Nous étions encore en plein confinement du fait de la pandémie du covid et tenus par un périmètre kilométrique. Nous ne devions pas dépasser les cinquante kilomètres à partir de notre domicile. Et nous devions fournir un justificatif écrit en cas de contrôle de police.
J’étais venu acheter son livre (co-écrit avec Jean-Pierre Leloup) qui avait été publié récemment :
Construire sa légende : Croire en soi, ne rien lâcher et aller jusqu’au bout.
« Au lieu de le commander sur Amazon…. » m’avait dit Jean-Pierre au téléphone.
Une fois sur place, réflexe de journaliste cinéma et de blogueur, j’en avais profité pour interviewer Jean-Pierre.
Puis, j’étais revenu chez lui une seconde fois.
Je me souviens bien de cette phrase et y repense de temps en temps :
« Mon but, c’est de décourager ! ».
Après l’avoir entendue la première fois, il m’a fallu quelques mois supplémentaires avant de commencer à la compléter.
Décourager quoi ?! Décourager l’ego.
Jean-Pierre m’avait par exemple parlé de ces séances où il fait faire 1000 « coups de pieds ». Je lui avais demandé pour quelle raison.
« Pour que l’on se rende compte que c’est possible…. » m’avait répondu Jean-Pierre.
Je me suis inscrit à son dojo vers le mois de février de cette année.
Lorsque je dis que je viens d’Argenteuil pour me rendre à ses cours dans le 20ème arrondissement de Paris, il arrive que l’on s’étonne. Il arrive que l’on trouve que ça fait beaucoup de trajet. Il est arrivé que l’on m’en demande la raison.
Je réponds alors que je viens pour Jean-Pierre. Pour sa personnalité. Parce-que son enseignement est rempli de vécu. Parce-qu’il concilie pratique du karaté et pratique de l’Aïkido et aussi parce qu’il connaît le judo.
Pour les horaires, aussi. Car Jean-Pierre donne également des cours le mardi et le jeudi matin à 9h30. Et cela me convient bien. Il m’arrive de prendre part à ces cours du matin après avoir travaillé la nuit.
Je pourrais ajouter que, tous les jours, et pendant des années, beaucoup de personnes passent entre une heure et deux heures dans des trajets qui les mènent vers un travail ou vers une vie qui leur déplait. Alors que moi, je me rends à des cours de karaté que j’ai choisis.
Plusieurs des élèves de Jean-Pierre se rendent à ses cours depuis plus de dix ans. Cela est notable à une époque où, désormais, les salles de sport, de fitness ou de crossfit, avec leurs horaires extensibles et leurs divers forfaits, ont capté ou « détourné » une certaine partie des anciens adhérents ou des adhérents potentiels des clubs d’arts martiaux.
Il arrive aussi que certaines personnes trouvent que 9h30, le mardi et le jeudi, ça fait tôt pour s’entraîner au karaté.
Mais il existe encore plus tôt.
Entre 6h et 6h30 en semaine, 8h le week-end, et pas très loin du dojo de Sensei Jean-Pierre Vignau, même si ce sont deux mondes très différents et semblant très éloignés l’un de l’autre, il y’a l’école Itsuo Tsuda de Sensei RégisSoavi. Ecole où celui-ci, avec l’une de ses filles, Manon Soavi, enseigne l’Aïkido en première intention. ( Dojo Tenshin-Ecole Itsuo Tsuda/ séance découverte ).
Et, si les horaires de l’école Itsuo Tsuda étaient compatibles avec mes horaires de travail et l’âge de ma fille, il est possible que je ferais en sorte de cumuler les deux. Ou les trois et les quatre en incluant les enseignements de Sensei Léo Tamaki et d’autres Maitres d’Arts martiaux….
Cela fait des années que les Arts Martiaux m’attirent. Et j’en ai une expérience plus que superficielle en comparaison avec ma « curiosité » et mon attirance pour eux. Bien des pratiquants, avec les années, ont su aller vers différentes disciplines martiales.
« J’ai rêvé cette nuit » aime régulièrement nous dire Jean-Pierre, 77 ans depuis quelques semaines, avec un air rigolard, au début du cours. Dès lors, nous savons, qu’à un moment ou à un autre, il va nous donner une consigne de déplacement ou un enchaînement de mouvements que nous aurons du mal à reproduire. Mais c’est normal. Au début, « tout le monde se trompe » nous rappelle-t’il.
Nous nous appliquons néanmoins. Et nous nous trompons plus d’une fois. Alors, Jean-Pierre nous regarde et nous adresse en souriant un :
« C’est la merde, hein ? ».
Ses gestes sont précis. Il nous explique à quoi correspond tel geste dans la vie réelle. Il nous rappelle régulièrement qu’il existe tant de combinaisons en karaté.
Jean-Pierre aime nous surprendre que ce soit en nous demandant de faire le même déplacement mais en marche arrière. Ou en répétant le même kata en partant des différents points cardinaux du dojo…
J’ai cité l’âge de Jean-Pierre tout à l’heure. Lorsque nous avons du mal à reproduire un mouvement, il nous demande d’avancer sur lui afin de « l’attaquer ». Sa technique est effective et pleine. Pour autant, je ne m’imagine pas être devenu un bon karatéka en à peine quelques mois. Et, je ne cours pas particulièrement après la ceinture. Plus qu’à la ceinture, j’essaie de m’attacher aux moments vécus ainsi qu’à ce que je vois et ce que j’entends. Car la couleur d’une ceinture peut aussi rendre aveugle, sourd, narcissique, théorique, subordonné, rigide et amnésique :
Rouler des mécaniques parce-que l’on se sent très sûr de soi, en cas de combat physique, n’est pas mon projet. Car il existe bien des obstacles devant lesquels rouler des mécaniques ne suffira pas : devant la vie comme devant la mort, pour préserver des amitiés, rencontrer les autres, avoir une vie de couple satisfaisante, éduquer ses enfants correctement, obtenir un conseil avisé et sincère….
Jean-Pierre, pour moi, ne roule pas des mécaniques. Il est concret. Simplifié. Cela peut heurter ou déranger. Pour moi qui ai souvent tendance à théoriser comme à me compliquer l’existence, j’ai donc l’impression que venir pratiquer avec Jean-Pierre et me rendre à son dojo me fait emprunter des trajets, et des directions, qui peuvent m’aider à mieux vivre et aussi à encore mieux me trouver.
J’ai luRéinventer l’Amour ( Comment le Patriarcat sabote les relations hétérosexuelles) de Mona Chollet
« On va tellement vous violer que vous ne pourrez plus avoir d’enfants » auraient dit des militaires russes à des femmes ukrainiennes. Depuis le 24 février 2022, l’armée militaire russe a commencé à envahir l’Ukraine. Et la guerre, qui était « prévue » pour être courte, continue entre les deux pays.
Il y a quelques années, j’ai envisagé d’aller travailler dans un CMP ( Centre Médico- psychologique) pour adultes en banlieue parisienne, dans une ville assez proche d’Argenteuil, ville où j’habite.
Lors du trajet en voiture depuis Gennevilliers vers ce CMP , situé à Villeneuve la Garenne, la cadre infirmière m’avait un peu raconté quelques unes de ses missions humanitaires passées. Dont une durant la guerre en ex-Yougoslavie. Dans la voiture de service, tout en me conduisant, cette infirmière expérimentée, à quelques années de la retraite, m’avait parlé de sa peur. De sa peur du viol. Et de deux sœurs bosniaques qu’elle avait alors connues. L’aînée des soeurs lui avait servi d’interprète.
Après la guerre, l’aînée, avec laquelle elle était restée en contact, était demeurée célibataire et avait développé un cancer. La plus jeune, femme très coquette à l’origine, s’était mariée et radicalisée religieusement.
Chaque fois qu’il y a des guerres, des femmes mais aussi des enfants se font violer. Si, en temps de « paix », certains viols peuvent être- difficilement- condamnés, en temps de guerre, il peut être encore plus difficile de les faire condamner comme de faire condamner leurs auteurs.
D’autant plus que la « Paix », comme la Santé, ont des définitions très variables. Puisque l’on peut, aussi, être victime d’un viol dans un pays en « Paix » et riche comme la France.
Paris, mars 2022.
Les multiples guerres du quotidien
Car, si certaines guerres militaires sont plus médiatisées que d’autres, il existe bien d’autres déclinaisons de la guerre :
Des guerres domestiques, sociales, économiques, relationnelles, professionnelles, culturelles. Et, ces multiples guerres du quotidien, directes ou indirectes, propulsent plus facilement certaines et certains aux avants postes tandis que d’autres, «progressivement », et malgré leurs efforts, régressent, stagnent ou piétinent dans leur évolution personnelle.
Récemment, à la gare de Paris St Lazare, j’ai aperçu un patient que j’avais d’abord « croisé » une première fois deux ou trois ans plus tôt dans un service d’addictologie où j’avais effectué quelques remplacements. Puis, au début de la pandémie du Covid, je l’avais reconnu aux abords de la gare St Lazare.
Au début de la pandémie du Covid, il présentait bien, avait même une perception assez critique concernant la pandémie . Quand je l’ai revu à la gare St Lazare, la semaine dernière, il était en train de fumer, sans masque, et ressemblait à un clochard. La première fois que je l’avais recroisé près de la gare de Paris St Lazare, il faisait la manche. Il y a quelques jours, j’imagine qu’il était encore dans la gare de Paris St Lazare pour continuer de faire la manche. Sauf que son état personnel s’était aggravé. Pourtant, depuis des années, cet homme qui a connu l’emploi, comme d’autres femmes et d’autres hommes, a essayé et aura essayé de s’en sortir.
Je ne peux pas affirmer que, par son livre, Mona Chollet, vise aussi ces sujets puisque le titre de son ouvrage est : Réinventer l’Amour. Mais voilà ce qu’il commence par m’inspirer, ce matin, alors que j’ai terminé sa lecture dans un jardin des Tuileries ensoleillé il y a plus d’une semaine désormais.
Mona Chollet parle d’Amour et avec son titre rajoute :
Comment le Patriarcat sabote les relations sexuelles. Et, moi, je commence par parler de viols de femmes par temps de guerre et de paix. Puis d’un homme en voie de clochardisation.
« On va tellement vous violer que vous ne pourrez plus faire d’enfants… ».
« On va tellement vous violer que vous ne pourrez plus vous exprimer ».
Réinventer l’Amour : un livre de « fille » et d’intello favorisée
Je n’aurais pas lu ce livre de Mona Chollet, si, une de mes jeunes collègues internes, Chamallow, en stage dans mon service, ne m’en avait parlé il y a plusieurs semaines. Après que j’aie eu la curiosité de lui demander ce qu’elle lisait ou avait lu récemment.
J’avais entendu parler de ce livre. Mais je l’avais pris pour un sujet ou un livre de « fille ».
Moi, qui, depuis des années, évolue dans un milieu professionnel qui a souvent été majoritairement féminin ; moi qui exerce un métier de soignant (infirmier en soins psychiatriques et pédopsychiatriques ou en Santé Mentale ), métier auquel on attribue plutôt des « qualités » ou des vertus féminines ; moi, qui, en tant qu’aîné, a, à partir de mon adolescence jusqu’à mes trente ans, joué un rôle de substitut parental jusqu’au sacrifice de mon intimité et de mon célibat, j’ai d’abord pensé, en entendant parler de ce livre de Mona Chollet : « C’est un truc de fille ! » ou « Encore une intello favorisée qui a les moyens de vivre de ses concepts ».
Mona Chollet est en effet une femme, après avoir été une fille. Et, elle vient bien d’un milieu social et intellectuel favorisé, voire privilégié, en tant que femme blanche, même si ses parents se sont séparés alors qu’elle était enfant, comme elle le mentionne. Néanmoins, son livre m’a rapidement plu.
Depuis, j’ai déjà remercié plusieurs fois Chamallow de m’avoir prêté ce livre. A la fois pour le plaisir que j’ai eu à le lire. Mais, aussi, à le lire certaines fois dans mon service actuel : avant de lire Réinventer l’Amour de Mona Chollet, j’ignorais que l’on pouvait prendre d’autant plus de plaisir à lire un livre que son contenu contraste avec l’état d’esprit ou la culture plutôt générale dans le service où l’on travaille.
Le plaisir de lire Réinventer l’Amour, la nuit, dans mon service actuel où, pour certains collègues, un homme, et un bon infirmier, c’est d’abord quelqu’un qui s’impose.
Mon service actuel n’est pas un service de collègues violeurs et de collègues femmes violées. Peut-être, qu’un jour, lorsque je me déciderai vraiment à prendre le temps d’écrire que j’inventerai des histoires de ce genre. Mais, pour l’instant, j’en suis encore à décrire le fait que dans mon service actuel, certaines valeurs « viriles » font office de table de Loi. Dans mon service actuel, plus que dans les services et les établissements précédents où j’ai travaillé, pour certains de mes collègues, un homme (et je suis un homme, c’est certain) et un bon infirmier (et je suis infirmier), c’est d’abord quelqu’un qui s’impose.
En particulier, physiquement. Pour faire des injections à un patient agité ou opposant à la prise de son traitement par voie orale (sous forme de gouttes le plus souvent).
Dans mon service actuel, pour certains de mes collègues, être un homme et un bon infirmier, c’est pratiquer la contention physique. Et, aussi, sans doute, parler fort ou plus ou moins fort, faire connaître ses exploits physiques, les raconter, parler de certains sujets d’une certaine façon ( le Foot, les femmes, parler de sa vie etc….).
Peu importe que, lorsque je l’estime justifié et inévitable, je puisse, aussi, faire des injections, de la contention physique, ou y participer avec d’autres collègues lorsque nous devons le faire. Mon personnage, ma personnalité, ne cadre pas avec la conception que se font certains de mes collègues actuels de ce qu’est ou doit être un homme mais, aussi, un bon infirmier. Ou, tout simplement, un être humain dit « normal ». Alors que moi, sans m’en apercevoir, car c’est ma normalité, sans doute que je me comporte « bizarrement ». C’est à dire pas comme tout le monde.
Sans doute aussi, parais-je un petit peu trop « intello » pour être honnête.
Et, vu que, paradoxalement, je parle peu de ma vie conjugale et de ma fille au travail, cela doit vraisemblablement signifier que je dissimule des projets, des pensées et des moeurs fort peu recommandables : j’attends presque ce moment ( ce suspense devient un peu insoutenable) où certains de mes collègues décideront ( c’est peut-être déja fait) que je suis probablement pédé ou homosexuel.
Pour moi, ce n’est pas une insulte d’être confondu avec un homosexuel. Je trouve ça plutôt drôle. Mais je sais, aussi, que dans certains milieux et dans certains groupes, être perçu comme un homosexuel peut revenir à être considéré comme un sous-homme ou comme une sorte de perversion. Ce qui peut susciter, de la part de certaines personnes, une agressivité et une violence particulières, redoublées, ou un rejet, à l’encontre de celle ou de celui qui est suspecté(e) d’homosexualité.
J’ai donc compris, que, pour certains de mes collègues actuels, je suis un baltringue; un con; quelqu’un à qui « on ne fait pas confiance » ; quelqu’un qui se « débine » ou se « débinerait » lorsque cela se tend avec un patient ou lorsque cela est susceptible de se tendre. Et que je suis quelqu’un, c’est une certitude pour certains de ces collègues, ou cela l’a été !, que je n’ai rien à faire dans mon service actuel où je travaille, maintenant depuis un peu plus d’un an. Et, cela, malgré plus de vingt ans d’expériences en soins psychiatriques et pédopsychiatriques, de jour, comme de nuit, dans des services intra comme extra hospitaliers où j’ai eu, aussi, à vivre des situations de tension avec des patients et des patientes. Ainsi que certaines confrontations physiques.
Je manquerais de « couilles ». Si on ne l’a pas bien compris. Et si j’ai bien décodé certains messages que m’ont adressé certains de mes collègues assez peu courageux, qui marchent et pensent souvent par deux au minimum.
Je ne compte déja plus le nombre de fois où en me disant bonjour certains de ces collègues virils , et très assurés, ont rapidement évité ou évitent mon regard alors que nous nous retrouvons face à face. Le dégout de ma personne sans doute ou un sentiment proche de la pitié pour l’irrémédiable merde que je suis.
Je serais « trop gentil ». Je « discuterais trop ». Peu importe que, plusieurs fois, cette « gentillesse », cette « discussion » de quelques minutes mais aussi cette « patience » de quelques minutes, aussi, ont déjà permis de désamorcer certaines situations. Dans mon service actuel, avoir certaines aptitudes pour la modération serait plutôt un aveu de faiblesse d’après le point de vue de certains de mes collègues.
Le parallèle avec le livre de Mona Chollet, Réinventer l’Amour ?
Si l’on parle de l’Amour, d’une façon ou d’une autre, on en arrive à parler du Pouvoir sur le corps d’autrui.
Si l’on parle d’Amour, d’une façon ou d’une autre, on en arrive à parler du Pouvoir. Du Pouvoir dont on dispose mais aussi du Pouvoir que l’on peut, ou pourrait, en certaines circonstances, pour certaines raisons, bonnes ou mauvaises, choisies ou involontaires, exercer sur quelqu’un d’autre.
Et si l’on parle d’Amour, même si l’Amour spirituel, parental, filial, cérébral ou platonique existe, on parle aussi, du corps. De ce Pouvoir qu’une personne peut exercer, à qui l’on donne cette autorisation ou cette possibilité, sur notre corps.
Lorsque l’on aime quelqu’un ou lorsque l’on est malade (d’Amour ou d’autre chose), il arrive un moment où l’on se confond avec l’autre. Avec son désir, sa volonté.
Où l’on s’abandonne à lui. Où l’on se confie à elle ou à lui.
Où il arrive un moment, aussi, où, malgré l’intimité ou la proximité, on résiste ou s’oppose. Soit parce-que l’on a peur. Soit parce-que l’on perçoit l’autre comme un agresseur dont on veut se défaire ou se défendre.
