans les années 90 avec Assassin, NTM ou d’autres groupes, je « sais » que la musique dominante,  dans les années 90 alors, en France, était loin d’être le Rap. Mais, aussi, que cette musique était loin d’être incarnée par des artistes noirs ou arabes comme maintenant avec le Rap.

 

Si je commence à faire un effort de mémoire pour essayer de trouver des artistes noirs ou arabes qui, en France, dans la musique, avaient une grande ou assez grande audience, dans les années 90, qui vais-je trouver ?

 

Henri Salvador ? Kassav’ ? Zouk Machine ? Francky Vincent ? Laurent Voulzy ?

J’ai oublié si La Compagnie Créole tournait encore dans les années 90. Et, avant les années 90, qui avions-nous autrement comme artiste français non-blanc :

 

 

Carte de séjour ? Karim Kacel ? Ottawan ? David Martial ? 

 

En découvrant ce lundi 31 janvier 2022, cette vidéo du groupe Ottawan de ce tube qui doit dater de la fin des années 70, je me dis qu’il a dû falloir beaucoup de courage à ce duo pour surmonter bien des préjugés racistes de l’époque. Cette remarque vaut aussi pour Karim Kacel : je me rappelle d’une de ses interventions, où, agacé, il avait rappelé  » Je ne m’appelle pas Michaël Jackson. Je m’appelle Karim Kacel ! ». 

 

J’ai peut-être oublié un ou deux artistes arabes ou noirs tels qu’Alain Bashung ( en partie Kabyle) ou voire Etienne Daho ( né à Oran) ou peut-être Mirwais ( moitié afghan par son père et ex-membre du groupe Taxi Girl ).

 

 

 

Mais, autrement, il faut s’imaginer que tous les autres artistes de la chanson française, jusqu’à l’installation du Rap dans les années 90, étaient principalement ou beaucoup des artistes de variété. Bien des sujets graves sont abordés au travers de la variété et il serait trompeur de croire que les artistes de variétés ne sont que des petites midinettes et des petits gars qui interprètent des chansons « douces ». Sauf que les canons d’expression dominants de l’époque, d’avant le Rap excluaient certaines catégories de populations ainsi que certains codes de langage ou vestimentaires.

 

Le Rap porté et popularisé par des groupes et des artistes comme NTM mais aussi Mc Solaar et I AM  a permis de « voir » certaines de ces catégories de populations jusque là exclues des plateaux télés mais aussi de l’industrie du disque et du spectacle.

 

Si fin 2021, le Président Macron a pu essayer de « gratter le buzz » d’Orelsan en l’encensant, dans les années 90, le Président de la République de l’époque, Mitterrand puis, ensuite, Chirac, s’y sont pris différemment. Jack Lang, le Ministre de la culture de Mitterand avait peut-être tenté de récupérer le groupe NTM. Chirac, lui, ne m’a pas marqué pour ses tentatives de rapprochement avec des artistes Rap. Alors que Nicolas Sarkozy, déjà, une fois Président, lui, s’était « fait » le rappeur Doc Gynéco.

 

Mais j’extrapole.

 

 

Avec le Rap, donc, Joey Starr et NTM  ou NTM et Joey Starr ont créé une nouveauté.

D’autres diraient qu’ils ont créé une rupture plutôt. Une rupture conventionnelle avec la musique qui se faisait avant. Avec les textes qui se disaient avant.

 

Donc, une rupture. Une certaine radicalité. Mais aussi une énergie. D’autres diraient :

Une urgence.

L’urgence de quoi ? L’urgence de faire un voyage, de vivre une expérience, une rencontre.

Une rencontre et une expérience suffisamment proches de soi, de l’auditrice et de l’auditeur qui écoute, pour s’identifier à ce qui est raconté dans le Rap. Mais, aussi, pour donner envie à l’auditrice et à l’auditeur de se rapprocher davantage de ces artistes et de ce qu’ils racontent.

 

Un peu comme on se rapproche d’un feu de camp dans une forêt sombre ou d’une cheminée qui crépite dans une maison où l’on se sent enserré par un certain froid mais aussi par une presque solide solitude.

 

On se rapproche de ces artistes afin de changer d’univers, d’histoire, de condition. On l’espère tout au moins.

 

Créer. Apporter une énergie (ou une chaleur particulière qui, jusque là a manqué à d’autres) dans une certaine radicalité. Que faut-il d’autre pour réussir et ce qui me fait, aussi, admirer Joey Starr ?

 

 

La Longévité :

 

Joey Starr est encore présent pour raconter. Il est un ensemble de héros, artistes ou autres, morts très tôt, et dont l’exemple marque, instruit et guide. Mais je trouve qu’une personne qui vit suffisamment vieux pour transmettre, c’est mieux. C’est mon point de vue.

 

 

Mais il manque encore quelques pièces pour réussir.

 

 

Se canaliser :

 

Joey Starr, d’après ses frasques, a du mal ou a pu avoir du mal à se canaliser. Du moins en apparence. Car, tel le joueur de tennis Mc Enroe, qui, régulièrement, se mettait en colère sur un court de tennis, Joey starr s’est toujours canalisé dans le Rap. Il a su tenir ses engagements. Comme Mc Enroe avait su tenir son tennis. 

 

Je citais Doc Gynéco un peu plus haut. Alors que Doc Gynéco avait fait un très bon premier album solo, toujours plébiscité par certaines personnes, j’ai l’impression que l’on ne compte plus les tentatives de retour ratées de Doc Gynéco. Comme s’il s’était dissous. D’autres artistes, très bons, se sont ainsi évaporés. Par exemple, je pense de temps  à autre, avec tristesse à Finley Quaye, qui, dans les années 90, avait tout un avenir devant lui : Jazz, Reggae, dub, électro….

 

Pour moi, il avait réalisé une fusion unique de plusieurs genres musicaux. Et puis, il s’est en quelque sorte désagrégé.

 

Joey Starr, lui, est resté non seulement compact. Mais, il a continué à se canaliser et à se concentrer dans le Rap malgré ses accidents de parcours, et ses aller-retour en prison.

 

Il a donc cumulé de hautes doses et aussi de hautes charges de travail dans le Rap. Au point de devenir, d’une manière ou d’une autre, un expert dans le Rap. Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, son travail et sa persévérance ont été au rendez-vous. Et, cela, sans compter ses heures. Mais, bien-sûr, s’il n’a pas compté ses heures, ses heures de travail n’ont pas compté pour du beurre. Il fallait qu’à un moment, tout ce travail se « voit » et se « matérialise » concrètement. Etre le meilleur rappeur, ou parmi les meilleurs, dans ses toilettes, c’est bien. L’être sur scène ou sur des millions de disques, c’est bien mieux.

 

C’est là où l’on en arrive à ce qui, selon moi, est sans doute, le plus déterminant, et, cela, sans doute dès le début de toute entreprise.

 

 

L’entourage

 

J’ai oublié de parler de la sincérité de Joey Starr ou d’Orelsan lorsqu’ils ont commencé à se lancer dans le Rap. Pour réussir, il me semble que la sincérité est indispensable. On continue, des années après leur mort, de nous parler de la sincérité d’artistes comme Georges Brassens, Jacques Brel  ou Barbara. Et on continuera de nous parler de leur sincérité pendant encore des années. Cela veut bien dire que la sincérité d’un artiste nous touche particulièrement. Comment expliquer, autrement, le succès actuel de l’humoriste Blanche Gardin ?