Parfois, nous avons encore la possibilité de nous défaire ou de nous défendre de l’autre. Parfois, il est trop tard ou un peu trop tard lorsque nous réagissons :
Les victimes d’un viol, d’une agression, à moins d’avoir été surprises dès le début par leur agresseur (e) ont souvent, au début, laissées celle-ci ou celui-ci s’approcher de leur espace personnel. Elles (les victimes) ont souvent « cohabité » ou « coexisté » un temps avec leur futur(e) agresseur ( e). Que cette agression se répète ou qu’elle soit unique.
Mona Chollet parle-t’elle de cela dans son livre ? Pas de cette façon.
Récemment, j’ai écouté un podcast dans lequel était interviewée l’humoriste Caroline Vigneaux. En l’écoutant, j’ai appris que ses spectacles étaient très documentés (comme pour beaucoup d’humoristes) mais, aussi, qu’elle visait à faire passer des messages.
Parmi ces messages, bien qu’ouvertement féministe, lors de cette interview, Caroline Vigneaux confirmait aussi s’être accrochée violemment- et verbalement- avec des femmes, sûrement des victimes d’agressions, pour lesquelles « Tous les hommes sont des prédateurs ».
S’il est un fait que, le plus souvent, les victimes de viols sont des femmes ( et des enfants filles ou garçons), fermer la boucle par un « Tous les hommes sont des prédateurs » ne permettra pas de….réinventer l’Amour.
J’ai parlé du corps, tout à l’heure. Parler du corps, c’est aussi, bien-sûr, parler de la sexualité. Nous n’avons pas tous le même rapport à la sexualité. Notre rapport à la sexualité peut être différent selon l’âge que l’on a. Selon nos croyances. Selon notre éducation.
Dans mon éducation de petit antillais né en France, la musique et la danse, qui sont des dogmes sociaux et culturels aux Antilles, m’ont indiscutablement préparé ou initié, sans pour autant faire de moi, un Rocco Siffredi antillais, à un certain éveil corporel et sexuel. Danser le Compas et le Zouk dès l’enfance, que ce soit en France et en Guadeloupe, mais aussi voir toutes les générations, des enfants aux grands parents, danser de cette manière lors de festivités (baptêmes, mariages, communions…) permet sans aucun doute une approche assez précoce et concrète de son propre corps comme du corps de l’autre, qui plus est en rythme ( un rythme binaire pour comparer avec le rythme ternaire du Maloya par exemple qui me semble moins dansable à deux) comparativement à une éducation où, à la maison ou en famille, on va écouter de la variété française, du Rock ou de la musique classique.
On a bien sûr une sexualité et un éveil à la sexualité et au corps même lorsque l’on écoute de la variété française, du Rock, de la musique classique, de la techno ou du Rap ou un tout autre genre musical. Autrement, un certain nombre de lectrices et de lecteurs de cet article ne pourraient pas le lire aujourd’hui et demain.
Mais on comprendra facilement, je crois, que lorsque l’on danse « collés-serrés » sur du Zouk ou du Compas, que la composante sexuelle de la musique et de la danse, est facile à détecter de façon implicite ou explicite. Et si, malgré cela, on danse en toute « innocence », certaines paroles en Créole ( pas uniquement du bien connu Francky Vincent ) de certaines chansons nous signalent assez « bien » que la sexualité et le coït sont envisagés. Ou suggérés.
Il y a quelques années, maintenant, un copain enseignant avait voulu traduire en Français, à sa classe, les paroles du tube Angela du groupe Saïan Supa Crew mais dans des termes châtiés. Il m’avait donc sollicité. J’aurais tellement voulu lui rendre ce service mais même en faisant tourner dans ma tête diverses correspondances, j’avais été obligé de lui dire qu’il n’y avait rien à faire :
Si je traduisais, honnêtement, une des phrases phares de la chanson, cela donnait quelque chose comme, sur un air enjoué, « Angela, je vais te défoncer (sexuellement, s’entend) pendant l’absence de ton père ». Ce qui est quand même plus « rentre-dedans » que les sous-entendus de La Sucette à l’Anis composée par Gainsbourg pour la naïve France Gall et que, plus tard (car je suis plus jeune que Gainsbourg et France Gall, aujourd’hui disparus) des mômes de 12 à 13 ans, chantaient avec amusement, et en toute lucidité concernant ces sous-entendus sexuels, dans une des colonies de vacances où je fus assistant sanitaire.
Depuis mon enfance, que je m’en souvienne ou non, j’ai entendu des chansons à caractère sexuel à peine camouflé dans des festivités antillaises. Et j’ai dansé dessus, en toute simplicité, comme la majorité des personnes présentes. Sans y penser plus que ça.
Mais, avant la sexualité, le corps, cela commence par la peau. La peau du nouveau né que l’on a été. Et que l’on est resté d’une certaine façon quel que soit notre âge. Comme une part de notre enfance et de notre adolescence reste en nous, même à l’âge adulte.
La peau, aussi, a une mémoire. Une mémoire surpuissante qui dépasse, je crois, notre intellect et notre raisonnement.
Alice Miller, psychanalyste bien connue, a écrit un livre que j’ai emprunté mais que je n’ai pas encore lu et dont le titre est :
Notre corps ne ment jamais.
Malgré toutes nos expériences, toutes nos prétentions et nos certitudes, toutes nos applications high tech, toutes nos « victoires », tous nos titres et toutes nos conquêtes, je crois qu’il est des vérités incontestables ou assez incontestables comme le titre de ce livre d’Alice Miller.
Que l’on parle de la torture, d’un viol, d’une blessure, d’un traumatisme, d’un harcèlement, d’un burn out, d’un désespoir ou d’un plaisir consenti, il m’apparaît très difficile d’échapper à la vérité de ce titre d’Alice Miller. C’est pourtant une vérité à laquelle, quotidiennement, nous tournons le dos ou que nous ignorons.
Et, sans être psychanalyste, je suis resté marqué par cette découverte que j’ai faite lors de ma formation en massage bien-être il y a quelques années :
Pour asseoir cette formation en massage bien-être, très concrète, je me suis fait masser par différents stagiaires, femmes et hommes de différentes histoires et horizons. Y compris par un homosexuel, à son domicile.
Et j’ai aussi massé des stagiaires en formation massage bien-être comme moi, femmes et hommes. J’ai aussi massé certains de mes proches et moins proches (famille, amis, connaissances).
J’ai appris que quelques personnes, une minorité, en se faisant masser au cours de cette formation en massage bien-être, dans un climat de réelle bienveillance, s’était effondrée en larmes. Des émotions douloureuses, anciennes et ancrées en elles (j’ai plutôt entendu parler de femmes à qui cette expérience est arrivée), aspirées par les mains qui les massaient, avaient en quelque sorte « fracassé » ces barrages mentaux qu’elles soutenaient de toutes leurs forces pour juguler une certaine souffrance intérieure et très forte. Cela pouvait être parce-que, jamais, dans leur enfance, on ne les avait touchées avec une telle « bienveillance ». Ou pour toute autre raison…
De mon côté, je me rappelle de mon effarement en massant deux amis de longue date. Deux amis que je connais depuis le collège. Bien qu’officiellement volontaires tous les deux pour que je les masse, ces deux amis (masculins, donc) se sont révélés particulièrement indisponibles pour profiter du massage.
L’un expliquant à sa compagne (j’étais venu le masser chez eux) un peu comme s’il s’agissait d’aborder un problème de mathématiques, que, pour se faire masser, il « faut se laisser aller ». Pour me montrer, ensuite…comme il avait particulièrement du mal à se laisser aller.
Lorsque l’on se laisse aller lors d’un massage, on peut soit se mettre à pleurer si certaines émotions douloureuses font surface ou, au contraire, se détendre jusqu’à l’endormissement. Et il s’agit d’un endormissement réparateur et très agréable. Même si cet endormissement ne dure que quelques minutes.
Je me demande si j’ai le droit de faire un parallèle pour cet ami, qui est quand même mon meilleur ami, entre le fait qu’il ait eu autant de mal à recevoir mon massage et le fait que lorsqu’il a tenté de faire une thérapie, il a pu dire qu’il ne s’y passait « rien », car ne parvenant pas, j’imagine, à « s’ouvrir » suffisamment ou à se « laisser » aller ou porter…..
J’ignore si le fait que mes deux amis se connaissent a joué. Néanmoins, à plusieurs jours ou plusieurs semaines d’intervalle, le second ami a fait encore « mieux » que le précédent :
Alors que je le massais, chez moi, subitement, cet ami s’est avisé qu’il lui fallait absolument consulter son téléphone portable. Je l’ai donc vu étendre son bras pour attraper son téléphone portable….
Mon propre père a refusé ma proposition de se faire masser. Tandis que ma mère, ma jeune sœur et mon jeune frère se sont faits masser avec plaisir. Mon frère allant jusqu’à rester endormi dix bonnes minutes après la fin du massage.
Lors d’une autre expérience, alors que, dans un centre de plongée et d’apnée en banlieue parisienne, je le massais à même la peau, un moniteur de plongée ( également motard ) celui-ci, plutôt sympathique, et volontaire également, parlait sans discontinuer. Me racontant qu’il avait « déja fait » des massages. S’amusant aussi quant au fait que j’avais peut-être prévu de » la musique indienne » etc….
Il faut savoir que je fais plutôt partie des personnes, qui, lorsqu’elles sont « dans » le massage, en tant que masseur ou massé, entrent dans une sorte de méditation :
Un peu sans doute comme dans la lecture d’un livre ou lorsque j’écris. Il m’est arrivé d’être appelé alors que j’étais en pleine écriture. Et, souvent, la personne que j’ai eue au téléphone a eu l’impression de me réveiller. J’étais tout simplement encore » en moi-même » en répondant au téléphone.
Lorsque je masse, si la personne massée peut « entrer en elle », j’entre aussi en moi-même, tout en étant attentif à la personne que je masse comme au temps que je mets. C’est un voyage à la fois commun mais aussi individuel. Le corps de l’autre et le contact de nos mains reliées bien sûr à notre être, donc, également à notre corps et à notre propre vie intérieure permettent ce voyage.
Dans ces circonstances, être en présence de quelqu’un qui se met à parler pour « meubler » ou sans doute parce-qu’il est finalement mal à l’aise, casse en quelque sorte l’ambiance. Un massage, de mon point de vue, est pour beaucoup un voyage intérieur même si l’on part de « l’extérieur » ( le corps, des mains, de l’huile, un environnement et un moment particulier….).
Néanmoins, ce jour-là, s’il était particulièrement bavard lors du massage à l’huile de son dos, ce « cobaye » moniteur de plongée, qui était déja descendu à soixante mètres et plus profond en plongée bouteille, s’était soudainement tu. Lorsque j’étais ensuite passé à une forme d’étirements et de balancements plus fermes mais aussi plus toniques qui détendent également. J’en avais déduit que c’était cela qui convenait le mieux à cet homme. Un homme que je n’ai jamais revu par la suite car en revenant plus tard, en accord avec le directeur de ce centre aquatique, pour masser et relaxer des plongeuses et des plongeurs volontaires avant leur séance ( et il y’en eut), j’appris que ce moniteur de plongée s’était tué quelques semaines plus tard à moto.
Un autre ami, toujours vivant, lui, que j’ai massé deux ou trois fois, m’avait aussi surpris à chaque fois. Plutôt réservé quant à ses émotions et assez dur au mal, très travailleur, perfectionniste, et plus que reconnu dans sa profession, chaque fois que j’avais commencé à le masser, cet ami s’était mis subitement à me parler – lui qui est plutôt du genre à voir toute forme de thérapie comme une absurdité- et à se confier à moi sans que je ne m’y attende.
Je me rappelle aussi d’une fois, en particulier, où, après l’avoir massé, j’avais « ramassé » beaucoup de ses tensions intérieures.
Enfin, bien-sûr, plus d’une fois, des personnes m’ont dit ouvertement qu’elles voyaient le massage comme un préliminaire à l’acte sexuel. Et que, de ce fait, il était pour elles hors de question que je les masse. Cela a pu prendre des proportions très comiques avec mon beau-frère. Ainsi qu’avec un ami, Raguse.
Alice Miller a donc raison : Notre corps ne ment jamais. Et, selon l’état de confiance et de méfiance, d’attirance ou de répulsion dans lequel on se trouve, on accepte, à tort ou à raison, de s’en remettre à l’autre. Et, il me semble que l’Amour, c’est, à un moment ou à un autre, s’en remettre à l’autre dans une certaine intimité.
Il est courant de considérer qu’une personne nous inspire de la méfiance parce-que son attitude nous apparaît « louche » ou « suspecte ». Et cela peut être vrai. Sauf que l’on parle moins souvent de ces fois où l’on attribue à quelqu’un des défauts ou des vices, mais aussi des qualités extraordinaires, qui existent principalement dans le décor de notre imaginaire.
J’ai plusieurs fois été marqué d’entendre des femmes se plaindre d’histoires malheureuses qu’elles avaient pu connaître avec des hommes. Alors que, parallèlement à cela, ces mêmes femmes avaient pu se détourner ou se montrer impitoyables avec d’autres hommes sincèrement attentionnés à leur égard.
Pas plus tard qu’il y a quelques jours, une interne qui faisait sa dernière garde dans mon service, en tant que stagiaire, me parlait d’une conférence ou d’un colloque où elle s’était rendue et où elle avait eu l’impression de se trouver « dans une secte » :
Un médecin chef (psychiatre, je crois) y était admiré par plusieurs de ses autres collègues médecins. Des femmes, exclusivement. Et, à un moment donné, l’une d’elle, a pris la parole pour s’exprimer sur un sujet donné. Sauf que son point de vue n’a pas été partagé par le médecin chef qui, devant tout le monde (environ une cinquantaine de personnes) lui a dit : « Tu dis n’importe quoi ! ».
La jeune interne qui me racontait ça m’a ensuite appris, médusée, que la femme médecin humiliée en public avait trouvé des circonstances à ce médecin chef qu’elle estimait si « génial ! ».
J’en ai rajouté une couche en disant à cette jeune interne :
Peut-être ou sans doute que toutes ces femmes qui admirent ce médecin chef aimeraient s’autoriser à être comme lui. Et j’ai en quelque sorte conclu en disant que, sans aucun doute, d’ici quelques années, plusieurs de ces femmes médecins diront que travailler avec ce médecin chef a constitué ou aura constitué l’une des meilleures périodes de leur vie professionnelle mais aussi personnelle.
Mona Chollet, dans son livre, Réinventer l’Amour, parle de ces sujets autrement. Avec d’autres exemples. En citant Marlon Brando et Serge Gainsbourg, deux hommes, deux Personnalités et deux artistes, encore adulés. Des modèles pour bien des femmes et des hommes encore aujourd’hui.
Lorsque l’on lit l’ouvrage de Mona Chollet, on rit jaune en découvrant l’envers du décor conjugal de Marlon Brando et Serge Gainsbourg. Pareil pour Miles Davis, mon musicien préféré malgré ce que je savais déja de lui en tant que père plus qu’absent et déplorable.
Dans le livre de Mona Chollet, cela m’a fait rire de lire ce passage où Miles, jaloux et paranoïaque, persuadé qu’un rival amoureux se cachait à la maison, s’est mis à dévaler les escaliers, un couteau de cuisine à la main.
Je peux me permettre de rire, d’une part, parce que Cicely Tyson, je crois, sa compagne de l’époque, est toujours en vie. Mais, aussi, parce-que, plusieurs années après la mort de Miles (en 1991, la même année que Serge Gainsbourg) Mona Chollet nous apprend dans son livre que Cicely Tyson affirme encore que Miles est « son homme ».
La grande chanteuse de Blues, Billie Holliday, finalement, ne chantait pas autre chose. Et Edith Piaf ?
Je peux rire jaune concernant Miles et son couteau de cuisine. Pourtant, concrètement, il y a à peine deux semaines, avec deux de mes collègues, nous avons transféré un homme, dans un service d’hospitalisation en psychiatrie, parce-que, Monsieur, après avoir pris de la cocaïne avec sa compagne, et chez elle, a commencé à être persuadé que quelqu’un se cachait dans l’appartement. Et que celle-ci lui mentait. Alors, Monsieur a violenté sa compagne, a confisqué ses deux téléphones portables. Il a fallu l’intervention de la police, appelée par des voisins, pour sortir la compagne de cet embarras. Lors du transfert, que nous avons effectué de nuit, après une nuit passée par ce patient dans notre service, ce Monsieur ne m’a pas semblé plus culpabilisé que cela concernant son comportement. Il ne m’a pas non plus donné l’impression de douter plus que cela de pouvoir renouer avec sa compagne. Laquelle, si elle avait confirmé les faits devant la police, avait refusé de porter plainte contre lui.
Cette ambivalence toute autant féminine que masculine vis à vis de l’Amour permet de s’apercevoir que le livre de Mona Chollet traite d’un sujet bien plus sérieux et difficile qu’il n’y paraît. Et Mona Chollet a fourni un gros travail de recherche. Son livre est facile et agréable à lire. J’ai aimé la façon, dont, par moments, elle entremêle, sans trop en rajouter, des bouts de ses expériences personnelles qui complètent son livre et en font un objet à cœur ouvert qui tranche avec ces livres pleins de dialectiques alambiquées et théoriques.
J’ai aussi aimé toutes ces références qu’elle nous donne en termes d’ouvrages ou de personnalités portées sur ce sujet des relations entre les femmes et les hommes. C’est en lisant ce livre que j’ai ainsi découvert Victoire Tuaillon dont j’ai emprunté le livre Les Couilles sur la Table que je n’ai pas encore lu. Préférant d’abord lire Retour de flammes ( les pompiers, des héros fatigués ?) de Romain Pudal dont le titre peut faire penser que j’ai eu besoin de me rassurer en me réfugiant dans un sujet « bien viril » alors que, finalement, je trouve que plusieurs caractéristiques des valeurs que l’on trouve chez les pompiers convergent très bien avec ce que je vis- en partie- dans mon service actuel. Et, donc, avec le sujet du livre de Chollet.