 

Cependant, à la sincérité de l’artiste, de Rap ou dans un autre domaine, doit correspondre la sincérité de son entourage. Car celui-ci fait, à un moment ou à un autre, la différence. Vers le succès ou vers l’échec.

 

Que cet entourage soit intime ou non, qu’il soit présent dès le début de l’aventure ou ensuite, pour que la réussite soit atteinte, il faut que cet entourage soit un entourage qui :

 

Conseille ; qui guide ; qui soutient et qui fournit du courage plutôt qu’un comportement anthropophage.

 

Il faut aussi que cet entourage soit facilement disponible en cas de besoin. Et prêt à se dévouer, à se battre voire à se sacrifier pour le projet. Et pour sa réussite.

 

Dans la réussite de bien des personnalités que je regarde, chaque fois que je regarde de près, il y a toujours un entourage constitué, permanent et solide autour d’elle. Telle une toile d’araignée.

 

Il y a ensuite d’autres paramètres à prendre en compte.

 

L’époque/ La chance

 

On dit de certaines œuvres et de certains artistes qu’ils arrivent au bon « moment ». Que d’autres sont trop en avance sur leur temps ou trop en retard. Il est vrai que j’ai du mal à m’imaginer le groupe NTM,  Orelsan ou Blanche Gardin dans les années 60. Et, il peut être très drôle de les imaginer à cette époque.

 

Cependant, s’ils avaient vécu dans les années 60, sans doute ou peut-être auraient-ils proposé une œuvre en rapport avec cette époque. Soit mus par leurs envies et leurs instincts mais, aussi guidés par l’exemple ou les conseils de quelqu’un de leur entourage.

 

Enfin, pour conclure, on va terminer avec ce qui est le plus souvent mis en exergue lorsqu’un artiste ou une personnalité « réussit » :

 

Le talent/ Le don :

 

On résume souvent la réussite d’une personne à son talent ou à son don. Beaucoup de personnes ont du talent mais ne réussissent pas pour autant. Soit parce qu’elles s’égarent. Parce qu’elles n’ont pas le meilleur ou le bon entourage. Parce qu’elles manquent de persévérance. Ou parce qu’elles se reposent trop sur leurs dons et leurs « facilités ».

 

Enfin, le mot « réussite » est un mot féminin. Mais on dirait, aussi, parfois, que pour réussir, ne serait-ce que pour réussir tout simplement à vivre, qu’il vaut mieux être un homme qu’une femme.

Charlie Hebdo, de ce 26 janvier 2022.

 

Ainsi, la jeune Shaïna Hansye : « une jeune fille de Creil, dans l’Oise » (….) « retrouvée brûlée dans un cabanon abandonné d’un jardin ouvrier, à l’âge de 15 ans, en 2019. Le meurtrier présumé venait d’apprendre qu’elle était enceinte de lui. Avant cela, la jeune fille avait été victime d’un viol collectif, commis par d’autres garçons de la cité, et avait eu le courage de porter plainte » (….) « Dossier dans lequel nous révélons que, à plusieurs reprises, policiers, experts ou magistrats n’ont pas entendu la parole de Shaïna ». ( Charlie Hebdo numéro 1540 du 26 janvier 2022).

 

Paris, près de la Gare de l’Est, ce lundi 31 janvier 2022.

 

Franck Unimon, ce lundi 31 janvier 2022.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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J’ai revu quelqu’un…

Cathédrale d’Amiens, juillet 2021.

                                           J’ai revu quelqu’un….

 

Il y a quelques jours, j’ai revu quelqu’un. Ce n’était pas dans une église. Je l’avais appelé il y a quelques mois. Nous avions discuté.

 

Il ne me connaissait pas.

 

Je lui avais donné mon nom et le prénom de ma mère qu’il aurait dû connaître. Il ne se souvenait pas d’elle.

 

Alors, j’avais sorti d’autres prénoms et d’autres noms du jeu de cartes de ma mémoire. Parmi eux, un certain nombre de carrés d’as. Il connaissait bien ces cartes. C’était bien lui que j’avais rencontré il y a plus de trente ans. J’avais croisé sa mère, aussi. Une petite femme pleine d’autorité qui connaissait ma mère et me saluait.

 

Après quelques minutes, il s’était excusé. Il avait du travail. Je n’avais pas insisté. Mais j’avais été un peu contrarié que ce simple échange lui suffise.

 

Nous nous sommes finalement vus il y a quelques jours. Quand il s’est approché, à petits pas vers moi, nous nous sommes regardés. C’est plus par déduction que nous avons compris qui nous étions. Lui et moi étions détendus. J’étais assis, lui, debout face à moi. Autour de nous, les personnes présentes sont devenues transparentes et silencieuses bien qu’elles aient continué à parler entre elles à voix haute.

 

Lorsqu’il a enlevé son masque anti-Covid, je ne l’ai pas reconnu. Je suis pourtant assez physionomiste. Mais, à part les yeux et le regard peut-être, dans la rue, je serais passé à côté de lui. Il avait le crâne rasé. Avait minci. Une petite moustache taillée. Et portait la marque autour du cou de celles et ceux qui ont été gravement malades et pour lesquels une chirurgie lourde avait été nécessaire. Un cancer était passé par là. J’avais aussi appris qu’il avait été de celles et ceux qui avaient attrapé le Covid cette année, en mars-avril. Il avait été arrêté plusieurs semaines puis avait repris.

 

De lui, j’avais le souvenir d’un homme très assuré, très bon professionnel. Qui savait ce qu’il faisait. C’était ce qui émanait de lui. Même si nous n’avions pas vraiment passé de temps ensemble, il avait été un peu un modèle pour cela.

 

Un jour, il y a plus de trente ans, s’adressant à quelqu’un que je devais connaître il avait dit, très content :

 

« Tu veux voir ma caisse ?! ». A cette époque, tout juste adulte, je n’avais pas le permis. J’étais à cet âge où, avec les premiers salaires, la voiture, les copains et les copines, on sort la nuit et on « profite » de la vie. J’avais tout à apprendre pratiquement.

 

Nous avons repris nos marques en reparlant du passé. Nous avons échangé à nouveau des noms et des prénoms inconnus à notre entourage immédiat. Alors que parmi ces collègues immédiats se trouvaient vraisemblablement des personnes qui le connaissaient intimement depuis des années, maintenant.  Et, moi, le « nouveau », celui qui faisait moins que son âge, j’arrivais avec ça.

 

Lorsque j’ai mentionné la date de notre dernière rencontre, 1989, le collègue avec lequel je venais de terminer une deuxième nuit de travail de suite, un « nouveau » comme moi, mais un petit peu plus ancien dans le service, s’est exclamé :

 

« En 1989, j’avais deux ans ! ».

 

Ma fille a désormais un peu plus que deux ans. Tout à l’heure, avec elle, j’ai de nouveau regardé quelques vidéos de Jacob Desvarieux, l’un des fondateurs du groupe de Zouk Kassav’, décédé il y a quelques jours.

J’en ai parlé dans un de mes articles récents intitulé : Jacob Desvarieux. Dans mon blog, on trouvera d’autres articles relatifs à Kassav’ dans la catégorie Moon France.

 

Sur Youtube, je suis tombé sur cette vidéo de quelques minutes lors de l’enterrement de Jacob Desvarieux. Quatre hommes en costume portent son cercueil et se mettent à zouker sur un de ses  titres : Kavalié O Dam. ( Pour être plus exact : ces quatre hommes dansent le quadrille dans sa version créole)

Ma fille était assise sur mes genoux alors que nous regardions ça. J’ai trouvé ça beau ! ça m’a…touché. Et encore plus parce-que je pouvais regarder ça avec ma fille.  Elle m’a demandé où était Jacob Desvarieux, ou, pourquoi il était dans le cercueil. Je lui ai alors répondu :

« Parce qu’il est mort ».

En regardant cette vidéo, j’aurais aussi bien aimé être le défunt qu’être à la place d’un de ces quatre hommes qui portent le cercueil.  

 

Sur une autre vidéo, un homme interrogé a dit ce que la mort de Desvarieux lui faisait. On aurait dit un pêcheur d’une soixantaine d’années. Il s’est exprimé en Créole. J’ai pris l’initiative de traduire ses propos à ma fille…  jusqu’à ce qu’elle me fasse comprendre que cela l’agaçait. Je lui ai alors demandé en souriant :

« Ah, bon ! Ou Konèt Palé Kréyol ?! » (« Ah, bon, tu sais parler Créole ?! »).

 

Je fais attention à l’usage du Créole avec ma fille. Afin qu’il ne soit pas un geste de colère. Je le parle mal mais je sais ce qu’une langue peut créer en soi de sensible. Et je le réserve à des moments agréables avec elle. Lecture de contes. Quelques formulations.

 

Le décès de Jacob Desvarieux a été une bonne occasion, de plus, de filer la langue créole sur le comptoir de ces instants vécus avec ma fille. Si je le pouvais, je parlerais aussi le Créole réunionnais et haïtien en plus d’autres langues. Dont L’Arabe et le Japonais.

 

J’ai été étonné, en évoquant devant mon collègue masqué certains prénoms et noms d’anciens collègues avec lesquels il avait travaillé directement, qu’il martèle plusieurs fois, ce verdict :

 

« Il est mort ! ».

 

Au point que j’ai fini par lui dire, presque étonné :

 

« Mais, on finit par mourir un jour, de toutes façons ?! ».

 

Il m’a regardé en silence, comme s’il disposait d’un plan secret pour éviter ça. Mais qu’il le gardait pour lui. Ou qu’il était encore trop tôt pour en parler. J’ai alors compris la raison pour laquelle il reculait la date de son départ à la retraite prévu initialement pour cette année.

 

Je ne suis pas fort. Mais je trouve que l’on fait aussi toute une histoire avec la mort. C’est ce que je me suis dit en regardant ces quelques vidéos sur Jacob Desvarieux. J’avais oublié de parler de ses solos de guitares qui, lors des concerts de Kassav’, étaient un passage obligé. Et, personne ne s’en plaignait.

 

Afin de coller à notre époque, j’ai aussi pris le temps de regarder avec ma fille quelques vidéos de Billie Eilish. Ce sera peut-être son futur d’adolescente. Billie Eilish doit aujourd’hui avoir à peu près l’âge que j’avais lorsque j’avais rencontré mon aîné à la Maison de Nanterre, vers le milieu ou à la  fin de mes années d’études d’infirmier. C’était aussi la période où Kassav’ et le Zouk, d’une manière générale, débordaient aux Antilles. 

 

J’ai été un peu gêné par quelques postures et images de la demoiselle Elish. Pour ma fille qui est encore en dessous de l’âge de l’adolescence.

J’ai compris assez facilement ce qui peut expliquer le succès de la jeune femme (Billie Eilish) :

La maitrise de l’image et du son. Certaines provocations et mimiques à connotation sexuelle ou sensuelle ou comment titiller les tétons et les limites. Le style vestimentaire. La voix éraillée et supportée par la technique. L’énergie spécifique à cet « âge » de la vie. Les thèmes interprétés comme artiste et personne plutôt que comme une victime claustrée. Le fait aussi qu’elle chante en Anglais. Dans l’article consacré à Desvarieux et Kassav’, j’ai appris tout à l’heure que des pressions avaient été exercées sur le groupe afin qu’il chante…en Français. Comme La Compagnie Créole. Cette volonté comme ce projet sont pour moi inconcevables. Même si je sais qu’une artiste comme l’Islandaise Björk a aussi dû son succès international à l’usage de l’Anglais ( comparativement à l’artiste Mari Boine); ou que Bob Marley a dû transposer ses idées depuis son argot jamaïcain à travers le garrot d’une langue anglaise plus accessible au grand public, le rythme d’une musique a aussi ses règles et ses conditions pour que ses auteurs et ses interprètes restent en adéquation avec lui !   

Eilish, « native » de la langue anglaise n’a pas eu à subir ce genre de chantage de l’industrie du disque. 

Sur scène, accompagnée de deux ou trois musiciens et de machines dévouées, Eilish se sert de sa voix et de son corps tels des processeurs qui lui obéissent au doigt et à l’œil.

 

Ensuite, Eilish est déja arrivée à ce stade de la célébrité où celle-ci recycle l’enthousiasme du public qui, en grossissant, attire de nouvelles personnes. Comme moi qui, après avoir aperçu un ou deux articles récemment à son sujet, ai décidé de pousser la porte numérique de Youtube afin de me faire une idée. Pourquoi ? Parce-que sur le même journal où figurait un hommage à Desvarieux se trouvait aussi un article sur Eilish et que c’était la deuxième fois en moins de dix jours que dans un journal, je la voyais soit en couverture ou dans les colonnes d’un article.

 

De Billie Eilish ( existe-t’il un rapport avec Billie Holiday ?), à Jacob Desvarieux et Kassav’ en passant par cet aîné de dix ans- et collègue- revu trente ans plus tard, il y a de multiples façons de se rencontrer soi-même. Et de se voir. Je me suis senti un peu malade à la suite de ma rencontre avec cet aîné. Je me suis même demandé si, à son contact chargé, j’avais attrapé le Covid. Non pour son état de santé. Mais pour son état d’esprit.

 

La mort de Jacob Desvarieux ne m’a pas mis dans cet état d’esprit. Pour Billie Eilish, on verra selon la façon dont elle décèdera. J’espère bien-sûr que ce sera le plus tard possible pour elle et que ce sera une assez belle mort.

Une mort à la Amy Winehouse me catastrophe. J’ai l’impression d’être le témoin privilégié et impuissant d’une détresse en direct. Et je n’aime pas ça !  

Pour nous avoir aussi évité ça, à nouveau un très grand merci à Jacob Desvarieux. Comme on dit en Créole, Méci On Pil !

 

Franck Unimon, ce vendredi 13 aout 2021

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Moon France Musique

Jacob Desvarieux

Jacob Desvarieux, à la guitare, au centre. A gauche, à la basse, Georges Décimus. Fête de l’Humanité, 2019. Photo©️Franck.Unimon

                                  

                                                 Jacob Desvarieux

La fatigue attendra.

 

J’étais un « Moon France » adolescent occupé de Créole, lorsque j’ai entendu pour la première fois la voix de Jacob Desvarieux à la radio. Sa voix « blues et macho » comme en parlerait Jocelyne Béroard, des années plus tard.

 

Ce devait être à Morne Bourg, chez mes grands parents paternels. Ou à Carrère, chez ma grand-mère maternelle. A la campagne. Je dirais,  plutôt durant les congés bonifiés de 1983 en juillet et en août que durant ceux de 1980.

 

 

Pour le titre Oh, Madiana !