Mona Chollet, dans ce livre-ci, parle aussi de l’image de la femme. Des contraintes vestimentaires que la femme peut s’infliger pour plaire. Dans cet article, j’ai inséré des photos- très courantes- de publicités montrant des femmes dénudées. Ces photos ont plu à mon regard tant d’un point de vue esthétique qu’érotique. Mais il m’a semblé que parler du livre de Mona Chollet en l’illustrant, aussi, avec ces photos, peut aussi permettre de se rappeler du monde dans lequel nous vivons comme de la façon dont, souvent, des jeunes femmes, nous sont présentées. Même si, par ailleurs, pour ma part, je sais très bien que je ne rencontrerai jamais, dans la vraie vie, des femmes aussi avantagées physiquement. Et même si cela arrivait, cela ne suffira pas forcément pour devenir intime avec elles ou « amis ».
On dira donc que je regarde ces photos pour « l’art », car ce sont souvent de belles photos ainsi que pour le plaisir des yeux. Et qu’en lisant un ouvrage comme celui de Chollet, je m’aperçois un peu plus de ce que ces mêmes photos peuvent avoir de brutal et d’oppressant pour l’identité de certaines femmes. Et, évidemment, en tant que père d’une fille, je m’inquiète sans doute aussi un peu plus de la portée de ce genre de clichés photographiques, quasi-pornographiques, sur certains enfants mais aussi sur d’autres personnes plus âgées.
A propos de la pornographie, on peut peut-être lire cet article que je découvre de plus en plus lu sur mon blog : Brigitte Lahaie en podcast . Un article que j’avais écrit au mois de Mai de l’année dernière.
Mais j’ai néanmoins bien parlé de l’ambivalence « autant féminine que masculine » vis à vis à de l’Amour.
L’ambivalence « autant féminine que masculine » vis à vis de l’Amour :
Certaines œuvres, comme certaines rencontres ou expériences, nous marquent encore plusieurs années plus tard.
Le film Mystic River de Clint Eastwood fait partie de ces œuvres et expériences pour moi. A la fin du film, nous savons que Sean Penn, a été persuadé que son ami d’enfance, interprété par l’acteur Tim Robbins, est celui qui avait assassiné sa fille.
Alors, Sean Penn, devenu, adulte, plus ou moins un caïd dans son quartier, a fait « avouer » à son ancien ami d’enfance que c’est bien lui qui avait assassiné sa fille ( la fille de Sean Penn). Une fois que l’ami d’enfance ( Tim Robbins), brutalisé et intimidé par Sean Penn et ses hommes, a « avoué », Sean ( qui porte bien-sûr un autre prénom dans le film) applique ce qu’il considère être la justice d’un père vengeant l’assassinat immonde de sa fille . Et il exécute son ami d’enfance. Car les « aveux » de celui-ci ont balayé ses derniers doutes.
Pourquoi Sean Penn croit-il plausible que son ami d’enfance ait pu assassiner sa fille ? Parce-que, plus jeunes, alors que Sean Penn, Tim Robbins et Kevin Beacon, jouaient ensemble dans leur quartier, le jeune Tim, perçu, en le regardant, comme le plus fragile psychologiquement du trio, avait été kidnappé par deux adultes se déplaçant en voiture. Puis violé.
Ce qui veut dire qu’un prédateur ne choisit pas n’importe quelle proie. Et qu’une fois que l’on a été la proie ou la victime de quelqu’un, qu’il peut rester en nous, la trace de ce passé qui peut être retrouvée- et utilisée- par quelqu’un d’autre. Si, entre-temps, on n’a pas appris à se défendre en cas d’agression ou à mieux reconnaître, et plus vite, de véritables agresseurs et prédateurs, lorsqu’il s’en présente.
On peut être un homme et avoir été, plus jeune, le souffre-douleur attitré de certaines personnes parce-que l’on a été identifié comme celui qui est « faible » ou qu’il est facile de malmener pour s’amuser. C’est ce que j’ai compris lorsque le combattant français Patrice Quarteron, né en 1979, dont je découvre le surnom « Le Rônin sombre », pratiquant du Muay Thaï, a pu dire dans une interview que, plus jeune, malgré ou à cause de sa grande taille, qu’il était souvent celui que l’on venait frapper. Quarteron allant, alors, jusqu’à ironiser en se remémorant ce passé en disant quelque chose comme :
« C’était drôle, c’était toujours Patrice Quarteron que l’on venait frapper…. ». On revenait « toujours » le frapper, comme on revenait souvent frapper à une même porte, parce qu’à cette époque, révolue, Quarteron était « connu » comme celui sur lequel on pouvait facilement venir se défouler. Pour faire passer le temps.
Comme on peut le faire pour certaines femmes sexuellement ou physiquement. Ou, sur certains enfants.
Dans Mystic River, face aux trois jeunes garçons dont les personnages sont joués, adultes, par Sean Penn, Tim Robbins et Kevin Beacon, les deux hommes prédateurs, âgés d’une quarantaine d’années, établissent que le « jeune » Sean Penn est un dur à cuire qui va leur donner du mal. Et que le « jeune » Kevin Beacon est trop malin. Cela semble se « voir » ou se deviner en regardant ces trois jeunes garçons qui doivent avoir alors 12 ans tout au plus.
Alors, les deux prédateurs se rabattent sur le « jeune » Tim Robbins. Le plus docile, le plus vulnérable et sans doute aussi le plus poli et le plus gentil. Celui qui est, ici, trop pétri de bonnes manières. Celui, qui, plus tard, sans doute aurait été un homme galant, attentionné etc est celui qui est sacrifié.
Etant donné que les apparences peuvent être trompeuses, les deux prédateurs auraient pu tomber sur un jeune « Tim », finalement bien plus combattif qu’ils ne l’avaient cru. Mais il se trouve que le jeune « Tim » s’est révélé être la victime « idéale » pour ces deux hommes. Peut-être du fait de leur déja grande « expérience » mais aussi de leur instinct de « chasseurs ».
A la fin du film Mystic River, Sean Penn apprend qu’il s’est trompé sur son ancien ami d’enfance. Et que celui-ci n’était pas l’assassin de sa fille. Sean Penn a alors un moment d’effondrement face à sa femme. Et, là, celle-ci, le « remonte » et lui dit, ou plutôt lui assène, qu’il a fait ce qu’il fallait faire ! Qu’il s’est comporté comme un chef de tribu doit le faire ! Nous avons donc, là, une mère, et une femme, qui considère qu’un homme, en tant que chef de famille, même s’il se trompe, doit être capable de s’imposer physiquement et de tuer pourprotéger ou défendre sa famille. Nous sommes donc ici très loin du discours selon lequel il est attendu d’un homme qu’il soit aux petits soins avec sa femme et sa progéniture ; qu’il fasse des bons petits plats ; qu’il invite sa femme au restaurant, lui déclame des poèmes, change les couches des enfants, aille faire les courses et participe aux tâches ménagères comme aux devoirs scolaires des enfants etc….
Parce-que, même si un homme peut cumuler certaines aptitudes domestiques avec celles d’un Sean Penn dans Mystic River, il m’apparaît peu plausible qu’un même homme puisse et à la fois être l’équivalent d’un Sean Penn dans Mystic River mais, aussi, être un compagnon doux et attentionné selon certains critères d’égalité officiels entre les femmes et les hommes, et qu’il soit recherché pour cela par la majorité des femmes.
Il me semble que tout en recherchant plus d’égalité avec les hommes, que bien des femmes vont préférer avoir un Sean Penn tel qu’il est dans Mystic River soit comme amant, soit pour mari et père de leurs enfants. Tandis que d’autres femmes ne pourront pas accepter de vivre avec un homme pareil car elles se sentiront incapables de « rivaliser » ou avec lui ou ne pourront pas le « maitriser » ( le dominer)….
Je me rappelle qu’il y a plusieurs années, un ami guadeloupéen, né en Guadeloupe et y résidant toujours, m’avait dit qu’il était du genre romantique. Et qu’il s’était vite aperçu qu’il ne correspondait pas du tout au type d’homme recherché par les femmes du pays.
Il s’est ensuite marié avec une Polonaise avec laquelle il vit en Guadeloupe depuis des années avec leurs enfants.
Dans un podcast écouté récemment, dans l’émission Les pieds sur terre, une jeune femme raconte comment elle aime soumettre les hommes. Peu m’importe qu’elle soit adepte de relations BDSM dès l’instant où celles ci sont consenties entre adultes. Ce qui m’a dérangé, c’est que cette femme a ouvertement dit être attirée par des femmes plutôt que par des hommes. Et, je n’ai pu m’empêcher de voir de la perversion et une très grande satisfaction personnelle de sa part dans ce qui, pour moi, était le contraire absolu d’unerelation. Même si les hommes qu’elle soumettait étaient et sont consentants. Car pour qu’il y ait Amour, il faut déjà qu’il y ait un minimum de relation entre deux personnes. Ce qui implique, à mon avis, une certaine égalité, à un moment donné. Si l’on parle d’une relation. Alors que dans le témoignage de cette jeune femme, assez contente d’elle, je ne voyais pas où était cette égalité et cette réciprocité. Cette jeune femme racontait simplement comment elle prenait son pied à humilier et à soumettre avec le consentement de « ses » hommes.
Enfin, dans un autre podcast, une femme raconte qu’à un moment de sa vie, elle avait besoin de faire l’Amour tous les jours. En changeant de partenaire régulièrement. Pourquoi pas ? Sauf que sa libido n’était pas au rendez-vous et elle s’est demandée comment elle pouvait y remédier. D’où son podcast dans lequel elle raconte comment elle s’y est prise pour accroître sa libido. Ce faisant, elle a entendu parler de la poudre de Maca qui, sur elle, a eu peu d’effets. Alors que, toujours dans ce podcast, elle interviewe une femme pour qui la poudre de Maca a eu l’effet aphrodisiaque recherché.
J’en profite pour dire que, depuis, je suis allé acheter de la poudre de Maca. Non pour gonfler ma libido. Mais parce-que je me sens fatigué en ce moment et que j’ai découvert, grace à ce podcast, que la poudre de Maca pouvait faire du bien lorsque l’on est fatigué. J’en suis à trois jours de prise quotidienne à raison d’une cuillère à café le matin et j’ai tendance à confirmer pour l’instant les propriétés requinquantes de la poudre de Maca. Et tant mieux, car ces 200 grammes de poudre de Maca m’ont quand même coûté près de 30 euros !
Par contre, alors que j’écoutais ce podcast centré sur la recherche de moyens pour maintenir ou remettre une libido à flot, j’ai été étonné que la personne autrice de ce podcast oublie, selon moi, l’essentiel :
Le but est d’avoir une remontée de libido ? Alors, peut-être faut-il d’abord commencer par avoir une relation sincère avec quelqu’un et s’attacher à cette personne. Cela me semble aussi simple que cela. Et je crois – ou espère- que le livre de Mona Chollet va aussi dans ce sens-là. Même si, comme on s’en doute, le sujet de l’Amour peut durer une vie entière.
« Pour défendre une cause, l’avocat met sa robe, la femme l’enlève ».
En Guadeloupe, j’étais à peine adulte lorsque j’avais lu cette phrase chez quelqu’un. J’ai oublié chez qui. Mon père nous faisait rencontrer tellement de monde. Et nous existions si peu. C’était lui qui parlait et qui nous menait là où bon lui semblait. C’était son territoire.
J’ai retenu la phrase. Notre mémoire est notre territoire. Et c’est à nous de le défendre, avec ou sans robe.
Pour parler de l’humoriste Caroline Vigneaux, il était facile pour moi de me rappeler de cette phrase.
Je n’ai jamais vu Caroline Vigneaux sur scène. J’ai à peine vu un ou deux de ses sketches. Mais je sais qu’elle a été avocate. En écrivant cet article, je me rappelle, qu’enfant, j’avais pu tenir à défendre quelqu’un d’autre. Et, qu’est-ce qu’un soignant, si ce n’est quelqu’un, qui, d’une façon ou d’une autre, à un moment ou à un autre, essaie, aussi, de défendre quelqu’un d’autre qu’elle-même ou que lui même ? Ou peut-être, aussi, de défendre une mémoire.
« Pour défendre une cause, l’avocat met sa robe, la femme l’enlève ». La phrase est assez misogyne. Et pas toujours vérifiable. Mais je la garde quand même.
Alors, j’ai écouté ce podcast, tout à l’heure :
Caroline Vigneaux : d’avocate à la scène de l’Olympia, dans l’émission Hors-piste, sur France Inter, où ce 24 avril 2022, Caroline Vigneaux est interviewée par Thomas Sotto.
Les humoristes, d’une façon générale, me font l’effet de personnes qui, souvent, en font -et soulèvent- des tonnes pour faire rire. C’est un travail ardu. Autant faire rire me plait, autant devoir constamment faire rire, devoir être souvent drôle, est pour moi l’équivalent d’un supplice. Sans oublier le fait de passer pour le petit rigolo de service.
Provoquer le rire, dépendre du rire des autres, quel risque ! Mais quelles aventures personnelles ! J’admire chez les humoristes au moins cette capacité imaginative que l’on perd à mesure que l’on se « range » afin d’éviter d’être jugé.
Dans ce podcast, Caroline Vigneaux parle de son premier bide sur scène devant….4000 personnes. Et d’une de ses premières télés où une personnalité médiatique l’a séchée en lui affirmant : « Vous êtes trop belle pour faire rire ! ». Des trois semaines, ensuite, durant lesquelles elle est restée chez elle « en position fœtale ».
J’aurais aimé avoir l’indulgence de ce producteur qui, ensuite, l’a prise dans ses bras pour mieux l’inciter à remonter sur scène.
Dans ce podcast, Caroline Vigneaux parle aussi de sa décision de quitter son emploi, très bien payé, d’avocate pour l’inconnu de la carrière d’humoriste. Son interview peut être prise comme une incitation au développement personnel.
Je me suis dit que ce serait bien, en passant, d’écrire un article-même court- sur Caroline Vigneaux. En attendant d’aller la voir, elle et d’autres sur scène. Un jour.
En plus, pour écrire cet article, j’ai écouté de la très bonne musique :
Le titre Hotter Than Hot de High Tone et Zenzile feat Rod Taylor.
A Osny, dans le Val d’Oise, avril 2022, avant le premier tour des élections Présidentielles.
Les élections présidentielles de 2022 : « les gens ne se supportent plus ! »
« Les gens ne se supportent plus ! ».
C’est cette phrase que j’ai retenue de cet homme croisé lors du premier tour de ces élections présidentielles de 2022. Parti voter le matin avant de partir travailler, je croyais arriver le premier au bureau de vote. Cet homme était déjà là.
Ensemble, nous avons discuté un peu. Il m’a raconté. La vie à Argenteuil s’était dégradée. Il aurait aimé partir vivre dans le sud de la France mais c’était impossible. Du côté de St Raphaël, je crois. Le prix de l’immobilier et les problèmes de santé de sa femme s’opposaient à ces projets.
Retraité, il avait pourtant le pied ferme et avait deux ou trois voitures. Dont au moins une de sport.
Je l’ai écouté. Lorsqu’il a appris que j’allais travailler, et aussi parce-que j’ai plaisanté en lui disant que « j’espérais » être le premier à voter, cet homme m’a très obligeamment laissé passer le premier.
Les gens ne se supportent plus….
Emmanuel Macron a donc été réélu comme les sondages le pronostiquaient.
Emmanuel Macron, le « Kennedy » de France, pour son jeune âge et son aisance de CSP+ à s’exprimer devant les média. Emmanuel Macron qui présente bien. Emmanuel Macron qui a donc fait mieux que Nicolas Sarkozy et François Hollande, « seulement» élus, avant lui, une fois Président de la République.
Emmanuel Macron, le plus jeune Président de France, même pas quinquagénaire, qui aura fait presque aussi « bien », en termes de réélection, que François Mitterrand et Jacques Chirac.
A Paris, dans le 3 ème arrondissement, avril 2022, avant le second tour des élections Présidentielles 2022.
Emmanuel Macron, qui, deux fois de suite, aura été réélu face à Marine Le Pen, fille de son père, Jean-Marie Le Pen (ex-Président du Front National) et tante de Marion Maréchal-Le Pen, revenue de son « congé parental » pour s’allier à Eric Zemmour, le trouble fête mais aussi le puissant lubrifiant politique – et médiatique- de ces derniers mois en France contre lequel un peu tout le monde (politiques et journalistes) a voulu s’essayer. ( lire aussi Vivre au temps du Covid avec Eric Zemmour ).
A Paris, près de la Madeleine, avril 2022, avant le premier tour des élections présidentielles 2022. En couverture de L’Incorrect, à droite, Eric Zemmour, à gauche, Marion Maréchal- Le Pen. Tout à gauche, une publicité pour la marque Chanel.
Eric Zemmour, aujourd’hui, et ses partisans, seraient déçus du fait de ces 7 % de vote obtenus. Eric Zemmour, aujourd’hui, tenterait de se refaire auprès de Marine Le Pen qu’il avait su plastiquer verbalement comme il sait plastiquer sur un plateau de télé.
Mais je trouve que c’est beaucoup, 7 pour « sang » pour un homme dont c’était la première participation à des élections Présidentielles. Pour un homme qui a fait beaucoup mieux que Valérie Pécresse dont le véritable slogan de campagne plutôt que « Le courage de faire » était peut-être… le courage de perdre.
Paris, avril 2022, Bd Raspail, avant le premier tour des élections présidentielles 2022.
Je ne me suis pas encore remis du fait qu’une femme politique expérimentée, et d’un très bon milieu socio-culturel, comme Valérie Pécresse, a pu racler autant d’absurdités lorsqu’elle s’est exprimée. Du genre :
« Du bon vin et un bon bœuf charolais, c’est ça la France que j’aime ».