 

 

Il y avait aussi eu le titre Zombi. Aujourd’hui, c’est amusant de se dire que ce titre était sorti aux Antilles avant le Thriller de Michaël Jackson dont on nous parle «  en corps ».

 

Le Oh, Madiana ! de Desvarieux m’avait plu. Desvarieux avait alors une bonne bedaine et portait souvent une salopette. C’était environ deux ou trois ans avant que le zouk de Kassav’ ne me cloue et ne me récupère dans une boite de nuit, au quartier de la Défense où, avec mon entraîneur d’athlétisme et des copains de notre club de Nanterre, nous venions de voir en concert le groupe Apartheid Not.

 

Les premières notes de guitare de Desvarieux sur le Zouk-La-Sé-Sel-Médikaman-Nou-Ni suivies de sa voix grave « An Nou Ay ! » avaient eu le temps de s’insérer dans ma tête alors que nous nous en allions.

 

De la musique antillaise, j’en entendais depuis mon enfance. En France et aux Antilles. Georges Plonquitte, Simon Jurad, les Aiglons, les Vikings, Ibo Simon, Perfecta, les « squales » de la musique haïtienne, tous les « Combo » : Bossa, Tabou, Sugar et tous les autres, haïtiens ou non. Plusieurs tubes de ces groupes font partie de mon histoire que j’en connaisse les titres ou non. Mes compatriotes ont souvent cru que, parce-que j’étais né en Métropole, que les ondes des musiques de « là-bas », du « pays », mais aussi qu’une certaine mémoire, coulaient dans l’océan bien avant d’arriver jusqu’à la Métropole ( la France) où grandissaient les Moon France comme moi.

 

En Guadeloupe, le Oh, Madiana ! de Desvarieux m’avait étonné. Peut-être pour son côté funky qui le différenciait d’une fréquente production antillaise. 

 

Quelques années plus tard, alors que nous étions en train de quitter cette boite de nuit de la Défense où nous venions d’écouter le groupe Apartheid Not, un garçon qui entrait dans la salle pour danser s’était alors étonné :

 

« Mais, vous partez ?! ». Un de ses amis l’avait alors entraîné en lui disant :

« Laisse-les, ils ne connaissent rien à la musique ! ».  Nous avions dû retenir notre ami Jérome qui, courroucé, que l’on porte atteinte à sa vie privée musicale, avait très mal pris ce jugement. Car, nous étions à cet âge où, comme la plupart des jeunes, nous étions d’éminents spécialistes et critiques musicaux. Des musiques et des découvertes, nous en faisions régulièrement en allant les chercher. Nous écoutions par exemple du jazz, du free-jazz. Miles Davis, pour nous, était aussi fréquentable ( ou allait le devenir) que Stevie Wonder, Black Uhuru, Sun Ra, Bob Marley, Aswad, Eddy Grant, Burning Spear, Steel Pulse, Stanley Clarke ou Georges Duke. En plus de The Jacksons, Marcus Miller, T-Connection, Prince, Rick James…

 

« Ils ne connaissent rien à la musique ! ».

Durant pratiquement l’intégralité du concert d’Apartheid Not, nous avions été étonnés par l’incorrection permanente des spectateurs. Un spectateur ( un homme noir) avait même lancé lors d’un solo du batteur plutôt réussi un « No Good ! » avec un accent francisé. Lui et d’autres spectateurs n’attendaient qu’une chose :

Que la musique de cette boite de nuit commence. Et, ça avait débuté par ce titre de Kassav’ chanté par Jacob Desvarieux.

 

An-Nou-Ay ! ( « On y va ! »/ On décolle ! » ).

 

La bonne musique de Desvarieux et de Kassav’, je l’ai retrouvée ensuite bien des fois. En Guadeloupe, lors d’autres séjours.

 

En concert. A Basse-Terre. Mais aussi en métropole, à Nanterre, à l’ancien parc de la mairie. A La Défense Arena ( en 2018 ?) puis à la fête de l’Humanité en 2019.

 

 

L’année dernière, lors du premier confinement dû à la pandémie du Covid, sur les réseaux sociaux, j’avais reçu l’annonce que Desvarieux était malade. L’information avait été rapidement démentie par Desvarieux ou un(e ) de ses proches.

 

Le fait que ce genre d’annonce erronée puisse circuler m’avait contrarié. Puis, je m’étais rappelé que la perte d’un membre pouvait faire mourir un groupe. Et qu’un groupe comme Kassav’,  lui, avait tenu 40 ans ! Ce qui est exceptionnel. Peu de grands groupes durent autant avec un public aussi nombreux à leurs concerts. Les Rolling Stones. Un petit peu, Led Zeppelin. Quels autres grands groupes ? AC/DC ? Des groupes de Rock, le plus souvent.  

Desvarieux, Marthély, derrière, Naimro. J’ai oublié le nom du saxophoniste. Fête de l’Huma, 2019. Photo©️Franck.Unimon

 

Mais, cette fois, Jacob Desvarieux est bien mort. Ma mère me l’a confirmé tout à l’heure au téléphone, depuis la Guadeloupe.

 

Lors du concert de Kassav’ à la Défense Arena- où nous étions cent mille spectateurs nous avait annoncé Desvarieux- celui-ci avait fait un petit peu d’humour quant au fait que Kassav’ ne pourrait peut-être pas fêter ses cinquante ans de carrière. Des photos géantes de Patrick St-Eloi avaient aussi été affichées durant le concert.

 

Le propos du zouk et du titre Zouk-La-Sé-Sèl-Médikaman-Nou-Ni, c’est de pouvoir continuer à danser, à vivre et à rêver malgré les diverses scories de la vie. Grâce à la musique. Grâce au Zouk, ce genre musical éperonné, étalonné, par quelques personnalités dont Desvarieux au sein du groupe Kassav’ et qui a modifié le courant musical des Antilles  En travaillant. En osant. En se perfectionnant. En se professionnalisant encore davantage. En se diversifiant. Tout en se remémorant.

 

Ce sera ça que je préfèrerai, d’abord, retenir de Jacob Desvarieux.

 

Fête de l’Huma, 2019. Au centre, Jacob Desvarieux. Photo©️Franck.Unimon

 

Photos, vidéos, article  par Franck Unimon, Moon France, ce samedi 31 juillet 2021.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Corona Circus Musique

Gagner plus d’argent

 

Gagner plus d’argent

 

Quantités et cent façons

 

 

La façon dont je gagne de l’argent a plus d’importance que sa quantité. J’ai failli écrire :

 

« La façon dont je gagne de l’argent commence à avoir plus d’importance… ».

 

Puis, j’ai un petit peu réfléchi et je me suis corrigé. Depuis le début, la façon dont je le gagne, cet argent, ce miroir, cette excroissance particulière de soi, a eu plus d’importance que sa quantité. C’est un automatisme et un conditionnement si bien assimilés depuis des années que je l’avais oublié. Ça m’a inspiré spontanément beaucoup de mes choix lorsque, vers ma majorité, accédant au monde des adultes mais aussi à celui de mes « libres » choix, je me suis dirigé vers un métier plutôt que vers un autre. Vers une relation plutôt que vers une autre. Vers certaines destinations plutôt que vers d’autres. Vers certaines discriminations plutôt que vers d’autres. Vers certaines expériences plutôt que vers d’autres.

 

Il n’y a aucune noblesse dans mon attitude de départ.

 

La peur du chômage au moins, la peur du monde ainsi que le peu de valeur que je m’accordais, plus que l’adéquation avec mes aspirations profondes, m’ont fixé. Puis, présenté certaines décisions et objectifs comme « réalistes » pour une personne comme moi.

 

Réalisme que d’autres refusent et ont refusé.

 

Avec plusieurs années de retard, une trentaine, j’ai écouté et réécouté hier l’album Live At Reading du groupe Nirvana « de » feu Kurt Cobain. Le concert date de 1992. Un cd de plus emprunté à la médiathèque de ma ville il y a environ quinze jours avant qu’elle ne ferme pour quinze jours, pour la première fois, pendant l’été. Je verrai bien si, lors de sa réouverture, la nouvelle obligation de présenter un pass sanitaire sur un lieu public- pour causes de pandémie due au Covid- me privera désormais de l’accès à la médiathèque où j’ai mes habitudes. Et où j’emmène ma fille régulièrement depuis qu’elle a moins de un an. ( Dans la peau d’un non-vacciné)

 

Sans a priori, pourtant, on peut dire que mes rapports avec le réalisme diffèrent de ceux qu’ont entretenus Kurt Cobain et les autres musiciens du groupe avec lui.

 

A priori :

 

 

En 1992, je « connaissais » le groupe Nirvana par son titre Smells like Teen Spirit. Un titre que j’aimais bien alors que Nirvana, la musique grunge, ne faisait pas partie, a priori, de mes entités musicales.

 

A priori.

 

Car, pour paraphraser l’humoriste Dédo qui avait pu demander, avec son allure de hard-rocker ou de gothique « Est-ce que j’ai une gueule à écouter du Zouk ?! », en 1992, j’étais « dans » d’autres genres musicaux que le grunge. Et, pour en avoir fait et refait l’expérience, je ne crois pas que la majorité des adeptes de Nirvana de cette époque ou d’aujourd’hui, soient prêts à écouter du Zouk, du Dub, de la Salsa, du Maloya ou du Léwoz. Et, encore moins à en danser.

 

Les adeptes de Nirvana préfèrent entrer – et rester- dans d’autres atmosphères afin de chasser leurs fantômes ou de communier avec eux. Pourtant, dans beaucoup de ces univers de « gratteux », lorsque l’on regarde de plus près à la source des religions musicales de ces prêtresses et de ces prêtres du Rock – pour électrifier ou simplifier – on retrouve des croisements et des inspirations « étonnantes ».

 

Le Bluesman Leadbelly pour Kurt Cobain ? BB King pour Bono du groupe U2 qui, dix ans avant Nirvana, dans les années 80, avait sans doute eu le même éclat ?

 

Et, avant U2, AC/DC, dans les années 70, dont l’écoute de quelques titres en concert suffisent pour retrouver le goulot du Blues ?

 

En nommant AC/DC, U2 et Nirvana, je cite seulement trois groupes musicaux qui, avant l’avènement du Rap, et même après son avènement (nous sommes le mardi 27 juillet 2021) aujourd’hui encore, je le crois, vont parler à beaucoup de personnes.

 

Jeunes et moins jeunes. Adeptes de Rap ou d’autres genres musicaux.

 

Au départ, je n’avais pas du tout aimé le groupe U2 et son titre Sunday, Bloody Sunday par exemple. Mais j’avais aimé With or Without you avant d’autres titres. Comme avec la musique classique, lorsqu’un musicien ou un compositeur « compte », il y a toujours une œuvre ou un titre que l’on va aimer ou que l’on a aimé sans le savoir.

 

Si des jeunes d’aujourd’hui, comme je l’ai « été », font d’abord la grimace en entendant  parler de AC/DC, de U2 ou de Nirvana ou de leurs titres, c’est peut-être parce qu’ils ne sont pas encore suffisamment « mûrs » ou suffisamment « sûrs » de ce qu’ils ressentent pour s’apercevoir que ces groupes, comme bien d’autres groupes de différents genres musicaux, parlent d’eux.

 

Je n’étais pas suffisamment « mûr » pour m’apercevoir de l’importance du groupe NTM lorsque le groupe existait dans les années 90. Pourtant, je le « connaissais ». J’avais même acheté le Cd d’un de leurs albums :

 

J’appuie sur la gâchette.

 

Mais, si j’étais allé, seul, au Zénith au concert de Mc Solaar (concert qui m’avait déçu) comme à celui, à l’Olympia, du groupe I AM (un des meilleurs concerts auxquels je sois allé) j’avais manqué de courage pour aller à celui de NTM.

 

Ce n’était pas la musique de NTM qui m’avait effrayé.  Car certaines musiques font « peur ». 

 

C’est le public de NTM qui m’avait fait peur.

 

Je n’avais pas de bande, de potes ou d’amis à même de me protéger ou de me défendre si, en me rendant à un de leurs concerts, dans les années 90, on avait commencé à me chercher noise. Je voulais aller à un concert. Pas à un combat UFC contre plusieurs assaillants potentiels pour une histoire de casquette, de blouson ou d’apparence.

 

Je ne me posais pas ce genre de question pour ma sécurité ou ma survie en me rendant, souvent seul, aux autres concerts. Je me l’étais et me la suis posé seulement pour un concert de NTM dans les années 90.

 

 Et, c’est seulement après la dissolution du groupe, vers 2005, que je m’étais aperçu de l’importance du groupe dans ma vie. En réentendant certains titres. En voyant certains passages de leur concert.

 

Avant 2005, même si j’avais aimé plusieurs des tubes de NTM, je rejetais moralement l’image et certains des comportements du groupe (de Joey Starr en premier lieu) au travers de divers faits divers commentés et très médiatisés.

 

Le temps me semblait sûrement cimenté alors que des groupes comme NTM ou Nirvana savent le fracturer et promouvoir leur éclosion au travers des fissures là où je m’arrêtais devant le mur.

 

La Base de L’Oncle Tom ?

 

Pour l’élaboration d’une bonne pizza, il faut commencer par la base, c’est à dire la qualité de la pâte alimentaire que l’on utilise, les ingrédients, le tour de main, la température de la cuisson et ensuite le type de four que l’on emploie.

Etais-je de la bonne pa-pâte à Oncle Tom ?

 

Vingt ans plus tôt, au lycée Joliot-Curie de Nanterre, Pascal, un « grand », Rasta, l’antithèse de l’Oncle Tom, musicien, ami d’un ami qui faisait alors figure, pour moi, de grand frère de substitution, m’avait subitement interpellé :

 

« Qu’est-ce que tu fais ?! ».

 

C’était jour de classe et je venais d’entrer dans la cour du lycée. Pascal, ancien basketteur, plus âgé que moi d’un ou deux ans, plus grand que moi de vingt bons centimètres, était debout, appuyé contre un arbre chétif situé sur un petit promontoire. Tel un surveillant observant la façon dont les uns et les autres pénétraient en défilant dans le lycée. Une fonction complètement officieuse. Pascal devait être en terminale. J’étais en première. A côté de lui,  se trouvait un autre garçon à peu près de son âge.

 

Devant ce tribunal improvisé, j’avais été désarçonné. Cette interpellation ne faisait pas partie des matières prévues dans mon emploi du temps.  

 

Je m’étais senti obligé de répondre. Je « connaissais » Pascal. Je l’admirais et le craignais aussi. Son autorité. Son allure. Son assurance. Tout cela, évidemment, j’en étais dépourvu. Je me sentais son inférieur.

 

J’avais réussi à répondre : « Je vais à l’école… ».