Afin de draguer la supposée « France profonde » qui serait forcément xénophobe – et aussi très bête- et qui constituerait le corpus de l’électorat de Eric Zemmour et de Marine Le Pen.
Il m’a fallu du temps pour l’admettre avant qu’il ne soit élu Président en 2007, mais Nicolas Sarkozy a une habilité et une lucidité politique indiscutables. Et il a été évidemment bien avisé de se retenir de soutenir « Valérie ». On parle beaucoup de la campagne pathétique d’Anne Hidalgo, la candidate PS et maire de Paris, mais entre «Valérie » et « Anne », je ne sais laquelle est la meilleure athlète du pathétique :
« Ensemble, changeons d’avenir ». On dirait une réclame pour un régime alimentaire.
Avril 2022, à Paris, Bd Raspail, avant le premier tour des élections présidentielles 2022. Oui, qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?!
Les gens ne se supportent plus….
Le passage de Christiane Taubira dans la campagne présidentielle m’a fait l’effet d’une page de pub. Comment faire parler de soi alors que l’on a été Ministre de la Justice (poste dont on avait démissionné après d’autres ) du Président socialiste François Hollande sans prendre trop de risques ?
On se présente en rassembleuse puis on s’en va dès que l’on comprend que le miracle n’aura pas lieu mais aussi que l’on n’est pas si désirée que cela dans les lieux. Et on se fait passer pour une femme politique libre et indépendante. Pour rassembler ou démissionner.
Les termes « rassembler », « Union » sont beaucoup utilisés en politique. Dans le monde du travail, on remplace ces termes par « la mutualisation des moyens » et cela a souvent les mêmes effets : on se débarrasse de celles et ceux qui déplaisent et qui sont trop isolés ou trop vulnérables pour résister ou contre-attaquer.
Près de la gare d’Osny, avril 2022, avant le premier tour des élections présidentielles 2022.
Je m’explique le vote aussi « haut » de Mélenchon par le fait qu’il a capté le vote des musulmans de France irrités par les propos anti-voile ou d’autres termes désobligeants envers l’Islam associant Islam et islamisme. Je m’explique aussi son résultat par les suffrages qu’il a obtenus dans les « îles » et auprès de diverses minorités, culturelles, économiques et sociales. Son punch, ses aptitudes oratoires mais aussi son bon sens du rythme démagogique l’ont rendu plus séduisant que les élites lustrées et abstraites du parti socialiste qui, lifting après lifting, liposuccion après liposuccion, ne ressemblent plus à rien. Même si certains « pharaons » du parti socialiste disposent d’une baraka de survivant hors du commun.
La dernière fois que j’avais aperçu Manuel Valls, il terminait son Footing. Je l’avais vu arrêté, transpirant, au bord de la route du côté du quai Anatole France, pas très loin du musée d’Orsay. Je l’avais reconnu en passant devant lui à vélo sur la piste cyclable. Je m’étais dit :
« C’est Manuel Valls ! ». Il était concentré. Sérieux. Le sérieux de l’homme qui croit à son retour et le prépare.
C’était plusieurs mois avant le début des élections présidentielles. Il essayait de «rebondir ». A cette époque, on ne le voulait pas dans le gouvernement Macron. Mais il a su manifestement rebondir au point de se rendre acceptable lors de cette campagne électorale.
Je suis sans doute dur avec Manuel Valls mais je crois que si Marine Le Pen avait été élue et lui avait proposé un Ministère, qu’il aurait été parfaitement capable de l’accepter et d’affirmer qu’il fait ça avant tout pour son amour de la France !
Il faudrait donc presque remercier Emmanuel Macron, en étant réélu, d’avoir sauvé Manuel Valls deux fois. Une fois pour lui avoir permis de revenir dans le cercle présidentiel. Une seconde fois pour l’avoir…sauvé des mélodies de sirène de Marine Le Pen.
J’ai pris le temps de regarder une heure, en replay, du débat télévisé de 2022 entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron. Dès le début, j’ai vu une femme politique battue et traumatisée. Par le précédent débat télévisé…de 2017. J’ai tendance à penser que depuis des années la famille Le Pen fait sa thérapie familiale aux frais du contribuable. Mais aussi qu’elle se livre à une sorte d’émission de télé-réalité politique qui avait devancé toutes les émissions de télé réalité que nous avons connues depuis.
Mais concernant Marine Le Pen face à Emmanuel Macron, lors de ce débat de 2022, j’ai envie de dire qu’un trauma, ça se soigne en allant voir un thérapeute. Afin de faire le deuil de certains ambitions ou prétentions ou aspirations.
Car si j’ai vu une femme politique battue dès les premières minutes de ce débat de l’entre deux tours des élections présidentielles de 2022, j’ai aussi vu un moineau face aux serres d’un rapace.
Le moineau ou la souris, Marine Le Pen, avait beau sourire pour donner le change et lâcher quelques coups de bec ou de griffe ( «Si je suis une climato-sceptique, vous, vous êtes un climato-hypocrite… ») hérités de papa Jean-Marie, le rapace Emmanuel Macron, n’a pas eu à s’inquiéter d’une quelconque mort subite. J’ai même eu l’impression qu’Emmanuel Macron était amusé autant qu’abasourdi, que lui, le si brillant Emmanuel Macron, se retrouve « seulement » face à une adversaire de cette taille.
Emmanuel Macron a-t’il été « bon » dans ce débat ? Lorsqu’on le voit et qu’on l’écoute, durant cette première heure, il sait être convaincant et est bien plus crédible que Marine Le Pen.
Beaucoup trop facilement.
Marine Le Pen est tellement mauvaise que même lorsqu’on l’a envie d’être d’accord avec elle (comme lorsqu’elle parle par exemple des infirmières « licenciées » pour cause de non vaccination contre le Covid), elle passe à côté et, en face, Emmanuel Macron, réussit à esquiver, à se faire passer pour un grand architecte social. Et à marquer le point.
On dirait Djokovic ou Nadal jouant au tennis face à Borg, aujourd’hui. Ce n’est plus la même façon de jouer, ce n’est plus la même surface, ce n’est plus le même matériel, ce n’est plus la même préparation physique et plusieurs filets d’années les séparent. Pourtant, à peine dix années d’existence séparent Marine Le Pen d’Emmanuel Macron. Et, question formation politique, Marine Le Pen a plutôt été « entourée » bien plus tôt qu’Emmanuel Macron.
En regardant ce débat, j’ai aussi eu l’impression de voir une déléguée syndicale, Marine Le Pen, face à un grand Patron, Emmanuel Macron. On a beau vouloir faire descendre ce jeune grand patron tête à claques de son piédestal et lui remettre les pieds sur terre, la « déléguée syndicale » qu’est alors Marine Le Pen s’y prend si mal qu’elle n’a aucun poids mais aussi aucun mérite :
Son succès électoral aussi important qu’inquiétant dans « les îles » ( environ quarante ans plus tôt, une population guadeloupéenne remontée avait empêché Jean-Marie Le Pen de débarquer à Pointe à Pitre) , dès le premier tour, tient à mon avis autant au mauvais vécu de l’obligation vaccinale contre le Covid et du passe sanitaire qu’à un rejet anti-Macron viscéral. Et social.
Dans ce nouveau débat, pourtant, une nouvelle fois, cette absence de mérite de Marine Le Pen se ressent, alors qu’elle est parvenue, grâce au vote de millions de Français, sans trop forcer, à obtenir un tête à tête privilégié avec le grand Patron qu’est devenu Emmanuel Macron.
J’aurais évidemment préféré un face à face entre Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon. Ou, au pire, avec Valérie Pécresse. Emmanuel Macron aurait sans doute été réélu malgré tout mais, pour une fois, il aurait reçu des vrais coups. Et aurait pris bien plus au sérieux les arguments de son opposante ou de son opposant.
Paris, avril 2022.
Mais, pour cela, il aurait fallu que les femmes et les hommes politiques français s’améliorent et arrêtent de se comporter en rentiers ou d’improviser.
Pour moi, une Marine Le Pen peut se permettre, sans beaucoup forcer, d’être pour la seconde fois de suite au deuxième tour des élections présidentielles parce-que les femmes et les hommes politiques de France sont mauvais. Pour moi, un Eric Zemmour peut se faufiler comme il l’a fait et obtenir « seulement » 7 pour 100 de votes dès sa première candidature parce-que les femmes et les hommes politiques de France sont mauvais. Pour moi, un Emmanuel Macron a pu se faire élire en 2017, certes, parce qu’il a eu des appuis conséquents, parce qu’il a eu du flair, de l’audace mais aussi parce qu’en face, les candidats étaient déjà mauvais ou court-circuités.
La même Marine Le Pen qui fustige le « système » et les élites politiques françaises, jouit, comme son père, à la fois des failles du système politique français, du mauvais niveau des femmes et des hommes politiques de France qui se trouvent au premier plan, mais aussi des privilèges financiers (et autres) du « système ». Et c’est pareil pour Eric Zemmour.
Si François Mitterrand a, de son vivant, fait en sorte de désunir la descendance politique socialiste qui aurait pu ou dû, avantageusement, rassembler un peu- ou mieux- la société française, je me demande quelle femme ou homme politique, Jacques Chirac mais aussi Nicolas Sarkozy, ensuite, ont empêché d’éclore. Alors que cette femme ou cet homme politique aurait pu faire vraiment du bien à la politique sociale française.
Face A La Mer- un film de Ely Dagher au cinéma le 13 avril 2022
« Rien n’est trop difficile pour la jeunesse ». Jana, la vingtaine libanaise, le sait.
Pourtant partie à l’étranger faire des études dans une école d’art « huppée », la voilà qui revient au pays alors que tout se passait bien, « là-bas ». En France.
Si les premières vues aériennes du Liban ( à Beyrouth) m’étonnent un peu, j’ai aimé la façon dont notre regard découvre Jana (l’actrice Manal Issa qui la porte très bien) la première fois. Jana sort de l’aéroport, seule, un peu telle une égarée, un simple petit sac à dos à la main. Après que l’on ait vu un homme enlacer des proches lors de retrouvailles puis les emmener dans sa Mercedes blanche.
On pourrait penser qu’il est arrivé « quelque chose » à Jana. C’est d’ailleurs ce que pensent ses proches (ses parents, son oncle maternel, son ex petit ami, Adam) qui, à la fois contents de la revoir, essaient de cerner la raison pour laquelle elle est revenue.
Je ne connais pas le Liban. Et encore moins Beyrouth. Mais j’ai connu, un peu, une Libanaise d’origine syrienne. Et, je suis allé passer quelques jours en Israël il y a quelques années. Israël, le pays « ennemi », n’est pas mentionné dans le film. Même si, furtivement, la guerre et d’autres catastrophes ( un tsunami) figurent dans le casting probable du Liban décrit comme un pays fermé malgré son accès direct à la mer qu’il transforme en poubelle.
Devant Face à la mer, je n’ai pas pu m’empêcher de penser que la vitalité de certaines villes d’Israël ( Tel Aviv…) aujourd’hui est peut-être celle qu’a connue le Liban et qu’il ne parvient pas à retrouver. Les habitants du Liban se souviennent encore de cette vitalité. Sauf, qu’entretemps, ils sont devenus les pilotes vivants d’une Nation désormais sans destination.
En passant Jana, l’héroïne de Face à la mer, au travers du tamis de ses parents, d’un oncle maternel et de son ex-petit ami, le réalisateur Ely Dagher nous montre au moins trois couches de la société libanaise. Dans chacune de ces couches, on trouve un attachement forcené au Liban même si celui-ci continue de disparaître. Une activité et une certaine vie sociale sont entretenues mais elles font partie du décor.
Jana ( l’actrice Manal Issa) et sa mère Mona ( l’actrice Yara Abou Haidar).
Jana est celle qui avait quitté ce décor. Des parents inquiets pour elle. Un père ( l’acteur Rabih El Zaher) sans travail et qui se demande si le travail existe encore au Liban. Une mère (l’actrice Yara Abou Haidar) féministe, traditionnaliste et dépendante. Un frère à Dubaï qui semble heureux de son sort et que Jana ne cherche pas à contacter. Un oncle maternel ( l’acteur Fadi Abi Samra) assez inquisiteur qui reproche à Jana d’avoir eu des rêves. Ou d’avoir échoué à les réaliser surtout d’un point de vue financier. Un ( ex) petit ami ( l’acteur Roger Azar) qui fait comme si la vie continuait.
Dans Face à la mer, le Liban est un pays où le pire devait être temporaire mais persiste. Donc, tout le monde fait malgré tout. Car il n’y a rien d’autre que l’on puisse faire. Jana est celle qui est lassée de ça. Mais elle essaie de s’étourdir et d’y croire encore une fois.
Jana ( l’actrice Manal Issa) et son petit ami, Adam ( l’acteur Roger Azar)
Paris, 13 ème arrondissement. Dimanche 27 mars 2022 en allant au Spot 13.
En musique, j’écoute de tout : Erykah Badu, une Angela Davis qui chante
Au travail, il arrive que l’on « discute » de certaines actualités entre collègues. Les avis sont assez tranchés le plus souvent. Je ne prends pratiquement plus part à ce genre de discussions.
D’abord pour me mettre en retrait. Mais, aussi, parce-que je trouve que ce genre de discussions est de l’énergie gaspillée. C’est brasser de l’air. Peu importe ce que nous pensons du Président Poutine et de sa décision d’envahir l’Ukraine ce 24 février 2022 ! Cela ne changera rien. Bien-sûr, nous pouvons être tristes ou en colère. Ou inquiets. Mais affirmer qu’il faut faire ceci, qu’il faudrait faire ceci ne changera rien. Personne ne nous demande notre avis. Alors que nous pouvons être là, à tenir l’équivalent de ces discussions de comptoir ou de bar. Ou entre amis. Sans lendemain. Sans effet pratique sur notre vie ou sur celle du voisin. Sauf, peut-être, pour finir par nous disputer. En vain.
A moins de nous radicaliser.
Cette nuit, au travail, je n’étais pas en voie de radicalisation. Un de mes collègues avait laissé de la musique sur Youtube sur un des ordinateurs. Des tubes des années 60 et 70. Il y avait les Bee Gees, par exemple, Village People….
A la place, je me suis mis à écouter et regarder un concert d’Erykah Badu.
https://youtu.be/2VH0GNuBNgE
Comme je l’ai expliqué à Chamallow qui passait par là, et a donc regardé un peu, alors que nous attendions une nouvelle admission, Erykah Badu faisait plus parler d’elle dans les années 2000. Et, je l’écoutais comme d’autres chanteuses noires américaines de ces années-là : Macy Gray, Kelis….
Badu n’était pas celle que j’écoutais le plus. Mais je la « connaissais ». Je savais qu’elle avait une aura particulière. Qu’elle était militante. Sans bien comprendre ce qui la rendait si différente des autres.
Je me rappelle, dans un documentaire ( Rize, je crois, réalisé en 2005, par David LaChapelle) de l’attention/tension qui avait précédé son arrivée sur scène.
Puis, assez vite, une fois sur scène, j’avais trouvé que, finalement, Erykah Badu, ce n’était pas si fort que ça.
A cette époque, j’étais sans doute beaucoup « dans » Miles Davis, Björk, Me’shell Ndégeocello, Sinéad O’Connor, Massive Attack ou Jean-Michel Rotin et d’autres artistes. De dub, y compris. Cela me parlait en priorité.
Erykah Badu, c’était « plus » la génération de ma sœur ou de mon frère, plus jeunes que moi. Plus dans le Rap. Même si Badu chante bien plus qu’elle ne rappe. Et ses codes de femme noire militante devaient sans doute me rappeler, aussi, vaguement… Angela Davis.
Mais une Angela Davis qui chante. Or, j’étais, alors, moins, dans la fascination que j’avais pu avoir, lycéen, pour les Black Panthers, Nelson Mandela, Malcolm X, Martin LutherKing. Et Badu, sans doute, s’alignait à la suite de ces figures, féminines et masculines (la coupe Afro de Badu à la suite de la coupe Afro de la Angela Davis des années 70) plutôt datées années 60 et 70 ( exception faite de Mandela) aux Etats-Unis.
Mais en faisant une musique « nouvelle ». C’est peut-être pour ça que Badu, dans les années 2000 ou voire 1990 m’a moins parlé qu’à d’autres, plus jeunes, et encore dans leur adolescence et leur constitution identitaire.
Sauf que depuis deux ou trois ans, chez Badu, ce n’est pas ce côté identitaire, femme noire militante et féministe, qui m’appelle. Mais, plutôt, cette transe, même si sur-jouée et minaudée.
Les femmes noires américaines, je trouve, ont une façon de chanter et de bouger comme si elles faisaient l’Amour. C’est sûrement le cas aussi pour d’autres artistes non noires ou non américaines. Regardons, par exemple, les chanteuses de Zouk aux Antilles.
Ou AyaNakamura en France, désormais. Laquelle Nakamura, à ce que j’ai appris, et cela peut s’entendre dans sa musique, aime beaucoup le Zouk.
Mais il y a toute une tradition noire américaine, je trouve, qui consiste à exprimer ses sentiments et ses émotions par la voix et le corps. On « sent » et l’on voit que cela fait partie d’elles. Ce n’est pas du tout le même style qu’un Alain Souchon.
C’est un peu ce que j’ai essayé d’expliquer à Chamallow, cette nuit, mais en moins bien.
J’ai employé des mots moins recherchés. En m’excusant des clichés que j’employais. Lorsque j’ai parlé de « transe » pour Badu. Lorsque j’ai dit :
« Elle ne fait pas que chanter son texte ». Chamallow a poursuivi :
« Oui, elle l’incarne…. ».