Pascal avait alors répété, avec un air un peu sardonique : « Tu vas à l’école ?! ». A ses côtés, l’autre « grand » s’était marré tout doucement en se tournant vers Pascal. Pour ajouter : « Il va à l’école… ».

 

J’aurais pu répondre que c’était déjà plus que bien que je sois au lycée, et assez bon élève. Mes parents, d’origine modeste, avaient accédé à la classe moyenne, en quittant jeunes leur île natale et tropicale – plus tard, j’allais apprendre que leur île natale faisait rêver beaucoup de monde par ailleurs- pour la France.

 

Mon père, afin de m’assurer un avenir, avait eu le projet pendant des années de faire de moi un futur mécanicien de voitures. Moi qui ne savais même pas changer une roue de vélo et qui étais beaucoup plus un petit intello à lunettes qu’un manuel. Hier encore, même si je me suis un peu civilisé pour certaines œuvres manuelles, juste pour essayer devant ma fille une nouvelle petite pompe à vélo très esthétique -présentée comme très pratique par la vendeuse- je n’ai pas été très convaincu par mes compétences. Ainsi que par la pertinence de mon achat.

 

Mais pour mieux répondre à Pascal, il aurait déjà fallu que je comprenne à qu’avoir obtenu l’accord de mon père pour aller au lycée revenait presque au fait d’accéder à une grande école du genre l’ENA, Polytechnique ou Sciences Po. Cela, grâce à l’intervention de ma prof de Français de 3ème, Mme Askolovitch /Epstein.

 

Peut-être que certaines et certains de mes camarades connaissaient ces grandes écoles. Je pense à ceux qui m’étonnaient dès le début de l’année scolaire lorsqu’ils lâchaient un :

« J’ai regardé le programme de cette année ». Ou qui se montraient plus que critiques sur tel collège ou tel lycée dont le niveau avait « baissé ».

 

Evidemment, mes parents et les membres de ma famille, eux, n’avaient jamais été concernés par ces histoires de « programme de l’année », de « niveau qui avait baissé » ou par l’existence de ces grandes écoles.

 

Par contre, la mécanique automobile, niveau BEP, ma famille connaissait.

 

Nous étions au milieu des années 80. L’époque de François Mitterrand, Président socialiste. De U2. Ou de Kassav’pour celles et ceux qui savent. Quelques années après AC/DC. Avant Nirvana. NTM n’existait alors pas en tant que groupe de Rap.

 

Alors, Kool Shen, Joey Starr, ou MC Solaar et Akhénaton, qui ont à peu près le même âge que moi, auraient pu être des « connaissances » si nous avions habité dans la même cité ou dans les mêmes environs. Des personnes que j’aurais pu saluer ou dont j’aurais pu connaître le nom et certains « faits ». Comme cela a été le cas pour plusieurs jeunes de ma cité et des environs que je croisais ou dont les noms parfois circulaient.  Je me rappelle encore des noms de famille et des prénoms de certains.

Que ces jeunes aient « mal » tourné ou se soient « bien » intégrés dans la société et le monde des adultes. Des jeunes qui, comme les fondateurs de Nirvana ou de NTM, à un moment ou à un autre, ont été en colère et tristes comme beaucoup de jeunes mais qui ont voulu prendre du bon temps et ont suivi certaines règles autrement, d’abord les leurs,  lorsque le monde des adultes s’est rapproché d’eux et que leur tour d’y entrer est arrivé.

 

Hormis pour Hypokhagne, je ne peux pas affirmer que connaître alors l’existence de l’ENA, Polytechnique, Sciences Po ou d’autres grandes écoles, aurait beaucoup changé mes « choix » d’orientation à la fin du lycée. Mais nos décisions peuvent changer ou évoluer selon les perspectives et les exemples que l’on connaît près de soi ou autour de soi. Avec les expériences que l’on s’autorise.

 

Peut-être étais-je un Oncle Tom dès le lycée ? Moi qui avais déjà lu plusieurs livres de Richard Wright, sans doute de Chester Himes, qui écoutais du Bob Marley à la maison depuis mon enfance ; qui m’intéressais à la philosophie, et qui, avant mes dix ans, avais eu droit à des leçons répétées de mon père à propos de l’esclavage ?

Je m’intéressais aussi aux Black Panthers, à Malcolm X et à Martin Luther King, à L’ANC et à Nelson Mandela, alors encore en prison. Mais rien de cela ne transparaissait dans mon comportement de lycéen scolaire et  soumis. On peut être un Oncle Tom lettré.

 

Ce jour-là, j’avais réussi à répondre plutôt timidement à Pascal et à son partenaire :

 

« J’écris des poèmes… ».

 

Si son comparse, sans doute un annexe secondaire, s’était tu, Pascal, lui, de manière surprenante, avait donné du crédit à cette nouvelle donnée.

 

Il ne m’a pas dit : «  C’est très bien. Continue ! ». Ni : « Ce serait bien que tu me montres ». Mais j’ai perçu que ces quelques lignes que j’avais pris l’habitude de tracer sur des feuilles de papier m’avaient donné un petit peu plus de consistance à ses yeux. Même si je ne voyais pas en quoi ce que j’écrivais me distinguait tant que ça de toutes celles et tous ceux qui allaient « seulement » à l’école, j’avais compris que je faisais quand même quelque « chose » qui trouvait grâce à ses yeux. Je n’étais pas un Oncle Tom ou un benêt en voie de finalisation.

 

Je veux bien croire que Pascal ait rapidement oublié cette anecdote. Comme il a pu oublier qui je suis, alors que je m’en rappelle encore plus de trente années plus tard. Ce genre de situation m’arrive régulièrement. Plusieurs années plus tard, je reconnais et me rappelle de personnes qui m’ont totalement oublié. Ceci pour dire comme j’étais peu marquant comme individu.

 

Il y a à peine deux semaines, j’ai refait le même coup à quelqu’un. La dernière fois que je l’avais vu, c’était…en 1989. Il ne se souvenait absolument pas de moi. J’ai pu lui restituer le contexte avec tellement de détails qu’il a été obligé d’accepter que notre rencontre avait bien eu lieu.  Comme lui dire, qu’à cette époque, le tube de Laurent Voulzy qui passait était Le Soleil donne. Et qu’au cinéma, on parlait pas mal du film Faux-semblants  de David Cronenberg. Finalement, avant de se rendre définitivement, il a fini par me demander :

« Mais comment ça se fait que tu te souviens de moi ?! ».

Je lui ai alors répondu, très sûr de moi :

« Pourquoi je ne me souviendrais pas de toi ?! ».

 

En cherchant sur internet il y a quelques années, j’ai appris que Pascal était devenu éducateur spécialisé. Je n’ai pas l’impression qu’il ait continué de faire de la musique pour des raisons que je ne m’explique pas. Et, la dernière fois que je l’avais croisé, cela devait être à l’université. Il avait alors rasé ses locks et était devenu facteur à vélo.

 

Le hasard veut que l’homme que j’avais rencontré en 1989- et à qui j’ai fait la surprise de le reconnaître récemment- porte aujourd’hui des locks et est musicien. En 1989, je ne le savais pas musicien ( ou je l’ai oublié) et il avait une coupe de cheveux plutôt similaire à celle de Pascal, la dernière fois que j’avais croisé celui-ci et qu’il était devenu facteur.