Bien-sûr, d’autres artistes, non noires et non américaines, sont tout autant capables de ça. Je me rappelle du titre A Love Song, sur l’album de Jah Wobble et interprété par Natacha Atlas que j’avais découverte, je crois, avec cette chanson. Une chanson que j’ai réécoutée et réécoutée. Là aussi, Natacha Atlas, des années avant sa reprise de Mon amie, la rose, ne fait pas que dire son texte. Et d’autres artistes d’autres pays, d’autres langues, d’autres musiques, d’autres époques, femmes ou hommes, ont accompli et accomplissent ce que Natacha Atlas « fait » sur A Love Song.
Devant nous, cependant, sur l’écran de l’ordinateur, Badu poursuivait sa « performance ». Mais c’était plus qu’une performance. C’était son existence.
Même préparée, répétée, cette façon-là, d’être sur scène, de s’exprimer, même avec des « trucs », ne faisait pas toc. C’était peut-être artificiel. Mais c’était aussi très personnel. Son entente avec ses choristes, ses musiciens, était incontestable. Elle était la patronne, la meneuse. Mais ce n’était pas qu’une patronne et une meneuse. Il y avait du travail derrière pour être ensemble. Et on avait l’impression, j’ai l’impression, que tout le monde était content d’être là pour être ensemble à ce moment-là. Pour cette réjouissance. Cette libération.
Combien de temps et de travail, de répétitions, voire de conflits pour en arriver là ? Impossible à savoir. Je n’étais pas là. Nous sommes toujours absents pour voir et savoir ça. Tout ce que nous savons et retenons, c’est que nous aimons tel titre. Et que ce titre dure quatre minutes, cinq minutes, que ce soit en concert ou en studio, nous n’avons aucune idée de toutes les histoires qu’il y a derrière la structure et la composition de ce titre. Derrière la structure de ces milliers de chansons ou de musiques que nous aimons, que nous écoutons. Et c’est la vie. Nous faisons aussi ça, même entre nous, lorsque nous faisons connaissance.
Mais, peu importe. Cette nuit, au travail, j’étais bien en écoutant et regardant Erykah Badu. Puis, Chamallow est arrivée.
Au départ, Chamallow a confondu Erykah Badu avec l’actrice française présente dès la première saison (2015) de la série française Dix pour cent. Il se trouve que j’ai vu- et beaucoup aimé- la première saison de Dix pour cent. J’ai donc rapidement compris de qui Chamallow parlait :
L’actrice Stéfi Celma.
Cette confusion était un peu déroutante. Etonnante. Un peu amusante, aussi.
Lorsque l’on est dans une expérience que l’on veut faire partager à quelqu’un, on a déjà toute une histoire derrière soi. Et on peut croire que l’autre qui arrive en « cours de route » peut tout de suite nous rattraper alors que nous sommes lancés depuis des années.
Mais malgré sa bonne volonté et son intérêt, l’autre est souvent à un autre « degré » d’expérience- ou d’interprétation- par rapport à nous. Puisque notre intériorité ainsi que notre antériorité dans cette expérience intime est différente de la sienne. Lui et nous n’avons pas exactement la même histoire même si nous pouvons avoir des points communs. Et, même si nous avons vécu un événement identique ou à peu près identique, nous avons une façon différente de le vivre ou d’évoluer par rapport à lui.
C’est ce que Chamallow m’a rappelé en confondant Erykah Badu avec l’actrice et chanteuse française Stéfi Celma dont j’avais alors oublié le prénom et le nom.
J’ai dit à Chamallow que la musique est aussi « un véhicule » ( le terme n’est pas de moi). Et que tout en regardant et en écoutant Badu chanter et danser, certaines pensées et certains sujets émergeaient dans ma tête. Sans le préciser, mais j’imagine que cela se percevait dans ce que je disais, c’était une situation agréable. Les artistes que nous aimons ont généralement cette faculté. Certains œuvres d’artistes ouvrent certaines portes en nous, celles de notre inconscient, auquel celui-ci est plus sensible, plus réceptif. Et c’est pour cela que nous les aimons, les préférons.
Nous faisons sans doute pareil avec nos rencontres bonnes ou mauvaises. Sans toujours pouvoir en expliquer la raison. Miles Davis, je crois, me met en contact avec une tristesse obstinée et aussi assez définitive. Une tristesse opiniâtre et décidée à se mesurer au Temps. A l’emmurer. A rouler avec. A le dominer peut-être. A lui faire admettre qu’il n’est pas le Dieu tout puissant qu’il croit être. Ou qu’il semble être. A le faire douter. La musique de Miles, je crois, veut faire douter le Temps….
Badu, c’est autre chose. C’est le sourire. L’Amour. La sensualité. La vie, malgré tout. La combattivité qui s’enroule autour de soi. Tout en douceur. Malgré les douleurs. Les coups. Il n’y a pas de sourire chez Miles. Pas dans sa musique. Plutôt des éclaircies de tristesse, de deuil et de colère.
Mais je n’ai pas parlé de ça avec Chamallow. Ça, je le rajoute ici. Maintenant. A Chamallow, j’ai ensuite demandé ce qu’elle écoutait comme musique. De temps à autre, il m’arrive de poser ce genre de questions. Il est arrivé que l’on me réponde :
« J’écoute de tout ». Sans que l’on me dise ou me donne de noms de groupes ou d’artistes. Ce qui est assez invraisemblable pour moi qui ai eu besoin et ai toujours besoin, lorsque j’ai commencé à véritablement écouter de la musique, à stocker voire à croquer des références. Et puis, je ne comprends pas, je crois, qu’une musique ou qu’un artiste qui nous touche puisse rester pour soi inconnu ou anonyme.
Mais peut-être que ces personnes qui m’ont répondu, un jour, « J’écoute de tout », ont- elles préféré éviter de se « révéler » devant moi ? Il est vrai que certaines musiques et artistes sont peut-être plus difficiles à assumer. Il est vrai que certains goûts musicaux peuvent nous valoir, selon nos interlocuteurs, certains jugements de valeur.
Il est peut-être vrai, aussi, que pour certains, la musique est simplement là pour « mettre » de l’ambiance. Pour servir de décor. Pour être un bruit de fond. De la même manière qu’une télé allumée en permanence, qu’une machine à laver en activité. Afin de ne pas être seul. De se sentir moins seul. D’avoir l’impression d’être normal et « avec » les autres.
Pour moi, la musique, c’est plus que ça. C’est une recherche. C’est une descente en profondeur. C’est une expérience de soi à transmettre. Et ce n’est pas à négliger.
Il nous faut par tous nos pores d’usage, notre dose d’émotions, de sensations, de vibrations, de jouissance, de satisfaction, d’excitation, d’exaltation, d’existence. Et cette dose, nous la trouvons, la prenons, la conquérons ou la recherchons, la perdons aussi, au travers de ces multiples prises, claviers, touches, bouches, conso et ces moyens technologiques qui sont devenus l’extension spontanée de nos fibres sensibles et de nos tentacules.
Nos moyens technologiques de communication et de diffusion puissants, poussés, ultra-calibrés et « illimités » nous entraînent dans une frénésie de « pubs », de « tubes », « d’achats », « d’informations », de « voyeurismes », de « déclarations », de « narcissismes », « d’exhibitionnismes » ou de « cynismes » quasi-permanente.
Sans doute qu’une fois de plus dans l’Histoire de l’Humanité, culmine à la fois en nous un certain sentiment totalitaire de toute puissance et d’invulnérabilité associé à son contraire. Soit une conscience presque autant acérée que nous n’avons peut-être jamais été autant vulnérables et menacés.
On dirait que plus nous sommes « évolués » et plus nous sommes condamnés à la descente.
Paradoxalement, au lieu de nous instruire véritablement, nous passons encore beaucoup de temps à nous distraire et nous séduire en nous racontant- à nous mêmes- des bobards. Souvent les mêmes bobards : que nous sommes spéciaux et que, nous, nous échapperons aux tricots des asticots.
PSYCHOTHERAPIES, PSYCHANALYSE Et ADDICTIONS ( Transfert et Contre transfert) Séminaire de ce Samedi 19 Mars 2022 de 9h30 à 12H30 à Sainte Anne ( Service d’Addictologie, Dr Xavier LAQUEILLE) avec Pierre Sabourin, Psychiatre, Psychanalyste et Claude Orsel, Psychiatre, Psychanalyste
L’intitulé de cet article à venir n’est pas glamour. On dirait presque l’entrée d’un cimetière ou d’un monastère. Donc, cet article fera beaucoup moins de vues qu’une fête à Ibiza. Pas plus, en tout cas, que n’en n’a fait mon premier article sur le Cinquentenaire de Marmottan (Les cinquante Temps de Marmottan) il y a un mois, exactement, le 28 février dernier.
Paris, mars 2022.
Bien-sûr, en matière de diffusion et de communication, je pourrais et devrais faire beaucoup mieux afin de rendre son contenu attractif, plus dynamique et plus « jeune » :
Je pourrais transformer cet article en podcast. Je pourrais filmer des images, faire un montage et les montrer de manière plus « chaleureuse ». En continu.
Paris, mars 2022.
Lors de ce séminaire du samedi 19 mars 2022, dont je parlerai bientôt, une fois de plus, Claude Orsel a filmé. En caméra fixe.
Sauf que Claude Orsel, pas plus que Pierre Sabourin et tant d’autres professionnels de Santé ou d’autres disciplines, n’est un homme de pubs ou de cinéma. Ce qui est donc un premier écueil afin de « draguer » plus de public. Alors que des professionnels tels que Pierre Sabourin et Claude Orsel ont plus à nous apprendre que bien des animatrices et des animateurs, ou certains journalistes télé, presse ou radio, beaucoup plus rémunérés, que l’on « voit », « lit » ou « entend » régulièrement depuis des années.
Le second écueil, tout autant évident, m’est apparu seulement récemment. Avec mon premier article sur le Cinquentenaire de Marmottan.
Pour moi, il est tout à fait normal d’évoluer dans l’univers de la Santé mentale. Car c’est un univers professionnel où j’ai choisi d’évoluer. Lycéen, à l’approche du Bac, si j’avais pu avoir la possibilité de faire des études longues, je me rappelle avoir eu envie de faire des études de « psycho » et de « philo ». Même si un cursus en psycho et en philo peut aussi faire bifurquer dans d’autres domaines professionnels (le réalisateur de cinéma Bruno Dumont a bien fait des études de philo), il y a néanmoins une continuité dans le fait, que j’aie choisi de travailler en psychiatrie adulte puis en pédopsychiatrie. Ce choix a été, pour moi, comme pour d’autres professionnels, un « processus » normal que de me retrouver, en partie, là.
Cette « normalité » de choix, pour moi, m’a fait perdre de vue il y a très longtemps, que ce qui est ou peut être « normal » pour moi ne l’est pas pour d’autres. Pour beaucoup d’autres, en fait.
Pour un apnéiste de haut niveau, il est « normal » depuis très longtemps de descendre à cinquante mètres de profondeur avec une monopalme. Ou sans palmes.
Pour un chasseur de pêche sous-marine, il est tout autant « normal » de descendre à dix ou quinze mètres de profondeur, en pleine mer. De se poser sur les fonds, à l’agachon, et d’attendre qu’apparaisse le poisson, pour le « tirer » et remonter ensuite avec à la surface. Et de faire ça pendant deux à trois heures en prenant le temps, bien-sûr, de reprendre son souffle, de s’alimenter et de boire de l’eau.
Pour l’apnéiste, le pêcheur à la ligne ou le baigneur lambda ou occasionnel, de telles pratiques relèvent de la folie, du danger, de la légende, du mysticisme ou de la mythomanie et sont des pratiques à fuir ou à bannir.
Gare St Lazare, Paris, mars 2022.
C’est pareil avec la Santé Mentale. Notre rapport à la Santé Mentale, c’est peut-être ce qui nous reste, dans notre modernité, de notre rapport à la sorcellerie. Il y a la « bonne » sorcellerie. Et il y a la « mauvaise » sorcellerie. Il y a la sorcellerie du cinéma ou de l’art que l’on peut accepter. Et il y ‘a la sorcellerie de la Santé mentale.
A moins d’y être attiré ou contraint par des événements le touchant personnellement ou professionnellement, l’individu lambda, spontanément, sera plus attiré par des « distractions », des « animations » ou des sujets plus faciles, plus divertissants ou plus « grand publics » que ceux croisés dans les services de la Santé mentale.
Paris, mars 2022.
Les distractions et les animations « grand publics » sont celles où l’on ne prend pas trop de risques en regardant, en s’approchant, en s’approchant. Ou celles que l’on a l’impression de contrôler. «L’impression » que l’on a d’une expérience, si l’on a l’impression de la contrôler, peut avoir plus d’importance que la dangerosité réelle de l’expérience. Si l’on a l’impression de ne pas pouvoir contrôler l’expérience, on peut être d’autant plus poussé à mettre un terme à l’expérience.
A Center Parks ou à Euro Disney, tout est fléché. On y va pour s’amuser, pour passer « un bon moment » et pour consommer en contrepartie. On est prêt à payer pour ce divertissement en toute sécurité. Et à y retourner si les tarifs et le rapport « qualité-prix » nous correspond. On accepte aisément cette forme de racket ou de « ciblage » consenti et tout à fait légal. Voire, on redemande de ce plaisir « fait sur mesure » et qui nous donne l’impression d’être important en nous garantissant une tranquillité et une sécurité si difficiles à trouver et à préserver en temps ordinaire : problèmes de train, embouteillages, factures, impôts, guerres, mauvaises nouvelles, augmentation du prix de l’essence, des taxes….
En Santé Mentale, c’est un peu le contraire qui se passe. On peut y passer de « bons moments ». Mais, il va falloir les créer soi-même. Pour cela, il faut être un peu armé mentalement, moralement, intellectuellement, et être bien encordé. Etre encordé à d’autres collègues endurants, bienveillants, constants, aventuriers, expérimentés. Et imaginatifs.
Cela ne se trouve pas si facilement. Et pas tout le temps. En Santé mentale comme ailleurs, d’ailleurs. Avec les amis, les conjointes et les conjoints, des partenaires, des associés, c’est un peu pareil mais c’est un autre sujet.
Je me rappelle de temps à autre d’une phrase répétée par un de mes anciens médecins chefs dans le service où j’avais débuté en pédopsychiatrie, dans un service (fermé) de soins et d’accueil urgents :
« Le travail en pédopsychiatrie, c’est de l’alpinisme de haute montagne ».
La haute montagne, ici, n’a rien à voir avec l’Everest. Mais avec nos Histoires personnelles. Autant celles des patients que les nôtres, soignants, qui rencontrons celles des patients. Et je crois qu’il est bien des personnes qui préfèreraient sans aucun doute escalader dix Everest plutôt que d’avoir à rencontrer, pour de vrai, l’Histoire personnelle passée et présente, de quelques patients. En pédopsychiatrie ou ailleurs.
Paris, près de la Place de la Concorde, février ou mars 2022.
Pour faire dans le solennel, je crois que la plupart des sujets abordés en Santé Mentale concernent le plus grand nombre depuis…la nuit des Temps. Sauf que, depuis la nuit des Temps, la plus grande partie des personnes concernées préfère s’occuper, regarder et écouter ailleurs.
Car il y a un aspect très ardu dans la Santé Mentale, et qui peut faire fuir le plus grand nombre, autant que le jargon appuyé et invraisemblable certaines fois ou trop souvent employé. C’est le fait, je crois, de nous mettre assez frontalement devant nos propres Tabous et nos propres limites. Face à nos insuffisances. Et de devoir en répondre. Sans artifices. Sans rouler des mécaniques puisque cela ne sert à rien de rouler des mécaniques lorsque se trouve devant nos propres faiblesses.
Le cinéma, lorsqu’il aborde ces sujets, use d’artifices. Car le cinéma est un Art fait d’artifices, de maquillages, de décors, d’éclairages construits, de textes sus, appris, de comportements traduits et travaillés, d’une temporalité maitrisée, d’un budget programmé, de toute une logistique de repérage, de toute une aura, aussi, autour des « Stars » qui ont droit à certains privilèges. Il y a beaucoup de Stars. Celles que tout le monde voit.
Paris, mars 2022.
Et toutes les autres autour.
Et puis, une salle de cinéma, on y entre pour une durée donnée et déterminée à l’avance. Nous avons choisi le film et l’heure de la séance. Au pire, si cela se passe mal au cours de la « projection », il suffit de sortir de la salle. En Santé mentale, nous disposons de moins d’échappatoires. Il n’y a pas de chef décorateur, il n’y a pas d’assistant réalisateur, il n’y a pas de cascadeur, il n’y a pas de script, il n’y a pas de coiffeur ou de coiffeuse, il n’y a pas plusieurs prises….
Je me rappelle d’un grand producteur de cinéma, qui, au festival de Cannes, s’était beaucoup ému devant un film qu’il avait trouvé « particulièrement humain ». Je m’étais alors dit :
Mais s’il veut autant vibrer d’humanité, lui et tous ceux et toutes celles qui lui ressemblent, il n’a qu’à venir travailler en psychiatrie ou en pédopsychiatrie. Car En Santé Mentale, certains des verrous de nos divers maquillages, de nos certitudes et mises en scène sautent lorsque l’on pratique. Sincèrement et avec régularité.
Si l’on a réellement l’intention de se chercher et de se débusquer.
Alors qu’il est d’autres environnements, professionnels ou autres, où l’on peut plus facilement se raconter notre personnage, être insincère, et vendre cette image à d’autres qui vont se complaire ou se conforter dans ce qu’on leur donne à voir de nous. Dans une sorte de compromis où chacun a intérêt à se dissimuler, à jouer ou à se déguiser. Un peu comme sur les réseaux sociaux ou dans certaines soirées ou rencontres où l’on fait le « beau » ou la « belle ».
Gare de Paris St Lazare, mars 2022.