 

Nirvana :

En écoutant et en réécoutant hier cet album live du groupe Nirvana, j’ai eu l’impression d’écouter et d’entendre ce qui me manquait dans ma jeunesse. Et ce qui fait, en principe, le panache de la jeunesse avec l’insouciance :

 

 Le fait de vivre sans s’arrêter et sans contrôle.

 

Le groupe Nirvana, et Kurt Cobain, me font penser à des personnes qui, dans un restaurant, casseraient tout. Que l’on applaudirait ensuite. Et à qui l’on glisserait discrètement à l’oreille :

« Vous avez fait ce que j’avais envie de faire depuis longtemps ». « Ou très souvent ».

 

Et, au moment de payer l’addition et les réparations, les spectateurs ou tout un tas de médias et de personnalités les plus diverses se dépêcheraient soit de répéter :

 

«  C’est de l’art ! Ce n’est pas à eux de payer ! Ils ont raison ! ». Rapidement, quelqu’un justifierait leur comportement et expliquerait en quoi, là, précisément, le fait d’avoir tout cassé dans ce restaurant, était un acte salvateur et nécessaire pour la société et le monde entier.

 

La différence entre Nirvana, ou tout groupe, artiste ou personnalité qui casse ainsi la baraque, symboliquement ou concrètement, et le citoyen lambda ou scolaire, c’est d’abord d’être les premiers à  « défrayer la chronique » là où la majorité le pense et le souhaite mais n’ose pas le faire.  

 

Ensuite, l’autre différence avec la majorité, c’est que ces artistes et ces personnalités sont prêtes à assumer les risques de leurs comportements. Sur leur vie et sur leur santé. Ou acceptent d’être regardés de travers par la majorité voire provoquent cette majorité, ou cet ordre social ou autre, qui les contraint ou cherche à les contraindre.

 

Leur attitude n’est pas gratuite. On parle alors de Sincérité de leur engagement. Lequel engagement servira ensuite d’exemple ou sera reconnu par une bonne partie de la majorité. C’est ce que l’on appelle la « commercialisation » ou la « récupération ». Ou la reconnaissance. Si ces artistes ou ces personnalités ont la chance, ou la malchance – Kurt Cobain comme d’autres artistes a très mal vécu l’énorme succès de Nirvana- d’arriver à la bonne époque. En présence des témoins qui rendront compte ; qui sauront bien expliquer l’œuvre ; et qui sauront aussi trouver les moyens qu’il faut pour défendre l’œuvre, les artistes ainsi que leur souvenir.

 

Le citoyen lambda ou scolaire, lui, s’il se met à tout casser dans un restaurant, terminera en garde à vue. Cela sera peut-être marqué dans son casier judiciaire. Sauf s’il est reconnu irresponsable au moment des faits car sous le coup de troubles psychiatriques.

 

Cet incident, si le citoyen lamba ou scolaire, a un emploi « normal » comme la majorité des citoyens, peut lui faire perdre son emploi. Et, il devra, seul, rembourser les réparations de ses dégâts dans le restaurant. S’il a de la chance, et s’il avait contracté une bonne assurance, celle-ci pourra peut-être l’aider financièrement. S’il a moins de chance, sa femme le quittera peut-être. Ou, elle le trompera avec le restaurateur qui aura besoin de consolation.

 

Les artistes ou les personnalités, elles, pourront voir, jusqu’à un certain degré, leur CV se bonifier avec ce genre de dégâts. Elles se feront peut-être inviter par le restaurateur où tout cela s’était passé. Afin de les remercier pour toute la bonne publicité que l’incident a apporté à l’établissement. Le citoyen lambda ou scolaire, lui, devant le même établissement, sera déclaré tricard. Au mieux, s’il s’y prend bien, il aura peut-être le droit de faire la manche ou d’obtenir l’autorisation de venir vendre des fleurs aux clients du restaurant.

 

 

 Je crois que l’on s’attache, non à un marchand de fleurs, mais à un groupe de musique, ou à un auteur en particulier, parce qu’il exprime nos manques. Nos peines. Parce qu’il « display »- il dévoile ou exprime- ce courage qui nous a manqué ou que l’on aurait voulu avoir en certaines circonstances et étapes de nos vies. Car qui, n’a pas eu envie, un jour ou l’autre, dans certaines situations, de tout casser et s’est retenu ?

 

Ce genre d’expériences et de miroir avec un groupe ou une personnalité, n’a pas d’époque,  d’âge ou de genre musical ou même de domaine de discipline spécifique.

C’est pour cela que le nom d’un groupe, ses origines, sa couleur de peau, son style de musique ou sa langue importent peu. Tout ce qui compte, c’est le moment, où, dans notre existence, la rencontre avec notre « double » ou notre « alter-ego » public est possible et se fait.

 

Il y a tant de rencontres et d’opportunités ratées, avec soi-même et avec les autres, que lorsque certaines de nos rencontres réussissent, nous faisons le plein- et à ras bord- de ces rencontres. Par la musique ou dans d’autres domaines.

 

Sauf que pour qu’un Nirvana, un AC/DC, un U2, un Bob Marley, un NTM, Un MC Solaar ou un I AM « réussisse », beaucoup d’autres échouent. Et, davantage encore, en deviennent spectateurs. Faute de pouvoir tout casser, prendre des drogues ou des positions ultimes, autant laisser d’autres le faire à notre place. Et, pour quelques unes et quelques uns d’entre eux, Nirvana ou d’autres, une certaine réussite arrive.

 

 Car la réussite, pour ces artistes et ces personnalités, n’est pas totale.

 

Finir comme Kurt Cobain ? Il y en a quelques unes et quelques uns que cela fait et fera rêver. Selon moi, une minorité, et à une certaine période de la vie comprise, allez, entre 13-14 ans et…. 30 ans. Car c’est la période des ( plus) grands engagements. Corps et âme. 

 

Mais, d’une part, même si l’on a aujourd’hui entre 13 et 30 ans, c’est trop tard pour prendre la place de Kurt Cobain. A moins de décider de devenir son sosie.

Ensuite lui, comme bien d’autres célébrités, n’avait pas prévu ce qui lui est tombé dessus comme succès. Il y a tant d’artistes inconnus aujourd’hui qui le seront encore demain ou après demain, ou dans plusieurs années, alors qu’ils sont actuellement en activité. Plus ou moins doués. Plus ou moins engagés. Plus ou moins dévoués. 

 

 Et puis, rêver et nous souvenir de nos rêves, souvent, nous suffit. Autrement, nous serions très nombreux à avoir des vies qui ressemblent à celles des membres de groupes de musique, des auteurs, et des personnalités, que nous admirons tant.

 

Voir et acheter

 

Je parlais d’argent au début de cet article. Au fait de gagner plus d’argent. Plusieurs fois par jour, depuis des années, nous voyons gratuitement ce que nous pourrions vivre. Nous le voyons de manière si familière, que même en nous appliquant à être raisonnables,  nous finissons par acheter.

 

Nous baignons dans ce monde. Voir et acheter. Voir et vivre. Voir et participer. Voir et vouloir en être.

 

En réécoutant cet album de Nirvana, hier, je me suis demandé comment j’avais pu être aussi sourd à l’époque. Puisqu’ à part le titre Smells Like Teen Spirit et le fait de me rappeler qu’Eric B- un collègue psychiatre dont les compétences et le personnage m’avaient marqué- avait parlé de ce groupe, je n’ai rien fait pour écouter davantage Nirvana. Donc, pour m’écouter moi-même d’une certaine façon.

 

Gagner plus d’argent est devenu une obsession avant le fait de vivre. Ce constat donne plutôt envie de tout casser. Ou de voler.

 

Chaque article que je fais sort peut-être de mon kit de survie contre cette obsession.

 

Aujourd’hui, cet article est sorti de mon kit parce qu’hier, j’ai écouté et réécouté la musique en concert du groupe Nirvana. Autrement, j’aurais peut-être parlé du film The Black Widow avec l’actrice Scarlett Johansson que j’ai vu au cinéma il y a bientôt deux semaines maintenant.

 

D’autres n’ont pas ce kit.

 

 

Franck Unimon, ce mardi 27 juillet 2021.

 

 

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Moon France Musique

Erykah Badu

 

           Erykah Badu

 

 

Ses albums sont placés derrière les barreaux depuis plusieurs années maintenant. Parfois vingt.  Pourtant, ils continuent de nous libérer. Pourtant leurs canons ont fait et continuent de faire la jeunesse d’artistes que l’on écoute aujourd’hui.

 

Quand on est jeune.

 

Si le corps essuie et colmate avec des rythmes les gestes qui, dans la vie courante, nous manquent ainsi que les bruits que l’on cache et qui nous braquent, notre esprit, lui, détruit ou non, est la gomme qui efface les distances entre les œuvres et nous.

 

Plus jeune, j’avais entendu parler d’Erykah Badu. Je l’avais écoutée. Sûrement en regardant et en écoutant d’autres plus jeunes qui écoutaient les Fugees, Macy Gray, Kelis, Alicia Keys et sont probablement, aujourd’hui, passés à autre chose.

 

Autre chose.

 

Moi, le vieux, depuis peu, je réécoute ses albums. J’en ai emprunté à la médiathèque près de chez moi. J’en ai un acheté un, neuf, vendredi, à une femme d’une trentaine d’années, enceinte de plus de six mois, à Mairie de Montreuil, près d’un marchand de fleurs. Le lieu du rendez-vous avait été choisi par la vendeuse. Deux ou trois jours  plus tôt, j’avais commis un impair. Trop attaché à ce que j’écrivais, j’avais pris trop de retard. Mais, cette fois, j’avais plus d’une demi-heure d’avance. Je lui ai de nouveau présenté mes excuses. Je lui ai donné un peu plus que ce qui était prévu pour le disque. J’ignorais qu’elle était enceinte.

 

Aujourd’hui, j’entends autrement les titres d’Erykha Badu. Je croyais pourtant qu’avec les ans, on devenait sourd. Peut-être pas. Je repense à mon père, tiens. Le premier amateur de musique que j’ai connu. Pourquoi, vers ses quarante ans, a-t’il arrêté d’acheter des disques comme d’écouter de la musique à la maison ? Lui, qui était allé jusqu’à acheter des magazines de musique spécialisés tels Rock & Folk et Best. Des magazines dans lesquels des critiques, qui se dévouent à la musique, passent leur vie à en écouter, à aller à des concerts, à rencontrer des artistes. Puis, à en parler et à donner envie de les écouter et d’en discuter avec d’autres.

 

La musique, ça a à voir avec la vie mais aussi avec notre enfance et notre jeunesse. Alors, mon père a-t’il arrêté de vivre vers ses quarante ans comme beaucoup d’autres ? Ou a-t’il considéré que tout cela était anecdotique et coûtait trop d’argent pour si peu d’épanouissement ?

 

On arrête tous de faire quelque chose à un moment ou à un autre, de notre vie. Mentir. Vomir. Sucer son pouce. Faire du sport. Sortir. Rire de tout.

 

Certaines personnes nous expliqueront que cela correspondait à une étape de leur vie. Et que tout cela appartient désormais au passé. Mais est-on toujours obligé de le croire ?

 

A quarante ans, néanmoins, j’ai arrêté d’aller danser. De danser. Je me sens un peu fautif. Surtout envers ma fille. Enfant et ado, j’ai des souvenirs de soirées antillaises (mariages, baptêmes, communions) où beaucoup de gens dansaient, discutaient et mangeaient pendant des heures dans des grandes salles. Et, parfois, deux ou trois se bagarraient. Je me suis raconté des histoires, certains soirs, à regarder tout ce monde. Mais j’ignorais que ce que je voyais et entendais était exceptionnel. Ce que nous voyons et entendons peut être exceptionnel. C’est nous, qui l’oublions.

A ces soirées, je n’ai pas pris de notes. Je n’en prenais pas. Je n’ai rien filmé. Je n’avais pas de caméra. Je n’ai pas pris de photos. Et les quelques photos qui ont été prises l’ont été par d’autres regards et d’autres intentions. Mais j’ai appris à gesticuler. Ou à…danser.

 

 

J’ai été un peu triste, lorsqu’un jour,  un petit a demandé à sa mère si, à leur mariage, elle et son père, avaient dansé. Elle a répondu un peu gênée, intimidée par cette question posée en public, comme si le sujet était osé :

« Non, on n’a pas dansé ». Elle avait une trentaine d’années et était plutôt d’un abord avenant. C’était au conservatoire d’Argenteuil, au Val d’Argenteuil. J’avais emmené ma fille à son cours de danse. A son cours d’initiation à la danse et au chant. On emmène au conservatoire nos enfants pour qu’ils apprennent ce qui a pu et peut s’apprendre dans les soirées voire entre copains et copines. Ou chez la tante, le grand-père ou avec la cousine ou le cousin.

 

Je ne sais pas quoi penser de ma « défection » à propos de la danse. Si ce n’est que, certaines fois, je me dis que j’en ai assez de répéter les mêmes gestes. Pourtant, je n’aime pas penser que, pour moi, la danse, c’était l’armée. On danse aussi pour arrêter d’être des bêtes traquées.

 

J’ai peut-être eu moins besoin de m’échapper. Et, aussi, celles et ceux que je fréquente désormais sont plus installés dans leur vie et davantage portés sur la parole. Ou, souvent aussi, quand même, nous parlons des mêmes…. sujets.

 

J’imagine qu’Erykah Badu, même si son dernier album a quelques années, a continué de danser et de chanter. Si une Me’Shell Ndégeocello ou une Björk ont pu se mettre en danse sur scène, cela se passait autrement pour Miles Davis. Par contre, j’ai appris qu’Erykah Badu avait dirigé la réédition d’albums de Fela. Mon père avait un de ses albums à la maison. Mais il ne le mettait pas souvent. Et il n’achetait plus de disques lorsque Kassav’ a émergé. Et encore moins lorsque d’autres artistes de zouk sont ensuite arrivés tel Jean-Michel Rotin qui fait partie des anciens, maintenant.

 

Comme Erykah Badu.

 

Rimshot, en concert, a été le titre qui a reposé Erykah Badu sur mon atlas musical. Et, tout cela, suite à un stage d’apnée à Quiberon, en Bretagne, avec mon club le mois dernier. Parce-que j’ai fait des photos. Et qu’ensuite j’ai fait deux  diaporamas, un long et un court, et qu’à chaque fois cette chanson d’Erykah Badu a été celle que j’ai mise au premier plan.

 

De l’apnée en Bretagne, et, aussi, de la chasse sous-marine, à Erykah Badu. Nos directions et notre façon d’écouter la vie restent assez imprévisibles. Notre façon d’écouter, surtout. Car, souvent, le reste suit. A plus ou moins long terme.

 

Franck Unimon, ce dimanche 6 juin 2021.