Je ne peux pas comprendre autrement, par exemple, le suicide, le 20 avril 2018, du jeune et célébrissime DJ Avicii « âgé seulement de 28 ans ». DJ superstar, connu pour avoir fait danser et donné de grands et beaux souvenirs à des milliers de jeunes (et moins jeunes) fêtards dans le monde entier. Je vois au moins dans son suicide, celui d’un jeune homme qui, à un moment donné, et trop longtemps, s’est sacrifié pour que d’autres s’amusent, se rencontrent, fassent l’Amour, baisent, se défoncent et fassent du fric. Alors qu’il aurait mieux fait de s’arrêter et se demander qui il est et ce qu’il veut véritablement vivre. Quatre ans après sa mort, je ne suis pas sûr que, parmi celles et ceux qui l’ont pleuré après avoir dansé « avec lui » ou qui ont « chroniqué » sa mort dans les Média, que tous en soient arrivés à peu près à la conclusion – approximative- que je tire de son suicide. Son suicide, je pense, a sans doute été une information surprenante et sensationnelle qui saisit d’abord. Puis cette information a rejoint l’hémorragie de notre humanité dans un flot d’autres nouvelles désormais oubliées car débarrassées de leur lot d’étincelles faites de sensationnel, de stupeur, de peur, d’immédiateté et de vibrations.
A titre de comparaison, même si le décès de Jacob Desvarieux, l’année dernière, ( un des fondateurs et meneurs du groupe Kassav’) a attristé, je crois qu’il ne fait pratiquement aucun doute que celui-ci avait eu sur scène, dans les studios de musique, et de par le monde, la vie qu’il avait souhaité avoir.
Pour moi, travailler en Santé Mentale, ou décider de venir y consulter, c’est au moins ça :
Décider, à un moment donné de s’arrêter de « fonctionner ». Et prendre le temps de se demander qui l’on est et ce que l’on veut véritablement vivre. Ce qui peut très mal s’accorder avec notre activité quasi permanente, voire paramilitaire, de poulpe.
Spot 13, Paris, mardi 22 mars 2022.
On dirait, parfois ou souvent, que notre vie doit seulement tenir dans le rythme ou à la cadence de la fibrillation cardiaque permanente. Si les battements de notre cœur ralentissent, c’est la peur qui s’installe. Parce-que, fondamentalement, technologies surpuissantes ou non, nous avons toujours aussi peur du silence, du repos, de la pénombre, du vide, de la contemplation et de la solitude.
Marion Maréchal- Le Pen, nièce de Marine Le Pen et petite-fille de Jean-Marie Le Pen, du Rassemblement National ( ex Front National) à côté d’Eric Zemmour qu’elle a officiellement « rallié », un des actuels candidats aux élections Présidentielles. Eric Zemmour, pendant des années, a été et reste un « polémiste » très médiatisé ainsi qu’un « écrivain » ou « essayiste » aspirant à une France « comme avant » : du Temps de Pétain, du temps de la colonisation française, dans un pays où il faudrait porter des prénoms « bien » français etc……Photo prise à Paris, près de la Madeleine, fin mars 2022, alors que je me rendais au travail ou en revenais.
Conscience sociale modifiée
« Je te croyais plus ambitieux ».
Quelques fois, certaines remarques de nos proches nous surprennent par leur jugement vénimeux sans appel. On dirait que notre intimité avec eux, nous qui passons une grande partie de notre temps à nous cacher, leur a permis de s’approcher de nous avec un scalpel pour mieux couper la corde de l’estime approximative que nous pouvons nous porter.
Si nous avons de la chance ou suffisamment de forces, la corde tient suffisamment, la chute arrive d’une hauteur encore supportable ou nous avons le temps de retrouver un appui ferme pour échapper au vide et au désespoir.
J’avais déjà entendu parler de Pierre Bourdieu lorsqu’une de mes ex, avec laquelle j’étais encore en relation, m’avait dit cette phrase. Un jour.
J’ai oublié le sujet de notre discussion d’alors. Mais je me rappelle encore de cette phrase. Il est des phrases, bonnes ou mauvaises, qui, instantanément, nous auscultent.
Et restent.
Ces phrases font rapidement partie de nos provisions mentales et morales pendant des années. Et sont très vite mystérieusement compatibles avec d’autres pensées et croyances que nous avions déjà.
Avant d’en vouloir à leurs autrices ou auteurs, il faut savoir se dire que nous, aussi, avons sans aucun doute servi ce même genre de « supplice » à d’autres que nous avions aussi sorti de notre carquois sans y réfléchir.
C’est notre côté Schtroumpf : untel m’a mordu. Plus tard, je mords untel autour de moi. Souvent un proche ou une proche ou quelqu’un pour qui on peut avoir une certaine « sympathie » ou « affection».
Peu importe que la personne que je mords n’a rien à voir avec mes déboires comme le fait que ce que j’ai vécu de malveillant et blessant date déjà d’il y a plusieurs millénaires, avant même que je ne croise celle ou celui que je vais à mon tour agresser moralement ou verbalement avec un sentiment de pleine légitimité.
Car, assurément, ce jour où mon ex m’avait dit « Je te croyais plus ambitieux », elle s’était sentie légitime. Et, elle ne pensait pas forcément à mal. Comme assez souvent, chaque fois que l’on décoche une mandale morale à quelqu’un d’autre. Car, oui, cette phrase de mon ex, prononcée sans crier, plutôt dite sur le ton de l’aveu ou du simple constat, était bien et est bien l’équivalent d’une mandale.
Sa phrase signifiait et signifie bien : « Je ne pensais pas que tu te contenterais d’une vie de merde ». « Je ne pensais pas qu’avec tes capacités, tu te satisferais d’être si peu ». « En fait, tu as une vie de pauvre type. Tu es un pauvre type qui a passé son temps à rêver une vie grandiose que tu n’as pas et que tu n’auras probablement jamais. Puisque tu te contentes d’une toute petite vie ».
Le tout dit sans agressivité particulière mais aussi sans conseil pour qu’éventuellement, je me dirige vers un supposé domaine où je pourrais me réaliser à la hauteur de mes capacités réelles ou supposées. Ce qui est pire, bien-sûr.
Depuis des années, je n’aime pas le mois de mars. Et, finalement, alors que ce mois de mars se termine, que je l’ai plutôt mieux supporté que lors d’autres années, il est amusant que je sois inspiré, aujourd’hui, alors que ce mois de mars se termine et que nous sommes passés cette nuit à l’heure d’été, pour publier cet article.
Alors qu’évidemment, j’ai eu bien d’autres idées d’articles ce mois-ci avant lui mais n’ai pas eu la disponibilité suffisante, à mes yeux, pour bien m’en occuper.
Alors que cet article-ci vient « d’arriver ». Et il coule tout seul. Comme c’est amusant.
Aujourd’hui, je n’ai plus de contacts avec cette ex. Même si je repense de temps à autre à elle. On me dira sans doute :
« Bon débarras ! ».
Peut-être. Pourtant, je persiste à penser que là où elle a grandi et est restée vivre avec son mari et leurs deux enfants, à Marseille, qu’elle était sincèrement attachée à moi. Car on peut décider de vivre avec quelqu’un d’autre qui colle mieux à nos standards et parcours sociaux ainsi qu’à notre modèle racial tout en ayant été réellement attaché à quelqu’un d’autre. C’est ce que j’ai vécu, je crois, avec elle.
Et c’est ce qu’a pu vivre d’une certaine manière, sans le préjudice d’ordre racial, le personnage joué par l’acteur Jake Gyllenhaal dans le film Nocturnal Animals de Tom Ford avec son ex, jouée par l’actrice Amy Adams.
J’avais 25 ans lorsque j’avais acheté le livre de Pierre Bourdieu : La France parle. Un livre que j’ai toujours et que je n’ai jamais pris le temps de lire. Comme bien d’autres livres achetés après lui. A la place, j’ai lu d’autres livres et articles. J’ai aussi écrit des articles de cinéma mais aussi pour mon blog depuis.
25 ans, pour découvrir le nom de Pierre Bourdieu et entendre parler un peu de lui, ce n’est pas vieux. Sauf que lorsque l’on est jeune, on croit parfois, cela a été mon cas, que l’on a tout le temps devant soi. On mesure moins, aussi, à quel point peuvent nous enfermer les conséquences de certains de nos choix.
Insouciance et optimisme jusque-boutiste peuvent très bien s’accorder avec l’ignorance et la vitalité de la jeunesse. Et, j’ai été de ceux-là de bien des façons.
Infirmier diplômé d’Etat avant mes 21 ans (il était et reste assez difficile de le devenir beaucoup plus jeune) par pragmatisme, pour échapper au chômage, plus que par idéal, j’ai ensuite régulièrement manœuvré pour reprendre de manière discontinue le cours des études d’une façon ou d’une autre.
Contrairement à mon ex qui, issue d’un milieu social moyen à peu près comme le mien, avait pu, comme sa sœur aînée, après son Bac, se diriger sans discontinuer vers des études universitaires littéraires longues. Dans une discipline qui lui plaisait. A elle, la possibilité, donnée par ses parents, de pouvoir croire un minimum en ce qu’elle aimait. A moi, le « littéraire » et l’intellectuel, l’aîné de ma famille, la nécessité de devoir comprendre dès la fin du lycée qu’avec un père qui avait exprimé dès ma quatrième ou ma troisième que « faire des études longues ne sert à rien ! », qu’il me valait mieux bifurquer vers des études concrètes et courtes après le Bac. Pour trouver du travail et gagner ma vie.
C’est ainsi qu’après mon Bac et mes études d’infirmier, je n’ai fait que des « soubresauts » d’études. Des études d’Anglais à la Fac que je n’ai pas reprises, après mon service militaire, encore alors obligatoire. Malgré les incitations répétées de ma mère à ce que je reprenne ma licence d’Anglais. Je n’ai jamais eu l’envie de retourner à la Fac après mon service militaire, dégoûté par le caractère très scolaire de mes deux années d’études universitaire. J’avais assez donné dans les études faites plus par Devoir que par plaisir. Or, jusqu’au Bac, pour moi, faire des études était un plaisir. Tout comme écrire m’est un plaisir.
Après le DEUG d’Anglais obtenu en trois ans, il y avait eu un Brevet d’Etat d’Educateur sportif. Puis, des années plus tard, une initiation d’une année à la criminologie dans un institut privé dont le créateur, Laurent Montet, a ensuite été condamné -en 2019- pour « escroquerie ». Et dont l’institut de criminologie ne « valait rien ». Je n’ai pas encore pris le temps d’écrire à propos de Laurent Montet ni au sujet de Stéphane Bourgoin, ex spécialiste des tueurs en série, que j’avais aussi rencontré (et aussi interviewé à deux reprises).
Il y a aussi eu l’obtention d’un certificat professionnel de massage bien-être ; des expériences de comédien au théâtre y compris dans quelques projets professionnels ; la reprise de cours de théâtre dans le conservatoire de ma ville ; le passage des deux premiers niveaux de plongée ; l’apprentissage du roller à plus de trente ans ; la découverte de la pratique de l’apnée ; l’expérience de journaliste cinéma y compris au festival de Cannes ; le fait de me constituer des expériences infirmières différentes en psychiatrie et en pédopsychiatrie dans des services et des établissements différents ; la découverte de la pratique de l’apnée en bassin ainsi qu’en mer.
Ce qui constitue un CV plutôt varié et florissant. Sauf que tout cela ne paie pas.
Au spot 13, ce 22 mars 2022. Aucun rapport avec la rue Verneuil que je cite ci-dessous. Sauf que je préfère cet art que j’ai vu et que je montre sur cette photo à ce que j’ai vu, rue Verneuil, comme je le raconte….
Il y a quelques jours, me trouvant dans la rue Verneuil, à Paris, en rentrant du travail sur mon vélo pliant, je me suis arrêté devant une agence immobilière. Le temps de manger quelques chouquettes que je venais d’acheter car je faisais une hypoglycémie. Il était près de 13h. Il faisait assez chaud. Après ma nuit de travail, je m’étais rendu dans la foulée à un séminaire de trois heures à nouveau organisé et proposé par Claude Orsel.
Séminaire au cours duquel, cette fois-ci, était intervenu Pierre Sabourin, psychiatrie et psychanalyste, qui s’occupe entre-autres des personnes victimes d’inceste. Il y a des métiers plus « légers » et plus faciles. Dans un autre article, je ferai sans doute un résumé de ce séminaire.
Ce samedi-là ( sans doute ce samedi 19 mars) en parcourant certaines annonces immobilières devant moi, j’ai bien été obligé de me rendre compte qu’il me serait aujourd’hui impossible, si je le souhaitais, d’acheter un deux pièces pour la « modique » somme de 498 000 euros.
Mon ex, qui s’est mariée avec quelqu’un qui, également issu d’un milieu social moyen, est devenu ingénieur, avait donc raison de me dire il y a plusieurs années :
« Je te croyais plus ambitieux ».
On peut avoir bien des « qualités » et se démener. Si cela ne rapporte pas économiquement et socialement en termes d’évolution, il arrive un moment où cela ne sert (presque) à rien. Concrètement.
Au Spot 13, Paris, ce 22 mars 2022.
Concrètement, si j’avais été plus ambitieux, il y a vingt ou trente ans, j’aurais pu, aujourd’hui, si je le souhaitais, m’acheter ce deux pièces pour la somme de 498 000 euros. En empruntant, bien-sûr. Mais, pour cela, encore fallait-il avoir un plan de vie et un plan de carrière.
Car même si ce prix est évidemment excessif, j’ai aujourd’hui compris qu’en achetant un tel appartement, rue Verneuil, dans le 7 ème arrondissement que « j’achetais » aussi le quartier où il se trouve. Et que cela peut avoir des bonnes retombées sur ma vie sociale mais aussi sur ma descendance. Que ce soit en termes d’opportunité sociale mais aussi, pour être à proximité des bonnes écoles ou des bons lieux de soins. Puisque c’est dans ce monde-là que nous vivons, que nousavons toujours, en grande partie, vécu. Celui où, d’un côté, certaines personnes, dès le début, pensent à leur avenir ainsi qu’à celui de leurs proches et de leurs progénitures. Et celui, où, ailleurs, bien d’autres, souvent le plus grand nombre, le plus souvent sous l’effet d’une contrainte économique, sociale et morale, décident ou se résignent à confier leur destin ou à le voir jeté en pâture au « petit bonheur la chance».
Il m’a fallu attendre d’avoir à peu près la cinquantaine, de m’estimer sans doute un petit peu plus que lorsque j’avais 18 ou 25 ans, donc de devenir plus critique aussi envers la « réussite » de certaines personnes, et d’être devenu père pour comprendre ce que certaines personnes avaient plus que compris- et appliqué- bien avant leurs 18 ans….
J’ai donc l’impression, bien des fois, d’avoir été, comme des milliers et des millions d’autres, d’avoir été une de ces souris studieuses et « généreuses », mais aussi tarées, de laboratoire qui ont gaspillé une grande partie de leurs forces dans des conduits les éloignant de plus en plus des « bonnes » issues mais, aussi, des meilleurs débouchés, ou, plus simplement, de plus saines et plus confortables conditions de vie et de travail.
Chez moi, la locomotion a d’autres incidences : à moi les commotions, à d’autres, les promotions.
Et, le fait d’être devenu infirmier, si ce métier m’a en effet sauvé et préservé du chômage, m’a aussi malheureusement exposé et continue de m’exposer au fait que je continue de faire partie de ces millions de Français, mais aussi de ces milliards d’individus, que l’on peut sacrifier ne serait-ce que socialement. Ou professionnellement : je n’ai rien découvert avec le scandale actuel dû à la publication du livre Les Fossoyeurs de Victor Castanet, sorti récemment. C’est la raison pour laquelle j’ai refusé d’acheter ce livre : je n’allais pas donner de l’argent pour lire ce que, comme beaucoup d’autres, j’avais pu subir, et continué de subir, en exerçant en tant qu’infirmier pendant des années.
Dans ce livre, Les Fossoyeurs, il est ainsi « révélé » qu’une bonne partie de l’argent public qui vient de l’Etat et des contribuables ( donc, de toutes les personnes qui paient leurs impôts dont je fais, comme beaucoup d’autres soignants et non soignants, également partie ) a vraisemblablement été détourné par le groupe privé Orpea à son profit et pour celui de ses membres et actionnaires les plus haut placés. Alors que cet argent devait bénéficier aux pensionnaires, donc aux malades présents dans ses EPHAD. Mais aussi à ses salariés dont des soignants.
Il est tant d’autres professions nécessaires, en France, où, en termes de conditions de travail et salariales, l’on peut être aussi sacrifié ou négligé : pompiers, enseignants, travailleurs sociaux…..
Lorsque je lis comme je l’ai lu récemment que l’Etat français, dirigé actuellement par Emmanuel Macron ( et qui sera selon moi, et comme le disent les sondages, réélu ) , s’est engagé à attribuer 15 milliards d’euros à la police sur cinq ans, je me dis à la fois que la police, en tant qu’institution publique en avait bien besoin pour mieux travailler. Mais je me dis aussi que l’Etat français, pour imposer des lois anti-démocratiques ou amorales qu’il a prévu de faire appliquer prochainement, a aussi besoin de pouvoir compter sur ses forces de police. Et, pour cela, quoi de mieux que de commencer par « bichonner » sa police. Car, à ce jour, je n’ai pas entendu parler d’une somme de 15 milliards allouée par l’Etat, sur cinq ans, aux hôpitaux publics par exemple….
Au spot 13, Paris, ce 22 mars 2022.
Je n’aime peut-être pas le mois de mars parce qu’il agrège en lui certaines histoires désagréables de notre passé avec celles du présent et de l’avenir. Et que tout cela brasse en moi des mémoires négatives et contraires. Or, je n’aime pas ce genre de cuites mémorielles. De ces cuites mémorielles, le pire comme le meilleur, peut sortir. Et, sans doute en ai-je une conscience grossière. Or, tant que la maladie d’Alzheimer où une autre affection médicale ou psychiatrique lourde et invasive restera extérieure à ma conscience et à ma mémoire, les mois de mars, au moins, me le rappelleront tels des aiguillons :
Je ne peux me satisfaire complètement de ce que je vis comme de certains événements que j’aperçois.
Au Spot 13, Paris, ce 22 mars 2022.
Les prochaines élections présidentielles auront bientôt lieu en France. La guerre en Ukraine est désormais l’actualité. Ainsi que le prix du litre d’essence qui avoisine les deux euros et le pronostic annoncé de pénuries alimentaires mais aussi de certaines matières premières dans certaines régions du monde.
Avec la reprise de la pandémie du Covid « mais sans plus d’hospitalisations » puisque, désormais, environ « 80 pour cent » de la population française a reçu trois doses ou l’équivalent de trois doses de vaccin anti-Covid, nous pouvons à nouveau, depuis le 15 mars environ, à moins d’un mois des élections présidentielles, nous rendre dans une salle de cinéma et dans une médiathèque sans avoir à présenter de pass sanitaire ou vaccinal. Ou même nous rendre dans une agence de banque sans masque anti-Covid sur le visage.
Mais une infirmière ou un soignant qui continue de refuser le vaccin anti-Covid reste suspendu de ses fonctions sans salaire comme cela a commencé à être appliqué en octobre de l’année dernière. Cela fait donc cinq mois que ma compagne, également infirmière, est suspendue et sans salaire. Et, à mon avis, quel que soit le Président ou la Présidente élue en avril en France, la vaccination contre le Covid restera obligatoire en France au moins encore pendant un an ou deux.
Tout à l’heure, je me suis dit que dans un véritable monde démocratique, les dirigeants et aspirants dirigeants de ce pays et de ce Monde s’affronteraient dans des épreuves et des émissions du type Koh-Lantah ou Hunger Games. Et, qu’ensuite, nous, les milliards de votants, d’après ce que nous aurions perçu et compris d’eux, nous ferions notre choix. Bien-sûr, il faudrait l’existence de gardes fous pour éviter que des groupuscules armés, et autres, ne viennent intimider les votants. Mais nous n’en sommes pas là. Nous en sommes « seulement » à quelques jours du premier tour des élections présidentielles en France. Où il s’agira de « choisir » la candidate ou le candidat la plus ou le plus à même de nous représenter.
Paris, mars 2022.
Je ne voterai pas pour Eric Zemmour. Ni pour les Le Pen. Je n’en n’ai aucune intention ( Vivre au temps du Covid avec Eric Zemmour ). Cependant, je me dois de constater qu’en matière d’ambition, qu’eux, comme les autres candidats de ces élections présidentielles, et celles et ceux qui font partie de leurs « équipes », visibles et invisibles, ont été autrement et largement plus compétents que moi. Et depuis très longtemps, déjà. Car elles et ils ont su répartir, bien mieux que moi, leurs efforts, leurs forces, leurs stratégies ainsi que leurs relations selon leurs ors et leurs ordres de priorité sociales et économiques. Une Rachida Dati, pour moi, est une sorte de quintessence de la réussite sociale. Travailleuse, certes. Mais quel sens hors du commun de la stratégie ! Si je ne me sens aucune affinité personnelle avec elle, je ne peux qu’être admiratif devant son parcours. Concilier comme elle l’a fait, réussite dans ses études, psychopathie (si, si ! il y a de la psychopathie chez elle car pour avoir réussi à faire peur à François Fillon, lorsqu’il était encore Premier Ministre, il faut bien avoir de la psychopathie en soi ) et carrière politique, me rend admiratif : tout le monde, aujourd’hui, parmi celles et ceux qui, en même temps qu’elle elle, ont pu être Ministre, ne peut pas se vanter d’être devenu Maire d’un arrondissement huppé de Paris.
Et, de mon côté, si j’ai toujours travaillé depuis l’obtention de mon diplôme d’Etat d’infirmier en 1989, à ce jour, eux (les candidats de ces élections présidentielles) peuvent ou pourraient, s’ils le souhaitaient, s’acheter un deux pièces 498 000 euros, rue Verneuil (voire, on serait heureux de leur faire une baisse de prix significative) et moi, non. Par contre, grand lot de compensation, d’ici quelques jours, j’aurai le grand privilège (car cela reste un privilège) d’aller voter en faveur de l’un ou l’une d’entre eux.
Je ne me plains pas. Tant d’autres sont tellement moins bien lotis que moi. Et je m’en sors beaucoup mieux qu’eux. Je m’en sors avec un peu plus d’estime pour moi-même comparativement à il y a quelques années. Et en vivant certains plaisirs où je n’ai pas à me mentir ou à mentir à celles et ceux avec lesquels je les partage.
Le petit fantôme bleu, Mona Chollet-Réinventer L’Amour
Cette nuit, j’ai retravaillé. Une de mes collègues m’a rendu la trilogie Pusher (Pusher III : Journée de merde pour papa-poule ) de Nicholas Winding Refn que je lui avais prêtée. Trilogie qu’elle a bien aimé. Elle m’a même dit qu’elle s’attendait à « plus violent ». Qu’elle ne connaissait pas le cinéma danois.
Toujours disponible, avec son sourire, ma jeune collègue ne dit « rien » de plus au point que l’on peut croire que c’est à dessein. Car on peut percevoir comme elle est observatrice des autres. Se met-elle en colère ? C’est difficile à savoir.
A la réflexion, et je le lui ai dit, j’ai trouvé ça assez « provocateur » qu’elle me prête ce livre dans un service aussi « testostéroné » que celui où nous travaillons. Elle a alors….souri et m’a répondu qu’elle me prêtait ce livre car je lui avais demandé ce qu’elle lisait en ce moment. Une réponse imparable.
Cette nuit, entre 3 heures et 5 heures du matin, j’ai lu les cinquante premières pages de Réinventer l’Amour. Avec d’autant plus d’intérêt que je savais que son contenu dénotait dans le service. Dans notre service, pour diverses raisons historiques mais aussi pour certaines nécessités concrètes, certaines valeurs et actions « viriles » ou dites « masculines » peuvent s’exprimer et prédominer. Mais aussi s’agripper à une certaine façon de penser. Moi, j’apparais sans aucun doute encore comme suspect selon certains de ces critères et pour certains collègues :
Je serais « trop gentil » ; « trop patient » ; « je discuterais trop » et manque, ou manquerais, vraisemblablement de « poigne ». Ou de réalisme. Tant physique que verbal.
Si j’ai d’abord dit à ma collègue que, dans le service, j’avais soigneusement dissimulé son livre sous des magazines plus virils consacrés à l’Aïkido et aux Arts Martiaux, je n’exclue plus de m’y montrer avec ce bouquin. Cela pourrait être drôle.
Pourtant, alors que je lisais Réinventer l’Amour, je commençais à faire provision, aussi, de quelques réserves. Dont certaines se sont un peu confirmées chez moi.
Ce matin, en rentrant du travail, je rangeais mes affaires lorsque j’ai aperçu ma fille qui se cachait derrière la veste polaire bleue de ma compagne qui est aussi sa maman.
Je l’ai vue pratiquement tout de suite. Je me suis dit que tant que ma fille continuerait de se cacher de cette façon lorsque je rentre, et à jouer à être découverte et recherchée, que ce serait bon signe. Mais aussi, peut-être, que tant que je remarquerais aussi vite en rentrant qu’elle se cache afin d’être vue.
Que je n’ai pas tout raté. Que je ne rate pas tout dans ma relation avec elle, au travers de l’éducation que je lui « donne » mais, aussi, lui impose.
Dans son livre, Réinventer L’Amour, Mona Chollet cite deux exemples de couples « réussis » où l’Amour a tenu toute la vie.
Celui d’André Gorz et celui de Serge Rezvani dont je ne connais pas les œuvres.
Le sujet de Réinventer l’Amour porte sur L’Amour entre deux adultes consentants. Et non sur l’Amour filial.
Et, Mona Chollet, elle-même, relate sa joie à avoir réussi à garder une relation apaisée avec son ex-compagnon. Je peux l’envier. Je me suis déjà demandé comment faisaient les autres pour garder des relations apaisées avec leurs ex. A ce jour, je n’ai pas réussi.
Toutefois, je remarque qu’elle comme André Gorz et Serge Rezvani n’ont pas eu d’enfant.
Pas le moindre enfant. Par choix. Un choix que je peux comprendre. Si en tant que personne adulte, je considère le fait d’être père comme une expérience extraordinaire à vivre en tant qu’être humain, je comprends que d’autres puissent décider de s’abstenir de vivre cette expérience. Car pour extraordinaire que soit cette expérience, elle est aussi très personnelle.
Cependant, j’ai l’impression qu’il manque « quelque chose » dans Réinventer l’Amour, lorsque Chollet parle d’Amour dans le couple, alors qu’elle cite sa propre expérience et deux couples exemplaires en matière d’Amour. Sans aucun enfant à proximité de ces expériences de couple.
On peut raconter tout ce que l’on veut, de sensé, sur le couple et l’atteinte du couple par le patriarcat. Et de ce qu’il faudrait faire pour éviter la destruction de l’Amour dans le couple. Mais, pour l’instant, si je lis à la lettre son livre, je constate que pour Chollet, les premiers couples dont l’histoire d’Amour a été aboutie qu’elle cite sont des couples sans enfants.
Même si je peux avoir des « choses » à corriger dans ma perception du couple et de la vie, le fait d’être parent change donc la donne dans la « durée d’action de l’Amour » au sein d’un couple.
Que l’on n’essaie pas de me convaincre qu’un couple avec enfant dispose exactement des mêmes atouts et de la même disponibilité pour l’autre, qu’un couple sans enfant.
Que l’on n’essaie pas.
Même si le fait d’avoir un enfant peut être un atout.
Je ne regrette pas, par exemple, malgré certains efforts, certaines difficultés et certains de mes doutes, d’être le père de ma fille. Même si je suis insatisfait assez régulièrement de « mes états de services » en tant que père. Même si je suis contrarié de constater mes infirmités en tant que père et que je m’inquiète de leurs retombées sur ma fille.
Pour ces quelques raisons, aussi, pour essayer de conjurer les éventuelles retombées de mes infirmités, je tenais, ce matin, à parler un peu de ce petit fantôme bleu qui m’attendait, ce matin, à la maison, en rentrant.
Petit fantôme bleu, qui, ensuite, m’a présenté/imposé le menu de son restaurant.
Comme je n’ai pas réagi tout de suite lorsqu’elle l’a déposé près de moi dans la salle de bain, alors que je récupérais mes affaires de piscine et d’apnée, ma fille a déplacé le dit menu et l’a rapproché de moi. J’ai compris qu’il fallait que je le voie. J’ai donc demandé à ma fille :
« C’est pour que je commande à manger ? ».
Près de moi, elle a alors acquiescé avec un sourire d’évidence.
On est adulte, contrarié, fatigué ou simplement concentré sur diverses pensées qui n’ont rien à voir avec notre enfant ou qui ont simplement à voir avec notre monde intérieur (penser à ranger telles affaires pour se préparer à notre nuit de travail suivante, penser à écrire tel article, ou telles idées d’articles, faire quelques étirements pour le dos car on a fait du vélo en rentrant du travail…).
Et votre enfant est là, immédiatement devant vous. Tel un génie dont vous avez rendu l’existence concrète. Car vous avez œuvré pour cela. Personne a priori ne vous a forcé à le faire venir. Et, désormais, pour quelques années, ce génie apparaît souvent. Vous regarde et vous écoute, sans que vous vous y attendiez toujours.
Et ce génie vous sollicite. Que votre enfant vous gratifie ou vous contrarie, votre enfant est un génie. Vous n’êtes peut-être pas – toujours- au courant. Car ce génie s’exprime parfois ou souvent sans répit en dehors des heures ouvrables de votre tolérance et de…de votre imagination. Peu importe ce qui s’est passé la veille ou ce que vous venez de vivre. Vous avez travaillé douze heures, dehors en rentrant à vélo, il faisait 7 degrés. Tout cela n’existe pas, ne compte pas, pour lui. Il n’est pas au courant. Lui, il sait qu’il ne vous a pas vu depuis la veille, plus de 12 heures auparavant. Pour lui, c’est tout ce qui compte. Et, ça y ‘est, vous êtes là devant lui, en chair et en os. C’est le moment où jamais. Vous êtes donc disponible. Et cherche donc à renouer avec vous. Pour lui, c’est la normalité. L’anormalité pour lui, c’est d’avoir été séparé de vous. Entre adultes, il existe parfois ce rituel préliminaire, ou, avant de vous solliciter, ce qui est de toute son intention prioritaire, l’autre vous demande :
« ça va ? Tu as passé une bonne journée ? ». Alors qu’en fait, l’autre n’attend qu’une chose. Vous solliciter ou vous parler d’un sujet précis qui, pour elle ou pour lui, nécessite votre pleine et immédiate attention et adhésion. L’enfant, lui, s’il va bien et se trouve dans un environnement familial où il se sent en confiance, s’épargne- et vous épargne- ce genre de salamalecs et de faux-semblant. Plus tard, peut-être, il apprendra à le faire.
Quoi de plus facile à comprendre. Pourtant, ça, vous qui êtes évolué, adulte, intégré, réfléchi, vous ne le comprenez pas tout le temps. Vous, pas forcément malheureux de votre nuit de travail, pas nécessairement rejetant, vous avez néanmoins besoin d’un certain sas entre le monde dont vous venez ; le monde, les humeurs, les diverses transhumances que vous portez en vous et dans lesquelles vous vagabondez encore. Et l’immédiateté de la demande spontanée de votre enfant que vous ne prévoyez pas. Que, malgré votre « expérience » de lui, une fois de plus, vous n’avez pas vu venir. Pour lui, ce sas dont vous avez peut-être besoin, est une abstraction ou une absurdité d’adulte.
Il (votre enfant, bien-sûr, nous ne parlons pas de celui des autres) semble régulièrement croire que vous avez l’aptitude de lire l’avenir. Mais aussi à lire dans ses pensées. Cette demande et cette croyance renouvelées sont à la fois bon signe. Et résultent aussi du fait et de l’évidence que vous faites partie de l’Histoire de votre enfant. Mais aussi que votre enfant fait partie de la vôtre. Et que c’est comme ça. Un cercle qui semble alors infini. Et cette Histoire, ce cercle en mouvement, durant quelques heures, vous vous en êtes extrait, vous l’avez en partie oublié. Alors que votre enfant, loyal, et toujours magnétisé par le cercle de cette Histoire, s’en souvient. Il vous en rappelle à la fois le conte, l’existence mais aussi la naissance. Votre naissance.
Donc, penser ou croire qu’un couple sans enfant et un couple avec enfant – qui a pourtant conçu cet enfant par amour- ont les mêmes aptitudes, ou les mêmes volontés, pour réinventer l’Amour est une erreur. Mais comme je n’en suis qu’aux cinquante premières pages du livre de Mona Chollet, il est trop tôt pour que j’affirme qu’elle laisse sous entendre ça. Cet article aura bien-sûr une suite.
Ce matin, l’enfant occidental qui est en moi a voulu aller voir le film The Batman, sorti aujourd’hui.
Mais l’adulte que je suis l’avait prémédité bien avant d’emmener sa fille au centre de loisirs. Pour cela, j’ai arrêté la rédaction de mon article Quelques voies consacré aux Arts Martiaux.
« Plus sombre, plus cinglé », c’est ce que j’ai pu lire sur une des affiches annonçant le film The Batman. Si c’était écrit, c’était pour donner envie. Donc, ce qui est « sombre et cinglé » augmente l’envie ou le désir.
Après avoir dit au revoir à ma fille au centre de loisirs, j’ai pris le chemin vers mon premier centre de loisirs pour adultes : la gare pour aller à Paris.
J’ai commencé par rater le train. J’en ai profité pour aller acheter des journaux. En découvrant le dessin en première page, le jeune vendeur s’est d’abord mis à rire. Puis a commenté :
« Ah, lui, il faut pas le frustrer…. ». De qui parlait le jeune vendeur de journaux âgé d’une vingtaine d’années ? De Batman ?
Non, du Président russe Vladimir Poutine après sa décision d’agresser informatiquement d’abord puis militairement ( ce 24 février 2022) l’Ukraine. Ce qui provoque une certaine réaction en chaine de tensions internationales diverses. Sa caricature par le dessinateur et journaliste Riss fait la couverture du Charlie Hebdo sorti ce mercredi.
Couverture du journal » Charlie Hebdo » sorti ce mercredi 2 mars 2022, montrant une caricature du Président russe Vladimir Poutine.
Les paroles les plus simples sont parfois les plus justes. Et ce jeune vendeur, que je voyais pour la première fois à la gare d’Argenteuil, a dit beaucoup mieux- et plus- que bien des experts en une seule phrase.
Il y a plusieurs jours que nous sommes nombreux, au moins en occident, à regarder le Président russe Poutine appliquer fin février son plan de destruction de l’Ukraine. Un plan qui daterait au moins de fin décembre 2021. Cette simple pensée me suffit pour admettre que lui et moi avons des centres de loisirs très différents.
Tous les Russes ne pensent pas comme le Président russe Vladimir Poutine. J’ai lu hier, comme d’autres journalistes de cinéma, envoyé par des attachées de presse de cinéma, un texte du réalisateur ukrainien Sergueï Loznitsa. Dans ce texte, celui-ci raconte avoir reçu dès le début de l’invasion russe des messages de soutien d’autres réalisateurs russes lui disant leur honte devant cette invasion de l’Ukraine.
Dans le métro parisien, ligne 9, ce jeudi 3 mars 2022.
« Plus sombre et plus cinglé », Le Président Poutine l’est sans aucun doute beaucoup plus que le nouveau Batman sorti ce mercredi. Mais je ne ferai pas partie des spectateurs pressés de voir de près à quoi peut ressembler la guerre en Ukraine.
Et, il est sans aucun doute aussi d’autres personnalités aussi sombres et cinglées que l’on ne voit plus ou que l’on n’entend pas, et qui agissent, tandis que nous nous fixons- à raison- sur l’Ukraine depuis quelques jours. Et que nous essayons d’imaginer les conséquences néfastes sur nos vies finalement très fragiles de ce conflit s’il se généralise.
C’est aussi parce-que nous n’avons pas toujours l’envie, la force ou le courage de regarder certaines horreurs en face que nous nous réfugions dans nos loisirs, qu’ils soient chimiques ou non.
Gare de Paris St Lazare, février 2022.
Remettons-nous « dans » Batman et dans la frustration. A la gare St Lazare, dès la première porte de validation, malgré mes précautions, un homme s’engouffre derrière moi. Il me « colle » pour passer avec et malgré moi. J’ai du mal à supporter ces « ninjas » des transports (peut-être parce-que ce sont principalement des hommes) qui me comptent parmi leurs pigeons voyageurs. Je n’ai rien contre le fait d’aider quelqu’un à passer. Même si je me doute que cette « complicité » pourrait m’être reprochée et me valoir un jour d’être sanctionné financièrement. La fraude est le secret de ces usagers. Et je ne les juge pas pour cette action. Mais je n’aime pas être utilisé sans mon accord. Instinctivement, souvent, alors, ma réaction est un peu limitée. Je regarde voire dévisage l’intrus. Quelques uns se détournent et fuient. Certains, assez rares, ont un moment bref d’hostilité dans les yeux. Peut-être qu’un jour cela se passera mal entre l’un d’entre eux et moi. Mais je ne peux pas m’empêcher de réagir étant donné la fréquence de ce genre de comportement en région parisienne.
Avant hier, une dame africaine sans doute mon aînée de plusieurs années, m’a dit :
« Je passe avec toi ». Je me suis fait un plaisir de la faire passer. Ensuite, alors que nous nous séparions, elle m’a remercié.
Le « ninja » de ce matin est un homme réglo. Alors que nous descendons l’escalator vers les lignes de métro, Il se sent obligé de m’expliquer que sa carte est « bloquée », commence à sortir son portefeuille pour me prouver qu’il a bien son passe. Je lui réponds :
« Vous n’avez pas besoin de me montrer. Je ne suis pas contrôleur ». Et, amicalement, je pose ma main sur son épaule pour le rassurer. Ce geste suffit. Il range aussitôt son portefeuille et nous allons chacun dans notre direction.
Paris, les Halles, Mercredi 2 mars 2022.
Je prends une place pour la séance de 9h45. Je montre mon billet à l’entrée du cinéma. On me demande mon pass sanitaire devenu pass vaccinal. Devoir présenter son pass sanitaire ou vaccinal pour aller voir un homme-chauve souris sur un grand écran de cinéma est une expérience qu’il fallait assurément vivre au moins une fois. Mais je ne fais aucun commentaire à ce sujet.
On me confirme qu’il y avait bien une séance à 9h. Mais que pour des « grandes productions comme Batman, il y a toujours deux séances le matin ».
Je me dirige vers la salle lorsque je reconnais la voix et la musique de Jimi Hendrix. Que fait Jimi Hendrix dans un complexe de cinéma UGC ? Une fois de plus, tous ces rebelles et marginaux, créatifs ou autres, qui se sont créés eux-mêmes et ont pu être les Batman d’une autre vie font depuis longtemps partie de la marchandise dont on se sert pour appâter et fidéliser le grand public dont je fais partie.
A peine vingt mètres plus loin, sur ma droite, j’aperçois une trentaine de personnes rassemblées près du bar. Non loin des photos d’acteurs et de réalisateurs prises par Eddy (Eddy Brière). Des photos exposées maintenant dans ce cinéma depuis deux ou trois bonnes années : Francis Ford Coppola, Mads Mikkelsen….
Les personnes près du bar ne regardent pas, ne regardent plus ces photos. Elles ont une moyenne d’âge de 30-35 ans. Elles semblent assez joyeuses, détendues. Une femme, à l’écart, à une dizaine de mètres, la trentaine également, les regarde, un talkie-walkie sous le bras. Elle porte une jupe.
Je lui demande : « Qu’est-ce qui se passe ? »
Elle me répond, un peu de haut, assez pincée :
« Comme tous les mercredis, Monsieur, les chiffres des films qui sortent ».
Moi, candide :
« Donc, il y a uniquement le personnel du cinéma… ».
Elle :
« Tout à fait, Monsieur ! ». Puis, une à deux secondes plus tard, la voilà qui part dans la direction opposée qui m’a vu arriver.
Un film, c’est aussi de la pub et des bandes annonces avant de le voir. Ce que l’on appelle la séance. Dans ce cinéma, les séances durent entre 15 et 20 minutes. On en parle rarement lorsque l’on parle d’un film que l’on est allé voir. J’avais déjà eu le projet d’en parler il y a un ou deux ans. Mais je ne l’avais pas fait. Or, cette pub et ces bandes annonces parlent aussi de notre époque. Peut-être autant voire davantage que le film que l’on va voir au cinéma. Donc, nous allons en parler. Avant de parler du film The Batman que je n’ai pas oublié. Et que j’ai bien vu ensuite.
Dans la salle de cinéma, d’abord, lorsque j’arrive avant que la séance ne commence, il y a une quarantaine de personnes. Des hommes en majorité. Moyenne d’âge : 35-40 ans. Je me répète avec la moyenne d’âge du personnel du cinéma en train de célébrer les chiffres des entrées des films de la journée ? Cela peut démontrer que ce genre de film est peut-être regardé et recherché par un public qui ressemble à ce personnel entrevu ou vice-versa. Même si dans la salle, sans me compter, j’aperçois aussi un homme et une femme, séparés par plusieurs rangs, qui doivent bien avoir une cinquantaine d’années.
La première annonce qui me marque concerne le festival Série Mania qui se déroulera à nouveau à Lille, du 18 au 25 mars. Je ne suis jamais allé voir ce festival à Lille.
Puis la bande annonce pour le film Entre les vagues d’Anaïs Volpé retient mon attention. Il sortira le 16 mars.
Suit une pub pour la banque Le Crédit Agricole. Puis une pub pour le jeu vidéo Légende Pokémon Arceus « seulement avec la Nintendo Switch ». On nous parle ensuite du nouveau Multivan de Wolkswagen.
Le cinéma revient avec la bande annonce pour le film asiatique Moneyboys. On comprend qu’il est question d’un jeune homme qui, pour survivre économiquement, devient escort et rencontre d’autres hommes. C’est la honte dans sa famille.
« Tu mérites d’être aimé » lui dit quelqu’un. Le film me paraît bien.
La série Wonderworld nous informe que des femmes et des hommes agissent en toute conscience pour l’avenir de la planète. Cela commence avec le documentaire intitulé L’Arche de Tchernobyl.
« Je gère », une campagne de sensibilisation du Ministère (de la Santé ou de l’Intérieur) nous parle de la prostitution des mineurs. Et nous délivre un numéro de téléphone à faire afin d’obtenir conseil et assistance : le 119.
Juste après vient la bande annonce pour le film français Murder Party avec Eddy Mitchell. L’intrigue me fait penser au remake du film 8 femmes réalisé par François Ozon il y a dix ou quinze ans (en 2002, en fait).
Pour faire passer ça, une pub pour le jeu vidéo Horizon Forbidden West « seulement sur Playstation ». Et une pub pour le parfum Montblanc Legend Red.
Après, une nouvelle bande annonce pour le film Trois fois rien. Une pub pour la chaine Canal Plus « Au cœur de l’émotion » avec plein d’événements sportifs, des cris et des grandes joies (Foot, course automobile, course moto, beaucoup d’hommes, quelques femmes). A nouveau une bande annonce pour un remake de Cyrano mais cette fois avec l’acteur nain devenu sans doute l’acteur nain le plus célèbre du cinéma pour son rôle dans Game of Thrones :
L’acteur Peter Dinklage que j’ai du plaisir à revoir après son rôle de Tyrion Lannister dans Game of Thrones. La subtilité de son jeu fait que, désormais, on le regarde lui au lieu de son nanisme. Quand je pense que je l’avais vu dans un rôle secondaire au cinéma dans le film ça tourne à Manhattan (réalisé en 1995) de Tom DiCillo. A cette époque, je ne pouvais pas imaginer (et lui aussi sans doute) qu’il deviendrait l’acteur qu’il est aujourd’hui. Près de trente ans plus tard !
Une pub où l’on voit une danseuse représenter la joaillerie « Made in France » Gemmyo « jeune et joailler », une bande annonce pour le film français Goliath inspiré de faits réels (avec les acteurs et réalisateurs Gilles Lellouche, Emmanuelle Bercot, Pierre Niney…) et une dernière pub pour des crèmes Hermès Paris clôturent la séance.
Si cette description de la séance d’avant film a semblé fastidieuse à lire avant d’avoir accès à mon compte-rendu proprement dit du film, cela signifie peut-être que l’on gobe régulièrement- et depuis des années- sans s’en rendre compte des quantités d’informations autrement plus imposantes que celles-ci.
Le film The Batman, réalisé par Matt Reeves, à proprement parler, dure 2h56.
Je vais être gentil. Je vais écrire tout de suite que ce film axé sur le personnage de Batman, pour moi, n’est ni le meilleur. Ni le plus mauvais. Comme ça, celles et ceux qui n’en peuvent déjà plus de lire cet article peuvent partir. Pour celles et ceux qui resteront, voici ce que je rajoute.
The Batman débute par une vision floue. Cette vision floue joue avec nos souvenirs de l’histoire du personnage de Batman. On entend un air classique : L’Avé Maria. Et une respiration étouffée. On comprend ensuite qu’une maison bourgeoise, gardée par un policier paisible, est observée. Dans cette maison, un enfant déguisé joue avec une épée. Son père arrive et fait semblant de mourir en tombant lorsque l’enfant, un garçon, le tue avec son épée. C’est une scène familiale heureuse. Le bonheur familial qui, on le sait, va disparaître brutalement. Puisque c’est le jour d’Halloween. « Un Halloween maussade et joyeux ».
On entend ensuite la voix, forcément grave, de celui qui est Batman. Parce qu’une voix grave, c’est ce qui fait le mieux penser, dans un certain imaginaire, à une voix d’outre-tombe. Au même titre que la nuit est ce qui se rapproche aussi le plus de la mort. Nous apprenons donc que The Batman, joué par l’acteur Robert Pattinson,erre telle une âme tourmentée depuis « deux années », la nuit. Il se démène contre le crime. Mais il n’est qu’un homme et, à ce titre, n’a pas le pouvoir d’ubiquité des divinités.
Le crime a pris racine et est tentaculaire dans Gotham. Il se reproduit sans cesse. Batman, homme sans descendance, donc peut-être stérile, est attaché à cette ville qu’il ne peut quitter et dont la fertilité s’exprime par les pluies poissonneuses du crime. Mais seul Batman semble souffrir le plus de cette relation sans retour et assez sado-maso. Même s’il est celui qui cogne le plus fort, Batman souffre davantage que ceux qu’il combat et corrige.
Les malfrats sont comme des poissons dans l’eau dans cette ville croupie. Et les simples citoyens acceptent leur rôle de croupiers et de victimes. Mais il y a pire.
Il pleut beaucoup dans The Batman et il fait souvent assez sombre. Pour le réaliser, on dirait que Matt Reeves a au moins révisé « son » Seven, la trilogie Blade avec l’acteur Wesley Snipes, « son » Dark Vador, son Matrix ou son The Crow.
L’acteur Robert Pattinson dans le rôle de Batman.
Je ne peux pas dire que Robert Pattinson soit ridicule dans le rôle. Mais on dirait qu’il a forcé sur l’écran total pour avoir cette pâleur de teint. Et puis, il y a comme une continuité, malgré lui, à moins que ce ne soit souhaité, entre son rôle de vampire qui l’a fait connaître dans Twilight et ce rôle de chauve-souris humaine. Surtout si l’on se rappelle que le personnage de Dracula a aussi à voir avec la chauve-souris.
On peut par instants trouver au visage de Bruce Wayne, lorsqu’il retire son masque de Batman, des reflets du Joker. Sauf que le jeu de Pattinson le laisse plutôt sur la ligne du héros « pur », faussement frêle et assez romantique qu’il incarnait dans Twilight. On peut aussi trouver à son côté grand enfant reclus et perdu dans son grand manoir des allures de Michaël Jackson.
« Je suis la vengeance » répond Batman à quelques voyous qu’il vient rosser. Il y a des phrases bien choisies dans ce film. Des scènes très bien réalisées. Une ville dont les élites sont à la fois si gangrénées par la corruption mais aussi par l’impuissance et le désespoir qu’elles font de Batman un homme de Foi religieuse. Et, je crois que je n’avais jamais regardé le personnage de cette façon. Culpabilité, vengeance, rédemption.
J’ai « aimé » voir ces élites défoncées. Et l’une d’elle se confesser à Batman : Le proc, qui semble être l’anagramme du porc « révélé » par le mouvement #MeToo.
Lorsque j’écris que j’ai « aimé » : je veux dire que j’ai aimé ce passage où ces élites puissantes majoritairement blanches et masculines se révèlent nues, simples, seules, désarmées mais pas sans âme au « club dans le club », sursis-purgatoire entre la comédie des apparences à la surface, et la dernière marche vers le trépas. Dans Gotham, les Puissants sont finalement des morts vivants.
J’ai aussi cru apercevoir dans l’image du père assassiné de Bruce Wayne/ Batman l’assassinat du Président John F.Kennedy dont une partie de l’Amérique ne s’est visiblement pas toujours remise un demi-siècle plus tard. Bien que JFK ait été moins vertueux qu’il ne l’ait montré.
Robert Pattinson/ Batman face à Zoe Kravitz/Catwoman
Par contre, l’histoire d’amour platonique, car il faut bien une histoire impossible, entre Catwoman et Batman, ne passe pas. Ni l’éternelle course poursuite en voiture que j’ai trouvée mortellement longue. La Catwoman jouée par Zoe Kravitz m’a donné envie que l’on ressuscite celle jouée par Michelle Pfeiffer. Où sont passées les 7 ou 9 vies de Catwoman ? Je n’en vois que deux dans le film.
Je me demande la raison pour laquelle Zoe Kravitz a été choisie pour ce rôle. J’ai plus vu en elle une actrice-mannequin faisant onduler sa voix et ses hanches pour faire « bien » lors de certaines partitions du film. Elle fait son travail mais je l’oublierai rapidement dans ce rôle. Je lui préfère Michelle Pfeiffer, donc. Ou Carrie-Anne Moss, la Trinity de Matrix. Car il semble que Zoe Kravitz ait essayé de réaliser un peu la synthèse des deux.
The Batman est aussi un film où il y a de gros roulements de tambour lorsqu’il s’agit d’entourer de musique certaines scènes.
Mais le plus frustrant, pour moi, nous reparlons de la frustration, est que je m’attendais à un Batman plus rude. Nous avons déjà vu un Batman plus rude au cinéma. Mais je confonds peut-être avec la figure de Rorschach dans l’adaptation cinématographique de The Watchmen… (2009).
Même le James Bond incarné par Daniel Craig dans Casino Royale ( 2006) est plus rugueux. Deux films qui ont plus de dix ans.
« Plus sombre et plus cinglé », ce The Batman ? Pas tout à fait pour moi.
Bon. Je ne regrette pas d’être allé voir le film. Mais j’aurais aimé plus. Mieux. Même s’il y a eu un gros et très bon travail réalisé pour les décors.
Même s’il y a des symboles forts : une Catwoman noire. Une maire de la ville de Gotham, héroïque et noire. Un Lieutenant de police intègre noir( l’acteur Jeffrey Wright). Même si on se demande comment fait-il, dans une ville aussi pourrie, pour travailler à visage découvert nuit et jour sans jamais se faire menacer de mort ? Mais, aussi, quand trouve-t’il le temps de dormir et, éventuellement, d’avoir une vie de famille ou de couple. Il encaisse aussi particulièrement bien – même pas une facture de la mâchoire- le crochet de pierre que lui assène Batman.
Peut-être que la faiblesse de ce film est de servir des situations entendues, d’une part, et, d’autre part, de ne pas avoir réussi à donner le tournis avec d’autres qui auraient pu faire la différence. Je pense par exemple à ce moment où Batman se réveille dans le commissariat de Gotham comme s’il était dans une souricière. L’astuce pour s’en sortir fait très « cheap ».
Vous reconnaissez l’acteur Colin Farell, vous, dans le rôle de Oz/ Le Pingouin ?
Autrement, Colin Farrel est méconnaissable et bon. Je ne l’ai pas reconnu. John Turturro est plutôt bon. Paul Dano fait plus que bien même s’il a déjà joué des rôles assez voisins ( Taking Lives-Destins violés ( 2004 ), There will be blood ( 2007).
Pour finir, écouter certains spectateurs après le film, dans la salle, m’a amusé.
« Moi, je trouve que Catwoman, elle joue mal ! J’suis désolé ! » a dit un jeune homme d’une vingtaine d’années, voix grave, cheveux mi-longs, tee-shirt montrant le dessin d’une paire de seins, à trois jeunes femmes avec lesquelles il se trouvait.
Plus tard, en sortant de la salle, le même a poursuivi :
« J’aurais voulu que ce soit un vrai fils de pute ! » ; « En fait, il y a pas de nuances ! ».
Peut-être que ce jeune homme, tout comme le jeune vendeur de journaux plus tôt, à propos du Président Vladimir Poutine, a-t’il été le plus juste, finalement, avec ses mots très simples ?
Dans le métro qui m’a ramené à la gare St Lazare, j’ai entendu un homme expliquer à un autre qu’avec les « 14 jours de rétraction » après obtention d’un crédit, cela laissait un mois aux banques afin de placer l’argent et de percevoir des intérêts. Là, aussi, c’étaient des mots très simples et très justes.
En rentrant chez moi, personne n’a essayé de profiter de moi alors que je quittais la gare en passant la porte de validation. Peut-être Saint Batman me protège-t’il.